M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. N’étant ni médecin, comme M. Savary, ni membre de la commission des affaires sociales, aux corapporteurs et au président de laquelle je fais confiance, je livrerai un témoignage de simple observateur.
Il me semble que les auteurs de l’amendement veulent surtout mettre l’accent sur la nécessité d’accompagner les personnes en perte d’autonomie, notamment celles qui sont atteintes de la maladie d’Alzheimer, et sur le rôle très important joué dans l’ombre par les aidants, qu’il convient de reconnaître et de soutenir.
De fait, nombre de personnes ne perçoivent pas, de l’extérieur, les aspects humains de ces situations. Ces aspects humains, Mme la secrétaire d’État a bien fait ressortir la nécessité de les prendre en compte avant tout. Si un encadrement trop contraignant peut être source de problèmes, raison pour laquelle je ne voterai pas le présent amendement, je considère qu’il est essentiel de garder à l’esprit ces aspects humains, et en particulier d’aider les aidants, qui ont un très grand mérite.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Monsieur Savary, l’intention des auteurs de cet amendement n’est nullement de contraindre le travail des médecins généralistes ; nous nous sommes placés surtout du côté des aidants et du point de vue de la prévention. J’ajoute que le ton que vous avez employé n’est pas celui qui a présidé à nos débats d’hier, dont je souhaite qu’il soit maintenu tout au long de la discussion du projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’appuie le propos de Mme Meunier. L’amendement n° 77 concerne l’équipe médico-sociale, qui, dans le cadre de l’accompagnement de la personne en perte d’autonomie, pourrait prendre en compte également la situation de la personne aidante, notamment en lui conseillant de consulter son médecin traitant. Nul ne reproche aux médecins de mal faire leur travail ! En tout cas, ce n’est certainement pas l’esprit dans lequel Mme Gillot a déposé cet amendement.
Il me semble souhaitable de se préoccuper des personnes aidantes avant que, frappées d’épuisement total, elles n’aient à leur tour besoin de soins. De ce point de vue, cet amendement, qui vise à favoriser la prévention, est plutôt bienvenu. C’est pourquoi les sénateurs de mon groupe le voteront.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ne veux pas gâcher l’ambiance pour les quarante-huit prochaines heures, mais je ne voterai pas cet amendement… En effet, je trouve que la disposition qu’il vise à inscrire dans le projet de loi entre dans des détails qui, franchement, ne sont pas du domaine de la loi.
Que l’on insiste sur la prévention, j’y suis très favorable ; mais elle fait déjà partie des objectifs fixés dans le rapport annexé à l’article 2, qui compte trois cent quarante-sept alinéas, dont un adopté sur mon initiative. Avec autant d’alinéas pour déterminer les objectifs de la politique de l’État, au nombre desquels la prévention figure, je pense qu’il y a ce qu’il faut !
Les socialistes m’ont souvent reproché de défendre des amendements trop bavards ; je trouve que celui-ci mérite le même reproche – mais je m’en tiens là, pour ne pas être moi-même trop bavard…
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je ne comprends pas le dernier argument avancé par notre collègue Desessard. On sait que les proches aidants finissent quelquefois beaucoup plus mal que les personnes qu’elles aident. Le nombre de suicides ou de décès prématurés le montre. On ne peut pas faire comme si cette situation n’existait pas !
Nous voterons cet amendement qui ne tend qu’à instaurer une mesure de prévention, à créer un déclic ; il n’impose rien. Il me paraît de bonne politique d’encourager l’équipe médico-sociale de conseiller à la personne aidante qui donne des signes de fragilité ou d’épuisement de consulter un médecin.
M. le président. L'amendement n° 254, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le deuxième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Dans ce cas, le plan d’aide mentionné à l’article L. 232-3 est transmis par l’équipe médico-sociale au service prestataire d’aide à domicile choisi par le bénéficiaire. À la réception du plan d’aide, le service élabore un projet d’intervention individualisé tenant compte de celui-ci et du projet de vie du bénéficiaire. » ;
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. L’allocation personnalisée d’autonomie à domicile est calculée en fonction d’un plan d’aide déterminé selon les besoins des allocataires. L’équipe médico-sociale apprécie le degré de perte d’autonomie du demandeur et, sur la base de la grille nationale, évalue les besoins du demandeur et de ses proches. De ce plan d’aide élaboré par l’équipe médico-sociale du conseil général découle un projet de vie du bénéficiaire.
Nous estimons nécessaire d’associer les bénéficiaires de l’APA à l’élaboration de leur projet d’intervention individualisé définissant le contenu de l’intervention de l’aide à domicile. Ce serait un « plus » tout à fait mérité pour nos anciens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Roche, corapporteur. Si les explications de vote sont toujours aussi longues, il faudra avertir les médecins traitants des corapporteurs, qui sont les proches aidants de la loi, car nous risquons de défaillir avant la fin de la semaine… (Sourires.)
Cet amendement prévoit, dans les cas de perte d’autonomie les plus lourds nécessitant l’intervention d’un service prestataire, que le plan d’aide est transmis au service choisi par le bénéficiaire et que le service élabore un projet d’intervention individualisé tenant compte de celui-ci et du projet de vie du bénéficiaire.
L’idée de projet d’intervention individualisé est cohérente avec les principes de la refondation du secteur de l’aide à domicile. La commission a donc émis un avis favorable. J’observe toutefois que cela se fait déjà et continuera à se faire, car il ne saurait en être autrement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. D’un certain point de vue, monsieur le sénateur, votre amendement est déjà satisfait par la pratique, que vient de rappeler M. le corapporteur.
Pour programmer leurs interventions, construire leurs plans d’aide et leurs plannings, les services d’aide à domicile se fondent sur les besoins des usagers, qui ont déjà été établis avec les services médico-sociaux du département. Les plans d’aide sont ainsi définis dans le cadre du contingent d’heures financé par l’APA. Quel intérêt y aurait-il à faire figurer dans la loi une disposition dont on peut se dire soit qu’elle correspond à une pratique existante, soit qu’elle a peu de chance d'être appliquée ?
Même si M. le corapporteur est très rigoureux sur l’utilisation du temps de parole, il me pardonnera une toute petite incidente. La loi prévoit que chaque enfant accueilli par l'ASE, l'aide sociale à l'enfance, doit faire l’objet d’un projet pour l’enfant. Or seuls 10 % des enfants concernés en bénéficient. La loi n’a donc pas abouti, la pratique ne suit pas.
Ici, nous avons cette chance que la situation est inversée : la pratique existe. Il serait donc peu utile d’alourdir la législation et d’adopter une démarche ne s'inscrivant pas dans la simplification des procédures que nous recherchons par ailleurs. Voilà pourquoi, si vous ne considériez pas votre amendement comme satisfait, je devrais émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Le Scouarnec, l'amendement n° 254 est-il maintenu ?
M. Michel Le Scouarnec. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 254 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 74 est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 198 est présenté par Mme Doineau, MM. Cadic et Médevielle, Mme Gatel, MM. Cigolotti et Gabouty, Mme Billon et MM. Longeot et Guerriau.
L'amendement n° 243 rectifié est présenté par MM. Gremillet et Raison.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Le dernier alinéa est supprimé ;
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 74.
M. Jean Desessard. Je tiens préalablement à remercier Mme Catherine di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je lui ai posé hier une question précise au sujet d’une décision contraire aux directives européennes. Tenant parole, elle m'a répondu aujourd'hui même.
J’en viens à l'amendement.
L’alinéa 3 de l’article L. 232-6 du code de l’action sociale et des familles pénalise financièrement la personne âgée qui ferait le choix d’employer directement un aidant en prévoyant une modulation de l’APA. Cette disposition est contradictoire avec le principe fondamental du libre choix de la personne.
L’individu, même en perte d’autonomie, demeure apte à réaliser des choix de vie et à prendre des décisions sur l’accompagnement répondant le mieux à ses intérêts et à ses besoins personnels et familiaux. Permettre à l’individu en situation de dépendance d’exprimer son choix, de donner son consentement, de pouvoir employer directement un salarié et donc d’exercer des responsabilités, c'est donner autant de moyens permettant de parvenir à l’objectif d’inclusion des personnes âgées dans la société.
De plus, cette disposition du code de l’action sociale et des familles ne se justifie plus au regard du développement de la professionnalisation du métier d’assistant de vie. Depuis plus de quinze ans, la professionnalisation des emplois au service de la famille, notamment dans le cadre de l’accompagnement des particuliers employeurs en perte d’autonomie, s’est considérablement consolidée et améliorée. Elle garantit désormais un niveau de compétences et d’expertise homogène des salariés de toute la filière. Il est donc inutile de prévoir des pénalités financières dans le cadre d’un emploi direct par le bénéficiaire.
Le présent amendement a ainsi pour objectif de supprimer la disposition qui taxe les personnes employant directement des aidants.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l'amendement n° 198.
M. Jean-François Longeot. Je tiens à rappeler que 1,3 million de particuliers employeurs ont plus de soixante ans et que l’emploi à domicile constitue l’une des réponses au vieillissement de la population. Aussi convient-il de lever les verrous pesant sur le libre choix des personnes à être accompagnées comme elles le souhaitent.
Or le code de l’action sociale et des familles prévoit que la participation du bénéficiaire de l’APA est majorée de 10 % lorsque ce dernier recourt à l’emploi direct. Cependant, cette disposition n’est pas appliquée, faute d’arrêté. Pourquoi maintenir une telle disposition qui nie, par ailleurs, le principe fondamental du libre choix et du respect du projet de vie consacré par l’article 19 du projet de loi ?
L’objectif de cet amendement est donc double : simplifier notre droit en supprimant une disposition qui n’est pas appliquée et faire en sorte que les personnes âgées qui feraient le choix de recourir à l’emploi direct ne subissent aucune pénalité.
Cet amendement s’inscrit dans l’esprit du projet de loi, qui consacre le principe du respect du projet de vie. Il vise à adopter une vision plus pragmatique et plus au fait des réalités vécues par nombre de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l'amendement n° 243 rectifié.
M. Daniel Gremillet. Je rejoins les propos tenus par MM. Desessard et Longeot : il s’agit de laisser la liberté de choix aux personnes concernées de recourir à une organisation ou d’employer directement une aide à domicile.
Le bien-être à domicile est une réponse absolument magnifique au vieillissement. C’est d’ailleurs l’objet du projet de loi. D’un point de vue économique, le libre choix constitue également un élément extrêmement important.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par Mmes Meunier, Bricq, Campion, Claireaux, Emery-Dumas, Génisson et Schillinger, MM. Bérit-Débat, Caffet, Daudigny, Durain, Godefroy, Haut, Jeansannetas, Tourenne, Vergoz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au dernier alinéa, les mots : « suivant l’expérience et le niveau de qualification de la tierce personne » sont supprimés ;
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement relève de la même philosophie que les trois amendements identiques précédents : il repose essentiellement sur la question du libre arbitre de la personne, même très dépendante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Roche, corapporteur. Les amendements identiques nos 74, 198 et 243 rectifié ainsi que l’amendement n° 20 visent à supprimer des dispositions du code de l’action sociale et des familles prévoyant que le montant de l’APA est modulé en fonction du degré de qualification des intervenants au domicile.
Certes, ces dispositions peuvent être interprétées comme défavorables aux interventions de gré à gré. Cependant, les supprimer empêcherait toute possibilité d’augmenter le niveau de l’aide lorsque les intervenants ou les services ont fait des efforts de formation, que tous les départements poursuivent. Être aide à domicile, c'est être auxiliaire de vie, c'est pour ainsi dire prodiguer des soins. Cela n’a rien à voir avec une aide-ménagère !
Ces quatre amendements sont contradictoires avec l’objectif que nous partageons de professionnalisation du secteur de l’aide à domicile. La commission a donc émis un avis très défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je souscris aux arguments pratiques et de bon sens de la commission.
Mieux rémunérer les gens qualifiés, c’est inciter les employeurs à former leurs salariés. Or c'est en jouant sur la tarification que les conseils généraux peuvent avoir une politique de formation et de qualification dans les services d’aide à domicile. Il est normal que le salaire ne soit pas le même pour une AVS, une auxiliaire de vie sociale, qui est une aide diplômée, et pour une aide à domicile. D’une façon générale, nous considérons que la formation et la qualification doivent être financièrement valorisées.
En supprimant cette possibilité, vous ne rendriez pas service aux salariés de l’aide à domicile. En outre, je ne vois pas très bien où se situe le libre choix pour les bénéficiaires. Pour ce qui les concerne, il est préférable que les employeurs des services d’aide à domicile forment mieux leurs salariés.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces quatre amendements, dont les conséquences ne seraient probablement pas souhaitées par leurs auteurs.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. J’ai connu de nombreux cas où la personne âgée, lorsqu’elle devient dépendante, doit licencier la personne qui l’a aidée durant de nombreuses années. Or des liens autres qu’employeur-employé ont parfois été tissés entre elles. La situation est encore plus sensible lorsqu’un membre d’un couple aidé disparaît : ces liens revêtent alors une importance toute particulière pour le conjoint survivant.
C'est bien la pénalisation en cause qui aboutit au licenciement d’une personne que l’on connaît depuis un certain temps – pour recourir, certes, à un service mieux organisé et reposant sur des personnes mieux formées. Compte tenu du coût supplémentaire que représente cette charge pour les conseils généraux, je crains que, à l’instar de ce à quoi l’on a assisté avec les forfaits APA, le nombre d’heures effectuées ne se réduise à mesure qu’augmente le coût unitaire de ces dernières.
Laissons libres les personnes de s’organiser comme elles l’entendent, notamment en milieu rural, où l’on rencontre un certain nombre de difficultés. Le dispositif en vigueur présente l’avantage de permettre de mener des actions de prévention, quand bien même elles ne sont pas parfaitement cadrées. C’est la raison pour laquelle je voterai les trois amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 74, 198 et 243 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 20 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 160, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 27, première phrase, et alinéa 28
Supprimer les mots :
Après accord du bénéficiaire,
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. La commission a conditionné à l’accord du bénéficiaire le versement direct de l’APA aux services d’aide à domicile ainsi qu’aux personnes ou aux organismes qui fournissent les aides techniques, réalisent l’aménagement du logement ou assurent l’accueil temporaire ou le répit à domicile.
Le versement direct de l’APA aux services d’aide à domicile permet aux départements qui l’ont mis en place une meilleure maîtrise des dépenses, qui est liée au fait notamment que certaines personnes âgées n’utilisent pas toute l’aide qui leur a été attribuée. Les sommes ainsi économisées peuvent être redéployées vers d’autres bénéficiaires pour mieux répondre à leurs besoins. En outre, le fonctionnement de ces services n’en est que plus efficace.
L’exigence d’un accord préalable du bénéficiaire au principe du versement direct à la structure est un frein à l’utilisation de ce dispositif. Pour les services d’aide à domicile, il signifierait par ailleurs de gérer des circuits administratifs au cas par cas, ce qui serait générateur de coûts.
En fait, je ne vois pas tellement l’intérêt de cette disposition pour le bénéficiaire. Le fait que le département verse directement les salaires aux services d’aide à domicile ne porte nullement atteinte au libre choix des intervenants à domicile. C’est au contraire une façon de procéder remarquablement simple.
Ce système de tiers payant marche tellement bien que nous sommes en train de l’expérimenter pour les assistantes maternelles. Ainsi, ce sera la caisse d’allocations familiales qui leur versera directement leur salaire afin d’éviter d’imposer aux familles utilisatrices de faire l’avance des frais.
Quand des systèmes marchent bien, facilitent la vie des bénéficiaires de ces prestations, de ceux qui les servent et le travail des départements, je ne vois pas trop l’intérêt d’y apporter des modifications, de surcroît si celles-ci n’offrent pas une liberté supplémentaire aux usagers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Roche, corapporteur. Nous ne supprimons pas la possibilité – bien pratique – que l’APA soit versée directement au service d’aide à domicile ou à l’établissement qui en bénéficie ; nous demandons que le bénéficiaire en soit averti. Pourquoi ? Parce que l’APA est une allocation personnalisée. Il est donc bon que le bénéficiaire en connaisse le montant : cela le responsabilise et il prend ainsi conscience de l’effort – auquel contribue le département à hauteur de 70 % – que fait la collectivité en sa faveur. Cette transparence est utile, c’est du bon sens et c’est même un devoir de citoyenneté.
Je le répète, il n’est pas question de supprimer la possibilité de versement direct de l’allocation à l’association ou au prestataire de services.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je suis entièrement d’accord avec les arguments de M. le corapporteur. Que le bénéficiaire de l’allocation soit informé et qu’il autorise les services d’aide à percevoir directement l’APA, c’est tout à fait normal ! Depuis le début de l’examen du texte, on cherche à rendre leur dignité aux personnes âgées, à promouvoir la citoyenneté, et là, d’un seul coup, de façon autoritaire, on priverait la personne de la possibilité d’indiquer son choix ! Je ne comprends pas la logique qui sous-tend cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. À mon tour de ne pas comprendre : informer et demander l’autorisation, ce n’est pas la même chose !
M. Jean Desessard. Justement !
M. Pierre-Yves Collombat. En quoi la mesure de simplification consistant à verser directement l’allocation au prestataire – après éventuellement en avoir informé son bénéficiaire – serait-elle rédhibitoire ? D’autant que cela n’a aucune influence sur le choix de la personne ainsi rémunérée.
Si l’on passe son temps à délibérer sur ce genre de problème, je crains que nous ne soyons retenus un certain temps…
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Le sujet étant important, je veux être certaine que nous parlons bien de la même chose.
L’information de l’allocataire est prévue par la loi. Or, présentement, nous discutons non pas de l’information de l’allocataire, mais de la nécessité de recueillir son accord.
Dans nos réflexions sur l’organisation des politiques sociales décentralisées, nous nous demandons fréquemment si les décisions que nous prenons ne vont pas avoir pour conséquence d’alourdir le travail des départements et des structures qui travaillent à leur service, de complexifier leur tâche.
Que les gens soient informés, c’est normal ! Mais de là à ce qu’on leur envoie un courrier pour solliciter leur accord une fois le plan d’aide finalisé… Je le rappelle, il s’agit là de personnes qui, pour certaines, sont en perte d’autonomie et ne répondent pas toujours immédiatement à leur courrier. Elles se demanderont sans doute pourquoi elles sont sollicitées. Et à défaut d’accord, que se passera-t-il ? Du moment qu’elles sont informées, leurs droits sont respectés.
En présentant cet amendement, non seulement le Gouvernement est respectueux des droits des personnes, mais encore il montre qu’il est attentif aux charges pesant sur les départements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L’important, c’est d’informer et non pas de demander l’accord. Aussi, pourquoi ne pas écrire tout simplement que la prestation pourra être versée au service d’aide à domicile après que le bénéficiaire en aura été informé ? Ce serait la solution.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, corapporteur.
M. Gérard Roche, corapporteur. On est bien obligé de demander l’accord, car certaines personnes – certes peu nombreuses – engagent des recours contre les conseils généraux, considérant que l’allocation qu’elles perçoivent ne correspond ni à leur demande ni à leur état. L’allocation étant personnalisée, c’est par dérogation que celle-ci peut être versée directement aux prestataires de services.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Nous sommes en plein débat sémantique : à quoi sert-il d’informer l’allocataire si celui-ci n’a pas la possibilité de refuser le versement direct de ce à quoi il a droit au service d’aide à domicile ? Dans ce cas, l’information est de pure forme.
Il est inutile de s’étendre trop longuement sur ce point, mais à l’aide d’un coupon détachable ou grâce aux outils informatiques et de communication dont disposent maintenant les usagers ainsi que les prestataires du conseil général – le département du Loiret a lui-même mis en place un système très performant –, il me semble très simple de savoir si la personne accepte ou non que l’APA soit versée directement au service d’aide à domicile.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. M. Cardoux m’a enlevé les mots de la bouche : à quoi sert une information en l’absence de toute possibilité de refus ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ou d’acceptation !
Mme Annie David. Ou d’acceptation, en effet !
Il faut au moins que la personne ait le droit d’accepter ou de refuser. Je suis d’accord avec M. le corapporteur : s’agissant d’une prestation personnalisée, il me semble important que le versement direct de celle-ci à un tiers soit conditionné à l’accord de l’allocataire. Par conséquent, nous ne voterons pas l’amendement du Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 96, présenté par M. Kern, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 30
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Toute personne employée par contrat de travail ou par chèque emploi service universel par un particulier employeur dans le cadre des plans d'aide définis aux articles L. 232-3 et L. 245-2 du code de l'action sociale et des familles doit être autorisée par le président du conseil départemental dans des conditions définies par décret.
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Le présent amendement vise à favoriser une offre de services de qualité auprès des bénéficiaires de l’APA ou de la PCH. En effet, nombre de ces personnes font appel aux services d’un salarié qu’ils emploient directement.
Par souci de sécurité pour les bénéficiaires de l’APA ou de la PCH, souvent en situation de fragilité, et pour s’assurer que le service est adapté à leurs besoins réels, cet amendement vise à ce que tout salarié intervenant chez une personne touchant l’APA ou la PCH dispose préalablement d’une autorisation du président du conseil départemental, dans des conditions définies par décret. Cette procédure permettra de préciser les objectifs de qualification et de formation professionnelles au regard des publics accompagnés par l’intervenant à domicile salarié, la nature des liens de coordination avec les autres organismes à caractère social, médico-social ou sanitaire et les critères d’évaluation des actions conduites par l’intervenant à domicile salarié par le bénéficiaire de l’APA ou de la PCH.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Roche, corapporteur. Cet amendement, déjà rejeté par la commission des affaires sociales, pose problème. En effet, il vise à créer une obligation d’autorisation auprès du conseil général des personnes en emploi direct chez un bénéficiaire de l’APA ou de la PCH. Or le mot « autorisation » – nous le verrons à l’article 32 bis – a un sens lourd de conséquences.
Faire peser cette nouvelle charge sur les conseils généraux et sur les intervenants n’apparaît pas opportun. Ces derniers ne peuvent être placés sur le même plan que des services d’aide à domicile. On peut comprendre l’objectif d’assurer la qualité des interventions réalisées, mais la solution proposée n’est pas adaptée. C’est pourquoi, j’en suis désolé, la commission a émis un avis défavorable.