Sommaire
Présidence de M. Jean-Pierre Caffet
Secrétaires :
M. Christian Cambon, Mme Colette Mélot.
2. Démission et remplacement d’un sénateur
4. Communication du Conseil constitutionnel
5. Organismes extraparlementaires
7. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de trois projets de loi
8. Candidature à une commission
9. Décisions du Conseil constitutionnel relatives à deux questions prioritaires de constitutionnalité
10. Communication du Conseil constitutionnel
11. Croissance, activité et égalité des chances économiques.– Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 65 de Mme Éliane Assassi. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 1666 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1769 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
Amendement n° 161 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Amendement n° 162 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Amendement n° 1204 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 890 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 1201 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1203 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1796 du Gouvernement. – Après une demande de priorité par le Gouvernement, adoption.
Amendement n° 411 rectifié de M. Philippe Dominati. – Devenu sans objet.
Amendement n° 412 rectifié de M. Philippe Dominati. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1206 de Mme Éliane Assassi. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 72 (priorité)
Amendement n° 705 de M. Roger Karoutchi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 1216 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 69 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 707 de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 97 rectifié ter de M. Michel Raison. – Retrait.
Amendement n° 96 rectifié ter de M. Michel Raison. – Retrait.
Amendement n° 1770 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 1771 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1228 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 95 rectifié quinquies de M. Michel Raison. – Retrait.
Amendement n° 1602 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 164 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Amendement n° 1227 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 615 de Mme Nicole Bricq. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 1440 rectifié bis de M. Jean-Marc Gabouty. – Rejet.
Amendement n° 942 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Amendement n° 165 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Amendement n° 1229 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 739 rectifié bis de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
Amendement n° 108 rectifié bis de Mme Isabelle Debré. – Retrait.
Amendement n° 970 rectifié ter de M. David Assouline. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
Amendement n° 1231 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1232 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1644 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 1233 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1786 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 617 de Mme Nicole Bricq. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 1772 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 1773 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 709 de M. Roger Karoutchi. – Rejet.
Amendement n° 712 de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 711 de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 710 de M. Roger Karoutchi. – Rejet.
Amendement n° 713 de M. Roger Karoutchi. – Rejet.
Amendement n° 1235 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 911 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 406 rectifié de M. Philippe Dominati. – Adoption.
Amendement n° 407 rectifié de M. Philippe Dominati. – Adoption.
Amendement n° 1774 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 618 de Mme Nicole Bricq. – Rejet par scrutin public.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 80 (priorité)
Amendement n° 815 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty. – Retrait.
Amendement n° 1239 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 816 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty. – Retrait.
Amendement n° 1238 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 814 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty. – Rejet.
Article 80 bis A (supprimé) (priorité)
Amendement n° 1237 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 619 de Mme Nicole Bricq. – Rejet par scrutin public.
L’article demeure supprimé.
Article 80 bis B (priorité) – Adoption.
Article 80 bis (priorité) – Adoption.
Amendement n° 1240 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 375 de M. Pierre Charon. – Adoption.
Amendement n° 895 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 894 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 896 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 1241 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1242 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 687 rectifié bis de M. Hervé Marseille. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 81 (priorité)
Amendement n° 686 rectifié bis de M. Hervé Marseille. – Rejet.
Amendement n° 1243 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 683 rectifié bis de M. Hervé Marseille. – Retrait.
Amendement n° 685 rectifié bis de M. Hervé Marseille. – Adoption.
Amendement n° 1244 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 684 rectifié bis de M. Hervé Marseille. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article 81 ter (supprimé) (priorité)
Amendement n° 620 de Mme Nicole Bricq. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 1246 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 621 de Mme Nicole Bricq. – Rejet par scrutin public.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 82 (priorité)
Amendement n° 114 rectifié ter de M. Hervé Marseille. – Retrait.
Article 82 bis (supprimé) (priorité)
Renvoi de la suite de la discussion.
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
Secrétaires :
M. Christian Cambon,
Mme Colette Mélot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le procès-verbal de la séance du vendredi 17 avril 2015 a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Démission et remplacement d’un sénateur
M. le président. M. le président du Sénat a reçu une lettre de M. Jean-René Lecerf, par laquelle celui-ci s’est démis de son mandat de sénateur du Nord, à compter du mardi 21 avril 2015, à minuit.
En application de l’article L.O. 320 du code électoral, il est remplacé par M. Patrick Masclet, dont le mandat de sénateur du Nord a commencé le mercredi 22 avril 2015, à zéro heure.
Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue.
3
Élection de deux sénateurs
M. le président. En application de l’article 32 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre de l’intérieur une communication de laquelle il résulte que, à la suite des opérations électorales du dimanche 3 mai 2015, M. Nuihau Laurey et Mme Lana Tetuanui ont été proclamés élus sénateurs de Polynésie française.
Au nom du Sénat tout entier, je leur souhaite la plus cordiale bienvenue.
4
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. Par lettre en date du 22 avril 2015, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat une décision rendue le même jour, par laquelle le Conseil constitutionnel a rejeté une requête concernant les opérations électorales auxquelles il a été procédé, le 28 septembre 2014, pour l’élection d’un sénateur dans le département du Territoire de Belfort.
Acte est donné de cette communication.
5
Organismes extraparlementaires
M. le président. M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom de sénateurs appelés à siéger au sein :
- du Conseil supérieur de l’énergie ; conformément à l’article 9 du règlement, la commission des affaires économiques a été invitée à présenter un candidat ;
- de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, comme membre titulaire ; la commission des finances a été invitée à présenter un candidat ;
- du Conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, en remplacement de M. Alain Milon ; la commission des affaires sociales a été invitée à présenter un candidat.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
6
Dépôt d’un rapport
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales et à la commission des finances.
7
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de trois projets de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen :
- du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 22 avril 2015 ;
- du projet de loi relatif à la modernisation du droit de l’outre-mer, déposé sur le bureau du Sénat le 29 avril 2015 ;
- et du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique sur l’indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis la France, non couvertes par des programmes français, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 8 avril 2015.
8
Candidature à une commission
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Jean-René Lecerf, démissionnaire de son mandat de sénateur.
Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
9
Décisions du Conseil constitutionnel relatives à deux questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 24 avril 2015, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
- la mise en mouvement de l’action publique en cas d’infraction militaire en temps de paix (n° 2015-461 QPC) ;
- et la composition de la formation restreinte du conseil académique (n° 2015-465 QPC).
Acte est donné de ces communications.
10
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 30 avril 2015, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État avait adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 208 C du code général des impôts (impôts sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales, 2015-474 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
11
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission spéciale.
À la demande de la commission spéciale, nous allons examiner par priorité, au sein du chapitre Ier du titre III, les articles 71 à 82 bis relatifs aux exceptions au repos dominical et en soirée.
TITRE III
Travailler
Chapitre Ier
Exceptions au repos dominical et en soirée
Article 71 (priorité)
(Non modifié)
I. – L’intitulé du paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi rédigé : « Autres dérogations au repos dominical ».
II. – L’article L. 3132-21 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 3132-21. – Les autorisations prévues à l’article L. 3132-20 sont accordées pour une durée qui ne peut excéder trois ans, après avis du conseil municipal et, le cas échéant, de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre, de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre de métiers et de l’artisanat, ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées de la commune.
« En cas d’urgence dûment justifiée et lorsque le nombre de dimanches pour lesquels l’autorisation prévue à l’article L. 3132-20 n’excède pas trois, les avis préalables mentionnés au premier alinéa du présent article ne sont pas requis. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons les dispositions du chapitre Ier du titre III du présent projet de loi, qui portent sur les « exceptions au repos dominical et en soirée ».
Depuis 1906 et la loi Sarrien, une loi républicaine, humaniste et laïque sur le repos dominical, de nombreuses modifications ont été apportées à ce droit, souvent de manière peu ordonnée, du reste, jusqu’à la loi de 2009, dite « loi Mallié », dont chacun ici a connaissance.
Ainsi, cohabitent actuellement, comme l’ont souligné les auteurs du rapport de la commission spéciale, des dérogations permanentes, lesquelles sont de droit, des dérogations conventionnelles, prises sur la base d’un accord d’entreprise, et des dérogations temporaires, accordées par le préfet ou le maire.
Néanmoins, les sénateurs communistes affirment que l’objectif visé reste d’actualité : garantir aux salariés et aux travailleurs le droit au repos et à la famille. L’enjeu est non pas de faire du dimanche un jour de repos en tant que tel, mais bien de garantir à tous nos concitoyens le droit de jouir d’un même jour chômé par semaine.
C’est pour nous, de même que pour une grande majorité des salariés, qui reste opposée au travail du dimanche, la garantie d’un temps commun pour soi, pour ses proches, pour la vie sociale, culturelle et sportive. Ce droit au repos dominical est d’ailleurs l’un des marqueurs de notre société, le dimanche étant devenu au fil du XXe siècle la journée consacrée à la famille, ainsi qu’à l’exercice des pratiques culturelles, sportives, touristiques et cultuelles.
Notre collègue Patricia Schillinger n’hésitait pas à dire, en 2011, lors de l’examen de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical déposée par le groupe CRC, et d’ailleurs adoptée par la Haute Assemblée, que « le travail du dimanche conduit à un délitement des liens humains et à une perte des valeurs, au seul bénéfice de la recherche du profit. » Elle ajoutait « qu’il ne représente en aucune façon une solution pour relancer la consommation » et qu’« il ne fait que fragiliser les petits commerces de proximité au profit des grandes surfaces ».
Pour autant, le principe du repos dominical a toujours été assorti de dérogations, je l’ai dit, qui se justifient soit par la nécessité d’assurer la continuité de nos services publics, soit par les contraintes techniques de certains secteurs industriels, qui doivent fonctionner en continu, soit pour répondre aux besoins de la clientèle, ainsi que le font certains des commerces de proximité.
À ce sujet, je précise bien qu’il n’a jamais été question pour nous de revenir sur ces dérogations, puisque, portant atteinte à la vie de ces salariés, à leur famille et à leur santé, elles sont strictement encadrées par le code du travail. Or cet encadrement permet de moins en moins aux salariés de profiter de contreparties en rapport avec leurs astreintes.
De plus, la loi Mallié a introduit des inégalités dans l’application de ces dérogations, en fonction de la zone dans laquelle travaillent les salariés concernés. Dès lors, ces salariés n’ont, de fait, pas les mêmes droits : selon qu’ils travaillent en zone touristique ou dans un périmètre d’usage de consommation exceptionnel, ou PUCE, leurs droits, ainsi que leurs compensations, sont différents. En zone touristique par exemple, les salariés ne peuvent prétendre ni au volontariat ni aux contreparties financières.
Du reste, même au sein d’un PUCE, les salariés sont soumis à des inégalités de traitement. En effet, si la loi Mallié a prévu des contreparties légales, celles-ci peuvent être inférieures à la loi en cas d’accord collectif.
Par les amendements que nous défendrons au cours de l’examen du présent chapitre, nous vous proposerons, mes chers collègues, de remédier à cette inégalité, sans pour autant renoncer aux valeurs qui nous sont chères, notamment le maintien du droit au repos dominical.
Nous ne pouvons vous suivre, monsieur le ministre, lorsque vous prétendez que ces dispositions reviennent justement sur les inégalités issues de la loi Mallié. Sur le fond, en effet, les arguments énoncés en 2011 restent criants de vérité.
Nous souhaitons non seulement « assurer une protection équivalente aux salariés employés dans ces deux catégories d’établissement », c’est-à-dire dans un périmètre d’usage de consommation exceptionnel et dans une zone touristique, ainsi que le préconise la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, instance de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, mais également garantir un véritable droit au repos dominical, ainsi qu’il a été voulu à l’origine par le législateur, afin de préserver tant la santé et la vie quotidienne des salariés que les valeurs qui nous sont chères, ici, à gauche de l’hémicycle !
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l’article.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet article, nous abordons le volet du projet de loi consacré à l’élargissement des conditions du recours au travail le dimanche.
Vous le savez, nous sommes opposés à ces dispositions. Nous considérons en effet que le travail du dimanche doit demeurer une exception. Nous ne souhaitons donc pas que plus de salariés travaillent ce jour-là. Je rappelle en effet qu’ils étaient déjà plus de 6,5 millions à le faire en 2011, selon les chiffres de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, et que le travail du dimanche est une mesure dérogatoire au code du travail.
Il y a donc, selon nous, une certaine hypocrisie à affirmer que le travail dominical doit demeurer une exception et à ouvrir dans le même temps cette possibilité à près d’un quart des dimanches de l’année, soit un dimanche par mois, voire à tous les dimanches de l’année et à une partie de la soirée pour les futures zones d’intérêt touristique.
Le repos dominical est un acquis social essentiel, un vecteur de cohésion sociale qui ne peut être mis sur le même plan qu’un hypothétique « droit à consommer » – hypothétique, oui, car il n’a échappé à personne que le pouvoir d’achat de nombre de nos concitoyens est en berne, y compris celui des salariés qui acceptent de travailler le dimanche pour améliorer leur salaire, actuellement très bas. Or ce pouvoir d’achat, nous le savons tous, ne deviendra pas extensible par la seule ouverture des commerces le dimanche !
Pour justifier cette banalisation du travail du dimanche, on argue que les consommateurs seraient en quelque sorte avides de faire les magasins le dimanche, lesquels deviendraient alors un lieu de promenade. On prétend également que les touristes étrangers fortunés seraient empêchés d’arpenter le dimanche les grands magasins du boulevard Haussmann ou les boutiques du boulevard Saint-Germain ou des Champs-Élysées.
On parle peu, en revanche, des salariés qui se verront privés de leur repos dominical. Les rapports des commissions spéciales de l’Assemblée nationale et du Sénat se sont d’ailleurs très peu penchés sur les conséquences de ces dispositions en matière d’organisation sociale et familiale.
Or une note de la DARES sur le travail du dimanche, parue en 2012, le souligne : « Travailler le dimanche va presque toujours de pair avec le travail du samedi, et souvent avec des horaires tardifs ou variables d’une semaine à l’autre ».
Les femmes, très présentes dans le secteur du commerce de détail, secteur où le temps partiel subi est très développé, seront donc particulièrement concernées. Or, nous le savons, les charges des familles monoparentales, lesquelles sont de plus en plus nombreuses – c’est un fait de société –, sont majoritairement assumées par des femmes, qui auront donc des difficultés pour faire garder leurs enfants.
Vous me direz, monsieur le ministre, que votre texte prévoit désormais que « l’accord fixe les contreparties mises en œuvre par l’employeur pour compenser les charges induites par la garde des enfants pour les salariés privés du repos dominical ». Encore faudra-t-il que ces salariés réussissent à trouver un mode de garde ce jour-là, une gageure compte tenu du manque de places de garde en France, singulièrement en Île-de-France.
Je ne partage pas non plus l’optimisme de Mme Anne Perrot, la présidente de la commission d’étude des effets de la loi pour la croissance et l’activité, pour qui – je cite les propos qu’elle a tenus lors de son audition devant la commission spéciale du Sénat – « on peut […] imaginer que cette mesure, contrairement à ce qu’on a beaucoup entendu ici et là, puisse être favorable au travail féminin et aux personnes qui n’ont qu’un emploi à temps partiel, celui-ci pouvant être complété ».
Le travail du dimanche comme remède à la précarité du travail des femmes, admettez, mes chers collègues, que c’est un comble ! Au travail du dimanche, nous préférons, nous, l’égalité salariale et la fin du temps partiel imposé.
Vous le voyez, monsieur le ministre, nous ne partageons pas votre vision idéalisée de ce texte, qui serait selon vous vecteur de progrès. Il revient en effet, au final, à ce que des salariés, employés dans un secteur déjà mal rémunéré et peu considéré, aient pour seul horizon, s’ils veulent voir progresser leur pouvoir d’achat, le travail du dimanche.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l’article.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, nous voici en troisième semaine ! (Sourires.)
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Et en pleine forme !
M. Jean Desessard. Ce n’est pas que je n’ai pas plaisir à discuter avec vous, monsieur le ministre de l’économie, mais on aurait pu penser que les dispositions que nous abordons, relatives au travail le dimanche, seraient examinées avec M. le ministre du travail.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean Desessard. Son absence aujourd'hui signifie qu’une partie importante du problème a été oubliée.
Au travers de ces articles 71 à 82 bis, le projet de loi prévoit de réformer les règles concernant le travail dominical et nocturne.
Concernant le travail dominical, le droit actuel comprend trois types de dispositions qui permettent déjà de déroger à la règle du repos le dimanche.
Je veux parler, tout d’abord, des dérogations permanentes, prévues à l’article R. 3132-5 du code de travail et valables pour les hôtels, les hôpitaux et les entreprises de transport ; cela paraît naturel.
Je songe, ensuite, aux dérogations conventionnelles, lesquelles requièrent un accord collectif, avec une majoration de rémunération d’au moins 50 % ; cela paraît également naturel.
Je pense, enfin, aux dérogations accordées par voie administrative, soit dans le cas des « dimanches du maire », soit dans le cas des PUCE à Paris, Lille et Marseille, soit par autorisation préfectorale.
Le Gouvernement souhaite créer trois nouvelles zones dans lesquelles le travail dominical serait permis sous conditions : les zones touristiques internationales, à Paris, Deauville, Cannes et Nice, bénéficiant d’un afflux de touristes étrangers ; les zones commerciales, remplaçant les PUCE de la loi Mallié et permettant leur généralisation sur le territoire ; les zones touristiques, regroupant les « communes d’intérêt touristique ou thermales » et les « zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente ».
Il prévoit également d’augmenter de cinq à douze le nombre de « dimanches du maire », de fixer la durée des autorisations d’ouverture administratives à trois ans – nous y reviendrons – et d’autoriser l’ouverture toute la journée des commerces dans l’emprise des grandes gares.
En un mot, ce qui nous est proposé ici, c’est la diffusion et la généralisation du travail dominical sur le territoire. À quelle fin ? L’emploi, nous dit-on… On nous promet des milliers d’emplois créés, une « libération » des énergies et plus de « souplesse » – le mot revient souvent, à droite comme à gauche – donnée aux entreprises.
Toutefois, pour qu’il y ait de l’emploi, il faut qu’il y ait de la consommation ! Il faut des gens pour acheter et faire vivre les entreprises. Certes, je peux concevoir que des touristes chinois consomment dans les zones touristiques internationales ou que des touristes russes fassent des emplettes à Nice le dimanche !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Oui ! À Nice ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Pour le reste, si les commerces destinés aux consommateurs français sont désormais ouverts, les personnes qui achèteront un bien le dimanche ne l’achèteront pas en semaine. Il s’agit simplement d’un autre rythme de consommation.
Les écologistes sont pour la réduction du temps de travail. Travailler moins, c’est accorder plus de temps à ses proches ou à sa famille ; c’est avoir plus de temps pour s’occuper de l’éducation de ses enfants, pour s’instruire, pour aider les autres. Généraliser le travail du dimanche, c’est briser ces rythmes de vie communs, qui fondent notre société ! Où sera la vie commune quand les travailleurs récupéreront leurs jours travaillés le dimanche à travers toute la semaine ? Où seront les temps d’échange et de partage dans la famille ?
Vous vous plaignez d’un manque d’éducation au sein de certaines familles. Mais comment les personnes qui travailleront le dimanche pourront-elles éduquer leurs enfants sans les voir ? Soyez logiques ! Vous ne pouvez pas demander une chose et son contraire.
C’est le même esprit qui est à l’œuvre pour le travail nocturne. Aujourd’hui, celui-ci commence à vingt et une heures. Il nous est proposé de repousser le seuil à minuit dans les zones internationales, soit encore trois heures de moins pour soi, sa famille et ses amis !
Au demeurant, et cela a déjà été souligné, le travail de nuit comporte des risques réels et avérés pour la santé des travailleurs : troubles digestifs et déséquilibre nutritionnel, désadaptation et isolement social, risques cardiovasculaires accrus, probabilité plus élevée de cancers, notamment du sein et colorectal, et, chez les femmes enceintes, risque plus élevé de prématurité et fausses couches. Ce n’est pas moi qui le dis ; cela figure sur le site du ministère du travail. D’ailleurs, le ministre concerné n’est pas là, et de telles informations ne figurent naturellement pas sur le site du ministère de l’économie !
À nos yeux, inciter les salariés à se mettre en danger pour leur travail ne constitue pas une réponse satisfaisante au problème du chômage.
Dédier sa vie à la consommation, briser les rythmes partagés de travail et de repos, parfois au mépris de la santé des travailleurs, voilà ce qui nous est proposé dans ce chapitre du projet de loi. C'est pourquoi les écologistes demanderont la suppression de la plupart des articles qui le composent ! (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l'article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nos collègues Annie David, Dominique Watrin et Jean Desessard ont déjà avancé beaucoup d’arguments en défaveur de l’élargissement du travail du dimanche. L’opposition à cet élargissement est une vieille bataille de la gauche, une vieille bataille du monde du travail. Je ne reviens pas sur ces éléments. Simplement, j’en appelle à la fidélité et aux engagements que nous avons pris devant les Français !
Lorsque M. Sarkozy a voulu augmenter le nombre de dimanches travaillés, le parti socialiste, auquel j’appartiens, a réalisé un tract particulièrement explicite.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On pouvait notamment y lire ceci : « Cette décision sera inefficace sur le plan économique, dangereuse pour les salariés et néfaste pour la vie sociale. » Les arguments étaient clairs : « un effet nul sur la croissance », « une fausse liberté pour les salariés », « une décision destructrice d’emplois », « un modèle de société inacceptable » ! Son titre était : « Pour une société plus juste, refusons la généralisation du travail le dimanche. »
Puis, lors des élections de 2012, le candidat François Hollande, interrogé sur ce sujet, avait expliqué qu’il ne voulait en aucune manière élargir le travail du dimanche, reprenant l’argumentaire historique de la gauche et du parti socialiste.
Enfin, le 11 avril dernier, Mme Martine Aubry, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Manuel Valls et l’ensemble des membres du Gouvernement qui militent au parti socialiste ont signé une motion qui porte le beau nom de Renouveau socialiste et dans laquelle on peut lire :
« Troisième exemple : le repos dominical. Nous sommes opposés à une nouvelle extension du travail du dimanche. C’est d’abord un choix de société : la consommation ne peut être l’alpha et l’oméga de nos vies. Le dimanche doit être d’abord un moment du vivre ensemble. C’est une question de protection des salariés les plus fragiles pour lesquels la liberté de choix n’existe pas réellement, de protection des petits commerces qui restent souvent les dernières activités présentes dans les quartiers en difficulté et dans les zones rurales désertifiées. »
Le texte dit bien : « Nous sommes opposés à une nouvelle extension du travail du dimanche. » Cela ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, la loi dont nous discutons aujourd'hui n’est pas votée. Le travail du dimanche est donc régi par la loi actuellement en vigueur, et non par celle que nous sommes en train d’examiner.
Monsieur le ministre de l’économie – j’aurais souhaité que M. le ministre du travail soit présent aussi –, il faut faire preuve de cohérence : dès lors que M. Valls, le Premier ministre, et un grand nombre de membres du Gouvernement ont pris l’engagement de ne pas procéder à une nouvelle extension, êtes-vous prêt à supprimer les articles augmentant le nombre de dimanches travaillés ?
En plus d’être cohérente avec les textes signés par M. Valls, Mme Aubry et tant d’autres, une telle mesure serait, me semble-t-il, attendue par nos concitoyens, par les hommes et les femmes de gauche, et ce serait, effectivement, l’un des leviers du « renouveau socialiste » ! (M. Éric Bocquet applaudit.)
M. David Assouline. C’est bien de se faire applaudir par les communistes quand on évoque le congrès du parti socialiste !
Mme Nicole Bricq. Ça nous change !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 65 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 780 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 65.
Mme Éliane Assassi. Vous l’aurez compris, cet amendement tend à supprimer l’article 71. Nous avons une opposition de principe à cet article, ainsi, évidemment, qu’aux articles suivants.
Monsieur le ministre, votre position consiste à dire que le droit du travail, tel qu’il a été modifié, notamment, par les différents textes de la droite, place les salariés travaillant le dimanche dans les commerces dans des situations inégales. Vous l’avez rappelé, trois situations existent.
Premièrement, pour les salariés qui travaillent dans les établissements bénéficiant d’une dérogation au repos dominical ou dans une commune ou zone touristique, il n’y a pas d’obligation légale de contrepartie.
Deuxièmement, pour les salariés qui travaillent dans des établissements bénéficiant d’une dérogation temporaire accordée par le préfet dans les PUCE ou pour les dérogations au titre du préjudice au public et de l’atteinte au fonctionnement normal de l’établissement, la loi a fixé le minimum d’un doublement de la rémunération et d’un repos compensateur en l’absence d’un accord collectif meilleur.
Troisièmement, pour les salariés qui travaillent l’un des cinq dimanches du maire, la loi fixe le doublement de la rémunération et le repos compensateur en contrepartie.
Vous auriez pu améliorer la situation existante et encadrer le travail dominical en limitant les dérogations existantes et en établissant les contreparties dans la loi, c’est-à-dire une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, à moins qu’un accord collectif ne prévoie des dispositions plus favorables.
Or vous avez préféré généraliser les dérogations au repos dominical en renvoyant uniquement aux accords collectifs, sans contrepartie minimale. Cela a été rappelé, l’ensemble de la gauche sénatoriale avait approuvé notre proposition de loi visant à garantir le droit au repos dominical, qui retenait justement la première option.
Par conséquent, nous demandons la suppression de cet article, qui s’inscrit dans une perspective de libéralisation du travail du dimanche.
M. le président. L’amendement n° 780 n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 65 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. Les auteurs de l’amendement n° 65 estiment que l’article 71 vise à étendre les exceptions au repos dominical et en soirée.
Or cela ne correspond pas à la réalité. L’article 71 introduit au contraire un plafond de durée à trois ans pour les dérogations individuelles au repos dominical accordées par le préfet. Il y aura donc une remise à niveau tous les trois ans. C’est plutôt une amélioration par rapport à la situation actuelle ; cela va dans le sens d’un meilleur contrôle des dérogations.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous reviendrons sur ce sujet article par article, et je répondrai sur tous les points qui ont été soulevés.
Simplement, l’article 71 porte sur une mesure très ponctuelle : les autorisations accordées par le préfet, par exemple pour permettre de procéder à un inventaire le dimanche ou pour ne pas léser un magasin qui serait à la périphérie d’un PUCE. Il s’agit d’organiser ces autorisations et de fixer un plafond de trois ans, alors qu’il n’en existe aucun actuellement. Si l’article était supprimé, comme le réclament les auteurs de l’amendement n° 65, les autorisations préfectorales continueraient à exister, comme c’est le cas aujourd'hui, mais sans limitation de durée.
Je doute que cela soit votre objectif, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC. Je comprends l’opposition qui est la vôtre – vous l’avez d’ailleurs très bien rappelée – à la démarche d’ensemble du texte. Néanmoins, le dispositif en question est plutôt protecteur ; il s’agit d’encadrer les autorisations préfectorales. De surcroît, l’article 71 précise les modalités de consultation des parties intéressées par le préfet.
Je pense donc que la suppression de cet article ne serait même pas conforme à l’esprit de votre opposition générale au texte. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Il ne faut tout de même pas exagérer !
M. Emmanuel Macron, ministre. J’y insiste : l’article 71 concerne simplement l’existant. Il n’en étend pas la portée, mais il précise les modalités de consultation et introduit une limitation dans le temps.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, vous venez d’apporter des éléments de réponse à la question que je comptais vous poser sur les « cas d’urgence » pour lesquels l’autorisation préfectorale serait sollicitée. En l’occurrence, les deux exemples que vous venez de mentionner nous laissent sceptiques.
Nous reconnaissons bien le caractère indispensable des dérogations pour assurer la continuité des missions de service public ou de certaines activités. Toutefois, nous ne pensons pas qu’il soit indispensable ou urgent d’aller acheter du papier peint ou des chaussures, voire des imitations de Tour Eiffel en plastique, le dimanche !
Je voulais également intervenir sur les femmes salariées. Comment les femmes, qui sont majoritaires dans le secteur du commerce et qui élèvent souvent leurs enfants seules, pourront-elles les faire garder le dimanche alors que les crèches, les accueils et les activités encadrées ne fonctionnent pas ? Elles devront faire appel à une assistante maternelle, dont la prise en charge pourra, selon les cas, être assurée par leur employeur. Encore faudra-t-il trouver une personne disponible le dimanche ou en soirée, la rémunérer avec ce qui aura été gagné le dimanche, alors que rien ne garantit le niveau de compensation salariale. Est-ce bien cela que l’on appelle « sécuriser les salariées » ?
En augmentant les possibilités de dérogation au repos dominical, vous mettez en cause un principe fondamental, sur lequel nombre de vos collègues, nombre de parlementaires de votre famille politique, ici présents dans l’hémicycle, s’étaient pourtant engagés – cela vient d’être rappelé – voilà très peu de temps encore !
Aujourd'hui, l’économie prime le social ; les consommateurs priment les salariés. Pourtant, l’Histoire a montré que ces deux notions pouvaient fort bien aller de pair.
Nous n’avons pas la même vision de la société. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 71.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Nos collègues qui se sont exprimés, notamment sur l’article 71, ont fait mention, comme M. Bocquet à l’instant, d’une vision différente de la société.
Mme Éliane Assassi. C’était la vôtre il n’y a pas si longtemps !
Mme Nicole Bricq. Franchement, il me paraît très excessif de parler d’un choix de société ou d’un bouleversement de civilisation. Il faut savoir raison garder ! C’est d'ailleurs notre rôle ici.
L’objet de ce texte n’est pas d’obliger l’ensemble des commerces à ouvrir tous les dimanches. Il n’est pas non plus de contraindre nos concitoyens à faire leurs courses ce jour-là. La France ne va pas se transformer en une vaste zone commerciale. Il convient donc de bien lire le texte, afin de comprendre précisément ce qu’il prévoit.
Certes, dans notre pays le dimanche n’est pas un jour anodin. Le fait de travailler le dimanche induit effectivement pour les personnes concernées une organisation différente. La vie familiale, amicale, sportive, culturelle, ainsi que les loisirs s’en trouvent en quelque sorte différés. C’est un point auquel nous devrons être attentifs au cours de l’examen du texte.
Oui, le fait d’augmenter le nombre potentiel de personnes, notamment de salariés, qui sont amenées à travailler le dimanche n’est pas anodin. La législation se doit donc de prendre en compte notamment la situation des femmes et des familles monoparentales, très souvent dirigées par des femmes, qui sont nombreuses dans les professions du commerce.
Mme Éliane Assassi. Quelles sont vos solutions ?
Mme Nicole Bricq. Il convient également de veiller aux garanties en matière de volontariat et de revenus, qui doivent être préservées.
Deux principes me paraissent essentiels dans cette partie du texte dont l’examen nous mobilisera deux jours et peut-être également deux nuits.
Le premier est le suivant : pas d’accord, pas d’ouverture. Ce point est fondamental. Le dialogue social est un axe important dans le projet du Gouvernement, par branches, par entreprises ou par territoires. Nous, sénateurs, qui assurons la représentation des collectivités territoriales, nous savons pertinemment que le territoire n’est pas uniforme !
M. Michel Bouvard. Très bien !
Mme Nicole Bricq. Le second principe est la prise en compte du zonage, dont il est toujours possible de discuter, car il comporte une part d’arbitraire. Cependant, il importe de reconnaître qu’il existe des zones touristiques internationales et des zones commerciales. Ce projet de loi se situe dans le prolongement du texte Mallié, ne l’oublions pas ! Le Gouvernement ne légifère pas à partir de rien. Il est donc très important de faire attention, en fonction des territoires, à ne pas déséquilibrer les formes de commerce qui existent, en particulier le petit commerce, comme certains l’ont souligné.
Par ailleurs, il convient d’être attentif également aux services publics. Certains d’entre eux pourront être amenés à fonctionner le dimanche. Or nous savons que les agents publics travaillant le dimanche bénéficient souvent de compensations pécuniaires et de temps de repos inférieurs à ce que les accords actuels et à venir permettront d’obtenir dans le privé. Il se peut donc que ces salariés du public revendiquent des avantages similaires.
M. Jean Desessard. Bien sûr !
Mme Nicole Bricq. Mon cher collègue, c’est la vie qui décide, la loi ne fixe pas tout !
Voilà pourquoi le groupe socialiste est opposé à la suppression de cet article 71. Il me semble qu’il est utile de discuter des compensations salariales et des zonages, mais aussi de savoir qui décide et avec qui. De nombreux amendements ont d’ailleurs pour objet de déterminer qui est garant, entre la commune, l’intercommunalité et l’État, de l’équilibre du territoire. Cela mérite que nous en discutions pendant deux jours et deux nuits.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Les écologistes voteront l’amendement présenté par le groupe CRC. Aujourd'hui, il est possible au préfet d’accorder une dérogation pour un temps déterminé. L’article 71 du projet de loi prévoit de fixer ce délai à trois ans, afin de limiter les abus. Mais quels sont-ils ? J’aimerais le savoir ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
Monsieur le ministre, vous avez avancé comme argument qu’il s’agissait de réaliser un inventaire. Mais s’il dure trois ans, c’est l’inventaire du siècle ! (Sourires.) En général, un inventaire dure quinze jours ou trois semaines. Pourquoi prévoir ici trois ans ? Je ne comprends pas. Voilà pourquoi nous nous associerons à l’amendement de nos collègues du groupe CRC.
Mme Bricq a soulevé le problème de la philosophie du texte. Elle a souligné que le groupe socialiste n’était pas opposé à ce que le dimanche conserve son caractère spécifique. Mme Lienemann a d’ailleurs redit que ce point figurait dans la motion majoritaire du congrès du parti socialiste, ce qui n’est pas rien !
Mme Nicole Bricq. Il est inscrit dans le texte qu’il s’agit d’une exception ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, la parole est à M. Jean Desessard et à lui seul !
M. Jean Desessard. J’ai entendu également que le Premier ministre voulait retenir du 1er mai le progrès social. Je m’en réjouis, car cela signifie que Manuel Valls se situe encore dans la perspective de la conquête des droits sociaux.
Certes, madame Bricq, ce texte ne remet pas en cause partout sur le territoire le repos dominical, mais il constitue une érosion des droits ! Si l’on institue le travail le dimanche pour certains travailleurs, pourquoi par exemple ne pas ouvrir également des crèches ce jour-là, ou d’autres secteurs de l’économie ? C’est un processus qui ne s’arrêtera pas !
On ne peut pas s’accommoder d’un principe sans que cela coûte. Souhaitons-nous une société où tous les jours sont les mêmes ? Souhaitons-nous une uniformisation des territoires ou des villes ? Nous sommes pourtant déjà en train d’assister à une standardisation à l’échelle mondiale. Que l’on soit en Asie, aux États-Unis, en France ou dans n’importe quel autre pays d’Europe, on trouve partout les mêmes boutiques ! À part pour consommer et comparer les prix, quel plaisir y aura-t-il bientôt à visiter d’autres pays ? (Mme Catherine Procaccia s’exclame.)
Voulons-nous que le dimanche soit un jour comme les autres ? Personnellement, je ne le souhaite pas, car c’est le jour des échanges sociaux et des pratiques communes, c’est le jour où les parents peuvent passer du temps avec leurs enfants. Nous devons préserver cet acquis. Si nous acceptons que des commerces ouvrent à Nice, par exemple,…
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. C’est une obsession ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. … pour gagner un peu plus d’argent, la ville voisine de Marseille protestera, car elle aussi accueille des touristes. Idem pour toutes les villes proches. Tout le monde souhaite développer le tourisme et tout le monde voudra ouvrir le dimanche ! Tout le monde suppliera : accordez-moi une dérogation, c’est important pour la vie économique de mon village !
En levant les barrières pour banaliser le travail le dimanche, vous vous placez sur une pente glissante. Mieux vaut perdre un peu d’argent quand il s’agit de préserver un choix de société. Comme l’a rappelé le Premier ministre le 1er mai, il faut continuer à préserver les acquis sociaux !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je rebondirai sur les propos de Jean Desessard.
Monsieur le ministre, l’article 71 de votre texte, que vous défendez avec passion, prévoit de fixer une exception au repos dominical d’une durée maximale de trois ans.
Néanmoins, il existait déjà des dérogations temporaires. Ce qui nous inquiète, c’est qu’initialement le chapitre du code du travail dans lequel s’inscrivait le titre dont nous débattons aujourd'hui s’intitulait « Dérogations temporaires au repos dominical ». Vous transformez cet intitulé en « Autres dérogations au repos dominical ». Le caractère temporaire de la mesure est donc gommé. Voilà pourquoi nous nous interrogeons.
Par ailleurs, ce point a déjà été souligné, le texte n’apporte aucune précision sur la façon dont seront renégociées les garanties pour les salariés, ni sur les éléments d’évaluation ouvrant droit à une dérogation pour trois ans. Nous n’avons donc pas la même lecture que vous de cet article.
Certes, le texte prévoit que, en l’absence d’accord, l’ouverture dominicale ne sera pas possible. Or nous savons tous qu’il pourra s’agir d’accords locaux, d’accords qui dérogent au droit du travail aujourd'hui déjà minimaliste, sans parler des accords qui se feront de gré à gré avec les salariés. En effet, il sera possible de demander au salarié lui-même s’il est d’accord, ou non, pour travailler le dimanche !
Certains salariés, face à la situation actuelle de l’emploi et au chômage – celui-ci, loin de décroître, continue au contraire à augmenter –, face également à la pression qui s’exerce en faveur du travail temporaire, pourront accepter de travailler le dimanche. Pour autant, il ne s’agira pas d’un véritable volontariat. Certes, un accord sera trouvé, mais de quoi s’agira-t-il exactement, puisque la loi ne prévoit aucune contrepartie minimum légale ? On pourra, par exemple, conclure un accord prévoyant une majoration de 10 % des heures travaillées, ce qui est pour moi inacceptable !
Cet article prévoit donc de réécrire toute une société.
M. François Bonhomme. Ce n’est pas non plus une révolution !
Mme Annie David. Quel projet de société voulons-nous pour demain ? Quelle société souhaitons-nous pour nos jeunes ? Le dispositif proposé sera-t-il une bonne solution pour les étudiants, qui sont la cible privilégiée du travail le dimanche ?
Mme Catherine Procaccia. Eux veulent travailler !
Mme Annie David. Ne serait-il pas préférable, comme le Gouvernement s’y était d'ailleurs engagé, de leur donner un statut, afin qu’ils puissent se consacrer totalement à leurs études ? Une telle loi de progrès social et de préservation des acquis aurait pu emporter notre assentiment. Avec cet article, nous sommes loin du compte. C’est la raison pour laquelle nous n’en voulons pas.
Nous maintenons donc notre amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Mes chers collègues, pardonnez-moi de m’immiscer dans un débat interne à la majorité, à l’approche d’un congrès il est vrai important… (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Éliane Assassi. Mais non !
M. Michel Bouvard. Ce sujet mérite néanmoins tout notre intérêt, car il soulève de véritables interrogations. Chacun en est conscient, il est important de préserver le repos dominical, de conforter la vie de famille, de maintenir des liens sociaux et de favoriser la vie associative. Si le texte prévoyait purement et simplement la suppression du repos dominical, ce qui n’est pas le cas, nous serions très peu nombreux ici à l’approuver !
M. Jean Desessard. Cela viendra !
M. Michel Bouvard. Pour ma part, je comprends ce projet comme un aménagement, une prolongation de dispositions qui ont été adoptées durant les mandatures précédentes par une autre majorité, à laquelle j’appartiens, et qui avaient d'ailleurs été très critiquées à l’époque.
Mme Éliane Assassi. Oui, et par toute la gauche !
M. Michel Bouvard. Cependant, ces dispositions et ces adaptations se révèlent aujourd'hui indispensables, non seulement pour susciter de la croissance, ce qui est un point important, mais aussi parce que nous ne vivons pas dans un univers fermé et qu’il y a des territoires frontaliers, où l’on regarde ce qui se passe de l’autre côté de la frontière.
Voilà une semaine, j’étais en déplacement pour des raisons à la fois professionnelles et familiales à Turin, une grande ville industrielle qui est en même temps une grande cité touristique. Or l’ensemble des commerces y est ouvert le dimanche, même si Turin est sans doute une ville moins touristique que ne le sont Paris ou Nice. Nous devons donc prendre en compte cette évolution.
Certes, un certain nombre de dispositions de cet article méritent d’être discutées. Je pense aux majorations de rémunération obligatoires. Il existe sur notre territoire des zones touristiques où l’ensemble des activités ont un caractère saisonnier – c’est le cas, par exemple, de certaines stations qui fonctionnent durant l’hiver – et les rémunérations prennent déjà en compte cette spécificité, ce que le texte, dans sa version initiale, avait d'ailleurs oublié.
Il conviendra d’y apporter les adaptations nécessaires, mais je ne pense pas qu’on puisse purement et simplement considérer qu’il n’y a pas lieu de débattre et que l’article n’a pas d’utilité. On ne peut pas rester sur une situation figée ni faire comme si un certain nombre de jurisprudences qui ont été établies depuis le vote de la loi Mallié et qui ont abouti aux surprises et aux incohérences que chacun a constatées ne devaient pas être corrigées par le législateur.
Parce que ce débat est nécessaire, parce que nous devons le mener en assumant nos responsabilités, en y apportant les équilibres souhaitables entre le repos dominical et la réalité économique, notamment celle qui est liée aux activités touristiques, nous devons être capables de discuter de cet article de manière sereine et réaliste.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Comme le débat sur ce sujet va être long et compliqué, je souhaiterais que nous fassions tous preuve d’esprit de rigueur.
Sans lancer le débat que nous aurons à propos des jours du maire et des zones touristiques, entre autres, je souhaite insister sur l’objet de cet article 71, qui vise à préciser les dispositions de l’actuel article L. 3132-20 du code du travail, lequel dispose : « Lorsqu’il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d’un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être autorisé par le préfet, soit toute l’année, soit à certaines époques de l’année seulement suivant l’une des modalités suivantes : 1° Un autre jour que le dimanche à tous les salariés de l’établissement ; 2° Du dimanche midi au lundi midi ; 3° Le dimanche après-midi avec un repos compensateur d’une journée par roulement et par quinzaine ; 4° Par roulement à tout ou partie des salariés. »
Voilà le droit existant. Nous le précisons, en ajoutant que les autorisations prévues à cet article sont accordées pour une durée qui ne peut excéder trois ans.
Par conséquent, je vous rassure, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne s’agit pas uniquement de l’exemple que j’ai donné tout à l’heure, à savoir de revoir un dépôt ou autre ; il peut s’agir d’une autorisation préfectorale qui est donnée pour une partie de l’année, comme le prévoit l’article L. 3132-20, ou pour toute l’année s’agissant d’un commerce, c’est le droit actuel.
Ce que, nous, nous prévoyons, c’est que ces dérogations qui sont données par le préfet, en vertu du droit en vigueur, aient une durée limitée à trois ans. Il faut en effet, tous les trois ans, revoir la situation et évaluer l’intérêt de renouveler la dérogation. Voilà le point que nous introduisons. Il faut donc lire les textes ensemble, sinon on reste vague. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Nous les avons lus !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je rappelle que, aux termes de cet article L. 3132-21, les autorisations prévues à l’article L. 3132-20 sont accordées pour une durée qui ne peut excéder trois ans et que nous introduisons des avis qui n’existent pas aujourd’hui dans le droit, puisque sont prévus l’avis du conseil municipal et, le cas échéant, celui de l’EPCI à fiscalité propre, de la chambre de métiers et de l’artisanat, etc. J’y insiste : ces avis, nous les ajoutons à l’existant.
Par ailleurs – cela me permet de répondre à M. Bocquet –, le deuxième paragraphe prévoit que « en cas d’urgence dûment justifiée et lorsque le nombre de dimanches pour lesquels l’autorisation prévue à l’article L. 3132-20 n’excède pas trois, les avis préalablement mentionnés au premier alinéa du présent article ne sont pas requis. » Le cas d’urgence ne vaut que pour les avis que nous ajoutons, mais il ne change rien et n’enlève rien à l’existant.
Le droit actuel permet des autorisations préfectorales. Or nous les encadrons de deux façons, en prévoyant des avis préalables, qui n’existent pas aujourd’hui, et en limitant la durée de ces autorisations à trois ans. Et nous ajoutons que, pour des urgences dûment justifiées – ce sont typiquement les cas que j’évoquais tout à l’heure – et, dans ces cas seulement, on peut déroger aux avis que nous introduisons.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, si vous supprimez cet article 71, vous en restez au droit actuel, c’est-à-dire que les autorisations préfectorales ne feront l’objet d’aucun avis des conseils municipaux et autres et ne seront pas limitées dans le temps.
Pardonnez-moi de vous le dire, mais une telle position est un tantinet incohérente avec l’ensemble de votre argumentation sur ces sujets... Je voulais simplement attirer votre attention sur ce point. Si nous voulons discuter de textes, qui sont compliqués, parce que l’état du droit l’est aussi, il faut les articuler les uns avec les autres. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Vous n’avez pas entendu ce qu’a dit Mme David !
Mme Annie David. Il fallait venir au Sénat échanger avec nous !
M. Emmanuel Macron, ministre. Tel est l’état d’esprit dans lequel, aujourd’hui, nous ajoutons des éléments à l’article L. 3132-20 du code du travail.
M. le président. La parole est à M. Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Par-delà les problèmes techniques, c’est-à-dire la question du degré de grignotage du repos dominical auquel ce texte nous convie, après d’autres et avant d’autres – la modernisation étant en marche, autant continuer, au nom bien sûr de l’amélioration de la compétitivité ! –, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, monsieur le ministre, sur deux sujets d’étonnement qui justifient que je vote cet amendement.
Le premier est lié au fait que, depuis déjà quelques siècles et surtout depuis cinquante ans, la productivité du travail a littéralement explosé ; vous le savez comme moi. Il s’en est suivi pendant bon nombre d’années une diminution du temps de travail des salariés. Or, depuis quelque temps, on assiste au mouvement inverse. Aussi, plus le travail est productif, plus on doit travailler ! Je trouve tout de même cela paradoxal, comme je trouve étrange le système qui nous conduit à une telle situation.
La question se pose depuis longtemps. Ainsi, Aristote disait, à propos de l’esclavage, que, quand les métiers tisseront d’eux-mêmes et que les plectres – c'est-à-dire la petite baguette servant à pincer les cordes de la lyre – joueront tout seuls, il n’y aurait plus besoin d’esclaves. (M. le ministre sourit.) Aujourd'hui, les lyres ou les clavecins jouent tout seuls, grâce aux disques, et on continue quand même à travailler un peu plus. Quant aux métiers à tisser, je ne vous fais pas de dessin !
La situation est donc paradoxale, et à trop se perdre dans les détails techniques, on finit par oublier ce que peut avoir d’incongru cette évolution de notre société.
Le second point sur lequel je voudrais attirer votre attention, c’est le présupposé selon lequel il suffit de produire pour avoir des débouchés.
Même les touristes – je reprendrai l’argument développé par mon collègue Desessard – ont un budget limité. Ce qu’ils ne peuvent pas dépenser un jour, ils le dépenseront le lendemain, d’autant que la plupart de ces touristes sont si bien encadrés qu’on sait les amener aux bons endroits pour les rançonner en toute honnêteté !
Voilà où on en est. Je sais bien que se poser, dès le lundi matin, des questions métaphysiques aussi vaseuses peut paraître incongru, mais quelle société est-on en train de fabriquer ? On est en droit de se poser la question. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J’ai écouté avec attention les différentes interventions, notamment celles de Mme la corapporteur.
Les autorisations en question sont normalement de type dérogatoire. Or une dérogation qui dure trois ans pour des situations exceptionnelles, puisque telle est bien l’idée ici, est tout de même un peu particulière.
Comment justifier de donner une autorisation d’une durée de trois ans à un commerçant pour faire un inventaire ? Un inventaire n’a rien de difficile. J’avoue ne pas très bien comprendre la motivation d’une telle demande.
J’ai examiné attentivement la question. Mme la corapporteur nous dit que, selon les informations qui lui ont été communiquées pour Paris, la très grande majorité des ouvertures ponctuelles peuvent apporter une solution aux difficultés rencontrées par des commerces qui, voisins d’une zone dérogatoire au repos dominical, subissent un préjudice en raison de la concurrence des commerces qui y sont ouverts le dimanche.
On voit bien ainsi que l’ouverture le dimanche fragilise les activités commerciales installées dans les zones proches de celles qui bénéficient de dérogations. En augmentant les possibilités de régime dérogatoire sur trois ans, on est probablement en train d’étendre les zones de demandes dérogatoires qui seront formulées par ceux dont les activités sont situées à proximité de ces zones touristiques particulières.
Étant maire, donc sollicitée chaque année par les commerçants sur les ouvertures le dimanche, je peux vous dire qu’il a fallu s’organiser au sein de notre intercommunalité, de façon que les mêmes enseignes n’ouvrent pas dans des communes différentes et n’accumulent pas les ouvertures.
On voit bien que le contournement de la loi est permanent, et je ne suis pas sûre qu’une simple demande d’avis soit suffisamment contraignante pour limiter, comme vous le dites, monsieur le ministre, la proposition qui nous est faite. C'est pourquoi je pense que notre amendement est totalement justifié.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Personnellement, dans une perspective laïque, je suis moins attaché au repos dominical qu’au repos hebdomadaire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. Les fêtes carillonnées ont la vie dure en France !
M. Jean-Marc Gabouty. Je me permets cette réflexion, car on part bien de la notion de repos hebdomadaire. Faut-il que ce jour soit, dans la mesure du possible, le même pour tous ? La réponse, bien entendu, est oui, pour des raisons familiales, sociales ou religieuses, puisqu’on doit tenir compte aussi – je fais amende honorable, si j’ose m’exprimer ainsi – de notre culture et de notre histoire, y compris religieuse. Admettons donc le dimanche comme jour de repos.
Je ferai tout de même remarquer que l’ensemble des activités familiales, amicales, sportives, culturelles et associatives se pratique aujourd'hui beaucoup plus le samedi après-midi que le dimanche après-midi. C’est un constat. Le dimanche après-midi est plutôt consacré au repos, alors que les activités sociales et sportives se déroulent plutôt le samedi.
Mme Annie David. Il y a des rencontres sportives le dimanche !
M. Jean-Marc Gabouty. Le dimanche soir, il y a rarement des matchs de foot ou de rugby ; ils ont lieu plutôt le samedi.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas ce que l’on voit à la télévision !
M. Jean-Marc Gabouty. Madame Bricq, c’est vrai, il y a exceptionnellement des matchs le dimanche pour des raisons mercantiles liées à la retransmission à la télévision, mais les jeunes pratiquent beaucoup plus le samedi au sein des clubs.
Pour ma part, je ne tranche pas la question, mais au vu de certains sondages – qui valent ce que valent tous les sondages – on peut effectivement s’interroger : si quelque 70 % des Français sont favorables à l’ouverture le dimanche et souhaitent pouvoir faire leurs courses ce jour-là, une proportion équivalente des salariés ne souhaite pas travailler le dimanche.
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. Jean-Marc Gabouty. C'est la contradiction dans laquelle vit notre société et qu’il faut essayer de gérer.
La position de notre groupe se veut pragmatique : nous souhaitons conserver ce jour de repos hebdomadaire qu’est le dimanche et apporter un assouplissement partout où il est possible d’augmenter l’activité économique, et non de la transférer.
En effet, l’augmentation de l’activité économique et son transfert sont deux choses différentes : le report des achats de la semaine vers le dimanche ne présente pas un grand intérêt. C'est tout à fait différent dans les zones touristiques.
Là où l’on peut augmenter l’activité économique, donc créer des emplois, il faut apporter le maximum de souplesse. Ailleurs, il suffit d’accorder des facilités, comme c'est le cas actuellement pour la période de Noël, pendant laquelle l’ouverture des magasins le dimanche arrange tout le monde, y compris d’ailleurs les salariés eux-mêmes.
Je vous demande, par ailleurs, de prêter attention à un sujet sur lequel je présenterai des amendements. Aujourd’hui, lorsqu’on traverse les zones commerciales ou industrielles, voire tout simplement les centres-villes, on constate que la loi n’est pas respectée. On ne l’a fait pas respecter. Nous sommes plutôt favorables à l’assouplissement de la loi, mais là où il n’y a pas lieu d’ouvrir le dimanche, il faut que celle-ci soit strictement respectée. Or, aujourd'hui, des magasins ouvrent le dimanche en contournant totalement la loi et ne sont pas sanctionnés.
Tel est l’équilibre qu’il faut chercher à atteindre : une loi assouplie, qui permet de faciliter les choses, et le maintien du principe d’un jour de repos le dimanche, tout en faisant respecter la loi.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. Je voudrais intervenir au nom de salariés qui travaillent le dimanche depuis déjà plus de vingt ans. J’ai entendu parler d’érosion et de grignotage des droits. Toutefois, aujourd’hui, le débat me donne plutôt l’impression qu’il s’agit de confirmer et de préciser des droits difficilement acquis et auxquels tiennent des salariés, notamment ceux qui travaillent, dans mon territoire, dans les zones de périmètre d’usage de consommation exceptionnel, ou PUCE.
L’arrêté du préfet expire en juin prochain : le responsable du centre commercial ne cesse de me demander si la dérogation sera bien reconduite pendant la durée de la mise en application de la loi Macron. Il y a une grande inquiétude aujourd’hui chez les salariés, qui craignent de revivre ce qui s’est passé il y a six ans.
À cette époque, les magasins ouvraient le dimanche depuis vingt ans – le centre commercial dont je vous parle est ouvert sept jours sur sept, de dix heures à vingt heures – et le travail du dimanche était encouragé. Les salariés de cette partie de l’Île-de-France appréciaient cette possibilité qui leur était offerte de travailler le dimanche. Néanmoins, les magasins étaient régulièrement menacés de fermeture en raison de contentieux engagés par un syndicat,…
M. Robert del Picchia. Toujours le même !
Mme Dominique Gillot. … qui trouvait là l’occasion d’obtenir des compensations. Les menaces d’astreinte financière journalière préjudiciables au maintien de l’activité ont failli avoir raison de cette belle expérience économique.
Je comprends la surprise de certains dans cet hémicycle, puisque j’ai déjà dû batailler il y a six ans, au moment de l’élaboration de la loi Mallié, pour défendre les droits des salariés du centre commercial Art de vivre à Éragny. Je puis témoigner de cette expérience durable, qui permet à des salariés de travailler comme ils le souhaitent, sans aucune contrainte.
Je le dis avec certitude, puisque je l’ai moi-même vérifié. Maire de cette commune jusqu’en 2014, je voyais passer tous les ans les contrats et la charte de fonctionnement de ce centre commercial, laquelle garantissait le volontariat du travail du dimanche pour les salariés en contrat à durée permanente ou à durée temporaire, la valorisation de leur salaire et l’absence d’utilisation de la contrainte.
Mme Éliane Assassi. Mais c'est la loi !
Mme Dominique Gillot. Bien sûr !
Mme Éliane Assassi. Alors, pourquoi la changer ?
Mme Dominique Gillot. Ma chère collègue, il est proposé d’abaisser la durée de la dérogation à trois ans. Dans les zones de PUCE, cette durée est actuellement de cinq ans. Pour le centre commercial dont je vous parle, le décret du préfet qui va expirer bientôt datait d’il y a cinq ans.
Je vous assure que les salariés sont très attentifs à nos débats.
Mme Éliane Assassi. On les connaît bien, les salariés !
Mme Dominique Gillot. Moi aussi, je les connais ! Et je pense qu’on a le droit de s’exprimer librement, sans subir un quelconque terrorisme.
Tous les chefs d’entreprise sont très attachés à ces assouplissements, qui permettent de témoigner de leurs bonnes pratiques. Ils sont même amenés – je tiens à le dire – à organiser une sorte de turn-over pour le travail du dimanche, notamment pour les salariés à temps complet.
En effet, si tel n’était pas le cas, un groupe d’habitués phagocyterait le travail du dimanche, parce qu’il est mieux rémunéré et très apprécié, notamment par les parents isolés qui ont été précédemment évoqués : le week-end où c’est à l’autre parent de garder les enfants, le salarié est libre de travailler le dimanche. Et s’il y a des difficultés pour faire garder les enfants, il peut recourir aux grands-parents.
Il y a aussi des couples avec enfants qui s’organisent pour travailler chacun leur tour le dimanche afin d’augmenter leurs revenus. Il s’agit là non pas d’un substitut à la précarité, mais de l’usage de la liberté de travailler pour améliorer leurs conditions de vie.
Mme Éliane Assassi. Vous relirez le compte rendu de vos propos !
Mme Dominique Gillot. J’ajoute qu’il y a dans ma ville de nombreux étudiants salariés qui travaillent deux jours par semaine pour financer leurs études. Cela leur permet d’acquérir une expérience, qu’ils pourront valoriser dans leur vie professionnelle ultérieure.
Mme Éliane Assassi. Bien sûr, le McDonald’s, c'est merveilleux !
Mme Dominique Gillot. Je puis vous l’assurer, à Éragny, à Cergy-Pontoise, nos débats sont très suivis : il y a des salariés qui tiennent beaucoup à leur liberté de travailler le dimanche ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Catherine Procaccia. Vous avez du courage !
Mme Éliane Assassi. La droite applaudit !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote. (Brouhaha.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je comprends bien les arguments de ma collègue, qui est l’élue d’un secteur où il y a un centre commercial qui est ouvert sans arrêt.
Mme Dominique Gillot. Non, pas sans arrêt !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. En tout cas, il est ouvert le dimanche.
Il se trouve que j’ai été moi-même élue d’une commune où il y avait de tels centres commerciaux. Que demandaient les commerces voisins de ces grandes surfaces ? D’avoir les mêmes possibilités d’ouverture ! En effet, pourquoi la clientèle captive d’un secteur irait-elle dans le grand centre commercial voisin plutôt que dans les plus petits centres commerciaux locaux ou dans les commerces de proximité ?
Comme nous sommes dans un système concurrentiel, cette logique induit une demande toujours croissante. Et pour quel bilan ? Il a été démontré que, pour une large part, l’ouverture de certains secteurs le dimanche n’était pas rentable. Cela suscite même une perte sèche pour certains, qui ne parviennent pas à couvrir les frais fixes et les frais salariés de l’ouverture le dimanche. (Mme Dominique Gillot proteste.) Je peux vous l’assurer, ma chère collègue, j’en ai été témoin dans la commune dont j’ai été l’élue.
De nombreux patrons de grande surface nous ont d’ailleurs dit que si aucun commerce n’était ouvert, il n’y avait pas de problème. C’est à partir du moment où certains ouvrent que tous les autres ont besoin de pouvoir les concurrencer « à armes égales ». Personnellement, j’estime que c’est une logique à haut risque.
Quant à l’argumentaire bien compris et bien connu sur la liberté et le volontariat des salariés garantis par les chartes de bonnes pratiques, il doit être rapporté aux millions de chômeurs que compte notre pays : quand vous avez le choix entre travailler le dimanche et n’avoir rien à la fin du mois, quelle est votre liberté ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
À la limite, si le travail du dimanche créait de nouveaux emplois sans en déstabiliser d’autres, s’il était une véritable extension de l’activité réelle, on pourrait en discuter et évoquer des contreparties. Toutefois, la réalité n’est pas celle-là !
Il faut appeler un chat un chat : ce projet de loi s’inscrit – M. Bouvard a raison – dans la filiation de l’élargissement du travail du dimanche voulu par M. Sarkozy. Seul point positif, le texte dont nous discutons prévoit d’améliorer certaines compensations, même si, pour ma part, j’estime que ces progrès sont insuffisants.
Or quel a été le gain de croissance apporté par la réforme voulue par M. Sarkozy ? A-t-on pu voir une amélioration des conditions d’emploi ? La même thèse nous est en permanence resservie : il faut déréguler le travail pour créer de la croissance. Et pendant que vous dérégulez pour les petits salariés, vous donnez à ceux qui sont en haut de l’échelle de nombreux privilèges et avantages au nom de la compétitivité !
Moi qui suis social-démocrate, je pense, à l’instar d’Olof Palme, que la société doit être exigeante pour les forts et douce pour les faibles. Le travail du dimanche pseudo-volontaire représente non pas une douceur pour les faibles, mais une exigence pour la grande distribution et les grandes enseignes, qui sont les seules bénéficiaires de cette mesure.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Après une heure et quart de débat sur cet amendement, je voudrais rappeler, pour ceux qui seraient arrivés en retard, la position de la commission sur cet amendement de suppression : son avis est défavorable, puisque cet article relève de la régulation, avec une limite de trois ans, ce qui constitue plutôt une amélioration par rapport à la situation actuelle.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 162 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 31 |
Contre | 308 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1666, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 3132-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-3. – Dans l’intérêt des salariés, de leurs familles et de la société, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.
« Aucune dérogation à ce principe n’est possible à moins que la nature du travail à accomplir, la nature du service fourni par l’établissement ou l’importance de la population à desservir ne le justifie. » ;
2° L’article L. 3132-27 est abrogé ;
3° Le paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du même code est complété par un sous-paragraphe 3 ainsi rédigé :
« Sous-paragraphe 3
« Garanties et protections pour les salariés qui travaillent le dimanche
« Art. L. 3132-27-1. – Dans le cadre des dérogations prévues aux articles L. 3132-20 à L. 3132-26, seuls les salariés ayant donné volontairement leur accord par écrit peuvent travailler le dimanche.
« Une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler le dimanche pour refuser de l’embaucher.
« Le salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l’objet d’aucune mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.
« Le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.
« Art. L. 3132-27-2. – Le salarié qui travaille le dimanche, à titre exceptionnel ou régulier, en raison des dérogations accordées sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-26, bénéficie de droit d’un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.
« Un décret précise les conditions dans lesquelles ce repos est accordé soit collectivement, soit par roulement dans la quinzaine qui précède ou suit la suppression du repos.
« Si le repos dominical est supprimé un dimanche précédant une fête légale, le repos compensateur est donné le jour de cette fête.
« Art. L. 3132-27-3. – Sans méconnaître les obligations prévues à l’article L. 3132-27-2, toute entreprise ou établissement qui souhaite déroger au principe du repos dominical sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-26 doit présenter à l’autorité administrative compétente pour autoriser la dérogation un accord de branche ou un accord interprofessionnel, fixant notamment les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical et les contreparties accordées à ces salariés.
« Art. L. 3132-27-4. – L’employeur demande chaque année à tout salarié qui travaille le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un emploi ressortissant à sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise. L’employeur l’informe également, à cette occasion, de sa faculté de ne plus travailler le dimanche s’il ne le souhaite plus. Le refus du salarié prend effet trois mois après sa notification écrite à l’employeur.
« Le salarié qui travaille le dimanche peut à tout moment demander à bénéficier de la priorité définie au premier alinéa.
« Le salarié privé de repos dominical conserve la faculté de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile. Il doit en informer préalablement son employeur en respectant un délai d’un mois.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de cet article.
« Art. L. 3132-27-5. – Aucune sanction financière ou administrative prononcée à l’encontre d’un établissement ou d’une entreprise méconnaissant la législation sur le repos dominical ne peut avoir pour conséquence le licenciement des personnels employés et affectés au travail ce jour. Ces salariés conservent le bénéfice des rémunérations et des primes qu’ils percevaient antérieurement à la sanction administrative ou financière. » ;
4° Le premier alinéa de l’article L. 3132-13 est ainsi rédigé :
« Dans les commerces de détail alimentaire d’une surface inférieure à 500 mètres carrés, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures. Le seuil maximal de 500 mètres carrés n’est pas applicable dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. » ;
5° L’article L. 3132-23 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-23. – Le principe du repos dominical ne peut pas être considéré comme une distorsion de concurrence. » ;
6° L’article L. 3132-25 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-25. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-20, dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, il peut être dérogé au principe du repos dominical, après autorisation administrative, pendant la ou les périodes d’activité touristique, dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel.
« La liste des communes d’intérêt touristique ou thermales est établie par le préfet, sur demande des conseils municipaux, selon des critères et des modalités définis par voie réglementaire. Pour les autres communes, le périmètre des zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente est délimité par décision du préfet prise sur proposition du conseil municipal.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. » ;
7° L’article L. 3132-25-3 du même code est abrogé ;
8° L’article L. 3132-25-4 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-25-4. – Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20, L. 3132-25 et L. 3132-25-1 sont accordées pour une durée limitée, après avis du conseil municipal et de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre des métiers et des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés de la commune. »
II. – Les autorisations administratives accordées, avant la publication de la présente loi, aux établissements qui ne sont pas couverts par un accord collectif conforme aux dispositions de l’article L. 3132-27-3 du code du travail sont suspendues jusqu’à la présentation à l’autorité administrative d’un accord conforme auxdites dispositions.
III. – Aucun nouveau périmètre d’usage de consommation exceptionnel ne peut être délimité après l’entrée en vigueur de la présente loi.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Le 20 septembre 2011, toute la gauche sénatoriale votait en faveur de la proposition de loi alors déposée par le groupe communiste, républicain et citoyen, dont cet amendement vise à reprendre le texte.
Mme Bricq nous parlait à l’instant de garanties et de vigilance. Or cette proposition de loi visait précisément à corriger les excès et les injustices de la loi Mallié, contre laquelle nous nous étions alors insurgés ensemble, il n’y a pas si longtemps. Elle était aussi empreinte d’un très grand pragmatisme, puisqu’elle prenait en compte la nécessité de certaines dérogations au repos dominical pour la continuité de nos services publics ou le maintien de la compétitivité de certaines entreprises industrielles.
Concrètement, ce texte proposait, pour les autorisations délivrées par les communes, ainsi que pour les zones touristiques, d’inscrire dans le code du travail deux principes de bon sens : tout d’abord, limiter le droit à déroger à la règle du repos dominical aux seuls établissements qui mettent à la disposition du public des biens ou des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de loisirs ; ensuite, n’accepter ces dérogations que pendant la saison touristique.
Concernant les périmètres d'usage de consommation exceptionnel, les PUCE, il était proposé qu’aucune autorisation ne soit plus délivrée après le 1er janvier 2012 ; comme les autorisations étaient accordées pour une durée limitée, cette disposition avait pour conséquence de faire disparaître le travail dominical dans les PUCE après quelques années ; par ailleurs, les autorisations délivrées aux commerces qui ouvraient illégalement le dimanche avant l’adoption de la loi Mallié devaient leur être retirées.
La loi Mallié créait une différence de traitement entre salariés selon qu’ils étaient employés dans les PUCE ou dans les communes et les zones touristiques. En réponse, notre proposition de loi apportait trois grandes garanties aux salariés.
Tout d’abord, seuls les salariés ayant donné volontairement leur accord par écrit pourraient travailler le dimanche ; un refus ne saurait être pris en considération pour ne pas embaucher un candidat ni justifier de mesures discriminatoires contre un salarié ; le salarié pourrait revenir sur son accord et bénéficier d’un droit de priorité pour occuper un emploi ne comportant pas de travail dominical.
Ensuite, l’autorisation de déroger au principe du repos dominical serait subordonnée à la conclusion d’un accord de branche ou d’un accord interprofessionnel.
Enfin, la loi garantirait aux salariés le bénéfice d’un repos compensateur et d’un salaire double pour les heures travaillées le dimanche.
Toutes ces dispositions ont été adoptées ici en 2011 ; à l’époque, la gauche sénatoriale tout entière condamnait le tournant libéral ouvert par la loi Mallié, qui répondait d’ailleurs aux desiderata d’un centre commercial, Plan-de-Campagne, entre Aix et Marseille.
Aujourd’hui, pour répondre aux mêmes difficultés que celles qui avaient été constatées à l’époque, à savoir notamment la différence de traitement entre les salariés, la gauche gouvernementale s’apprête à voter avec la droite une loi qui multiplie les possibilités de dérogations et qui, tout comme la loi Mallié, répond aux besoins de quelques grandes enseignes, tel le magasin Sephora des Champs-Élysées.
Pour notre part, nous ne pouvons accepter ce revirement et nous proposons par conséquent de voter cet amendement de réécriture, qui vise à reprendre la proposition de loi votée en 2011.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 474 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 1190 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
trois ans
par les mots :
un an
La parole est à M. Jean Desessard pour présenter l’amendement n° 474.
M. Jean Desessard. Dans le droit actuel, il est possible de déroger au repos dominical par autorisation préfectorale. Le préfet peut en effet autoriser l’ouverture le dimanche dans les cas où une fermeture serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de l’établissement concerné. Il s’agit de cas exceptionnels, par exemple lorsqu’une entreprise souhaite effectuer une mise à jour ou une migration de son système informatique.
L’article 71 du présent projet de loi propose de limiter la durée de telles autorisations à trois ans. Nous ne comprenons pas pourquoi une durée si longue a été retenue et, au vu des situations qui donneront lieu à de telles dérogations, nous estimons qu’une durée d’un an est largement suffisante ; tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 1190.
Mme Laurence Cohen. Ce troisième amendement du groupe CRC sur l’article 71 est un amendement de repli. Après la discussion que nous venons d’avoir, nous espérons qu’il sera adopté. Soyez en tout cas certain, monsieur le ministre, que notre groupe aborde cette partie du projet de loi avec beaucoup de passion et de détermination.
Après les transports et les professions réglementées, nous l’avons bien compris, vous entendez libéraliser le travail, selon vous afin de stimuler la croissance et l’économie.
Travailler le dimanche serait ainsi, à vous entendre, un moteur, pour ne pas dire une solution miracle aux maux économiques que connaît notre pays. Nous ne voyons pas ce qui, sinon, motiverait une telle décision... Nous sommes nombreux dans l’hémicycle à douter ne serait-ce que de l’efficacité économique d’une telle mesure, qui n’est pas obligatoirement favorable pour l’emploi. L’Allemagne, partenaire privilégié que vous citez si souvent comme référence, est loin d’avoir opté pour de larges ouvertures dominicales ; bien au contraire, sa législation est relativement stricte.
Je crois que, en tant que législateur, nous devons nous poser la question suivante : aux besoins de qui souhaitons-nous répondre ?
Malheureusement, au vu des déclarations du Premier ministre, on ne peut que s’inquiéter. Ainsi, lors de son récent déplacement en Chine, il annonçait aux entrepreneurs et touristes chinois qu’ils pourraient bientôt venir visiter le château de Versailles le samedi avant d’aller faire leurs achats le dimanche, comme si on ne pouvait pas faire le contraire. Quelle belle philosophie ! Je n’invente rien, je cite ses déclarations. Une certaine vision de la société, que nous avons dénoncée, est ici à l’œuvre, qui laisse la porte ouverte à de nombreuses dérogations et à d’autres abus.
Pour notre part, nous continuons de considérer que le dimanche n’est pas un jour comme les autres. Notre modèle économique et social est fondé sur un rythme hebdomadaire, le septième jour permettant de se reposer et de faire collectivement autre chose, comme partager en famille ou entre amis un temps précieux et attendu.
Certains, comme Mme Gillot, nous peignent des expériences idylliques, mais elles nécessiteraient d’autres structures et des services publics moins cassés qu’ils ne le sont aujourd’hui, notamment pour la garde d’enfants. Il faut donc raison garder.
Sans m’étendre plus longtemps sur d’autres aspects déjà abordés, je soulignerai simplement que ces dérogations au repos dominical sont à nos yeux un véritable recul social, pour les droits des salariés, mais aussi pour la cohésion sociale : quels choix ont en effet ces salariés, notamment les femmes, face au chômage ?
Nous proposons donc a minima de limiter à un an la durée de ces fameuses dérogations au repos dominical avant qu’elles ne soient, ou non, renouvelées.
M. le président. L'amendement n° 1769, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
et, le cas échéant,
insérer les mots :
de l’organe délibérant
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 1666, 474 et 1190.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. L’amendement n° 1769 est un amendement de clarification. Nous voulons préciser que c’est bien l’organe délibérant de l’EPCI qui doit être consulté. En effet, le texte ne faisait mention que de l’EPCI, et ce problème a été soulevé lors de la réunion de la commission.
Avant de donner l’avis de la commission sur les autres amendements, je voudrais rappeler le contexte dans lequel la commission a travaillé, sur mon initiative et sur celles de mes collègues. Notre objectif était de trouver un équilibre entre la nécessité économique d’élargir les possibilités d’ouverture le dimanche et la préservation indispensable du repos dominical, dont le principe est partagé par une large partie des membres de notre groupe.
L’ouverture dominicale est une possibilité et non une obligation : il nous a semblé qu’il y avait des précisions à apporter à la suite de la loi Mallié et qu’il existait des possibilités d’ouverture un peu plus larges dans certaines conditions.
Nous avons tenu à laisser au pouvoir local, c’est-à-dire au maire et aux EPCI, la liberté de délimiter les zones touristiques ou commerciales, sauf pour les ZTI, qui relèvent du domaine de l’État, et de fixer le nombre annuel de dimanches du maire, entre zéro et douze, ce qui reste un chiffre relativement modéré. On ne peut donc pas dire qu’on généralise ainsi l’ouverture dominicale !
Ce pouvoir est plus précisément octroyé aux maires avec leur conseil municipal ou aux présidents d’EPCI avec leur organe délibérant lorsque l’on va au-delà de cinq dimanches ou que la zone commerciale concerne plusieurs communes. Les maires connaissent en effet mieux que quiconque leur tissu commercial, le risque concurrentiel et les attentes des habitants – à cet égard, la région parisienne constitue sans doute une exception –, et il nous a semblé conforme aux positions défendues par le Sénat de laisser ce rôle important au pouvoir local.
Le deuxième principe que nous avons défendu est celui du volontariat : nous le maintenons pour les zones touristiques, les zones commerciales et les ZTI, et nous l’étendons aux dimanches du maire. Par ailleurs, nous avons voulu non pas fixer dans la loi le montant des contreparties financières, mais le laisser au dialogue social. Nous avons simplement conservé le doublement existant pour les dimanches du maire et les conditions de contrepartie qui ont été fixées pour le travail en soirée en ZTI.
Pour ma part, je n’ai pas souhaité modifier la réglementation pour les commerces alimentaires, qui actuellement peuvent ouvrir le dimanche jusqu’à treize heures quelle que soit leur taille, ni élargir l’accord obligatoire qui doit fixer les contreparties : faute d’accord, la décision revient à l’employeur, avec référendum des salariés concernés.
En effet, si le projet de loi a pour objectif d’harmoniser le régime applicable à l’ouverture des commerces, il ne doit pas avoir pour résultat d’ouvrir des possibilités qui pourraient rester virtuelles du fait du blocage du dialogue social dans une branche, une entreprise ou un territoire contre l’avis majoritaire du personnel, sachant que cette décision de l’employeur sera soumise aux mêmes obligations de contrepartie que les accords ; nous avons également voulu maintenir en zone touristique la réglementation actuelle pour les commerces de moins de onze salariés. Nous aborderons ces trois points plus en détail lors des amendements à venir, mais je voulais rappeler ce contexte.
J’en viens à l’avis de la commission sur les différents amendements en discussion. L’amendement n° 1666 vise à reprendre la proposition de loi du groupe CRC qui avait été adoptée par le Sénat en décembre 2011, mais contre laquelle la majorité sénatoriale d’aujourd’hui s’était prononcée. Or notre position n’a pas changé à ce sujet. De plus, le texte de l’amendement contredit certains points du projet de loi.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Les amendements identiques nos 474 et 1190 visent à abaisser à un an la durée maximale des dérogations individuelles. Comme nous l’avons souligné lors de la discussion de l’amendement n° 65, l’article 71 apporte déjà une restriction par rapport au droit actuel en fixant cette durée maximale à trois ans.
Il ne nous a pas semblé opportun de descendre plus bas, d’autant plus que ces dérogations sont très majoritairement ponctuelles et que leur nombre est réduit : ainsi, à Paris, environ 150 demandes par an sont formulées et seulement une cinquantaine d’établissements bénéficie d’une dérogation sans terme précis. Il peut s’agir d’une librairie ou d’un commerce situé en bordure d’une zone touristique et qui subit sa concurrence ; la durée de trois ans nous semblait plus adaptée à de telles situations.
L’avis de la commission est donc également défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1666. Je justifierai cet avis en comparant sur quelques points les éléments contenus dans la proposition de loi que vous voulez réintégrer par cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, et le texte de ce projet de loi, tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale et amendé par votre commission spéciale.
En premier lieu, la proposition de loi de 2011 réaffirmait le principe du repos dominical et définissait des critères larges pour y déroger : la nature du travail à accomplir, la nature du service fourni par l’établissement et l’importance de la population à desservir. Il me semble à cet égard que le texte proposé aujourd’hui par le Gouvernement est plus précis sur les types de zones et le recoupement des critères qui présideront à leur délimitation.
J’imagine que des points de désaccord se feront jour quand nous parlerons des zones commerciales ou des zones touristiques. Pour autant, la philosophie retenue par le texte actuel est non pas, contrairement à ce que j’ai parfois pu entendre, d’ouvrir de façon déraisonnée le travail dominical, mais bien de clarifier les règles qui encadrent l’exception au repos du dimanche, ainsi que d’apporter plus d’homogénéité dans les compensations dues aux salariés.
En deuxième lieu, cette proposition de loi rappelait le principe du volontariat, ce qui est fait à l’article 80 bis du présent projet de loi pour les dimanches du maire et à l’article 77 pour les autres dispositifs. Je vous rappelle par ailleurs, s’il est nécessaire de citer l’un des progrès permis par ce texte, que le projet de loi étend ce principe aux zones touristiques.
En troisième lieu, l’amendement vise à introduire le principe d’un accord collectif de branche ou interprofessionnel. C’est ce que prévoit l’article 76 du projet de loi, qui, pour la première fois, consacre l’obligation d’un accord préalable.
Nous débattrons plus tard de la dérogation pour les entreprises comportant moins de onze salariés dans les zones touristiques existantes, mais la philosophie de notre texte, qui apporte une sécurité qui n’a jamais existé en droit français jusqu’à présent, consiste à considérer que l’accord collectif n’étend pas la relation déséquilibrée que constitue le salariat.
Là aussi, je tiens à lever un malentendu. Mme Marie-Noëlle Lienemann a dit tout à l'heure que, par sa nature même, le contrat de travail, qui lie un individu à un autre, est déséquilibré. Du reste, on le sait bien : c’est un fait reconnu, et c’est d'ailleurs ce qui justifie l’existence du droit du travail.
Néanmoins, le projet de loi a prévu les garanties nécessaires, avec des accords collectifs définis au niveau soit de la branche, soit de l’entreprise, soit du territoire – c’est la grande différence entre nos propositions –, lesquels peuvent seuls prévoir la possibilité d’ouvrir le dimanche, l’absence d’accord empêchant cette ouverture. Cette possibilité est assumée, parce que l’on ne peut pas avoir de progrès économique sans véritable progrès social.
Je crois que la philosophie de ce texte est d’aller au bout de cette démarche et de refuser et le blocage – en quelque sorte, un conservatisme statutaire – et une espèce d’ultralibéralisme qui renverrait le salarié à cette relation déséquilibrée. Non, il doit y avoir des compensations. À cet égard, la loi ne peut prévoir tous les cas de figure ; elle n’est pas adaptée pour ce faire.
Les interventions des uns et des autres l’ont montré, le « payer double » est une idée que nous pouvons tous trouver séduisante. Toutefois, il tuerait les centres-villes, que vous voulez sauver ! En effet, le payer double est tout à fait soutenable dans les zones commerciales ; c’est d'ailleurs ce qu’avait prévu la loi Mallié, contre laquelle nombre d’entre vous s’étaient battus. Vous pouvez décider de le généraliser. Sachez cependant que le payer double n’est pas possible dans les commerces de centre-ville qui emploient aujourd'hui des femmes et des hommes le dimanche ! Je crois donc que, sur ce point, il faut renvoyer à l’accord collectif. Tel est l’objet de l’article 76 du projet de loi.
Ensuite, vous voulez limiter l’ouverture, le dimanche matin, aux commerces de détail alimentaires d’une surface inférieure à moins de 500 mètres carrés. Ce n’est pas la démarche retenue dans le projet de loi, que l’Assemblée nationale a permis d’enrichir. Nous en débattrons – c’est l’un des points de désaccord avec votre commission spéciale. Pour notre part, nous n’avons pas retenu une interdiction. En revanche, nous avons prévu, au-delà d’une certaine surface commerciale, des compensations pour les commerces alimentaires, qui n’existent pas dans le droit actuel.
Enfin, votre texte interdirait la création de tout nouveau PUCE. C’est là un point de désaccord entre nous. En effet, vous le savez bien, les PUCE ont été constitués au moment de la loi Mallié, en consacrant l’usage, comme le montre le terme même de « périmètre d’usage », alors que les zones commerciales, telles qu’elles sont définies par le présent texte, sont fondées sur le potentiel commercial de la zone et sont donc plus objectivables.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, sur nombre de points, notre philosophie est la même, et cet avis m’a permis de dire, en creux, que le texte qui vous est soumis ne ressemblait pas à la caricature qui en est parfois faite. Néanmoins, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Pour ce qui concerne les amendements identiques nos 474 et 1190, j’ai noté précédemment que vous étiez opposés à l’encadrement dans le temps que nous avons introduit – une autorisation limitée à trois ans –, alors même qu’il s’agissait de préciser un texte de loi qui ne prévoyait pas de limitation. Je vois un véritable « paradoxe au carré » dans le fait que vous voudriez maintenant rendre cet encadrement plus fréquent !
Mme Nicole Bricq. Tout à fait !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous renvoie à vos propres turpitudes, sur lesquelles il ne m’appartient pas de m’interroger. Il faut dire que j’ai déjà assez à faire avec le présent texte ! (Sourires.)
En revanche, il me semble que, compte tenu de la procédure que nous avons mise en place – demander des avis multiples et prévoir que l’autorisation sera renouvelée tous les ans – est de nature à créer de la complexité et des redondances qui ne paraissent pas souhaitables. J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Enfin, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 1769, qui est rédactionnel.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 474 et 1190.
Mme Laurence Cohen. Je tâcherai d’être brève, même s’il y a ici des explications fondamentales à apporter, car on touche ici au cœur de bien des questions, du code du travail et même d’un projet de société.
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
Mme Laurence Cohen. Je remercie les sénatrices et les sénateurs qui sont présents dans l’hémicycle, d’autant que, il faut le dire, nous ne sommes pas très nombreux depuis l’ouverture de la séance ce matin.
Mme Catherine Procaccia. Merci !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Les meilleurs sont là !
Mme Laurence Cohen. Puisque nous sommes en train de disserter de l’extension du droit à travailler le dimanche, certains affirmant que cela ne pose aucun problème aux salariés concernés, je me souviens que l’éventualité que le Sénat siège un samedi pour examiner ce projet de loi a suscité un tollé général dans cette enceinte, nos collègues préférant travailler la nuit plutôt que de revenir un samedi. (Exclamations.)
Mme Catherine Deroche, corapporteur. À cause de l’interruption des travaux parlementaires !
Mme Laurence Cohen. Vous le voyez, l’indignation est à géométrie variable selon que l’on est concerné, ou non ! Je voulais signaler cette contradiction.
Nous débattons ici d’un sujet qui touche à l’organisation des conditions de vie de millions de salariés et de leurs familles. Nous ne nous pouvons pleurer sur les liens sociaux qui se distendent de plus en plus et, en même temps, créer les conditions mêmes de cette évolution en ouvrant de plus en plus la porte au travail du dimanche !
Au reste, j’aimerais que ceux qui me parlent de volontariat ou de compensations soient beaucoup plus précis : n’oublions pas que nous sommes dans une société en crise, où le taux de chômage est extrêmement élevé et où beaucoup de femmes sont soumises à de terribles temps partiels morcelés, qui ne leur permettent pas de toucher des salaires décents.
J’entends dire que les salariés qui travailleront le dimanche auront un peu plus de moyens : la première préoccupation devrait être plutôt de donner un coup de pouce, et même plus, aux salaires, notamment au SMIC ! Faisons en sorte que les salaires soient à la hauteur du travail accompli, à l’heure où la majorité des travailleurs, en particulier les femmes, perçoivent des salaires de misère.
C’est pourquoi je trouve que les amendements que nous avons proposés, notamment l’amendement n° 1666, qui vise à reprendre un texte voté par le Sénat il n’y a pas si longtemps, sont extrêmement importants afin de garantir au salarié des conditions de travail décentes. N’ouvrons pas la porte à des évolutions qui, compte tenu de ce que nous observons par ailleurs, ne pourront que s’étendre. Il n’y aurait bientôt plus de limites, et la philosophie et la visée de notre société en seraient totalement transformées !
C’est pourquoi les amendements que nous avons déposés méritent amplement d’être votés.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, je veux saluer votre sens de l’écoute et votre finesse, puisque vous avez corrigé mes propos de manière très juste.
Pour autant, j’étais favorable à la suppression de l’article 71 de votre texte, qui limitait la durée de l’autorisation à trois ans. Vous affirmez que cet article institue une garantie, parce qu’il permettra un contrôle.
Mme Éliane Assassi. Ce sont deux choses différentes !
M. Jean Desessard. En effet, ma chère collègue ! Actuellement, le texte prévoit que l’ouverture le dimanche peut être accordée pour une année, ou moins, suivant les circonstances. La possibilité d’accorder une dérogation de trois ans revient à banaliser la dérogation. Trois ans, c’est un bail !
Puisque l’article n’a pas été supprimé, j’estime qu’il vaut mieux revenir à une durée qui ne peut excéder une année.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, reprenons ensemble le texte de l’article L. 3132-20 du code du travail. Que le préfet donne une autorisation valable « toute l’année » n’impose pas que celle-ci soit renouvelée chaque année !
L’article L. 3132-20 ne fixe pas de limitation. D'ailleurs, dans les faits, aujourd'hui, les autorisations préfectorales en la matière ne sont pas renouvelées chaque année. Le texte vient donc simplement préciser qu’elles doivent être renouvelées tous les trois ans.
Aujourd'hui, je le répète, l’article L. 3132-20 prévoit que l’autorisation préfectorale peut valoir soit toute l’année, soit à certaines époques de l’année seulement. D'ailleurs, s’il n’en avait pas été ainsi, l’article 71 ne figurerait pas dans le projet de loi. Nous avons voulu encadrer l’autorisation dans le temps, en prévoyant qu’elle ne peut être accordée pour une durée supérieure à trois ans.
Le droit actuel me semble donc faire l’objet d’une lecture erronée.
Mme Nicole Bricq. Absolument ! C’est une avancée du droit du travail.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Tout à l’heure, M. le ministre a élargi son propos, mais il n’a pas répondu à ma question sur le texte dans lequel le Premier ministre s’est dit opposé à une nouvelle extension du travail du dimanche. J’ai compris, dans sa réponse, qu’il ne voulait pas remettre en cause l’extension en cours d’examen par le Parlement.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les propos que M. le ministre a tenus sur la question des négociations en vue de l’ouverture le dimanche nous ont également interpellés.
Tout d'abord, on peut s’interroger sur la part de ce qui est protégé par la loi et de ce qui procède de la négociation collective. S'agissant du travail le dimanche, il est tout à fait possible que, sous la menace et compte tenu de la concurrence entre différentes zones, soient arrêtés des choix non conformes à l’intérêt général et qui, à terme, réduiraient les protections sociales globales du monde du travail.
Pour ma part, j’estime que, s’il y avait des accords de branche au niveau national, on pourrait encore discuter des parts respectives de la négociation collective et de la loi. En revanche, permettez-moi de vous le dire, les accords d’entreprise ou de territoire et les conditions dans lesquelles ces accords seront signés ne sont qu’une tromperie !
Vous avez vous-même pris l’exemple, très révélateur, des petits commerces de centre-ville. Vous savez très bien quelle pression sera exercée sur tous les salariés de ces commerces, à qui l’on opposera la concurrence de la grande surface voisine ! Le rapport de forces ne sera donc pas en faveur des salariés dans ce cadre.
Mme Nicole Bricq. Les syndicats ne sont pas des enfants de chœur !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous avez raison, ma chère collègue ! Néanmoins, je m’interroge : pourquoi, quand il s’agit du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, l’avantage est-il donné à toutes les entreprises, sans obligation d’un accord de branche ou d’entreprise ? Pourquoi les vannes sont-elles alors ouvertes et des milliards d’euros déversés ?
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pourquoi est-ce la loi qui fixe alors le cadre, quand, lorsqu’il s’agit de protéger les salariés, on se contente d’un accord d’un territoire ou d’entreprise ? Est-ce fonction du pouvoir des syndicats ? Pourquoi toutes ces aides distribuées, au nom de l’intérêt général, à ces entreprises ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous pourrions débattre de ce sujet toute la matinée, toute la journée et même toute la nuit… (Sourires.)
M. Robert del Picchia. Et même le dimanche !
Mme Annie David. Simplement, monsieur le ministre, si vous voulez vraiment que l’on puisse vous entendre sur l’article 71, pourquoi voulez-vous modifier l’intitulé du paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail ? Vous n’avez pas répondu à cette question !
Jusqu’à présent, ce paragraphe visait des « dérogations temporaires au repos dominical ». Il devrait maintenant s’intituler « Autres dérogations au repos dominical ». Nous considérons que la disparition de l’adjectif « temporaire » implique que cette dérogation vaudra en permanence.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, nous ne pouvons pas complètement vous faire confiance ! Pour nous, le caractère temporaire du dispositif a une très grande importance.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Evelyne Yonnet. Je suis nouvellement arrivée au Sénat, et j’ai déjà entendu bien des choses. Cela m’a fait penser à ma ville, Aubervilliers, où le PUCE a été refusé pour Le Millénaire, un centre commercial situé à la porte d’Aubervilliers. De fait, aujourd'hui, celui-ci n’ouvre pas le dimanche, ce qui a conduit à la suppression de nombreux emplois.
Mme Éliane Assassi. Ne dites pas cela !
Mme Evelyne Yonnet. Je connais bien ma ville, chère collègue !
Mme Éliane Assassi. Et moi, je connais bien mon département !
Mme Evelyne Yonnet. Moi aussi, chère collègue, je connais bien mon département de la Seine-Saint-Denis ! Et je pense que M. Capo-Canellas le connaît aussi.
Porte d’Aubervilliers, afin de créer de l’emploi, nous avions négocié avec des entreprises locales pour qu’elles viennent s’installer dans les locaux préparés par Icade. Malheureusement, comme le rappelait M. le ministre voilà quelques instants, le préfet nous a refusé le PUCE, ainsi que les ouvertures le dimanche.
Tout cela fait que nous voyons les rideaux des boutiques de cet énorme – et magnifique – centre commercial se baisser peu à peu. À l’époque, nous avions même ouvert des négociations pour permettre aux petits commerçants d’installer leurs enseignes à l’intérieur de ce centre. Nous n’y sommes pas parvenus et nous n’avons pu créer les emplois que nous aurions souhaités à Aubervilliers, qui est la deuxième ville la plus pauvre de France et qui souffre d’un taux de chômage, notamment des jeunes, très important.
Mme Éliane Assassi. Vous faites du sarkozysme !
Mme Evelyne Yonnet. Chère collègue, je vous ai écoutée très attentivement sans vous interrompre. À votre tour, souffrez de m’écouter ! Je ne supporte pas que l’on me qualifie de « sarkozyste ». Cela m’horripile au plus haut point ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
Je suis de gauche, comme vous, et je l’assume entièrement, même s’il ne s’agit pas de la gauche que vous voulez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Roger Karoutchi et Pierre Charon ironisent.)
Pour avoir travaillé toute ma vie dans une entreprise, je sais que les conventions collectives sont issues d’une négociation paritaire. Par ailleurs, les syndicats ont un poids non négligeable dans la conclusion d’accords d’entreprise ; certes, sans doute davantage dans les grosses entreprises que les moyennes, celles de moins de cinquante salariés, que vous n’avez pas défendues dernièrement.
Des accords soit de branche, soit à l’intérieur de l’entreprise concernée, doivent garantir que le salarié qui s’est engagé par écrit à travailler le dimanche peut revenir sur cette décision. À cet égard, le syndicat joue un rôle très important. Il y va de la protection du salarié.
Par ailleurs, en tant qu’élue aujourd’hui d’opposition, je me demande s’il ne serait pas possible de demander au maire de soumettre au conseil municipal – avec ou sans vote – un bilan annuel ou trisannuel des accords conclus et des avis des élus locaux et des acteurs économiques consultés.
Enfin, j’ai entendu qu’Aubervilliers ne serait pas une ville touristique. Détrompez-vous, chère collègue : Plaine Commune, la communauté d’agglomération dont nous faisons partie, dispose d’un office du tourisme.
Mme Éliane Assassi. Et alors ?
Mme Evelyne Yonnet. Par ailleurs, on trouve à Aubervilliers une église classée du XVe°siècle. Les gens sont très heureux d’y travailler le dimanche des Journées du Patrimoine. Pour eux, c’est un jour de fête ; ils mangent en famille sur la place de la mairie, puis visitent cette église que j’ai évoquée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 474 et 1190.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 71, modifié.
(L'article 71 est adopté.)
Article 72 (priorité)
Le paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° Le sous-paragraphe 2 devient le sous-paragraphe 3 ;
2° Il est rétabli un sous-paragraphe 2 intitulé : « Dérogations sur un fondement géographique » et comprenant les articles L. 3132-25 à L. 3132-25-6 ;
3° Au début du sous-paragraphe 2, tel qu’il résulte du 2°, il est ajouté un article L. 3132-24 ainsi rétabli :
« Art. L. 3132-24. – I. – Les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones touristiques internationales peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4.
« II. – Les zones touristiques internationales sont délimitées par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire et, le cas échéant, du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées, compte tenu du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats.
« II bis. – (Supprimé)
« III. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. Dans ce débat printanier, je voudrais évoquer ici une espèce particulière d’oiseau migrateur. Il s’agit du bruant à gorge blanche, qui a la particularité de pouvoir voler jusqu’à sept jours d’affilée sans dormir.
M. Roger Karoutchi. Comme les sénateurs ! (Sourires.)
M. Éric Bocquet. Le département américain de la défense s’est intéressé à cet oiseau, qui vit sur la côte ouest des États-Unis, et a consacré des crédits importants pour mener une étude. L’idée serait de réussir à adapter les capacités du bruant à gorge blanche aux êtres humains – aux soldats d’abord, aux travailleurs ensuite.
Pour mieux saisir le rapport avec le texte dont nous débattons, je vais vous donner lecture d’un extrait d’un petit ouvrage consacré à ce sujet fort intéressant :
« Dans les cas où il ne sera pas possible d’utiliser des drones armés de missiles, on aura besoin d’escadrons de la mort, de commandos sans peur et sans sommeil pour des missions à durée indéterminée. C’est dans cette perspective que l’on a cherché à étudier les bruants à gorge blanche, en les coupant des rythmes saisonniers qui sont les leurs dans l’environnement de la côte pacifique : à terme, il s’agit d’imposer au corps humain un mode de fonctionnement machinique, aussi bien en termes de durée que d’efficacité. Comme l’histoire l’a montré, des innovations nées dans la guerre tendent nécessairement ensuite à être transposées à une sphère sociale plus large : le soldat sans sommeil apparaît ainsi comme le précurseur du travailleur ou du consommateur sans sommeil. Les produits "sans sommeil", promus agressivement par les firmes pharmaceutiques, commenceraient par être présentés comme une simple option de mode de vie, avant de devenir, in fine, pour beaucoup, une nécessité.
« Des marchés actifs vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, des infrastructures globales permettant de travailler et de consommer en continu – cela ne date pas d’hier ; mais c’est à présent le sujet humain lui-même qu’il s’agit de faire coïncider de façon beaucoup plus intensive avec de tels impératifs. »
Il s’agit d’un texte à visée de long terme, d’une étape vers la société 24-7, c'est-à-dire « vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept ». Monsieur le ministre, est-ce bien la logique dans laquelle le Gouvernement s’est engagé ?
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Cet article, qui vise à créer des zones touristiques internationales, ou ZTI, introduit dans le code du travail de nouvelles dérogations au repos dominical et au travail de nuit. Il s’agit toutefois de dérogations permanentes : le travail le dimanche sera la règle, et non plus l’exception ; le travail jusqu’à minuit sera possible tous les jours dans les commerces situés dans ces futures zones.
Ces dernières seront définies par les ministres du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire, du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre, ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales des salariés intéressés.
Quels sont les critères retenus ? Il s’agit du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats. Ces critères, ajoutés par l’Assemblée nationale, restent flous. À quelle aune mesurera-t-on ce rayonnement ? Quand une affluence de touristes, de surcroît résidant hors de France, sera-t-elle jugée exceptionnelle ? Comment sera quantifiée l’importance des dépenses ?
Paris est évidemment visé : nous savons tous que cet article permettra de contourner le refus du Conseil de Paris, réaffirmé encore récemment, d’étendre les actuelles zones touristiques.
Ces futures ZTI pourraient ainsi couvrir non seulement l’avenue des Champs-Élysées, la rue du Faubourg-Saint-Honoré, la place de l’Opéra, la place Vendôme, la rue des Franc-Bourgeois, l’avenue Montaigne et le quartier Saint-Germain, mais aussi les grands magasins du boulevard Haussmann. Ces derniers seront les grands gagnants d’une disposition taillée sur mesure, eux qui réclament depuis longtemps cette possibilité, mais qui se heurtent, en interne, à l’opposition des syndicats des personnels. Voilà donc levé un deuxième obstacle !
J’ajouterai que cette vision ne correspond pas à la réalité du tourisme international à Paris, où les étrangers extra-communautaires ne restent pas qu’une seule journée : du fait de la fermeture des musées le mardi, les tour-opérateurs consacrent souvent cette journée aux activités de shopping.
On nous dit que le nombre de ces zones sera limité, mais les destinations touristiques du bord de mer – nombreuses en France – sont également évoquées. On peut donc craindre un phénomène de « contagion » et de mise en concurrence des communes.
Le projet de loi prévoit que ces zones seront déterminées après avis des acteurs concernés, notamment des communes et des organisations syndicales. Reste qu’il s’agit seulement d’un avis, c’est-à-dire que celui-ci n’a aucun caractère contraignant.
Vous le voyez, mes chers collègues, les arguments en faveur de la création de ces ZTI, que l’on pourrait requalifier en « zones de travail intensif », ne sont pas convaincants. Les conséquences en sont bien trop lourdes, non seulement en termes de déséquilibre entre vie au travail et vie familiale et sociale, mais aussi pour la santé des salariés concernés.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Au travers de cet article, je souhaiterais aborder la situation de nos étudiantes et étudiants. La dernière étude de l’Observatoire de la vie étudiante portant sur les conditions de vie de ces derniers montre que plus de la moitié d’entre eux doivent concilier salariat et études. Ce chiffre s’élève à 73 % en comptant les « jobs d’été ».
En effet, le budget moyen d’un étudiant provient à 42 % de revenus professionnels, à 34 % de transferts familiaux et à 24 % des allocations et des bourses. Selon cette même étude, si l’on excluait des ressources étudiantes les revenus du travail, le nombre d’étudiants vivant sous le seuil de pauvreté passerait de 1,5 % à 50 %.
Le salariat comme contrepartie aux études : voilà une réalité peu avouable. Certains n’ont pourtant pas hésité à dire que cette loi allait favoriser les étudiants. Or, nous le savons bien, le salariat fait souvent échouer nos jeunes dans leurs études, notamment en premier cycle. Les étudiants exerçant une activité salariée ont ainsi deux fois plus de risques d’échouer à leurs examens.
Comment en serait-il autrement lorsque l’on demande aux étudiantes et aux étudiants de dégager du temps pour distribuer des flyers pour une compagnie de téléphone ou s’improviser faiseurs de sandwichs pour de grandes chaînes de restauration rapide ?
Horaires contraignants, calendrier surchargé, stress au travail et dans les amphithéâtres… Le quotidien d’un étudiant salarié n’est pas un long fleuve tranquille, sans compter les absences répétées en cours pour cause de prise de service ou les négociations avec son employeur pour avoir le droit de quitter le travail plus tôt afin de plancher sur ses examens.
Certaines voix s’élèveront pour dédramatiser la situation : « Le temps passé à gagner sa vie, c’est simplement du temps de loisirs en moins, ça ne peut pas faire de mal ! » disent les uns, « en dessous de quinze heures par semaine, c’est supportable !», soutiennent les autres. J’ai également entendu certains, ici même, dire qu’ils en avaient fait autant étant jeunes et qu’ils s’en étaient bien sortis !
Pourtant, vous le savez, le temps qui n’est pas passé en cours, c’est du temps passé à travailler chez soi ou à la bibliothèque pour approfondir les cours ; le temps qui n’est pas passé à approfondir les cours, c’est du temps passé à les réviser ; le temps qui n’est pas passé à réviser, c’est du temps de repos ou de loisir nécessaire pour pouvoir recommencer le lendemain.
Il faut tordre le cou à cette idée saugrenue selon laquelle les étudiants auraient du temps à revendre, puisqu’ils ne sont en cours que vingt-cinq à trente heures par semaine. C’est la faiblesse du taux d’encadrement à l’université française, l’un des plus bas de tous les pays de l’OCDE, qui a poussé les équipes pédagogiques à faire du travail personnel une composante essentielle de la formation.
Pour en être convaincu, il suffit de tourner son regard du côté des filières qui n’ont pas été totalement délaissées par la collectivité. Les classes préparatoires, les BTS et les IUT sont autant de formations chronophages, inconciliables avec toute activité salariée. Or ce sont autant de cursus dont les portes se ferment d’office pour les étudiants obligés de concilier salariat et études, sans parler des concours et autres filières sélectives.
Les exigences n’y sont en général pas plus fortes. Le taux d’encadrement, en revanche, y est plus important et permet un meilleur suivi des étudiants. Il ne faut donc pas confondre le temps libre laissé aux étudiants avec le manque drastique de personnel enseignant et d’encadrement à l’université.
Alors que les étudiants salariés sont les premières victimes des contrats précaires, ils seront la main-d’œuvre prédestinée des patrons du dimanche. Il est grand temps que le Gouvernement tienne ses engagements en faveur de la jeunesse, en accordant un statut social aux étudiants de notre pays et en garantissant leur réussite grâce à l’instauration d’une allocation d’autonomie pour tous les jeunes, afin d’éviter la reproduction des inégalités sociales.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. L’article 72 du projet de loi porte sur la création de zones touristiques internationales comportant une dérogation au repos dominical.
Je me demande pour ma part quelles sont les véritables raisons qui vous poussent à vouloir mettre en place ces zones touristiques. Je l’ai dit voilà quelques instants, il ne s’agit certainement pas d’une mesure tournée vers les salaires, qui n’ont toujours pas augmenté, ni vers les ménages, qui ont perdu 3,3 % de leur pouvoir d’achat entre 2010 et 2013.
Le débat n’a pas porté sur toutes celles et tous ceux qui créent la richesse de notre pays, c’est-à-dire les salariés, mais sur les touristes, singulièrement sur les touristes chinois, dont j’ai appris, par la presse, qu’ils préféraient aller effectuer leurs achats à Londres, le dimanche, plutôt que de venir en France.
Ce qui est certain, c’est que cet argument est pour le moins fallacieux. Les touristes chinois ne peuvent tout simplement pas se rendre à Londres sur un simple coup de tête. Londres et le Royaume-Uni ne faisant pas partie de l’espace Schengen, il leur faudrait en effet un visa. (M. Roger Karoutchi rit.)
Notre pays n’a pas besoin du travail du dimanche pour être la première destination touristique mondiale. Et si tous les touristes chinois se rendent en France, c’est aussi parce que les dimanches y sont agréables et qu’on peut y trouver une certaine tranquillité.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que ce projet de loi est destiné à encadrer les choses, et donc à protéger les salariés. Toutefois, nous constatons que ce texte, et notamment son article 72, vise à encadrer les dérogations, et donc à généraliser le travail du dimanche. Il s’agit donc d’une loi tendant à encadrer la généralisation du travail du dimanche.
En réalité, chacun le sait, cette mesure est destinée aux grandes enseignes, en particulier dans les domaines de l’hôtellerie et du luxe. Ainsi le Gouvernement se plie-t-il aux desiderata de ces multinationales.
La création de zones touristiques internationales n’a donc qu’un seul but : servir les intérêts particuliers de grands groupes, qui dictent leur volonté à court terme aux gouvernants de ce pays. Tout cela se fera au détriment non seulement de l’intérêt général, des familles, de celles et de ceux qui veulent passer du temps avec leurs proches le dimanche, mais aussi du pouvoir d’achat des ménages, des conditions de travail des salariés et des salaires.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons, au nom de l’intérêt général du pays, supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, sur l'article.
M. Olivier Cadic. Je tiens à apporter deux précisions concernant le contour des futures ZTI, les zones touristiques internationales, créées à Paris par le présent article.
L’article 72 ne prévoit pas d’intégrer aux ZTI l’ensemble des grands magasins parisiens. Dans ces conditions, il convient d’être clair sur un point : la Samaritaine devra en faire partie, soit grâce à la création d’une ZTI ad hoc pour cette enseigne, soit par une intégration aux ZTI déjà prévues pour le BHV et les Halles. Il serait par exemple possible de créer une ZTI étendue « rue de Rivoli ».
De même, il est nécessaire que la future ZTI créée pour la rue du Faubourg-Saint-Honoré se poursuive jusqu’à l’église Saint-Roch, et ce afin d’assurer un juste traitement des différentes enseignes qui y sont établies.
Tout cela sera bien sûr précisé par décret. Toutefois, il convient que les travaux parlementaires mentionnent ces points.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l'article.
M. Roger Karoutchi. Sincèrement, si même dans les zones touristiques internationales il est compliqué d’ouvrir les commerces le dimanche, mieux vaut fermer le pays !
J’ai entendu Mme Cohen nous dire que les touristes chinois ne peuvent de toute façon pas, une fois en France, se rendre sur un coup de tête au Royaume-Uni, car ce pays n’appartient pas à l’espace Schengen et qu’il faut donc un visa. Ne croyez-vous pas que cela suffit comme cela ? Sans compter qu’une motion vient d’être envoyée au gouvernement français affirmant que, pour des raisons de sécurité, la Chine et le Japon envisagent de ne plus recommander à leurs ressortissants de venir à Paris…
Mme Nicole Bricq. C’est arrangé !
M. Roger Karoutchi. Pour le moment, rien n’est arrangé ! Les organisations touristiques asiatiques, à chaque fois que nous les rencontrons, nous font part de leurs grandes inquiétudes quant à la venue de leurs ressortissants à Paris.
Faites un tour dans les zones touristiques les plus fréquentées, par exemple dans les grands magasins, et vous verrez que le tourisme asiatique y représentera bientôt près de 50 % des achats !
Alors que nous sommes en concurrence avec Londres, où tout est ouvert le dimanche, comment peut-on continuer de dire que la fermeture des magasins parisiens ce jour-là ne pose pas un vrai problème ? Il fut un temps – c’était le cas quand j’étais étudiant – où tout était fermé le dimanche à Londres ! Aujourd'hui, tout y est ouvert, et c’est la même chose à Barcelone et à Moscou ! Toutes les capitales internationales ouvrent le dimanche, et Paris voudrait s’obstiner à ne pas ouvrir ses commerces, y compris dans les zones touristiques !
Alors que nous sommes candidats pour l’Exposition universelle de 2025 et les jeux Olympiques de 2024, nous continuons à envoyer les touristes chez nos voisins ! Savez-vous ce qui se passera, ma chère collègue ? Les touristes chinois, bien qu’il soit plus compliqué pour eux de se rendre au Royaume-Uni, qui n’appartient pas à l’espace Schengen, ne viendront plus à Paris ! Ils iront directement à Londres, à Barcelone… et ils passeront à la limite une journée à visiter les monuments à Paris, sans faire de shopping.
Et quand les grandes marques françaises, que nous défendons tant, ne vendront plus ou vendront moins parce que les touristes en provenance d’Asie et du reste du monde seront ailleurs, quand leurs ventes enregistreront des baisses de 20 % ou de 30 %, c’est l’emploi qui sera menacé.
Certes, je veux bien croire qu’il faille trouver des garanties et des assurances. Par pitié, ne condamnons pas Paris à une activité économique réduite, à une activité de musée. Essayons ensemble de faire en sorte qu’elle devienne une métropole-monde. Chacun n’a d’ailleurs que ces derniers termes à la bouche ! Dès que j’évoque la métropole du Grand Paris, on me chicane sur des stupidités, et on me dit que c’est la « ville-monde ». Et elle n’ouvrirait pas le dimanche dans les zones touristiques ?
Si l’on veut une ville-monde, si l’on veut une dynamique et une croissance économiques dans cette région capitale pour entraîner le pays, ouvrons les commerces le dimanche, par pitié ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 66 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 160 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Jourda.
L'amendement n° 475 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 781 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
L'amendement n° 945 est présenté par M. Collombat.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 66.
M. Dominique Watrin. L’article 72 vise à créer, à côté des zones touristiques et des zones commerciales, une nouvelle catégorie, à savoir les zones touristiques internationales, où les commerces de vente au détail seront ouverts sept jours sur sept et jusqu’à minuit tous les jours.
La délimitation de ces zones n’est prévue à aucun moment, aucune étude d’impact n’étant par ailleurs requise.
C’est pourquoi il nous semble indispensable de définir précisément ce qui relève des ZTI, et surtout de préciser les contreparties pour les salariés.
La création des zones touristiques internationales est censée répondre à l’affluence exceptionnelle de touristes, notamment ceux qui résident hors de France, et à l’importance de leurs achats. À cet égard, je rappelle tout de même que, si des touristes chinois ou japonais viennent en France, leur unique objectif n’est pas d’y faire des achats ! (Mme Catherine Procaccia et M. Roger Karoutchi s’exclament.) Il y a quand même les monuments et les animations culturelles ! L’attractivité de Paris va donc bien au-delà de la question très limitative du commerce et n’est pas liée à l’achat de quelques souvenirs sur les Champs-Élysées. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Il ne s’agit pas des souvenirs !
M. Dominique Watrin. Je ne partage donc pas du tout ce qui a été dit. Vous êtes d’ailleurs sorti du sujet qui nous occupe, monsieur Karoutchi. Nous évoquons ici les zones touristiques internationales, caractérisées par le prestige et la renommée de certaines enseignes, lesquelles bénéficient – vous ne l’avez pas dit – d’une profitabilité importante.
M. Roger Karoutchi. Et alors ?
M. Dominique Watrin. Ainsi l’avenue des Champs-Élysées est-elle devenue, en 2013, la troisième artère la plus chère du monde…
M. Roger Karoutchi. Et alors ?
M. Dominique Watrin. … – la misère n’est quand même pas un risque encouru dans ce genre de secteur à affluence touristique exceptionnelle… –, avec un prix de location annuel au mètre carré s’élevant à plus de 13 200 euros, qui a d’ailleurs bondi de presque 40 % en une année.
Dès lors que l’ouverture des commerces dans ces zones hyper profitables serait autorisée par la loi cinquante-deux dimanches par an et également pendant la période dite « de soirée », il serait nécessaire que la loi garantisse aux salariés un plancher de droits et de contreparties à la hauteur des bénéfices escomptés par les entreprises.
Telles sont les raisons pour lesquelles il convient à notre avis de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 160 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je plaide aussi en faveur de la suppression de cet article, et ce pour deux raisons.
Premièrement, il existe déjà des zones touristiques. Dès lors, pourquoi créer des zones touristiques internationales ? Il s’agit tout d’abord de contourner l’avis des collectivités locales et, en l’occurrence, celui du Conseil de Paris. Je considère que, dans un pays décentralisé, les élus d’un territoire sont plus à même que les services de Bercy d’évaluer ce qui est bon pour le rayonnement touristique de ce territoire !
Ainsi notre collègue Olivier Cadic a-t-il déposé un amendement visant à faire bénéficier la Samaritaine, en plus des Galeries Lafayette, d’un tel dispositif. Ensuite, on se demandera pourquoi un centre commercial situé en périphérie ne pourrait pas également y être éligible. Par exemple, pourquoi Aubervilliers serait-il exclu, alors que la ville est contiguë à Paris ? De fil en aiguille, aucun schéma ne définira un équilibre territorial en matière de zones touristiques, lesquelles peuvent avoir besoin d’un soutien particulier ou de dérogations spécifiques.
Deuxièmement, les dispositions dont il est question visent à élargir le travail dit « de soirée » : on ne parlera plus de travail de nuit, alors que les salariés pourront travailler jusqu’à minuit.
Selon moi, ces conditions seront extrêmement préjudiciables aux salariés concernés et n’amélioreront pas les chiffres d’affaires des entreprises ni l’attractivité de la ville.
Dans les grands magasins, aux Galeries Lafayette ou à la Samaritaine, les employés sont massivement des femmes, qui habitent le plus souvent en banlieue. Leur retour chez elle, à minuit, par le RER, dans des conditions qui ne seront pas forcément vécues comme très sécurisantes, risque de ne pas être très plaisant. Et quelle sera leur vie de famille ? Je le rappelle, dans ces milieux, de nombreuses femmes élèvent seules leurs enfants.
Dernier point, M. Roger Karoutchi a raison : nous devons réfléchir à l’attractivité de nos territoires. Mais évoquons les vrais sujets. Oui, la question de la sécurité est un vrai sujet, tout comme celle de l’accueil dans les aéroports, tel Roissy.
M. Roger Karoutchi. Ça, c’est sûr !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si, déjà, on s’attaquait à ces vrais sujets-là, pour rendre plus attractif encore notre pays, qui reste fort heureusement – et pourvu que cela dure –, l’un des premiers lieux touristiques mondiaux ! L’ouverture des magasins le dimanche n’est pas déterminante à cet égard, et j’en veux pour preuve les études réalisées à la demande de la ville de Paris. Les tour-opérateurs contactés ont ainsi indiqué que la durée des séjours des touristes étrangers était au minimum de quatre jours à Paris. La plupart du temps, les touristes restent même cinq ou six jours. (Marques de dénégation sur les travées de l'UMP.)
Des visites de musées, de lieux particuliers et de grands magasins sont toujours programmées. Les visites de musées peuvent être prévues le dimanche, et les achats peuvent être réalisés le jour de fermeture des musées !
Mme Catherine Procaccia. Pourquoi ne ferme-t-on pas les musées le dimanche ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 475.
M. Jean Desessard. Nous pourrons discuter un jour des bienfaits du tourisme, mais aussi de ses méfaits, qui existent également.
Au demeurant, je ne consacrerai pas mon temps de parole à cette question et me contenterai de rappeler les loyers élevés, obligeant les gens à se loger loin de leur lieu de travail, ainsi que les effets sur la consommation. Finalement, les habitants de ces territoires ne s’y retrouvent pas toujours. Un équilibre doit donc être trouvé en matière de tourisme.
Mme Marie-Noëlle Lienemann a raison, le concept de zones touristiques existe déjà. Je pense notamment aux communes d’intérêt touristique ou thermales, ainsi qu’aux zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. Avec cet article 72, il s’agit de réaliser quelque chose de nouveau, de plus général et de plus facile à mettre en place.
L’article 72 du projet de loi prévoit la création de zones touristiques internationales permettant de déroger à la règle du repos dominical. Il est prévu que ces zones soient mises en place par arrêté des ministres compétents, à savoir les ministres chargés du travail, du commerce et du tourisme, après simple avis du maire, de l’intercommunalité et des syndicats intéressés, selon des conditions renvoyées à un décret futur.
Concrètement, ces zones seront celles que les touristes étrangers visitent en grand nombre – Aubervilliers en fait peut-être partie ! – et qui disposent d’une offre commerciale importante. L’argument justifiant la création de ces zones est le suivant : si les magasins n’ouvrent pas, les touristes chinois, japonais et américains, qui viennent dans notre pays pour faire du shopping, iront faire leurs achats ailleurs. (M. Roger Karoutchi proteste.) Évidemment, ils ne viennent chez nous que pour cela !
Concernant le périmètre de ces zones, il est aujourd’hui prévu qu’elles soient déployées sur certains quartiers de Paris – boulevard Haussmann, avenue des Champs-Élysées, rue du Faubourg Saint-Honoré... –, de Deauville, de Cannes et de Nice. Mais qu’en est-il des commerces implantés juste en dehors de ces zones ? Les touristes ne sont pas tous enfermés dans des circuits, ils se promènent dans les rues adjacentes, et les commerçants pourront invoquer le fait qu’ils se situent dans une zone frontalière et subissent une concurrence déloyale, comme l’ont dit MM. Bouvard et Cadic. Ils demanderont alors l’extension de ces zones.
Et quand tout Paris sera couvert, les communes voisines, comme Pantin ou Aubervilliers, demanderont à bénéficier de ce régime, puisqu’elles reçoivent aussi des touristes. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Mais si, nous savons très bien que c’est la logique qui finira par s’imposer !
En résumé, nous risquons de voir, à terme, la majeure partie du territoire parisien et des grandes villes touristiques passer sous le régime des zones touristiques internationales.
M. Robert del Picchia. Voilà, la solution est trouvée !
M. Jean Desessard. Avec cet article 72, il nous est proposé de transformer nos villes et nos lieux de tourisme en gigantesques centres commerciaux à ciel ouvert.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas encore fait !
M. Jean Desessard. Tel n’est pas le souhait des écologistes, et c’est pourquoi ces derniers proposent de supprimer cet article.
M. le président. L’amendement n° 781 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 945.
M. Pierre-Yves Collombat. Pour faire simple, un problème d’attractivité se pose effectivement pour la ville-capitale, voire la ville-monde. Pourtant, si l’on en croit une étude assez récente de la chambre de commerce et d’industrie, il semblerait que le problème soit plutôt dû à la fuite des centres de décision…
Mme Annie David. Eh oui !
M. Pierre-Yves Collombat. … qu’à l’attractivité touristique, puisque nous pouvons nous enorgueillir du fait que notre capitale soit l’une des destinations touristiques les plus prisées au monde.
Si ces touristes souhaitent vraiment faire du shopping, je pense qu’ils feraient mieux d’aller au Qatar ou dans les pays du Golfe : ils pourront y acheter tout ce qu’ils voudront à des prix absolument imbattables ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mes chers collègues, à trop vouloir prouver, on ne prouve rien ! À la limite, vous craignez que les touristes ne viennent plus qu’une journée à Paris pour ne voir que les monuments. Au contraire, si les commerces sont fermés le dimanche, les touristes peuvent visiter les musées ce jour-là et faire leur shopping le samedi ! C’est ce que je fais quand je voyage : je commence par regarder quand les monuments, les musées et les commerces sont ouverts, et je m’organise ensuite.
Pour justifier l’adoption de cette mesure, on nous dit que la durée moyenne d’un séjour est de quatre jours. En tout cas, même avec un séjour de deux jours, les touristes pourront faire leurs achats en dehors du dimanche !
Enfin, ce n’est pas parce qu’il y aura plus de zones touristiques que les gens auront plus d’argent à dépenser.
M. Roger Karoutchi. Il s’agit d’attirer les touristes ! On ne parle pas des Français !
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait ! Je le répète : ce n’est pas parce qu’il y aura plus de zones touristiques que les touristes auront plus d’argent à dépenser !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques. En effet, elle soutient la création des zones touristiques internationales qui contribuent à l’attractivité internationale de la France, et de Paris en particulier, puisque cette ville est la plus concernée.
S’il existe déjà des zones touristiques ou des zones commerciales soumises à la décision du maire, il nous semble important que, dans certaines zones, la décision de création puisse être prise au niveau national. Nous aurons d’autres débats sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Permettez-moi d’expliquer rapidement ce qu’il entend faire dans ce domaine.
Tout d’abord, le statut des zones touristiques internationales se distingue du statut des zones touristiques classiques. En effet, il concerne tout d’abord le travail en soirée, en prévoyant un niveau de compensation supérieur à celui qui existe actuellement pour le travail de nuit dans la plupart des branches – j’attire votre attention sur ce point – et en créant des éléments de contraintes à l’égard des employeurs pour la reconduite à domicile des salariés, y compris avec des compensations matérielles. Il s’agit là d’éléments de protection forts. En ce qui concerne le travail dominical, ensuite, des éléments de compensation sont également prévus.
Ce régime des zones touristiques internationales concerne des zones géographiques extrêmement limitées dans l’espace : principalement trois villes. On ne peut donc pas dire que notre modèle social se trouve soudain bousculé ni que cette réforme touche la totalité de notre territoire. Seules sont concernées quelques rues de Paris, où se trouvent des grands magasins connus que je pourrais vous citer – j’ai déjà eu l’occasion de le faire et je peux recommencer si vous le souhaitez… – et une partie de Nice et de Deauville.
Ces zones touristiques internationales sont déterminées par rapport à un potentiel clairement identifié qui dépend du flux de touristes et des montants dépensés, en accordant une attention particulière aux achats bénéficiant de la détaxe.
Il me semble donc que l’ouverture de ces commerces en soirée et le dimanche permettra une réelle création de valeur ajoutée. En effet, il s’agit non pas de la zone de chalandise locale qui ne reçoit jamais aucun touriste étranger – nous en reparlerons peut-être tout à l’heure en évoquant les zones commerciales ou les dimanches du maire –, mais de zones qui accueillent massivement des touristes étrangers.
En ce qui concerne le nombre de touristes étrangers, d’autres zones pourraient bénéficier demain de cette mesure, et il faudra en discuter – je sais que cette question reste très sensible, et d’autres amendements seront discutés tout à l’heure à ce propos. Quoi qu’il en soit, nous savons pertinemment que, dans les zones aujourd’hui déterminées, il y a un afflux de touristes étrangers qui viennent en France non pas pour dépenser dans les grands magasins – vous avez raison de le dire –, mais pour visiter le patrimoine. Or les statistiques montrent bien que la France est l’un des pays tirant le moins profit du tourisme des étrangers : c’est une réalité commerciale, économique ! La question qui se pose est donc de savoir comment donner la possibilité de dépenser leur argent à des touristes qui viennent pour des raisons culturelles.
Si nous comparons notre situation avec celle de pays comme l’Italie, le Royaume-Uni, les États-Unis, nous sommes parmi les moins bons pour ce qui est de tirer profit de l’afflux de touristes,…
M. Michel Bouvard. On régresse même !
M. Emmanuel Macron, ministre. … notamment si l’on se penche sur le montant moyen dépensé par touriste. C’est cette faiblesse que nous voulons corriger en vous proposant cette mesure.
M. Pierre-Yves Collombat. Il y a d’autres paramètres !
M. Emmanuel Macron, ministre. Le meilleur paramètre, pour inciter un touriste à consommer, c’est de lui laisser la possibilité de consommer ! (M. Michel Bouvard applaudit.) On pourrait en trouver d’autres pour améliorer le système, mais, en l’espèce, si le magasin est fermé, il peut toujours baisser les prix ou offrir des produits de meilleure qualité, le touriste n’a pas la possibilité d’acheter. La finalité des ZTI est donc de permettre aux touristes étrangers d’acheter.
J’en viens enfin à la situation des étudiants, puisqu’elle a été évoquée – je pense que cette problématique est d’ailleurs transversale à toute la discussion que nous avons. J’entends évoquer de manière récurrente la question du recours au travail par les jeunes. Si l’on examine les statistiques disponibles – vous les avez d’ailleurs rappelées –, on constate que le travail des étudiants contribue de manière importante à éviter leur paupérisation. Faut-il s’en réjouir ou non ? Il n’en demeure pas moins que c’est un fait ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Pierre-Yves Collombat. Comment peut-on dire une chose pareille ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Parfois même, le travail des étudiants permet à ces derniers d’accéder à un emploi après la fin de leurs études. Il ne faut jamais oublier, somme toute, que l’on fait des études pour s’émanciper de sa condition, apprendre des choses, évoluer dans la vie, mais aussi pour avoir un travail.
Une chose est sûre, madame la sénatrice, le travail du dimanche est bien meilleur pour les résultats des étudiants que le travail pendant les heures de cours. En effet, la principale cause de l’échec étudiant est due à l’obligation, pour certains étudiants, de travailler pour assurer leur quotidien et, du coup, de travailler pendant leurs heures d’études. Ces étudiants préfèrent donc travailler en soirée, ce qui est déjà moins bon, et pendant le week-end…
Mme Éliane Assassi. Ils préféreraient surtout ne pas être obligés de travailler et avoir un statut d’autonomie !
M. Emmanuel Macron, ministre. Interrogez les étudiants qui sont dans cette situation, et vous verrez qu’ils préfèrent travailler le samedi et le dimanche, avec des majorations et les compensations telles qu’elles sont prévues dans ce texte, plutôt que de travailler pendant leurs heures de cours sans majoration !
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Emmanuel Macron, ministre. Voilà ce que je souhaitais rappeler au sujet du contexte dans lequel s’inscrivent ces zones touristiques internationales. Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. La parole à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste votera contre ces amendements de suppression.
Revenons-en à la réalité, c’est-à-dire à l’innovation que représentent les zones touristiques internationales. Nos collègues députés ont précisé, par voie d’amendement, la nature de ces zones touristiques internationales, à ne pas confondre avec les nombreuses autres zones touristiques qui existent dans notre pays. Ils ont retenu trois critères : le rayonnement international, qui peut être apprécié objectivement, l’affluence exceptionnelle de touristes étrangers et l’importance de leurs achats – M. le ministre vient d’y faire référence. Grâce à ces critères, on peut savoir exactement ce qu’est une zone touristique internationale et ce qui la distingue des autres zones touristiques.
Je voudrais rappeler à nos collègues que, s’il est vrai que la France accueille beaucoup de touristes – avec 80 millions de touristes par an, nous sommes les champions du monde –,…
M. Robert del Picchia. Mais pas en recettes !
Mme Nicole Bricq. … du point de vue des recettes, nous sommes derrière l’Espagne, parce que nous n’avons pas la capacité de retenir nos touristes. Circulez dans certains quartiers de la capitale ou de grandes villes attractives le dimanche, c’est un désert !
M. Roger Karoutchi. Bien sûr !
Mme Nicole Bricq. Je ne veux pas faire de publicité pour tel ou tel magasin, mais si votre projet de loi est adopté tel quel, monsieur le ministre, l’État va devoir définir des périmètres importants ! On peut encore discuter de l’avis du maire et de la consultation du conseil municipal – nous allons le faire, du reste, les élus parisiens sont là et vont s’en charger, et leurs demandes sont sans doute légitimes.
Tout à l’heure, une enseigne a été citée : la Samaritaine – c’est M. Cadic qui a commencé le bal. Ce projet est encalminé depuis dix ans ! Je pense qu’une zone touristique internationale serait justifiée dans ce quartier.
Enfin, je vais défendre l’industrie du luxe,…
Mme Éliane Assassi. Nous n’avons rien contre !
Mme Nicole Bricq. … notamment les entreprises présentes au sein du comité Colbert. Grâce à elles, les résultats de notre commerce extérieur sont moins mauvais qu’ils ne pourraient l’être. En même temps, ces groupes créent des emplois en France, sinon ils ne font pas partie du comité ! (M. Michel Bouvard applaudit.)
Je ne veux pas faire de publicité pour un grand groupe qui se reconnaîtra, mais je tiens à rappeler qu’il a recréé des ateliers permettant à un savoir-faire français qui s’était perdu de retrouver du dynamisme, dans une région que je connais bien, appelée à devenir la grande Aquitaine, dans des départements comme la Dordogne ou la Charente. Il a ainsi créé des emplois…
Mme Annie David. Après les avoir tous supprimés !
Mme Nicole Bricq. Nous devons penser à la nature du projet de loi que nous examinons : c’est un texte de portée économique. La France pourrait sans doute être un peu plus attractive et créer des emplois et de la croissance.
En moyenne, la durée de séjour des touristes n’est pas supérieure à trois jours : nous perdons donc une clientèle. Nous n’avons pas la capacité de retenir, le week-end et le dimanche, le tourisme d’affaires, qui est le plus lucratif. Si nous pouvons le faire dans les grandes villes de renom international, nous devons le faire, et c’est l’objet même de la création de ces zones touristiques internationales.
Il faut aussi reparler de la compensation salariale, à laquelle nous tenons énormément. Nous aurons la possibilité d’échanger sur ce point, et vous verrez que ce projet de loi ne représente pas une régression et qu’il pourrait même avoir un effet d’entraînement. Je me souviens du temps où la signature d’un accord collectif à la régie Renault avait des répercussions dans l’ensemble de l’économie française. Les accords signés dans ces zones touristiques internationales pourront entraîner des mouvements ailleurs. Dans la compétition internationale, il faut avoir des bannières, et ces zones touristiques peuvent jouer ce rôle !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, je ne peux pas laisser dire que la solution au problème économique des étudiants passe par le travail du dimanche !
M. Pierre-Yves Collombat. Si, vous l’avez dit !
Je ne peux pas accepter une telle affirmation de la part d’un ministre d’un gouvernement de gauche. J’en déduis que, si vous êtes ministre, vous n’êtes pas ministre d’un gouvernement de gauche !
Mme Nicole Bricq et M. Didier Guillaume. C’est une attaque personnelle !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. On peut être de gauche ou de droite mais il faut au moins être rigoureux quand on écoute les gens, monsieur le sénateur ! Je n’ai pas dit cela, j’ai simplement dit que quand on s’indigne du travail des étudiants le dimanche, il faut d’abord s’indigner du travail des étudiants pendant leurs heures de cours.
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait !
M. Emmanuel Macron, ministre. C’est une chose, mais on préfère des étudiants qui travaillent que des étudiants pauvres.
M. Pierre-Yves Collombat. Exactement !
M. Emmanuel Macron, ministre. Quant à votre dernière remarque, je n’entrerai pas dans votre jeu. Il y a eu un grand Président de la République qu’on a très longtemps accusé de ne pas être socialiste : il s’appelait François Mitterrand.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, on ne l’a jamais accusé de ne pas être socialiste !
M. Emmanuel Macron, ministre. On l’a très longtemps accusé de ne pas l’être. À cela, il a toujours répondu que personne ne donne de brevet de socialisme. (Exclamations sur plusieurs travées.) Il n’y a personne qui donne de brevet de socialisme ! À la fin des fins, c’est le peuple qui en décide, ce n’est ni l’un ni l’autre !
M. Pierre-Yves Collombat. Le peuple, il est en train de décider !
M. Emmanuel Macron, ministre. Ce que j’essaie de dire, c’est que le socialisme, ce n’est pas l’idée d’un certain patrimoine que quelques-uns détiendraient. (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Pierre-Yves Collombat. Avoir pour objectif de faire travailler des étudiants : c’est cela un gouvernement de gauche ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Aujourd'hui, après des années de croissance et de progrès, comme le rappelait Dominique Watrin, les dérogations au repos dominical sont si nombreuses que 30 % des Françaises et Français déclarent travailler régulièrement ou occasionnellement le dimanche.
Si le travail du dimanche se justifie notamment pour la continuité de certains de nos services publics, comme la SNCF, pour prendre un exemple que je connais bien, d’autres dérogations, particulièrement celles qui se pratiquent dans le commerce, se traduisent surtout par la spirale infernale dans laquelle elles nous entraînent, aboutissant à la mise en cause du repos dominical. Cela a été rappelé tout à l’heure, la loi Mallié était d'ailleurs déjà allée dans ce sens pour couvrir des ouvertures non autorisées que l’on a petit à petit légalisées.
Aujourd’hui, il nous est proposé un nouveau type de dérogation, définie sur un critère géographique : les zones touristiques internationales.
Ces zones seront délimitées par un travail interministériel, le maire et les autorités locales n’ayant qu’un rôle consultatif. En effet, dans l’article 71 comme dans l’article 72, on ne parle que d’avis, y compris pour les organisations salariales. Comme l’accord n’est pas nécessaire, comme il ne s’agit que d’un avis, cela veut dire qu’on peut passer outre. (M. le ministre opine.) Je le vis assez régulièrement en tant que maire dans les débats : si sont recueillis les avis d’un certain nombre d’organisations salariales, ces avis ne représentent pas obligatoirement la position de la totalité des syndicats représentés dans le secteur concerné. De toute façon, à partir du moment où l’accord n’est pas exigé, on peut déroger à l’avis qui a été émis.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Heureusement !
Mme Marie-France Beaufils. Nous vivons une période où malheureusement notre démocratie aurait besoin d’être revivifiée. Si l’on veut que notre démocratie vive véritablement mieux, il me paraît important d’aller au-delà du rôle consultatif.
Les zones touristiques internationales sont définies à partir de critères que notre collègue Nicole Bricq trouve précis. J’avoue ne pas en être convaincue car je me demande comment l’on peut estimer le rayonnement international. Quel est le seuil de nationalités de touristes représentées pour affirmer que le tourisme revêt réellement un caractère international ?
Autres critères, « l’affluence exceptionnelle de touristes » et « l’importance de leurs achats ». Là aussi, y a-t-il un nombre à partir duquel on va considérer que l’ouverture des magasins le dimanche est justifiée ? Pour le moment, c’est tout de même encore flou !
Sur le sujet d’ensemble de l’ouverture des magasins le dimanche, on nous parle toujours, outre de l’attrait touristique, de la création d’emplois. Demande-t-on aux employeurs, en contrepartie de la possibilité qui leur est donnée d’ouvrir le dimanche, de s’engager en termes de création d’emplois ?
La part du chiffre d’affaires de l’activité touristique liée au commerce de détail est estimée à 5,8 milliards d’euros, ce qui doit engendrer à peu près 18 000 emplois. Pouvez-vous nous donner une estimation du nombre d’emplois créés dans ce secteur précis grâce à l’ouverture des magasins un jour supplémentaire ? Nous aimerions également savoir combien d’emplois seraient supprimés dans d’autres secteurs d’activités. Rappelez-vous qu’il n’a pas suffi au magasin Virgin des Champs-Élysées d’ouvrir sept jours sur sept jusqu’à minuit pour maintenir son activité !
Mme Annie David. Exactement !
Mme Marie-France Beaufils. Nous sommes, me semble-t-il, en droit de nous poser de véritables questions sur la capacité de ce texte à nous ouvrir d’autres possibilités de développer l’emploi. D’autant que, nous l’avons rappelé tout à l’heure, le principe de concurrence déloyale sera très présent par rapport aux périphéries de ces secteurs.
Je terminerai, monsieur le ministre, par une question. Nicole Bricq l’a souligné il y a quelques instants, s’agissant des zones touristiques, les contreparties ne concerneraient pas que les salariés du commerce. Est-ce à dire que dans des secteurs tels que l’hôtellerie-restauration, cette idée du principe du repos compensateur et du doublement de la rémunération s’appliquerait également ? Rien ne nous a été dit sur ce sujet. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.
M. Gaëtan Gorce. Cette intervention vaudra explication sur l’ensemble des votes que j’ai l’occasion d’émettre sur ce débat relatif au travail du dimanche. J’ai choisi de m’abstenir sur les propositions du Gouvernement, comme, d'ailleurs, sur celles qui visent à supprimer ces dispositifs.
Pourquoi ? Pas tellement en raison du contenu même du texte. À la différence de certains de mes collègues qui expriment ici un très vif enthousiasme contre ce texte dans lequel ils voient des reculs considérables, j’ai tendance à ne voir, quant à moi, qu’un texte au fond assez modeste et qui ne mérite pas peut-être ces emportements.
Ce qui me gêne dans ce projet de loi, c’est moins son contenu que les arguments avancés pour le défendre, et là, je suis un peu dans l’embarras. Je reprendrai ce que disait tout à l’heure mon collègue Collombat, qui a réagi avec la passion qu’on lui connaît lorsque le mot « gauche » a été évoqué.
« La gauche », on peut évidemment en avoir des définitions très variables. Je suis persuadé que sur ces travées, pour ceux en tout cas qui s’y reconnaissent, nous pourrions tous en donner des définitions différentes, mais nous avons tous le sentiment qu’elle se reconnaît néanmoins à certains éléments de repère, à certaines références.
Je prendrai un exemple sur l’argument qui a été évoqué ici au sujet de la durée du travail. Cet argument, j’avais coutume de l’entendre par le passé sur d’autres travées et venant d’un autre gouvernement qui nous expliquait qu’il fallait que les Français travaillent plus longtemps. S’il faut travailler le dimanche, c’est pour travailler plus longtemps et c’est par ce travail plus long que les Français amélioreront leur pouvoir d’achat. Cet argument, je l’ai entendu tant de fois !
Or, nous le savons, ce dont notre pays a besoin, c’est d’avoir plus de gens qui travaillent. (Mme Annie David opine.) Et en voyant le chômage augmenter, on peut se demander si le travail du dimanche est une véritable réponse. En tout cas, c’est une réponse que la gauche peut proposer de manière sérieuse.
Lorsqu’on entend dire que le travail du dimanche va permettre d’apporter des réponses aux questions sur le pouvoir d’achat, on peut aussi se demander en quoi la gauche travaille aujourd'hui pour améliorer la qualification de nos emplois. En effet, ce que l’on sait, et nous l’avons dit pendant dix ans dans l’opposition, c’est que la faiblesse de ce pays, c’est non d’avoir trop d’emplois peu qualifiés, c’est de ne pas avoir assez d’emplois qualifiés. Cela demande de faire une véritable réforme de la formation et d’accompagner l’évolution du pouvoir d’achat par l’amélioration des qualifications. Ces réformes, elles ne sont pas à l’ordre du jour. Je ne suis même pas sûr qu’on les ait envisagées.
Quand j’entends la gauche, ou une partie de la gauche – je ne sais pas en quoi elle se définit – nous dire que c’est la liberté qui doit primer sur le terrain du droit du travail, là encore, je ne m’y reconnais plus ! La gauche, c’est sans doute la négociation, ce sont les références à un droit du travail qui protège, mais c’est l’idée qu’on s’appuie d’abord sur les syndicats et le dialogue social, en amont, et pas en aval, de la démarche.
Nous nous sommes battus pendant des années à l’Assemblée nationale et au Sénat contre des dispositions visant à augmenter, au nom de la liberté, les quotas d’heures supplémentaires, tout comme on nous disait qu’il fallait, au nom de la liberté, travailler plus pour gagner plus. Cette liberté, on sait qu’elle n’est pas juste et que, par conséquent, elle ne peut pas incarner la gauche.
Monsieur le ministre, vous avez fait référence tout à l’heure – et j’en ai été extrêmement heureux – à François Mitterrand, pour dire qu’on lui a reproché longtemps de ne pas être socialiste. Je ne sais pas si ce procès était justifié, je ne sais pas s’il a été conduit longtemps, mais ce que je sais, c’est que François Mitterrand avait un double souci.
Il avait ce souci, qui vous anime sans doute et qui anime le Président de la République aujourd'hui, de la modernisation de notre économie et de la société, souci parfaitement légitime. Mais il avait aussi le souci, qui vous manque aujourd'hui, d’associer à ce souci de modernisation un souci de justice. François Mitterrand, c’est sans doute l’homme qui a dû régler la question de la sidérurgie, c’est l’homme qui, avec Jacques Delors, a mis un terme à l’indexation des salaires sur les prix – on pouvait en discuter –, des décisions difficiles et fortes à l’époque, mais c’est aussi l’homme qui a su faire la cinquième semaine de congés payés, la retraite à soixante ans et qui a enclenché d’autres réformes.
Ce qui manque malheureusement dans votre démarche, monsieur le ministre, et dans la démarche de ce gouvernement, c’est que l’on voit ce qu’il a de libéral, mais on ne voit pas ce qu’il a de social ; on voit en quoi il veut moderniser, on ne voit pas en quoi il veut favoriser la justice.
S’il y avait un reproche que l’on puisse vous faire, monsieur le ministre, indépendamment de toute autre considération, c’est que, au fond, vous ne regardez pas ce qu’est ce pays, et cette gauche, qui a besoin, pour s’y retrouver, sans doute de pragmatisme mais aussi de conviction et d’idéal.
Et la conviction et l’idéal, ce ne sont pas simplement des déclarations dans un texte comme celui-ci. Cela se traduit de manière forte par des réformes d’ensemble qui font avancer notre société dans l’esprit de la justice, pas simplement par des coups de menton en disant vouloir faire bouger les choses parce qu’il y a des résistances. Bouger, ce n’est pas changer ! Changer, ce n’est pas forcément réformer ! Changer et réformer, c’est mener du même mouvement un progrès économique et un progrès social !
Aujourd'hui, nous avons du chômage, un déficit de nos comptes extérieurs, une incertitude sur l’avenir de notre industrie. Je prends l’exemple de l’industrie de la construction dans la Nièvre : depuis quatre ans, 40 % des emplois ont été supprimés dans ce secteur. Où est la justice pour les salariés de ces petites entreprises ? Où est la justice pour ces territoires ? Où est la gauche, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRC. – MM. Pierre-Yves Collombat et Jean Desessard applaudissent également.)
M. Roger Karoutchi. On n’est pas à un congrès du parti socialiste ! Vous réglerez vos affaires en juin !
Mme Annie David. On sait qui est à droite !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Dans le débat qui a lieu ici au Sénat, organisé afin de nous laisser beaucoup de temps pour échanger, évoquer chaque point du texte et discuter en détail de chaque amendement et article, je trouve, je vous le dis très franchement, que certains viennent semer quelque confusion en mélangeant plusieurs questions.
La question du travail du dimanche en général est une vraie question politique. Elle concerne la société, le vivre-ensemble. Aujourd’hui, on ne peut pas défendre sérieusement le fait que cette loi remet en cause cette exception qu’est la traditionnelle sanctuarisation du repos du dimanche, élément important pour notre société. Ce dont il s’agit de discuter aujourd’hui, ce sont des exceptions, des dérogations, ce dont il s’agit, c’est d’encadrer les dérogations dans une société qui a vécu avant ce texte et qui continuera par la suite.
Avant cette discussion, le travail du dimanche donnait déjà lieu à des dérogations, un petit peu dans l’anarchie, et il existait donc un manque d’encadrement. En effet, quand on ne légifère pas à temps sur des phénomènes de société, des évolutions ou des particularismes,…
M. Michel Bouvard. Ce sont les tribunaux qui décident à la place du Parlement !
M. David Assouline. … on laisse s’installer sur le terrain les rapports de force et le rapport de force économique s’impose dans la société, et donc les choses se font sans aucune régulation. J’estime que cette loi apporte des régulations là où il n’y en avait pas. Et on ne peut pas parler de régression quand elle ouvre, au contraire, des possibilités, notamment en prévoyant des accords majoritaires. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Tous les autres débats sont légitimes, notamment pour savoir si les encadrements et dérogations sont suffisants. Mais il serait faux – personne ne peut être convaincu de cela ! – de laisser croire que c’est un débat de civilisation qui se déroule ici, au seul motif de justifier le refus d’entrer dans le débat, de préciser et d’amender le texte. On essaye de caricaturer, ce qui n’aide en rien !
Et puis, on confond ce qui est effectivement le débat interne à un certain nombre de partis, au mien, en tout cas, et ce qui est en jeu dans cet hémicycle (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.) où il y a une gauche et une droite. Tous les débats montrent que la droite n’est pas d’accord avec cette loi,…
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ce n’est pas vrai ! Nous l’avons beaucoup améliorée !
M. David Assouline. … et ce n’est donc pas une loi de droite, sinon, je pense qu’elle serait pour et elle veut justement autre chose que la régulation. (Exclamations sur plusieurs travées.)
M. Roger Karoutchi. Où est la République dans tout cela ? Droite, gauche, on s’en fout ! La République, ce n’est pas la gauche, ce n’est pas la droite !
M. le président. Laissez M. Assouline s’exprimer !
M. David Assouline. D’ailleurs, je ne me suis pas beaucoup exprimé : il me reste en effet deux minutes de temps de parole.
Je veux ensuite dire à ma collègue Mme Marie-Noëlle Lienemann qu’une fois ce préalable posé, il ne faut pas le mélanger avec un point qui va venir en discussion et qui concerne les conditions pour déterminer les zones touristiques.
Pour moi, il est une évidence que j’ai déjà défendue et que je défendrai de nouveau cet après-midi : on ne peut pas admettre de s’asseoir sur l’avis d’un maire ! Je le dis d’autant plus fort que nous sommes au Sénat ! Et je m’adresse à l’ensemble de mes collègues : nous sommes aussi une chambre de représentation des territoires, on ne doit pas s’asseoir sur le pouvoir des élus locaux !
M. Roger Karoutchi. À Paris ?
M. David Assouline. Et je le dis, à Paris, il est évident que cela a des conséquences. Les zones touristiques revêtent bien entendu une dimension nationale. Il faut donc que l’État soit là et fasse la proposition, mais, selon moi, l’avis conforme est complètement légitime.
Encore une fois, l’avis conforme du maire est totalement légitime, compte tenu des conséquences pour la commune des décisions relevant du pouvoir propre du maire, par exemple les mesures prises en matière de sécurité, mais surtout de propreté,…
M. Roger Karoutchi. La propreté, il y a à faire !
M. David Assouline. … ou la définition du plan local d’urbanisme.
Ne pas prévoir que l’avis du maire doit être conforme signifierait que l’on peut s’asseoir dessus !
Nous aurons ce débat ultérieurement, et il ne faut pas le confondre avec celui, général, que nous avons en ce moment sur les zones touristiques.
Par mon intervention, je souhaitais également prévenir que, cet après-midi, nous demanderons à cet égard des précisions et quelques garanties supplémentaires.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je veux revenir sur les propos du ministre relatifs au travail du dimanche des étudiants et lui apporter tout mon soutien. Il était très important qu’il fasse ce rappel.
Mieux vaut, en effet, que les étudiants travaillent le dimanche plutôt que pendant les heures de cours. Pour beaucoup de personnes, cela semble une évidence. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe CRC.)
Je tiens aussi à dire, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas aussi isolé qu’il y paraît. On entend, en effet, toujours les mêmes... (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Mme Éliane Assassi. Prendre la parole, c’est un droit !
M. Olivier Cadic. Avec les zones touristiques internationales, nous ouvrons la voie, pour l’avenir, à un amendement de simplification fort : la France dans son ensemble devra être une zone touristique internationale, de façon à pouvoir lutter à armes égales avec d’autres grands pays. Ces derniers se font fort, en effet, de récupérer ces touristes dont nous ne voulons pas, puisque nous refusons de leur ouvrir nos commerces et de leur permettre de faire des achats tandis qu’ils visitent notre pays.
J’ai l’impression, en écoutant certains de mes collègues, qu’ils sont les représentants d’une culture politique en voie d’extinction, en quelque sorte les derniers dinosaures,...
Mme Éliane Assassi. Un peu de respect, tout de même !
M. Pierre-Yves Collombat. Mieux vaut des dinosaures que des vautours !
M. Olivier Cadic. ... qui veulent faire de notre pays une sorte de Jurassic Park. Or telle n’est vraiment pas l’image que nous voulons en donner !
M. Jean Desessard. Jurassic Park, c’est comme un musée, ça se visite ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. M. Cadic est content de lui !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.
Mme Michelle Demessine. Il est dommage que ce débat sur l’économie touristique de notre pays – véritable sujet économique, qui mériterait une discussion de bien plus grande ampleur ! – soit posé uniquement à travers le prisme de l’industrie du luxe et du travail du dimanche.
Je reconnais que le secteur du luxe est en forte expansion, ce qui suscite de nombreuses réactions et attise bien des convoitises. Mais pourquoi connaît-il une telle croissance ? Parce que le nombre de riches augmente et que les riches sont de plus en plus riches,…
M. Roger Karoutchi. Ce sont des touristes, pas des Français ! Tant mieux si les Chinois sont plus riches !
Mme Michelle Demessine. … et ils ont donc beaucoup d’argent à dépenser dans les produits de luxe. Voilà pourquoi nous abordons ce sujet aujourd’hui !
Il est vrai que l’industrie du luxe est un atout pour notre pays et qu’elle contribue à son attractivité. Prenons garde, cependant, à ne pas perdre de vue nos responsabilités !
J’en viens au débat inépuisable, et que je connais bien, sur le rapport entre le nombre de touristes accueillis et le niveau de nos recettes touristiques.
Il faut tout de même rappeler que notre pays se classe au troisième rang en termes de recettes touristiques. Ce n’est pas négligeable...
Il y a un fait que l’on ne pourra jamais changer : la France étant située au carrefour de l’Europe, nombre de touristes ne font qu’y passer (Mme Nicole Bricq et M. Jean Desessard opinent.) ou n’y restent pas longtemps, parfois une seule nuit, contrairement à ce que nous souhaiterions.
On ne va pas demander à un touriste néerlandais qui traverse la France pour se rendre en Espagne de rester plus longtemps dans notre pays ! Nous connaîtrons donc toujours un déficit de recettes à cause de notre situation géographique.
Il est dommage, j’y insiste, d’aborder ce débat sur l’économie touristique à travers l’unique prisme du luxe et du travail du dimanche, car il y a bien d’autres moyens d’améliorer nos recettes touristiques et – cet argument a aussi été évoqué – d’augmenter l’emploi dans ce secteur.
Nous ne devons en effet pas oublier que, sur notre territoire, tous les touristes ne sont pas des étrangers. (Mme Nicole Bricq opine.) Ceux-ci, nous les accueillons, bien sûr, et non pas seulement pour leur argent, mais aussi parce qu’ils nous apportent beaucoup sur le plan culturel et en termes de relations humaines.
Mme Catherine Procaccia. Leur argent nous intéresse aussi !
Mme Michelle Demessine. N’oublions pas, pourtant, que 80 % des Français choisissent aussi la France comme destination touristique : c’est exceptionnel !
Notre pays est l’un des seuls d’Europe que les touristes nationaux choisissent majoritairement pour passer leurs vacances. Or j’attire votre attention sur la baisse de ce chiffre, dans la mesure où le nombre de Français qui peuvent partir en vacances est aujourd’hui en nette diminution.
Si nous abordions la question de l’économie touristique sous cet angle, nous pourrions identifier d’autres moyens d’accroître les recettes touristiques de notre pays.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Sur la question du travail des étudiants, on marche sur la tête !
J’entends des élus, des sénateurs, dire dans cet hémicycle que mieux vaut pour les étudiants travailler le dimanche plutôt que pendant les heures de cours. J’ignore si le présent débat fait la part belle aux dinosaures, mais je sais, en revanche, que de tels propos sont tenus par des réactionnaires ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et de l'UMP.) Pourquoi dis-je cela ?
Mme Nicole Bricq. Cela n’a jamais tué personne de travailler pendant ses études !
Mme Laurence Cohen. Laissez-moi parler, ma chère collègue ! Si vous vous sentez visée, c’est votre problème !
M. Roger Karoutchi. La gauche, c’est fini !
Mme Laurence Cohen. La question qui nous est posée est importante : hélas ! de plus en plus nombreux sont les étudiants conduits à trouver des petits boulots…
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait !
Mme Laurence Cohen. … parce qu’il est difficile de se nourrir, de se loger, et parce que leurs familles ne peuvent pas suivre ! Ces jeunes ont, du coup, beaucoup de mal à suivre un cursus normal.
Par ailleurs, tous les étudiants ne sont pas à égalité, car tous ne sont pas obligés de travailler (Mme Nicole Bricq opine.), d’où l’importance de prévoir une prime d’autonomie pour tous les étudiants.
Le groupe CRC fait partie – en cela, il est moderne ! – de ceux qui veulent l’égalité pour toutes et tous, mais par le haut, et non par le bas ! Il ne s’agit pas, selon nous, de faire « trimer » quelques-uns…
Mme Nicole Bricq. Oh !
Mme Laurence Cohen. … au profit d’une minorité de plus en plus aisée. Il faudrait remettre ce débat à l’endroit !
Enfin, lorsque Nicole Bricq dit qu’elle veut défendre l’industrie du luxe, j’adhère à son propos. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme Laurence Cohen. Je ferai cependant deux remarques.
Rosa Luxemburg disait, et je fais miens ses propos (M. Roger Karoutchi proteste.) – cela élève un peu le débat, monsieur Karoutchi ! – : « J’aime le luxe sous toutes ses formes – c’est aussi mon cas ! – et il faut le rendre accessible à tous. » C’est un combat que nous pourrions partager !
En parlant de luxe, j’ai vu récemment un très bon documentaire télévisé montrant que plus aucun soutien-gorge n’était fabriqué en France. Même les grandes marques de lingerie font fabriquer leurs pièces ailleurs. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Je vous engage à voir cette émission, ma chère Nicole Bricq ! Quant aux atelières françaises, elles ont été laminées et n’ont pas pu continuer à travailler, à fabriquer des produits français. Voilà un débat qu’il serait intéressant d’avoir dans cet hémicycle !
M. le président. Mes chers collègues, je suspendrai la séance à treize heures, que le vote ait eu lieu ou non !
M. Roger Karoutchi. Il n’y a que la gauche qui parle !
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Je suis d’accord avec le président : il faut suspendre à treize heures.
M. Roger Karoutchi. Non, prenez votre temps...
M. Robert del Picchia. Madame Cohen, vous avez cité Rosa Luxemburg. Je ferai de même, bien que je ne partage pas toutes ses idées politiques. Elle a en effet dit une phrase très intéressante : « Il n’y a de liberté pour personne s’il n’y en a pas pour celui qui pense autrement. »
Mme Éliane Assassi. Nous sommes mieux placés que vous pour le savoir !
M. Robert del Picchia. Permettez-nous donc de penser autrement ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 66, 160 rectifié, 475 et 945.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 163 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 307 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Hervé Marseille.)
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous reprenons l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 72.
Les amendements nos 1191, 1192, 1193, 1196, 1197, 1198, 1199 et 1200 ne sont pas soutenus.
Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 161 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Claireaux et Jourda, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. – L'initiative de la demande de délimitation ou de modification des zones touristiques internationales appartient au maire ou au président de l'établissement public de coopération intercommunale, lorsque celui-ci existe.
II. – Après l'alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – La demande de délimitation ou de modification de ces zones est transmise au représentant de l’État dans la région. Elle est motivée et comporte une étude d'impact justifiant notamment de l'opportunité de la création ou de la modification de la zone.
« Ces zones sont délimitées ou modifiées par le représentant de l’État dans la région après avis :
« 1° Du conseil municipal ;
« 2° Des syndicats d'employeurs et de salariés intéressés ;
« 3° Des communautés de communes, des communautés d'agglomération, des métropoles et des communautés urbaines, lorsqu'elles existent ;
« 4° Du conseil municipal des communes n'ayant pas formulé la demande mentionnée au II et n'appartenant pas à une communauté de communes, une communauté d'agglomération, une métropole ou une communauté urbaine dont la consultation est requise en vertu du 3°, lorsque la zone sollicitée est située en tout ou partie sur leur territoire ;
« 5° Du comité départemental du tourisme.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement, déposé par mes collègues Karine Claireaux et Gisèle Jourda ainsi que par moi-même, vise à rendre aux élus locaux, c’est-à-dire au maire ou, le cas échéant, au président de l’établissement public de coopération intercommunale, le pouvoir d'initiative de demande de délimitation ou de modification d'une zone touristique internationale.
Nous avons déjà évoqué ce sujet. Au travers de cet amendement, nous confirmons qu’il nous paraît tout à fait essentiel que ce soient les élus locaux qui fixent le périmètre et le contenu de ces zones.
M. le président. L'amendement n° 162 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Claireaux et Jourda, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. – Le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre délimite les zones touristiques internationales après avis des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées, compte tenu du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit de confier la définition du périmètre des zones de rayonnement international et d’affluence exceptionnelle de touristes au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale et non, comme le prévoit ce projet de loi, aux ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce.
Cet amendement et l’amendement n° 161 rectifié sont complémentaires et c’est le même mécanisme qui prévaut. Ils tendent tous deux à veiller à ce que la définition de ces zones relève bien de la compétence des élus locaux.
M. le président. L'amendement n° 791 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 1204, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. – Les zones touristiques internationales sont établies par le préfet sur proposition du maire, après avis du comité départemental du tourisme, des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés, ainsi que des communautés de communes, des communautés d’agglomération, des métropoles et des communautés urbaines, lorsqu’elles existent.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 890 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Kern et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. – Les zones touristiques internationales sont délimitées par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du président de l’établissement public de coopération intercommunale, lorsque celui-ci existe, compte tenu de leur rayonnement international et de l’affluence exceptionnelle de touristes notamment résidant hors de France.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. La procédure de création des nouvelles zones touristiques internationales doit être simplifiée. Cet amendement vise donc à réduire la liste de consultation, compte tenu du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France, en la limitant aux ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du président de l’établissement public de coopération intercommunale, lorsque cette structure existe.
M. le président. L'amendement n° 1201, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer les mots :
par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. L’alinéa 6 donne aux ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce le pouvoir de délimitation des zones touristiques internationales après un simple avis consultatif du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale.
Cette vision de la démocratie n’est pas la nôtre. Nous comprenons d’autant moins ce choix que les élus territoriaux sont à nos yeux les plus légitimes pour connaître la réalité du terrain et les enjeux quand il s’agit de créer des zones touristiques internationales. C’est pourquoi nous demandons que soit supprimée la tutelle des ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 273 rectifié bis est présenté par MM. Madec et Assouline et Mmes Lienemann et Khiari.
L'amendement n° 1202 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 273 rectifié bis.
M. David Assouline. Pour donner aux élus locaux un pouvoir d’appréciation de l’opportunité de créer des zones de rayonnement international et d’affluence exceptionnelle de touristes, cet amendement tend à introduire dans la procédure de création du zonage délimité par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, qui n’est pas ici remise en cause, la nécessité d’obtenir un avis conforme du maire.
J’avancerai deux arguments pour justifier cette position. J’y reviendrai en explication de vote, si nécessaire.
En premier lieu, le rapport Bailly, qui est à la base de nombreuses dispositions de ce projet de loi, a pointé la critique de l’absence de « dialogue territorial soutenu » dans la définition des zones touristiques. Comment y remédier ? Certes, cet article prévoit une concertation avec les organisations de salariés et les élus locaux. Pour ma part, je comprends cette expression comme la nécessité de tenir compte de l’avis émis par les élus locaux. C’est pourquoi il faut prévoir un avis conforme du maire, ce qui s’inscrit d’ailleurs tout à fait dans l’esprit des lois de décentralisation.
Malgré le renforcement du rôle des régions, malgré l’affirmation des métropoles, il faut aujourd’hui conforter le maire dans ses prérogatives, notamment en matière d’aide et de maîtrise du développement économique du territoire dont il est l’élu.
Une fois la zone touristique internationale délimitée, quel meilleur expert que l’élu local sur les conséquences, y compris sur les zones limitrophes, d’une telle décision ? Celui-ci est en effet en prise avec le territoire, en connaît le passé et les projets urbains en gestation pour l’avenir.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. J’en termine, monsieur le président.
L’avis de l’élu local doit donc être vécu non pas comme un blocage, mais au contraire comme un encouragement, une aide à la décision publique.
En second lieu, de façon tout à fait factuelle, l’attraction de touristes et de citoyens en nombre supplémentaire au moment de l’ouverture de ces zones touristiques internationales impose également de prendre des mesures relatives à la sécurité, à la propreté, voire au transport. Or toutes ces décisions incombent au maire. C’est la raison pour laquelle son avis conforme est essentiel.
Monsieur le ministre, à l’Assemblée nationale, notamment en répondant à Mme Sandrine Mazetier, vous avez affirmé que ce débat n’était pas encore mûr, mais que vous étiez sensible à cette préoccupation. Je vous demande de faire honneur au Sénat en émettant un avis favorable sur cet amendement dont l’adoption permet d’aller dans ce sens.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 1202.
Mme Annie David. Le présent amendement et l’amendement n° 273 rectifié bis sont identiques, preuve en est que nos points de vue se rejoignent parfois, mon cher collègue.
M. David Assouline. On est de gauche ! (Sourires.)
Mme Annie David. Il en est ainsi de la nécessité de prévoir un avis conforme du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale.
Sans relancer le débat que nous avons eu ce matin, monsieur le ministre, je rappelle qu’un avis, c’est une chose, mais qu’un avis conforme, qui plus est un avis conforme respecté, c’est autre chose ! C’est ce que nous demandons.
Il est beaucoup question de la ville de Paris depuis ce matin, puisque c’est elle qui est directement concernée par ce dispositif. Toutefois, s’il était envisagé de généraliser le travail du dimanche, il faudrait s’assurer que l’ensemble des maires de notre pays puissent avoir leur mot à dire et que leur avis soit conforme.
M. le président. L'amendement n° 1203, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’importance des achats est caractérisée au-delà de 5 000 euros par touriste lors d’un séjour.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. L’alinéa 6 dispose que les périmètres des zones touristiques internationales seront délimités par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire, le cas échéant du président de l’établissement public de coopération intercommunale, ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés, compte tenu du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats. Cela justifierait que le travail du dimanche soit totalement banalisé au sein de telles zones dans les conditions que nous avons examinées ce matin.
Il s’agit là d’enjeux économiques et sociaux importants.
Or les seuls critères de délimitation du périmètre des zones touristiques internationales seraient « leur rayonnement international », « l’affluence exceptionnelle de touristes, notamment résidant hors de France » et « l’importance de leurs achats », critères peu précis, mais suffisamment larges pour ouvrir la possibilité de création de telles zones dérogatoires au repos dominical et au travail de nuit dans un grand nombre de villes.
En effet, comment mesurer le rayonnement international d’une zone touristique ? Au nombre de touristes, en fonction de leurs origines ? À partir de quand une affluence devient-elle exceptionnelle ?
Le travail du dimanche et le travail de nuit seraient peu à peu généralisés, ce qui représente bien entendu un préjudice pour les salariés, mais aussi une charge pour les collectivités locales concernées qui ne seront que consultées, la décision revenant au Gouvernement.
L’impact de la création de ces zones sera réel en matière d’aménagement, d’accessibilité, d’entretien, de mobilité, de sécurité... Les élus des zones touristiques n’ignorent pas le coût des charges qui leur incomberont en la matière et ce sont les habitants de ces zones touristiques qui en subissent les éventuels inconvénients et qui en paient parfois la facture.
Aussi, il nous semble juste et équitable que les salariés et les habitants de ces zones soient assurés de bénéficier des retombées économiques, juste retour sur investissement.
Le critère de la consommation est le plus aisément quantifiable. Aussi proposons-nous de fixer à 5 000 euros le montant des dépenses effectués lors d’un séjour par touriste pour qualifier le caractère « important » des achats qui justifierait une dérogation au respect du repos dominical.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 161 rectifié vise à confier au maire l’initiative de la délimitation d’une zone touristique internationale. La commission spéciale a déjà souligné ce matin l’intérêt de ces zones pour l’attractivité internationale de la France et la promotion du tourisme, laquelle doit, selon elle, davantage être pilotée à l’échelon national. Par conséquent, elle émet un avis défavorable sur cet amendement, de même que sur l’amendement n° 162 rectifié pour les mêmes raisons.
L’amendement n° 1204 tend à prévoir que la délimitation des ZTI sera établie par le préfet, sur proposition du maire. Il s’agit d’appliquer les modalités de définition des zones commerciales et des zones touristiques aux ZTI. La commission spéciale s’est déjà prononcée sur ce sujet et n’a jugé cette disposition ni souhaitable ni acceptable. C’est la raison pour laquelle elle émet un avis défavorable.
L’amendement n° 890 rectifié bis vise, à l’inverse des amendements précédents qui complexifieraient le dispositif, à simplifier la procédure de délimitation d’une zone touristique internationale. Pour la commission spéciale, il ne faut pas supprimer l’avis du maire. Le maire doit être consulté et son avis pris en compte par le Gouvernement, tout comme doit l’être celui des partenaires sociaux locaux, qui connaissent la situation économique et sociale locale. Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 1201 tend à supprimer la tutelle des ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce sur la délimitation des ZTI, sans pour autant proposer de solution de remplacement. Son adoption nous laisserait donc face à un vide juridique. C’est pourquoi la commission spéciale émet un avis défavorable.
Les amendements identiques nos 273 rectifié bis et 1202 visent à soumettre la délimitation des ZTI à l’avis conforme du maire. Comme je l’ai déjà expliqué, la mise en place des ZTI relève d’une politique nationale de valorisation de l’attractivité touristique des lieux les plus prestigieux de notre territoire. La consultation des maires est prévue. Elle aura lieu et permettra, dans le cadre d’un dialogue avec le Gouvernement, de faire évoluer utilement le projet initial si des objections en lien avec l’objectif poursuivi étaient soulevées. Je rappelle également que les maires disposent de la possibilité de demander la délimitation de zones touristiques et de zones commerciales. Il existe d’ailleurs déjà plusieurs zones touristiques à Paris ; la maire pourrait donc demander leur élargissement. Par conséquent, l’avis est défavorable sur ces deux amendements.
L’amendement n° 1203 tend à préciser les critères de définition d’une ZTI. Il prévoit que le critère de l’importance des achats des touristes étrangers se trouve remplit lorsque ses achats dépassent 5 000 euros par touriste et par séjour. Ce n’est pas d’une telle manière que ce critère peut être calculé, puisque la définition de la ZTI reposera non pas sur le séjour global d’un touriste en France, mais, par exemple, sur la part des touristes étrangers fréquentant les commerces de la zone, ce qui peut être mesuré en regardant les achats réalisés par carte bancaire.
Le seuil proposé de 5 000 euros semble par ailleurs très élevé lorsque l’on sait que la dépense moyenne par jour à Paris des touristes japonais, qui sont, selon les études, les plus dépensiers, est de 214 euros. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Avec le montant fixé dans cet amendement, on ne pourrait pas créer beaucoup de ZTI, mais c’est peut-être l’objet. Par conséquent, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 161 rectifié reviendrait à préserver les zones touristiques telles qu’elles existent aujourd’hui (Mme Marie-Noëlle Lienemann sourit.), dans la mesure où il consiste à ne plus proposer les zones touristiques internationales compte tenu même des critères objectifs définis ce matin. Par esprit de cohérence, je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable. En effet, si la délimitation est à l’initiative du maire, avec validation du préfet, on se retrouve dans la situation des zones touristiques actuelles. Nous y viendrons lorsque nous aurons l’occasion d’en débattre, mais il n’est pas nécessaire de créer un régime spécifique ce faisant.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 162 rectifié, qui relève de la même logique. En effet, l’idée, c’est bien sûr quelques zones géographiques spécifiées, avec le critère « pas d’accord, pas d’ouverture » et avec des garanties spécifiques en termes de compensations, en particulier pour le travail en soirée. Il s’agit de permettre, en raison de la nature économique de ces zones que nous avons débattue ce matin, d’ouvrir. Ce dispositif est donc différent de celui des zones touristiques telles qu’elles sont définies aujourd’hui dans la loi et pour lesquelles nous allons apporter des améliorations dans quelques instants.
Le Gouvernement émet aussi un avis défavorable sur l’amendement n° 1204, puisque celui-ci relève de la même philosophie. En effet, le dispositif prévu par cet amendement reviendrait en quelque sorte à écraser les ZTI sur les zones touristiques.
Concernant l’amendement n° 890 rectifié bis, le Gouvernement émet un avis défavorable. Puisqu’il convient d’informer, d’éclairer la décision ministérielle, l’article 72 prévoit le recueil de l’avis du maire et, le cas échéant, du président de l’EPCI ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressés. Il est légitime que ces dernières puissent exprimer leurs souhaits d’ajustement des projets de délimitation des ZTI, dans le cadre qui est défini par les ZTI. Il me semble que supprimer ces alinéas et donc ces consultations contreviendrait à ce qui a inspiré ce projet : même lorsqu’il s’agit de zones dont la nature, l’activité économique justifient qu’elles relèvent d’une décision ministérielle, celle-ci doit être éclairée par les réalités syndicales et locales.
Par cohérence, le Gouvernement émet aussi un avis défavorable sur l’amendement n° 1201. En effet, la suppression de la compétence ministérielle pour la délimitation des zones reviendrait à supprimer la réforme.
Les amendements nos 273 rectifié bis et 1202 relèvent d’une logique quelque peu différente. En effet, ils prévoient que l’avis du maire soit non pas un simple avis, mais un avis conforme. Vous avez tout à fait raison de pointer la différence qui est faite : il ne s’agit pas de redonner l’initiative au conseil municipal, mais d’obtenir un avis conforme du maire.
Lorsque je me suis exprimé sur ce sujet à l’Assemblée nationale il y a quelques mois, j’ai dit qu’il fallait trouver les voies et les moyens d’un équilibre dans la discussion. À ce jour, cette discussion n’a pas abouti. Par conséquent, le Gouvernement maintient un avis défavorable.
En effet, introduire un avis conforme du maire représenterait le risque de continuer de bloquer, sur ces zones touristiques internationales, l’initiative locale dans Paris et les trois autres communes concernées, où des zones touristiques auraient déjà été créées si un consensus avait été obtenu.
Nous nous trouvons aujourd’hui dans des situations qui peuvent être complexes. On sait qu’une tension locale peut exister. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) On sait qu’il peut y avoir des désaccords, des équilibres locaux qui n’ont pas conduit à décider de ces ouvertures alors même qu’elles sont, de manière objective, créatrices de valeur, d’activité dans un contexte dont nous avons d’ailleurs défini les équilibres sociaux, avec des compensations qui sont, je le répète, supérieures en ce qui concerne, par exemple, le travail en soirée par rapport au travail de nuit.
Aussi, je pense que le débat doit continuer. Il ne s’agit pas de mettre ici un point final, je vous en saurai gré. Néanmoins, à ce stade, je ne peux émettre un avis favorable sur ces deux amendements, je maintiens donc un avis défavorable, mais en espérant que nous pourrons continuer cette discussion et trouver des accords.
En ce qui concerne l’amendement n° 1203, qui précise le panier moyen par touriste durant son séjour, les critères fixés dans la loi à ce sujet me paraissent clairs. En effet, les ZTI sont délimitées compte tenu de leur rayonnement international, de l’affluence exceptionnelle de touristes étrangers et de l’importance de leurs achats. Le décret d’application déterminera les données qui permettront de qualifier les projets de ZTI au regard de ces critères. J’en ai d’ailleurs fourni la liste il y a quelques mois.
En tout état de cause, le montant de 5 000 euros par touriste et par séjour ne correspond pas à une réalité aujourd’hui identifiée. Par conséquent, je ne saurai le retenir comme un élément probant qui permettrait d’encadrer cet article. J’émets donc également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 890 rectifié bis.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Je remercie Mme le rapporteur d’avoir bien noté que l’objet de l’amendement n° 890 rectifié bis était de simplifier la procédure. Monsieur le ministre, je pensais que vous seriez sensible à cette volonté. Cependant, afin de faciliter les choses, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 890 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1201.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 273 rectifié bis et 1202.
M. David Assouline. Je constate que M. le ministre n’a pas donné d’argument de fond contre l’amendement n° 273 rectifié bis. En effet, il acte qu’il est légitime d’intégrer et même d’encourager le dialogue avec les élus locaux en ce qui concerne la délimitation des ZTI. Nous sommes donc tout à fait d’accord sur ce point.
En réalité, monsieur le ministre, votre argument principal est un argument de négociation : vous dites que tant qu’il n’y a pas d’accord sur l’ouverture des zones, notamment à Paris, vous voulez avoir le moyen de l’imposer.
Vous imaginez bien que l’élu local parisien que je suis ne peut accepter cela. En effet, je peux vous retourner l’argument en disant que s’il n’y a pas d’accord c’est peut-être parce que dans les débats, notamment à l’Assemblée nationale et maintenant au Sénat, ce que vous proposez revient à dire : soyez d’accord sinon par la loi on peut vous l’imposer.
M. Roger Karoutchi. Et la métropole du Grand Paris ?
M. David Assouline. Dans une discussion pour parvenir à un accord, le fait qu’un maire se retrouve dans la situation de devoir accepter ce qu’on lui propose parce que la loi permet à l’État de le lui imposer n’est pas nécessairement de nature à créer la confiance nécessaire pour débloquer certaines situations. (M. Roger Karoutchi s’exclame.) À partir du moment où l’avis doit être conforme, on est obligé de parvenir à un accord et cela change l’état d’esprit et la responsabilité des uns et des autres. Je ne doute pas, d’ailleurs, de celui de l’actuel maire de Paris, sans penser aux autres villes concernées.
Vous ne m’opposez donc aucun argument de fond, vous admettez qu’il serait tout de même fou d’imposer à un maire aussi important que le maire de Paris une délimitation qui irait contre sa volonté. Par conséquent, cela doit être prévu par la loi. Vous dites que la situation n’est pas mûre et qu’il y a un blocage. Pour ma part, je sais pourquoi il y a des blocages. Ces blocages viennent du fait que nous voulons discuter sur un pied d’égalité en vous laissant, à vous et à l’État, le soin de proposer. Nous ne retirons rien à votre proposition, l’initiative émane bien des ministres concernés, mais nous voulons juste introduire l’avis conforme.
Je tiens à souligner que lorsque nous légiférons nous nous plaçons dans une perspective qui n’est pas forcément immédiate. Les interlocuteurs au niveau de l’État changent : c’est normal, cela est dû aux alternances politiques. Nous devons tous ici juger ce qui est bon, notamment pour aller dans l’esprit des lois de décentralisation, afin de pas régresser par rapport à ce que nous avons tous encouragé. Je le dis indépendamment de la bonne volonté ou de la confiance que l’on peut avoir envers tel ou tel ministre, quel qu’il soit d’ailleurs, certains ministres, dans d’autres majorités, s’étant montrés plus à l’écoute que d’autres. Quelles que soient les majorités, nous parlementaires et élus locaux, nous devons faire en sorte de mettre en place ce qui est juste peu importe le moment, de façon que l’esprit de la décentralisation et de la responsabilisation soit toujours présent et impose à l’État et à la collectivité territoriale l’obligation de parvenir à un accord en ce qui concerne le développement économique.
C’est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement, même si j’entends ce que vous dites, monsieur le ministre. J’espère que lorsque ce projet de loi reviendra à l’Assemblée nationale, le débat aura encore avancé. Vous avez répondu à l’Assemblée nationale à Mme Mazetier que le débat n’était pas mûr. Ce n’est pas encore complètement mûr, mais je sens que cela chauffe. (M. Roger Karoutchi sourit.)
M. Jean Desessard. Paris chauffe-t-il ? (Sourires.)
M. David Assouline. Si mon intervention aura aidé, ne serait-ce qu’un peu, à ce que le débat puisse aboutir à l’Assemblée nationale, j’en serai très heureux, monsieur le ministre. (Mme Nicole Bricq sourit.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Nous comprenons tout à fait l’esprit dans lequel nos quatre collègues parisiens ont déposé cet amendement.
Je l’avais dit au moment du début de polémique sur la circulation alternée, depuis 1983 Paris – car il s’agit de cela – a retrouvé une capacité qu’elle n’avait plus, puisque auparavant c’était l’État qui décidait de tout dans la capitale. Néanmoins, il est vrai qu’elle peut parfois avoir le sentiment de ne pas être une collectivité à part entière. Mais dans ce cas, je le dis à nos collègues et amis parisiens, il faut aller au bout de la logique.
M. Roger Karoutchi. Oui !
Mme Nicole Bricq. Si on est pour la décentralisation, on tient compte aussi du fait que Paris est maintenant au cœur d’une métropole.
On peut aussi demander que le conseil municipal se prononce.
M. Roger Karoutchi. Les conseils municipaux !
Mme Nicole Bricq. Je comprends donc l’argument selon lequel il y a une légitimité pour la ville à défendre ses intérêts. Néanmoins, lorsque l’on crée une zone touristique internationale à Paris, on défend évidemment l’intérêt de Paris. Nous en avons discuté ce matin. À cela s’ajoute un autre raisonnement, que M. le ministre a sans doute préempté. En effet, lorsque l’on se situe dans le cadre d’une zone touristique internationale, le problème n’est pas que local (M. David Assouline opine.), parce que c’est un intérêt national. Aussi, il est tout à fait normal que l’État ait son mot à dire.
Monsieur le ministre, il me semble que notre collègue David Assouline vous a appelé à la négociation. Je n’imagine pas un instant que l’État puisse prendre une décision concernant la délimitation de la zone touristique internationale à Paris ou à Nice – celle-ci est aussi une grande ville très touristique – qui ne soit pas en accord avec la ou le maire.
Franchement, ce n’est pas la loi qui va régler ce problème, le succès dépendant plutôt de la manière dont l’État abordera le dialogue avec ces deux grandes villes, dont l’une, excusez du peu, est la capitale de la France.
Pour l’instant, il nous semble qu’il convient de suivre le Gouvernement (M. Roger Karoutchi fait un signe de dénégation.), en espérant que, d’ici à quelques semaines, à la faveur de l’été, le fruit sera mûr lorsque le texte arrivera à l’Assemblée nationale.
M. Roger Karoutchi. Il faudra un peu plus de soleil !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. À ce stade de nos discussions, les problèmes doivent être mis à plat. Nous avons bel et bien un débat politique, qui divise essentiellement la majorité présidentielle et gouvernementale.
Depuis ce matin, j’entends diverses prises de position quant à l’utilité de ce projet de loi pour renouer avec la croissance et l’emploi dans notre pays. Et nombre de sujets tournent autour de notre capitale, Paris.
À Paris, il y a d’abord, au sein de la majorité, un désaccord politique de plus en plus criant sur ce texte. Tout comme Roger Karoutchi ce matin, le parisien que je suis s’interroge sur la volonté de certains d’assumer le rôle de capitale internationale de Paris, lequel implique des exigences d’accueil, mais aussi un surcroît de croissance économique. Nous voyons bien, à travers nos débats, qu’il existe un certain nombre de difficultés.
Je suis partisan de l’amendement de M. Assouline. En effet, trop souvent, par le passé, dans l’histoire institutionnelle, sous prétexte d’un statut dérogatoire pour la capitale, la ville de Paris fut maltraitée par un pouvoir français historiquement jacobin. Il a fallu attendre le président Valéry Giscard d’Estaing pour qu’il y ait un maire à Paris. Je vous rappelle aussi que, dans un premier temps, le président Mitterrand a voulu démanteler la capitale, avant que Gaston Defferre n’élabore dans un second temps les lois de décentralisation.
L’évolution de la démocratie à Paris est très lente, mais l’on progresse peu à peu et il faut combattre les mauvais réflexes. Je suis heureux qu’un certain nombre d’élus parisiens de gauche s’insurgent lorsque le Gouvernement veut prendre la main sur des sujets somme toute assez mineurs. En effet, s’agissant du travail le dimanche à Paris, on pourrait aller beaucoup plus loin ! Sur ce plan, monsieur le ministre, je tiens à vous rassurer : contrairement à ce que j’ai entendu ce matin, vous êtes bien un ministre de gauche ! Vous avez incontestablement une volonté de réforme, mais vous êtes bloqué par la pesanteur des partis politiques qui composent votre majorité, et qui ont voulu graver dans le marbre un certain nombre de concepts et de principes.
Pour Paris, j’aimerais que le même discours soit tenu dans le domaine des transports. On a pu voir en effet, dans le cadre des mesures d’exception pour lesquelles le Gouvernement a sollicité une autorisation à agir par voie d’ordonnance, au début de l’examen de ce texte, qu’il fallait, comme d’habitude, que l’État régisse les transports.
De même, Paris est la seule commune de France où le pouvoir de police municipale est exercé par l’État, et non par le maire, quelle que soit au demeurant la couleur politique de ce dernier – nous aurons l’occasion d’en discuter dans quelques semaines lors de l’examen d’une proposition de loi.
Sur un certain nombre de sujets régaliens, l’évolution institutionnelle n’est pas assez rapide, et c’est pourquoi je comprends le sens de l’amendement défendu par notre collègue David Assouline.
J’attends surtout du Gouvernement des mesures concrètes – nous aurons l’occasion d’en développer certaines dans quelques instants.
Pour moi, ce projet de loi est très en deçà de ce qu’il aurait dû être si l’on avait voulu donner une véritable impulsion économique, notamment à travers l’ouverture des commerces et d’un certain nombre de services le dimanche. Néanmoins, l’application concrète, au niveau de la ville, des dispositions de ce texte permettra peut-être de clarifier la situation dans un certain nombre de quartiers.
Je pense que le mécanisme de la ZTI, avec les zones qui sont définies, est mauvais. Incontestablement, l’article additionnel qui sera proposé après l’article 72, qui consiste à étendre la ZTI sur la totalité du territoire de la commune parisienne, correspondrait mieux à l’esprit de la loi.
Quoi qu’il en soit, je voulais attirer l’attention du Gouvernement sur ce point : on ne peut pas avoir deux attitudes différentes selon que l’on parle des transports, de la police ou d’un certain nombre d’autres sujets, tantôt en étant girondin, tantôt en refusant de traiter de manière pragmatique certains sujets.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, parfois, on aimerait un peu plus de clarté ! Je participais ce matin, avec un certain nombre de nos collègues, dont vous-même, monsieur le président, à une réunion sur la métropole du Grand Paris avec le préfet de la région Île-de-France.
Au passage, monsieur Assouline, je ne sais pas si le Gouvernement peut définir le périmètre de ZTI, mais je sais qu’il a défini le périmètre de la métropole sans notre accord, sans l’accord des villes et des départements.
Mme Isabelle Debré et M. Jacques Gautier. Effectivement !
M. Roger Karoutchi. Cela ne l’a pas empêché de faire voter la loi sur la métropole ! (M. Jacques Gautier applaudit.)
Mme Nicole Bricq. De toute façon, vous avez vidé cette loi de son sens !
M. Roger Karoutchi. On ne peut pas dire qu’il s’agisse de l’exemple le plus flagrant du respect des communes et des collectivités !
J’en reviens à la réunion à laquelle j’ai participé ce matin : on nous a expliqué très savamment que l’une des compétences que le Gouvernement souhaitait attribuer à la métropole du Grand Paris était le tourisme. À l’occasion de la deuxième lecture de la loi NOTRe au Sénat, un ou plusieurs amendements viseraient donc à attribuer à la métropole du Grand Paris la compétence en matière de tourisme et à créer un office du tourisme métropolitain, avec les pouvoirs y afférents. On nous a même proposé de défendre nous-mêmes ces amendements !
Franchement, il faudrait quand même clarifier un peu les choses ! On ne peut pas nous demander, tous groupes confondus – le président Christian Favier était présent également ce matin –, de défendre des amendements visant à attribuer la compétence en matière de tourisme à la métropole du Grand Paris – il était sous-entendu qu’il faudrait ensuite demander aux offices départementaux de Paris, du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine de disparaître au profit de l’Office métropolitain du tourisme –, puis venir nous expliquer qu’il faut absolument respecter l’autorité des différentes collectivités !
Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
M. Roger Karoutchi. À un moment donné, un peu d’ordre et d’organisation pourraient ne pas être inutiles !
Le développement des zones de tourisme ne doit pas devenir un point d’achoppement entre le Gouvernement et les collectivités. Car en matière de respect de celles-ci, je doute que l’on puisse réellement s’en tenir à l’action du Gouvernement depuis plusieurs mois. Que ce soit au niveau financier, au niveau institutionnel ou au niveau de l’organisation des pouvoirs, les collectivités en Île-de-France ne sont pas respectées dans leur autonomie et leur indépendance. (M. David Assouline proteste.)
Essayons au moins de faire un peu mieux dans le texte actuel, et l’on verra bien ensuite ce qui se passera pour la métropole du Grand Paris. En effet, monsieur Assouline, le jour où le Gouvernement décidera de la création d’un office du tourisme métropolitain, on sera dans une situation totalement différente de celle d’aujourd’hui, puisque c’est à lui qu’on demandera le cas échéant de donner un avis.
M. David Assouline. On n’y est pas !
M. Roger Karoutchi. Dans quinze jours !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur Karoutchi, si vous n’êtes pas favorable à ce que le tourisme devienne une compétence intercommunale – je ne suis pas loin de partager ce point de vue –, alors vous êtes partisan de rendre la main aux élus locaux, en l’occurrence au maire de Paris,…
M. Roger Karoutchi. Absolument pas !
Mme Annie David. … pour définir les zones touristiques.
Si l’on pousse votre raisonnement jusqu’à son terme, vous devriez, comme M. Dominati d’ailleurs, être favorable à notre amendement.
M. Roger Karoutchi. M. Dominati est libéral, moi non !
Mme Annie David. Ce matin, vous parliez même de Paris comme d’une ville monde. Évidemment, c’est notre capitale, une ville que chaque Français porte dans son cœur.
Mais dans l’article 72 de ce texte, il n’est pas seulement question de Paris. J’aimerais donc que, dans nos discussions, on parle aussi de l’ensemble des villes qui pourraient être amenées à être transformées en zones touristiques internationales. Au sein de leurs territoires, les maires des communes et les élus des intercommunalités et des EPCI concernés doivent participer à la discussion et à la définition de ces zones touristiques internationales.
Nous maintenons donc notre amendement n° 1202, au travers duquel nous demandons que l’avis visé à l’article 72 soit conforme, pour que la parole des élus locaux soit entendue lors de la définition de ces zones touristiques.
Nous demanderons en outre un scrutin public sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je m’attendais à ce que le Gouvernement adopte une position plus ouverte sur la proposition de notre collègue David Assouline.
En effet, dans l’esprit de la décentralisation, je ne peux imaginer que l’on considère que l’État puisse définir seul les contours de ces fameuses zones touristiques internationales.
Je ne suis pas favorable à ces zones, mais, dès lors qu’elles existent, si l’on n’impose pas une obligation de compromis entre les territoires, les collectivités locales et l’État, alors on ignore, voire on méprise les élus, en pensant qu’ils n’ont pas une vision d’intérêt général et de développement de leur territoire.
Il me semble donc que cette proposition de repli aurait dû être acceptée par le Gouvernement.
Ensuite, M. Karoutchi a ouvert un débat pour savoir si ces décisions devaient être prises par la métropole ou par la commune directement concernée.
Je souligne tout d’abord que la métropole n’est pour l’heure pas compétente en matière de tourisme.
En outre, cette question ne relève pas seulement du domaine du tourisme. Il existe en effet une articulation entre les zones touristiques, qui ne sont pas uniquement fréquentées par les touristes, et l’ensemble de la politique de développement commercial du territoire concerné. Le plus souvent, l’impact le plus fort s’opère vers la proximité de ces zones délimitées, donc plutôt vers la collectivité locale de référence, en l’occurrence la commune s’agissant de Paris.
Troisièmement, je voudrais interroger M. le ministre. On nous donne souvent l’exemple de Milan, qui serait une ville particulièrement attractive. Comment analyse-t-il dès lors la position de la fédération patronale italienne Confesercenti, qui affirme, après une étude détaillée, que l’ouverture des grandes enseignes le dimanche en Italie depuis le 1er janvier 2012 a conduit à la fermeture de 32 000 entreprises et à la perte de 90 000 postes de travail. Il ne s’agit pas d’une analyse syndicale, il s’agit d’une analyse patronale, que l’on ne peut pas a priori suspecter de considérer que la mise en cause du droit du travail constituerait, en soi, un problème. Aujourd’hui, manifestement, des questions se posent sur le terrain économique.
Au regard de cette exigence économique, a minima, l’avis conforme de la municipalité concernée me semble indispensable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 273 rectifié bis et 1202.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission spéciale et, l'autre, du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 164 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 50 |
Contre | 288 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 1203.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 411 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Chaize, Gilles, Allizard et Charon, Mme Deromedi et M. Duvernois, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« II bis. – La création des zones touristiques internationales ne doit pas aboutir à placer, au sein de la même localité, des établissements de vente au détail s’adressant pour une large part à une clientèle internationale en situation de concurrence déloyale à l’égard d’établissements exerçant la même activité à destination d’une clientèle comparable.
« II ter. – Lorsqu’un nouvel établissement de vente au détail s’adressant pour une large part à une clientèle internationale est créé ou rouvert, il forme de plein droit, le cas échéant avec les établissements de vente au détail situés à proximité, une zone touristique internationale pendant une durée de trois ans. Au terme de cette durée, si les critères mentionnés au II sont remplis, il est procédé à la délimitation de la zone touristique internationale dans les conditions de droit commun. »
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Comme je l’ai précédemment souligné, la définition des zones touristiques internationales pose problème dans de nombreux quartiers de la capitale. L’activité peut se développer très rapidement en fonction de la nature des commerces qui s’implantent. En outre, les quartiers sont très diversifiés, très différents par leur activité. Ils peuvent avoir une activité commerciale particulièrement importante sans avoir nécessairement de vocation internationale. Un quartier pourrait par exemple être spécialisé dans l’informatique et les produits numériques. En réalité, c’est la diversité de Paris qui est en cause dans l’établissement de ces zones touristiques internationales.
Un problème de droit se pose : comment garantir l’égalité et la loyauté concurrentielles entre les commerçants qui sont dans une zone touristique internationale et ceux qui sont à proximité ? Il s’agit peut-être même d’un problème de constitutionnalité. La première partie de l’amendement n° 411 rectifié vise à faire en sorte que le périmètre des zones touristiques internationales puisse être modifié pour en tenir compte.
La seconde partie de l’amendement a trait à l’implantation de nouveaux établissements. Ce matin, l’exemple de la Samaritaine a été évoqué. Le bâtiment est situé au cœur de Paris, dans la rue de Rivoli. Cette rue commerçante a-t-elle une vocation internationale ? Cela dépend du niveau, et parfois même du trottoir. Un projet de rénovation est en cours depuis plusieurs années, mais il règne un certain flou artistique dans la zone située à proximité du forum des Halles.
Ce matin, l’une des questions était de savoir combien d’emplois pouvait créer l’autorisation du travail dominical. Monsieur le ministre, à Paris, nous savons combien son interdiction peut en supprimer. À Bercy Village, où les Parisiens étaient habitués à l’ouverture des commerces le dimanche, l’activité a baissé de 40 % ; la zone est aujourd'hui totalement sinistrée.
Je souhaite obtenir des assurances du Gouvernement sur la concurrence loyale entre les grandes enseignes dans un contexte international. C'est pourquoi j’aurais préféré une vision étendue à l’ensemble de la capitale de la notion de zone touristique internationale. Par ailleurs, comment peut-on faire en sorte que les nouvelles enseignes ne soient pas défavorisées, qu’elles puissent obtenir les mêmes conditions que les autres ? J’ai évoqué le cas de la Samaritaine, mais un grand magasin des Champs-Élysées est vide : une enseigne pourrait se trouver dans cette situation.
M. le président. L'amendement n° 412 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Chaize, Gilles, Allizard, G. Bailly et Charon, Mme Deromedi et M. Duvernois, et ainsi libellé :
Alinéa 7
Rétablir le II bis dans la rédaction suivante :
« II bis. – La création des zones touristiques internationales ne doit pas aboutir à placer, au sein de la même localité, des établissements de vente au détail s’adressant pour une large part à une clientèle internationale en situation de concurrence déloyale à l’égard d’établissements exerçant la même activité à destination d’une clientèle comparable.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Il s’agit d’un amendement de repli.
M. le président. L'amendement n° 1206, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rétablir le II bis dans la rédaction suivante :
« II bis. – Deux ans après la délimitation d’une zone touristique internationale, le Gouvernement remet au Parlement une évaluation économique et sociale des pratiques d’ouverture des commerces qui se sont développées à la suite de cette délimitation.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement vise à rétablir la disposition prévoyant que le Gouvernement remettra au Parlement une évaluation économique et sociale des zones touristiques internationales.
Nous connaissons la logique des corapporteurs, qui sont défavorables à la quasi-intégralité des demandes de rapport, mais nous sommes convaincus que, sur un sujet aussi essentiel – il suscite d'ailleurs d’importants débats, comme nous le voyons depuis ce matin – que celui de la création de zones dérogeant au principe du repos dominical, il est inconcevable de laisser aux seules commissions parlementaires le soin de l’évaluation.
Mes chers collègues, vous en êtes tous conscients, l’inflation législative réduit le temps que nous pouvons consacrer à nos missions d’investigation. Nous avons même parfois du mal à mener correctement les débats parlementaires ; l’examen du présent projet de loi en est un exemple. C'est la raison pour laquelle nous estimons, dans un souci de transparence et de démocratie, qu’il revient au Gouvernement de soumettre à la représentation nationale un rapport évaluant les conséquences des zones touristiques internationales pour les salariés et leurs familles – on peut les imaginer – ainsi que leur impact sur notre économie.
Si je devine l’avis de la commission, j’espère que le Gouvernement ne sera pas défavorable à l’idée de présenter les résultats objectifs d’une mesure pour le moins contestée et sujette à débat.
M. le président. L'amendement n° 1796, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rétablir le II bis dans la rédaction suivante :
« II bis. - Trois ans après la délimitation d'une zone touristique internationale, le Gouvernement remet au Parlement une évaluation économique et sociale des pratiques d'ouverture des commerces qui se sont développées à la suite de cette délimitation.
La parole est à M. le ministre, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 411 rectifié, 412 rectifié et 1206.
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le président, conformément à l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande que l’amendement n° 1796 soit mis aux voix par priorité. (M. Roger Karoutchi rit.)
Sur les amendements nos 411 rectifié et 412 rectifié, je comprends votre préoccupation, monsieur Dominati : il ne faut pas qu’un commerce soit défavorisé de manière injustifiable par la définition d’une ZTI. Néanmoins, la rédaction que vous proposez me semble insuffisamment sécurisée sur le plan juridique.
Ces amendements visent à éviter toute concurrence déloyale entre les commerces situés dans une ZTI et les commerces avoisinants. Les critères de définition des ZTI devraient permettre d’éviter une telle situation. Les zones seront définies au coin de rue près, de manière chirurgicale, en fonction de caractéristiques objectives. On ne définira pas de grandes zones dont certains commerces pourraient être exclus.
Le Gouvernement considère que l’ensemble des dispositifs ouvrant des dérogations, qu’elles soient géographiques ou sectorielles, ne doivent pas aboutir à des situations de concurrence déloyale. C’est d'ailleurs l’objectif des mécanismes de régulation que nous avons évoqués ce matin.
Par ailleurs, l’amendement n° 411 rectifié vise à permettre à tout établissement situé à proximité d’une ZTI de bénéficier de la dérogation. Pour des raisons juridiques, il est préférable que les zones soient définies en prenant en compte ces réalités. Le cas de la Samaritaine a été évoqué à plusieurs reprises. Le magasin étant actuellement fermé, on ne peut pas prendre en compte le commerce international qui pourrait potentiellement se développer après sa réouverture. La zone pourra cependant être étendue à ce moment, en fonction des critères objectifs définis par la loi et déclinés par le décret. Il faut avancer étape par étape.
Rien n’empêche les élus locaux – nous clarifierons ce point lors de l’examen des articles suivants – d’autoriser de leur propre initiative de nouvelles ouvertures dominicales, en plus des « dimanches du maire », au titre des dispositions relatives aux zones touristiques ou commerciales. En revanche, ils ne peuvent pas autoriser les ouvertures en soirée, car cette possibilité ne concerne que les ZTI.
Même si les enjeux que vous soulevez sont réels, nous ne souhaitons pas étendre le dispositif prévu à l’article 72. Les limitations propres à la définition des zones touristiques internationales et, donc, les critères que j’ai évoqués ce matin nous semblent satisfaisants.
À Paris, les zones touristiques internationales incluront certains secteurs qui réalisent 40 % à 60 % de leur chiffre d'affaires grâce au tourisme. La carte est connue ; je pourrais d'ailleurs vous la présenter à nouveau. Cette carte a été réalisée au commerce près, en fonction de critères objectifs. On ne peut pas l’étendre a priori à des magasins qui ne sont pas encore ouverts. Le droit relatif aux zones touristiques et commerciales permettra de répondre aux problèmes.
Je demande donc le retrait des amendements nos 411 rectifié et 412 rectifié ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 1206. Je suis sensible à votre volonté que des évaluations soient réalisées ; je me suis toujours prononcé en faveur de ce principe. Vous souhaitez que le Gouvernement remette un rapport au Parlement deux ans après la délimitation d’une zone touristique internationale. J’ai une réserve sur ce délai.
Le Gouvernement avait proposé un délai de trois ans pour la mise en œuvre de la réforme. Les ZTI se conformeront à la règle « pas d’accord, pas d’ouverture ». Or il faut parfois du temps pour qu’un accord soit conclu. Il n’est donc absolument pas certain que les ouvertures dominicales seront massives dès la promulgation de la loi.
Cette responsabilité totalement assumée par le Gouvernement fait que ce dispositif est beaucoup plus restrictif que ce que nombre de défenseurs de l’ouverture des commerces le dimanche proposaient.
En effet, certains de ces commerces ne seront peut-être pas en mesure de définir immédiatement des accords avec les compensations obligatoirement prévues par la loi. Pendant six mois ou un an, il pourra donc y avoir un temps de négociation sociale imposé.
À mon sens, il faut accepter de prendre ce temps, car toute l’architecture de ce texte, qui est, je crois, un texte d’équilibre et de progrès social assumé, en dépend.
Nous avons eu un long débat ce matin, qui avait parfois un caractère théorique, mais, pour ma part, je considère que, quand on se préoccupe du progrès social, il faut le faire en se confrontant au réel. Or quelle est la situation actuelle ? Il y a 640 zones touristiques qui ne sont pas couvertes par des accords. Je ne veux pas que ces ZTI soient dans ce cas. Elles seront donc couvertes par des accords.
Vous le voyez, il y aura un temps de latence, et le délai de deux ans me semble un peu court. C’est pourquoi je vous invite à retirer l’amendement n° 1206 au profit de l’amendement n° 1796, qui a pour objet de rétablir le rapport d’évaluation au bout de trois ans. Cette solution me semble plus réaliste pour être éclairé sur la réforme, qui aura alors pu porter ses fruits.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. le président. J’ai été saisi par le Gouvernement d’une demande de priorité de mise aux voix de l’amendement n° 1796.
Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Favorable.
M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?...
La priorité est ordonnée.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 411 rectifié, 412 rectifié, 1206 et 1796 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. M. le ministre s’est déjà expliqué sur les amendements nos 411 rectifié et 412 rectifié, sur lesquels la commission avait sollicité l’avis du Gouvernement. Les problèmes soulevés par notre collègue Dominati sont très clairs, notamment s’agissant de la concurrence déloyale qui pourrait toucher la Samaritaine, pour parler clairement, au moment de sa réouverture, par rapport à d’autres grands magasins qui se trouveront dans une ZTI.
Monsieur le ministre, vous dites que, pour l’instant, l’emplacement de la Samaritaine ne peut pas bénéficier d’un classement en ZTI au regard des critères définis par le texte. Vous ajoutez qu’il y a la possibilité de bénéficier du statut de zone touristique. Or, pour l’instant, les critères de définition du périmètre de la zone touristique ne le permettent pas.
Il faut donc avoir l’assurance que, lorsque de telles situations vont se présenter dans certaines zones de Paris, le classement en ZTI pourra être assez rapidement effectif. Or votre réponse me laisse un peu sur ma faim à cet égard.
En revanche, il est vrai que la seconde partie de l’amendement n° 411 rectifié pose des problèmes juridiques en ce qu’elle tend à prévoir que l’ouverture ou la réouverture d’un magasin entraînerait automatiquement la définition d’une zone touristique internationale. On ne peut pas inverser le processus : une ZTI se définit par des critères bien précis et ce n’est pas le commerce qui fait la délimitation.
La commission a donc émis un avis de sagesse sur ces deux amendements, mais je souhaiterais que M. le ministre reprécise comment les choses se passeront concrètement lorsque le cas se présentera.
J’en viens aux amendements suivants, notamment l’amendement n° 1796. Il est vrai que la commission a systématiquement décidé de refuser les demandes de rapport. Néanmoins, en l’occurrence, nous sommes sur un sujet un peu particulier et, au vu des explications données lors du débat que nous venons d’avoir sur la difficulté de délimiter les périmètres de zones touristiques internationales, notamment à Paris, même si d’autres villes comme Nice ou Deauville peuvent être concernées, il me semble qu’une évaluation au bout de trois ans de ces périmètres, éventuellement en vue d’un élargissement, car il ne s’agit pas de les fermer, est intéressante. Aussi, même si la commission n’a pas eu l’occasion de se prononcer, j’émettrai en son nom un avis de sagesse sur cette demande de rapport ; à titre personnel, j’y suis favorable.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Permettez-moi de repréciser les choses, pour être très concret, sur le cas de la Samaritaine, à la suite de la préoccupation exprimée par M. Dominati et qui a été réitérée.
Les ZTI sont définies par trois critères qui sont inscrits dans la loi : le rayonnement international, en se plaçant d’un point de vue commercial sur la base de plusieurs éléments ; l’affluence exceptionnelle de touristes étrangers ; l’importance des achats.
À partir de ces critères, nous avons pu cibler, à ce stade, un certain nombre de zones, qui devront faire l’objet d’une déclinaison par décret. Quelles sont ces zones éligibles d’un point de vue objectif ? Il y a les zones touristiques actuelles des Champs-Élysées et d’une partie de l’avenue Montaigne. Ces zones, qui concentrent 21 magasins de luxe, sont indiscutables. De plus, une majorité des achats qui y sont réalisés sont le fait de touristes étrangers.
Seraient aussi concernées la rue du Faubourg-Saint-Honoré, la rue de la Paix, la place Vendôme, la rue Saint-Honoré jusqu’à la rue Royale : 10 magasins dans la zone Madeleine, 22 dans la rue Saint-Honoré, 32 d’Opéra au sud de la rue Royale.
Par ailleurs, il y a la zone qui va du Bon Marché au marché Saint-Germain, avec, au nord, le boulevard Saint-Germain et, au sud, la rue de Sèvres, la rue de Grenelle jusqu’au boulevard Raspail et les parties incluses de la rue des Saints-Pères et de la rue du Vieux-Colombier, ainsi que la place Saint-Sulpice, ce qui correspond à une quarantaine de magasins.
Enfin, il y a aussi le boulevard Haussmann et l’arrière de l’Opéra, avec la rue de Caumartin et le passage du Havre.
En revanche, à Paris, il y a d’autres zones touristiques et commerciales qui ne sont pas couvertes par ce zonage.
Par définition, compte tenu du caractère objectif des trois critères définis par le texte, on ne peut pas couvrir une zone qui n’est pas ouverte aujourd’hui et qui, par définition, ne peut donc pas se voir appliquer ces critères.
Si elle ouvre et qu’elle correspond aux critères, elle sera évidemment éligible au dispositif. C’est d’ailleurs l’engagement que je prends devant vous : toutes les zones éligibles de manière objective pourront bénéficier de ces règles.
Après, si le souhait des collectivités est de les traiter en zone touristique ou en zone commerciale, rien ne les en empêche. Toutefois, aujourd’hui, je ne peux pas étendre les engagements pris par le Gouvernement de manière objective sur la base du texte de loi avant l’ouverture réelle de ces commerces.
Je m’engage à ce que le Gouvernement, bien sûr quand elles seront effectivement ouvertes et si elles correspondent aux critères, prenne ces zones en considération et qu’elles puissent être incluses dans le dispositif. Néanmoins, à ce stade, compte tenu de la situation, je vous invite à retirer vos amendements, à la lumière de ces explications.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Mon explication de vote porte sur l’amendement n° 411 rectifié. J’ai parlé de ce sujet ce matin à l’occasion de la discussion d’un autre amendement, mais vous n’étiez pas là, monsieur Dominati…
M. Philippe Dominati. Si, j’étais là !
M. Pierre Charon. Nous étions tous là !
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, nous avons bien entendu votre engagement, et je souhaite que vous soyez là pour longtemps… (Exclamations amusées.) Eh oui, nous le savons, les ministres passent et trépassent !
Il ne s’agit pas de focaliser le débat sur la Samaritaine, car il concerne la rue de Rivoli, qui comprend beaucoup d’enseignes dans cette partie, pour ceux qui connaissent bien le quartier.
J’admets votre argument juridique qui consiste à dire que vous ne pouvez pas engager le législateur s’agissant d’un établissement, qui, pour l’instant, n’est pas ouvert.
Après dix années d’attente, la Samaritaine devrait être ouverte, je crois, au mois de juin, à moins qu’il n’y ait encore des manœuvres dilatoires. La réouverture est donc proche et, à l’évidence, les trois critères contenus dans le texte s’appliqueront, puisque cet établissement va donner une impulsion positive à l’ensemble de la zone, qui connaît déjà une grande affluence. Par ailleurs, il y a des enseignes « bon marché » qui profitent aussi de cette affluence de visiteurs étrangers. Il suffit de se promener pour le constater.
Monsieur le ministre, je prends acte de votre engagement. J’ai bien compris, à l’instar de Mme la rapporteur, qu’il y avait un problème juridique, mais, sur le fond, il est évident que la Samaritaine doit entrer dans une zone touristique internationale.
Toutefois, comme vous allez discuter du sujet avec Mme la maire de Paris – c’était l’objet du débat précédent –, je suppose qu’elle fera tout pour que, le moment venu, il y ait une zone touristique internationale (M. Roger Karoutchi rit.) pour encadrer la montée en puissance de la rue de Rivoli, qui en a bien besoin.
M. le président. Je rappelle que nous sommes sur l’amendement n° 1796, puisqu’il sera mis aux voix par priorité.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Comme Mme la rapporteur, nous sommes favorables à l’amendement n° 1796, parce qu’on ne peut pas reprocher à un gouvernement de s’engager effectivement à remettre une évaluation d’une politique mise en place. C’est plutôt l’attitude inverse qui prévaut dans notre pays habituellement, c’est-à-dire qu’on a tendance à élaborer des politiques publiques que l’on n’évalue pas, tout en continuant à dire qu’elles sont bonnes, même si ce n’est pas tout à fait exact et que l’on n’a pas pris toute la mesure d’un problème. Je ne peux donc qu’aller dans le sens de cet amendement.
J’en profite pour donner ma position sur les amendements présentés par M. Dominati, ce qui m’évitera de reprendre la parole.
Son analyse est parfaitement exacte et met en lumière les problèmes tenant au zonage. En deçà ou au-delà de la frontière, on n’est pas au même régime, donc où faut-il placer la limite ? À mon sens, la seule solution est d’instituer une certaine souplesse et une certaine réactivité dans les passerelles entre les différentes zones commerciales, les zones touristiques internationales et le non-zonage, afin de modifier la carte. En effet, les situations ne restent pas stables ; elles évoluent. Il serait sage d’adopter une telle attitude, car, a priori, il est difficile de trancher dans un milieu urbain continu.
La question posée est bonne, la proposition également, mais la solution n’existe pas, si ce n’est dans la souplesse, notamment dans le temps, afin de pouvoir rectifier les choses en fonction des réalités.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Il s’agit d’un débat très ciblé, sur un cas très précis soulevé par M. Dominati. D’ailleurs, mon cher collègue, si vous aviez soulevé le problème de manière plus générale, la situation aurait été inextricable. En effet, à partir du moment où l’on se place dans une logique de zonage territorial, la question devient plus complexe. Concrètement, vous abordez donc le cas de la Samaritaine.
Nous avons eu précédemment un échange sur la nécessité d’arriver à un accord sur la définition des zones touristiques avec les élus locaux, en l’occurrence Mme la maire de Paris, s’agissant d’un problème qui se pose depuis dix ans. De surcroît, un décret devra être pris, donc vous pensez bien que ce n’est pas uniquement par la loi que nous allons régler le cas que vous soulevez. En tout cas, le texte, tel qu’il est conçu, n’a pas forcément pour vocation à le faire, puisque la logique de zonage territorial n’est pas remise en cause.
Vous soulevez, certes, un vrai problème avec la Samaritaine. Il doit être traité en tant que tel, mais j’ai tendance à préconiser, comme je le fais depuis le début du débat, que la collectivité territoriale en question soit un partenaire indispensable pour prendre des décisions.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Pour compléter la réflexion, je précise que, si la Samaritaine n’a pas cette possibilité ouverte aux autres magasins au moment de la définition des ZTI selon la méthode évoquée par M. le ministre, il est évident qu’elle devra l’exiger au regard des distorsions de concurrence qu’une telle situation entraînerait.
Elle pourrait ainsi exiger une dérogation exceptionnelle. Nous n’en arriverons pas là, je pense, mais il faudra une vraie concurrence loyale entre l’ensemble des magasins du même type sur Paris, d’autant que la Samaritaine est située non pas dans un quartier « paumé », mais dans une rue plutôt touristique et fréquentée de la ville.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, je voudrais une précision. Vous avez parlé du marché Saint-Germain, qui, si j’ai bien lu, doit devenir un Apple store. Ce dernier sera-t-il ouvert ou non le dimanche ? Bénéficiera-t-il d’une dérogation comme la Samaritaine ?
M. le président. En conséquence, les amendements nos 411 rectifié, 412 rectifié et 1206 n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 72, modifié.
Mme Annie David. Le groupe CRC vote contre !
(L'article 72 est adopté.)
Article additionnel après l’article 72 (priorité)
M. le président. L’amendement n° 705, présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot, M. Lefèvre et Mme Primas, est ainsi libellé :
Après l’article 72
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 3132-24 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’article 72 de la présente loi, il est inséré un article L. 3132-24-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-24-1. –I. – Les établissements de vente au détail situés dans la commune de Paris peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4.
« II. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Ce matin, l’excellent Pierre-Yves Collombat confiait ne pas comprendre comment se ferait la délimitation des zones dans Paris. Plusieurs orateurs, à droite comme à gauche, ont d’ailleurs fait remarquer que le commerce évolue et que les secteurs où il se fait aussi. Or on ne fait pas la loi pour un an ou deux seulement !
Personnellement, vous le savez, je souhaite aider la maire de Paris (Sourires sur les travées de l’UMP.) ; je souhaite également, tout comme Philippe Dominati, que la capitale retrouve tout son lustre. C’est pourquoi je fais une proposition simple.
Paris est candidat à l’organisation des jeux Olympiques et de l’Exposition universelle. Qu’on ne vienne pas me dire que les touristes qui se rendront à Paris à l’occasion de ces événements ou lors de leur préparation vont rester cantonnés dans certains quartiers et n’iront pas dans d’autres comme s’il y avait une espèce de ségrégation, de discrimination absolument insupportable !
Monsieur le ministre, puisque vous reprenez l’expression de « ville-monde », puisque la maire de Paris n’arrête pas de déclarer vouloir restaurer l’attractivité de la capitale,…
M. David Assouline. C’est déjà le cas !
M. Roger Karoutchi. … ne faisons pas de discrimination ou de ségrégation à l’intérieur des quartiers de la capitale et autorisons l’ouverture le dimanche pour l’ensemble des commerces dans la ville de Paris. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen. Il n’y en a jamais assez !
M. Roger Karoutchi. Ce serait plus simple que de découper les quartiers ou de couper en deux la rue de Rivoli !
Mme Catherine Procaccia. Ce serait plus simple, en effet !
M. Roger Karoutchi. Quand on habite à Paris, on voit bien que certains quartiers ont complètement changé en deux ou trois ans.
M. David Assouline. Pas le XVIe arrondissement, en tout cas !
M. Roger Karoutchi. Certains quartiers populaires sont devenus « bobos » et très commerciaux, et ce à un rythme faramineux. Or, je le répète, on ne fait pas la loi pour un an ou deux. Dès lors, ayons le courage de faire de Paris un seul bloc, une seule ville, un seul ensemble, dans le cadre très strict, bien sûr, des dispositions du présent projet de loi.
Mme Catherine Procaccia. Ce serait plus clair !
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Notre collègue Karoutchi l’a bien dit, les habitudes de consommation à Paris ne sont pas les mêmes qu’en province. Le dispositif de cet amendement ne s’applique d’ailleurs qu’à la capitale. Je rappelle cependant que nous venons d’instituer les ZTI, qui pourront être créées à Paris.
Lorsque j’ai reçu l’auteur du rapport sur le travail dominical et nocturne à Paris, j’ai pu constater que les maires de certains arrondissements étaient favorables à l’ouverture de leurs commerces sur leur territoire. Malheureusement, le système de gouvernance de la capitale ne leur permet pas d’en décider. J’ai également pu constater que les blocages étaient très forts et que des incohérences existaient.
Je le répète, les ZTI ont été créées. Tout le reste – zones touristiques et zones commerciales – relève du pouvoir local du maire. Désireuse de rester dans cette logique, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Procaccia. De simplifier !
M. Roger Karoutchi. Oh, moi, je veux seulement aider !
M. Emmanuel Macron, ministre. Le problème que pose le dispositif de cet amendement est qu’il tend à établir un traitement spécifique pour la ville de Paris, qui exclurait les autres métropoles d’une façon tout à fait injustifiée.
Il est possible de définir les ZTI par la loi, à l’aide de règles claires. De même, les zones touristiques et les zones commerciales peuvent être délimitées sur l’initiative des élus locaux et sur la base d’éléments objectifs. Il y a également toute une partie de Paris qui ne relève pas de ces critères et qui ne justifie pas plus que certains quartiers de Lyon, Marseille ou Lille, pour ne prendre pour exemple que des métropoles, d’obéir à un tel régime d’ouverture. C’est le premier biais que je vois dans votre approche.
Votre volonté de simplifier par l’abandon de tout critère pourrait tendre à créer une distorsion entre métropoles. Or il me semble que la spécificité de Paris est prise en compte par les zones autorisées par le projet de loi : les ZTI, les zones touristiques et les zones commerciales. Exclure de votre schéma les autres métropoles me semble donc lui faire courir un risque d’inconstitutionnalité.
Pour les ZTI, nous venons d’en débattre, il convient d’établir des règles objectives, qui permettent de distinguer ces zones des autres. Quel élément justifierait, dans votre proposition, que Paris soit traité différemment des autres métropoles ? J’ajoute qu’un tel système ne protégerait pas le petit commerce de proximité. De nombreux petits commerces n’auraient pas la possibilité, en effet, d’assumer la charge et les contraintes d’une ouverture dominicale durant des plages horaires larges.
Pour ces deux raisons – la distorsion juridique qu’entraînerait, au contraire des dispositions que nous défendons, l’adoption de ce dispositif et le risque de déséquilibre qu’elle ferait peser entre les petits commerces et les autres –, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Il semble en effet que les clarifications qui viennent d’être apportées en matière de ZTI, et qui le seront dans un instant pour les zones touristiques et les zones commerciales, sont la réponse adaptée aux défis auxquels est confronté Paris.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je remercie M. Karoutchi, car son amendement a au moins le mérite de rappeler à ceux qui le contestent que deux visions, l’une de gauche, l’autre de droite, s’affrontent bien dans cet hémicycle.
Vous voulez, mon cher collègue, que l’exception s’applique à tout Paris. Or le cœur du projet de loi, c’est de défendre, d’un point de vue politique comme social, un projet de vie, un projet de société : le dimanche doit être un jour de repos compensateur pour ceux qui travaillent, un jour où de nombreuses activités – citoyennes, sportives, familiales – peuvent se tenir, nécessaires à la vie en société.
Ne pas travailler le dimanche, c’est la règle ! Pour vous, Paris doit faire exception. Comme si n’y habitaient que des zombies, des citoyens différents des autres ! Je suis élu du XXe arrondissement, un arrondissement de 200 000 habitants, qui compte des quartiers populaires. Je sais très bien qui y vit. Nous, nous sommes attachés à ce que le dimanche reste un jour de repos, à ce que les citoyens ne soient pas que des consommateurs.
C’est vrai que Paris est une ville attractive et touristique. On vient par exemple dans le XXe arrondissement pour visiter le cimetière du Père-Lachaise, qui figure parmi les endroits les plus touristiques de Paris, même si on n’y vient pas pour acheter… Mais, en quelques stations de métro, en cinq minutes de transport, on se retrouve dans des quartiers où il est possible de consommer.
Dès lors, outre les arguments mobilisés par M. le ministre et relatifs à l’impossibilité de faire de Paris une exception, ce qui conduirait en réalité à appliquer cette dernière plus largement, je tiens à rappeler que nous discutons de dérogations et de leur encadrement, et non pas de la libéralisation absolue du système, ce que vous souhaitez, mon cher collègue. C’est d’ailleurs une conception sociale et politique que la droite assume parfaitement. Je vous remercie donc d’avoir rappelé qu’un débat gauche-droite a bien lieu dans cet hémicycle.
M. Robert del Picchia. Oh là là !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est plutôt gauche-gauche depuis ce matin !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Le dispositif de cet amendement répond à une logique politique assumée, ce qui est bien normal. Dès lors qu’on multiplie les dérogations, qu’on promeut la philosophie de la consommation, notamment le dimanche, pour les villes attractives comme Paris ou d’autres, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Ne soyons donc pas étonnés que certains veuillent aller encore plus loin en offrant la possibilité d’ouvrir le dimanche à tous les commerces de Paris, voire de toutes les métropoles. C’est une conception que le groupe communiste républicain et citoyen rejette.
Depuis ce matin, nous vous alertons sur les dangers que de telles dispositions entraîneront pour les salariés, qui n’auront pas vraiment leur mot à dire. Attention, mes chers collègues, nous sommes en train de décréter que le loisir se résume à la consommation !
Un des arguments avancés par M. le ministre m’a particulièrement choquée : le problème posé par le dispositif de cet amendement est qu’il tend à exclure de son champ les autres métropoles.
M. David Assouline. Ce n’est pas du tout ce qu’il dit !
Mme Laurence Cohen. Ce n’est donc pas d’élargir cette dérogation à tout Paris qui pose problème ; c’est de ne pas l’élargir à toutes les métropoles !
M. David Assouline. Ce que vous dites est malhonnête !
Mme Laurence Cohen. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous sommes complètement en désaccord avec cet argument.
Pour terminer sur une note plus légère, je vous encourage tous à lire le livre de Paul Lafargue Le Droit à la paresse, qui nous rappelle que la liberté d’employer son temps est une liberté fondamentale. (Mme Nicole Bricq proteste.) Je constate que, dans cet hémicycle, tout le monde n’a pas d’humour…
Mme Nicole Bricq. Non, je n’en ai pas ! (M. Roger Karoutchi s’esclaffe et applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. S’il fallait démontrer la rigidité du système proposé par le Gouvernement, s’il fallait prouver que l’évolution est marginale, pour ne pas dire minime, qu’elle joue sur l’épaisseur du trait, vous venez de le faire à l’article 72, monsieur le ministre.
Mme Nicole Bricq. Il ne faut pas pousser !
M. Philippe Dominati. Vous avez dû reprendre la parole à deux reprises pour répondre à une question concrète, pragmatique, que je vous avais posée. Vous l’avez fait en nous présentant un catalogue de rues, et cela afin de tenter de délimiter le périmètre des ZTI sur le territoire parisien. En réalité, ces zones ne correspondent absolument en rien à la réalité quotidienne des Parisiens. M. Assouline a raison, les positions doivent être assumées : la mairie de Paris veut-elle créer des emplois, de la croissance, du dynamisme ou rester figée dans le passé ?
Je regrette votre solitude sur ce sujet. Le ministre du tourisme, M. Fabius, qui s’est exprimé à plusieurs reprises sur cette question, n’a pas eu l’occasion, depuis que nous avons entamé les débats, de venir nous en dire quelques mots. Le ministre du travail, M. Rebsamen, n’a pas eu non plus l’occasion d’exprimer sa sensibilité. On vous laisse seul !
Nous le voyons bien, les avancées obtenues sont comprises dans l’épaisseur du trait. La rigidité des textes demeure. Vous êtes engoncé dans un glacis. Vous ne pouvez pas convaincre votre majorité. Surtout, vous ne pouvez pas convaincre le pouvoir économique, les chefs d’entreprise, les consommateurs, les Parisiens ! Ils réclament plus de « liberté » : cette notion, qui était quasiment absente des débats de la matinée, fait cruellement défaut dans votre texte ! C'est la raison pour laquelle le projet de loi ne peut pas me convenir.
C’est parce qu’il me paraît nécessaire de faire sauter un certain nombre de carcans que je voterai avec plaisir l’amendement de mon collègue Karoutchi. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Les propos de notre collègue Karoutchi sont souvent pleins de bon sens, mais, pour une fois, je ne souscris pas à son analyse.
Certes, je le rejoins quand il déplore le manque de clarté des zones de délimitation à Paris. Venant de province, mais vivant également à Paris, je vois bien les évolutions : des quartiers qui tournaient hier au ralenti revivent.
M. David Assouline. Grâce à la gauche !
M. Alain Fouché. La délimitation des zones n’est donc pas chose aisée. Cependant, l’ouverture dominicale de tous les magasins parisiens aurait pour conséquence d’attirer toute la province, immédiate ou plus lointaine, sur Paris. Or il n’y a pas que Paris ; il y a un certain nombre de villes autour !
Voyez les magasins d’usine. D’ailleurs, vous savez comme moi que ce sont de faux magasins d’usine. Les produits que l’on y vend sont souvent fabriqués au Maroc ou ailleurs. Là aussi, il faudrait légiférer.
Vous l’aurez compris, je crains que la capitale n’attire toute la province dans ses boutiques, au détriment des commerces des autres villes.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je n’ai rien inventé. Ce que je propose, c’est simplement un alignement sur le régime en vigueur à Londres.
M. David Assouline. Et alors ?
M. Roger Karoutchi. Restez calme, monsieur Assouline !
Le régime londonien a été conçu par l’ancien maire de la ville, celui que l’on surnomme « Ken le rouge ». À ma connaissance, il n’est pas spécialement de droite ! Plus généralement, l’ouverture commerciale de Londres est le fait d’élus qui n’étaient pas particulièrement de droite ou de gauche.
D’après M. Assouline, l’enjeu principal serait de récréer un clivage entre la gauche et la droite. Honnêtement, pour défendre l’attractivité de Paris et en faire une ville-monde, je ne vois bien pas quelle est l’utilité de savoir si l’on est de gauche ou de droite.
M. Didier Guillaume. Ça marche mieux avec la gauche !
M. Roger Karoutchi. De deux choses l’une : soit le système fonctionne, et tout va bien ; soit il ne fonctionne pas, et nous avons un problème. Or force est de le constater, aujourd'hui, il ne fonctionne pas ! Nous perdons des parts de marché au profit de Londres, de Barcelone et des capitales qui ont fait le choix de l’ouverture dominicale. (M. David Assouline s’exclame.) Monsieur Assouline, je ne vous ai pas interrompu ; veuillez en faire autant !
Le débat pour savoir si les mesures envisagées sont de gauche ou de droite est proprement surréaliste !
Je souhaite rassurer mon collègue Alain Fouché. Je n’imagine naturellement pas que tous les magasins de Paris ouvrent le dimanche. Dans certaines boutiques, dans certains quartiers, ce ne sera évidemment pas utile. Le fait d’étendre l’autorisation d’ouverture dominicale permettra simplement à un commerçant ayant la capacité de vendre plus et de créer des richesses et des emplois d’ouvrir son magasin lors du passage de touristes, même s’il n’est pas dans une zone délimitée. Mais, dans les quartiers ou les secteurs d’activité où l’ouverture dominicale ne présente pas d’intérêt, elle n’aura évidemment pas lieu. Arrêtons de faire comme si c’était tout ou rien !
Laissons la possibilité d’ouvrir les magasins partout, et pas seulement dans les zones délimitées ! D’ailleurs, elles ne sont délimitées que pour l’instant. On nous parle d’un rapport pour évaluer le dispositif dans trois ans. Mais, dans deux ou trois ans, les zones touristiques ne seront plus les mêmes ! À Paris, tout bouge très vite ! Vous aurez bientôt des commerçants de quartiers en pleine expansion touristique qui viendront se plaindre de ne pas pouvoir ouvrir leur magasin le dimanche.
M. David Assouline. On verra bien dans trois ans !
M. Roger Karoutchi. Arrêtons de faire de la politique politicienne ! En l’occurrence, cela n’a pas de sens.
M. le ministre souhaite que l’ouverture dominicale s’accompagne d’un encadrement et de contreparties, par exemple des augmentations. Nous sommes d'accord ! Ce n’est pas le sujet. Mais n’empêchez pas les commerçants de quartiers qui se développent d’ouvrir leur magasin le dimanche sous le seul prétexte qu’ils ne sont pas en zone délimitée ! Laissez-les choisir : vous verrez qu’il n’y aura pas d’ouverture dominicale là où cela n’a pas d’intérêt.
Mon collègue Philippe Dominati a parlé de « liberté ». Honnêtement, je ne comprends pas que ce mot puisse faire peur à certains. Nous avons besoin de liberté, pas de ségrégation entre les quartiers !
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. L’objectif réel des auteurs de cet amendement, même s’ils invoquent l’argument du tourisme, c’est la banalisation du travail le dimanche.
M. Karoutchi vient encore une fois d’affirmer que le travail le dimanche serait encadré dans la loi. Mais il n’y a aucun encadrement !
M. Roger Karoutchi. Mais si !
Mme Annie David. Le texte mentionne juste des compensations salariales, mais en ne fixant aucun plancher.
Une compensation salariale, cela peut être une augmentation de 3 % pour les heures travaillées le dimanche ; cela peut être une heure de récupération ; bref, cela peut n’être pas grand-chose ! Tout dépendra d’un accord, et pas forcément d’un accord de branche : il pourra s’agir d’un accord d’entreprise ou local.
En réalité, le projet de loi ne fixe aucune compensation pour les salariés.
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas vrai !
Mme Annie David. Le texte pourrait prévoir un doublement du salaire, une augmentation de 20 % ou même des heures de repos compensateur, mais il n’y a rien de tout cela. Le seul élément qui figure dans le texte est le fait que l’accord devra effectivement comporter des compensations salariales.
M. Didier Guillaume. Jusqu’à présent, il n’y avait rien !
Mme Annie David. Mais ces compensations salariales pourront être minimales, voire minimalistes.
M. Didier Guillaume. Nous croyons en la négociation sociale !
Mme Annie David. M. Karoutchi fait référence aux accords qui seront conclus à Paris pour l’ouverture des magasins le dimanche. Mais, entre deux rues, voire entre deux boutiques d’une même rue, les accords pourront être différents, selon les capacités respectives de négociation des salariés dans leur magasin. Parfois, il y a aura des compensations ; parfois, il n’y en aura pas. En matière d’inégalités, le texte se pose là !
Nous le voyons bien, derrière cet amendement, il y a la volonté de généraliser le travail le dimanche à toutes les grandes villes, à toutes les métropoles, à toutes les boutiques, et sans compensation garantie par la loi. C’est vraiment détestable pour les salariés, qui seront obligés de venir travailler dans ces boutiques dès lors qu’elles seront ouvertes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. J’entends bien les arguments de notre collègue Karoutchi, mais les propos de Mme David ne sont pas inexacts.
À mon sens, le cas de Paris ne doit pas être traité à part. Il y a une continuité urbaine qui ne s’arrête pas aux limites de la capitale. De l’autre côté du périphérique, il y a des communes, comme Boulogne-Billancourt ou Neuilly-sur-Seine.
Nous risquons d’ouvrir la boîte de Pandore. Toute métropole dans une position similaire aura nécessairement la même revendication. On ne peut pas favoriser seulement Paris ; il y a aussi des lieux attractifs, par exemple sur le plan sportif ou culturel, autour. Il paraît difficile de modifier les limites seulement à Paris, sans tenir compte du reste.
Il paraît plus logique de s’en tenir à la position sage de la commission. Telle sera notre attitude.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Le débat est fourni et intéressant. Je souhaite apporter trois précisions à ce stade.
D’abord, comme cela a été souligné, d’autres métropoles pourraient être concernées et, en cas d’adoption de cet amendement, il y aurait deux régimes distincts. Or la situation créée serait sans doute très compliquée à gérer. La possibilité d’ouverture dominicale de tous les magasins parisiens aurait également des conséquences extrêmement fortes sur le commerce en petite couronne et en grande couronne.
M. Alain Gournac. C’est vrai !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. En tant qu’élu de la petite couronne, j’y suis particulièrement sensible. D’ailleurs, comme le soulignait ce matin M. Karoutchi, nous ne pourrons pas, à mon avis, faire l’économie d’une réflexion à l’échelle métropolitaine lorsque la métropole existera. Il n’est pas possible d’avoir un régime très libéral sur Paris et de ne rien faire en petite couronne, dont le commerce déclinerait alors.
Ensuite, l’amendement me semble en totale contradiction avec l’article 72, que nous venons d’adopter. Le dispositif que nous avons voté définit clairement la possibilité pour l’État de créer des ZTI. Il serait donc pour le moins incohérent d’insérer un article additionnel indiquant que la ZTI, c’est Paris !
Enfin, les auteurs de l’amendement indiquent eux-mêmes que l’adoption d’un tel dispositif aurait pour effet de limiter les ouvertures dominicales à la tranche horaire de dix heures à dix-huit heures. Or, nous le savons tous, pour s’adapter au tourisme, notamment international, il faut aller au-delà de dix-huit heures.
Par conséquent, l’adoption d’un tel amendement, dont je comprends bien la logique, aurait trois effets collatéraux dommageables.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 705.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 73 (priorité)
(Non modifié)
Les deux premiers alinéas de l’article L. 3132-25 du code du travail sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4. »
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Cet article vise à remplacer dans le code du travail les « communes d’intérêt touristique ou thermales » et les « zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente » par « des zones touristiques » dont la caractéristique commune est de recevoir « une affluence particulièrement importante de touristes ».
Si l’objectif était de simplifier, il n’est, me semble-t-il, pas atteint. La notion d’« affluence particulièrement importante de touristes » reste à définir, d’autant que rien n’est indiqué quant à la possible saisonnalité de la présence touristique.
Si la simplification n’est pas avérée, le risque d’élargissement des zones dans lesquelles les commerces seront autorisés à ouvrir le dimanche est particulièrement fort. En effet, auparavant, la liste des communes d’intérêt touristique ou thermales et le périmètre des zones d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente étaient établis par le préfet sur proposition du maire, mais aussi après recueil des avis du comité départemental du tourisme, des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés, des communautés de communes ou d’agglomération, des métropoles et communautés urbaines. Ce n’est plus le cas dorénavant : la décision revient au préfet, sur demande du maire. Il semble que votre volonté de simplifier se fasse trop souvent au détriment de la démocratie, surtout de la démocratie sociale et locale.
Comme pour les zones touristiques internationales, l’ouverture dominicale des commerces est soumise à la conclusion d’un accord collectif. Or, en l’absence d’un tel accord, au lieu de se référer à un accord de branche, c’est la décision unilatérale de l’employeur qui prévaudra, après avis des instances représentatives du personnel – si elles existent – et approbation par référendum. Là encore, comment penser que des salariés précaires prendront le risque, même collectivement, de s’opposer à une décision de leur employeur, surtout s’il s’agit de petites structures ?
Il y va de même pour la notion de volontariat, dont nous ne cessons de répéter qu’elle est illusoire. Le salarié et l’employeur, encore plus dans la situation actuelle de chantage à l’emploi, ne peuvent pas traiter sur un pied d’égalité. Le lien de subordination est réel : l’ignorer relève soit d’une véritable incompréhension du monde du travail, soit d’une approbation tacite du fait que des salariés devront travailler le dimanche contre leur gré et contre leur intérêt.
Par ailleurs, la solidarité et le tissu associatif qui font l’attrait de la France valent mieux qu’un dimanche après-midi de shopping dans un centre commercial, qu’il soit situé en zone touristique ou non.
M. Roger Karoutchi. Chacun fait ce qu’il veut, enfin !
Mme Laurence Cohen. Ces zones sont touristiques pour bien d’autres raisons que pour leur activité commerciale. Elles le sont, par exemple, pour leur patrimoine architectural, pour leurs paysages, pour leur dynamisme culturel, qui repose bien souvent sur l’action de bénévoles, laquelle s’exerce le dimanche justement. C’est ce que le groupe communiste républicain et citoyen choisit de valoriser en s’opposant à l’ouverture des commerces le dimanche et donc à l’article 73 du projet de loi.
Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. L’article 73 est inscrit dans le titre III du présent projet de loi et porte sur les exceptions au repos dominical et en soirée. Son principe, comme l’a rappelé notre collègue députée Jacqueline Fraysse, reste trop flou. On peut légitimement se poser la question de son objectif. Ne s’agit-il pas, en réalité, de banaliser tout simplement le travail le dimanche ?
Avec ce projet de loi, monsieur le ministre, vous entendez écrire une nouvelle page de notre histoire du droit du travail. En réalité, le gouvernement auquel vous appartenez, au travers des propositions de transformation du code du travail que contient ce texte, s’engage dans une phase de recul social, car le principe même du repos dominical inscrit dans la loi du 13 juillet 1906 est l’une des pierres angulaires de notre pacte social. Comme le précise, à juste titre, l’historien Robert Beck, « cette loi reste en vigueur parce qu’elle est fondée autour de deux valeurs : le repos et la famille ».
Nous estimons que ce principe doit être préservé et non pas remplacé par une culture consumériste. D’ailleurs, les Français sont attachés à leur pause dominicale. Selon une récente enquête réalisée par BVA, si 60 % d’entre eux sont favorables à l’ouverture des magasins le dimanche, ils sont 62 % à être opposés à l’idée de travailler eux-mêmes ce jour-là.
M. Robert del Picchia. J’ai lu d’autres chiffres !
M. Dominique Watrin. Notre propos n’est pas d’interdire tout travail le dimanche. Les dérogations déjà existantes suffisent amplement à couvrir les contraintes qu’imposent certaines activités industrielles, notamment, ou la continuité des services publics. En revanche, quels impératifs peuvent justifier réellement l’ouverture le dimanche de commerces de biens et de services ?
Vous nous assurez que le projet de loi développera l’emploi et relancera la consommation. Dans les faits, il prépare seulement plus de précarité pour les travailleurs. Aucune étude à ce jour n’a réussi à établir de corrélation entre la flexibilité du contrat de travail et la création d’emplois. Si un tel lien existait, ça se saurait tant le travail a été précarisé ces dernières années !
Les études attestent, en revanche, de la disparition accélérée des petits commerces. Selon la DARES, 30 000 emplois seront perdus. Il convient également d’écouter l’inquiétude des petits commerçants à ce sujet.
Le recours au travail le dimanche sur la base du volontariat sera un leurre pour les salariés. Dans les faits, peu d’entre eux pourront exercer un libre choix. Afin de garantir leur emploi et de ne pas tomber dans la spirale du chômage, les travailleurs seront contraints d’accepter de travailler le dimanche malgré les difficultés d’organisation qu’ils rencontreront. Leur désir d’un meilleur salaire risque vite d’être rattrapé par un principe de réalité. Dans les futures zones touristiques, comme cela a été rappelé par ma collègue Annie David, la loi ne fixe pas de contreparties minimales en ce qui concerne le salaire ou le repos. Elle les rend obligatoires, mais renvoie leur fixation à des accords d’établissement, de branche ou de territoire, voire d’entreprise. Or, on le sait, les salariés seront en situation d’infériorité et ne parviendront pas à obtenir de véritables contreparties. De plus, aucune majoration n’est prévue pour les entreprises de moins de vingt salariés, majoritaires dans ces zones.
En réalité, ces dispositions risquent de précariser davantage l’emploi des femmes, singulièrement des mères célibataires, qui sont les plus représentées dans les secteurs d’activités des zones touristiques. En outre, les multiples mesures de dérégulation déjà mises en place sont sans effets positifs sur l’économie puisque le chômage continue à progresser. Concrètement, la France compte déjà 17 % d’emplois précaires. Si la précarité aidait à développer l’emploi, cela se saurait !
D’autres pistes de réflexion sont possibles. Dès 2011, ma collègue sénatrice Annie David proposait de revenir sur le texte de loi du député Richard Mallié afin d’apporter de nouvelles garanties et protections aux salariés qui travaillent le dimanche.
Pour aller plus loin dans la modernisation du droit du travail, il conviendrait plutôt de sacraliser ce temps de repos essentiel pour les activités familiales, culturelles ou sportives. Garantir à nos concitoyens ce jour de repos est un objectif qui devrait nous rassembler. Ce sont les valeurs fortes du vivre ensemble, que nous avons rappelées il y a quelques mois à l’unisson, qu’il nous faut ici réaffirmer face à tous les lobbies qui œuvrent en faveur du travail le dimanche, mais uniquement pour les autres !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 67 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 706 est présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot, M. Lefèvre et Mme Primas.
L'amendement n° 782 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
L'amendement n° 1445 est présenté par M. Bouvard.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 67.
Mme Annie David. L’article 73 vise à permettre aux établissements situés dans des zones caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes d’ouvrir le dimanche. Au-delà des arguments déjà exposés par mes collègues, les critères énoncés sont extrêmement flous. À partir de quand pourra-t-on considérer que l’affluence est particulièrement importante ? Le critère déterminant est-il fonction du nombre de touristes, des périodes de consommation ou du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises ? Encore une fois, il n’y a aucun critère objectif.
Comme pour les zones touristiques internationales dont nous venons de débattre, nous craignons que l’absence d’éléments d’appréciation objectifs et chiffrés ne nuise à la pertinence des délimitations. Pour notre part, nous aurions souhaité, afin de garantir les droits des salariés et réduire les inégalités de situation, en revenir à une logique analogue à celle qui prévalait avant la loi du 10 août 2009, la fameuse loi Mallié, en recherchant prioritairement une proportionnalité entre les dérogations au repos dominical et les droits des salariés.
Pour permettre d’accueillir la clientèle touristique dans de bonnes conditions, nous avions proposé en 2011 de retenir les critères de mise « à disposition du public des biens et services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel ». Voilà des critères qui nous semblent adéquats à la réalité d’une zone touristique ! Telle est la raison pour laquelle nous voulons supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° 706.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement est identique au précédent, mais les motivations qui le sous-tendent ne sont pas les mêmes.
Aujourd'hui, dans un certain nombre de zones, ceux qui travaillent le dimanche obtiennent des majorations de salaire ou éventuellement des congés supplémentaires. Si l’article 73 était adopté, ces avantages ne leur seraient plus accordés, car le régime commun s’appliquerait. Dans les trois ans à venir, si les commerçants en question ne sont pas couverts par une convention collective, ils se retrouveront dans une situation extrêmement difficile. Ils seront conduits soit à fermer le dimanche, pour ceux d’entre eux qui ouvrent aujourd'hui leur commerce, soit à ne plus recourir à l’emploi saisonnier.
Il est assez curieux de prévoir une évolution somme toute assez positive en ce qui concerne le travail le dimanche tout en adoptant dans le même temps une réaction restrictive sur les majorations de salaire aujourd'hui accordées à ceux qui n’ouvrent qu’un certain nombre de dimanches par an, en accord avec le chef d’établissement. Selon moi, le signal envoyé n’est pas extrêmement positif.
Je précise que si l’article 73 était adopté, l’amendement n° 1665 rectifié que j’ai déposé à l’article 76 deviendrait sans objet.
M. le président. L'amendement n° 782 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° 1445.
M. Michel Bouvard. Je souhaite approfondir la difficulté qui a été évoquée à l’instant par Roger Karoutchi. L’intelligence du texte est de considérer que le tourisme n’est pas uniforme sur le territoire et de gérer les dérogations et les exceptions.
Le texte comporte de nombreuses mesures positives, que nous approuvons, bien évidemment. Néanmoins, il ne prend pas suffisamment en compte certaines situations. Je pense notamment aux stations touristiques, singulièrement aux stations dont l’activité est saisonnière. C’est toute la différence avec le tourisme urbain. Paris est une ville touristique toute l’année, contrairement à certaines stations de montagne ou du littoral qui ne le sont qu’une partie du temps.
Depuis des décennies, nous sommes organisés autour d’un modèle qui fait appel soit à des pluriactifs, soit à des saisonniers – la différence étant que le pluriactif se trouve en général sur place et cumule deux activités complémentaires en fonction des saisons, alors que le saisonnier est souvent issu de l’extérieur et se rend sur le territoire uniquement pour effectuer la saison. Dans ces stations touristiques, en particulier dans les stations de sports d’hiver, le travail est continu, avec des jours de repos. La loi Mallié a étendu, à l’époque, à l’ensemble des commerces de détail la possibilité de reporter le repos dominical des salariés, possibilité précédemment réservée aux seuls collaborateurs des magasins liés aux activités sportives ou directement touristiques.
Se pose le problème des conséquences de votre texte, à savoir respecter durant trois ans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4 du code du travail, avec les compensations financières qui s’imposent. Dans la pratique, lors de l’embauche d’un saisonnier, la rémunération prend en compte cette situation. Prévoir d’appliquer le régime de droit commun dans ces stations touristiques, c’est pénaliser en quelque sorte ceux qui ont été les plus vertueux, c’est fragiliser l’organisation du travail et l’économie même de ces zones, notamment dans les stations de sports d’hiver qui supportent des charges annualisées, ne serait-ce qu’en termes de fiscalité, pour une activité qui n’est exercée que durant six à huit mois de l’année en fonction des situations et des territoires.
Je ne prétends pas que la situation des saisonniers est idéale. Nous savons, Michelle Demessine, Annie David et moi-même, les combats qu’il a fallu mener au sujet du douloureux dossier du logement des saisonniers et les conquêtes auxquelles nous sommes parvenus. C’est un problème crucial pour lequel nous avons créé des dispositifs d’accompagnement.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Michel Bouvard. Nous n’ignorons pas qu’il y a, ici ou là, certains excès. Mais nous considérons que, en l’état, ce texte aboutira à fragiliser l’économie touristique, alors qu’il a pour objet affiché de la soutenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 73 regroupe, sous la dénomination unique de « zones touristiques », dont le point commun est l’affluence particulièrement importante des touristes qu’elles reçoivent, des zonages existants, qui sont les communes d’intérêt touristique, les communes thermales, les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. Ce regroupement sous un seul vocable de « zones touristiques » permet une simplification.
Si cette formulation peut, il est vrai, paraître imprécise, c’est parce qu’elle recouvre des situations extrêmement variées et qu’elle est le reflet de la grande diversité des communes touristiques et des attractions culturelles, ludiques ou balnéaires qu’elles offrent. Il s’agit donc d’un article de simplification. Je rappelle que ces zones touristiques sont décidées sur l’initiative du maire. C’est le pouvoir local qui demande la délimitation d’une zone touristique, et c’est le préfet qui, au regard des arguments qui seront présentés par la collectivité, accepte ou non le zonage.
L’article 73 nous apparaît opportun dans la mesure où il simplifie ce qui était l’accumulation de différentes zones. Reste que je partage tout à fait l’inquiétude de nos collègues sur les commerces situés dans ces zones touristiques, qui, jusqu’ici, n’étaient pas soumis à une obligation de contrepartie pour le travail dominical. C'est pourquoi, à l’article 76 du projet de loi, la commission a opéré des modifications en supprimant l’obligation de contrepartie pour les commerces de moins de onze salariés situés dans ces zones. C’était une préconisation du rapport Bailly.
Il a semblé à la commission que, au-delà de ce seuil, des commerces de plus grande taille pouvaient s’inscrire dans un accord collectif de branche, d’entreprise ou territorial. Par ailleurs, j’ai prévu, en l’absence d’un tel accord, la possibilité pour l’employeur, sous réserve que sa décision soit approuvée par référendum organisé auprès de la moitié des salariés, d’établir ces contreparties.
Donc, au-delà de onze salariés, les entreprises devront offrir des contreparties, qui peuvent être de tous ordres, notamment salariales. Souvent, le fait de travailler le dimanche dans ces zones se traduit par des contreparties qui sont déjà prévues dans les contrats de travail. Je pense que la commission spéciale, en fixant la limite à onze salariés pour les entreprises, en limitant cette dérogation aux zones touristiques et en rétablissant à trois ans le délai d’adaptation qui a été fixé, est parvenue à un équilibre.
M. Michel Bouvard. Et les employés d’un petit restaurant de montagne ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Pour les autres, les contreparties existent. Donc, elles entreront forcément dans le cadre des accords.
L’article 73 apporte une vraie définition, une vraie simplification par rapport aux quatre zonages existants. C'est la raison pour laquelle la commission l’a adopté sans modification et qu’elle est donc défavorable aux amendements tendant à sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’article 73, comme vient de le dire Mme la rapporteur, vise à simplifier l’article L. 3132-25 du code du travail. Il supprime les quatre catégories existantes pour les regrouper en une seule : les zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes.
Les établissements actuellement situés dans ces zones touristiques continuent à être couverts, comme nous le verrons à l’article 76, qui vise à modifier l’article L. 3132-25-3 du code du travail, puis à l’article 77, qui vise à modifier l’article L. 3132-25-4. Ces articles fixent les conditions dans lesquelles ces ouvertures se feront. L’article 75, quant à lui, tend à modifier l’article L.3132-25-2 et continue de préciser qu’il appartient au maire de demander la délimitation ou la modification d’une telle zone touristique, sur laquelle le préfet de région doit ensuite statuer.
Je demande à M. Karoutchi, dont la critique m’a semblé plutôt porter sur l’article 76 que sur l’article 73, de bien vouloir retirer son amendement n° 706.
Pour répondre à Mme la sénatrice David comme à M. le sénateur Bouvard, je veux ici dire que nous voulons simplifier les quatre régimes existants. Il ne s’agit pas de réévaluer ou de revisiter, au titre de cet article 73, l’éligibilité de certaines communes, qui est aujourd'hui acquise. Les critères définis au niveau réglementaire et qui seront pris en compte pour la détermination de ces zones seront établis de façon à correspondre en fait aux périmètres actuels.
À ce jour, rappelons que l’article R. 3132-20, par exemple, dispose que les critères notamment pris en compte pour le classement en commune d’intérêt touristique ou thermale sont : le rapport entre la population permanente et la population saisonnière ; le nombre d’hôtels ; le nombre de gîtes ; le nombre de campings ; le nombre de lits… Tous ces éléments, évidemment, seront maintenus. Il ne s’agit pas de déclasser des communes qui sont aujourd'hui touristiques et qui sont éligibles à ces critères. En tout cas, ce n’est pas l’intention du Gouvernement, je veux ici le préciser et vous donner un plein engagement.
L’objet de l’article 73 est bien de simplifier la dénomination des zones touristiques, de la rendre plus lisible, de l’inscrire dans le mécanisme que je viens de décrire, avec l’initiative du maire, le pouvoir du préfet et la soumission à un accord collectif et au volontariat, ainsi que nous aurons à en discuter à l’article 76, et de renvoyer, comme c’est aujourd'hui le cas, la définition à un décret. Je tiens à redire qu’il n’y aura pas de fragilisation ou de déclassement. On examinera par ailleurs, à l’article 76, la question des accords collectifs, qui peut être un sujet de préoccupation pour celles et ceux qui sont aujourd'hui ouverts. Nous avons fait le choix de laisser un délai d’adaptation. Le choix de votre commission a été différent, puisqu’elle a prévu qu’en dessous d’un certain seuil il n’y aurait pas d’accord collectif mais un référendum. Nous en discuterons ultérieurement.
L’article 73 vise véritablement à simplifier, à harmoniser la définition des zones touristiques. C’est pourquoi, dans ce contexte, je demande le retrait de ces trois amendements, auxquels, à défaut, je donnerai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Ces amendements identiques procèdent, ce n’est pas la première fois et on le verra peut-être encore ultérieurement, de motivations contradictoires, mais ils aboutissent au même résultat : conserver le régime actuel. Or je tiens à faire remarquer à leurs auteurs que, dans le régime actuel, les salariés n’ont aucune garantie, alors que le projet de loi prévoit un certain nombre d’avancées importantes. Ainsi, les salariés des zones touristiques pourront bénéficier de contreparties salariales, de la garantie du volontariat, de la réversibilité et de toutes les protections juridiques qui s’appliquent obligatoirement aujourd'hui dans des zones, des périmètres d’usage de consommation exceptionnelle. Je vous demande de réfléchir, chers collègues, car, si on votait vos amendements, tout cela disparaîtrait.
Par ailleurs, vous vous inquiétez de la situation des salariés dans des zones qui sont déjà classées comme touristiques. Ainsi que Mme la rapporteur et M. le ministre l’ont déjà évoqué, nous allons parler à l’article 76 des contreparties.
Un autre défaut que je trouve à ces amendements de suppression, mais on le retrouve très souvent dans la discussion, c’est la défiance qu’ils marquent à l’égard des partenaires sociaux. Moi, je fais plutôt confiance à ceux qui vont négocier, notamment quand ils négocient au niveau des territoires. Les employeurs vont prendre en compte leur modèle économique ; les salariés, eux, sont capables de comprendre que, parallèlement à leurs légitimes demandes sociales, il faudra aussi tenir compte de la situation économique ; puis tout le monde prendra en compte la capacité des zones de chalandise concernées.
Nous, nous sommes a priori favorables à la négociation. C’est le fil rouge qui nous guide depuis le début de la discussion de ce texte. Je suis donc tout à fait opposée à la suppression de l’article 73. C’est pourquoi, si vous maintenez vos amendements, le groupe socialiste votera contre.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Au bénéfice des explications du ministre et compte tenu du fait que les problèmes qui avaient motivé mon propre amendement pourront être traités lors de la discussion de l’article 76, sur lequel le Gouvernement a une position moins hermétique que la commission, qui a fixé le seuil guillotine de onze salariés, lequel pose de vrais problèmes pour les activités saisonnières, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 1445 est retiré.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Compte tenu des arguments de la rapporteur, du ministre et de Mme Bricq, je retire également l’amendement. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Quelle sagesse !
M. Roger Karoutchi. On reviendra sur cette question à l’article 76.
Mme Annie David. Nous ne retirons pas notre amendement. Si la discussion sur les accords aura bien lieu à l’article 76, l’article 73 ne peut pas être appréhendé isolément des autres articles du titre III et fait partie d’un ensemble que nous rejetons en bloc.
Pour nous, ce qui est en jeu, même si, ce matin, certains ont semblé ignorer cet aspect, c’est la société que nous voulons offrir, demain, à nos concitoyennes et à nos concitoyens. Nous refusons la marchandisation à outrance, nous voulons préserver des droits et des acquis sociaux pour les salariés. Je trouve également dommage que nous réduisions Paris, notre belle capitale, ville-monde, à son seul aspect commercial et marchand, en oubliant fortement son aspect culturel.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote sur l’amendement n° 67.
Mme Évelyne Didier. Je voudrais, pour ma part, revenir sur les travaux de la commission d’étude des effets de la loi pour la croissance et l’activité, qui a constitué l’étude d’impact de ce projet.
Cela a été fait très rapidement, peut-être cette commission n’a-t-elle pas disposé d’assez de temps pour travailler. En tout cas, si l’une de ses conclusions est que l’ouverture dominicale a favorisé la création d’emplois dans certains pays, rien n’est dit sur les conséquences en matière de lien social et de vivre ensemble, sur l’effet de cascade – le travail dominical des uns entraînant nécessairement le travail dominical pour d’autres –, sur la santé, le volontariat, les coûts induits pour les salariés, le commerce de proximité et la désertification des territoires, l’isolement des personnes âgées, les économies d’énergie ou encore sur la captation de chiffre d’affaires par les magasins implantés dans les zones autorisées à ouvrir le dimanche.
Ainsi que l’a souligné notre collègue Dominique Watrin, la libéralisation du dimanche en Italie a conduit à la fermeture de 32 000 entreprises et à la perte de 90 000 postes de travail. Il est vraiment curieux que cela n’éveille pas l’attention. Je vous renvoie également à l’étude du CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, sur les destructions d’emplois liées à l’ouverture des grandes surfaces le dimanche.
Je voudrais ensuite rappeler que l’ouverture dominicale a des incidences sur les activités des associations sportives, culturelles, sur les activités de loisirs, mais aussi sur les activités cultuelles. Le temps passé en famille était un temps protégé, on va désormais le passer dans les magasins, à faire des achats.
Il est dommage qu’on n’ait pas pris tout cela en compte, car, petit à petit, le lien social, qui était un temps fort dans notre société, risque de se déliter.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 98 rectifié quater est présenté par MM. Raison et Guerriau, Mme Deromedi, MM. Médevielle, Bizet, Morisset, Grosperrin, Calvet, Gilles et Joyandet, Mme Morhet-Richaud, MM. Longuet, de Nicolaÿ, Vasselle, Pellevat, Kennel, Lefèvre, G. Bailly, Chasseing, Milon, Vaspart, B. Fournier, Chaize, Darnaud, Genest, Pierre, Trillard, Husson, Vogel, Doligé et Revet, Mme Bouchart, M. Houpert, Mme Lamure et MM. Laménie, Perrin, Gremillet et L. Hervé.
L'amendement n° 205 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4
La parole est à M. Bernard Fournier, pour présenter l'amendement n° 98 rectifié quater.
M. Bernard Fournier. Cet amendement vise à préserver la législation actuelle dans les zones touristiques, afin d’éviter la fermeture des petits commerces en stations, dont la situation économique est déjà fragile.
Le système actuel, reposant sur l’octroi de repos compensateurs, constitue un équilibre satisfaisant entre les différents acteurs dans les communes touristiques, notamment au regard des conditions de rémunération. Une modification de cet équilibre risque d’entraîner la fermeture des commerces qui sont à la source de l’attractivité des communes touristiques et, par voie de conséquence, la suppression d’emplois.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 205 rectifié.
M. Jacques Mézard. Les commerces qui sont situés dans les zones touristiques sont aujourd’hui libres d’ouvrir le dimanche sans obligation de contreparties. L’article 73 tel qu’il a été adopté à l’Assemblée nationale impose, pour ouvrir le dimanche, d’être couvert par un accord collectif et d’offrir des contreparties aux salariés.
La commission spéciale, dans la rédaction qu’elle propose de l’article 76, a souhaité exclure de ce dispositif les commerces de moins de onze salariés. C'est un progrès,…
M. Michel Bouvard. Non, on crée des seuils !
M. Jacques Mézard. … mais il est pour nous insuffisant. Conditionner l’ouverture dominicale à la conclusion d’un accord collectif peut engendrer, dans certains cas, des difficultés importantes pour les commerces qui participent largement à l’attractivité de ces zones touristiques, avec – cela a déjà été dit – la possibilité d’entraîner non pas des créations, mais des suppressions d’emplois.
Je rappelle aussi que, dans la plupart des communes touristiques, l’activité est concentrée sur quelques mois. Il est important de rappeler à nouveau que les salariés ayant choisi de travailler en station de montagne ou en station balnéaire bénéficient déjà de contreparties.
Nous proposons donc simplement de supprimer la référence aux deux articles visés dans l’alinéa 2 et, ainsi, de préserver la législation actuelle dans les zones touristiques.
Monsieur le ministre, on nous parle de dialogue social : nous sommes tous, ou la plupart d’entre nous, favorables au dialogue social. Mais vous voyez déjà les difficultés que rencontre le Gouvernement pour le faire pratiquer… Ce n’est pas dans la culture française ! Or nous cherchons, comme vous ne cessez de le répéter très justement, des solutions concrètes et rapides. La solution qui a été retenue pour ces zones touristiques ne me semble pas vraiment la bonne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. On est dans le même cas de figure que pour les amendements de suppression : le débat sur les contreparties exigées en zone touristique aura lieu lors de l’examen de l’article 76. Je demande donc le retrait de ces deux amendements identiques.
Notre collègue Fournier a évoqué les petits commerces : si nous nous sommes arrêtés au seuil de onze salariés, c’est justement pour les prendre en compte.
Je souhaiterais, par ailleurs, apporter une précision s’agissant des restaurants. Ces établissements bénéficient d’une dérogation spécifique, de droit, pour le travail le dimanche. Ils ne sont absolument pas concernés par le texte dont nous discutons. Les restaurants conservent leur régime spécifique, quelle que soit leur localisation, y compris ceux situés en zone touristique.
Nous discuterons, à l’article 76, de l’ampleur de l’assouplissement de la législation et de la non-obligation de contreparties. En attendant, je voudrais simplement faire remarquer que les contreparties existent déjà de facto dans les commerces qui ouvrent le dimanche, sous une forme ou sous une autre. C'est pourquoi j’ai souhaité, dans le cadre de la commission, aller au-delà des accords collectifs, pour offrir un peu de souplesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Il est vrai que sont d’ores et déjà prévus des compensations et des minima sociaux différents dans le cadre des accords de branche. Le distinguo qui existe n’est d’ailleurs pas remis en cause par le texte.
Les préoccupations exprimées dans ces deux amendements identiques portent plutôt sur la compensation ou sur l’accord collectif lui-même que sur les conditions d’éligibilité à l’ensemble des compensations des commerces qui pourraient ouvrir le dimanche dans les zones touristiques. Exclure la référence aux deux articles du code du travail me paraît quelque peu excessif. Quoi qu’il en soit, nous aurons ce débat à l’article 76.
Les spécificités des zones touristiques, un sujet dont nous avons déjà discuté, sont réelles et d’ailleurs reconnues par certains accords de branche. Vous avez raison de le dire, monsieur Mézard, la démarche du Gouvernement conduit à prendre le risque de la négociation et du dialogue social. Pour ma part, j’estime que c’est un bon risque. Néanmoins, se pose la question des plus petits commerces, sur laquelle je suis prêt à avoir un débat. C’est d’ailleurs le Gouvernement qui avait lancé ce sujet en donnant un avis favorable sur un amendement allant en ce sens.
Il faut être cohérent dans notre démarche : quand on croit au dialogue social, il faut y croire jusqu’au bout. Ce texte traduit une volonté d’homogénéité et de simplification, mais, comme je l’ai dit, nous aurons ce débat à l’article 76. Pour l’instant, je comprendrais mal qu’on puisse avoir des commerces qui ouvriraient le dimanche dans des zones touristiques sans être soumis à une quelconque forme d’accord et de compensation de par la loi, ce qui serait de facto le cas si l’on supprimait la référence à ces deux dispositions.
Que vous vouliez apporter de la souplesse, je l’entends. Que vous défendiez la spécificité de ces secteurs, je peux le comprendre, d’autant que, je le redis, elle a déjà été prise en compte par le droit social et les compensations accordées. Pour autant, je ne pense pas qu’il faille les sortir totalement du dispositif. Je demande donc le retrait de ces deux amendements identiques ; sinon, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Fournier, l'amendement n° 98 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Bernard Fournier. J’ai écouté attentivement Mme le rapporteur et M. le ministre. J’ai noté que cette discussion allait avoir lieu à l’article 76. Par conséquent, je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 98 rectifié quater est retiré.
Monsieur Mézard, l'amendement n° 205 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Comme c'est le début de la semaine, monsieur le ministre, je vais le retirer… (Sourires.) Mais nous reparlerons très prochainement de cette question.
M. le président. L'amendement n° 205 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 73.
(L'article 73 est adopté.)
Article 74 (priorité)
(Non modifié)
L’article L. 3132-25-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-25-1. – Les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes, le cas échéant en tenant compte de la proximité immédiate d’une zone frontalière, peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. L’article 74 vise spécifiquement l’ouverture dominicale pour les établissements de vente au détail situés dans des zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes. Ces zones, aux contours particulièrement flous, viennent réformer les zones dites PUCE, instaurées en 2009 par la loi Mallié, que la gauche contestait car elles n’étaient pas suffisamment protectrices. Ces zones comprenaient néanmoins un certain nombre de critères et offraient finalement un encadrement plus élevé. C'est un comble : la droite s’est montrée plus protectrice des salariés en 2009 que la gauche aujourd’hui !
Ainsi, l’un des critères définissant les PUCE est démographique ; ces périmètres ne peuvent être mis en place que dans les zones urbaines de plus d’un million d’habitants, soit quatre zones dans le pays : Paris, Lille, Aix-Marseille et Lyon.
Les zones que vous voulez instaurer sont si floues que je ne vois pas ce qui pourrait empêcher d’en générer des milliers ! Vous nous dites qu’un décret viendra préciser les critères, mais, en attendant, nous devons avancer les yeux bandés et signer un chèque en blanc.
Cet article, particulièrement la définition que vous donnez des zones, soulève le problème du potentiel de croissance qu’engendrerait l’ouverture dominicale. Deux éléments nous permettent de douter de la pertinence de ce que vous avancez.
D’abord, le pouvoir d’achat des Français est de plus en plus fragilisé. Pensez-vous vraiment qu’ils consommeront plus parce que les magasins seront ouverts un jour supplémentaire ? Non ! En revanche, il est possible que la consommation soit plus étalée sur la semaine.
Ensuite, en permettant l’ouverture des grands magasins dans de nombreuses zones, vous risquez de compromettre l’activité des commerçants de proximité. De fait, ce sont de nombreux emplois que vous allez mettre en danger.
Pour finir, se pose la question du volontariat et des activités annexes, qui, certes, de votre point de vue ne créent pas de consommation, mais qui, à nos yeux, contribuent à maintenir et accroître le lien social, culturel et sportif.
D’une part, dans quelle mesure s’exprimera le volontariat ? Le lien de subordination existant entre l’employeur et l’employé fait pencher le rapport de force vers le premier. Si aucun accord n’est trouvé et si aucun salarié ne se porte volontaire, pensez-vous vraiment que les entreprises n’ouvriront pas ? Peut-être avez-vous cette naïveté, mais ce n’est pas notre cas.
D’autre part, combien d’associations verront leurs activités compromises parce que leurs bénévoles seront au travail le dimanche, qu’ils soient volontaires ou contraints ?
Voilà les quelques arguments que nous voulons soumettre au débat.
Ce matin, nous évoquions les activités culturelles ou sportives du week-end. L’un de nos collègues avançait que les activités sportives se tenaient plutôt le samedi. Il se trouve que, dans ma région, c’est très souvent le dimanche que nous organisons notamment des tournois de foot ou de rugby. Les matchs de nos équipes locales, qui ne sont certes pas télévisés, mais qui ont toute leur importance pour notre territoire, ont lieu généralement en tout début d’après-midi pour l’équipe réserve, puis à quinze heures pour l’équipe première.
Le dimanche est une journée pour laquelle la demande de bénévoles est très importante. Je n’ai pas voulu allonger les débats ce matin, mais j’ai profité du temps de parole qu’il me restait sur cet article pour vous faire part de mon expérience.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l'article.
M. Bruno Retailleau. Certaines questions échappent aux clivages politiques habituels, tout simplement parce qu’elles relèvent non pas d’une logique politique, mais de convictions personnelles. Cela est valable y compris pour un président de groupe, et je ne vois pas au nom de quel principe il devrait taire ses propres convictions. C'est donc en mon nom propre que je veux m’exprimer pour vous faire part de mon analyse.
Malgré l’excellent travail de la commission, notamment de Mme la rapporteur Catherine Deroche, qui a tout fait pour encadrer le travail le dimanche, je redoute deux choses.
D’abord, je crains que nous n’entrions dans un processus de banalisation, de généralisation. Cet argument a été martelé en 2009. À l’époque, le texte étant présenté par la majorité de droite, la gauche s’y était évidemment opposée. En 2012, le futur Président de la République a déclaré, la main sur le cœur, lors de son discours du Bourget : « Le combat, c’est de préserver le principe du repos dominical […]. Et j’y veillerai ! »
M. David Assouline. Ce texte est la meilleure façon de le préserver !
M. Bruno Retailleau. Aujourd’hui, on assiste à une nouvelle extension du travail le dimanche.
Le processus de banalisation est, on le voit bien, à l’œuvre. Nous devons nous poser aussi cette question de l’éventualité d’une généralisation.
Ensuite, je redoute que le bilan des avantages et des coûts ne soit pas complètement équilibré.
On nous dit souvent que la France ne travaille pas suffisamment, ce qui est sans doute vrai. L’OCDE réitère cette affirmation régulièrement, chiffres à l’appui. Mon analyse est que le problème de la France ne vient pas du fait que le dimanche soit chômé, mais du chômage, partiel ou total, qui touche pratiquement 6 millions de Français du lundi au vendredi. Mieux vaudrait procéder à un certain nombre de déverrouillages – nous reviendrons dans quelques jours sur les accords défensifs et offensifs – pour développer la possibilité de travailler plus, plutôt que de recourir au travail le dimanche. D’ailleurs, aucune étude, en France ou à l’étranger – l’Allemagne a très largement libéralisé le travail le dimanche –, n’a démontré de manière décisive les avantages du travail dominical.
Si les avantages me paraissent assez virtuels, les coûts, eux, me semblent bien réels, en premier lieu pour les territoires. Les zones touristiques très denses, comme Paris, risquent fort d’assécher les zones de chalandise des territoires périphériques.
M. Jean Desessard. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. En outre, les très petites entreprises risquent d’avoir du mal à rémunérer davantage leurs salariés. Pour venir d’un département touristique, je sais que si, demain, de petites entreprises devaient faire face à ce surcoût, elles ne tiendraient pas.
M. Alain Fouché. Absolument !
M. Bruno Retailleau. On créerait donc une distorsion au principe « à travail égal, salaire égal ».
Enfin, on aurait évidemment une fragilisation du lien social. Ne remettrions-nous pas là en cause une certaine conception de la société ? Ne toucherions-nous pas à l’idée même de citoyenneté, dont on a beaucoup parlé depuis les attentats du 7 janvier ? Cette idée qui fonde la différence entre une communauté de citoyens et une société d’individus, c’est-à-dire une juxtaposition de producteurs et de consommateurs ; cette idée que le dimanche n’est pas seulement un temps pour soi mais aussi un temps pour la famille, pour les autres, pour la citoyenneté, pour le civisme, pour la vie associative.
L’idée du don, de la gratuité, notre société en a besoin. Régis Debray rappelait que c’est sans doute le mot « fraternité » qui est le parent pauvre de notre devise républicaine. Or, cette fraternité, nous la faisons vivre aussi dans le lien social, à travers les activités associatives. Ainsi, si demain le processus initié aujourd’hui conduisait à une banalisation du travail dominical, c’est le marché qui organiserait les activités humaines alors que celui-ci ne propose pas de modèle de société.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. C’est au contraire aux hommes de réguler les activités du marché. Telle est ma conviction, qui me conduira à m’abstenir sur un certain nombre d’articles. (MM. Alain Joyandet, Jean-Marc Gabouty et Jean Desessard applaudissent)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 68 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 476 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 784 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 68.
Mme Laurence Cohen. Comme cela a été dit précédemment, l’article 74 vise à étendre les dérogations au repos dominical pour les établissements de vente au détail sur la base d’un nouveau fondement géographique : les zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes. Ces zones commerciales se substitueraient aux actuels périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE.
Actuellement, les dérogations au repos dominical pour les commerces de détail sont possibles dans les PUCE si trois conditions sont cumulativement réunies : des habitudes établies de consommation dominicale, une clientèle importante et l’éloignement de celle-ci par rapport aux PUCE. Par ailleurs, les PUCE sont limités aux unités urbaines de plus d’un million d’habitants, et le préfet accorde ses autorisations aux établissements pour cinq ans. Enfin, cette ouverture dominicale est conditionnée à la signature d’un accord collectif fixant des contreparties.
Désormais, sous prétexte de distorsion de concurrence, les zones commerciales remplaceraient les PUCE sur l’ensemble des zones où existent une « offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes ». Si la dérogation au repos dominical dans les zones commerciales reste soumise à la conclusion d’un accord collectif fixant les contreparties des salariés, ces zones ne sont désormais plus réservées aux unités urbaines de plus d’un million d’habitants et sont susceptibles d’être créées sur l’ensemble du territoire.
Ainsi, ces nouveaux critères de définition d’une zone commerciale ouvrent complètement la porte à un nombre bien plus important de zones commerciales que de PUCE, c’est-à-dire à davantage de dérogations au repos dominical. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les entreprises souhaitant ouvrir le dimanche n’auront pas de difficultés à prouver qu’elles ont une offre commerciale répondant à une demande potentielle particulièrement importante.
En résumé, vous nous proposez, monsieur le ministre, de passer de quarante et un PUCE à des milliers de zones commerciales. Telle est la raison motivant notre amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 476.
M. Jean Desessard. L’article 74 prévoit de remplacer les PUCE, créés par la loi Mallié de 2009, par des zones commerciales qui seront définies par décret. Ces nouvelles zones, qui bénéficieront des mêmes possibilités dérogatoires d’ouverture le dimanche, devront être caractérisées par « une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes ».
Ce critère est selon nous beaucoup trop large. En effet, qu’est-ce qu’une « demande potentielle particulièrement importante » ? Il y a un risque important que des zones commerciales de petite taille, situées dans des centres-bourgs bénéficiant d’afflux touristiques ou dans des stations balnéaires, soient concernées par cette définition. Cette rédaction imprécise entraîne ainsi un risque de diffusion sur tout le territoire du travail dominical.
En outre, si les PUCE ne concernaient que les unités urbaines de plus d’un million d’habitants, cet article ne prévoit au contraire aucun critère démographique pour la définition de ces nouvelles zones commerciales. Là encore, le risque est grand de les voir se répandre partout en France et que le travail dominical devienne bientôt la règle partout.
Enfin, le Gouvernement assure que ces zones commerciales permettront de créer de l’emploi. Si ce raisonnement peut se comprendre dans les zones touristiques internationales où l’argent viendrait de touristes étrangers, il est en revanche difficile à entendre lorsqu’il s’agit d’une zone de chalandise, c’est-à-dire d’un bassin de vie. Le consommateur qui aura fait ses courses le dimanche ne les fera plus en semaine. Il n’y aura donc pas plus d’argent à entrer dans le système. À moins qu’un touriste chinois ne s’égare dans le coin… (Sourires.) Si jamais il se trompe de station de métro en voulant aller aux Champs-Élysées et qu’il se retrouve par erreur dans la zone commerciale, imaginez sa joie d’apercevoir un magasin ouvert, alors qu’il ne s’y attendait pas, où il va pouvoir dépenser son argent pour acheter un sac Vuitton… Cette erreur d’aiguillage – ou cette décision volontaire – pourrait même se produire dans d’autres coins de France, car les zones internationales ne se trouvent pas seulement à Paris, il y en a aussi dans le Grand Paris et même beaucoup plus loin !
Bref, vous nous proposez une consommation sans pause, sans répit pour soi et ses proches. C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 74 supprime les PUCE issus de la loi Mallié et autorise les commerces situés dans les « zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande particulièrement importantes » à ouvrir le dimanche. Créés pour répondre aux difficultés juridiques suscitées par des pratiques d'ouverture dominicale répandues mais illégales, les PUCE ont permis de satisfaire une demande réelle de la part des consommateurs et d'offrir aux salariés y travaillant des contreparties salariales et un repos compensateur, ce qui a représenté une avancée.
Toutefois, en reposant essentiellement sur des usages de consommation dominicale préexistants, les quarante et un PUCE qui avaient été créés, dont trente-huit en Île-de-France, sont à l'origine de distorsions de concurrence. Selon le rapport Bailly, ce dispositif « suscite l'incompréhension des acteurs et génère une conflictualité importante », car il favorise ceux qui ne respectaient pas la loi antérieurement sans récompenser les comportements vertueux et il exclut les nouvelles structures commerciales. La délimitation de ces zones donne en outre lieu à un dialogue territorial insuffisant.
La substitution des zones commerciales aux PUCE nous semble donc souhaitable. Je rappelle d’ailleurs que la définition de ces zones commerciales, comme celle des zones touristiques, sera demandée par le maire avec avis du préfet de région, qu’il y aura des contreparties obligatoires pour les salariés concernés et que le principe du volontariat demeure. Je sais que cela ne rassurera que partiellement Bruno Retailleau et ceux qui sont plutôt réservés au sujet de l’ouverture dominicale, mais le texte introduit des garde-fous assez solides dans la définition de ces zones commerciales pour ne pas aboutir à une banalisation à laquelle je suis pour ma part également opposée. Néanmoins, il existe des habitudes de consommation dont il faut tenir compte ; or les PUCE, s’ils avaient remédié à certaines difficultés, ont entraîné des effets pervers indéniables.
Je rappelle enfin que les rapporteurs de la commission spéciale de l’Assemblée nationale ont complété l'article afin qu'il soit tenu compte d'une éventuelle concurrence frontalière dans la délimitation des zones commerciales. La commission spéciale du Sénat, pour sa part, a adopté cet article sans modification. Elle est donc défavorable à sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Ceux qui se sont opposés à la loi Mallié ont raison de soutenir le présent texte. (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC.) En effet, cette loi a créé des zones commerciales loin des centres-villes et a parfois validé des pratiques non conformes au droit en vigueur à l’époque qu’elle est venue valider et prolonger. Elle a également prévu de soumettre le travail dominical à un accord collectif ou à la règle du « payé double ». Or l’expérience a montré que cette dernière mesure a vidé les centres-villes. En outre, le texte a maintenu – sans compensation obligatoire – l’ouverture dominicale pour les commerces alimentaires jusqu’à treize heures, 640 zones touristiques et les jours du maire. Il en a résulté une profonde hétérogénéité. Oui, cette réforme a vidé les centres-villes et a créé de l’inégalité entre les territoires ! À certains endroits, on avait droit à une compensation et, à d’autres, on n’y avait pas droit !
Que prévoit le présent projet de loi ? Il homogénéise et simplifie tout cela, puisqu’il instaure partout des règles claires : pas d’ouverture sans accord, lequel prévoit la compensation. En effet, il n’est pas souhaitable de prévoir dans la loi une compensation uniforme, car le « payé double » tuerait les centres-villes – d’ailleurs, j’entends toujours avec étonnement ceux qui prétendent défendre le petit commerce de centre-ville réclamer en même temps le « payé double ». Le texte instaure aussi une vraie homogénéité sur le territoire puisque l’accord est partout un préalable à l’ouverture dominicale.
C’est cette philosophie qui distingue profondément ce texte de la loi Mallié. Avoir combattu cette loi et s’être engagé contre elle comme l’a rappelé M. Retailleau est donc complètement cohérent avec la défense aujourd’hui du projet de loi, qui est un texte de justice sociale, de soutien à l’économie et qui ne permet pas l’exception à tout-va au repos dominical.
L’article 74 supprime la notion et le terme de PUCE et renvoie la liste des critères des nouvelles zones au pouvoir réglementaire, ce qui est normal ; il n’y a pas à s’étonner que la loi ait un caractère général. Toutefois, l’article prévoit bien des restrictions puisqu’il fait mention d’une offre commerciale particulièrement importante. Il ne s’agit donc pas d’en créer partout. En outre, il s’inscrit dans la même logique que celui que vous venez de voter sur les zones touristiques.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Emmanuel Macron, ministre. Il y aura des accords collectifs, des compensations et, surtout, l’initiative en reviendra aux élus.
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Emmanuel Macron, ministre. Sachons raison garder : il ne sera pas possible de créer partout et à l’initiative du secteur privé des zones commerciales ! Il existe une double restriction : la création de la zone commerciale aura lieu sur l’initiative des élus – si ceux-ci ne la proposent pas, aucune zone commerciale ne sera créée –, puis elle sera soumise au contrôle du préfet, qui pourra en limiter les contours.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Il faut rappeler, d’abord, que les zones commerciales seront créées sur l’initiative et à la demande des élus locaux. Là où il n’y a pas de potentiel d’activité, il pourrait y avoir un effet de transfert. Mais, sans création de valeur suffisante, l’ouverture ne se justifiera pas. Il est évident que les élus ne demanderont pas la création d’une zone commerciale à cinquante-deux dimanches si cela n’a pas de sens sur le plan économique et social dans la zone concernée, a fortiori s’ils peuvent accorder l’ouverture jusqu’à douze dimanches dans l’année.
Ce qu’on a appelé les « effets de bord », lorsque des demandes d’ouverture ont été formulées, par un effet de capillarité, à l’entour des PUCE devrait aussi être circonscrit. En effet, l’expérience a montré que ces ouvertures pouvaient avoir un effet négatif, en ce qu’elles n’apportent pas de nouvelle clientèle, tout en créant de nouvelles charges fixes. En outre, elles déséquilibrent certains territoires sur le plan économique et commercial.
En revanche, on a pu constater que, dans les PUCE où il y avait eu une réelle création d’activité, l’ouverture dominicale avait été décidée. L’ouverture et la création de valeur ont justifié l’obligation d’un accord ou d’une décision unilatérale, avec doublement du salaire.
La conclusion d'un accord d’entreprise, de branche ou territorial constituera un préalable, ce qui n’est pas le cas dans le cadre de la loi Mallié, encore en vigueur.
Le risque d’ouverture massive évoqué par certains de nos collègues n’est donc pas du tout avéré. Certaines grandes enseignes disent dès aujourd’hui que le dispositif ne les intéresse pas, parce qu’elles ne veulent pas accorder de compensations. On ne peut mieux démontrer à quel point le principe « pas d’accord, pas d’ouverture » est efficace pour réguler le dispositif, à la fois en matière sociale et sur un territoire.
Le projet de loi protège les salariés concernés, tout en créant les conditions d’un développement économique et de créations d’emplois. Apporter des garanties tout en faisant confiance aux élus, aux partenaires sociaux et à la dynamique économique des territoires est conforme aux évolutions de notre société.
C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ces amendements.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je veux réagir à ce qui a été dit sur le petit commerce qui a disparu avec le développement des zones périphériques. Je ne nie pas que cela soit vrai. Toutefois, on oublie qu’en réalité c’est l’évolution des loyers qui a eu l’une des plus grandes incidences sur les commerces de proximité de centre-ville. On le sait très bien ! C’est la rente du patrimoine qui a rendu leur situation difficile. À cela s’ajoute la massification du commerce, qui a entraîné un déséquilibre entre les producteurs et la distribution, au profit de cette dernière, avec, notamment, les grandes plateformes d’achats.
On est donc engagé dans un système où les prix baissent avec les salaires et où ceux-ci baissent avec les prix, au point qu’aujourd'hui la part consacrée à l’alimentation, par exemple, est très faible dans les revenus. Il vaudrait bien mieux payer convenablement les gens, qui pourraient ainsi acheter à leur juste prix les produits dont ils ont besoin, pour que les producteurs s’en sortent.
En tout cas, la disparition du commerce de proximité ne se résume pas à la loi Mallié. Au reste, je suis d’accord avec vous pour dire qu’elle ne comporte pas que des aspects positifs. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ne peux pas laisser dire qu’on préserve le repos dominical. En effet, dans les zones commerciales, les zones touristiques, les zones touristiques internationales, on va créer, un peu partout, de multiples zones frontalières et donc des appels d’air. Attendons-nous à ce que, côté des villes où il sera possible de travailler le dimanche, d’autres villes, qui verront que cette possibilité profite à leurs voisines – c’est en tout cas ce qui est visé –, souhaitent bénéficier de cette faculté, répondant ainsi à une demande de leur population.
On nous parle d’une contrepartie. Mais, si j’ai bien compris, la contrepartie pourra se faire au niveau de la branche – dans cette hypothèse, on peut encore discuter –, de l’entreprise, voire de l’établissement. Autrement dit, si une entreprise dit être en difficulté et appelle ses salariés à mettre le paquet, pour trouver, ensemble, les moyens de préserver son activité, il est évident que ces salariés suivront ! Qui dira qu’il ne se soucie pas de son entreprise, dans la situation économique actuelle ? De fait, cela entraînera, par effet boule de neige, un nivellement par le bas des contreparties.
Vous invoquez le volontariat, mais, dans la crise que nous connaissons aujourd'hui, avec la précarité qui s’installe, qui, aujourd'hui, aura les moyens de refuser ? Et, même si certains salariés refusent, il y en aura bien d’autres pour accepter !
Par conséquent, compte tenu de la situation actuelle, qui est défavorable au salariat, la contrepartie et le volontariat ne deviendront vite qu’un marché de dupes.
Aujourd'hui, on crée un appel d’air pour la banalisation du travail dominical. Je ne doute pas que, dans quelques mois ou dans quelques années, nous aurons à examiner un nouveau projet de loi qui élargira davantage le travail le dimanche, jusqu’à ce que le travail dominical devienne, progressivement, la norme.
Mme Annie David. Oui ! On le banalise !
M. Jean Desessard. Cela pose un problème de société, comme nous l’avons déjà dit ce matin. Il faudra que chacun prenne ses responsabilités !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 68 et 476.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 163 rectifié n'est pas soutenu.
L'amendement n° 1216, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes
par les mots :
les critères définis au II
II. – Après l’alinéa 2
Insérer dix alinéas ainsi rédigés :
« II.- Les critères mentionnés au I sont :
« – une prédominance de commerce non alimentaire définie à partir du chiffre d’affaires et du nombre de salariés employés sur les établissements de commerce de détail ;
« – une population minimale de l’unité urbaine d’un million d’habitants ;
« – au moins trente millions de visiteurs par an ;
« – un éloignement de la clientèle ;
« – une offre commerciale importante ;
« – une demande potentielle particulièrement importante ;
« – la présence de services de restauration ;
« – une accessibilité routière et en transports collectifs importante ;
« – l’adhésion d’au moins la moitié des commerçants du périmètre. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. La définition des zones commerciales qui est proposée dans le texte semble bien floue. Notre amendement vise à en préciser le contour, afin d’en limiter la généralisation et, ainsi, celle du travail dominical. Ce dernier – nous en avons déjà discuté – est, selon nous, une profonde régression pour les droits des travailleurs, mais aussi pour l’économie de notre pays.
Quant à vous, monsieur le ministre, vous tentez de nous convaincre que la généralisation du travail dominical va permettre un bond de notre économie. Par quels moyens cela serait-il possible ? Comment l’ouverture des commerces le dimanche permettrait-elle un bond de la consommation, alors que nos concitoyennes et nos concitoyens faisant leurs courses le dimanche seraient minoritaires et consommeraient moins la semaine ? Comment l’emploi des commerces de proximité pourrait-il être maintenu, quand les mastodontes de la grande distribution pourront ouvrir le dimanche ? Comment assurer plus de consommation pour les ménages, alors même que rien ne garantit la hausse de leurs revenus ?
Je m’interroge également sur les compensations promises. Comment le rapport de force des salariés pourrait-il être accru si leur travail dominical est vu non plus comme une exception, mais comme une généralité ? En effet, c’est bien de la banalisation du travail le dimanche qu’il s’agit !
Toutes ces questions n’ont pas trouvé de réponses, malgré les discussions que nous avons eues. Après tout ce temps, ne restent que les inquiétudes et la colère.
Votre principal argument réside dans le volontariat. Mais comment des salariés ayant du mal à terminer leur mois pourront-ils refuser de travailler le dimanche ? Comment des chômeurs de longue durée pourront-ils refuser de travailler le dimanche ?
Pour finir, j’aimerais revenir sur les bienfaits pour l’emploi que vous avancez. La généralisation du dimanche ne semble pas aller dans ce sens. En effet, les commerces de proximité souffriront de l’ouverture de grandes chaînes de distribution et risquent donc de voir leurs effectifs fondre comme neige au soleil. En outre, les nouveaux commerces ouvrant le dimanche, à l’image des chaînes de grande distribution ouvertes le dimanche dans certaines zones, se dirigeront, à coup sûr, vers des emplois précaires et des temps partiels subis. Ainsi, en généralisant le travail dominical, vous allez créer une sous-catégorie de salariés, estampillés « week-ends et soirées ». Les étudiants, les plus précaires, viendront garnir les rangs des salariés à temps partiel subi.
Monsieur le ministre, allez donc faire des courses le dimanche dans un supermarché : vous n’y trouverez que des étudiants !
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas vrai ! Dans le Franprix de mon quartier, ce sont les salariés habituels qui travaillent le dimanche !
Mme Annie David. Que certains secteurs dont l’activité est nécessaire l’ensemble de la semaine ouvrent le dimanche, pourquoi pas, à la condition sine qua non que les salariés aient de vraies compensations ? Malheureusement, les zones que vous souhaitez définir à l’article 74 sont suffisamment floues pour douter de la nécessité de l’ouverture des établissements le dimanche. Voilà pourquoi notre amendement vise à préciser le contour de ces zones.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à instituer des critères supplémentaires de définition des zones commerciales.
Parmi les critères proposés, l’éloignement de la clientèle ou encore une population minimale d’un million d’habitants viendraient, à notre sens, défavoriser les commerces de centre-ville, qui ne pourraient pas bénéficier de ce zonage et seraient désavantagés par rapport aux zones commerciales périurbaines, dont certaines bénéficiaient déjà du classement en PUCE. Je ne pense pas que l’intention des auteurs de l’amendement est de fragiliser davantage nos centres-villes, mais les critères qu’ils définissent font courir un risque en ce sens.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement, d'abord, parce que nombre des critères qu’il retient sont, en fait, d’ordre réglementaire, ensuite parce que ces critères viendraient plutôt compliquer la réforme proposée.
Je veux aussi apporter une clarification par rapport à votre dernière illustration, madame David. Comme à vous, il m’arrive de faire des courses le dimanche.
Mme Annie David. Cela ne m’arrive jamais, monsieur le ministre !
M. Emmanuel Macron, ministre. Le dimanche, les supermarchés sont généralement ouverts jusqu’à treize heures – hypothèse qui ne relève pas de cet article – et l’ouverture des magasins situés dans les zones commerciales est d'ores et déjà permise au-delà de treize heures.
M. Roger Karoutchi. Oui ! Il n’y a pas que les supermarchés !
M. Emmanuel Macron, ministre. Premièrement, je pense que vous serez sensible au fait que le Gouvernement, à l’Assemblée nationale, a soutenu l’introduction de la compensation salariale pour les salariés qui, dans les grandes surfaces, travaillent le dimanche, ce qui n’existe pas en droit aujourd'hui. J’aimerais vous entendre vous indigner aussi sur ce sujet ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Deuxièmement, les ouvertures prévues par le projet de loi renvoient précisément à des accords collectifs, et pas simplement à l’inégalité individuelle du rapport salarial. Je veux le répéter, c’est un accord collectif, et non le contrat de travail, qui est la condition même de l’ouverture dominicale et qui définira les compensations. C’est la profonde innovation de ce texte, et c’est la grande différence avec ce qui existait jusqu’alors.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Monsieur le ministre, je veux réagir à vos propos.
Alors que le gouvernement auquel vous appartenez se fait fort de développer des propositions dites « de simplification » dans d’autres domaines, votre texte comporte des critères de délimitation des nouvelles zones commerciales qui sont particulièrement imprécis. Or, par définition, tout ce qui est imprécis entraîne du contentieux, et je ne pense pas, à l’instar des membres de mon groupe, que ce soit favorable à la bonne marche de l’activité économique. Par exemple, un PUCE ne pouvait être défini que si son périmètre réunissait un minimum d’un million d’habitants. Ce critère n’existe pas dans votre projet de loi.
Nous craignons aussi des conséquences potentiellement lourdes pour les acteurs économiques locaux, notamment les commerces, en particulier, les petits commerces, qui se verront en quelque sorte obligés d’ouvrir le dimanche pour s’aligner sur la concurrence, alors que, compte tenu de leurs conditions d’existence, les gains engrangés ne couvriront pas nécessairement les coûts occasionnés par leur ouverture le dimanche.
Toutes ces situations nous conduisent à proposer d’intégrer dans le texte un certain nombre de critères qui, eux, prennent en compte les attentes et les besoins des clients potentiels. Je vous fais grâce de l’énumération de ces critères, que vous retrouverez dans le texte de notre amendement. Cependant, il nous semble que le critère de l’unité urbaine d’au moins un million d’habitants est suffisamment précis pour éviter bien des contentieux. Les critères d’accessibilité routière et de proximité des transports collectifs, mais aussi ceux de l’adhésion d’au moins la moitié des commerçants du périmètre, pour évaluer si cela répond ou non à un besoin, et de l’éloignement de la clientèle justifiant un regroupement des propositions commerciales nous paraissent tous de bon sens.
Telle est la raison pour laquelle j’apporte mon soutien à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 74.
(L'article 74 est adopté.)
Article 75 (priorité)
(Non modifié)
L’article L. 3132-25-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-25-2. – I. – La demande de délimitation ou de modification des zones définies aux articles L. 3132-25 et L. 3132-25-1 est faite par le maire ou, après consultation du maire, par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, lorsque celui-ci existe et que le périmètre de la zone concernée excède le territoire d’une seule commune.
« La demande de délimitation ou de modification de ces zones est transmise au représentant de l’État dans la région. Elle est motivée et comporte une étude d’impact justifiant notamment l’opportunité de la création ou de la modification de la zone.
« II. – Les zones mentionnées au I sont délimitées ou modifiées par le représentant de l’État dans la région après avis :
« 1° Du conseil municipal ;
« 2° Des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées ;
« 3° De la communauté de communes, de la communauté d’agglomération, de la métropole ou de la communauté urbaine ;
« 4° Du conseil municipal des communes n’ayant pas formulé la demande mentionnée au I et n’appartenant pas à un établissement public de coopération intercommunale dont la consultation est requise en application du 3° du présent II, lorsque la zone sollicitée est située en tout ou partie sur leur territoire ;
« 5° Du comité départemental du tourisme, pour les zones touristiques mentionnées à l’article L. 3132-25 ;
« 6° De la chambre de commerce et d’industrie et de la chambre de métiers et de l’artisanat, pour les zones commerciales mentionnées à l’article L. 3132-25-1.
« III. – Le représentant de l’État dans la région statue dans un délai de six mois sur la demande de délimitation dont il est saisi. Il statue dans un délai de trois mois sur une demande de modification d’une zone. »
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. La modification profonde des critères de détermination des zones dérogatoires au repos dominical prévue par cet article ne peut que nous inquiéter. Le schéma qui nous est ici présenté est marqué par un jacobinisme exacerbé : l’avis des élus territoriaux est demandé, mais seulement après coup, une fois que tout aura été globalement fixé par le préfet.
Le choix de se tourner vers le préfet de région s’inscrit dans la continuité de ce qui a été décidé dans le cadre des PUCE. Cependant, l’époque n’est plus la même : le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, que vous avez réussi à faire passer au Parlement, a ajouté une distance nouvelle entre le représentant de l’État et la population. Dans ce cadre, l’expertise des élus territoriaux nous semblerait tout à fait nécessaire.
Par ailleurs, vous demandez à des préfets de région, relativement éloignés du terrain et de la population, de prendre position en amputant certains éléments essentiels à leur analyse. À l’Assemblée nationale, votre majorité avait ainsi déposé un amendement visant à préciser, dans l’étude, les conséquences pour les salariés. Cette revendication, somme toute légitime, a été balayée au motif que « l’impact sur les salariés ne peut être mesuré qu’a posteriori ».
Actuellement, la création de ces zones est motivée par la consommation attendue expressément le dimanche et une situation de concurrence particulière. Ce dernier critère concerne principalement les zones frontalières. Ces deux conditions, bien que largement insuffisantes, avaient le mérite d’exister et de permettre au travail dominical de demeurer une exception. Avec votre projet, nous courons le risque qu’il se généralise, sans effet réel sur la croissance, la consommation et le chômage.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 69 est présenté par Mmes Assassi et David, MM. Watrin, Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 783 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 69.
Mme Évelyne Didier. Nous proposons de supprimer cet article, lequel, dans la droite ligne des articles précédents, développe et précise les modalités d’ouverture le dimanche. En l’occurrence, il vise à modifier les conditions de détermination des zones dérogatoires au repos dominical.
Selon la législation actuelle, la demande de délimitation ou de modification des zones se fait sur demande du conseil municipal et au vu de circonstances locales particulières. Les modifications prévues par l’article 75 tendent, d’une part, à réduire l’avis des élus territoriaux à un simple avis consultatif et, d’autre part, à supprimer les critères objectifs tels que l’usage de consommation dominicale.
Cette extension du travail dominical à l’ensemble du territoire national ne constitue aucunement à nos yeux une avancée. Bien au contraire, cela revient à ouvrir une brèche dans l’édifice de nos acquis sociaux, à remettre en cause ce qu’il y a de commun à nombre de familles, à savoir le repos dominical.
Bien entendu, le travail du dimanche ne touchera pas tout le monde de la même façon. Si l’on réalisait une étude sociologique du profil des travailleurs et travailleuses du dimanche, on s’apercevrait vite qu’il s’agit majoritairement de femmes, de mères célibataires et d’étudiants. Nous sommes loin du libre choix et du volontariat que vous vantez et qui nous semblent artificiels. Ces personnes ne souhaitent pas travailler le dimanche, elles cherchent seulement à gagner un peu plus d’argent chaque fois qu’elles en ont l’occasion, car leur salaire est trop faible. On prend donc le problème à l’envers !
Mes collègues l’ont déjà dit, nous n’adhérons pas à ce projet de société dans lequel la consommation est l’activité reine du dimanche. Quelle tristesse ! On est loin de la culture des loisirs et du sport qui épanouit l’homme dans toutes ses dimensions.
À travers cette série d’articles du titre III, vous reprenez les préconisations du rapport Bailly et souhaitez aller plus loin que la loi Mallié. Raison pour laquelle nous défendons cet amendement de suppression.
M. le président. L’amendement n° 783 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 69 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 75 précise la procédure et désigne l’autorité compétente pour délimiter ou modifier les zones touristiques et les zones commerciales au sein desquelles il est possible de déroger au repos dominical.
Toute demande, qu’il s’agisse de la délimitation d’une nouvelle zone ou de la modification d’une zone existant, doit émaner du maire de la commune concernée ou du président de l’EPCI, s’il existe. Elle doit être transmise au préfet de région et comporter une étude d’impact. Il s’agit bien là d’une sorte de dialogue territorial entre le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale et le représentant de l’État. Lorsque la zone concernée couvre plusieurs communes, il semble assez cohérent que ce soit l’EPCI, en accord avec les maires des communes intéressées, qui formule la demande.
L’idée de confier cette mission au préfet de région et non plus au préfet de département nous a semblé plutôt pertinente, non seulement au regard de la compétence économique dévolue aux régions, mais surtout parce que l’utilisation d’une zone dérogatoire comme outil d’aménagement économique suppose une vision cohérente et coordonnée. En effet, il ne faudrait pas que deux zones mitoyennes, mais situées dans des départements différents, se fassent concurrence et se spécialisent dans le même domaine commercial pour la seule raison qu’elles ont été délimitées par deux autorités administratives différentes.
Il a également semblé à la commission que l’adjonction d’une étude d’impact et la fixation dans la loi d’un délai au préfet de région pour statuer constituaient des avancées notables, à même de faire disparaître toute probabilité d’une demande improvisée.
Par ailleurs, la consultation des structures économiques locales – partenaires sociaux et chambres consulaires – apporte à cette procédure l’expertise de ceux qui connaissent le mieux les besoins économiques du territoire et la situation des salariés.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 707, présenté par MM. Karoutchi, Calvet, Magras et Pierre, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot et MM. Lefèvre et Mouiller, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 3132-25-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-25-2. – I. – La liste et le périmètre des zones mentionnées à l’article L. 3132-25 sont établis par le représentant de l’État dans le département, sur la base des résultats du recensement de la population, sur demande et après consultation des conseils municipaux, et après consultation :
« 1° Des présidents de la communauté de communes, de la communauté d’agglomération, de la métropole ou de la communauté urbaine, lorsqu’elles existent ;
« 2° Du comité départemental du tourisme.
« La demande est motivée et comporte une étude d’impact justifiant notamment de l’opportunité ou de la création de la zone.
« II. – La liste et le périmètre des zones mentionnées à l’article L. 3132-25-1 sont établis par le représentant de l’État dans le département, sur la base des résultats du recensement de la population, sur demande et après consultation des conseils municipaux, et après consultation :
« 1° Des présidents de la communauté de communes, de la communauté d’agglomération, de la métropole ou de la communauté urbaine, lorsqu’elles existent ;
« 2° De la chambre de commerce et d’industrie et de la chambre des métiers, sur le territoire desquelles est située la zone commerciale.
« La demande est motivée et comporte une étude d’impact justifiant notamment de l’opportunité ou de la création de la zone. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce que vient de dire Mme la rapporteur, ce qui est rarissime. (Sourires.)
Cet amendement vise à simplifier la procédure et à maintenir la compétence du préfet de département en matière de délimitation des zones dérogatoires.
Il s’agit également de limiter la consultation des organes délibérants aux seuls présidents de ces organes – à l’exception des conseils municipaux, bien évidemment – afin de gagner du temps. Est-il bien nécessaire de réunir tous les conseils communautaires ?
M. Henri de Raincourt. Très subtil !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous ne sommes pas dans le cadre d’une dérogation ponctuelle. La création d’un périmètre de zone touristique ou d’une zone commerciale ne se fait pas au pied levé. Il ne s’agit pas d’aller vite ou de simplifier les procédures.
La compétence du préfet de région est cohérente : seule une vision globale permet d’éviter les distorsions de concurrence entre départements.
Par ailleurs, comme nous ne sommes pas dans une situation d’urgence, il me semble également positif que le conseil municipal, après avis du maire, et l’organe délibérant de l’EPCI, s’il existe, soient consultés sur ce qui s’apparente tout de même à un aménagement économique du territoire.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Karoutchi, l’amendement n° 707 est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Pour faire plaisir à Mme Deroche, qui sait pouvoir tout me demander (Rires.), je retire l’amendement. Toutefois, avec les nouvelles régions, un seul homme devra décider de tout. Si l’on prend la future région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, le préfet devra se prononcer sur le devenir des zones touristiques de Loudun à Saint-Jean-de-Luz ! Ne pensez-vous pas que les préfets de département aient une meilleure connaissance du terrain ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Vous avez raison, mais le préfet de région demandera certainement leur avis aux préfets de département !
M. Roger Karoutchi. Autant je pouvais le comprendre dans les anciennes petites régions, autant cela me semble très compliqué avec les nouvelles très grandes régions.
M. le président. L’amendement n° 707 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 97 rectifié ter, présenté par MM. Raison et Guerriau, Mme Deromedi, MM. Médevielle, Bizet, Morisset, Grosperrin, Calvet, Gilles et Joyandet, Mme Morhet-Richaud, MM. Mayet, Longuet, de Nicolaÿ, Vasselle, Pellevat, Lefèvre, Kennel, Delattre, G. Bailly, Chasseing, Milon, Vaspart, B. Fournier, Chaize, Darnaud, Genest, Pierre, Trillard, Husson, Vogel, Doligé et Revet, Mme Bouchart, M. Houpert, Mmes Lamure et Primas et MM. Laménie, Perrin et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou, après consultation du maire, par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, lorsque celui-ci existe et que le périmètre de la zone concernée excède le territoire d’une seule commune
La parole est à M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. Cet amendement, déposé sur l’initiative de M. Raison, rejoint celui de Roger Karoutchi. Il s’agit de préserver la place du maire dans la définition des zones dérogatoires.
M. le président. L’amendement n° 792 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 96 rectifié ter, présenté par MM. Raison et Guerriau, Mme Deromedi, MM. Médevielle, Bizet, Morisset, Grosperrin, Calvet, Gilles et Joyandet, Mme Morhet-Richaud, MM. Mayet, Longuet, de Nicolaÿ, Vasselle, Pellevat, Kennel, Lefèvre, Delattre, G. Bailly, Chasseing, Milon, Vaspart, B. Fournier, Chaize, Darnaud, Genest, Pierre, Trillard, Husson, Vogel, Doligé et Revet, Mme Bouchart, M. Houpert, Mmes Lamure et Primas et MM. Laménie, Perrin et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
maire, par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, lorsque celui-ci existe et que
par les mots :
président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, par le maire, lorsque
La parole est à M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Dieu sait si je défends la place des maires et combien il est important que le maire décide sur sa commune. Je suis l’élue d’un département où l’intercommunalité est très prégnante, depuis des années. La dernière commune isolée a dû rejoindre un EPCI voilà plus de quinze ans.
Lorsque plusieurs communes sont concernées par la délimitation, le président de l’EPCI demandera forcément leur avis aux maires et s’abstiendra en cas d’avis contraire.
Autant le maire est seul responsable quand sa commune est seule concernée, autant il est logique que le président de l’EPCI délimite et transfère la demande, après avis des maires, quand plusieurs communes sont concernées.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Joyandet, les amendements nos 97 rectifié ter et 96 rectifié ter sont-ils maintenus ?
M. Alain Joyandet. Non, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 97 rectifié ter et 96 rectifié ter sont retirés.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 708 est présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot et M. Lefèvre.
L'amendement n° 891 rectifié bis est présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye et Pozzo di Borgo.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Une entreprise ou une organisation professionnelle peut également déposer une demande de délimitation ou de modification des zones définies aux articles L. 3132-25 et L. 3132-25-1 auprès du représentant de l’État dans la région. Elle est motivée et comporte une étude d’impact justifiant notamment de l’opportunité de la création ou de la modification de la zone.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° 708.
M. Roger Karoutchi. Comme je pressens l’avis défavorable de la commission, je me demande s’il est utile de prendre le temps de défendre cet amendement.
M. le président. Vous le retirez ?
M. Roger Karoutchi. Un instant, monsieur le président. La démocratie parlementaire vue par le président Marseille, c’est quelque chose ! (Sourires.)
Cet amendement vise – je reconnais qu’il s’agit d’une disposition marginale – à permettre aux organisations professionnelles, aux organisations commerciales, aux associations de commerçants d’une commune, par exemple, de devenir acteurs de la décision en leur permettant de déposer une demande de délimitation ou de modification des zones. Ces organisations disposent en effet de la connaissance réelle du terrain, savent quels commerces sont les plus fréquentés. Il nous paraît donc intéressant d’associer réellement les acteurs économiques à cette délimitation.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l'amendement n° 891 rectifié bis.
M. Olivier Cadic. J’ajouterai aux propos de mon excellent collègue Karoutchi qu’il s’agit de permettre à la société civile de participer à la délimitation de ces zones, de faire des propositions.
Tel est le sens de cet amendement, lequel, je l’espère, recevra un accueil favorable. Je suis plus optimiste que M. Karoutchi. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements identiques, dont je comprends l’esprit : certaines entreprises, certaines organisations professionnelles souhaiteraient bénéficier du zonage commercial.
Le dialogue doit se faire à l’échelle de la commune, avec le maire, l’EPCI, conformément à la place que l’on a souhaité laisser aux élus locaux, qui connaissent le mieux leur territoire, l’activité économique, les salariés, les concurrences qui existent entre commerces. Laisser l’initiative de demander la délimitation d’une zone à des entreprises privées ne me paraît pas utile. Le dialogue se fera de facto On le sait bien, les élus d’une commune sont sensibles aux arguments développés par les entreprises de leur territoire.
Pour toutes ces raisons, la commission spéciale demande aux auteurs de ces amendements identiques de bien vouloir les retirer. Je le rappelle, nous avons tout à l’heure expliqué que, en cas de demande de délimitation de zone, qu’elle soit commerciale ou touristique, un avis des chambres consulaires, ainsi que des organisations professionnelles et syndicales était nécessaire.
Ce dialogue territorial doit donc se faire. Pour autant, se dispenser de l’avis préalable du maire ne me semble pas forcément une bonne chose.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 708 est-il maintenu, monsieur Karoutchi ?
M. Roger Karoutchi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 708 est retiré.
L’amendement n° 891 rectifié bis est-il maintenu, monsieur Cadic ?
M. Olivier Cadic. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 891 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 1770, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° De l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre ;
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à préciser que c’est bien l’organe délibérant – et non le président – de l’EPCI à fiscalité propre dont la commune est membre qui est consulté par le préfet lorsqu’une demande de délimitation d’une zone touristique ou d’une zone commerciale lui est faite.
M. le président. L'amendement n° 1771, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’avis de ces organismes est réputé donné à l'issue d'un délai de deux mois à compter de leur saisine en cas de demande de délimitation d’une zone et d’un mois en cas de demande de modification d’une zone existante.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Alors que l’Assemblée nationale a très justement encadré le délai auquel est tenu le préfet pour statuer, il est en l’espèce proposé que l’avis des organismes – conseil municipal, partenaires sociaux, EPCI – soit réputé donné au bout de deux mois à compter de leur saisine lorsqu’il s’agit d’une demande de délimitation d’une zone nouvelle et d’un mois pour la modification des zones existantes.
Cet amendement vise à tenir compte des cas où l’un des organismes dont la consultation par le préfet est obligatoire avant de définir ou de modifier une zone commerciale ou une zone touristique tarderait à rendre l’avis qui lui est demandé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 1771.
Mme Annie David. Cette explication de vote se veut en réalité l’expression d’une interrogation.
Le présent amendement prévoit que l’avis des organismes est « réputé donné » à l’issue d’un délai soit de deux mois pour la délimitation d’une zone nouvelle, soit d’un mois pour la modification d’une zone existante. Toutefois, on ne sait pas ce qu’il advient en cas d’avis favorable ou défavorable. Un tel avis est donc uniquement consultatif, et, quel qu’il soit, il n’a pas grande importance. On en revient à la discussion que nous avons eue tout à l’heure à propos d’un avis conforme.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Dans la procédure dont il est question, il s’agit d’un avis simple et non d’un avis conforme. Pour la commission spéciale, si, au bout de deux mois, il n’y a pas de réponse soit des organismes soit des EPCI, l’avis est réputé donné. Ainsi, si l’une de ces entités n’est pas favorable, il faut qu’elle le dise dans ce laps de temps !
M. le président. Je mets aux voix l'article 75, modifié.
(L'article 75 est adopté.)
Article 76 (priorité)
I. – L’article L. 3132-25-3 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Les références : « aux articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1 » sont remplacées par la référence : « à l’article L. 3132-20 » ;
2° Sont ajoutés des II à IV ainsi rédigés :
« II. – Pour bénéficier de la faculté de donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, prévue aux articles L. 3132-24, L. 3132-25 et L. 3132-25-1, les établissements doivent être couverts soit par un accord collectif de branche, d’entreprise ou d’établissement, soit par un accord conclu à un niveau territorial, soit par un accord conclu dans les conditions mentionnées aux II à IV de l’article L. 5125-4, soit, à défaut, par une décision de l’employeur.
« L’accord mentionné au premier alinéa du présent II fixe les contreparties, en particulier salariales, accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. Il prévoit également les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés privés du repos dominical. Le présent alinéa s’applique également aux établissements autres que ceux mentionnés à l’article L. 3132-12 pour leurs salariés qui travaillent dans la surface de vente d’un établissement situé dans l’une des zones mentionnées aux articles L. 3132-24, L. 3132-25 et L. 3132-25-1.
« L’accord fixe les contreparties mises en œuvre par l’employeur pour compenser les charges induites par la garde des enfants pour les salariés privés du repos dominical.
« À défaut d’accord collectif de branche, d’entreprise ou d’établissement, attesté par un procès-verbal de désaccord dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux ou dans lesquelles une négociation a été engagée dans les conditions mentionnées aux II à IV de l’article L. 5125-4, ou d’accord conclu à un niveau territorial, une décision de l’employeur, prise après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu’ils existent, et approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés par cette dérogation au repos dominical, fixe les contreparties et les mesures mentionnées aux deuxième et troisième alinéas du présent II.
« Lorsqu’un accord collectif ou qu’un accord territorial est régulièrement négocié postérieurement à la décision prise sur le fondement de l’alinéa précédent, cet accord s’applique en lieu et place des contreparties prévues par cette décision.
« III. – Dans les cas prévus aux I et II, l’accord ou la décision de l’employeur fixent les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés du repos dominical. »
« IV (nouveau). – Le II n’est pas applicable aux établissements de vente au détail mentionnés à l’article L. 3132-25 employant moins de onze salariés.
II. – (Non modifié) Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels dont les stipulations s’appliquent aux établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services ouvrent des négociations sur les thèmes mentionnés aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4 du code du travail dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Nous avons évoqué ce matin l’article 76, qui est très important, puisque son adoption permettra de clarifier les accords qui doivent être passés en cas de mise en place du travail le dimanche.
Lors de votre audition par la commission spéciale, je vous avais interpellé, monsieur le ministre, sur ce sujet, et vous ne m’aviez pas apporté de réponse. Peut-être pourrez-vous le faire aujourd'hui.
Cet article renvoie en effet à différents articles du code du travail permettant la prise en compte des accords, qu’il s’agisse d’accords collectifs ou d’accords d’entreprise.
Concernant les salariés mandatés, il est fait référence à l’article L. 5125-4 du code précité qui évoque bien le mode d’élection et les prérogatives de ces salariés, mais s’inscrit dans la partie du code du travail relative aux accords de maintien de l’emploi, accords introduits, nous le savons, par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi et visant « les entreprises qui font face à de graves difficultés économiques conjoncturelles ». Dans ce cadre, les salariés mandatés interviennent dans un contexte difficile et exceptionnel pour l’entreprise.
Nous ne comprenons pas pourquoi vous avez choisi de renvoyer à cet article particulier, qui concerne les entreprises en difficulté, plutôt qu’aux articles L. 2232-24 à L. 2232-27 du code susvisé figurant dans la section relative aux accords et conventions collectifs de la partie consacrée aux relations collectives de travail.
Ces articles concernent également les salariés mandatés et définissent non seulement leur mode d’élection et d’exercice, mais aussi leurs prérogatives, pendant les périodes « normales » de la vie de l’entreprise. Ils sont donc mieux adaptés à la situation de négociation d’un accord relatif au travail dominical. Les dispositions de l’article que vous avez choisi de retenir et celles des articles L. 2232-24 à L. 2232-27 semblent identiques, si ce n’est que ces derniers précisent que le mode d’approbation de l’accord par les salariés doit être défini par décret, tandis que l’article L. 5125-4, auquel renvoie votre texte, monsieur le ministre, prévoit qu’il est défini par l’accord lui-même.
Ainsi, je le disais à M. Karoutchi, chaque entreprise pourra avoir des accords différents. Un magasin de la rue de Rivoli pourra avoir un accord différent de celui qui est situé juste à côté.
Surtout, l’article L. 2232-27 précise que, à défaut d’approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, l’accord est réputé non écrit. Ce point est « omis » des présentes dispositions. Or il est d’autant plus important que le rôle du salarié mandaté est délicat. Les représentants syndicaux sont formés, disposent d’une indépendance vis-à-vis de leur employeur, garantie par leur mandat syndical et, surtout, connaissent parfaitement leur entreprise, ce qui leur est nécessaire pour conclure des accords qui servent l’intérêt commun. Tel n’est pas toujours le cas des salariés mandatés, qui ne sont pas forcément très au fait de la situation économique de chacune des entreprises dans lesquelles ils interviennent.
Il est donc primordial que l’ensemble des salariés ait un rôle dans l’approbation de l’accord et qu’en cas de non-approbation, à la majorité des suffrages exprimés, l’accord soit réputé non écrit. Il nous semble nécessaire de ne pas retenir une définition « moins-disante », utilisée dans le cadre d’accords conclus à titre exceptionnel. Ces nouveaux accords sont en effet les seuls garde-fous qui protégeront les salariés contraints de travailler le dimanche.
Nous nous opposons d’ailleurs au fait que la droite sénatoriale ait exempté les établissements de moins de onze salariés d’une telle obligation. Par cette exemption, les deux tiers des salariés du secteur du commerce ne seront plus couverts par un accord, point qui fera sans doute l’objet d’une intervention ultérieure.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 70 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 477 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 785 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 70.
Mme Laurence Cohen. L’article 76 est censé fixer les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical.
L’ouverture dominicale dans les zones touristiques internationales, les zones touristiques et les zones commerciales est conditionnée à la conclusion d’un accord collectif prévoyant des contreparties pour les salariés privés d’un tel repos.
Cet article constitue donc, Mme David vient de le rappeler, le cœur de l’équilibre trouvé par le Gouvernement entre, d’un côté, l’extension généralisée du travail le dimanche et, de l’autre, les contreparties accordées aux salariés. Nous en demandons la suppression pour trois raisons.
Premièrement, nous sommes et demeurons opposés au travail le dimanche et à sa généralisation. Aussi, plutôt que de choisir la solution qui consiste à simplifier les règles de dérogation au repos dominical en le généralisant, il aurait mieux valu simplifier les règles en restreignant tout simplement les dérogations.
Deuxièmement, nous considérons que les salariés ne sont pas assez protégés et que l’État doit fixer un plancher minimal de contreparties. Nous avons proposé un doublement des salaires dans les zones touristiques et les zones commerciales et un triplement dans les zones touristiques internationales. Nous pensons que les accords collectifs doivent permettre d’aller au-delà de ce socle minimal en accordant d’autres contreparties. Pour nous, la règle du « plus protecteur et du mieux-disant » doit s’appliquer.
Troisièmement, l’équilibre vanté par le Gouvernement est rompu dans le texte présenté par la commission spéciale, dans la mesure où les entreprises de moins de onze salariés sont exonérées de l’obligation de conclure un accord collectif. Je voudrais insister sur ce dernier point, et relever une réalité : ce sont majoritairement des femmes qui travaillent le dimanche et en soirée, voire de nuit, dans les magasins en cause. Par ailleurs, 90 % des entreprises de vente au détail sont des petits magasins, avec des effectifs inférieurs à onze salariés.
Lorsque la droite a déposé un amendement à cette fin, elle savait très bien qu’elle remettait complètement en cause le prétendu équilibre trouvé par le Gouvernement.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer l’article 76.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 477.
M. Jean Desessard. Je vous l’accorde, monsieur le ministre, votre démarche, à savoir « pas de contreparties, pas d’ouverture le dimanche » pouvait être considérée comme intéressante. Bien sûr, nous remettions en cause l’inégalité de telles contreparties. La précarité progressant dans le pays, les salariés ne sont pas toujours en mesure de s’opposer à telle ou telle proposition. Quoi qu’il en soit, le dispositif que vous défendiez se tenait. J’imagine d’ailleurs que certains amendements visent à réintroduire cette idée.
Pourtant, la commission spéciale est allée plus loin, décidant que, pour certaines entreprises, il n’y aurait pas de contreparties, parce que cela ferait peser sur elles des charges supplémentaires. On voit très bien le raisonnement ! Il y aura toujours une bonne raison économique pour ne pas accorder de droits sociaux ou pour revenir sur des droits sociaux.
À partir du moment où l’on a admis l’idée qu’il fallait développer au maximum l’économie, la concurrence ne peut que s’intensifier entre entreprises, entre communes, entre territoires, et on arrivera à ce que le travail dominical, qui entraînera des contreparties de moins en moins importantes, devienne la règle. En effet, pourquoi prévoir des contreparties si c’est la règle ?
Le présent amendement vise donc à supprimer l’article 76.
M. le président. L’amendement n° 785 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 70 et 477 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 76 conditionne l’ouverture le dimanche des commerces situés dans les zones commerciales, les zones touristiques et les zones touristiques internationales à la conclusion d’un accord fixant des contreparties en faveur des salariés.
Il impose également aux employeurs situés dans les zones touristiques d’offrir des contreparties à leurs salariés, ce qui, en l’état actuel du droit, n’est pas le cas.
Les débats se sont concentrés sur la question du niveau de ces contreparties et sur l’opportunité d’en fixer le seuil minimal dans la loi. La commission spéciale s’est opposée à cette dernière proposition.
En effet, l’objet de la mesure est de renforcer le dialogue social pour les dérogations pérennes au repos dominical et de privilégier un accord à des contreparties fixées par la loi, exception faite du doublement du salaire concernant les dimanches du maire déjà prévu.
Une fois ce principe établi, comme l’ont souligné plusieurs représentants des salariés et des employeurs que la commission spéciale a auditionnés, il appartient aux partenaires sociaux, dans le cadre du dialogue social au niveau de la branche, de l’entreprise, de l’établissement ou du territoire, de définir le contenu concret de ces contreparties, qui ne doivent pas se limiter à des considérations salariales ou à un repos compensateur ; on peut également imaginer qu’elles prennent la forme d’un accompagnement des salariés les plus précaires, d’un accès facilité à la formation professionnelle pour ceux qui seraient privés du repos dominical ou, dans le cadre des ZTI, pour ceux qui travaillent en soirée.
Le choix de responsabiliser les représentants des salariés et des employeurs est de nature à développer le dialogue social dans l’entreprise. Il s’inscrit dans la continuité des décisions prises depuis 2004, afin de donner un rôle central à la négociation collective dans la détermination des règles portant application des principes généraux du droit du travail.
Néanmoins, la commission spéciale a apporté deux modifications à l’article 76 dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Elle a en effet rétabli la possibilité, à titre subsidiaire, pour les commerces situés dans les ZTI, les zones touristiques et les zones commerciales d’ouvrir le dimanche sur la base d’une décision de l’employeur approuvée par un référendum organisé auprès des employés, en l’absence d’accord collectif. Je rappelle que cette faculté figurait dans le texte initial du projet de loi et a disparu lors de son examen par l’Assemblée nationale ; il ne s’agit donc pas d’une proposition totalement farfelue et qui ne serait mise en œuvre qu’en dernier recours.
La commission spéciale a considéré qu’il serait désastreux, en matière d’affichage, mais également d’activité, que le présent projet de loi offre des possibilités d’ouverture dominicale accrues dans des zones particulières où les conditions économiques le nécessiteraient, mais que ces facultés restent purement virtuelles en raison du blocage du dialogue social dans une branche, une entreprise ou un établissement. La décision de l’employeur sera soumise aux mêmes obligations de contreparties que les accords, en termes de salaire ou de compensation des charges induites par la garde des enfants, entre autres. Elle devra être approuvée, lors d’un référendum, par la majorité des salariés concernés. Il s’agit donc de donner le dernier mot, en cas de blocage, aux salariés et à l’employeur.
Enfin, conformément à l’une des recommandations du rapport Bailly, la commission spéciale a exonéré les commerces de moins de onze salariés situés dans les zones touristiques de l’obligation d’être couverts par un accord collectif – les restaurants conservent leurs dérogations dominicales en l’état. Elle a en effet tenu compte des observations des maires des communes de montagne ou des communes balnéaires, selon lesquels fixer trop de contreparties pourrait entraîner la fermeture de commerces qui participent à l’animation des centres-villes des communes touristiques.
Elle a donc exonéré les commerces de petite taille, en pensant que les autres, dans les trois ans qui viennent, devraient parvenir à déterminer les contreparties de toute nature dans le cadre du dialogue social.
La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression. Je m’exprimerai plus longuement sur les autres amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’article 76 définit les modalités des accords qui sont la condition de l’ouverture le dimanche dans les zones touristiques, les zones touristiques internationales et les zones commerciales. Il renvoie à ces accords la responsabilité de définir le niveau des compensations au travail dominical.
Le principe que nous avons retenu et constamment défendu est le suivant : dans tous les secteurs, ces accords sont la condition préalable à l’ouverture le dimanche, en raison de notre volonté d’homogénéiser et de simplifier les règles. Je comprends la préoccupation exprimée notamment par M. Desessard sur ce point, puisqu’il est vrai que la commission spéciale a rétabli une proposition initiale du Gouvernement.
J’insiste sur une difficulté : nous avons fini par estimer qu’il convenait que l’obligation de conclure un accord s’applique à tous les commerces, quelle que soit leur taille, parce que nous constatons que, dans beaucoup d’endroits, le seuil de onze salariés peut être un instrument de contournement – un amendement du groupe socialiste aborde ce point. Ainsi, certains points de vente, généralement détenus par de grandes enseignes, emploient moins de onze salariés. Si l’on renvoie la compensation à un accord, mais que les commerces de moins de onze salariés ne sont pas soumis à l’obligation de conclure un tel accord et peuvent décider de manière unilatérale d’ouvrir le dimanche, on crée de fait un biais qui peut profiter à de plus grandes structures.
Je suis tout à fait ouvert à l’idée que l’on puisse trouver une solution pragmatique plus intelligente que celle que prévoit le texte actuel, mais je pense que cette exemption crée un élément de fragilité au regard de la cohérence d’ensemble de ce projet de loi et de l’équité. En effet, nous proposons à tous les salariés qui travaillent le dimanche la protection que constitue l’accord collectif.
Nous pouvons avoir des différences d’appréciation, en fonction de nos différentes sensibilités, sur la réalité de l’accord collectif. Ces divergences sont tout à fait respectables et elles font partie de la discussion démocratique que nous menons depuis plusieurs semaines sur le présent texte. Il n’en demeure pas moins que la proposition de la commission spéciale renvoie les salariés des plus petits commerces à la décision unilatérale de leur employeur après référendum. Les accords fixeront les contreparties accordées, afin que celles-ci correspondent le mieux possible aux nécessités du terrain.
Comme nous souhaitons que les commerces de moins de onze salariés soient couverts par un accord, il a fallu prévoir la situation des entreprises ne disposant pas de parties pour discuter, faute de représentants du personnel. C’est pourquoi l’article 76 fait référence aux modalités de négociation des accords de maintien de l’emploi institués par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. Ce texte prévoit que l’accord peut être négocié avec des représentants du personnel mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche ou, à défaut, au niveau national ou interprofessionnel. En l’absence de représentant élu du personnel, un salarié peut être mandaté et tout accord conclu selon ces modalités doit ensuite être approuvé par les salariés.
Nous nous sommes servis de cette disposition de la loi relative à la sécurisation de l’emploi comme d’une « accroche », sans qu’il y ait aucun rapport à établir quant au fond, pour nous assurer que, dans tous les cas, un accord pourra être négocié en s’appuyant sur une organisation, puisque nous vivons encore dans un régime où les entreprises de moins de onze salariés n’ont pas une couverture syndicale parfaite. Il faudra ensuite prendre en compte les modifications que le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi introduira, notamment la couverture à l’échelon régional qui sera offerte aux salariés des entreprises de moins de onze salariés. À ce stade, il était important d’indiquer une méthodologie claire applicable à ces entreprises.
Là aussi, il y aura un débat. Nous pouvons avoir des désaccords avec la commission spéciale, mais la référence aux accords de maintien de l’emploi n’a pour objet que d’indiquer le modus operandi. Je suis prêt à vous donner de plus amples précisions, monsieur le sénateur, si je n’ai pas parfaitement répondu à votre interrogation.
Reste enfin la question des modalités d’entrée en vigueur, que nous aborderons à l’occasion de l’examen de l’article 82. Je tiens cependant à préciser qu’un délai d’adaptation est prévu pour les entreprises qui sont couvertes, ou non, par des accords dans les zones où les commerces sont ouverts. Le texte initial du Gouvernement prévoyait un délai de trois ans, ramené à deux ans par l’Assemblée nationale ; la commission spéciale du Sénat propose de le rétablir à trois ans. Nous laissons donc aux entreprises un délai raisonnable pour leur permettre de s’adapter et de conclure partout des accords.
Cet élément me semble important, puisque nous avons vu s’exprimer, ces dernières années, des volontés successives, émanant de toutes les sensibilités politiques, de faire vivre le dialogue social dans ce pays pour accompagner la transformation économique. Je ne crois pas qu’une telle transformation soit possible sans que les acteurs sociaux puissent l’accompagner, avec les protections adéquates. Quand on essaie de faire passer une réforme sans prendre en considération la régulation sociale qui existe dans l’entreprise, on s’expose à ce qu’elle ne fonctionne pas et qu’il y ait un retour de balancier.
Lorsque l’on se fixe des objectifs ambitieux, mais dans des délais trop courts, on n’arrive à rien. Nous l’avons vécu cruellement nous-mêmes au sujet du travail à temps partiel : nous nous étions donné six mois pour mener à bien cette réforme ; ce délai n’était pas tenable et nous avons repoussé cette réforme de six mois en six mois, ce qui n’est pas bon pour la vie des entreprises.
Lorsque l’on fait confiance au dialogue social, tout en se fixant des objectifs, mais sans éléments de contrainte, ce dialogue prend du temps, ses acteurs ayant parfois tendance à la procrastination, qu’il s’agisse des représentants patronaux ou des syndicats, il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître. Le pacte de responsabilité et de solidarité prévoyait de conclure des accords de branche et, j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, la couverture n’est pas encore satisfaisante aujourd’hui.
Nous sommes dans un cas typique où prendre le risque du dialogue social peut s’avérer judicieux. Le principe « pas d’accord, pas d’ouverture » est une bonne règle, parce qu’il met chacun face à ses responsabilités.
Il faudra dénoncer celles et ceux qui, voulant ouvrir le dimanche, ne sont pas capables d’obtenir le consensus dans leur entreprise, leur branche, leur territoire ou leur groupe pour trouver les voies et moyens de compenser cette ouverture et de convaincre les salariés. Il faudra aussi dénoncer celles et ceux qui, par principe, veulent tout bloquer : en effet, il faut bien le dire, certains employeurs qui voudraient ouvrir le dimanche et sont prêts à accorder des compensations se heurtent à des partenaires sociaux qui ne veulent rien entendre. Ces deux types de blocage devront donc être dénoncés.
Je constate cependant que, partout où l’on a laissé sa chance au dialogue social, la démocratie sociale a fait gagner les réformistes. Partout où l’on a permis à des accords de compétitivité ou à des accords de maintien de l’emploi d’être conclus, les réformistes ont gagné. C’est ce principe de respiration démocratique qui fait que j’adhère profondément à la philosophie de l’article 76 – même s’il faudra bien sûr aller le plus vite possible !
Pour l’ensemble de ces raisons, vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Ces deux amendements visent à supprimer un article annoncé il n’y a guère comme très important. L’article 76 donne son sens à toutes les dispositions relatives au travail dominical dont nous débattons depuis ce matin.
En effet, cet article fixe le cadre de la négociation sur les contreparties à l’ouverture du dimanche. Il est donc très paradoxal de vouloir le supprimer, même si c’est en raison d’une opposition de principe. Je veux pouvoir débattre avec Mme la corapporteur qui propose, au nom de la commission spéciale, de renvoyer à une décision unilatérale de l’employeur, après référendum, en cas d’échec des négociations. Nous ne sommes pas d’accord, mais nous voulons en discuter, à l’intérieur d’un cadre.
Par ailleurs, j’adhère au plaidoyer que vient de faire M. le ministre en faveur d’une double avancée, économique et sociale, et je veux que cette double préoccupation subsiste. C’est sur ce point que la discussion va se concentrer, mais rien ne serait pire que d’en rester au statu quo parce que des blocages existent de part et d’autre.
Reste ensuite à savoir où placer le curseur, c’est vrai ! C’est souvent le cas, d’ailleurs, lors de la discussion de textes aussi importants. La position du Gouvernement, que nous soutenons, consiste à protéger les salariés – c’est là que le curseur doit être bien placé, notamment en ce qui concerne la compensation salariale – en privilégiant l’accord et la négociation, tout en se préoccupant aussi de la microéconomie, car il est vrai que certains commerces ne sont pas en mesure de supporter les compensations et risquent d’être obligés de cesser leur activité. L’exercice est délicat, mais il est passionnant !
Il n’est donc pas cohérent de demander la suppression de l’article 76, parce que le reste des dispositions relatives au travail dominical perdrait son sens, de même que la démarche politique du Gouvernement, qui consiste à avancer sur deux jambes, l’économie et le social. Nous privilégions la voie de l’équilibre, même si celui-ci n’est pas facile à tenir, car il faut avancer sur une ligne de crête, mais c’est le seul moyen de faire progresser la société française, tout en produisant quelques dixièmes de point de croissance et d’emploi supplémentaires. Il faut donc emprunter cette voie et rejeter la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Comme vous l’imaginez, mes chers collègues, je vais développer des arguments quelque peu différents. La croissance dépend plus de l’évolution de facteurs macroéconomiques mondiaux, comme la baisse du prix du pétrole ou la parité entre l’euro et le dollar, que de mesures d’assouplissement évoquées !
Mme Nicole Bricq. Il faut les deux !
Mme Évelyne Didier. Pour notre part, nous défendons une définition claire des contreparties accordées aux salariés. Comme nous l’avions indiqué dans l’exposé des motifs de notre proposition de loi qui, je le rappelle, avait été adoptée à l’époque par tous les groupes de gauche, nous sommes pour la garantie d’un repos compensateur et d’un salaire double pour les heures travaillées le dimanche.
De plus, nous sommes fermement opposés à la mesure proposée par la droite sénatoriale qui vise à exempter les entreprises de moins de onze salariés de compensation.
Dans le secteur du commerce, deux tiers des salariés, soit 2,8 millions, sont employés dans des TPE. Nous ne pouvons pas accepter qu’ils doivent travailler le dimanche sans compensation ! Cela créerait une différence de traitement entre les salariés des diverses catégories d’entreprises. Surtout, nous connaissons l’ingéniosité de certains quand il s’agit de moins-disant social ! Ainsi, ce seraient beaucoup plus de 2,8 millions de salariés qui seraient amenés à travailler le dimanche en l’absence d’accord garantissant les contreparties.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Une fois n’est pas coutume, je suis en désaccord avec la suppression de cet article ! Pour moi, la question des compensations est en effet centrale au regard du travail du dimanche. Par ailleurs, ceux qui travaillaient en zone touristique n’avaient jusqu’à présent pas droit à des compensations. Le fait d’ouvrir le champ des compensations à l’ensemble du territoire constitue en soi un progrès. Il reste à savoir comment analyser et définir ces compensations.
Je suis pour ma part assez favorable à ce que le dialogue social soit la base des discussions et de la négociation sociales. Mais quel est le bon cadre ? On tend aujourd’hui à nous démontrer que le monde est tellement complexe qu’il faut mener les négociations au niveau de chaque entreprise plutôt que de fixer un cadre collectif par des accords de branche. Et chacun de nous expliquer que les organisations syndicales sont tellement compétentes que, dans chaque entreprise, elles défendront au mieux les intérêts des travailleurs, ce dont je ne doute pas.
Le problème, c’est que ces travailleurs se trouvent eux-mêmes mis en concurrence les uns par rapport aux autres entre entreprises. Et il n’est pas difficile d’expliquer aux salariés d’une petite structure que, à défaut d’accepter des compensations moindres, l’entreprise va perdre en compétitivité par rapport à sa voisine qui ouvre le dimanche… Cette logique a d'ailleurs amené les libéraux à préférer d’une manière générale les accords d’entreprise aux accords de branche ou aux accords interprofessionnels.
Pour ce qui me concerne, je n’approuve pas du tout le principe selon lequel la négociation d’entreprise serait le cadre privilégié pour définir les compensations. En revanche, celle-ci peut être complémentaire à la loi. Et je reste convaincue que le doublement du salaire doit être une obligation légale. On nous indique qu’une telle disposition ne sera pas rentable pour certains commerces, ce qui prouve bien la fragilité de l’argument consistant à défendre l’ouverture des commerces le dimanche ! De plus, s’agissant du doublement de la rémunération, le secteur du commerce est, je le rappelle, l’un de ceux qui bénéficient du CICE et il n’est pas réellement confronté à la concurrence mondiale. C’est dans ce secteur que l’on trouve souvent les entreprises qui ont fait le moins d’efforts pour stimuler les salaires et créer des emplois.
Donc, des marges de manœuvre existent pour faire en sorte que ce doublement de la rémunération en cas du travail le dimanche soit acquis.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je serai moins lyrique que Nicole Bricq sur le côté novateur de l’article 76 ! J’y vois non une deuxième jambe mais une prothèse. Elle me paraît bonne à saisir et pour une fois qu’un article nous propose quelque chose qui va dans le sens qui nous convient le plus, il serait quand même dommage de le supprimer!
M. Jean Desessard. Alors, il est de gauche le ministre !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Il serait d’autant plus dommage d’avoir un débat caricatural que nous sommes dans le cœur du sujet et pouvons être utiles aux salariés.
Il s’agit de sanctuariser, à travers le présent article, qui peut être modifié – j’ai d'ailleurs déposé un amendement à cette fin –, l’idée de n’autoriser l’ouverture d’un établissement que si un accord a été conclu.
À partir du moment où on ne veut pas mettre de côté les commerces de moins de onze salariés, il faut trouver le cadre qui unifie, et ce n’est pas évident. En effet, tout le monde sait que dans une entreprise de grande dimension, le rapport de force syndicale et les possibilités propres à l’entreprise peuvent permettre une compensation salariale suffisamment importante, en tous les cas très notable.
Il n’en va pas de même dans certaines branches : dans certains territoires, des petits commerces ne peuvent faire autrement qu’ouvrir le dimanche tout simplement parce qu’ils réalisent leur chiffre d’affaires ce jour-là. Je pense notamment aux petits magasins de sport qui sont proches des pistes de ski et dont la clientèle afflue le samedi et le dimanche, alors qu’elle les déserte en milieu de semaine. La situation est la même dans les stations balnéaires et pour un certain nombre de secteurs d’activité. Si vous décrétez, mes chers collègues, une majoration de salaire de l’ordre du doublement, ces petites boutiques de sport vont fermer brutalement, du jour au lendemain.
À cet égard, à l’Assemblée nationale, certains ont fait avancer le débat en admettant qu’on ne peut pas aller jusqu’au doublement et en proposant de fixer un montant minimal de compensation salariale. Pourtant, une telle mesure peut tourner au désavantage de ceux qui auront la capacité de négocier un montant maximal. En effet, si un curseur est déterminé dans la loi, je vois mal le patronat accepter d’aller plus loin. Qui veut le plus obtient parfois le moins !
Par ailleurs, il est évident, je l’ai entendu dire dans le débat public, que personne n’engagera de négociation, que personne ne signera d’accord s’il n’y a pas de compensation. Et sans accord, il ne pourra pas y avoir d’ouverture le dimanche. Puisqu’il y a ce doute, il faut prendre acte du fait que la base minimale, c’est la compensation. Ensuite, elle sera fixée dans le cadre de l’accord.
Pour autant, si on décide de l’établir à 10 % ou 20 %, on empêche ceux qui peuvent aller au-delà d’obtenir plus. Et si on impose le doublement de la rémunération, quantité d’entreprises – notamment celles de moins de onze salariés – ne pourront pas tenir le choc. Souvent, elles remplacent les majorations salariales par des repos compensateurs pendant la semaine. C’est notamment le cas en montagne – madame David, vous connaissez la situation dans ces régions. C’est leur mode de vie, elles sont organisées ainsi.
Je voulais recadrer les choses et ainsi préparer la défense de l’amendement que j’ai déposé afin de tenter de répondre à cette difficulté. Je veux qu’il soit pris acte de la détermination d’une compensation. Cette précision est importante, car la rédaction actuelle peut donner à penser qu’il sera possible de donner la même rémunération le dimanche qu’en semaine. C’est impossible à accepter. Cette crainte, je la comprends, et je pense pouvoir faire avancer le débat en précisant ainsi davantage les choses.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. La dernière intervention de David Assouline démontre bien que la rédaction actuelle du texte qui nous est soumis ne répond pas à cette inquiétude. Lui-même va en effet présenter un amendement destiné à répondre aux difficultés d’interprétation que suscite cette rédaction.
M. David Assouline. Alors, votez-le !
Mme Annie David. Soit, mais je ne suis pas certaine qu’il soit adopté, auquel cas nous ne voterons pas l’article 76. Cela étant, si vous voulez, mes chers collègues, que nous puissions donner ensemble des droits aux salariés qui travailleront le dimanche, alors, je vous invite, à adopter nos amendements.
Je vous invite ainsi à voter l’amendement qui tend à supprimer la possibilité d’accords passés par les salariés mandatés et la référence à la partie du code du travail relative aux accords de maintien de l’emploi. Tout à l’heure, M. le ministre nous a expliqué la raison d’être de cette disposition : il n’y a pas d’organisation syndicale dans toutes les entreprises, notamment dans les plus petites d’entre elles. Les salariés mandatés sont là pour pallier cette absence de représentation syndicale dans certains cas. Nous convenons évidemment qu’il faut faire appel à eux. Toutefois, faisons-le, dans le cadre non de la cinquième partie du code du travail qui traite des accords de maintien de l’emploi, ce qui fait référence à des entreprises en difficulté, mais de la deuxième partie du code susvisé qui traite des accords collectifs, qui ont notre préférence.
Nous défendrons un autre amendement destiné à revenir sur la disposition qui prévoit qu « ’une décision de l’employeur, prise après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu’ils existent, et approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés par cette dérogation au repos dominical, fixe les contreparties et les mesures mentionnées aux deuxième et troisième alinéas du présent II. »
Je vous rappelle, mes chers collègues, que Goodyear fut la première entreprise à faire adopter voilà quelques années un accord par référendum qui consistait à faire accepter par les salariés de travailler plus avec des baisses de salaires. Or au final, l’entreprise a fermé ses portes ! Cette disposition inscrite dans l’article 76, nous la contestons. Elle est l’une des raisons pour lesquelles nous pensons que cet article n’apporte pas aux salariés des commerces qui ouvriront le dimanche la garantie d’avoir des compensations à hauteur du préjudice qu’ils subiront en étant privés de repos dominical.
Je ne voulais pas intervenir à ce moment du débat, mais ce que j’ai entendu m’a incitée à prendre la parole. En effet, nous sommes vraiment favorables au dialogue social. Encore faut-il savoir le sens que donnera à ces termes le texte que M. Rebsamen nous présentera dans quelque temps…
Tout cela nous laisse à penser que l’article 76 donne l’illusion que les salariés de ces entreprises et magasins qui ouvriront le dimanche auront des droits alors que, aujourd’hui, rien n’est inscrit dans le projet de loi. Et en ce sens je suis bien d’accord avec vous, monsieur Assouline ! C’est une chose que nous ne contestons pas. Ce sont les injustices que nous avons dénoncées au moment de l’adoption de la loi Mallié et auxquelles l’article 76 ne répond pas ! Telles sont en tout cas l’interprétation et la lecture que nous en avons. Et nous ne sommes pas les seuls, puisqu’une grande partie des organisations syndicales avec lesquelles nous avons travaillé ont partagé les remarques et réflexions que je viens de vous livrer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 70 et 477.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1228, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 7
Rédiger ainsi ces alinéas :
« II. – Pour bénéficier de la faculté de donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, ouverte par les articles L. 3132-24, L. 3132-25 et L. 3132-25-1, les établissements doivent être couverts par un accord collectif de branche. Chaque salarié privé du repos du dimanche bénéficie d’un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.
« L’accord plus favorable mentionné à l’alinéa précédent fixe les contreparties, en particulier salariales, accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d’emploi et en faveur de certains publics en difficultés ou de personnes handicapées. L’accord fixe également les contreparties complémentaires mises en œuvre par l’employeur pour compenser intégralement les charges induites par la garde des enfants des salariés concernés par le travail dominical. Il fixe également les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés privés de repos dominical. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’enjeu de cet amendement est d’assurer que, en cas d’ouverture des commerces le dimanche, des garanties financières seront effectivement apportées aux travailleurs.
Nous entendons la volonté du Gouvernement de garantir des compensations aux salariés acceptant de travailler le dimanche. C’est pour nous une nécessité, même une obligation. Cependant, ces compensations restent pour l’heure purement hypothétiques. Il est regrettable, à ce titre, que le cadre avancé par le Gouvernement soit aussi large, alors qu’une bonne réglementation aurait pu assurer à tous les salariés du pays des compensations à la hauteur du sacrifice consenti. Pourquoi le Gouvernement a-t-il fait ce choix a minima ? Qu’arrivera-t-il quand aucun accord collectif ne sera conclu ? « Pas d’accord, pas d’ouverture » ai-je entendu. C’est, du moins j’ose l’espérer, ce qu’il faut comprendre.
Cette question des accords prévus entre partenaires sociaux et employeurs est une réelle source d’inquiétudes. À l’heure actuelle, les entreprises, notamment dans la grande distribution, qui bénéficient d’une ouverture dominicale pratiquent bien souvent des majorations particulièrement faibles.
Autre pratique douteuse en cours que le présent texte ne corrige en rien, le recours fréquent aux emplois à temps partiel, subi ou choisi, pour faire face à ces ouvertures dominicales. Il est à craindre que l’ouverture le dimanche ne fasse qu’accentuer les effets pervers du temps partiel subi, touchant les plus fragiles.
Nous ne pouvons que regretter que le projet de loi dont nous discutons ne permette pas l’élaboration d’une législation claire et stricte assurant aux travailleurs privés de leur repos dominical des compensations financières justes et imposant aux entreprises des politiques d’emploi en faveur des publics les plus fragiles à la fois économiquement et socialement.
C’est la raison pour laquelle le présent amendement tend à fixer le principe selon lequel chaque salarié privé du repos dominical bénéficie d’un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 95 rectifié quinquies est présenté par MM. Raison et Guerriau, Mme Deromedi, MM. Médevielle, Bizet, Morisset, Grosperrin, Calvet, Gilles et Joyandet, Mme Morhet-Richaud, MM. Longuet, de Nicolaÿ, Vasselle, Pellevat, Kennel, Lefèvre, G. Bailly, Chasseing, Milon, Vaspart, B. Fournier, Chaize, Darnaud, Genest, Trillard, Husson, Vogel, Doligé et Revet, Mme Bouchart, M. Houpert, Mme Lamure et MM. Laménie, Perrin, Gremillet et L. Hervé.
L’amendement n° 1446 est présenté par M. Bouvard.
L’amendement n° 1665 rectifié est présenté par MM. Karoutchi, Magras, Cambon, Sido et Mayet et Mmes Deseyne, Mélot et Primas.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Supprimer la référence :
, L. 3132-25
La parole est à M. Bernard Fournier, pour présenter l’amendement n° 95 rectifié quinquies.
M. Bernard Fournier. Cet amendement vise à préserver la législation actuelle dans les zones touristiques, afin d’éviter la fermeture des petits commerces en station, dont la situation économique est déjà fragile.
En effet, les petits commerçants implantés dans les communes touristiques sont souvent constitués en entreprises familiales et ne peuvent se permettre d’octroyer à leurs salariés des compensations salariales en cas d’ouverture dominicale.
Le système actuel, reposant sur l’octroi de repos compensateurs, constitue un équilibre satisfaisant entre les différents acteurs dans les communes touristiques, notamment au regard des conditions de rémunération. Une modification de cet équilibre risquerait d’entraîner la fermeture des commerces qui sont à la source de l’attractivité des communes touristiques et, par voie de conséquence, la suppression d’emplois.
M. Alain Fouché. Très bon amendement !
M. le président. Les amendements nos 1446 et 1665 rectifié ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 1642, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. Alinéa 6
Remplacer la référence :
et L. 3132-25-1
par les références :
, L. 3132-25-1 et L. 3132-25-6
II. Alinéa 7, seconde phrase
Remplacer la référence :
et L. 3132-25-1
par les références :
, L. 3132-25-1 et L. 3132-25-6
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Le présent amendement vise à ajouter une mention relative aux commerces situés dans les gares dans l’article 76 relatif aux compensations dont doivent bénéficier les salariés privés du repos dominical, par cohérence avec ce qui est prévu pour les zones commerciales, les zones touristiques et les zones touristiques internationales.
M. le président. Le sous-amendement n° 1781, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 1642, alinéas 7 à 10
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
Compléter cette phrase par les mots :
ou dans l’une des gares mentionnées à l’article L. 3132-25-6
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
M. le président. L’amendement n° 1602, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
accord collectif de branche,
insérer les mots :
de groupe,
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Le présent article renvoie à des accords collectifs de branche, d’entreprise, d’établissement ou à des accords territoriaux le soin de définir les compensations accordées aux salariés privés du repos dominical.
L’amendement n° 1602 tend à ouvrir la possibilité de recourir aux accords de groupe, définis aux articles L. 2232-30 et suivants du code du travail, cette solution pouvant s’avérer pertinente pour de telles structures, et ainsi faciliter la conclusion d’accords.
M. le président. L’amendement n° 164 rectifié, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
niveau territorial,
insérer les mots :
dans les conditions définies au I de l’article L. 5125-4,
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement vise à « sortir » du droit commun les conditions de validité des accords de compensation de branche, d’entreprise et d’établissement.
Les accords de branche, d’entreprise et d’établissement de droit commun prévoient deux critères de validité : d’une part, la signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel, ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ; d’autre part, l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants. Il ne s’agit donc pas d’un véritable accord majoritaire.
Le présent amendement vise à rendre nécessaire la signature d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants.
En conséquence, l’accord devra être réellement majoritaire, c’est-à-dire signé par des organisations syndicales ou mandatées représentant la majorité des salariés aux élections concernées reconnues en la matière.
M. le président. L’amendement n° 1227 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 9
Remplacer les mots :
aux II à IV de l’article L. 5125-4
par les mots :
à l'article L. 2232-24
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. J’aurai recours, pour présenter cet amendement, au code du travail.
Il est fait référence, dans l’article 76, à l’article L. 5125-4 dudit code, figurant dans le titre II du livre Ier de la cinquième partie de ce code intitulé « Maintien et sauvegarde de l’emploi », et qui concerne les accords de maintien dans l’emploi.
L’article L. 2232-24 du même code, auquel nous faisons référence dans le présent amendement, figure, quant à lui, au titre III du livre II de la deuxième partie dudit code, dont l’intitulé est le suivant : « Conditions de négociation et de conclusion des conventions et accords collectifs de travail ».
M. le ministre nous ayant confirmé qu’il était bien question à l’article 76 du projet de loi d’accords collectifs, nous ne comprenons pas pourquoi les articles du code du travail auxquels il est fait référence dans cet article ne visent pas le titre III du livre II de la deuxième partie dudit code. Le travail du dimanche doit faire l’objet, en effet, d’un accord collectif.
Pour cette raison, nous proposons par cet amendement de supprimer la référence à l’article L. 5125-4 du code du travail et de la remplacer par la référence à l’article L. 2232-24 du même code relatif aux salariés mandatés. Nous avons en effet bien conscience que certaines entreprises, surtout de petite taille, ne comptent pas en leur sein de représentation syndicale. Cette absence peut être compensée par la présence de salariés mandatés, à laquelle nous ne nous opposons pas.
Notre opposition porte, en revanche, sur la référence qui sert de base juridique, dans le présent texte, au recours aux salariés mandatés. M. le ministre nous a toujours parlé d’accords collectifs de travail, et non d’accords de maintien de l’emploi, tels que visés dans la cinquième partie du code du travail.
Mme Laurence Cohen. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 615, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer les mots :
, soit, à défaut, par une décision de l’employeur
II. – Alinéa 7, première phrase
Remplacer le mot :
mentionné
par les mots :
ou la proposition de l’employeur mentionnés
et le mot :
fixe
par le mot :
fixent
III. – Alinéa 7, deuxième phrase
Remplacer les mots :
Il prévoit
par les mots :
Ils prévoient
IV. – Alinéas 9 et 10
Supprimer ces alinéas
V. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
de l’employeur
par les mots :
unilatérale de l’employeur prise en application de l’article L. 3231-20
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Je l’ai dit précédemment, cet amendement vise à rétablir le texte transmis par l’Assemblée nationale, lequel rappelait que le principe de l’accord collectif, qui prévoit des contreparties, est le fondement de l’autorisation d’ouverture.
Le texte de la commission spéciale, en revanche, dénie ce principe nodal. Or, en refusant celui-ci, on nie aussi l’existence de contreparties, et donc la négociation.
M. le président. L’amendement n° 1440 rectifié bis, présenté par MM. Gabouty, Guerriau, Cadic et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer le mot :
fixe
par les mots :
prévoit également la mise en place d’un contrat d’intéressement avec un système de « surpondération » pour les salariés privés de repos dominical, ainsi que des mesures qui fixent
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. L’outil que je propose pourrait contribuer à résoudre le problème de la compensation du travail du dimanche.
Le travail dominical permet de créer des marges et des bénéfices supplémentaires pour les entreprises. Dans ces cas, les salariés ayant travaillé ce jour-là pourraient bénéficier d’un complément d’intéressement par le biais d’une surpondération dans le calcul de cet intéressement. Il s’agit donc de partager les gains et d’établir un lien entre l’activité supplémentaire, les marges supplémentaires et ce que peuvent en retirer les salariés. J’ajoute que ce dispositif ne se substituerait pas à la compensation de base.
Pour ma part, je pense qu’il faut être le plus compréhensif et le plus souple possible au plan des accords de branche, qui ne me paraissent pas forcément adaptés aux petites entreprises et à certaines activités dans lesquelles la représentation professionnelle n’est pas très structurée. C’est la raison pour laquelle je soutiens la position de la commission spéciale sur ce sujet.
Les situations sont très différentes au sein des entreprises. On ne peut pas comparer des entreprises industrielles dont les salariés travaillent le dimanche parce que l’outil de travail ne peut pas s’arrêter ou parce qu’il faut amortir les équipements, avec des activités commerciales qui, elles-mêmes, peuvent venir en substitution de périodes non travaillées ou n’exister que de manière saisonnière, ou avec d’autres activités qui s’ajoutent à des périodes normales de travail. Tout cela est relativement complexe.
Toutefois, on aurait tout de même pu fixer une compensation minimale dans tous les cas de figure. Il ne me semble pas, en effet, qu’une telle compensation puisse constituer un handicap pour négocier un avantage supplémentaire.
En matière d’intéressement, il s’agirait simplement d’un complément : s’il y a contrat d’intéressement, il faut que celui-ci soit majoré lorsque les salariés travaillent le dimanche et que ce soit ces derniers qui en bénéficient.
M. le président. L’amendement n° 942 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 7, après la deuxième phrase
Insérer deux phrases ainsi rédigées :
Il prévoit, au minimum, un doublement de la rémunération correspondant au travail effectué par les salariés privés du repos dominical. Cette contrepartie minimale s’applique à toutes les entreprises situées dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-25-1.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement a le mérite de la simplicité : il tend simplement à prévoir le doublement de la rémunération du travail effectué par les salariés privés de repos dominical. C’est clair et on sait à quoi l’on s’engage !
M. le président. L’amendement n° 165 rectifié, présenté par Mmes Lienemann et Jourda et MM. Durain et Cabanel, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par trois phrases ainsi rédigées :
Il prévoit, au minimum, un doublement de la rémunération correspondant au travail effectué par les salariés privés du repos dominical. Cette contrepartie minimale s’applique à toutes les entreprises situées dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-25-1. Dans les zones mentionnées aux articles L. 3132-24 et L. 3132-25, cette contrepartie minimale ne s’applique qu’aux entreprises de plus de 11 salariés.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit d’inscrire dans la loi que la règle est le doublement de la rémunération en cas de travail le dimanche.
Toutefois, il faut prendre en compte le fait que les entreprises de moins de onze salariés peuvent, dans certains cas, se trouver en difficulté. Nous proposons donc de prévoir a minima – c’est vraiment un amendement de repli ! – que, dans les grandes entreprises, c’est-à-dire celles qui comptent plus de onze salariés, la règle soit le doublement du salaire rémunérant les dimanches travaillés.
M. le président. L’amendement n° 1229, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’article 76 tel qu’il résulte des travaux de la commission spéciale comporte une modification de taille concernant le dialogue social préalable à l’ouverture des magasins dans les zones touristiques internationales.
Dans sa rédaction initiale, l’article 76 reprenait les termes de l’article L. 3132-25-3 du code du travail créé par la loi du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical : les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés du repos dominical sont fixées par l’accord ou par la décision unilatérale de l’employeur.
Aux termes de la rédaction qui nous est proposée, une fois la loi adoptée, le travail du dimanche ne sera plus soumis à autorisation dans les zones touristiques internationales. L’employeur, sur le simple constat de défaut d’accord de branche, d’entreprise ou territorial, pourra décider après consultation par référendum.
Cette rédaction déséquilibre encore davantage les rapports entre employeur et salariés, et ce d’autant plus que la nature et le niveau des compensations ne sont pas fixés, par exemple, par un plancher.
Dans le contexte créé par un tel déséquilibre, le recours au référendum ne peut pas constituer un contre-pouvoir. Chacun peut imaginer les pressions que pourront individuellement subir les salariés, déjà en situation de subordination vis-à-vis de leur employeur. Ces pressions viseront à faire valider par référendum les seules décisions, et non plus les propositions, de l’employeur.
Le dialogue social nécessite le respect du dialogue et de la représentation non subordonnée des salariés par leurs représentants. La proposition qui est faite nie, à la fois, l’un et l’autre. Elle constitue un mépris de la représentation collective des salariés et de leur capacité à construire un véritable dialogue, en présupposant une situation de blocage social.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’alinéa 9 de l’article 76 introduit par la commission spéciale qui porte atteinte au droit de représentation syndicale en malmenant la démocratie sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1228 vise à conditionner l’ouverture dominicale à la signature d’un accord de branche prévoyant un repos compensateur et un doublement de la rémunération.
Cela a été dit à plusieurs reprises, la commission spéciale ne souhaite pas que soit fixé dans la loi un niveau plancher. Elle préfère permettre à chaque secteur et à chaque entreprise d’adapter les contreparties. Qui plus est, ne plus permettre à un accord d’entreprise de définir les modalités du travail dominical aura pour conséquence d’exclure de nombreuses entreprises des nouvelles possibilités offertes par le présent texte, car la couverture conventionnelle n’est pas universelle et de nombreuses branches ne sont pas le théâtre d’un dialogue social très nourri.
Pour ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable.
L’amendement n° 95 rectifié quinquies tend à exonérer les commerces situés dans les zones touristiques de l’obligation d’être couverts par un accord collectif. Il est partiellement satisfait par la modification apportée par la commission spéciale, qui exonère de cette obligation les entreprises de moins de onze salariés situées dans ces mêmes zones où prévalent des habitudes de fonctionnement spécifiques – je pense aux stations de montagne et aux stations balnéaires –, avec des saisonnalités qui n’existent pas dans les zones commerciales.
Pour les entreprises situées dans ces dernières zones, l’objectif est de prévoir des contreparties fixées dans le cadre du dialogue avec les salariés et non par la loi. En revanche, il fallait éviter que l’obligation susvisée ne constitue un risque pour les petits commerces des zones touristiques de moins de onze salariés qui participent à l’attractivité et à la vie des stations. Par conséquent, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement.
Sur l’amendement n° 1642, qui vise à confirmer que, pour les commerces situés dans les principales gares, l’ouverture dominicale est bien conditionnée à la signature d’un accord collectif, la commission spéciale émet un avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement rédactionnel n° 1781.
L’amendement n° 1602 tend à permettre l’ouverture dominicale dans les zones touristiques internationales, les zones commerciales et les zones touristiques sur la base d’un accord de groupe. Il s’agit donc d’élargir encore la nature des accords possibles. Cette modalité supplémentaire d’exercice du dialogue social pouvant se révéler pertinente dans certaines entreprises, la commission spéciale émet un avis favorable sur cet amendement.
Quant à l’amendement n° 164 rectifié visant à soumettre l’ouverture des commerces le dimanche à la signature d’un accord majoritaire avec les partenaires sociaux, la commission spéciale y est défavorable. En effet, en conditionnant la validité d’un accord sur l’ouverture dominicale à sa signature par des organisations syndicales ayant recueilli au moins 50 % des suffrages lors des dernières élections professionnelles, contre 30 % dans le droit commun, il va de soi que le nombre d’accords sera limité et que les ouvertures dominicales seront moins fréquentes. Est-ce le but recherché par le biais du présent projet de loi ? Non ! Il s’agit de faire confiance à l’intelligence des partenaires sociaux de la branche, de l’entreprise ou du territoire pour négocier un accord adapté à leur secteur d’activité. Il n’est pas souhaitable de s’éloigner du droit commun concernant la validité des accords.
L’amendement n° 1227 rectifié a pour objet de prévoir un cadre de négociation plus strict des accords permettant l’ouverture dominicale des commerces. Si les accords d’entreprise sur le travail dominical sont soumis au droit commun, il serait plus difficile de parvenir à un accord. Or il faut que la négociation collective puisse aboutir le plus souvent possible. Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 615. Un débat vient d’avoir lieu sur la nature des accords existants : accord de branche, accord d’entreprise, accord d’établissement, accord territorial – la ville de Saint-Malo a ainsi conclu un accord territorial pour l’ouverture des commerces le dimanche –, auxquels le Gouvernement a ajouté l’accord de groupe.
Néanmoins, nous le savons, dans certaines entreprises, pas forcément des entreprises de petite taille, le blocage du dialogue social perdure. Par conséquent, le principe d’un référendum des salariés pour approuver la décision de l’employeur d’ouvrir le dimanche et les contreparties proposées pourrait apporter une solution à ces cas ultimes de blocage où aucun accord – branche, entreprise, territoire, groupe – n’a été trouvé. C’est pourquoi il nous a semblé opportun de privilégier ce dispositif qui concerne donc les situations ultimes. Comment prétendre que nous ne privilégions pas le dialogue social, alors que nous prévoyons de demander l’avis des salariés concernés ? J’ai du mal à comprendre la cohérence intellectuelle d’un tel raisonnement !
Si, in fine, la décision de l’employeur est soumise à l’avis des salariés et que 50 % de ces derniers se prononcent sur leur souhait de travailler ou non le dimanche, cela ne pourra que favoriser les accords précédemment cités.
Il faut prévoir cette possibilité. Dans le cas contraire, certains magasins qui pourraient ouvrir le dimanche ne le feront pas en raison d’un blocage social par certains syndicats très fort. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) On peut le regretter. Demander l’avis des salariés concernés me semble la forme ultime du dialogue social. Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à revenir au texte établi par l’Assemblée nationale.
L’amendement n° 1440 rectifié bis tend à prévoir que les salariés privés du repos dominical bénéficient d’un système d’intéressement au résultat surpondéré. La commission spéciale a fait le choix de laisser au dialogue social – qu’il s’agisse d’un accord de branche, d’entreprise, d’établissement, d’un accord territorial ou de groupe – le soin de définir les contreparties, en particulier salariales. Le système proposé pourrait être adapté à certains secteurs d’activité, mais sans doute pas à tous : c’est aux partenaires sociaux d’en décider, et non à la loi de restreindre le champ des réflexions en matière de contreparties. Sans doute M. le ministre donnera-t-il son point de vue sur le dispositif qui nous est soumis par le biais de cet amendement. Il n’en reste pas moins que la commission spéciale ne peut qu’émettre un avis défavorable.
L’amendement n° 942 rectifié vise à prévoir le doublement de la rémunération des salariés privés du repos dominical dans les zones commerciales. Or nous ne souhaitons pas inscrire de seuil des contreparties dans le texte. Si celui-ci détermine un plancher élevé, le risque est grand que, pour de nombreuses entreprises, l’ouverture dominicale ne soit pas rentable, tandis que d’autres ne seront pas enclines à accepter de porter ces contreparties à un niveau supérieur, dans le cadre de la négociation collective. C’est en quelque sorte le raisonnement de David Assouline, même si nous n’avons pas tout à fait le même objectif. Il existe un danger à fixer dans la loi des seuils, car certaines entreprises auraient pu proposer plus et d’autres ne pourront pas s’y soumettre et ouvrir le dimanche. C’est la raison pour laquelle la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 165 rectifié tend à prévoir le doublement de la rémunération des salariés travaillant le dimanche dans toutes les entreprises situées dans les zones commerciales et dans celles de plus de onze salariés situées dans les zones touristiques internationales et les zones touristiques. La commission spéciale a souhaité maintenir le doublement actuel de la rémunération pour les dimanches du maire. Pour le reste, il faut laisser les mécanismes et les critères de compensation au dialogue social. La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, l’amendement n° 1229 vise à supprimer la possibilité d’ouvrir le dimanche sur la base d’une décision de l’employeur approuvée par référendum. J’ai déjà expliqué les blocages possibles et les raisons pour lesquelles la commission spéciale avait soumis cette proposition et adopté ce dispositif. Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 1228 tend à introduire l’obligation d’une couverture de branche, une rémunération doublée, un repos compensateur pour les salariés travaillant le dimanche. J’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer, ces conditions sont aujourd’hui insoutenables pour les commerces de centre-ville et de nombre de zones. Si le Gouvernement est d’accord pour réparer les injustices qui existent actuellement quand la loi ne prévoit rien – ni condition d’accord ni principe de compensation –, il n’est pas question de le faire de façon aussi maximaliste. Autant, dans les PUCE, il est soutenable d’accorder une rémunération double aux salariés travaillant le dimanche, autant, dans nombre de centres-villes et de centres-bourgs, la même exigence rend quasiment impossible l’ouverture des commerces. On créerait de fait, selon les secteurs et selon les zones géographiques, des règles qui conduiraient à ce que certaines entreprises ouvrent le dimanche et d’autres non.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 95 rectifié quinquies, qui tend à exclure les commerces situés dans les zones touristiques. Aujourd’hui, les PUCE peuvent recourir à une décision unilatérale de l’employeur avec doublement du salaire, à défaut d’accord collectif, tandis que ces zones touristiques ne sont soumises à aucune condition. Nous avons déjà eu ce débat : nous ne pouvons nous satisfaire d’exclure les zones touristiques de l’ensemble du dispositif, car cela créerait une disparité beaucoup plus importante que celle que les auteurs de cet amendement cherchent à résorber.
L’amendement n° 164 rectifié vise à prévoir une majorité stricte de plus de 50 % des salariés pour la conclusion des accords collectifs. Les règles proposées sont plus dures que celles qui existent aujourd’hui dans le droit commun et aux termes desquelles un accord collectif requiert la signature des organisations représentant plus de 30 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles et l’absence d’opposition d’un ou plusieurs syndicats représentatifs cumulant plus de 50% des suffrages valablement exprimés à ces mêmes élections. L’un d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, a cité la réaction de nombre d’enseignes qui considèrent que nous allons trop loin en prévoyant cette contrainte. Je reviendrai sur la situation des entreprises de moins de onze salariés. Toutefois, soumettre à ces accords collectifs la possibilité même d’ouvrir le dimanche et les compensations est une première !
Si l’on ajoute à cette contrainte assumée une contrainte supplémentaire en changeant les règles de majorité spécialement pour l’occasion, on prend acte en quelque sorte de la volonté de minimiser les chances d’obtenir une majorité stricte. Or nous nous inscrivons d’abord dans le cadre du dialogue social de droit commun : rien ne justifie que l’on y déroge. Nous voulons qu’une négociation ait lieu dans le cadre du droit commun et que, si les conditions sont satisfaisantes, elles fassent l’objet d’un accord selon ces mêmes règles. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 1227 rectifié, ce qui me permet de poursuivre le débat avec vous, madame David, sur les modalités de droit commun et les accords de maintien de l’emploi. Je reste défavorable à cette proposition. Cet amendement se réfère aux modalités de conclusion d’un accord dérogatoire de droit commun prévu à l’article L. 2232-24 du code du travail plutôt qu’aux modalités de conclusion d’un accord dérogatoire prévu à l’article L. 5125-4 du même code.
Si j’étais taquin, je dirais que cette proposition est extrêmement cohérente avec la modification apportée par la commission spéciale. La seule différence, c’est que celle qui est prévue par cet amendement ne prévoit pas de règles claires pour les entreprises de moins de onze salariés, qui ne sont pas bien couvertes par l’article L. 2232-24 et qui seraient pénalisées par l’adoption de cet amendement.
Pour cette raison, nous avons préféré nous référer à l’article L. 5125-4, qui permet de recourir à des salariés mandatés, y compris dans les structures de moins de onze salariés. Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 615 tend à prévoir le rétablissement du texte de l’Assemblée nationale que l’on peut résumer ainsi : pas d’accord, pas d’ouverture. Le Gouvernement y est évidemment favorable. L’honnêteté m’oblige à reconnaître que la commission spéciale a fait preuve de mesure en modifiant l’article 76 et en précisant que ce dispositif n’interviendrait qu’en cas d’échec de la négociation. Elle n’a pas réintroduit une décision unilatérale sur la base d’un référendum, en faisant fi du texte d’ensemble.
Pour autant, je soutiens cet amendement, dont les dispositions sont plus cohérentes et plus globales. Il nous faut continuer à travailler avec les organisations syndicales et patronales pour réussir à trouver une solution en cas d’obstruction manifeste. C’est la faiblesse du présent texte, je l’admets bien volontiers. Pour autant, je ne partage pas totalement la solution de la commission spéciale, car ce n’est pas à mon sens la voie de la facilité qui serait systématiquement prise. Je reconnais tout de même que des verrous ont été prévus. La commission spéciale a pris acte des discussions qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale.
L’amendement n° 1440 rectifié bis vise à prévoir l’obligation de conclure un contrat d’intéressement avec un système de surpondération pour chaque salarié privé du repos dominical dans le cadre des accords collectifs. Cette discussion a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale. Si l’entreprise veut octroyer un supplément de rémunération à ses salariés travaillant le dimanche par rapport aux modalités prévues par ailleurs, c’est tout à fait possible. Le projet de loi ne l’empêche pas, mais cela ne doit pas être prévu de manière systématique. C’est un élément de complexité qui n’est pas souhaitable.
J’en viens à l’amendement n° 942 rectifié. Nous avons déjà eu cette discussion. Proposer le doublement des salaires de manière systématique ne me semble pas conforme aux réalités économiques telles qu’elles sont observées ni soutenable à l’égard de l’ensemble des acteurs économiques des zones mentionnées à l’article L. 3132-25-1 du code susvisé concernées par cet amendement.
Cette disposition était prévue en cas d’absence d’accord dans les PUCE face à la présence de grandes enseignes. Elle n’est pas valable pour les plus petites enseignes et pour les commerces les plus fragiles. Il me semble donc que retenir un tel doublement de rémunération serait contraire à l’objectif défendu.
Je note, par ailleurs, monsieur Collombat, que le président de votre groupe avait défendu précédemment un amendement exactement opposé, qui visait à ne pas assujettir les zones touristiques à une condition d’accord.
L’amendement n° 165 rectifié tend, lui aussi, à prévoir un doublement de la rémunération sauf pour les entreprises de moins de onze salariés situées dans les zones touristiques et les ZTI. Je tiens à souligner l’incohérence de cet amendement avec la discussion que nous avons eue tout à l’heure, puisque les dispositions prévues par celui-ci seraient extrêmement discriminantes pour les entreprises de moins de onze salariés, dont on sait bien qu’elles peuvent être un instrument de contournement de certaines grandes enseignes dans des zones commerciales.
Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut il émettra un avis défavorable.
Pour les raisons déjà évoquées et par cohérence avec l’avis que j’ai émis sur l’amendement n° 615, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1229.
M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour explication de vote sur l’amendement n° 1228.
Mme Anne Emery-Dumas. Cet amendement tend à conditionner à la conclusion d’un accord de branche l’ouverture dominicale des commerces dans l’ensemble des zones dérogatoires, qu’il s’agisse des zones commerciales, des zones touristiques ou des ZTI, et à prévoir un plancher de contrepartie fixé au moins au double de la rémunération.
Si chacun souscrit à l’idée selon laquelle les salariés privés de repos dominical doivent bénéficier de contreparties, la conclusion de seuls accords de branche risque, en revanche, de poser problème pour certains commerces qui ne relèvent d’aucune branche. De même, déterminer un plancher de rémunération au moins équivalent au double de la rémunération normale est à la portée de certaines grandes enseignes, mais une telle compensation est pratiquement impossible à mettre en œuvre pour un grand nombre de petits commerces, qui se trouveraient ainsi désavantagés et risqueraient de ne pas pouvoir ouvrir le dimanche.
Or, s’il faut assurément protéger les salariés, il faut aussi protéger les petits commerces, qui assurent l’animation et l’identité de nos bourgs et de nos centres-villes. La mesure proposée aurait certainement un effet boomerang que personne ne souhaite. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote sur l’amendement n° 95 rectifié quinquies.
M. Alain Fouché. Cet amendement me paraît tout à fait intéressant et, comme vous l’avez dit tout à l’heure, madame la corapporteur, il n’est que partiellement satisfait.
En France, on peut distinguer trois catégories de commerce.
Tout d’abord, les grandes surfaces, les hypermarchés, sont favorisés depuis de nombreuses années par les différents gouvernements. Les commissions consultées font preuve de largesse ; ces structures s’implantent où elles le souhaitent, et leurs dirigeants gagnent beaucoup d’argent. Ceux-ci peuvent donc rémunérer en conséquence les salariés qui travaillent le dimanche, c’est-à-dire qu’ils sont en mesure de doubler les salaires.
Mme Catherine Procaccia. C’est Robin des Bois !
M. Alain Fouché. Il suffit de regarder autour de vous, ma chère collègue, la façon dont ils vivent pour constater qu’ils ont beaucoup d’argent !
Quant aux commerçants moyens, ils gagnent certes moins, mais encore correctement leur vie.
Enfin, les petits commerçants situés dans une zone touristique travaillent en famille et n’ont pas les moyens de verser des compensations à leurs salariés.
C’est la raison pour laquelle cet amendement mérite d’être amélioré. Nous devons tenir compte des petits commerces, et non favoriser uniquement, comme on le fait depuis des années, les grandes surfaces et hypermarchés, qui sont les rois !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale a prévu d’exonérer les petits commerces de moins de onze salariés situés dans les zones touristiques, et non dans les zones commerciales. Or l’amendement présenté par M. Fournier vise à exonérer en zone touristique tout commerce de toute taille. Par conséquent, les dispositions proposées sont moins protectrices pour les petits commerces situés en zone touristique en comparaison des entreprises qui ont un nombre important de salariés. Pour celles-ci, on peut penser que les négociations relatives aux contreparties, dont les montants et les planchers ne sont pas déterminés par la loi, au niveau de la branche, du territoire, ou du groupe aboutiront à un accord dans les trois ans à venir.
Les petits commerces de moins de onze salariés en zone touristique peuvent rencontrer des difficultés, j’en conviens. C’est la raison pour laquelle la commission spéciale a souhaité les exonérer de contreparties. En revanche, elle a souhaité assimiler à des commerces de zone commerciale les commerces de plus de onze salariés dont on peut penser qu’ils sont en mesure d’assurer les contreparties – une certaine souplesse est d’ailleurs prévue à cet égard – et de respecter les conditions visées dans le texte qu’elle a élaboré.
Ainsi, si vous soutenez le présent amendement, mon cher collègue, vous soutenez aussi ces mêmes grandes surfaces que vous dénoncez !
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Compte tenu des explications détaillées fournies par Mme la corapporteur, je retire cet amendement.
Mme Catherine Procaccia. Quelle force de conviction ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 95 rectifié quinquies est retiré.
La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1781.
M. Alain Fouché. Depuis un certain nombre d’années, on voit fleurir dans les gares parisiennes un certain nombre de grandes surfaces implantées dans des zones commerciales dont certaines vont devenir encore plus importantes. Les personnes qui quittent leur travail et se rendent à la gare pour prendre le train et rentrer chez elles s’arrêtent dans ces commerces, au détriment de ceux de leur ville…
Mme Catherine Procaccia. Quand ils arrivent à destination, les commerces sont souvent fermés !
M. Alain Fouché. Ma chère collègue, de nombreux commerces sont ouverts jusqu’à vingt-deux heures !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est la vie !
M. Alain Fouché. On en fait beaucoup trop pour les gares, dont ce n’est pourtant pas la vocation au départ !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l'amendement n° 1602.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à renvoyer le soin de définir les compensations accordées aux salariés privés du repos dominical à des accords collectifs de branche, d’entreprise, d’établissement, à des accords territoriaux ou à des accords de groupe, ce qui est une nouveauté.
Rien ne semble s’opposer, a priori, à cet ajout, dans la mesure où cela permet d’envisager une possibilité supplémentaire de couverture conventionnelle des salariés. Toutefois, la négociation à cet échelon risque de poser quelques difficultés, notamment si des compensations sont négociées à différents niveaux.
L’accord de groupe concernant par principe des entreprises différentes appartenant à des branches et à des champs géographiques différents, certains salariés du même groupe ne risquent-ils pas de se trouver couverts par différents statuts collectifs concurrents ? Ce d’autant plus que l’accord de groupe a un statut un peu particulier. Aux termes de l’article L. 2232-33 du code du travail, il emporte les mêmes effets qu’un accord d’entreprise. Néanmoins, il est également indiqué, à l’article L. 2232-35 du même code, « qu’il ne peut comporter des dispositions dérogatoires à celles applicables en vertu de conventions de branche ou d’accords professionnels dont relèvent les entreprises ou établissements appartenant à ce groupe, sauf disposition expresse de ces conventions de branche ou accords professionnels. » La référence aux accords de groupe, en plus des autres types d’accords, risque donc de créer quelques difficultés dans la pratique en cas de concours de textes conventionnels.
On peut également se demander pourquoi il est fait référence à ces accords de groupe uniquement dans le cadre de la fixation des compensations salariales, alors que d’autres articles du projet de loi se réfèrent aux notions d’accords d’établissement, d’entreprise, de branche ou territoriaux, dont le présent article 76 et l’article 81.
Pour toutes ces raisons, on peut légitimement s’interroger sur l’intérêt réel de cette modification, qui risque de créer plus de difficultés d’application que de bénéfices.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 1602 tend simplement à donner la possibilité juridique de conclure un accord à un niveau qui n’était pas prévu par le précédent texte. Dans la mesure où cela a été mis en place pour les accords territoriaux, il n’y a pas de raison que les groupes ne soient pas visés.
De surcroît, l’ordre public social prévoit que l’accord le plus favorable s’applique. Ainsi, un accord d’entreprise qui serait moins favorable qu’un accord de groupe ne saurait s’appliquer.
Je souhaite donc être parfaitement clair par rapport à la crainte que vous avez exprimée, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’amendement n° 615.
Mme Nicole Bricq. Je trouve dommage que Mme la corapporteur maintienne son avis défavorable sur cet amendement, d’autant plus que nous n’étions pas très loin de pouvoir trouver un accord. Nous avons déjà eu ce débat, je n’insisterai donc pas.
Il est vrai qu’il existe des situations de blocage dans certaines entreprises. Mais nous votons la loi, qui a une portée générale. Il n’est pas question de prendre en compte les cas particuliers.
La proposition de la commission spéciale pose un véritable problème, dans la mesure où il s’agit d’un saut dans l’inconnu. En effet, elle vise une simple consultation des représentants du personnel, ce qui est tout de même assez léger, et l’organisation d’un référendum auprès des salariés concernés au scrutin majoritaire. Mais comment est définie cette majorité ?
On reproche souvent aux amendements des uns et des autres de ne pas être suffisamment bien rédigés. Or tel est le cas de l’article 76 en l’espèce. J’aurais souhaité que nous trouvions un accord en séance.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je voudrais rassurer Mme Bricq sur le référendum des personnels. Le code du travail prévoit clairement que plus de la moitié des salariés concernés doivent donner leur accord.
Vous allez permettre aux entreprises d’ouvrir le dimanche et certaines ne pourront pas le faire à cause de blocages syndicaux.
Nous proposons donc que, à défaut d’accord – je souligne que des possibilités d’accords sont prévues au niveau du territoire, de l’entreprise, de la branche, du groupe et de l’établissement –, ce soit in fine la majorité des salariés concernés qui décide.
Il me semble que nous sommes alors au bout du dialogue social, et que les salariés doivent pouvoir décider à la majorité de travailler le dimanche dans certains magasins – c’est le cas dans les grands magasins parisiens, où il y a un blocage syndical.
Je ne comprends donc vraiment pas votre opposition.
Mme Isabelle Debré. Ces blocages existent aussi dans le secteur du bricolage !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 615.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 165 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Pour l’adoption | 132 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 1440 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 616 est présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 1230 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l’amendement n° 616.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement a pour objet de rétablir l’obligation générale d’accord collectif prévoyant des contreparties pour les salariés afin que l’ouverture le dimanche soit autorisée.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 1230.
Mme Évelyne Didier. L’alinéa 12 de l’article 76 exclut les établissements de vente au détail employant moins de onze salariés des obligations de contrepartie en cas de dérogation au repos hebdomadaire.
L’exonération pour ces commerces situés dans les zones touristiques de l’obligation d’être couverts par un accord collectif et d’offrir des contreparties aux salariés pour ouvrir le dimanche est une remise en cause de la protection des travailleurs.
Redistribuer une partie de la richesse produite, c’est le principe même des contreparties et des garanties accordées aux salariés.
Cet alinéa remet cette compensation en question. Selon l’INSEE, le commerce de détail regroupe environ 446 000 entreprises, qui emploient près de 1,6 million de salariés en équivalents temps plein. De surcroît, la majeure partie des entreprises du commerce de détail sont des structures de petite taille : 98 % comptent moins de 20 salariés. Au regard du nombre d’entreprises concernées, il n’est pas acceptable d’établir une telle dérogation.
M. le président. L'amendement n° 739 rectifié bis, présenté par MM. Pellevat, G. Bailly, Bouvard, Calvet, Carle, Chaize, Commeinhes et Darnaud, Mme Deromedi et MM. L. Hervé, Longuet, Magras, Milon, Mouiller, Pierre, Trillard et Vial, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
employant moins de onze salariés
par les mots :
dont l'activité est de nature saisonnière
La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Je ne reprendrai pas l’argumentation qui a été excellemment développée tout à l’heure sur la nature des activités saisonnières par Michel Bouvard.
Toutefois, puisque cet amendement vise à s’affranchir du nombre de onze salariés, j’évoquerai la situation spécifique des commerces des stations de sport d’hiver qui sont souvent étagés sur deux ou trois villages. Un même commerce peut donc avoir plusieurs magasins et dépasser ce plafond de onze salariés.
C’est pourquoi nous demandons que les commerces dont l’activité est de nature saisonnière soient exemptés du dispositif prévu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je me suis déjà largement expliquée sur le seuil de onze salariés.
Je rappelle aussi que, lors d’une interview accordée le 2 avril dernier, Mme Carole Delga, secrétaire d'État chargée du commerce et de l'artisanat, déclarait : « il est important que les petits commerces, qui peuvent aujourd’hui ouvrir le dimanche, puissent encore le faire une fois la loi adoptée. Nous allons donc adapter la règle aux entreprises de moins de onze salariés. »
La commission spéciale ne l’a pas attendue et a décidé de proposer de dispenser les entreprises de moins de onze salariés situées en zone touristique de contreparties. Elle émet donc un avis défavorable sur les deux amendements qui visent à rétablir le texte initial.
S’agissant de l’amendement n° 739 rectifié bis, j’entends bien vos arguments, monsieur Vial, sur les entreprises de nature saisonnière situées en zone de montagne.
Cela étant, la rédaction retenue par la commission spéciale donne déjà satisfaction aux commerces employant moins de onze salariés. Quant à l’amendement, il vise à étendre la dérogation à tous les établissements dont l’activité est de nature saisonnière, sur l’ensemble du territoire, et pas seulement à ceux qui sont implantés en station de montagne.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. J’émets un avis favorable sur les amendements nos 616 et 1230.
Autant, lors de l’examen de l’amendement n° 615, j’ai considéré que la commission spéciale avait pris des dispositions pour répondre à la question importante de l’obstruction, autant elle propose là d’ouvrir une véritable brèche pour les entreprises de moins de onze salariés. Certes, nous connaissons les difficultés qui existent dans les zones touristiques. Vous avez raison, madame Deroche, de faire référence aux propos de Carole Delga ; nous continuons d’ailleurs de travailler sur ce point.
Toutefois, vouloir résoudre le problème en accordant une dérogation complète ne me semble pas satisfaisant, précisément parce que ce serait aussi une voie de contournement de l’ensemble du dispositif pour certaines enseignes, comme j’ai eu l’occasion de le souligner.
Sur l’amendement n° 739 rectifié bis, Mme la corapporteur a développé les bons arguments : d’abord, les activités saisonnières font l’objet de certaines spécificités qui sont prises en compte par les accords collectifs. En termes de minima sociaux et d’organisation, elles sont couvertes. Mais si elles ont recours de manière régulière au travail dominical, il est normal qu’elles soient soumises aux dispositions de ce projet de loi, dont je rappelle qu’elles ne concernent pas les commerces alimentaires et qu’elles constituent une exception au repos dominical pour le commerce de détail. Nous restons donc dans un champ d’activité qui est précisément borné. Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 616 et 1230.
Mme Annie David. La commission spéciale a souhaité exclure du champ du texte les entreprises de moins de onze salariés situées en zone touristique. L’avis défavorable que vous avez émis, madame la corapporteur, sur ces amendements est donc logique.
Il me paraît toutefois dommage de priver ces entreprises d’une discussion collective. Rien n’étant inscrit dans la loi, l’accord pourrait être trouvé entre les parties prenantes à la discussion.
Il me semble donc que vous intentez un mauvais procès aux salariés de ces entreprises en prétendant par avance qu’ils ne seraient pas capables de rechercher l’intérêt de l’entreprise afin de maintenir leur emploi, et qu’ils chercheraient à négocier des contreparties inappropriées.
Vous nous dites que vous faites confiance au dialogue social, mais vous empêchez a priori le dialogue dans les petites entreprises. Il me semble au contraire qu’un accord collectif à la hauteur des entreprises concernées pourrait être trouvé. Il est dommage de refuser d’entrée de jeu la possibilité de discuter, de conclure des accords et de négocier des contreparties dans ces entreprises. C’est faire un mauvais procès à l’ensemble des parties en présence.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. La commission spéciale est intransigeante, mais elle introduit une discrimination qui n’est pas acceptable. Je sais bien que small is beautiful, mais quand même… Il n’est pas admissible que certains soient privés de négociation sous prétexte que leur commerce est petit et qu’il emploie moins de onze salariés. Il faut faire confiance aux acteurs territoriaux. En outre, dans les zones touristiques, ce n’est pas parce qu’un commerce est petit qu’il ne fait pas un très bon chiffre d'affaires pendant la saison. Votre argumentation trouve donc ses limites. Vous introduisez un biais, et même un contournement de la loi, qui n’est pas acceptable. Cela justifie le maintien de ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 616 et 1230.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Vial, l’amendement n° 739 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Vial. Compte tenu des explications et de la demande de Mme la corapporteur, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 739 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 108 rectifié bis, présenté par Mme Debré, M. Cardoux et Mmes Cayeux et Deseyne, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« V. – Lorsqu’un usage, visant à accorder aux salariés privés du repos dominical une ou plusieurs contreparties mentionnées au II de l’article L. 3132-25-3 et respectant les garanties mentionnées à l’article L. 3132-25-4, est appliqué depuis au moins cinq ans par une entreprise, un établissement ou un site regroupant un ensemble d'établissements de vente au détail mettant à disposition des biens et des services et situé dans une zone touristique internationale ou dans une zone touristique caractérisée par une affluence particulièrement importante de touristes, les contreparties issues de l’application de cet usage doivent être intégrées dans les contrats de travail des salariés concernés dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi pour bénéficier de la faculté de donner le repos dominical par roulement pour tout ou partie du personnel prévue aux articles L. 3132-24 et L. 3132-25. »
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Cet amendement vise à permettre aux établissements de vente au détail situés dans une zone touristique internationale ou dans une zone touristique caractérisée par une affluence particulièrement importante de touristes qui ont volontairement mis en œuvre des contreparties et des garanties pour leurs salariés privés de repos dominical de déroger à l’obligation de négocier un accord collectif à la condition qu’ils intègrent directement ces contreparties et garanties dans leur contrat de travail dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple des entreprises installées sur le site de La Vallée Village, en Seine-et-Marne, que vous connaissez certainement tous, mes chers collègues. Ce site est classé depuis la fin de l’année 2000 en zone touristique d’affluence exceptionnelle ; 6,5 millions de touristes, de 170 nationalités différentes, s’y sont rendus en 2013. Le site regroupe plus de cent entreprises, dont beaucoup sont internationales ; j’insiste sur ce point, car il n’est pas toujours facile pour les étrangers d’intégrer notre code du travail, qui, vous le savez, n’est pas si simple même pour des Français. Les enseignes emploient de onze – je cite ce chiffre à dessein – à cent vingt-huit salariés ; en tout, 1 200 personnes travaillent sur le site.
Depuis la création de La Vallée Village, les employeurs sont tenus d’appliquer strictement une charte sociale prévoyant – je préfère le préciser – le respect du volontariat, l’accord écrit du salarié étant nécessaire, le respect des contraintes personnelles et familiales, la possibilité pour le salarié de renoncer au travail dominical sur simple demande, une majoration d’au moins 50 % de la rémunération des heures effectivement travaillées le dimanche, un repos hebdomadaire de deux jours consécutifs et l’emploi en contrat de travail à durée indéterminée des salariés travaillant le dimanche.
Le présent amendement vise à sécuriser la position des entreprises des sites tels que La Vallée Village et de leurs salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Isabelle Debré soulève un véritable problème. Cependant, dans la mesure où il existe déjà une charte, on peut penser qu’un accord de territoire pourra tout à fait inclure ses dispositions. Je rappelle que nous avons prévu un délai de trente-six mois pour permettre aux acteurs de s’adapter. En outre, l’accord des salariés concernés sera nécessaire.
Il nous semble donc que l’amendement est satisfait par la rédaction actuelle du projet de loi. Nous souhaitons toutefois connaître la position du Gouvernement. Il s’agit en effet d’un sujet important : il ne faudrait pas que des commerces qui existent depuis longtemps et ont mis en place des contreparties salariales et sociales non négligeables se retrouvent en difficulté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Madame la sénatrice, la solution que vous proposez consiste à intégrer dans le contrat de travail des dispositions dérogatoires – une charte, en l’espèce – en vigueur depuis plus de cinq ans. Le problème, c’est que cela créerait un biais, un élément de complexité non nul. En outre, une question se pose : si de nouvelles structures commerciales s’installent dans le même ressort, devront-elles intégrer les mêmes dispositions dans leur contrat de travail ? Enfin, l’existant serait gelé, et cela pourrait avoir un effet déstabilisant en cas de développement ; ce serait particulièrement regrettable, et je crois que ce n’est pas votre objectif.
Vous souhaitez que ce qui fonctionne aujourd'hui ne soit pas déstabilisé. Je vous apporterai deux réponses. La première, c’est que la charte comprend des éléments d’organisation qui valent pour un territoire économique. C'est pourquoi nous avons prévu la possibilité de conclure non seulement des accords de branche ou d’entreprise, mais aussi des accords de territoire. Il me semble que, dans l’exemple que vous avez cité, il devrait être possible de conclure un accord de territoire sur la base de la charte, qui est tout à fait généreuse, puisqu’elle reprend les standards les plus élevés. Nul doute qu’un accord sera conclu.
Ce qu’il faut éviter, c’est de décomposer en accords d’entreprise les accords existants. En effet, si toutes les entreprises ne parvenaient pas à conclure un accord sur la base de la charte, il y aurait des déséquilibres, des hétérogénéités intenables d’une échoppe à l’autre. Le projet de loi prévoit la possibilité de conclure un accord de territoire sur la base de la charte. À mon sens, c’est la bonne réponse au problème que vous soulevez.
Le second point, c’est le délai d’adaptation. L’Assemblée nationale l’avait fixé à deux ans ; la commission spéciale du Sénat a rétabli le délai de trois ans que proposait initialement le Gouvernement.
Je pense que la possibilité de conclure un accord de territoire et le délai d’adaptation de trois ans sont de nature à répondre à votre préoccupation. J’ajoute que des évaluations régulières du dispositif seront réalisées pour éviter les blocages. Enfin, l’amendement n° 615 ayant été rejeté, il existe une dernière voie en cas de blocage ultime : l’employeur pourra prendre une décision, qui devra être approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés.
À la lumière de ces éléments, je vous invite à retirer votre amendement. Comme l’a souligné Jacques Mézard, les accords conclus dans les grandes zones touristiques ou commerciales de province ne sauraient être déstabilisés par le projet de loi. Je m’engage à ce que des évaluations régulières soient réalisées, afin que tous les blocages soient levés.
M. le président. Madame Debré, l'amendement n° 108 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Isabelle Debré. Puisque la parole fait loi dans cet hémicycle et que vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à suivre ce dossier particulièrement important pour le tourisme – il y en a d’autres, bien entendu –, je retire cet amendement.
Nous espérons que tiendrez votre engagement. De nombreux emplois sont en jeu. Allez à La Vallée Village : vous verrez qu’il y règne une ambiance magnifique. Je ne voudrais pas qu’elle soit cassée. Il y a certainement d’autres sites dans la même situation. Je vous remercie de votre engagement. Je vous fais confiance !
M. le président. L'amendement n° 108 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 970 rectifié bis, présenté par MM. Assouline et Daunis et Mme Espagnac, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« V. - Les accords collectifs de branche, d'entreprise et d'établissement et les accords territoriaux prévoient une compensation déterminée afin de tenir compte du caractère dérogatoire du travail accompli le dimanche. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. J’essaierai de ne pas être long, car j’ai déjà exposé quelques éléments de mon argumentation. Je commencerai par rappeler le cadre général. Les dispositions relatives aux accords obligatoires et aux compensations ont fait l’objet d’un débat public assez soutenu, avec des positions affirmées et souvent des procès d’intention, qui tiennent probablement aux zones d’ombre qui subsistent dans le projet de loi.
Il s’agit bien, dans tous les cas et de façon générale, de négocier en partant du principe que des compensations sont nécessaires. Il ne peut y avoir de travail le dimanche sans compensation en termes de salaire ou de repos compensateur. Le présent texte décline d'ailleurs les compensations, avec des spécificités pour certaines catégories de salariés, comme les travailleurs handicapés ou les femmes seules.
Néanmoins, on peut avoir l’impression que le travail dominical pourrait être exempt de compensation, notamment s’il n’existe pas de rapport de force syndical ou si les négociations sont difficiles. C'est pourquoi je souhaite, à travers cet amendement de clarification, préciser explicitement que le travail dominical doit être assorti de compensations.
Je ne propose pas de fixer des seuils de compensation, car cela aurait un effet pervers : ou les seuils sont trop bas, et on n’aide pas les négociateurs à obtenir les meilleures compensations, ou les seuils sont trop élevés, et certaines catégories d’entreprises ne peuvent pas garantir les compensations.
Il s’agit de prendre acte du fait que tout accord doit prévoir une compensation. On ne travaille pas au même tarif le dimanche et les autres jours. Même si les uns et les autres me répondront que c’est évident, je connais les relations sociales : elles se composent également de rapports de force. En rendant les choses plus claires dans la loi, on aide les négociations à être plus claires, et on fait ainsi œuvre utile pour tout le monde.
Je sais que la commission spéciale n’a pas examiné cet amendement. J’espère avoir convaincu les corapporteurs. Je le répète, on peut me dire que cela va de soi, que c’est acquis, mais, si vous lisez bien ce qui est écrit, vous verrez que le principe général d’une compensation du travail dominical en termes de salaire ou de repos compensateur n’est posé à aucun moment.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Comme vous l’avez dit, monsieur Assouline, cet amendement, tel qu’il est rédigé, n’a pas été examiné par la commission spéciale. Celui qu’elle avait étudié, et sur lequel elle avait émis un avis défavorable, était plus clair, avec une majoration substantielle de salaire et une journée de repos compensateur tous les quinze jours. Vous l’avez remplacé par cet amendement 970 rectifié bis, qui vise à préciser que les accords prévoient une compensation déterminée afin de tenir compte du caractère dérogatoire du travail accompli le dimanche.
Sans vouloir être désagréable en cette fin d’après-midi, je dirai qu’il n’apporte rien de fondamental au texte. Il me semble d’ailleurs qu’il est satisfait par l’alinéa 7 de l’article 76, dans lequel il est prévu que tout accord collectif relatif au travail du dimanche fixe les contreparties, notamment salariales. Or si des contreparties sont octroyées aux salariés privés du repos dominical, c’est bien qu’il ne s’agit pas d’un jour comme les autres.
Cela dit, à titre personnel, je sollicite l’avis du Gouvernement, tout en m’en remettant, au nom de la commission spéciale, à la sagesse de la Haute Assemblée, pour être agréable à M. Assouline.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Comme l’a dit Mme la corapporteur, on ne peut que partager l’ambition de cet amendement, qui a pour objet de préciser que la compensation est déterminée afin de tenir compte du caractère dérogatoire du travail accompli le dimanche, ce que ne prévoit pas aujourd’hui l’alinéa 7 de l’article 76.
Par cet amendement, monsieur le sénateur, vous donnez la justification de cette compensation. Il serait d’ailleurs préférable d’insérer l’alinéa en cause avant cet alinéa 7 et les autres alinéas qui traitent des compensations plus spécifiques.
À mon sens, cet amendement vise à poser le principe général indispensable qui confirme le caractère dérogatoire du travail du dimanche, d’une part, et à indiquer que la compensation est déterminée pour tenir compte de ce caractère dérogatoire.
J’émettrai donc un avis favorable, si vous vous engagez à repositionner l’alinéa en question avant l’alinéa 7 du présent article.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Permettez-moi juste d’ajouter une phrase courte, monsieur le président.
M. le président. Juste une phrase ! (Sourires.)
M. David Assouline. Je pense que la précision que vient d’apporter M. le ministre est importante.
Cet amendement a justement pour objet de fixer un cadre général, or, même si la rédaction que je propose est précise, j’en conviens, insérer l’alinéa en cause après l’alinéa 12 de l’article 76 peut paraître équivoque. L’insérer avant l’alinéa 7, comme le propose M. le ministre, j’y insiste, préciserait les choses, car, aujourd’hui, il n’est pas écrit de façon formelle dans le texte qu’est déterminée une compensation pour répondre aux dérogations.
À mon avis, c’est plus important que ce que certains veulent bien penser.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. M. le ministre a raison de dire qu’il serait plus cohérent, par rapport à l’objectif visé, de placer cet alinéa avant l’alinéa 7.
M. le président. Monsieur Assouline, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par le Gouvernement ?
M. David Assouline. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 970 rectifié ter, présenté par MM. Assouline et Daunis et Mme Espagnac, ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les accords collectifs de branche, d'entreprise et d'établissement et les accords territoriaux prévoient une compensation déterminée afin de tenir compte du caractère dérogatoire du travail accompli le dimanche.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 77.
Article 77 (priorité)
(Non modifié)
L’article L. 3132-25-4 du code du travail est ainsi modifié :
1° Les premier et troisième alinéas sont supprimés ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– au début, sont ajoutés les mots : « Pour l’application des articles L. 3132-20, L. 3132-24, L. 3132-25 et L. 3132-25-1, » ;
– à la fin, les mots : « sur le fondement d’une telle autorisation » sont supprimés ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « bénéficiaire d’une telle autorisation » sont supprimés ;
c) Aux deux dernières phrases, les mots : « d’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation » sont supprimés ;
2° bis Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’accord collectif mentionné au II de l’article L. 3132-25-3 détermine les modalités de prise en compte d’un changement d’avis du salarié privé du repos dominical. » ;
3° Au début de la première phrase du quatrième alinéa, sont ajoutés les mots : « Pour l’application de l’article L. 3132-20, » ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’employeur prend toute mesure nécessaire pour permettre aux salariés d’exercer personnellement leur droit de vote au titre des scrutins nationaux et locaux lorsque ceux-ci ont lieu le dimanche. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. L’article 77 porte sur les modalités de mise en œuvre du volontariat en cas de travail dominical. Il précise, en assouplissant considérablement le code du travail, que seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à l’employeur peuvent travailler le dimanche.
Toutefois, dans un contexte de chômage de masse, peut-on parler de volontariat, le salarié ayant le choix entre se plier aux injonctions de son employeur et perdre son emploi ?
Ce texte, vous le savez, n’emporte pas l’adhésion du groupe CRC. Le Gouvernement nie complètement, en particulier dans cet article, la réalité du monde du travail et le rapport de force totalement asymétrique existant entre l’employeur et l’employé, lequel pèse très lourdement en défaveur ce dernier.
Je n’aurai pas la naïveté de croire qu’il y a là méconnaissance de cette réalité par le Gouvernement ; je pense plutôt qu’il s’agit d’un renoncement. L’audition de François Rebsamen par la commission spéciale l’a d’ailleurs parfaitement montré : le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a en effet alors affirmé que le contrat de travail n’imposait pas un rapport de subordination entre employeur et salarié. Cette position est aux antipodes de la tradition politique dans laquelle je m’inscris, qui sait que, par essence, ce lien est fait de subordination.
La reconnaissance de l’inégalité intrinsèque entre l’employeur et le salarié est d’ailleurs un principe primordial en droit du travail. Pour pallier cette inégalité, un code spécial a d’ailleurs été élaboré : le code du travail. À cet égard, Annie David a montré tout ce qu’il pouvait renfermer, et combien il était important de bien savoir de quoi on parlait. De même, une juridiction spéciale existe – les prud’hommes –, ainsi qu’un corps de fonctionnaires – l’inspection du travail –, et des organisations de salariés – les syndicats.
S’il y a inégalité, s’il y a dépendance d’une partie à l’égard d’une autre, particulièrement en période de chômage, alors il ne peut y avoir de volontariat. Pour notre part, nous aurions soutenu sans réserves l’abrogation de cette notion, monsieur le ministre.
En réalité, les dispositions prévues dans cet article suppriment les garanties qui protègent un tant soit peu les salariés contre les chimères du « volontariat », du « contrat de gré à gré » ou de je ne sais quel « engagement libre et mutuellement consenti ».
Si le texte tend à généraliser le travail dominical, des articles tels que celui-ci contribueront, dans les faits, à le rendre obligatoire pour tous ceux qui signeront un contrat de travail avec des entreprises ouvrant le dimanche.
Vous comprendrez donc aisément notre ferme opposition à l’article 77, comme à tous ceux qui s’inscrivent dans la même logique.
Mme la présidente. L’amendement n° 1231, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. En supprimant le premier alinéa de l’article L. 3132-25-4 du code du travail, l’article 77 élimine toute consultation préalable avant la délivrance des autorisations de dérogation au repos dominical : plus d’avis du conseil municipal, de la chambre de commerce, de la chambre des métiers, et encore moins des syndicats de salariés de la commune ou des organisations patronales !
Tel qu’il est actuellement rédigé, l’article prévoit que le prétendu choix de se déclarer volontaire ou non pour travailler le dimanche appartient individuellement au salarié. Or, comme je l’ai déjà dit, le groupe CRC considère qu’il n’y a pas, en la matière, de véritable choix possible. Qui pourra dire non à son patron ayant décidé d’ouvrir son magasin le dimanche, décision que ce dernier a d’ailleurs la possibilité de prendre seul ? N’oublions pas en effet que, si des accords sont bien prévus à l’article 76, l’alinéa 6 du même article précise qu’à défaut de leur conclusion, la décision de l’employeur prime.
À quoi sert-il donc d’inscrire dans la loi que le refus de travailler le dimanche n’entraînera aucune sanction, aucun refus d’embauche ? Pensez-vous franchement que les choses se passent ainsi dans la vie ? On invoquera n’importe quel motif pour ne pas embaucher, ou pour licencier, un salarié qui ne se porterait pas volontaire.
Quand on est payé au salaire minimum, voire souvent même moins – dans le commerce, les contrats à temps partiel fleurissent, hélas –, quand on n’arrive pas à finir le mois dignement, peut-on véritablement refuser d’être volontaire si travailler le dimanche peut permettre d’augmenter le montant figurant sur la fiche de paie ? Un tel point de vue est difficilement défendable.
Quant au dernier alinéa de l’article 77, il est particulièrement démagogique ; il s’agit, pour nous, d’une disposition d’affichage. Au mieux, l’employeur fera connaître le droit de vote par procuration !
De plus, cet alinéa ne fait référence qu’au droit de vote. Les droits des citoyens ne sont pas évoqués. Les salariés travaillant le dimanche ne disposeront donc plus de la plénitude de leurs droits.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons, mes chers collègues, de supprimer l’article 77.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a adopté cet article sans modification. Il constitue en effet une avancée importante pour les salariés puisqu’il étend la règle du volontariat aux zones touristiques, aux zones commerciales et aux zones touristiques internationales. L’article 80 bis fait de même pour les « dimanches du maire », auxquels cette règle ne s’appliquait pas jusqu’à présent.
Vous pensez, ma chère collègue, que le volontariat pourrait ne pas être sincère compte tenu du lien de subordination qui unit le salarié et son employeur.
Si l’on ne peut nier que certains employeurs pourraient tenter d’abuser de leur pouvoir et de violer les dispositions législatives, le législateur ne doit pas en tirer un principe général. Les abus doivent être dénoncés s’ils existent, mais ils ne doivent pas nous conduire à remettre en cause le volontariat, car il est nécessaire s’agissant du travail le dimanche afin que ce jour, particulier dans la vie sociale de notre pays, puisse être respecté.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1232, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Notre amendement de suppression n’ayant pas été adopté, nous vous présentons, mes chers collègues, un amendement de repli tendant à supprimer les alinéas 3 à 10 de l’article 77, lesquels mettent fin au contrôle des dérogations au repos dominical par le préfet.
Les agents administratifs éprouvent déjà des difficultés à contrôler le respect par les employeurs des règles du travail dominical. En supprimant le système d’autorisation préfectorale, vous créez un appel d’air au profit de tous les patrons qui ouvriront le dimanche sans respecter leurs obligations en matière de droits des salariés.
Alors que vous étendez le travail le dimanche, alors que vous affirmez prévoir des contreparties plus importantes pour les travailleurs, vous ne prévoyez aucun moyen supplémentaire pour contrôler le respect des règles par les entreprises ! Vous n’avez même pas envisagé un seul instant de renforcer les pénalités en cas de non-respect des obligations par les patrons. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement sur ce sujet, que nous espérons vous voir soutenir, mes chers collègues.
Nous sommes convaincus que l’État doit conserver un rôle de garde-fou et qu’il doit contrôler les autorisations de déroger au repos dominical.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de ces alinéas.
Mme la présidente. L’amendement n° 1447 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 1644, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer la référence :
et L. 3132-25-1
par les références :
, L. 3132-25-1 et L. 3132-25-6
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Le présent amendement vise à appliquer le volontariat pour le travail dominical dans les commerces situés dans les gares, par cohérence avec ce qui prévaut dans les zones commerciales, les zones touristiques, et les zones touristiques internationales.
Mme la présidente. L’amendement n° 1233, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
– après le mot : « employeur », sont insérés les mots : « , cet écrit ne pouvant intervenir qu’après la période d’essai, » ;
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. L’article 77, qui modifie l’article L. 3132-25-4 du code du travail, porte sur la question du volontariat.
Vous le savez, nous considérons que les salariés n’ont pas toujours réellement le choix de travailler ou non le dimanche. Nous craignons donc que le volontariat ne soit pas appliqué dans les commerces alimentaires, où l’ouverture le dimanche jusqu’à treize heures a déjà cours – souvent de façon imposée d’ailleurs. Ces petits magasins ne comptant fréquemment que quatre ou cinq salariés, un réel rapport de force avec la direction est en effet impossible. Nous redoutons donc que les dispositions relatives au volontariat, lesquelles sont présentées comme étant un progrès, n’aient aucun effet concret pour les salariés de ce secteur, qui dépendent souvent de la convention collective nationale du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers.
Afin que le volontariat ne constitue pas une condition d’embauche, nous proposons qu’il fasse l’objet d’un accord écrit, distinct du contrat de travail, et qui serait signé seulement à la fin de la période d’essai du salarié. Une telle distinction est indispensable si l’on veut garantir un volontariat effectif et éviter toute discrimination à l’embauche.
Mme la présidente. L’amendement n° 1786, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 10
I. – Remplacer le mot :
mentionné
par les mots :
ou la décision de l’employeur mentionnés
II. – Remplacer le mot :
détermine
par le mot :
déterminent
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à tirer les conséquences de la possibilité accordée aux commerces, à l’article 76, d’ouvrir le dimanche sur décision de l’employeur en l’absence d’accord collectif, en échange de contreparties pour les salariés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1232 vise à supprimer la plus grande partie des dispositions de l’article 77 et à revenir à un système d’autorisation préfectorale pour le travail dominical.
Dans les faits, si cet amendement était adopté, il aurait simplement pour conséquence de supprimer l’extension du volontariat aux ZTI et aux ZT, ce qui ne me semble pas souhaitable. Comme je l’ai indiqué, le volontariat est pour nous un marqueur fort du travail dominical. Lors de nos auditions, personne ne nous a demandé de revenir sur ce point.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
En revanche, elle émet un avis favorable sur l’amendement n° 1644, qui vise à étendre le volontariat aux commerces ouvrant le dimanche dans certaines gares.
Les auteurs de l’amendement n° 1233 souhaitent que les salariés ne puissent donner leur accord à leur employeur pour travailler le dimanche qu’au terme de leur période d’essai. Certes, il n’est pas possible de fonder le recrutement d’un salarié sur son acceptation du travail dominical. Néanmoins, un salarié peut être amené à travailler le dimanche dès sa période d’essai si l’activité du commerce qui l’emploie le requiert. La disposition envisagée constituerait alors un obstacle à l’insertion dans leur nouveau poste.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 1232, 1233 et 1786 ?
M. Emmanuel Macron, ministre. J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 1232, eu égard aux arguments que j’ai déjà développés.
J’émets également un avis défavorable sur l’amendement n° 1233, pour les mêmes raisons que la commission spéciale.
Enfin, je suis aussi défavorable à l’amendement n° 1786, par cohérence avec les positions que j’ai adoptées précédemment ; je pense notamment au soutien à l’amendement n° 615 de Mme Bricq.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 77, modifié.
(L'article 77 est adopté.)
Article 78 (priorité)
L’article L. 3132-25-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les commerces de détail alimentaire situés dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-24 ou dans les emprises des gares mentionnées à l’article L. 3132-25-6 sont soumis, pour la période du dimanche s’achevant à treize heures, aux dispositions de l’article L. 3132-13. Après treize heures, ils peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel selon les modalités définies aux II et III de l’article L. 3132-25-3 et à l’article L. 3132-25-4. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Encore un article prévoyant une dérogation au repos dominical !
Le Gouvernement souhaite étendre le travail dominical aux commerces de détail alimentaire situés dans les zones touristiques internationales et dans les emprises de gares.
Jusqu’ici, ces commerces avaient la possibilité d’ouvrir jusqu’à treize heures seulement, en vertu de la loi Mallié de 2009. Nous avons contesté ce texte, et je pense que nos critiques étaient fondées, mais il permettait malgré tout de préserver le repos de l’après-midi. Le Gouvernement propose à présent d’étendre le travail dominical au-delà de treize heures.
Le flou qui règne sur les délimitations de zones suscite des interrogations. À quel endroit s’arrêtera la zone ? « Encore une rue ! Encore un pâté de maison ! Encore ! » C’est ainsi qu’on généralise une mesure et qu’on réduit les droits des travailleurs en les privant d’un repos commun le dimanche. Monsieur le ministre, vous avez mis le doigt dans un engrenage !
La généralisation du travail dominical dans ces zones créera une concurrence déloyale entre les enseignes d’un même secteur selon la zone à laquelle ils appartiennent. À ce jeu, ce sont les commerces de banlieues qui perdront. Vous avez annoncé que votre objectif était de défendre le petit commerce de bouche et les artisans ; or ils peuvent déjà ouvrir toute la journée.
Le groupe CRC défend l’idée que s’il y a inégalité de traitement, l’harmonisation est essentielle. Mais, alors que vous proposez une harmonisation par le bas, en généralisant le travail du dimanche, nous revendiquons une harmonisation par le haut, en stabilisant le dimanche comme jour de repos afin de permettre à nos concitoyens de ne pas être seulement des travailleurs, des unités de production ; ils doivent être des citoyens, des individus socialisés !
C’est cette conception de l’Homme qui conditionne notre vision des choses !
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. La gare et ses emprises sont généralement des lieux où se développent de plus en plus commerces et services de proximité destinés à faciliter le quotidien des usagers.
Loin d’être seulement des lieux de transit, les gares constituent de véritables atouts pour la rénovation urbaine, l’embellissement et la dynamisation d’un quartier, voire d’un territoire.
Vous justifiez l’ouverture le dimanche des commerces alimentaires situés dans les gares après treize heures par le service supplémentaire offert aux voyageurs et la contribution apportée à l’animation des gares.
Nous partageons l’avis selon lequel l’animation des espaces publics et des gares doit être améliorée afin de redonner de la vie et de créer du lien social, y compris dans des espaces de transit. Toutefois, l’argument selon lequel l’ouverture des commerces le dimanche après treize heures permettrait de réduire les incivilités et le sentiment d’insécurité dans les gares ne me paraît pas suffisant.
Penser que l’ouverture des supérettes permettra d’animer les gares traduit une vision réductrice de l’animation de l’espace public, fondée sur le « citoyen consommateur », d’autant que les commerces de bouche, par exemple, peuvent déjà ouvrir le dimanche toute la journée ; ma collègue Évelyne Didier vient de le rappeler.
En réalité, vous voulez permettre aux supérettes et aux enseignes de ventes de parfums ou de vêtements d’ouvrir toute la journée le dimanche.
Excusez-nous de penser, monsieur le ministre, que les Français ne rêvent pas d’une société dans laquelle ils pourraient acheter des produits tous les jours de la semaine, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et dans laquelle les gares seraient transformées en zones de transit !
Vous prétendez vouloir simplifier la réglementation en vigueur et éviter au passage les distorsions de concurrence entre les commerces situés dans les gares et dans les emprises des gares.
Monsieur le ministre, en l’absence totale d’étude d’impact sur le sujet, et en raison de la difficulté que constitue la délimitation des fameuses « emprises des gares », pourriez-vous nous indiquer où commence et où se termine l’emprise, par exemple, de la gare Saint-Lazare à Paris ? Horizontalement, en surface, on voit à peu près. En revanche, verticalement, dans les sous-sols, faut-il entendre la gare SNCF ou la partie qui s’étend à la station de métro ? Je ne sais pas si vous connaissez la gare Saint-Lazare ; moi, je la connais bien.
Que faire pour l’enseigne située de l’autre côté du trottoir de la gare, en situation de concurrence directe avec le commerce situé dans la gare et autorisé à ouvrir ?
Au lieu de simplifier les règles relatives au repos dominical, ce texte les complexifie.
En conclusion, si la situation existante n’est certes pas satisfaisante – nous sommes nombreux à en convenir –, votre proposition n’améliorera pas les droits des salariés prétendument volontaires pour travailler le dimanche !
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 71 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 478 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 786 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 71.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à supprimer l’article 78.
Si ma collègue Évelyne Didier et moi avons déjà avancé un certain nombre d’arguments en ce sens, je souhaite maintenant insister sur des éléments qui me semblent importants.
Même certains partisans de l’extension du travail le dimanche estiment que certaines dispositions de cet article ne sont pas très favorables.
Ainsi, M. Philippe Solignac, le président de la chambre de commerce et d’industrie de Paris Île-de-France, bien qu’il soit favorable à une extension généralisée du travail dominical, souligne que la fixation de conditions restrictives est indispensable. Il évoque notamment le maintien de l’obligation de fermer à treize heures pour les commerces à dominante alimentaire, en raison de leur spécificité.
Par ailleurs, la nécessité de préserver le tissu commercial de proximité conduit la chambre de métiers et de l’artisanat de Paris à recommander le statu quo. L’Union nationale des syndicats de détaillants en fruits, légumes et primeurs et l’Union professionnelle artisanale partagent cette analyse, de même que la Fédération nationale de l’habillement et le Syndicat de la librairie français.
Tous ces éléments figurent dans le rapport définitif de la mission d’information et d’évaluation sur le travail dominical et nocturne à Paris présenté au Conseil de Paris les 9, 10 et 11 février 2015. Le Gouvernement aurait pu, me semble-t-il, s’en inspirer. Force est de constater que cela n’a pas été le cas.
Nous vous proposons donc d’adopter notre amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 478.
M. Jean Desessard. L’article 78 prévoit d’étendre les dérogations au repos dominical pour les commerces de détail alimentaire situés dans les zones touristiques internationales et dans les emprises des grandes gares au-delà de treize heures.
Actuellement, ces commerces peuvent ouvrir jusqu’à treize heures s’ils ne sont pas déjà inclus dans un PUCE, à condition d’offrir à leurs salariés un repos compensateur, par roulement, d’une journée entière tous les quinze jours.
Désormais, les salariés des magasins concernés dépendront des accords collectifs qui seront conclus. Comme je l’ai expliqué lors de l’examen de l’article 76, les conditions prévues dans ces accords ne leur seront pas favorables.
Il s’agit d’une extension supplémentaire du travail dominical, alors que le repos pour tous ce jour-là, en tout cas l’après-midi, devrait être la règle.
De plus, la rédaction retenue par la commission spéciale vient complexifier le dispositif. Dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, l’article prévoyait qu’un accord collectif et des contreparties salariales étaient nécessaires pour toute la journée du dimanche. Mais la commission a décidé de conserver le régime actuel le matin et d’appliquer le régime des accords et des contreparties au-delà de treize heures l’après-midi. La journée est donc scindée en deux, ce qui complexifiera la gestion pour les employeurs, sans toutefois offrir de protection supplémentaire aux salariés.
C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 78.
Mme la présidente. L’amendement n° 786 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Jusqu’à présent, les commerces de détail alimentaire situés dans les zones touristiques internationales et dans certaines gares pouvaient, par dérogation, ouvrir le dimanche jusqu’à treize heures. L’article 78 leur donne l’autorisation d’ouvrir au-delà, en respectant, bien entendu, le principe du volontariat des salariés. Les amendements identiques n° 71 et 478 visent à revenir sur cette autorisation.
Pour la commission spéciale, il ne semble pas illogique que, dans des zones où les commerces de détail auront l’autorisation d’ouvrir le dimanche, les commerces alimentaires puissent faire de même, dans des conditions favorables aux salariés, dès lors que le champ de la dérogation sectorielle de droit dont bénéficient les commerces alimentaires – en l’occurrence, il s’agit de l’ouverture le dimanche jusqu’à treize heures et d’un jour de repos compensateur tous les quinze jours – est dépassé.
Il nous a paru cohérent d’en rester au régime actuel pour les commerces alimentaires, quelle que soit leur taille. Ils pourront ainsi ouvrir jusqu’à treize heures, dans les conditions que je viens de définir ; au-delà, les règles relatives aux contreparties financières prévues dans le projet de loi s’appliqueront.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 71 et 478.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article 78.
Cet article modifie l’article L. 3132-25-5 du code du travail. Deux exceptions sont prévues : auront la possibilité d’ouvrir le dimanche après-midi les commerces alimentaires qui sont situés dans les zones touristiques internationales et ceux qui se trouvent dans les emprises des gares dont le trafic aura été jugé suffisamment important par les ministres chargés des transports, du travail et du commerce – nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 79.
Il s’agit d’aligner le régime applicable aux commerces alimentaires, qui peuvent ouvrir jusqu’à treize heures, sur celui qui régit l’ensemble des commerces de détail, en conservant les mêmes restrictions, c'est-à-dire celles que vous avez déjà adoptées, notamment l’existence d’un accord préalable de branche, d’entreprise, de groupe ou de territoire.
Dès lors, il semble utile de conserver les dispositions de l’article 78, faute de quoi deux régimes cohabiteraient, ce qui pourrait déséquilibrer l’ensemble.
Les précautions qui ont été prises précédemment sont valables pour les commerces alimentaires. L’extension proposée nous paraît donc souhaitable.
Nous débattrons dans quelques instants de l’amendement déposé par le groupe socialiste, qui vise à revenir sur la distinction entre la période avant treize heures et celle après treize heures, ainsi que sur les règles de compensation pour certains formats. Vous l’avez souligné, la commission spéciale a souhaité ne pas revenir sur le droit actuel. Le texte issu de l’Assemblée nationale prévoyait une majoration en vertu des ouvertures actuelles, ce qui paraissait légitime dans certains cas. Pour ma part, je défendrai la cohérence du texte initial.
En tout état de cause, l’article 78 permet une mise en cohérence avec les garanties préalablement votées – vous l’avez souligné à plusieurs reprises, c’est un tout. Des accords préalables et des compensations sont prévus, lesquels constituent des garanties. Ces dernières sont valables pour les extensions, mais il ne serait pas souhaitable, compte tenu des avancées réalisées, de prévoir deux régimes trop hétérogènes. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Mme la rapporteur l’a précisé à juste titre dans son rapport : permettre aux commerces de détail alimentaire d’ouvrir le dimanche après-midi dans les zones touristiques internationales et les grandes gares est une mesure de cohérence. Cela permettra de rendre plus actives les gares qui accueillent de nombreux voyageurs étrangers.
Certes, il n’est pas toujours facile de distinguer les différents commerces de détail : certains vendent des produits alimentaires, d’autres de la presse ou d’autres produits. Cependant, force est de constater que la situation actuelle n’est pas bonne. Certains commerces ouvrent en toute illégalité pour satisfaire la demande des voyageurs. Les salariés n’ont alors ni protection ni compensation. C’est pourquoi il est important de maintenir l’article 78 du projet de loi, même s’il faut respecter la volonté initiale du texte, qui est de procéder à une harmonisation.
Mme la rapporteur a introduit – et la commission spéciale, dans sa majorité, l’a suivie – un élément de complexification. Or, lorsqu’on veut harmoniser des dispositifs, il est préférable de les simplifier. Tel est le sens de l’amendement n° 617 que je défendrai dans quelques instants au nom du groupe socialiste.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Notre débat porte sur l’ouverture des commerces de détail alimentaire le dimanche après-midi dans les zones touristiques internationales.
Mme Nicole Bricq. Et dans les gares !
M. Jean Desessard. Permettez-moi, madame Bricq, d’évoquer les zones touristiques internationales si je le souhaite ! J’évoquerai ensuite les gares, si vous le désirez, mais je n’avais pas prévu de le faire ! (Sourires.)
Ce matin, on nous a dit qu’il fallait ouvrir les magasins dans les zones touristiques internationales pour que les riches touristes puissent y dépenser leur argent. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Maintenant, il faut aussi leur permettre de faire leurs achats dans les commerces de détail alimentaire. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Nous doutions déjà du fait qu’ils allaient se précipiter dans les magasins de luxe, mais alors dans les commerces de détail alimentaire !
À moins que, pour vous, tout cela n’ait un rapport. Vous vous dites que les riches touristes, stressés d’avoir dépensé autant d’argent, auront besoin d’aller acheter dans une épicerie de quoi se requinquer ! (Rires.)
Autre solution – et là je vous reconnais, monsieur le ministre, outre des qualités pédagogiques, une aptitude à avancer des propositions structurées –, vous pensez qu’il faut être cohérent. Si l’on ouvre à tel endroit, il faut aussi ouvrir à tel autre, puis à tel autre, etc. Vous l’avez admis : Paris étant une zone évolutive, d’autres lieux seront concernés par le travail dominical. Il faudra donc ouvrir toujours plus de commerces le dimanche.
La démonstration est donc très clairement faite que, dès lors qu’on autorise l’ouverture le dimanche de certains magasins, on se trouve pris dans un engrenage et dans un processus d’extension afin de ne pas créer de situation de différences.
Si ces articles paraissent anodins, ils percent en réalité la toile à petits coups d’épingles : quand surviendra l’appel d’air, tout sera emporté ! Nous parviendrons ainsi, comme nous n’avons cessé de le souligner toute la journée, à la banalisation du travail dominical. (M. Dominique Watrin applaudit.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 71 et 478.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 617, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les commerces de détail alimentaire situés dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-24 peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel le dimanche après treize heures. Dans ce cas, les II et III de l’article L. 3132-25-3 et l’article L. 3132-25-4 leur sont applicables pour toute la journée du dimanche.
« Les commerces de détail alimentaire situés dans les emprises des gares mentionnées à l’article L. 3132-25-6 peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel le dimanche après treize heures. Dans ce cas, les II et III de l’article L. 3132-25-3 et l’article L. 3132-25-4 leur sont applicables pour toute la journée du dimanche. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement vise à procéder à une véritable harmonisation, ainsi que l’avait prévu l’Assemblée nationale. Nos collègues députés ont en effet amélioré et simplifié le texte en optant pour un seul régime dérogatoire pour la totalité de la journée du dimanche. À notre sens, il n’y a pas lieu de distinguer les régimes applicables à ceux qui travaillent le matin et à ceux qui travaillent l’après-midi. Il faut s’aligner sur le mieux-disant et prévoir que tout commerce alimentaire souhaitant ouvrir toute la journée le dimanche, qu’il soit situé dans une gare ou dans une ZTI, est soumis au régime dérogatoire le plus favorable au salarié.
Cette harmonisation permettra de créer des emplois, d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés, le matin comme l’après-midi, et de répondre à la demande des voyageurs, qu’ils soient nationaux ou étrangers, riches ou moins riches ! Il arrive à tout le monde, quelle que soit sa condition sociale, d’avoir à acheter un sandwich ou tout autre plat à emporter un dimanche.
Madame la rapporteur, en revenant au texte initial et en rejetant la rédaction de l’Assemblée nationale, vous distinguez deux catégories de travailleurs. Ce n’est franchement pas de la simplification. Tous les salariés doivent bénéficier des mêmes avantages, quelle que soit l’heure à laquelle ils travaillent, d’autant que ce ne seront pas toujours les mêmes qui travailleront l’après-midi ou le matin. En tout état de cause, tous fourniront le même travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale a émis un avis défavorable sur cet amendement.
J’ai rétabli en commission le texte initial du projet de loi.
Mme Nicole Bricq. C’est trop compliqué !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Pas du tout ! Le principe est clair : tous les commerces de détail alimentaire peuvent ouvrir partout le dimanche jusqu’à treize heures, dans les ZTI et dans les gares, dans la France entière, quel que soit le zonage, à condition d’offrir les compensations prévues par le texte actuel.
Dans certaines zones, ces commerces sont autorisés à ouvrir au-delà de treize heures. Il m’a semblé que le fait de prévoir des contreparties le matin dans ces zones, qu’il s’agisse des ZTI ou des gares, alors qu’il n’y en aura pas ailleurs, constituait peut-être une simplification pour ces commerces, mais que c’était surtout discriminatoire pour les autres commerces alimentaires situés sur le reste du territoire. C’est pourquoi je maintiens la position de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 78.
(L'article 78 est adopté.)
Article 79 (priorité)
L’article L. 3132-25-6 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-25-6. – Un arrêté conjoint des ministres chargés des transports, du travail et du commerce peut, après avis du maire, le cas échéant du président de l’établissement public de coopération intercommunale dont la commune est membre, et des employeurs et des salariés des établissements concernés, autoriser les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans l’emprise d’une gare qui n’est pas incluse dans l’une des zones mentionnées à l’article L. 3132-24 à donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, compte tenu de l’affluence exceptionnelle de passagers dans cette gare, dans les conditions prévues aux II et III de l’article L. 3132-25-3 et à l’article L. 3132-25-4. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. De nombreuses questions demeurent sur l’utilité des dispositions de l’article 79, qui réécrit totalement l’article L. 3132-25-6 du code du travail et prévoit un nouveau régime dérogatoire en autorisant les commerces de détail présents dans certaines gares à ouvrir le dimanche. Il s’agit peut-être également de concourir à la banalisation du travail du dimanche, comme cela a été dénoncé à de nombreuses reprises.
Seraient concernées, dans un premier temps, dix gares caractérisées par une « affluence exceptionnelle de passagers », puis une vingtaine d’autres à l’échéance de 2020.
L’adoption de cette disposition semble d’ailleurs avoir été largement anticipée à la gare du Nord, qui est depuis des mois en chantier et qui promet à ses voyageurs des dizaines de nouvelles boutiques !
De même, le coût du partenariat public-privé qui a permis la construction du centre commercial de la gare Saint-Lazare n’est pas étranger à cette disposition.
Ces travaux s’inscrivent dans le programme de transformation des gares lancé par la SNCF – Paris gare de Lyon, Paris gare d’Austerlitz, Paris Saint-Lazare, Lyon Part-Dieu, Bordeaux, Nantes, Rennes, Grenoble, Lille, Nice, Montpellier, Bourg-en-Bresse, Toulon –, qui deviennent progressivement de véritables centres commerciaux. Rappelons que la SNCF gère 180 000 mètres carrés de commerces.
L’ouverture des commerces le dimanche toute la journée dans ces gares – identifiées par le ministère et par la SNCF – permettrait, nous dit-on, la création, « directe ou indirecte » de 2 000 emplois.
Reste que ces promesses d’embauches nous paraissent optimistes dans la mesure où les commerces situés dans les gares – je pense, par exemple, aux gares de la région parisienne – emploient très souvent peu de salariés durant la journée.
C’est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous précisiez le nom des gares sélectionnées et que vous nous éclairiez sur ces prévisions de créations de postes, car l’étude d’impact est peu diserte sur ce point.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 72 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 479 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 787 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 72.
Mme Laurence Cohen. Comme je viens de le souligner, cet article vise à étendre le travail dominical aux commerces de détail non essentiels situés à proximité des gares.
Il est à noter que le droit actuel permet déjà aux commerces essentiels, comme les commerces de bouche, les cafés et les kiosques à journaux, d’ouvrir le dimanche dans l’enceinte et à proximité des gares.
En fait, cet article tend à permettre l’ouverture des commerces de détail de textiles situés dans l’enceinte ou à proximité des gares. Pourquoi vouloir étendre le travail dominical à une catégorie supplémentaire de commerces ? Selon nous, ce n’est pas nécessaire.
Permettez-moi d’ajouter quelques mots concernant les gares. L’argumentation de la SNCF selon laquelle l’ouverture dominicale pourrait être non pas seulement un élément de confort pour les usagers de la gare, mais aussi un facteur de vie et de sécurité dans des lieux publics qui en ont besoin est quelque peu fallacieuse, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, cet argument ne repose pas sur des études indépendantes et sur des critères objectifs, comme le souligne le rapport sur le travail dominical et nocturne à Paris de la mission d’information et d’évaluation du conseil de Paris, lequel ne semble malheureusement pas être votre source d’inspiration.
Ensuite, humaniser les gares, ce qui est effectivement très important, passe de mon point de vue par l’arrêt des suppressions d’emplois à la SNCF. Telle est d’ailleurs la position que défendent de nombreux élus de la région Île-de-France, dont je fais partie, notamment auprès du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF.
Pour ces deux raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 479.
M. Jean Desessard. Je fais partie, comme mes camarades communistes, des dinosaures qui luttent contre le travail le dimanche.
Cela étant dit, au début de l’ère industrielle, on travaillait le dimanche puisque l’on travaillait sept jours sur sept, dix ou douze heures par jour. Qui est donc le dinosaure ?
Pensez-vous que la situation des salariés était meilleure qu’aujourd'hui au XVIIIe ou au XIXe siècle lorsqu’on travaillait le dimanche ?
J’en viens à l’article 79, qui, dans la même logique que l’article précédent, prévoit d’étendre le travail dominical dans les emprises des gares, et ce pas uniquement pour les commerces alimentaires.
Madame Bricq, nous aurions pu tout à l’heure évoquer la qualité des produits alimentaires vendus dans les gares, cela aurait été intéressant, et les conditions de travail dans ces commerces, qui sont souvent des lieux clos, sans fenêtre.
L’article 79 prévoit d’autoriser l’ouverture le dimanche de tous les commerces de détail présents dans les gares. Le régime des compensations serait le même que celui qui a été retenu pour les commerces situés dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE, dont l’ouverture est autorisée par le préfet : il prévoit au minimum un doublement du salaire et un jour de repos compensateur, un accord collectif plus avantageux étant possible. Force est de reconnaître que ces compensations sont meilleures que celles qui sont proposées dans les trois nouvelles zones créées, mais la logique à l’œuvre est toujours la même : il s’agit de travailler plus le dimanche. Et l’on créé une nouvelle catégorie !
Les arguments avancés pour justifier cet article sont d’une portée limitée. S’il est concevable qu’un commerce de boissons et de sandwiches soit ouvert le dimanche dans l’emprise des gares afin de permettre aux voyageurs de se restaurer, on comprend moins l’utilité d’ouvrir des magasins de chaussures ou de vêtements dans ces mêmes gares. Pourquoi ne pas autoriser l’ouverture de tels magasins partout ?
Indépendamment de la concurrence qui est faite aux commerces des centres-villes, il s’agit là encore d’ouvrir un espace supplémentaire à la consommation tous azimuts, sans répit, en mettant les travailleurs encore plus à contribution.
Les écologistes vous proposent donc, en cohérence avec leurs autres amendements, de supprimer l’article 79.
Mme la présidente. L’amendement n° 787 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 72 et 479 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a adopté l’article 79 après avoir procédé à des précisions rédactionnelles et corrigé une incohérence du texte.
La commission spéciale n’a pas jugé déraisonnable que les voyageurs puissent trouver dans les plus grandes gares de notre pays – définies dans le texte sur l’initiative du groupe UMP de l’Assemblée nationale –, à l’instar de certains aéroports, des commerces ouverts le dimanche proposant un choix de produits, notamment culturels, plus large que celui qui est offert par les kiosques à journaux actuels, sachant que des garanties existent et que des contreparties sont prévues pour les salariés.
La commission spéciale est donc défavorable à la suppression de l’article 79.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Comme cela a été rappelé, les gares sont en effet des lieux de passage, y compris le dimanche, de touristes nationaux et internationaux. Je vais donc, comme vous me le demandez légitimement, vous donner précisément la liste des gares dans lesquelles, du fait de leur taux de fréquentation, l’ouverture des commerces le dimanche est justifiée, comme je l’ai d’ailleurs déjà fait à l’Assemblée nationale, ainsi que la liste des critères ayant permis de l’établir.
J’ajoute, pour répondre précisément à votre demande, madame la sénatrice, que pourront ouvrir le dimanche les commerces situés dans l’emprise de la SNCF. C’est le critère qui a été retenu. Les zones de chalandise situées à proximité des gares ne sont donc pas concernées par la réforme que nous proposons.
Figurent dans cette liste les gares satisfaisant au moins à deux, voire souvent à trois des critères suivants.
Le premier critère est l’importance du trafic. Il existe ainsi une quinzaine de gares par lesquelles transitent plus de 20 000 voyageurs par jour. Le deuxième critère est un taux de touristes supérieur à 30 %. Une quinzaine de gares ont une fréquentation constituée pour plus de 30 % de touristes. Le troisième critère est l’existence dans la gare d’une surface commerciale comptant au minimum dix boutiques. Une emprise de la SNCF n’ayant aujourd’hui aucune boutique ne justifie en rien une ouverture dominicale.
Quand on croise ces critères, on obtient une liste de douze gares comprenant les six gares parisiennes – la gare Saint-Lazare, la gare du Nord, la gare de l’Est, la gare Montparnasse, la gare de Lyon et la gare d’Austerlitz –, plus la gare d’Avignon-TGV, qui est la plus touristique de France en proportion et qui dispose du minimum de dix boutiques, la gare de Lyon-Part-Dieu, qui répond aux trois critères, Marseille et Bordeaux, qui remplissent deux des critères, dont celui d’être très équipées en commerces, ainsi que Montpellier et Nice, qui sont très touristiques.
Ayant apporté ces précisions, j’émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 72 et 479.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1772, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
dont la commune est membre, et
insérer les mots :
des représentants
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle : c’est l’avis des représentants des employeurs et des salariés des commerces situés dans les gares qui devra être recueilli par le Gouvernement lors de l’élaboration de la liste des gares au sein desquelles les commerces pourront être ouverts le dimanche, selon les critères que vient de définir M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1773, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les avis requis en application du premier alinéa sont réputés donnés à l'issue d'un délai de deux mois à compter de la saisine des personnes et organisations concernées. »
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement tend à préciser que le délai dans lequel doivent être rendus les avis prévus par la procédure de désignation des gares est de deux mois, à la fois pour les personnes et pour les organisations concernées.
En l’absence de réponse à l’issue de ce délai, ces personnes – le maire, le président de l’EPCI – et ces organisations seront réputées avoir été consultées.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 79, modifié.
(L'article 79 est adopté.)
Article 80 (priorité)
I. – L’article L. 3132-26 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « prise après avis du conseil municipal » ;
b) À la seconde phrase, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « douze » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« La liste des dimanches est arrêtée avant le 31 décembre, pour l’année suivante. » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le nombre de ces dimanches excède cinq, la décision du maire est prise après avis conforme de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre.
3° Au second alinéa, les mots : « cette décision » sont remplacés par les mots : « la décision mentionnée aux deux premiers alinéas ».
II. – (Supprimé)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. L’article 80 prévoit de porter de cinq à douze le nombre de dimanches où, sur décision du maire, les commerces de la commune peuvent être ouverts – il s’agit de ce que l’on appelle communément les « dimanches du maire » –, cette disposition ne s’appliquant pas aux secteurs d’activité bénéficiant déjà d’une dérogation permanente de droit au repos dominical, comme l’ameublement ou le bricolage, ou d’un régime spécifique, comme l’alimentation.
Porter de cinq à douze le nombre de « dimanches du maire » n’est pas qu’une question de chiffres. Cela signifie passer à une ouverture un dimanche par mois, soit d’une ouverture exceptionnelle à une ouverture régulière.
En outre, sur proposition de Mme la rapporteur, la commission spéciale a supprimé la disposition introduite à l’Assemblée nationale qui prévoyait que, dans les grandes surfaces alimentaires, trois jours fériés d’ouverture dans l’année devaient déduits des « dimanches du maire ». Le nombre d’ouvertures autorisées peut donc atteindre douze, en plus des jours fériés.
Or, bien que des contreparties soient accordées aux salariés travaillant les « dimanches du maire » – un salaire double et un repos compensateur –, travailler un dimanche par mois n’est selon nous pas acceptable.
À cet égard, je pense en cet instant aux salariées d’ED-Dia d’Albertville, que je suis allée rencontrer plus d’une fois sur le parking de leur magasin. Elles se sont opposées à leur direction deux années durant afin de ne pas travailler le dimanche matin. Elles souhaitaient – et je dis bien « elles », car ces salariées étaient toutes des femmes –, malgré leurs très faibles salaires, profiter de leurs dimanches pour voir leur famille et leurs amis, se livrer à des activités personnelles, qu’elles soient associatives, culturelles ou sportives, bref, avoir du temps pour elles.
Chacun s’accorde d’ailleurs à dire que les emplois dans le commerce provoquent fatigue et stress et que ces maux vont grandissants. Les salariés de ce secteur souffrent d’importants troubles musculo-squelettiques, les TMS, lesquels sont douloureux pour les hommes et les femmes qui les subissent. En outre, les conséquences économiques de ces troubles – cela vous intéressera, mes chers collègues, vous qui êtes soucieux de réaliser des économies dans le budget de la protection sociale – sont considérables : d’après l’assurance maladie, les TMS sont la première cause de maladie professionnelle.
À ces maux déjà importants s’ajoutera, pour bon nombre des salariés qui seront contraints de travailler le dimanche, la précarité économique et sociale.
Nous devons nous interroger sur le modèle de société que nous voulons : souhaitons-nous une société entièrement tournée vers le consumérisme, où aucun espace ni aucune temporalité n’échapperont aux activités marchandes ? Au contraire, voulons-nous préserver du temps pour la famille, l’amitié, la nature, en les mettant à l’abri – un jour sur sept seulement, mes chers collègues, puisqu’il s’agit uniquement de préserver le dimanche – de l’injonction de consommer ?
Bref, l’homme a-t-il été créé pour le commerce ou le commerce pour l’homme ?
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l’article.
M. Dominique Watrin. L’article 80, qui prévoit d’augmenter le nombre de « dimanches du maire », participe des dispositions du chapitre Ier du titre III banalisant le travail le dimanche.
En effet, de cinq « dimanches du maire », nous allons passer à douze ! Certes, la disposition du projet de loi initial, qui prévoyait que cinq de ces dimanches seraient accordés de droit, a été supprimée afin de ne pas risquer de banaliser le travail le dimanche.
Le risque perdure néanmoins, car les commerces de détail pourront tout de même ouvrir un dimanche par mois. On est bien au-delà des ambitions affichées, l’étude d’impact visant les ouvertures lors des soldes et des fêtes de fin d’année, ces périodes étant déjà couvertes par les cinq dimanches actuellement autorisés.
Quel effet cette disposition aura-t-elle sur les petits commerces de proximité, notamment sur les commerçants présents sur les marchés le dimanche ? Alors qu’ils contribuent incontestablement au maintien du dynamisme des centres-villes, dont on a à plusieurs reprises parlé ici même, ils se verront concurrencer par les grandes surfaces.
Force est de constater que l’étude d’impact ne donne aucune indication sur les créations d’emplois que permettra cette mesure, et pour cause : des études montrent que, au contraire, elle entraînera la suppression d’emplois dans les commerces de proximité. Selon une estimation, le coût de ces nouvelles dérogations pourrait, à terme, concerner jusqu’à 200 000 emplois.
Les grandes surfaces développent de plus en plus les caisses automatiques. C’est une évolution dont il faut aussi tenir compte. En outre, des suppressions de postes interviennent également dans le secteur de la logistique. À titre d’exemple, 600 postes devraient être supprimés dans la filiale logistique d’Intermarché et six de ses trente-huit bases devraient être fermées d’ici à 2008.
Cette rupture d’équilibre entre le petit commerce et la grande distribution a d’ailleurs été relevée par l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE. Celui-ci a par ailleurs souligné, comme nous l’avons déjà dit, que l’ouverture dominicale entraînerait un transfert des dépenses et non une augmentation de la consommation.
Vous le voyez, on est loin de l’objectif affiché dans ce texte, qui est de « stimuler la croissance et la création d’emplois ».
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l’article.
M. Pierre Laurent. Après mes collègues Annie David et Dominique Watrin, je souligne que les douze « dimanches du maire » s’ajouteront aux dérogations déjà prévues pour les zones commerciales, les zones touristiques et les zones touristiques internationales. Si le texte prévoit des améliorations par rapport à la loi Maillé, il est loin de mettre en œuvre la fameuse simplification défendue par M. le ministre. Des règles différentes s’appliqueront en effet à chacune de ces zones.
Par exemple, dans les zones touristiques internationales, les zones touristiques et les zones commerciales, l’ouverture le dimanche requiert un accord collectif ou, à défaut, une décision unilatérale de l’employeur. Les règles sont différentes pour les autorisations préfectorales ou pour les douze « dimanches du maire ». De plus, la réglementation est elle aussi différente pour les salariés.
De surcroît, nos collègues de droite ont jugé bon d’ajouter une nouvelle exonération applicable aux entreprises de moins de onze salariés, au motif que l’obligation d’être couvert par un accord collectif était de nature à « porter atteinte au pouvoir de direction de l’employeur, qui est une composante de la liberté d’entreprendre, dès lors qu’elle ne permettrait pas de prendre en compte la difficulté qu’auraient certaines petites entreprises dépourvues de représentation du personnel et de délégués syndicaux, de parvenir à la conclusion d’un tel accord dans les conditions de droit commun, les privant ainsi d’une modalité de l’exercice de leur activité économique ».
Or cette interprétation de la jurisprudence du Conseil d’État est totalement erronée.
D’une part, le droit à la santé des salariés justifie que l’on pose des limites au pouvoir de décision de l’employeur. C’est ainsi, par exemple, que les conventions de forfait-jours ne peuvent être mises en place qu’en présence d’un accord collectif, à l’exclusion du pouvoir unilatéral de l’employeur.
D’autre part, depuis la loi de 2008, la conclusion d’accords collectifs est permise dans les entreprises de moins de 200 salariés dépourvues de délégués syndicaux avec les représentants élus ou, à défaut, avec un salarié mandaté.
Par ailleurs, le projet de loi n’établit aucune hiérarchie entre les différents accords : on doit donc interpréter cette disposition à la lumière du droit commun, qui, depuis la loi du 4 mai 2004, permet à un accord d’entreprise de déroger à un accord de branche, sauf si ce dernier en dispose autrement au moyen d’une clause de fermeture.
Il en va de même des accords professionnels : s’applique celui dont le champ territorial et professionnel est le plus décentralisé, sauf si une clause de fermeture a été conclue dans l’accord de niveau supérieur.
Ainsi, faute de dispositions particulières, il conviendrait plutôt d’appliquer la règle de faveur.
Aux préventions contre cet article qui ont déjà été explicitées s’ajoutent celles que je viens d’exposer.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 73 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 167 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Jourda.
L'amendement n° 480 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 788 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
L'amendement n° 946 est présenté par M. Collombat.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 73.
Mme Annie David. Après nos trois interventions, vous aurez compris, mes chers collègues, que nous sommes défavorables à l’article 80 : il est donc logique que nous en demandions la suppression.
Mme la présidente. L'amendement n° 167 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 480.
M. Jean Desessard. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 788 et 946 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 73 et 480 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 80 porte de cinq à douze le nombre de « dimanches du maire ». Cette question a suscité de vifs débats à l’Assemblée nationale. Au vu des auditions qu’elle a menées, la commission spéciale a souhaité préserver l’équilibre que représente le nombre de douze dimanches. Il s’agit certes d’une augmentation du nombre de dimanches autorisés, mais elle reste modérée.
Certaines municipalités ont institué des zonages, car le nombre de cinq dimanches actuellement autorisé par la loi leur paraissait insuffisant : elles souhaitaient pouvoir autoriser un plus grand nombre d’ouvertures dominicales. Si elles ne voulaient pas toutes ouvrir au même rythme, le nombre de douze dimanches par an, soit un dimanche par mois, correspondait bien aux besoins qu’elles exprimaient.
Le pouvoir discrétionnaire du maire en la matière est maintenu. Le nombre d’ouvertures autorisées pourra varier entre zéro et douze, selon les municipalités. Le maire n’étant pas obligé d’accorder ces ouvertures, il pourra maintenir les pratiques actuelles.
Mme Évelyne Didier. Il subira des pressions !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous avons veillé à ne pas provoquer de déséquilibre entre les centres-villes et les zones commerciales, lesquelles sont très souvent situées en périphérie des villes. Il s’agit d’éviter par exemple que le maire d’une commune périphérique autorise largement l’ouverture des commerces de sa commune le dimanche au risque de déséquilibrer ceux de la ville centre. Aussi, à partir de la sixième ouverture – c'est un point qui nous semble important –, un avis conforme de l’EPCI sera exigé : une régularisation de la concurrence pourra ainsi s’opérer.
De plus, l’article 80 bis du projet de loi étend le principe du volontariat aux salariés qui travaillent lors des « dimanches du maire », ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
La commission a estimé que l’article 80 ne conduirait pas les maires à banaliser le travail dominical. Il leur offre simplement une plus grande marge d’appréciation leur permettant d’adapter les pratiques commerciales aux spécificités de leur territoire.
Ne souhaitant pas la suppression de cet article, la commission spéciale émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Permettez-moi de revenir sur les prémices de cet article. Jusqu’à présent, le régime en vigueur donnait au maire la possibilité d’accorder jusqu’à cinq ouvertures par an le dimanche, sauf à Paris, où cette décision relève du préfet.
Le présent projet de loi introduit le volontariat, qui n’existait pas dans la loi pour les « dimanches du maire ». Il règle également certaines difficultés qui sont apparues récemment.
D’abord, pour de nombreuses enseignes situées en périphérie de zones commerciales ou de grandes villes, les cinq dimanches du maire n’étaient pas suffisants. Certains secteurs ont donc demandé une dérogation sectorielle, qui relève du niveau « décrétal ». C'est le cas, par exemple, du secteur du bricolage. Après plusieurs mois, ces magasins se sont rendus compte que le nombre de dimanches auxquels ils avaient dorénavant droit – une cinquantaine – était trop élevé et qu’ils préféreraient un dimanche par mois, soit douze dimanches par an. Je pense notamment à une enseigne bien connue du secteur, qui a été très active sur cette question.
Ensuite, une dizaine de communes aimeraient pouvoir ouvrir un peu plus que les cinq dimanches auxquels elles ont droit parce qu’elles sont situées à proximité de zones touristiques ou de certains espaces ayant le droit d’ouvrir plus souvent. Ces communes – c’est le cas de Bordeaux, pour ne citer qu’elle – ont parfois été conduites à demander leur classement en zone touristique. Toutefois, l’expérience leur a montré que cela n’avait pas de sens pour elles d’autoriser l’ouverture de leurs commerces cinquante-deux dimanches par an. Bordeaux est ainsi en train de revenir à un dimanche par mois.
Au regard des difficultés sectorielles et des éléments de déséquilibre observés sur les territoires, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a demandé en mars 2013 à M. Bailly de lui remettre un rapport sur ce sujet. À l’issue d’une concertation avec les représentants des territoires, les organisations professionnelles et les syndicats, M. Bailly a proposé le nombre de douze dimanches.
Je n’ai pas une approche fétichiste de ce nombre, qui a tant fait couler d’encre. Il constitue juste le point d’équilibre auquel est parvenu une personnalité reconnue pour sa pondération, après une concertation ayant duré plus de six mois et un examen de la situation des villes et des secteurs concernés. Les uns et les autres souhaitaient que les élus aient la possibilité d’ouvrir jusqu’à douze dimanches par an, un maire pouvant tout à fait décider de n’accorder aucune ouverture. Nous augmentons les possibilités d’ouverture, sans néanmoins déstabiliser le système.
Dans son rapport, M. Bailly faisait toutefois une proposition quelque peu différente de la nôtre : il souhaitait que l’initiative d’ouvrir certains dimanches soit laissée aux commerces eux-mêmes. Nous n’avons pas retenu cette solution, car elle aurait été difficile à mettre en œuvre : quelles associations sont en effet représentatives ?
Nous avons par ailleurs créé une instance de régulation afin d’éviter les comportements non coopératifs à l’échelon local. À compter du sixième dimanche travaillé, les avis conformes de l’EPCI et du SCOT seront nécessaires pour éviter les passages en force. Ainsi, le maire d’une petite commune limitrophe sur le territoire de laquelle serait implantée une grande surface pourrait ne pas obtenir l’ouverture douze dimanches par an dans le cas où l’EPCI considèrerait que cela fragiliserait les commerces du centre-ville. Une cohérence entre les territoires est nécessaire.
Tel qu’il est rédigé, l’article 80 permet d’octroyer plus de liberté aux élus de certains territoires, tout en faisant de la non-ouverture des commerces le dimanche la règle. Les élus pourront même, je le répète, décider de n’accorder aucun dimanche s’ils n’en éprouvent pas le besoin. Les maires sont les meilleurs juges. Il faut bien reconnaître que, dans certaines zones très rurales, l’ouverture des commerces le dimanche n’a pas beaucoup de sens.
Cet article accorde donc de la confiance aux élus, tout en prévoyant de la flexibilité et des instruments de régulation. C'est la raison pour laquelle il est, me semble-t-il, équilibré.
Pour terminer cette intervention, je répondrai à l’interpellation de Mme Lienemann ce matin : je ne suis pour ma part signataire d’aucune motion du parti socialiste.
M. Roger Karoutchi. Moi non plus ! (Sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Je considère que lorsqu’un ministre de la Ve République présente un texte, il le fait au nom du Gouvernement, et non en tant que signataire d’une motion A, B ou C. C’est en tout cas dans cet esprit que je défendrai ce projet de loi jusqu’à la fin de son parcours parlementaire. Il est le fruit d’un équilibre rationnel et il vise à défendre l’intérêt général.
L’article 80 prend en compte les expériences menées sur le terrain et le travail effectué par M. Bailly. Donner aux maires la liberté d’ouvrir jusqu’à douze dimanches par an, j’y insiste, est le bon point d’équilibre.
Je suis donc défavorable aux amendements de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, je vous félicite non pas de n’avoir signé aucune motion, mais d’avoir fait preuve d’une grande habilité ! Les ministres des gouvernements précédents étaient comme vous : à les entendre, ils avaient toujours trouvé le point d’équilibre !
Ainsi, cinq dimanches, ce n'était pas assez, mais cinquante-deux, c'était trop : douze, c’est un nombre raisonnable. C’est ce que tout le monde veut ! C’est plus que ce qui est autorisé aujourd’hui, cela permet d’offrir une certaine liberté, mais c’est moins que si on autorisait l’ouverture tous les dimanches. Vous avez trouvé le bon nombre et vous nous demandez de l’adopter !
Toutefois, la commission spéciale n’est pas tout à fait d’accord sur ce nombre puisque, si j’ai bien compris, elle souhaite ajouter trois jours supplémentaires pris sur les jours fériés.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Mais non !
M. Jean Desessard. Ce n’est pas cela ? Peu importe...
À vous entendre, monsieur le ministre, on a envie d’être d’accord avec vous. On se dit en effet que, après tout, on n’est pas à un dimanche près.
M. Roger Karoutchi. Allez, un beau geste ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Pourtant, je ne suis pas d’accord avec vous, car, à force d’étendre le travail le dimanche dans les zones de tourisme, dans les gares et dans les commerces de détail, vous multipliez les régimes dérogatoires.
Vous dites que les entreprises, en particulier dans le secteur du bricolage, ont envie d’ouvrir davantage le dimanche. Mais les salariés et les syndicats n’ont, eux, d’autre choix que de subir !
Vous dites également que les élus ont le choix libre d’autoriser ou non l’ouverture le dimanche. Or une entreprise souhaitant ouvrir le dimanche arguera du fait qu’elle paie des impôts et qu’elle joue un rôle important dans la vie économique de la commune pour faire pression sur le maire, qui devra lui céder. Il y aura évidemment une concurrence entre les collectivités ; elle existe déjà pour les zones franches, pour les mesures de défiscalisation. Chacune souhaite attirer les entreprises. Les élus n’auront donc pas le choix, puisqu’il leur faut favoriser l’activité économique dans leurs communes.
La véritable question qu’il faut se poser, c’est celle du respect du repos dominical. Si l’on estime que, à terme, il n’existera plus et qu’il faut autoriser l’activité économique partout pour être heureux, pourquoi fixer le point d’équilibre à douze dimanches et non à treize ? En revanche, si on respecte le repos dominical, on ne doit pas autoriser toutes ces dérogations.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, votre démonstration est éloquente.
M. Didier Guillaume. Oui !
M. Pierre Laurent. Vous avez commencé votre démonstration en nous expliquant que le nombre de douze dimanches était un équilibre parfait. C’est donc bien que votre intention était déjà de généraliser ce nombre, et non celui de cinq.
Par ailleurs, vous évoquez la liberté des maires. Or, comme vient de le dire mon collègue Jean Desessard, les maires subissent déjà de très fortes pressions pour ouvrir cinq dimanches par an. En portant le nombre de dimanches à douze, sachant qu’il existe par ailleurs d’autres dérogations au repos dominical, la pression sera maximale.
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas vrai !
M. Pierre Laurent. La liberté des élus est, de ce point de vue, une chimère.
De même, vous ne cessez de parler du volontariat des salariés du commerce, alors que vous savez pertinemment que, dans un secteur où les salaires sont extrêmement bas, où la précarité est très grande et où le pouvoir d’achat est totalement bloqué, il y a chantage à l’emploi et non volontariat !
Prenez ainsi le cas du candidat à un emploi dans le commerce à qui l’on demande innocemment lors de l’entretien d’embauche s’il est prêt à travailler le dimanche. Que pensez-vous qu’il répondra ? Il dira oui, évidemment, afin d’obtenir l’emploi ! Il ne s’agit donc absolument pas de volontariat, malgré le prétendu encadrement du travail dominical.
Ainsi cet article, de même que le reste du texte, constitue bel et bien un encouragement systématique à augmenter et à généraliser le travail du dimanche, et non un encadrement destiné à le limiter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Si l’on examine attentivement le texte de la commission spéciale, on constate qu’il est conforme au texte transmis par l’Assemblée nationale, ce qui est important pour le groupe socialiste.
Ce texte porte de cinq à douze le nombre de « dimanches du maire », mais ne nous faisons pas peur, de nombreuses communes n’atteindront pas le nombre maximal. Les cinq dimanches actuellement autorisés suffisent pour les fêtes de fin d’année, un événement local spécifique, et les soldes d’été et d’hiver. Les cinq dimanches sont vite atteints !
Mme Annie David. On peut y ajouter la fête des pères et la fête des mères !
Mme Nicole Bricq. Les « dimanches du maire » ne constituent donc pas une banalisation du travail dominical.
La disparition des cinq dimanches laissés à la seule décision du maire me paraît intéressante. L’ouverture de ces cinq dimanches sera certes proposée par le maire, mais elle sera désormais soumise à un vote du conseil municipal.
M. Didier Guillaume. Oui !
Mme Nicole Bricq. La démocratie locale y gagne donc, accordons-nous au moins sur ce point !
À compter du sixième dimanche, l’avis conforme de l’intercommunalité sera requis si la commune appartient à un EPCI, ce qui évitera les disparités entre communes, lesquelles représentent un sujet majeur de préoccupation aujourd’hui. Cela favorisera donc la cohérence territoriale, reconnaissez au moins cela.
Par ailleurs, et je m’adresse là à mes collègues de gauche, permettez-moi de souligner un point primordial : les salariés qui travailleront lors de ces dimanches verront leur rémunération doubler et bénéficieront en outre d’un repos compensateur. Ce « filet social » doit être pris en compte.
Certes, le mot d’« équilibre » n’est peut-être pas le meilleur, mais il faut tout de même savoir raison garder. Il ne s’agit pas de banaliser le travail dominical sur l’ensemble du territoire.
Le texte résultant des travaux de la commission spéciale, qui est conforme à celui de l’Assemblée nationale, respectant l’esprit général du projet de loi, il serait dommage de le supprimer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Permettez-moi de parler d’expérience, mes chers collègues. J’ignore qui, dans cet hémicycle, a déjà signé une autorisation d’ouverture dominicale. Moi, je l’ai fait, en tant que maire !
M. Roger Karoutchi. Et alors ?
Mme Évelyne Didier. Certes, nous sommes sans doute quelques-uns à l’avoir fait.
J’indique d’abord que tous les maires ont systématiquement autorisé cinq ouvertures dominicales.
Au début, les magasins n’ouvraient pas entre midi et quatorze heures. Ensuite, ce fut à celui qui ouvrirait le plus tôt. Enfin, pour capter la clientèle, l’un d’eux s’est dit : « Allez, j’y vais ! ». Les autres ont suivi et ouvert à leur tour le dimanche.
En fait, il n’y a pas plus d’argent. En ce moment, il y en a même plutôt moins. L’extension du travail dominical vise donc non pas à pousser les consommateurs à dépenser plus ni à permettre à je ne sais qui de gagner davantage, mais à capter l’argent disponible ! Il est complètement faux de prétendre qu’il s’agit de créer de la richesse : il n’est question que de concurrence et de captation de richesses dans des noyaux organisés. Ce qui sera dépensé dans les gares ne le sera plus dans la localité de destination !
Arrêtons donc de prétendre que, par un coup de baguette magique, l’ouverture des magasins le dimanche permettra de créer de la richesse, que les salariés auront plus d’argent à dépenser, car cela est faux. Cessons de dire n’importe quoi !
Si l’on veut créer des dynamiques dans les noyaux urbains, c’est autre chose, mais il faut alors le dire et avancer les véritables arguments.
Quant au maire, je peux vous garantir qu’il subira des pressions de la part des commerçants d’un côté et des salariés de l’autre. Les premiers voudront ouvrir douze dimanches par an, les seconds s’opposeront à l’octroi de l’autorisation. Que fera alors le maire ? Il s’en tiendra à la loi et accordera les douze dimanches travaillés, arguant que les commerçants y ont droit. Voilà comment cela se passera !
C’est cela, la vraie vie ! Je n’ai pas toujours l’impression en vous entendant que vous savez ce que c’est. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Vous n’êtes pas la seule à sortir dans les rues !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Mme Didier a apparemment touché un point sensible !
M. Roger Karoutchi. Pas du tout !
Mme Annie David. Permettez-moi d’ajouter quelques arguments à ceux qui viennent d’être avancés.
Les « dimanches du maire » ont normalement vocation à accompagner des moments de consommation exceptionnelle, telles les fêtes de fin d’année ou encore l’organisation d’un événement local, ainsi que l’ont rappelé Mme Bricq à l’instant et M. le ministre.
Je peux vous garantir que, pour atteindre les douze « dimanches du maire », on trouvera d’autres moments de consommation exceptionnelle, telle la fête des mères ou la fête des pères, ou encore la fête des grands-mères au mois de mars,…
M. Didier Guillaume. Celle des poissons rouges !
M. Roger Karoutchi. Et celle des grands-pères ?
Mme Annie David. … voire la Saint-Valentin !
M. Jean-Claude Lenoir. Et la fête des belles-mères !
Mme Annie David. Tous ces événements ne se produisant qu’une fois par an, pourquoi n’entraîneraient-ils pas l’ouverture des magasins le dimanche ? Je fais confiance à l’ensemble des acteurs locaux du commerce pour trouver des raisons d’ouvrir les douze dimanches auxquels ils auront droit.
J’ajoute que les « dimanches du maire » entraînant le doublement du salaire et l’octroi d’un repos compensateur – et c’est peut-être d’ailleurs leur seul aspect bénéfique –, ils créeront encore plus d’inégalités entre les salariés, ceux qui sont soumis au travail dominical en vertu d’un accord collectif ne bénéficiant pas de telles compensations.
À cet égard, on ne sait pas très bien qui négociera ces accords ni sous quel régime. J’ai pourtant pris connaissance de votre réponse tout à l’heure, monsieur le ministre, mais je n’ai pas compris pourquoi vous faisiez référence à la cinquième partie du code du travail,…
Mme Annie David. … mais je n’y reviens pas.
En tout état de cause, ces accords ne prévoiront pas le doublement du salaire ni un repos compensateur pour les salariés.
Enfin, selon vous, madame Bricq, le texte de la commission spéciale serait conforme à celui de l’Assemblée nationale ; or tel n’est le cas puisqu’elle a supprimé les trois jours fériés qui devaient être inclus dans les douze « dimanches du maire ».
Mme Nicole Bricq. On a expliqué cela tout à l’heure !
Mme Annie David. On en arrive donc à douze dimanches travaillés, auxquels s’ajouteront trois jours fériés.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Nous devrions à mon sens éviter de lancer des anathèmes, comme nous le faisons depuis ce matin.
M. Roger Karoutchi. Mais oui !
M. Didier Guillaume. Il n’y a pas d’un côté ceux qui connaissent la vraie vie et ceux qui ne la connaissent pas ; ceux qui défendent les travailleurs et ceux qui ne les défendent pas ; ceux qui savent, en tant qu’élus, ce qu’ils signent et ceux qui ne le savent pas. Ce n’est pas non plus cela la vraie vie, mes chers collègues !
M. Roger Karoutchi. Mais non !
M. Didier Guillaume. Quel commerçant se battra pour ouvrir douze dimanches par an si cela lui coûte plus que cela ne lui rapporte ?
M. Roger Karoutchi. Évidemment ! C’est du bon sens !
M. Jean-Claude Lenoir. Bravo !
M. Didier Guillaume. La réalité de la vie de tous les jours, c’est la loi de l’offre et de la demande !
Le texte que nous examinons est équilibré. Aujourd’hui, 30 % des actifs travaillent sept jours sur sept ! C’est ainsi le cas des éleveurs de moutons ou de chèvres de mon département, qui ne bénéficient pas en outre de jours de repos compensateur. Les femmes qui commencent tôt le matin pour faire des ménages ne bénéficient pas non plus de ces conditions. Ce texte, au risque de vous faire bondir, chers collègues, constitue donc une grande avancée sociale ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC.)
M. Pierre Laurent. Non !
M. Didier Guillaume. Nous disons clairement que le dimanche n’est pas un jour comme les autres et que nous ne voulons pas généraliser le travail dominical. Il n’en est pas question ! Le dimanche est destiné au sport, à la culture ou encore au rassemblement. Toutefois, il y a des gens qui travaillent le dimanche.
En outre, les douze « dimanches du maire » sont facultatifs. Si le maire décide de les autoriser, avec tous les verrous prévus – le vote du conseil municipal, l’accord de l’EPCI –, cela se fera dans l’intérêt des salariés.
Vous avez indiqué tout à l’heure, madame Didier, avoir déjà autorisé des ouvertures le dimanche. Sans doute certains chefs d’entreprises souhaitent ouvrir le dimanche, mais il existe aussi des salariés qui s’y opposent. Les situations ne sont donc pas si simples, ne cédons pas à la caricature !
Nicole Bricq vient de le souligner : non seulement cet article est équilibré, mais il constitue en outre une avancée, car il prévoit un doublement du salaire et l’octroi d’un repos compensateur. Et rien que pour cette avancée, ce texte va dans le bon sens.
Faisons donc confiance aux énergies locales, aux maires. Tous ne veulent pas asservir le peuple ! (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.) Il faut bien développer l’activité économique.
M. le ministre a donc raison de parler d’équilibre. On pourrait aller plus loin, mais on pourrait aussi aller moins loin.
L’Assemblée nationale et la commission spéciale proposent de conserver les cinq « dimanches du maire » tels qu’ils existent aujourd’hui et d’en autoriser éventuellement sept autres, sur proposition du maire, et après accord du conseil municipal, lors d’événements locaux, qu’ils soient communaux ou intercommunaux. Faisons donc confiance à l’intelligence collective. Il s’agit non pas de tout bouleverser, mais de répondre à un besoin, afin de dynamiser l’économie.
Je le répète, ce texte constitue véritablement une grande avancée sociale pour certains salariés, qui verront leur rémunération doubler lorsqu’ils travailleront le dimanche. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui ne bénéficient que de faibles compensations salariales – de l’ordre de 10 % à 25 % en plus – et de brefs repos compensateurs dans ce cas.
Certains préfèreraient que la situation reste figée. Pour notre part, nous pensons qu’il faut un peu libérer l’économie, les énergies, et favoriser les initiatives dans les territoires. Ce texte va donc dans le bon sens, même s’il ne plaît pas à tout le monde.
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Didier Guillaume. Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme Caroline Cayeux. Bravo !
M. Jean Desessard. L’UMP applaudit les avancées sociales !
M. Roger Karoutchi. Oui !
Mme Pascale Gruny. Cela arrive !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je ne fais pas partie, monsieur le ministre, de ceux qui sont persuadés qu’il était indispensable de porter de cinq à douze le nombre de « dimanches du maire ». En effet, il me semble que pour l’immense majorité des communes, même celles qui comptent plus de cinq mille habitants, les cinq dimanches étaient suffisants, en dehors bien entendu des zones commerciales et des zones touristiques internationales, dont nous avons parlé précédemment.
Toutefois, j’avoue être personnellement surpris, pour ne pas dire choqué, par l’image que vous donnez du maire, mes chers collègues.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Jean-Marc Gabouty. Je pense que la plupart des maires n’octroient cinq ouvertures dominicales que si elles sont nécessaires.
Pour ma part, en tant que maire, je signe des autorisations d’ouverture dominicale depuis dix-neuf ans ; j’en délivre deux tous les ans. Il ne m’est arrivé qu’à deux reprises d’en autoriser trois. Jamais aucun salarié n’est venu me reprocher de l’avoir fait. De façon générale, les salariés comprennent tout à fait que l’on ouvre certains dimanches, en principe les deux qui précèdent Noël, de nombreux achats étant effectués au cours de cette période.
Pour connaître un certain nombre d’élus de sensibilités politiques différentes, je peux vous dire qu’ils ne sont pas « au taquet » en matière d’ouverture le dimanche !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ils ne le seront pas plus demain !
M. Jean-Marc Gabouty. Quant aux éventuelles pressions, permettez-moi de rappeler que le maire est indépendant : il a le droit de résister !
Certains dérogent même à la loi actuelle, raison pour laquelle j’ai déposé des amendements visant à augmenter le niveau des sanctions.
Chers collègues, ne donnez pas cette image des élus. Pour ma part, je leur fais confiance, quelle que soit leur sensibilité politique. Ils sont majeurs ! Où va-t-on si l’on subit des pressions pour des histoires d’ouverture le dimanche ?
Je pense que le pouvoir de décision dont ils disposent en la matière est tout à fait valorisant pour les maires. Et, si je suis d’accord avec la proposition faite par M. le ministre dans le cadre de ce texte, c’est parce que je crois à l’esprit de responsabilité des élus, qui sauront trouver la bonne mesure et ne céderont pas forcément à je ne sais quelle pression des uns ou des autres.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Je veux apporter un témoignage de ce qu’est la « vraie vie » pour un chef d’entreprise (Sourires sur les travées de l’UMP.), en vous donnant lecture d’un extrait de l’arrêté qui a été pris en réponse à une demande d’autorisation d’ouverture le dimanche formulée, en janvier dernier, à Paris, à l’issue d’un véritable parcours du combattant pour constituer un dossier administratif relativement important :
« Le Conseil de Paris, siégeant en formation de conseil municipal, consulté,
« Vu l’avis favorable de la chambre de commerce et d’industrie de Paris,
« Vu la réponse de la chambre des métiers et de l’artisanat, qui se déclare non concernée,
« Vu l’absence de réponse de la Fédération des enseignes de l’habillement,
« Vu l’absence de réponse de la chambre syndicale des commerces de l’habillement […],
« Vu l’avis défavorable du syndicat SUD, concerné,
« Vu l’absence de réponse du syndicat du commerce interdépartemental d’Île-de-France CFDT,
« Vu l’absence de réponse de la Fédération nationale de l’encadrement du commerce des services,
« Vu l’absence de réponse de la Fédération des commerces Force de vente-CFTC,
« Vu l’absence de réponse de l’Union syndicale CGT du commerce,
« Vu l’absence de réponse du syndicat FO,
« En l’absence de réponse de la Fédération des employés CGT-FO […] ».
Autrement dit, un avis favorable, un avis défavorable et près de dix absences de réponse, pour une demande d’autorisation concernant un seul dimanche ! Et cette réponse a été signifiée au chef d’entreprise le 23 janvier, pour un événement qui devait avoir lieu dans la capitale le dimanche 25 janvier…
Cet exemple témoigne de la « pression insoutenable » qui s’exerce…
À la lumière de ce témoignage, je vous invite à recentrer notre débat sur les vraies questions à l’ordre du jour. Pour l’instant, le texte dont nous discutons ne simplifie en rien ou presque rien la vie quotidienne des chefs d’entreprise, qui doit être améliorée.
Chère collègue, vous dites que cette mesure n’entraînera pas de progression du chiffre d’affaires, mais il en résultera bel et bien une création de richesses, par exemple, par rapport au commerce sur internet.
M. Roger Karoutchi. Évidemment !
M. Philippe Dominati. Quand on a des charges fixes, le fait de disposer des plages d’ouverture plus importantes en nombre de journées augmente automatiquement le chiffre d’affaires. L’augmentation est même de 2 à 3 %, pour un commerce normal, quand sept dimanches sont ouverts sur l’année. Telle est la réalité du commerce et de la distribution.
Vous évoquez une pression insoutenable. Pour ma part, lorsque je vois tous les syndicats qui ont été consultés sur le cas particulier que j’ai évoqué, je dois dire que je n’ai pas exactement la même vision de la « vraie vie » que vous ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.
M. Michel Le Scouarnec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voulais insister sur un aspect du texte qui ne me semble pas avoir été évoqué, mais qui me paraît fondamental, dans la mesure où il marque, selon moi, un recul de la société : je veux parler des enfants.
J’ai été enseignant et animateur dans des structures accueillant les enfants le samedi. Je vois que les familles monoparentales sont beaucoup plus nombreuses aujourd'hui qu’il y a trente ans. Or je sais que, pour réussir, l’enfant à l’école a besoin d’un « temps parental » important. Or celui-ci s’est réduit au fil du temps.
La plus grande crainte que m’inspire ce projet de loi concerne l’enfant. En effet, si le parent travaille douze dimanches par an, c’est l’échec scolaire généralisé que l’on prépare !
Alors que l’on sait qu’il est fondamental de ne pas laisser l’enfant échouer à l’école et que d’ores et déjà 140 000 ou 150 000 enfants sortent sans diplôme du système scolaire, on irait encore prendre une décision contraire à la réussite scolaire ?
L’enfant a besoin de faire du sport et d’accéder à la culture, mais il a aussi besoin de temps parental « pur » ! L’enfant a besoin de vivre avec ses parents, pour grandir, pour acquérir son autonomie, pour avoir le plus de chances de réussir.
Pour moi qui ai exercé ce beau métier d’enseignant et qui ai des enfants et des petits-enfants, c’est ce qui compte le plus, non seulement pour les enfants eux-mêmes, mais aussi pour l’avenir de la société. Nous risquons de payer cher toute mesure qui irait à l’encontre de la réussite des enfants.
En tant que maire, il m’est arrivé de signer des autorisations d’ouverture pour trois ou quatre dimanches dans l’année, au moment des fêtes de Noël en particulier, pour répondre à une demande de la population, car il y a des habitudes, des traditions, et les nouveaux élus, sur ce plan, font un peu comme leurs prédécesseurs. On ne change pas trop les traditions dans les territoires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. On voit bien qu’il y a, sur ce point, des désaccords profonds. Ceux-ci me semblent liés au projet de société que chacun défend.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Roger Karoutchi. Quel est le rapport ?
Mme Laurence Cohen. On ne peut pas faire abstraction de ce débat, qui nous occupe en fait depuis ce matin.
Nous sommes en 2015.
M. Roger Karoutchi. Justement !
Mme Laurence Cohen. Or qu’entend-on dans la discussion ? Que des tas de gens travaillent le dimanche, que ces salariés sont mal payés, qu’ils ne bénéficient d’aucune compensation. Mais, eurêka, nous aurions trouvé la solution : élargir les possibilités de travail le dimanche, avec des compensations réelles.
On nous dit que c’est le sens du progrès et qu’il ne faut pas que nous restions figés.
M. Roger Karoutchi. Oui !
Mme Laurence Cohen. Chers collègues, au risque de me répéter, oui, nous sommes en 2015, et les progrès techniques sont extraordinaires.
M. Roger Karoutchi. Justement !
Mme Laurence Cohen. On pourrait penser que c’est le moment de réduire le temps de travail ; on pourrait penser que c’est le moment de promouvoir une autre conception de la vie ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Eh oui, c’est comme cela, chers collègues !
J’aimerais que l’on ait un vrai débat sur ce point. On nous dit que le travail le dimanche est la solution au chômage, la condition de la reprise.
M. Roger Karoutchi. Les 35 heures, voilà qui devait être la solution !
Mme Laurence Cohen. Le chômage en France serait donc dû à la fermeture des magasins le dimanche ? Excusez-moi, mais l’argument est tout de même extrêmement fallacieux !
Je ne sais pas de quel côté sont les positions figées. En tout cas, plutôt que dégrader encore et toujours les conditions de vie et de travail des mêmes, c’est être les deux pieds dans son siècle que de permettre aux femmes et aux hommes de vivre dignement, décemment, avec des salaires qui leur assurent un niveau de vie correct. Telle devrait être l’ambition du Sénat !
Quant à l’avenir des enfants, que mon collègue évoquait à l’instant, je veux rappeler que nous l’avons abordé ce matin, au travers des moyens de garde ou encore des services publics. Mais, curieusement, on semble considérer ici que ce n’est pas un problème et que les familles, y compris monoparentales, se débrouilleront. Cette attitude peut être extrêmement choquante.
Je ne sais pas où est la « vraie vie », mais il semble que tous les sénateurs ne prennent pas en considération les mêmes données. Pour ce qui nous concerne, nous sommes préoccupés par le nombre actuel de chômeurs, par la pauvreté qui s’accentue et qui, de plus en plus, a un visage féminin. À cet égard, ce projet de loi ne va pas dans les sens du progrès ! (Très bien ! sur les travées du groupe CRC. – Mme Annie David applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Dominati abordait à l’instant la question de la Mairie de Paris. Je crois qu’après le vote de la loi on en restera à la liberté de décision de tous les maires, comme M. le ministre l’a dit, et c’est heureux. C’est une liberté pour les maires, et il est bon que cela demeure ainsi.
Cela étant, il est important de prendre en compte les commerces, les chefs d’entreprise, mais aussi de rencontrer les syndicats et de veiller à garder un équilibre.
Pour être également maire et avoir l’occasion d’accorder la possibilité de travailler le dimanche, j’estime que, dans les territoires où nous sommes élus, nous devons aussi faire en sorte qu’il y ait un équilibre entre grandes surfaces et petits commerces. Le vrai problème, dans les villes de 10 000, 15 000, 20 000 habitants, c’est de garder les commerces de centre-ville (Mme Nicole Bricq opine.), et je vous assure que c’est très difficile, surtout quand les grandes surfaces, à côté, se mettent à ouvrir le dimanche… C’est pour cela que le travail du dimanche doit être limité, et non généralisé.
Aujourd’hui, on discute du passage à douze du nombre de dimanches du maire. On aurait pu retenir le chiffre de sept. En tout état de cause, on ne généralise pas le travail du dimanche. C’est important. On nous dit que l’on met le pied dans la porte : ce n’est pas le cas !
Il importe également, lorsque l’on parle des grandes surfaces, de savoir que les salariés qui y travaillent sont souvent des femmes et que, parmi elles, beaucoup élèvent seules leurs enfants. Aujourd'hui, le travail est déstructuré. La souffrance au travail existe ! Certaines personnes, qui ne travaillent que quelques heures par semaine, dépensent plus dans les trajets domicile-travail que ce qu’elles gagnent. C’est pour cela que nous devons faire en sorte que le travail du dimanche soit assorti de compensations, comme cela est, au demeurant, prévu.
Je ne voudrais pas que la France se modèle sur la Grande-Bretagne, où, aujourd'hui, des personnes travaillent à la journée, ou encore sur la Belgique, où les facteurs ont été remplacés par des personnes engagées à la journée, rémunérées vingt euros. Il doit y avoir des protections.
M. Roger Karoutchi. Quel est le rapport ?
M. Martial Bourquin. Ces protections, le ministre les a évoquées. Il est important de les conserver et de faire en sorte que, là où il n’y en a pas aujourd'hui, il y en ait demain, quand on aura voté la loi. Aujourd'hui, en effet, des gens travaillent le dimanche sans aucune compensation. C’est intolérable !
Mme Laurence Cohen. Cela va continuer !
M. Martial Bourquin. Pour finir, je veux dire que le dimanche est très important pour chacun, qu’il soit ou non croyant. Certains ne veulent pas travailler le dimanche pour des raisons qui leur sont personnelles, pour se retrouver en famille, pour passer de bons moments ensemble, parce que c’est le seul jour où il n'y a pas classe,…
M. Roger Karoutchi. Pas avec la semaine des quatre jours !
Mme Annie David. Et pourquoi pas ouvrir les écoles le dimanche, monsieur Karoutchi ?
M. Martial Bourquin. … où la plupart des personnes ne travaillent pas. Bien évidemment, je ne parle pas ici des personnels hospitaliers qui, heureusement pour les patients, travaillent le dimanche !
Dans ces conditions, je considère que les protections proposées permettront d’éviter tout dérapage. À cet égard, les amendements que nous avons déposés sont importants pour empêcher que, demain, le travail du dimanche ne soit généralisé. Ce serait une catastrophe, et, du reste, cela n’apporterait pas de croissance supplémentaire.
Il faut aussi éviter d’oublier celles et ceux qui travaillent. En effet, le travail déstructuré fait des ravages dans notre société. La pauvreté a pris des proportions inacceptables. Parmi les 8 ou 9 millions de personnes pauvres en France, il y a aussi des travailleurs pauvres ! Sans vouloir verser dans les généralités, j’ai la faiblesse de penser que, souvent, ceux-ci travaillent quelques heures par semaine dans de grandes surfaces éloignées de leur domicile.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’allongerai pas le débat, même si nous sommes quelques-uns ici à être capables de siéger jusqu’à plus de cinq heures du matin… (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Nous ne sommes pas si nombreux !
M. Jean-Claude Requier. Je veux seulement exprimer le point de vue de mon groupe sur ces amendements.
Deux visions s’opposent.
Certains ont de l’augmentation de cinq à douze du nombre de dimanches du maire une vision très négative. Pour eux, les douze dimanches, ce sont les « douze salopards » ! (Rires.) Ils repoussent cette mesure et accablent de critiques une solution en laquelle ils ne voient que des défauts.
D’autres ont des douze dimanches une vision beaucoup plus optimiste, quasi angélique.
Mme la présidente. Les douze apôtres, maintenant !
M. Jean-Claude Requier. Ils y voient en effet les « douze apôtres » (Nouveaux rires.) et, pour eux, la mesure, sans bouleverser le commerce, sera un « plus » certain.
Notre groupe, dans sa majorité, pense qu’il s’agit d’une mesure équilibrée, nécessaire et allant dans le bon sens. Pour ces raisons, nous la voterons.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Convaincu par la commission, je vais retirer quelques-uns des amendements que j’ai déposés.
Toutefois, puisqu’il est question de vraie vie, je me dis que, si des gens suivent en ce moment nos débats – cela m’étonnerait, à une heure aussi tardive –, ils doivent juger tout cela un peu surréaliste. (Mme Catherine Deroche, corapporteur, approuve.)
Je n’insulte personne et respecte les convictions et familiales et religieuses de chacun, mais le dimanche, si les magasins sont fermés, je peux faire des achats sur internet auprès de sociétés étrangères qui me livreront des produits venus des États-Unis ou d’ailleurs sans que cela rapporte un sou aux travailleurs français.
Et croyez-vous réellement que les gens, parce qu’ils sont chez eux, ne pensent qu’à s’occuper de leur famille ? Moi aussi j’ai été enseignant, moi aussi je sais les ravages des familles qui ne suivent pas suffisamment leurs gosses !
Croyez-vous réellement que les gens ne vont pas sur internet le dimanche, alors que les magasins sont fermés ? Vous parlez d’un monde idéal qui n’existe pas ! Pourquoi le commerce sur internet progresse-t-il chaque année, depuis dix ans, de 10 à 15 % ? Qui achète, sinon les Français, même lorsque les commerces sont ouverts ? Or internet ne ferme pas, ni la nuit ni le dimanche. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) J’en suis désolé, mais c’est ainsi ! Les modes de vie évoluent, il faut en tenir compte. Ce n’est pas moi qui ai inventé internet – remarquez que j’aurais bien aimé, mais mes capacités techniques sont bien trop modestes. (Sourires.)
Qu’est-ce que cette vraie vie dont vous parlez ? Certains, même si les commerces sont ouverts cinq dimanches, douze dimanches, …
Mme Éliane Assassi. Cinquante-deux dimanches !
M. Roger Karoutchi. … tous les dimanches, n’iront pas faire leurs courses ce jour-là.
D’autres, dans nos villes – peut-être un peu moins dans certains territoires – se plaignent du manque d’activités, du peu d’animation.
Mme Annie David. Les stades, les cinémas, les théâtres sont ouverts !
M. Roger Karoutchi. Si nous nous efforçons de trouver une solution, de faire en sorte que les salariés travaillant le dimanche soient à la fois protégés et mieux payés et que les gens puissent se rendre dans les commerces de proximité ces cinq ou douze dimanches par an, qui y perdra quoi ?
Je suis très respectueux des traditions et de la vie religieuse de chacun, mais enfin, ne me dites pas que cette vie religieuse va être remise en cause par l’ouverture de sept dimanches par an au lieu des cinq aujourd’hui autorisés ! À qui voulez-vous faire croire cela ? Aux Français ?
Au-delà des élus, considérez la vie quotidienne de nos concitoyens. Là où j’habite, certains centres commerciaux sont ouverts le dimanche : il y a un monde fou ! Et les gens viennent en famille, avec leurs enfants…
M. Alain Néri. Ils feraient mieux d’aller sur les stades !
M. Roger Karoutchi. Oui, bien sûr, ils feraient mieux d’aller faire du sport.
M. Alain Néri. Ou au théâtre !
M. Roger Karoutchi. Mais vous voulez les contraindre à aller faire du sport ? Les contraindre à s’occuper de leurs enfants ? Quoi d’autre, encore ? Créer une police politique chargée de surveiller ce que font les gens le dimanche, chez eux ?
Arrêtons un peu : qui sommes-nous pour imposer leur mode de vie à nos concitoyens ?
Je vais aller dans le sens de la commission, car je préfère trouver une solution concertée plutôt que demander toujours davantage, mais, mes chers collègues, pas de leçons, ni de morale ou de religion, ni de famille ou de commerce : personne n’a à gagner, et surtout pas les magasins français, à ce que nos concitoyens se tournent vers le commerce électronique !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 73 et 480.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 124 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 709, présenté par MM. Karoutchi, Calvet, Morisset et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot, M. Mouiller et Mme Primas, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 3132-26 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le maire désigne, eu égard à l’existence d’événements particuliers du calendrier, cinq dimanches par an pour lesquels, dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos peut être supprimé. Le maire fixe par arrêté, avant le 31 décembre de l’année en cours, pour l’année suivante, la liste de ces dimanches. En outre, dans les mêmes établissements, ce repos peut être supprimé certains autres dimanches désignés, dans la limite de sept, pour chaque commerce de détail, par décision du maire. » ;
2° Au second alinéa, les mots : « cette décision est prise » sont remplacés par les mots : « ces décisions sont prises ».
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement tend à revenir à la rédaction initiale du projet de loi afin d’éviter que, dans certaines communes, les élus ne puissent refuser, pour des raisons diverses et variées, l’ouverture aujourd’hui autorisée des commerces cinq dimanches par an.
Autant je peux comprendre que, dans certains endroits, on refuse d’aller jusqu’à sept ou douze dimanches, autant je ne comprendrais pas que le texte issu de nos travaux soit plus restrictif que le droit aujourd’hui en vigueur.
C’est la raison pour laquelle je propose de faire une base de ces cinq dimanches annuels.
Mme la présidente. L'amendement n° 712, présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot, MM. Lefèvre et Mouiller et Mme Primas, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après le sous-paragraphe 2 du paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de travail, il est inséré un sous-paragraphe 3 ainsi rédigé :
« Sous-paragraphe 3
« Dérogations accordées par le maire
« Art. L. 3132-27-2. – Sans préjudice de l’article L. 3132-26 et sous réserve des contreparties et des engagements fixés dans les mêmes conditions que ceux mentionnés à l’article L. 3132-25-3, dans les établissements de commerce de détail, le repos hebdomadaire dominical peut être supprimé sept dimanches par an par décision unilatérale de l’employeur prise après avis, s’ils existent, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Je retire cet amendement, madame la présidente, souhaitant, comme je l’ai dit, une solution équilibrée acceptable par tous.
Mme la présidente. L’amendement n° 712 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 709 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La législation actuelle offre la possibilité d’ouvrir les commerces jusqu’à cinq dimanches par an. Il ne s’agit que d’une possibilité, non d’un droit.
Dans la région Pays de la Loire, la ville de Nantes, par exemple, a toujours eu une position très stricte de non-ouverture des dimanches avant les fêtes. L’ancien maire s’y est toujours refusé. Il me semble que le sénateur-maire d’Angers a adopté une position similaire.
Nous portons cette possibilité d’ouverture dominicale à douze dimanches par an. Je ne vais pas revenir sur les arguments déjà développés : pour certains territoires, le seuil de cinq est largement suffisant, voire trop élevé, pour d’autres, c’est l’inverse.
La rédaction retenue par l’Assemblée nationale prévoit que le maire décide des ouvertures jusqu’à cinq dimanches, et que l’EPCI est consulté au-delà, pour des raisons d’équilibre entre zones commerciales et centres-villes.
Actuellement, il ne s’agit pas d’une autorisation de droit pour cinq dimanches. Si c’est bien ce que préconisait le rapport Bailly et ce que prévoyait le projet de loi initial, l’Assemblée nationale en a décidé autrement. Pour ma part, j’ai souhaité en rester à cet équilibre.
Je pense que les maires connaissent bien leur territoire et qu’ils ne souffrent pas d’une quelconque pression des commerçants, certains ayant toujours tenu leur position restrictive sur la question. Pour autant, il revient aussi aux habitants de signifier aux maires et à l’équipe municipale s’ils sont d’accord ou non avec la politique commerciale menée.
Le Sénat ne saurait retirer aux maires le pouvoir de décider des ouvertures dominicales sur le territoire de leur commune, compte tenu des nouvelles contreparties accordées.
Dans ces conditions, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi. Je maintiens l’amendement !
Mme la présidente. Je suis saisie de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 711, présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 9
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
I. – L’article L. 3132-26 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-26. – Dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, le maire désigne les dimanches où ce repos peut être supprimé.
« Dans les communes de plus de 100 000 habitants, le nombre de ces dimanches ne peut excéder trente par an et ne peut être inférieur à douze.
« Dans les communes de moins de 100 000 habitants, le nombre de ces dimanches ne peut excéder douze par an et ne peut être inférieur à huit. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Je retire cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 711 est retiré.
L'amendement n° 710, présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet et Mmes Deseyne, Mélot et Primas, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 9
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 3132-26 du code du travail est ainsi rédigé :
« Le maire désigne, eu égard à l’existence d’événements particuliers du calendrier, douze dimanches par an pour lesquels, dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos peut être supprimé. Le maire fixe par arrêté avant le 31 décembre de l’année en cours, pour l’année suivante, la liste de ces dimanches. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Vous proposez de permettre jusqu’à douze ouvertures dominicales par an. Par cet amendement, je propose que ces douze dimanches ouvrés soient de droit, le maire en fixant la date par arrêté.
J’ai entendu le ministre dire qu’après examen des diverses expérimentations, notamment à Bordeaux, le plafond de douze dimanches constituait un bon équilibre. Adoptons donc cette ligne et confions au maire le soin de fixer la liste de ces dimanches avant le 31 décembre, pour permettre à chacun de s’organiser.
Mme la présidente. L'amendement n° 713, présenté par MM. Karoutchi, Calvet, Morisset, Magras et Pierre, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido et Doligé, Mmes Deseyne et Mélot et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque le nombre de ces dimanches excède cinq, la décision du maire est prise après avis du conseil municipal. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Il faudrait que la commission m’explique pourquoi le maire, s’il décide d’aller au-delà de cinq dimanches par an, doit obtenir l’accord de l’EPCI. Ne peut-il se contenter de celui du conseil municipal ?
S’il faut obtenir l’accord de l’EPCI chaque fois qu’un maire dépassera ce seuil, ce sera très compliqué. Le temps d’en réunir les membres, de se mettre d’accord pour un dimanche supplémentaire sur telle commune, l’EPCI aura toutes les raisons du monde de bloquer le système.
Je reste particulièrement sceptique sur ce dispositif. Autant je peux comprendre que l’on s’oppose aux douze ouvertures dominicales, autant je ne comprends pas les raisons pour lesquelles le maire devrait passer devant l’EPCI pour aller au-delà de cinq.
Mme la présidente. L’amendement n° 947 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 1235, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’alinéa 4 de cet article portant de cinq à douze le nombre de dimanches qui, sur autorisation du maire, peuvent être travaillés.
Les conditions de vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens sont de plus en plus difficiles, leurs conditions de travail, de plus en plus précaires. Rappelez-vous Noël dernier : le budget des Français a connu un repli de près de 4 %. Dès lors, ce qu’attendent nos concitoyennes et nos concitoyens, ce n’est pas de travailler plus, mais d’avoir un salaire décent.
Quel sens y a-t-il à espérer une reprise économique en ouvrant les commerces plus longtemps, alors que le pouvoir d’achat des citoyens n’augmente pas ? D’ailleurs, tous les commerces ne tireront pas leur épingle du jeu en cas de prolifération des ouvertures dominicales : les commerçants devront assumer les coûts d’une consommation étalée sur sept jours, sans aucune garantie que leur chiffre d’affaires augmente proportionnellement.
Pour ces raisons, je vous invite à adopter notre amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 911 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
douze
par le mot :
cinquante-deux
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Nous examinons un projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques en procédure accélérée, une accélération du reste gentiment tempérée par certains de nos collègues. (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Procédure accélérée, mais pas urgente ! (Nouveaux sourires.)
M. Olivier Cadic. Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous offrir cette occasion. Alors chiche ! Libérons l’activité pour libérer la croissance. Saisissons, comme nous y invite cet article, toutes les opportunités de sortir d’une économie administrée en faisant confiance aux acteurs de terrain. La confiance, voilà une vertu cardinale de l’économie.
Nous savons tous, monsieur le ministre, combien vos négociations sont ardues pour ajouter au nombre d’autorisations d’ouverture dominicale des commerces une poignée de dimanches.
Pourquoi un tel débat, somme toute ? Je vous propose de laisser toute latitude aux maires de France pour autoriser ou non les ouvertures dominicales dans une fourchette comprise entre zéro et cinquante-deux dimanches. Cela ne devrait choquer personne au Sénat, institution représentative des collectivités territoriales et donc des maires.
Je vous propose de faire confiance à nos élus : charbonnier est maître chez lui ! Chaque maire de France est forcément mieux placé que nous tous ici pour savoir ce qui est bon pour sa ville. Laissons-le juge de l’intérêt de ses propres administrés et de son économie locale !
La France est une terre de contrastes et de diversité, c’est sa grande richesse. Pourquoi le nier par le biais d’une loi jacobine et coercitive ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Pourquoi ne pas dire qu’il existe des particularismes locaux et que, en tant que législateurs, nous estimons sage d’en tenir compte ? Je suis convaincu que vous seriez fort surpris, mes chers collègues, de voir l’attitude qu’adopteraient certains de vos détracteurs, dès lors qu’il s’agit de l’intérêt économique de leur propre commune, là même où ils croisent leurs électeurs dans la rue.
Donnons aux édiles de France un nouvel outil économique et laissons-les expérimenter pleinement son usage. S’il faut border le sujet, un jour, plus tard, le législateur y reviendra, afin de résoudre des difficultés éventuelles. Mais, dans un premier temps, libérons les énergies et faisons confiance.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ne nous contentons pas de desserrer le corset d’une France qui respire de plus en plus péniblement ! Jetons-le à la rivière ! Le maire qui ne voudra retenir que cinq dimanches le fera, tout comme celui qui voudra en retenir douze. Et celui qui voudra autoriser l’ouverture cinquante-deux dimanches par an en aura également la possibilité !
Au nom de la croissance et de l’activité, je vous exhorte à voter, cette nuit – permettez-moi cette référence à Nehru –, pour la liberté.
Mme la présidente. L’amendement n° 168 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 406 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Chaize, Allizard, Guené et J. Gautier, Mme Cayeux, MM. G. Bailly, Charon et Chasseing, Mme Deromedi et MM. Duvernois et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
arrêtée
insérer les mots :
, notamment au regard d'événements particuliers du calendrier,
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. L’amendement n° 406 rectifié vise à introduire une précision. La procédure de délivrance des autorisations d’ouverture des magasins le dimanche est peu lisible et complexe, tant pour les élus et leurs administrations que pour les commerçants. La demande de dérogation à la règle du repos dominical exige en effet d’accomplir tout un parcours administratif.
Je propose donc, pour faciliter la prise de décision, d’introduire les mots « notamment au regard d’événements particuliers du calendrier. Un libraire de Brive-la-Gaillarde voudra ouvrir lorsque se tient la Foire du livre, tandis qu’un autre commerçant, dans un autre endroit, en fonction d’un autre événement, voudra ouvrir un autre dimanche.
Avec cet amendement, les maires pourront s’appuyer sur la concomitance d’événements particuliers pour justifier l’autorisation d’ouverture.
Mme la présidente. L'amendement n° 407 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Chaize, Gilles, Allizard et J. Gautier, Mme Cayeux, MM. G. Bailly, Charon et Chasseing, Mme Deromedi et M. Duvernois, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer la date :
31 décembre
par la date :
30 novembre
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. L’amendement n° 407 rectifié concerne la date du 31 décembre, qui engage le commerçant pour l’année suivante. Je souhaiterais qu’elle soit remplacée par celle du 30 novembre, et ce pour une raison très simple : le chef d’entreprise doit disposer d’un délai d’un mois pour informer ses salariés. Par conséquent, si l’événement a lieu en janvier, la date du 31 décembre pose problème.
Les deux amendements que j’ai présentés sont sans doute mineurs, mes chers collègues, mais leur adoption permettrait de faciliter la vie de ceux qui souhaitent obtenir des dérogations de ce type.
Mme la présidente. L'amendement n° 1774, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À défaut de délibération dans un délai de deux mois suivant sa saisine, cet avis est réputé favorable.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Par cet amendement, il s’agit de préciser que, à défaut de délibération dans un délai de deux mois suivant la saisine, l’avis de l’organe délibérant de l’EPCI sur les dimanches du maire est réputé favorable.
Une telle disposition répond en partie à notre collègue Roger Karoutchi, qui s’interrogeait sur les conséquences d’une réponse tardive de l’EPCI.
Mme la présidente. L'amendement n° 618, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les commerces de détail dont la surface de vente est supérieure au seuil mentionné au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, lorsque les jours fériés mentionnés à l’article L. 3133-1, à l’exception du 3° , sont travaillés, ils sont déduits par l’établissement des dimanches désignés par le maire au titre du présent article, dans la limite de trois. » ;
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Tout n’est pas parfait dans le texte de la commission spéciale, et une disposition n’est pas conforme à ce que nous souhaitons. Cet amendement concerne les fameux trois jours fériés.
Nous voulons respecter le travail d’élaboration effectué à l’Assemblée nationale. Il faut obliger les commerces alimentaires ayant une surface de plus de 400 mètres carrés à déduire les jours fériés du nombre des ouvertures dominicales autorisées par le maire.
En effet, la limite proposée de trois jours fériés correspond, si l’on se réfère à la convention collective, au nombre de jours fériés travaillés.
L’ouverture fréquente des grandes surfaces dans des parties de notre territoire où elle n’a aucune justification déstabilise les petits commerces avoisinants, qui souffrent et sont ainsi amenés à disparaître rapidement.
Pour le coup, nous souhaitons restaurer l’équilibre que vous avez rompu, madame la rapporteur, alors que le dispositif élaboré nous convenait. Il s’agit ici de le rétablir.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 912 rectifié est présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau.
L'amendement n° 1236 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° Le second alinéa est supprimé.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 912 rectifié.
M. Olivier Cadic. Il s’agit d’un amendement de cohérence. En effet, concernant le repos dominical, il n’y a pas de raison objective de faire une loi d’exception pour Paris. Cet amendement a donc pour objet de permettre au Conseil de Paris de débattre du nombre de jours d’ouverture dominicale efficient pour la Capitale.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n° 1236.
M. Pierre Laurent. Cet amendement devrait être adopté sans difficulté par notre assemblée, après tout ce que nous venons d’entendre sur les maires et leur capacité de discernement. Il s’agit en effet de supprimer une exception parisienne, qui réserve au préfet, et non pas au maire, la décision d’ouvrir les commerces le dimanche.
C’est une question à laquelle les Parisiens sont très sensibles, eux qui ont été privés pendant plus d’un siècle d’un maire de plein exercice. Ils n’ont retrouvé une situation normale qu’avec l’élection de Jacques Chirac, puis de Bertrand Delanoë et d’Anne Hidalgo. Bien évidemment, ils tiennent à ce que Paris soit considérée comme une commune de plein exercice, dans laquelle les pouvoirs du maire ne sont pas inférieurs à ce qu’ils sont dans les autres communes.
Je rappelle au passage que le Conseil constitutionnel avait censuré en 2009 le statut particulier prévu pour Paris dans la proposition de loi du député UMP Richard Mallié. Bertrand Delanoë avait, à l’époque, exprimé son désaccord sur un tel statut, en déclarant que Paris serait ainsi la seule commune de France dont les élus ne seraient pas formellement consultés. En quoi sommes-nous des élus locaux moins légitimes que ceux de Bordeaux, Lyon ou Marseille, ajoutait-il ? Après la décision du Conseil constitutionnel, qui lui avait donné raison, il avait déclaré : « Le temps du dimanche, temps de repos respecté pour une majorité de citoyens, ne doit pas être sacrifié à une vision de l’économie déréglementée, qui ne tient pas compte de la vie familiale et personnelle des salariés et du rythme d’une ville. » Cette ligne de conduite reste celle qui anime aujourd'hui la majorité municipale de Paris et son maire.
Nous demandons donc la suppression de cette exception parisienne, qui réserve la décision au préfet et non au maire. Je le répète, compte tenu de tout ce que je viens d’entendre sur le rôle des maires, je vois mal quelles raisons s’opposeraient à un vote de cet amendement par une large majorité de notre assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 710, car elle préfère en rester à l’équilibre prévu, à savoir une ouverture, soumise à l’avis de l’EPCI, de douze dimanches par an.
S’agissant de l’amendement n° 713, la commission a également émis un avis défavorable. Si nous souhaitons conserver l’avis de l’EPCI, c’est justement pour éviter que ces ouvertures, au-delà des cinq dimanches existants, de zones commerciales souvent implantées en périphérie de la ville-centre, ne nuisent aux commerces de cette ville. En ce sens, l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale est satisfaisant.
Sur l’amendement n° 1235, qui vise à supprimer l’augmentation du nombre de dimanches du maire, la commission a émis un avis défavorable pour les raisons précédemment exposées.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 911 rectifié bis, qui tend à supprimer le plafond des dimanches travaillés, la commission a émis un avis défavorable, dans la mesure où l’équilibre trouvé des douze dimanches nous semble correspondre à une protection du repos dominical.
L’amendement n° 406 rectifié prévoit que les dimanches du maire sont fixés notamment au regard d’événements particuliers du calendrier. La commission, qui a estimé qu’une telle précision était susceptible de guider les maires dans leur choix, a émis un avis favorable sur cet amendement.
Par l’amendement n° 407 rectifié, il s’agit d’établir la liste des dimanches du maire pour l’année suivante avant le 30 novembre et non avant le 31 décembre. Dans la mesure où les dimanches de janvier peuvent être consacrés aux soldes, comme vous l’avez expliqué, monsieur Dominati, il semble en effet opportun d’avancer d’un mois la date prévue dans le texte. La commission s’en était remise à la sagesse du Sénat. À titre personnel, je suis favorable à cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 618.
Pourquoi suis-je revenue sur le problème des jours fériés ? À l’Assemblée nationale, il avait été précisé que les grandes surfaces alimentaires, lorsqu’elles ouvraient certains jours fériés – c’est de plus en plus fréquent –, déduisaient les trois jours fériés des dimanches auxquels elles pouvaient prétendre par décision du maire.
Il m’a semblé que le texte initial, qui concernait uniquement les grandes surfaces alimentaires, était discriminatoire et très « limite » sur le plan constitutionnel, ce qui faisait planer un gros risque sur cette partie du texte.
Pour pallier cette discrimination, vous étendez la mesure à tous les commerces, quel que soit leur secteur d’activité, en prévoyant que les jours fériés ouverts seront déduits des dimanches du maire.
En la matière, il me semble que l’on mélange – passez-moi l’expression – les choux et les carottes ! Les dimanches du maire sont des jours bien précis, voués à des ouvertures éventuelles, tandis que l’ouverture des commerces les jours fériés relève d’un autre débat. Je le rappelle, les jours fériés, à l’exception du 1er mai, ne sont pas obligatoirement chômés. Tous les commerces, petits ou grands, peuvent ouvrir, sauf s’ils entrent dans le champ des nombreuses conventions collectives prévoyant qu’ils sont chômés.
Dans une commune où un maire n’accorderait que deux ou trois dimanches d’ouverture, la grande surface qui aurait ouvert les trois jours fériés ne pourrait pas ouvrir, par exemple, au moment des fêtes de Noël.
Déduire les jours fériés des dimanches du maire me semble tout à fait incongru et peu cohérent. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 618.
Quant aux amendements identiques nos 912 rectifié et 1236, ils prévoient de confier au maire de Paris le soin de fixer les dimanches du maire, qui sont aujourd’hui, pour la Capitale, les dimanches du préfet.
Le fonctionnement de la municipalité parisienne se rapproche de manière croissante du droit commun. Pour autant, on connaît les spécificités ou, plutôt, les difficultés parisiennes en matière d’ouverture dominicale des commerces : une demande importante de la population, mais de fortes réticences au sein de la majorité municipale parisienne.
Faut-il faire évoluer la législation en ce sens ? La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 710 vise à instaurer l’ouverture douze dimanches de droit. Le Gouvernement y est défavorable, tout comme il est défavorable à l’amendement n° 713.
Cette intervention me permet de repréciser la philosophie de ce texte.
Nous avons donné la possibilité aux maires d’autoriser l’ouverture des commerces jusqu’à douze dimanches par an, avec une régulation au-delà des cinq dimanches correspondant au droit existant, afin d’éviter les comportements non coopératifs au sein d’un territoire, en prévoyant l’avis conforme de l’EPCI, qui s’appuiera sur le SCOT.
J’observe cependant que nombre de communes, aujourd’hui, n’atteignent même pas le plafond actuel des cinq dimanches. Je suis donc en profond désaccord avec les affirmations que nous avons entendues : si je suivais le raisonnement tenu, on ne voit pas pourquoi on en serait aujourd’hui à modifier le droit.
Nantes, Rennes, Vannes, Besançon, Albi, Angers, Le Puy-en-Velay, Caen, Poitiers, Metz – je ne cite que les villes les plus importantes, car vous avez invoqué l’argument de la taille –, mais aussi des centaines, voire des milliers de communes plus petites n’ont même pas recours aux cinq dimanches. On voit bien que la fixation d’un plafond ne conduit pas inexorablement toutes les communes à s’aligner. Néanmoins, le plafond de douze dimanches a du sens, puisque, pour nombre de communes, celui des cinq dimanches est trop bas.
Je maintiens cependant qu’accorder douze dimanches de droit partout ne correspond pas à l’esprit du texte du Gouvernement ni, me semble-t-il, à celui du texte de la commission spéciale. Il en va de même de la suppression de la régulation que permet l’avis de l’organe délibérant de l’EPCI dont la commune est membre.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur les amendements nos 710 et 713.
En ce qui concerne l’amendement n° 1235, qui vise à revenir aux cinq dimanches, je viens de rappeler les éléments qui justifient la fixation du plafond à douze dimanches. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
L’amendement n° 911 rectifié bis vise à porter à cinquante-deux le nombre des dimanches du maire.
S’il y a un besoin réel et objectif, nous avons les moyens de trouver la bonne régulation. En effet, quand une activité économique justifie l’ouverture des commerces tous les dimanches de l’année, les élus peuvent demander la création d’une zone commerciale ou d’une zone touristique ; le préfet en délimitera les contours et les règles que nous avons précédemment définies sur l’accord et les compensations s’appliqueront.
Toute la philosophie de ce texte s’inspire du constat que nous ne vivons pas dans un monde fini. Sinon, nous aurions depuis longtemps décidé collectivement de ne travailler qu’un jour par semaine ! Dans certains endroits, ouvrir les commerces davantage crée de l’activité, dans d’autres, cela n’a pas de justification. C’est la raison pour laquelle certaines communes n’accordent aucun dimanche du maire, d’autres cinq, et d’autres encore exercent une pression pour en accorder douze.
Si l’on demande cinquante-deux dimanches, on se trouve dans le cas d’une zone touristique ou d’une zone commerciale, mais plus dans le droit commun. Ces possibilités sont ouvertes par les articles précédemment discutés, mais pas par celui-ci. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 406 rectifié, mon avis s’inspirera plus de considérations de droit. J’en comprends la motivation, mais l’usage de l’adverbe « notamment » me semble vider la précision de toute portée – je parle sous votre contrôle collectif, mesdames, messieurs les sénateurs.
Il va de soi que le maire tiendra compte des événements particuliers du calendrier pour désigner les dimanches qui pourront être travaillés, parce que cette décision résulte, en pratique, d’un échange entre la municipalité et les acteurs concernés. S’agissant des dimanches du maire, décisions faisant l’objet de délibérations, ces éléments seront évidemment pris en compte.
À la lumière de ces considérations, je vous demanderai donc de retirer votre amendement, monsieur le sénateur, sinon j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement n° 407 rectifié vise à avancer au 30 novembre la date à laquelle la liste des dimanches non travaillés doit être arrêtée, alors que le texte du projet de loi la fixe au 31 décembre.
Si votre objectif est d’informer plus tôt les salariés amenés à travailler les dimanches désignés par le maire, vous avez en partie satisfaction avec le texte actuel du projet de loi, puisque le maire n’est actuellement tenu par aucun délai. Le projet de loi constitue donc un progrès en termes de lisibilité et de prévisibilité pour les employeurs comme pour les salariés. En outre, la date du 31 décembre est plus simple à retenir et permet une meilleure lisibilité. J’émets donc un avis défavorable.
L’avis du Gouvernement est favorable sur l’amendement n° 1774, qui vise à préciser les conditions dans lesquelles est rendu l’avis de l’organe délibérant de l’EPCI.
L’avis du Gouvernement est également favorable sur l’amendement n° 618 présenté par Mme Bricq.
En revanche, j’émets un avis défavorable sur les amendements identiques nos 912 rectifié et 1236.
En effet, la dérogation au repos dominical relève de l’ordre public social et c’est dans cette logique qu’est confié au maire le pouvoir de désigner les dimanches pour lesquels il peut être dérogé à la règle. Or, à Paris, l’ordre public est confié au préfet de police. Étant donné qu’aucune difficulté particulière n’est invoquée quant au processus de désignation des dimanches d’ouverture des commerces à Paris, le Gouvernement ne voit aucune raison de modifier la disposition en vigueur.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Tout en opposant une objection à mon collègue Roger Karoutchi, je voudrais exprimer mon opinion sur l’ensemble du dispositif.
Au-delà de considérations parfois moins contradictoires que l’on ne pourrait le croire, prévaut l’idée qu’il faut préserver le dimanche. De ce point de vue, la proposition de la commission me paraît effectivement inspirée par la sagesse. À titre personnel, j’en serais plutôt resté aux cinq dimanches du maire, pour des raisons liées à la culture de mon territoire, aux habitudes locales et à des considérations éminemment pratiques.
Quand j’entends dire que tous les maires se précipiteraient vers la possibilité ainsi offerte, j’estime que c’est ne pas prendre en compte la réalité des choses ! Il n’y a pas énormément d’endroits où il sera justifié d’aller au-delà des cinq dimanches, qui ne sont même pas appliqués dans certaines agglomérations et même certains bourgs importants.
Malgré tout, pourquoi ne pas donner la possibilité d’aller jusqu’à douze dimanches ? En ce qui me concerne, je me rallie à cette solution. Simplement, et j’en viens à mon objection à Roger Karoutchi, l’avis conforme de l’organe délibérant de l’EPCI est une condition indispensable.
En effet, sur un territoire où la communauté de communes, la communauté d’agglomération ou la communauté urbaine exerce la compétence économique, il va de soi que cette instance communautaire doit se prononcer pour éviter toute inégalité de traitement. Qui plus est, sur des territoires appelés à s’étendre, puisque les communautés de communes regrouperont à l’avenir beaucoup plus de communes, on risquerait de voir apparaître des abcès de fixation qui nuiraient à la bonne entente entre communes et entraîneraient des dérives, car d’autres communes seraient exposées aux sollicitations de commerçants demandant l’application du même traitement. Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis conforme de l’EPCI est absolument indispensable.
Je me rallie donc bien volontiers à ce dispositif, en félicitant la commission spéciale d’avoir su trouver la bonne mesure.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 911 rectifié bis.
Mme Annie David. Madame la présidente, j’ai envie de dire « chiche ! » à M. Cadic. En effet, pourquoi ne pas aller vers cinquante-deux dimanches du maire ? Comme je le rappelais dans mon intervention sur l’article, le dimanche du maire est le seul dimanche travaillé où l’on est certain que les salariés obtiennent des contreparties : leur rémunération est doublée et ils ont droit à un repos compensateur. Quitte à ouvrir le dimanche, autant que tous ces dimanches soient des dimanches du maire !
En outre, les dimanches du maire s’appliquent sur l’ensemble du territoire : il n’est plus question de zonage touristique ou commercial, comme l’a rappelé M. le ministre.
Eh bien, chiche ! Si vous voulez ouvrir les commerces le dimanche, adoptons cette disposition généralisant le dimanche du maire sur tout le territoire. Les salariés, pour le coup, y trouveront un intérêt, parce qu’ils seront sûrs d’obtenir une véritable compensation, celle que vous n’avez pas voulu inscrire dans le texte du présent projet de loi, monsieur le ministre, pour les ouvertures dominicales dans les zones touristiques ou les zones commerciales.
Chiche ! Adoptons l’amendement de M. Cadic !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je me sens soutenu. (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme Annie David. Par des dinosaures de Jurassic Park !
M. Olivier Cadic. Mme le rapporteur m’a demandé de retirer mon amendement, justifiant sa position par la volonté de protéger le repos dominical.
Je voudrais tout d’abord rappeler que ma proposition n’était inspirée par aucun dogmatisme en limitant à cinquante-deux les dimanches du maire, puisque l’année 2017 comptera cinquante-trois dimanches : vous voyez que l’on pouvait aller encore plus loin ! (Rires.)
Les magasins de bricolage sont ouverts tous les dimanches : on peut donc s’acheter des faucilles et des marteaux tous les dimanches, ce n’est pas pour autant que l’on ne protège pas le repos dominical ! (Mêmes mouvements.)
Imaginez une boutique de luxe, pour plaire à Mme Bricq, qui soutient cette industrie : le commerçant paie un loyer sur trente et un jours, dimanche compris ; les salariés veulent travailler le dimanche et peuvent être payés double et leur patron est d’accord ; les clients veulent soutenir cette industrie du luxe et veulent entrer dans la boutique pour faire des achats ; le maire veut permettre l’ouverture du dimanche. Et nous, nous allons leur refuser ce droit ?
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre approche positive, mais permettez-moi de vous demander si, pour avoir la liberté, il faut vraiment obtenir une autorisation. Ne pourrait-on pas envisager une autre organisation où seules les activités prohibées pourraient faire l’objet d’une interdiction, au lieu d’obliger les citoyens à solliciter sans cesse des autorisations ?
Un révolutionnaire anarchiste russe, Mikhaïl Bakounine,…
Mme Éliane Assassi. Vous mangez vraiment à tous les râteliers !
M. Olivier Cadic. … considérait que « la liberté est indivisible : on ne peut en retrancher une partie sans la tuer tout entière ». (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 911 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 618.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 166 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 143 |
Contre | 195 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 912 rectifié et 1236.
M. Pierre Laurent. Mme Deroche a évoqué, pour solliciter l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 618, un problème spécifique à Paris, où la population exprimerait une forte demande d’ouverture des magasins le dimanche, tandis que les élus y seraient extrêmement réticents.
Je signale tout de même que les élections municipales ne sont pas si anciennes. Elles ont eu lieu l’an dernier, à Paris comme dans toutes les autres communes de France. Or ce sujet de l’ouverture des magasins le dimanche figurait en toutes lettres dans les programmes des candidats.
Par conséquent, c’est en connaissance de cause que les Parisiens ont voté pour des élus qui s’opposaient à l’extension du travail le dimanche. On ne peut donc pas évoquer un décalage entre la population et les élus sur ce point. Le programme des candidats de l’actuelle majorité municipale comportait, entre autres, cette disposition et les électeurs parisiens ont choisi de voter pour eux plutôt que pour la droite !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous avions en effet sollicité l’avis du Gouvernement pour savoir s’il fallait faire évoluer la législation et revenir sur cette distinction entre une ouverture des magasins le dimanche entérinée par le préfet après avis du maire et une liberté laissée au maire. La réponse de M. le ministre a été claire. Il a confirmé que les dérogations au repos dominical, qui relèvent de l’ordre public social, sont de la compétence du préfet de police de Paris. La situation ne pose, a-t-il dit, aucune difficulté. Pour ma part, je suivrai l’avis du ministre sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voulais m’excuser auprès du ministre. Je lui ai demandé ce matin si le Gouvernement avait l’intention de revenir sur le nombre d’ouvertures dominicales qui pouvaient être autorisées par les maires. Je lui ai rappelé le texte cosigné par M. Valls et Mme Aubry réaffirmant qu’il fallait s’opposer à l’extension du travail le dimanche. Je m’attendais à ce que le Gouvernement retire cette disposition du projet de loi. Je constate que tel n’est pas le cas et je le regrette.
J’en viens à l’amendement n° 618. Selon moi, il n’y a pas lieu de traiter Paris différemment des autres municipalités sur cette question du travail du dimanche. J’approuve l’amendement déposé par mes collègues du groupe CRC visant à restaurer la compétence de la municipalité de Paris pour décider de plein droit de ces ouvertures dominicales à la place du préfet de police.
La situation actuelle me paraît être une rémanence d’un vieux jacobinisme qui visait à tenir Paris à l’écart du souffle de la décentralisation.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 912 rectifié et 1236.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. Jean Desessard. Les Parisiens ont voté pour !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 80, modifié.
(L'article 80 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 80 (priorité)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 405 rectifié est présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Chaize, Gilles, Allizard, Guené et J. Gautier, Mme Cayeux, MM. Charon et Chasseing, Mme Deromedi et M. Duvernois.
L'amendement n° 635 est présenté par Mmes S. Robert, Blondin et Cartron.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 80
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3132-12 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les commerces de détail de biens culturels peuvent déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos par roulement. »
La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l’amendement n° 405 rectifié.
M. Philippe Dominati. Cet amendement a pour objet de permettre l’ouverture dominicale des librairies et commerces culturels. Ces derniers ont en effet tout intérêt à profiter, à l’instar des magasins de bricolage, de l’ouverture le dimanche.
Voilà une activité qui est directement concernée, puisqu’elle est du domaine du loisir et est pratiquée particulièrement le week-end en famille par ceux qui le souhaitent.
Or, mon collègue Roger Karoutchi ayant mentionné le développement du commerce électronique, je dois dire que ce secteur est fortement touché par les ventes sur internet, qui représentent aujourd'hui entre 30 et 40 % du chiffre d’affaires, notamment le dimanche.
Peut-être avez-vous été sollicités par une grande enseigne spécialisée – je parle de la Fnac – qui a 110 magasins sur l’ensemble du territoire. Une vingtaine d’entre eux ouvrent le dimanche. On s’aperçoit que cette disposition est vitale pour cette entreprise. Je cite volontairement ce cas particulier, comme je l’ai fait précédemment au sujet d’une autre enseigne implantée dans un quartier bien connu de la Capitale, parce que c’est un exemple extrêmement concret.
Voilà une entreprise qui retrouve l’équilibre après une période économique relativement difficile. Elle exerce dans un secteur concurrencé par le commerce sur internet, lequel est notamment pratiqué par des firmes dont le siège social est bien souvent situé en dehors du territoire national.
Cet amendement vise à aligner sur le régime des magasins de bricolage celui d’un secteur qui, par rapport aux autres activités de loisirs, présente l’avantage – ceux qui s’intéressent à la famille devraient y être sensibles – d’associer également les enfants.
Mme la présidente. L’amendement n° 635 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 405 rectifié ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission avait demandé le retrait de cet amendement. Ce qui avait été prôné par le rapport Bailly et par les promoteurs du projet de loi, c’était de cesser de multiplier les dérogations sectorielles au repos dominical. Accordées, par exemple, pour le bricolage et l’ameublement, elles donnaient lieu à beaucoup de porosité, les magasins de bricolage vendant également, entre autres, de l’électroménager…
Bref, la commission était encline à approuver la suppression des dérogations sectorielles.
Néanmoins, j’entends très bien notre collègue Philippe Dominati quand il nous alerte sur le sort de ces commerces culturels qui sont soumis à une forte concurrence sur internet. Ce sont des magasins bien particuliers où l’activité culturelle prend parfois la forme de conférences, à l’occasion de la sortie de livres, par exemple.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. J’émets donc un avis de sagesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je soutiens sincèrement cet amendement. Les cinémas, les théâtres et les salles de concert sont ouverts et seul le livre serait oublié, alors que ce secteur est par définition celui qui est le plus concurrencé par internet. Il faut élargir notre vision en la matière et admettre que les familles peuvent aussi vouloir acheter un livre pour leurs enfants ou assister à des conférences dans ces enseignes culturelles.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Trois de nos collègues socialistes avaient déposé le même amendement. Mme Robert, à laquelle a été confiée une mission concernant les biens culturels, n’a malheureusement pas pu être parmi nous ce soir.
Pour ma part, je voterai cet amendement parce que je ne vois pas pourquoi on autoriserait l’ouverture de magasins de bricolage et d’ameublement et pourquoi on interdirait l’ouverture d’enseignes qui sont des lieux culturels au sens propre du terme et qui sont un espace de réunion pour les familles.
Il n’est que d’aller dans ces magasins le samedi : ils sont bondés... À mon avis, il y a de l’espace pour le dimanche !
Je sais que la logique du texte est de clarifier et de faire des zonages, mais le livre, le disque et tous les produits culturels valent bien le meuble et le bricolage ! Les nourritures terrestres peuvent aussi être immatérielles !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Cela ne vous surprendra pas, je soutiendrai l’amendement de Philippe Dominati.
À l’heure d’internet, quand on peut, le dimanche, télécharger des livres, des logiciels et de la musique, pourquoi ne serait-il pas possible de se procurer physiquement, le même jour, ces produits en magasin ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je souhaite, tout, d’abord obtenir une précision sur la notion de commerce de détail.
Je suppose, monsieur Dominati, que vous entendez par ces mots les librairies de quartier. Or nombre de magasins vendent aussi, à la fois, des livres, des vêtements et des légumes, sans qu’il y ait de véritable séparation entre ces différents types d’articles. Visez-vous aussi ces magasins par l’expression « commerce de détail » ? Cela poserait un problème. En effet, puisqu’ils vendent des livres, ces magasins souhaiteront également ouvrir leurs portes le dimanche. On met donc le doigt dans un engrenage compliqué.
Vous dites, monsieur Karoutchi, que l’on va bien au cinéma et au théâtre le dimanche. Mais on profite de ces spectacles en direct : on ne peut pas aller au théâtre le samedi et voir la pièce le dimanche ! Un livre, en revanche, on peut l’acheter le samedi et le lire le lendemain.
Il y a donc une différence entre un achat que l’on peut effectuer n’importe quel jour de la semaine et un spectacle auquel on assiste en direct.
Mme Catherine Génisson. Il y a aussi des séances de cinéma le samedi...
M. Jean Desessard. Lorsque vous plaidez pour l’ouverture des librairies durant le Salon du livre, par exemple, votre argument me semble intéressant. Or la question qui se pose en l’occurrence est celle de l’ouverture des magasins qui vendent des produits autres que des livres, ce qui se rencontre de plus en plus fréquemment.
Si l’on entend par commerces de détail les librairies de quartier, il n’y a pas de problème. S’il s’agit, en revanche, de l’ensemble des magasins qui vendent des livres, il n’en va pas de même, car nombre de commerces décideront de mettre en vente ne serait-ce qu’une dizaine de livres pour pouvoir ouvrir le dimanche.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. On prend les exemples des cinémas et des théâtres. Or ces établissements sont encadrés par les dispositions du code du travail et les salariés qui y travaillent bénéficient de compensations.
Si l’on autorise, demain, l’ouverture de ces magasins le dimanche, quelles seront les compensations ?
Mme Nicole Bricq. Les mêmes !
Mme Annie David. Les théâtres et les cinémas devront-ils s’aligner sur les dispositions du présent projet de loi ? Il faudrait alors tout renégocier, et sans doute tout revoir à la baisse !
Mme Nicole Bricq. Non !
Mme Annie David. Les exemples que vous avez pris ne sont pas convaincants, car ils portent sur des secteurs d’ores et déjà encadrés.
Si votre amendement, monsieur Dominati, vise à accorder les compensations prévues par le code du travail aux salariés qui travaillent dans ces commerces que vous qualifiez de « culturels » où l’on peut acheter des livres, entre autres, nous sommes d’accord. Si tel n’est pas le cas, nous ne pourrons pas vous suivre.
On sait bien que cet amendement, en vérité, ne tend pas à aller vers le haut.
Par ailleurs, je partage le point de vue de Jean Desessard : les théâtres et les cinémas proposent des spectacles du moment présent, tandis que l’on peut acheter des livres ou de la musique n’importe quel jour de la semaine et en profiter le dimanche. On n’est pas obligé d’en faire l’acquisition ce jour-là !
Depuis le début de cette discussion, mes chers collègues, la question qui se pose est celle de la société dont nous voulons.
Faut-il faire commerce de tout ? Ne peut-on soustraire un seul moment de la vie à la frénésie de la consommation ? Est-ce cela, la vie d’aujourd’hui ? Non ! Nous ne sommes pas obligés d’être des consommateurs à tout prix et à tout crin.
À l’heure actuelle, nombreux sont ceux qui peuvent encore consommer dans ce pays. Si tel n’était pas le cas, cela se saurait ! Inciter encore, et toujours plus, à l’ouverture des commerces le dimanche revient à proposer un autre modèle de société pour la France. Cela vous engage, ainsi que votre formation.
Pour notre part, nous ne vous suivrons pas, car ces propositions portent atteinte à la société dans laquelle nous vivons.
Rassurez-moi, mes chers collègues : les touristes du monde entier viennent-ils en France seulement pour consommer ce qu’ils peuvent acheter à Londres, à Barcelone ou ailleurs ? Non ! Ils viennent aussi dans notre pays pour voir Paris ou pour admirer nos belles montagnes... Car, vous savez, il y a de très beaux endroits en dehors de Paris !
Les touristes ne viennent pas chez nous uniquement pour faire, le dimanche, des achats de livres, de disques, ou que sais-je encore... Croyez-vous que les Japonais ou les Chinois seront nombreux à venir acheter un canapé, une télévision ou une voiture dans nos magasins ce jour-là ? (Sourires.)
À un moment donné, il faut stopper l’hémorragie et éviter toute exagération dans les ouvertures dominicales. De notre point de vue, les dispositions en vigueur sont largement suffisantes.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 405 rectifié.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 80.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 815 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty et Vanlerenberghe, Mmes Morin-Desailly, Gatel et Loisier, MM. Pozzo di Borgo, Cigolotti, Guerriau, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 80
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 3132-3-1 du code du travail, il est inséré un article L. 3132-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-3-… – L'exploitation d'un commerce par des cogérants le dimanche implique le dépôt chaque année d'un formulaire attestant du niveau d'indépendance et de responsabilité de chaque gérant dans l'exploitation du commerce à l'autorité administrative compétente du chef-lieu du département où le cogérant exerce son activité. »
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Il ne s’agit pas ici de faire de la théorie, mais de fixer un cadre et des limites. Sur l’intérêt d’ouvrir les commerces le dimanche, nos visions de la société s’affrontent. Mais, concrètement, ce sont des centaines, voire des milliers de magasins qui contournent la loi. Il est bien de fixer des règles, mais encore faut-il que celles-ci soient respectées ! Lorsque tel n’est pas le cas, règne alors la plus grande injustice : ceux qui ne respectent pas les règles ne réalisent pas un chiffre d’affaires supplémentaire, ils le prennent à ceux qui les respectent. En effet, sur un certain nombre de produits, la demande n’est pas extensible et le marché est contraint. Pour ce qui concerne la literie, par exemple, ce n’est pas en ouvrant davantage les magasins que l’on élargira le marché.
Le commerçant qui ouvre les portes de son magasin illégalement « prend » du chiffre d’affaires à son concurrent qui, lui, respecte la loi. Cette violation des règles est répréhensible au regard de la loi, mais également au titre de la concurrence déloyale. Si nous ne prenons pas des mesures pour mieux faire respecter la loi, cette situation perdurera.
Parmi les commerces qui ouvrent le dimanche, en dehors des secteurs bénéficiant de dérogations, une part significative est exploitée par des gérants ou cogérants réellement statutaires. L’exploitation du magasin est confiée à une personne morale et, si seuls les gérants de cette personne morale travaillent le dimanche, il est possible d’ouvrir ce jour-là.
Or, compte tenu du nombre significatif de contournements de la réglementation du travail dominical par ce biais et des pouvoirs territoriaux limités des inspecteurs du travail – les sièges sociaux de ces commerces, qui appartiennent souvent à des chaînes de magasins, sont en effet rarement situés sur le territoire relevant de la compétence de l’inspecteur amené à effectuer des contrôles –, il est souhaitable de demander à chaque gérant de déposer une fois par an auprès de l’autorité administrative compétente du chef-lieu du département où il exerce son activité un document, purement déclaratif, attestant son niveau d’indépendance et de responsabilité dans l’exploitation de son commerce.
Il faut savoir que ces commerçants qui ne respectent pas la loi « tournent » sur le territoire. On peut ainsi les trouver un jour dans un département, et deux mois plus tard dans un autre situé à 300 kilomètres. L’inspection du travail rencontre donc de grandes difficultés pour sanctionner ces contournements de la loi. Il s’agit en effet de véritables organisations. Je ne citerai pas de marques, mais je peux dire que les magasins en question, qui sont en général d’entrée de gamme, réalisent un très bon chiffre d’affaires tous les dimanches !
Mme la présidente. L’amendement n° 1239 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 80
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 3132-3-1 du code du travail, il est inséré un article L. 3132-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-3-... – L’exploitation d’un commerce par des cogérants le dimanche implique le dépôt chaque année d’un formulaire attestant du niveau d’indépendance et de responsabilité de chaque gérant dans l’exploitation du commerce à l’autorité administrative compétente. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement va dans le même sens que celui de M. Gabouty, dont je fais miens les arguments. Comme quoi, tout peut arriver ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Les auteurs de ces amendements souhaitent que les cogérants qui tiennent un commerce le dimanche remettent chaque année à l’administration un formulaire attestant leur indépendance et leur niveau de responsabilité.
Outre la complexité de cette procédure, qui constituerait un obstacle à l’ouverture dominicale des commerces, les cogérants ou « gérants mandataires », comme les qualifie le code de commerce, sont déjà immatriculés au registre du commerce et des sociétés. Leur contrat fait l’objet d’une publication dans un journal habilité à recevoir des annonces légales. Une information transparente à leur sujet est déjà disponible.
Qui plus est, lorsqu’il est saisi d’un contentieux à leur sujet, le juge peut requalifier en contrat de travail cette relation de cogérance s’il identifie les signes d’un lien de subordination avec l’entreprise.
La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, mais peut-être M. le ministre pourra-t-il, en l’absence du ministre du travail, nous apporter des précisions sur les actions menées par l’inspection du travail contre la cogérance fictive.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le sujet est ici celui de la fausse cogérance ou du salariat déguisé, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement. Cette pratique vise à contourner en particulier la réglementation relative au repos dominical.
La solution proposée par les auteurs des amendements consiste à imposer des règles additionnelles de dépôt, en particulier l’obligation de déposer une attestation en préfecture. Cette solution me paraît disproportionnée et contrevient à un objectif plusieurs fois souligné du présent texte, qui est plutôt de simplification.
Le véritable problème est bien davantage le contrôle effectif, surtout le jour dit, des sociétés qui se livrent à cette pratique.
Par ailleurs, l’obligation prévue s’appliquerait à tous les commerçants indépendants, à leurs conjoints et à leurs cogérants, alors même que ce phénomène ne peut être qualifié de « généralisé ».
Mieux vaudrait renforcer le contrôle plutôt que de créer une obligation de déclaration ab initio qui vaudrait pour tous et pèserait sur des professionnels absolument pas concernés par ladite mesure.
Il n’est donc pas souhaitable de créer une nouvelle démarche obligatoire pour ces entreprises. L’inspection du travail, lors de ses contrôles, veille au respect de cet aspect de la réglementation et obtient des condamnations lorsque les faits sont avérés. François Rebsamen a eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises. Il a également décidé de mettre en place un plan de mobilisation de l’inspection du travail, afin que celle-ci puisse orienter ses missions en ce sens.
Ce problème est réel et important, et nous en reparlerons à propos du recours illégal aux travailleurs détachés. Sa résolution passe, je le répète, par un plan de mobilisation de l’inspection du travail et par l’accroissement des sanctions en cas de non-respect de la loi plutôt que par une obligation déclarative ab initio, laquelle pèsera principalement sur celles et ceux qui, aujourd’hui, se conforment à la loi. En outre, une telle mesure ne permettrait que marginalement de mieux couvrir les situations décrites par les auteurs des amendements.
Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Gabouty, l'amendement n° 815 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le ministre, cette situation dure depuis des années, voire des décennies. C’est un problème de territorialité : si un inspecteur du travail qui se présente dans un magasin demande un extrait du Kbis pour vérifier, carte d’identité à l’appui, que celui qui se prévaut de la qualité de gérant est bien celui dont le nom figure sur ce document, il n’a guère le pouvoir de faire plus, sauf à se lancer dans une procédure assez lourde. Il faut donc trouver les moyens de faciliter les contrôles.
Certes, votre objectif, comme le nôtre, est de ne pas ajouter de la complexité ; c’est la raison pour laquelle la forme déclarative a été retenue. De ce point de vue, ma démarche ne va pas, il est vrai, dans le sens de la simplification administrative, mais il me semble nécessaire de trouver des solutions.
Je suis plutôt favorable aux mesures relatives au travail dominical qui ont été décidées. Cependant, ceux qui contournent la législation en vigueur, au risque de susciter une concurrence déloyale, grave et dissuasive, doivent être sanctionnés. Il faut savoir qu’ils agissent de façon délibérée et organisée, et qu’il n’est pas ici question d’une simple inadvertance.
J’accepte de retirer cet amendement, puisque le dispositif qu’il vise à mettre en place ne sera pas opérationnel. J’évoquerai un autre cas de figure similaire lorsque nous examinerons l'amendement n° 814 rectifié ter.
Mme la présidente. L'amendement n° 815 rectifié ter est retiré.
Madame David, l'amendement n° 1239 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annie David. Oui, je le maintiens, madame la présidente !
Mme la présidente. Je mets donc aux voix l'amendement n° 1239 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 816 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty et Vanlerenberghe, Mmes Morin-Desailly, Gatel et Loisier, MM. Cigolotti, Guerriau, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 80
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 3132-31 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les commerces exploités en cogérance, le juge judiciaire s'appuie sur les preuves produites par l’inspecteur du travail en cas de cogérance fictive. »
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Il s’agit d’un amendement de conséquence, qui n’a désormais plus d’objet. C’est pourquoi je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 816 rectifié ter est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1238 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 80
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au chapitre V du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail, il est inséré un article L. 3135-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3135-1. – Dans les cas où le règlement le prévoit, lorsqu’une personne physique, déjà condamnée définitivement, commet, dans le délai d’un an à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine, la même contravention, le maximum de la peine d’amende encourue est porté à 20 000 euros.
« Dans les cas où le règlement le prévoit, lorsqu’une personne morale, déjà condamnée définitivement pour une amende, engage sa responsabilité pénale, dans le délai d’un an à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine, par la même contravention, le taux maximum de l’amende applicable est égal à dix fois celui qui est prévu par le règlement qui réprime cette contravention en ce qui concerne les personnes physiques. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Si tant est que cette partie du texte ait pour objectif de sécuriser et de normaliser les dérogations possibles au principe du repos dominical, il importe de déterminer, autant que faire se peut, les sanctions éventuellement prises à l’encontre de ceux qui ne respecteraient pas les règles fixées.
Tenons-nous-en à l’épreuve des faits : sauf pour ceux qui ne vivent pas tout à fait dans le monde réel, il suffit de regarder les motifs qui conduisent un certain nombre d’employeurs devant les tribunaux des prud’hommes pour constater que les litiges viennent assez souvent de ces « accommodements » avec la loi.
Que l’on en juge : le tribunal des prud’hommes d’Aix-en-Provence enregistre, en affaires nouvelles, 45 % de dossiers venus du secteur du commerce. Dans celui d’Arles, le commerce apporte, si l’on peut dire, 46 % des nouvelles affaires. Le même taux est atteint à Bobigny, où l’on enregistre pratiquement dix affaires nouvelles par jour ouvré !
Le tribunal des prud’hommes de Paris n’est pas en reste, avec plus de 37 % de nouvelles affaires issues des activités commerciales, alors même que l’emploi parisien est assez nettement dominé par les postes d’encadrement et la grande diversité des activités de services.
Horaires de travail à rallonge, tenue à disposition des salariés à n’importe quelle heure ou presque de la journée ou n’importe quel jour de la semaine, absence de prise en compte des heures supplémentaires ou des heures complémentaires, forte rotation des effectifs : le secteur du commerce est, dans bien des cas, celui de tous les abus. Dans les petites structures, c’est la loi de l’arbitraire patronal, qui oscille entre paternalisme et autoritarisme.
Dans les plus grandes enseignes prévaut la loi de la productivité à tout crin, des horaires de travail imposés à flux tendu, des contrats à temps partiel subi avec toutes leurs conséquences sur la vie quotidienne des salariés et de leurs familles.
Pénaliser fortement ces pratiques de management d’un autre âge est donc une nécessité.
Nous sommes d’accord avec Jean-Marc Gabouty : il faut faire respecter la loi. Aujourd’hui, les abus sont trop nombreux. En revanche, nous n’y voyons pas les mêmes causes.
Mme la présidente. L'amendement n° 814 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty, Vanlerenberghe et Cigolotti, Mmes Gatel et Loisier, MM. Guerriau, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 80
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du chapitre V du titre III du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré un article L. 3134-16 ainsi rédigé :
« Art. L. 3134–16. – Dans les cas où le règlement le prévoit, lorsqu'une personne physique, déjà condamnée définitivement, commet, dans le délai d'un an à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine, la même contravention, le maximum de la peine d'amende encourue est porté à 7 500 euros.
« Dans les cas où le règlement le prévoit, lorsqu'une personne morale, déjà condamnée définitivement pour une amende, engage sa responsabilité pénale, dans le délai d'un an à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine, par la même contravention, le taux maximum de l'amende applicable est porté à 37 500 euros. »
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Il s’agit là d’un cas de figure différent de celui que j’ai évoqué précédemment et pour lequel on pourrait prévoir une autre solution.
Dans la mesure où certains gérants de magasin, par ailleurs parfaitement en règle, préfèrent ouvrir le dimanche et payer une amende plutôt que de respecter les textes en vigueur, il convient d’augmenter le montant de l'amende pour ceux qui ne respectent pas la loi.
Et, s’il faut faire preuve de compréhension à l’égard de ceux qui commettent cette infraction par inadvertance – c’est rare, mais cela peut toujours arriver–, en revanche, lorsqu’une personne physique, déjà condamnée définitivement, commet dans le délai d’un an, à compter de l’expiration de la prescription de la précédente peine, la même infraction à la législation sur le repos dominical, le maximum de la peine d’amende encourue est porté à 7 500 euros. Pour une personne morale, le taux maximum de l’amende applicable en cas de récidive est porté à 37 500 euros.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces deux amendements tendent à augmenter, en cas de récidive, l’amende sanctionnant les infractions à la réglementation relative au repos dominical.
En l’état actuel du droit, toute infraction aux règles relatives au repos dominical est punie d’une contravention de la cinquième classe, soit 1 500 euros maximum par salarié illégalement employé ou 7 500 euros pour une personne morale. En cas de récidive, ce montant est porté à 3 000 euros pour une personne physique et à 15 000 euros pour une personne morale.
Aujourd’hui, les montants de ces sanctions sont fixés au niveau réglementaire. Faut-il les inscrire dans la loi, alors qu’il ne s’agit que de plafonds théoriques ? Je précise que les amendes prononcées à Paris par le tribunal sur la base des procès-verbaux dressés par l’inspection du travail en 2012 et 2013 ont atteint un montant maximal de 4 500 euros par salarié illégalement employé le dimanche pour une personne morale et de 1 500 euros pour une personne physique.
C’est surtout la question des moyens de l’inspection du travail pour mener des contrôles qui se pose. M. le ministre pourrait y apporter réponse. La commission spéciale a souhaité se pencher sur les moyens à octroyer à l’inspection du travail plutôt que sur le montant des amendes.
En outre, l’amendement n° 1238 rectifié soulève des difficultés en matière de droit pénal. Fixer une amende à 20 000 euros fait sortir l’infraction du champ contraventionnel pour la faire entrer dans le champ délictuel, avec des règles de procédure et de preuve plus lourdes.
Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur l’amendement no 1238 rectifié et souhaite le retrait de l’amendement n° 814 rectifié ter.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 814 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 80 bis A (priorité)
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1237, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 3132-13 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les commerces de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure au seuil mentionné au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, les salariés privés du repos dominical bénéficient d’une rémunération majorée d’au moins 50 % par rapport à la rémunération normalement due pour une durée équivalente. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. L’Assemblée nationale est à l’origine de cet article qui impose aux grandes surfaces alimentaires de majorer de 30 % la rémunération des salariés privés du repos dominical, dans le but de protéger le petit commerce alimentaire face à la concurrence des grandes surfaces, perçue comme déloyale.
Arguant du fait que cela ne lui semblait pas constituer une mesure de protection efficace des petits commerçants, la commission spéciale a supprimé l’article.
La réalité est pourtant bien là. D’après les chiffres de l’INSEE, les grandes surfaces se sont développées à un rythme accru durant ces dernières années, au détriment des petits commerces d’alimentation générale, des supérettes et des commerces de l’alimentation spécialisée et de l’artisanat.
Nous connaissons tous dans nos territoires des boulangeries, boucheries, primeurs qui ont vu leur chiffre d’affaires baisser considérablement depuis l’ouverture d’un supermarché en centre-ville ou à proximité, que celui-ci soit ouvert ou non le dimanche.
L’extension des zones commerciales prévues dans ce projet de loi ne va certes pas dans le sens de l’égalité des chances, en particulier dans les territoires ruraux.
Il y a là un enjeu territorial que l’on ne peut ignorer : il y va de la préservation du petit commerce local, qui nous intéresse toutes et tous dans cet hémicycle.
Nous avons souhaité rétablir le texte de l’Assemblée nationale en y apportant toutefois une modification. Ainsi, nous proposons une majoration de 50 % de la rémunération des salariés.
Cette position répond à un double objectif. En premier lieu, il s’agit de maintenir un tissu commercial de proximité dans nos villes et dans nos territoires en réduisant l’effet de la concurrence. En second lieu, il convient d’apporter les garanties sociales et salariales aux salariés privés du repos dominical des supermarchés et des hypermarchés qui ouvrent actuellement cinquante-deux dimanches par an jusqu’à 13 heures, comme le leur permet la loi Mallié. Ces établissements n’en ont pas l’obligation, mais ils agissent généralement sans grande considération pour les personnels, majoritairement des femmes, qui se voient confrontés à la difficulté de faire coïncider leur vie professionnelle et leur vie familiale.
Les salariées du DIA de Chambéry en ont fait la douloureuse expérience, mais elles ne sont pas les seules. Nous connaissons tous des cas similaires.
Nous considérons que les salariés qui ne bénéficient que d’un repos compensateur doivent pouvoir bénéficier d’une compensation salariale, en juste contrepartie de l’obligation qui leur est faite.
Mme la présidente. L'amendement n° 619, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 3132-13 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les commerces de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure au seuil mentionné au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, les salariés privés du repos dominical bénéficient d’une rémunération majorée d’au moins 30 % par rapport à la rémunération normalement due pour une durée équivalente. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. C’est le même esprit qui préside et nous avons le même objectif. Cet amendement a un caractère social, puisqu’il vise à prévoir une compensation salariale d’au moins 30 % pour les salariés des grandes surfaces alimentaires ouvertes tous les dimanches jusqu’à 13 heures. Il est vrai que les salariés de ces établissements sont, pour l’essentiel, des femmes. C’est aussi cet élément qui nous a conduits à rétablir le texte de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale a supprimé l’article 80 bis A introduit par l’Assemblée nationale. Même si nous comprenons la volonté de protéger les commerces alimentaires de petite taille souvent présents en centre-ville de la concurrence des grandes surfaces, il nous a semblé opportun de conserver le régime des commerces alimentaires en vigueur. Pourquoi d’ailleurs ne protéger que le petit commerce alimentaire ?
Qui plus est, il ne s’agit que d’une mesure d’affichage. En effet, la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 prévoit que les salariés travaillant habituellement le dimanche et ne bénéficiant pas d’un jour et demi de repos consécutif dans la semaine voient leur salaire horaire de base majoré de 20 % pour les heures travaillées ce jour-là.
Ce secteur crée des emplois et il n’y a pas forcément de distorsions de concurrence avec d’autres commerces. On le constate dans les zones touristiques : des surfaces alimentaires de grande taille ouvrent le dimanche et répondent aux besoins locaux, à l’instar des commerces de centre-ville. Et les deux trouvent leur place, notamment dans certaines zones touristiques.
Par conséquent, il a paru convenable de s’en tenir à la convention nationale collective. Par ailleurs, la commission spéciale a pris le parti de ne pas fixer de contreparties dans la loi. Adopter ces amendements reviendrait à déroger à ce principe.
Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’article 80 bis A introduit par l’Assemblée nationale ne vise que le cas spécifique des commerces alimentaires, dont il ne s’agit pas de modifier les règles d’ouverture, puisqu’ils sont actuellement ouverts tous les dimanches jusqu’à 13 heures, sans aucune compensation.
Il apparaît légitime d’imposer une forme de compensation pour les salariés travaillant le dimanche dans les plus grands magasins d’alimentation, c’est-à-dire ceux dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés. En effet, limiter l’obligation de compensation aux commerces alimentaires d’une surface de plus de 400 mètres carrés permet d’éviter tout nouveau débat sur la nature de la compensation, puisque ces grandes surfaces sont en mesure d’offrir ces compensations. Nous sommes donc dans une situation différente de celle dont il était question auparavant, dans la mesure où les acteurs sélectionnés sont à même de financer des contreparties.
Par conséquent, tous les débats sur le point de savoir si la loi peut fixer le niveau de la compensation ou non, si un tel niveau de compensation est soutenable selon les différents secteurs et selon les différentes tailles d’entreprise, n’ont pas lieu d’être ici.
Le Gouvernement vous avait alors proposé, et cela a été validé par vos votes successifs, de renvoyer à des accords collectifs.
Cependant, la situation est différente en ce qui concerne les commerces alimentaires, dans la mesure où il est question uniquement de l’ouverture cinquante-deux dimanches jusqu’à 13 heures, et que l’on se situe dans un secteur économique homogène avec des acteurs ayant une surface économique supérieure à 400 mètres carrés. Dans ce cas spécifique, il apparaît, en effet, souhaitable de fixer dans la loi un seuil de compensation.
Les deux amendements proposés vont tous les deux dans ce sens. Néanmoins, pour les raisons qui ont été évoquées dans son exposé des motifs par Mme Nicole Bricq, le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 1237 au profit de l’amendement n° 619.
M. le président. Madame David, l'amendement n° 1237 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Une fois n’est pas coutume, nous allons retirer notre amendement au profit de celui qu’ont présenté nos collègues du groupe socialiste.
Néanmoins, l’amendement n° 619 est moins ambitieux que le nôtre, dans la mesure où il propose une majoration d’au moins 30 %, alors que nous souhaitions une majoration d’au moins 50 %.
Il nous avait semblé plus simple, et surtout plus juste, puisqu’il est question depuis le début des débats, en tout cas de votre part, monsieur le ministre, d’introduire de la justice et de la simplification à travers ce projet de loi, de prévoir pour les salariés des commerces de détail dans l’alimentaire une majoration d’au moins 50 % identique à celle des autres salariés qui travaillent le dimanche.
Mais, soit, je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 1237 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 619.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 167 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 150 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, l'article 80 bis A demeure supprimé.
Article 80 bis B (priorité)
(Non modifié)
Après l’article L. 3132-26 du code du travail, il est inséré un article L. 3132-26-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-26-1. – Lorsque le repos dominical a été supprimé le jour d’un scrutin national ou local, l’employeur prend toute mesure nécessaire pour permettre aux salariés d’exercer personnellement leur droit de vote. » – (Adopté.)
Article 80 bis (priorité)
(Non modifié)
Après l’article L. 3132-27 du code du travail, il est inséré un article L. 3132-27-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-27-1. – Le premier alinéa de l’article L. 3132-25-4 est applicable aux salariés privés du repos dominical en application de l’article L. 3132-26. » – (Adopté.)
Article 81 (priorité)
Après l’article L. 3122-29 du code du travail, il est inséré un article L. 3122-29-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3122-29-1. – I. – Par dérogation à l’article L. 3122-29, pour les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-24, le début de la période de travail de nuit peut être reporté jusqu’à 24 heures. Lorsqu’il est fixé au-delà de 22 heures, la période de nuit s’achève à 7 heures.
« II. – La faculté d’employer des salariés entre 21 heures et 24 heures est applicable aux établissements situés dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-24 lorsqu’ils sont couverts par un accord collectif de branche, d’entreprise, d’établissement ou territorial prévoyant cette faculté. Chacune des heures de travail effectuée durant la période fixée entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit est rémunérée au moins le double de la rémunération normalement due et donne lieu à un repos compensateur équivalent en temps.
« L’accord collectif mentionné au premier alinéa du présent II prévoit notamment, au bénéfice des salariés employés entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit :
« 1° La mise à disposition d’un moyen de transport pris en charge par l’employeur qui permet au salarié de regagner son lieu de résidence ;
« 2° Les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés et, en particulier, les mesures de compensation des charges liées à la garde d’enfants ;
« 3° La fixation des conditions de prise en compte par l’employeur de l’évolution de la situation personnelle des salariés et, en particulier, de leur changement d’avis. Pour les salariées mentionnées à l’article L. 1225-9, le choix de ne plus travailler entre 21 heures et le début de la période de nuit est d’effet immédiat.
« III. – Seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler entre 21 heures et 24 heures. Une entreprise ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit pour refuser de l’embaucher. Le salarié qui refuse de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. Le refus de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit pour un salarié ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.
« IV. – (Supprimé)
« V. – Les articles L. 3122-37, L. 3122-38 et L. 3122-42 à L. 3122-45 sont applicables aux salariés qui travaillent entre 21 heures et 24 heures, dès lors qu’ils accomplissent sur cette période le nombre minimal d’heures de travail prévu à l’article L. 3122-31.
« Lorsque, au cours d’une même période de référence, le salarié a accompli des heures de travail en soirée en application de l’article L. 3122-29-1 et des heures de travail de nuit en application de l’article L. 3122-31, les heures sont cumulées pour l’application du premier alinéa du présent V et de l’article L. 3122-31. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. En parfaite cohérence avec le reste du texte, la partie consacrée au travail vise à casser la réglementation existante et les droits de salariés. Cela est particulièrement vrai pour l’article 81, aussi appelé « article Sephora », qui permet l’ouverture des magasins jusqu’à minuit dans les ZTI.
Cela a été dit mais je le rappelle, pendant de nombreux mois, l’enseigne Sephora a lutté pied à pied avec l’administration pour parvenir à ouvrir son magasin sur les Champs-Élysées après 21 heures.
Attaquée devant les tribunaux il y a deux ans par l’intersyndicale du commerce de Paris, Sephora avait multiplié les procédures judiciaires. Le 23 septembre 2013, la cour d’appel de Paris a interdit l’ouverture nocturne des magasins des Champs-Élysées et du XIIIe arrondissement de Paris et ordonné à la direction de cesser d’employer des salariés dans ces deux magasins entre 21 heures et 6 heures du matin. Le 26 septembre dernier, la Cour de cassation a confirmé cette interdiction. Elle a estimé, en se référant au code du travail, que « le recours au travail nocturne n’était pas inhérent à l’activité du parfumeur. Le travail de nuit ne peut pas être le mode d’organisation normal au sein d’une entreprise ».
Ainsi, en inscrivant cet article dans la loi, vous décidez, monsieur le ministre, de donner tort à la justice et aux salariés, pour satisfaire aux exigences du PDG de Sephora, filiale du groupe LVMH, qui, rappelons-le, a affiché en 2014 un résultat net de 5,7 milliards d’euros, soit une hausse de 64 % ! La crise ne frappe pas tout le monde…
Une fois voté, l’article 81 permettra au magasin Sephora des Champs-Élysées d’ouvrir, en toute légalité cette fois-ci, jusqu’à minuit. Ce sera également possible pour tous les magasins situés dans ces fameuses ZTI.
Monsieur le ministre, si notre droit l’interdit, c’est bien que le travail de nuit est dangereux. Laissez-moi vous lire un court extrait d’un rapport d’étude sur le sujet.
« Les travailleurs de nuit ont le plus souvent le sentiment qu’une erreur de leur part pourrait avoir de graves conséquences. Leur travail comporte davantage de facteurs de pénibilité physique et de contraintes de vigilance et ils déclarent plus souvent risquer d’être blessés ou accidentés. Au total, alors que les capacités de résistance sont physiologiquement réduites la nuit, les effets négatifs du travail de nuit sur la santé à long terme tendent à se cumuler avec d’autres facteurs de risques liés à un travail plus difficile émotionnellement et physiquement. ».
Ce rapport n’est pas une publication à charge de la CGT, encore moins une tribune d’extrême gauche opposée à votre réforme. Il s’agit d’une publication sobrement intitulée Le travail de nuit et disponible sur le très officiel site du ministère du travail, de l’emploi et du dialogue social. Nous avons donc un peu de mal à vous suivre, monsieur le ministre.
À titre informatif, mais vous devez déjà le savoir, une exposition de quinze ans ou plus au travail de nuit accroît la probabilité d’être limité dans ses activités quotidiennes de 50 %. Pourquoi contourner une décision de justice avec cet article, alors que la puissance publique reconnaît que le travail de nuit est néfaste pour celles et ceux qui le pratiquent ?
Pourquoi rendre légal le travail de nuit alors que cela n’a aucun effet bénéfique sur l’emploi et l’économie ? Rappelons à ce sujet que le Virgin des Champs-Élysées était ouvert tous les jours sans interruption de 10 heures à minuit, et que cela ne l’a pas empêché de mettre définitivement la clef sous la porte il y a deux ans.
Ce n’est donc pas simplement parce qu’il entre en contradiction avec le projet de société que porte la gauche, celui de sortir du tout-marchand, que nous nous opposons au travail de nuit. Si nous y sommes résolument opposés, c’est d’abord parce qu’il est une souffrance supplémentaire pour les travailleurs, qu’il consiste en une dégradation de plus des conditions de travail et de vie des salariés, femmes et hommes, qui connaissent déjà tant de difficultés quotidiennes.
Les Françaises et les Français vous ont élus en 2012 pour tourner la page après dix ans de droite. Aujourd’hui, vous tournez non seulement le dos à cette espérance, mais vous allez plus loin dans la casse des acquis sociaux et du code du travail.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, nous nous opposons à cet article et invitons mes collègues des autres groupes de gauche à faire de même.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Je souhaite insister, à l’occasion de l’examen de cet article 81, sur les conséquences de ses dispositions plus spécifiquement sur le travail des femmes.
Permettez-moi une première remarque pour regretter l’absence de prise en compte de la question de l’égalité entre les femmes et les hommes dans ce projet de loi. Je déplore vivement que l’étude d’impact soit particulièrement muette en la matière s’agissant des dispositions relatives au travail dominical.
Pourtant, votre gouvernement, monsieur le ministre, s’était engagé en 2012 à prendre en compte cette question transversale dans tous les textes.
Faut-il vous rappeler, monsieur le ministre, que l’emploi des femmes est bénéfique à la croissance économique. ? D’après les chiffres cités dans l’édition 2015 des chiffres clés de l’égalité réelle publiée par le ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, selon l’OCDE, si la parité entre les sexes dans la participation au marché du travail était réalisée au cours des vingt prochaines années, l’emploi des femmes représenterait plus de 0,4 point de croissance du PIB par habitant.
Je regrette, d’ailleurs, que la commission spéciale ait adopté pour principe de supprimer systématiquement de ce texte tous les rapports. Je pense notamment à celui qui était prévu à l’article 11 nonies. Il s’agissait d’un rapport du Gouvernement portant sur les conséquences du marketing différencié en fonction du sexe, mais aussi sur les écarts de prix selon le sexe du consommateur et enfin sur les inégalités pesant sur le pouvoir d’achat des femmes et des hommes.
L’article 81 prévoit la création de zones où le travail du dimanche sera la règle et banalisera le travail de nuit rebaptisé « travail en soirée », ce qui aura des conséquences lourdes pour les femmes. On change les dénominations, mais on ne change pas les conditions dans lesquelles s’exerce le travail : le travail en soirée est moins pénible que le travail de nuit, mais cela n’empêche que c’est du travail de nuit !
Nous savons, en effet, que 56 % des salariés travaillant le dimanche sont des femmes, et qu’elles sont largement majoritaires parmi les employés du commerce : les hôtes et hôtesses de caisse, comme on les appelle maintenant, sont à 70 % ou à 80 % des femmes.
Quid des conséquences de cette généralisation du travail du dimanche et en soirée pour les familles monoparentales ? Nous en avons déjà beaucoup parlé.
Le texte initial ne prévoyait aucune disposition en leur faveur, malgré des difficultés bien connues d’articulation entre vie professionnelle et vie familiale, la double journée étant malheureusement encore trop souvent majoritairement supportée par les femmes.
Quid des besoins en garde d’enfants, quand on connaît le manque cruel de places d’accueil ? Quid aussi des conditions de transport ? Je vous renvoie au rapport sur le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun – actes qui, on le sait, sont particulièrement fréquents la nuit – publié le 16 avril dernier par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Les mesures de compensation introduites nous apparaissent relever de vœux pieux et ne pas faire le poids au regard de tous les éléments négatifs que je viens de souligner.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 74 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 169 rectifié est présenté par Mme Lienemann.
L'amendement n° 481 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 789 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 74.
Mme Évelyne Didier. Un rapport présenté en 2010 par le Conseil économique, social et environnemental relevait le développement tendanciel du travail de nuit habituel, celui-ci concernant désormais un salarié sur cinq. Il soulignait les risques pour la santé des salariés, les perturbations de la vie sociale et familiale, évoquant un véritable enjeu de santé publique. Le CESE concluait que le travail de nuit devait rester une exception et que sa mise en place devrait être plus strictement encadrée afin de mieux prendre en compte la santé des travailleurs et les impératifs de la sécurité au travail.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l'amendement n° 169 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Jusqu’à présent, l’autorisation exceptionnelle du travail de nuit se justifiait par les nécessités de l’exercice d’activités particulières. Cela n’a toutefois pas empêché une expansion considérable du recours au travail de nuit depuis 1992, date à laquelle, prétendument au nom de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, on a autorisé le travail de nuit des femmes.
Au travers du présent texte, on change franchement de logique, le travail de nuit étant désormais justifié non plus par la nature des activités exercées, mais par de simples critères géographiques : la présence de nombreux touristes dans certaines zones rendrait nécessaire l’ouverture des commerces au-delà de 21 heures.
Le sujet est grave : il y va de la santé des salariés concernés. On ne nous fera pas croire que c’est dans la joie et l’allégresse que ces derniers vont choisir de travailler tard le soir.
J’insiste sur le fait que le logement est souvent très cher dans ces zones touristiques. Les salariés habitent donc souvent loin de leur lieu de travail, et il faut ajouter au temps de travail des temps de transport importants, à des horaires où, chacun en conviendra, la sécurité et le confort ne sont pas optimaux.
Je ne peux accepter une telle régression sociale, qui ne se justifie en rien. Il s’agit d’une véritable dérive ; on aura beau attribuer à ces salariés des points de pénibilité au titre de la retraite, la mise en œuvre de ce dispositif va affaiblir encore un peu plus des gens déjà faibles.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 481.
M. Jean Desessard. Aujourd’hui, en France, la période dite de travail de nuit commence à 21 heures et se termine à 6 heures.
Le recours au travail de nuit doit satisfaire à trois critères : il doit être exceptionnel, prendre en compte les impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et être justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.
Travailler de nuit suppose la conclusion préalable d’un accord collectif. À défaut d’accord, c’est l’inspecteur du travail qui peut autoriser le travail de nuit d’un salarié.
Si le travail de nuit nécessite la réunion de tant de conditions, c’est parce qu’il est avéré que cette forme de travail est nuisible pour la santé : désocialisation, risques cardio-vasculaires, prédisposition au cancer… Le site internet du ministère de travail mentionne explicitement ces risques.
Pourtant, en toute connaissance de cause, le Gouvernement a fait le choix d’autoriser les magasins situés en zones touristiques internationales à ouvrir jusqu’à minuit. Dans ces zones, la période de travail de nuit pourra donc ne débuter qu’à compter de minuit, au lieu de 21 heures aujourd’hui. Je ne savais pas, au demeurant, qu’il s’agissait là d’un article « Sephora » : je remercie Mme David de m’avoir en quelque sorte « mis au parfum » ! (Sourires.)
M’interrogeant sur l’utilité économique d’une telle ouverture tardive des magasins, j’ai fini par comprendre qu’il s’agissait certainement de s’adapter au décalage horaire subi par les riches touristes chinois, qui ne parviennent pas à dormir avant minuit… (Nouveaux sourires.) Que ne ferait-on pour eux !
S’agissant maintenant des compensations, les établissements implantés dans ces zones touristiques internationales devront être couverts par un accord collectif, et il est prévu un doublement du salaire entre 21 heures et minuit, ainsi qu’un repos compensateur. Mais quid des frais de garde des enfants des salariés, quid des frais supplémentaires de transport ?
M. Jean-Claude Requier. Le taxi est prévu !
M. Jean Desessard. Oui, mais le taxi coûte très cher lorsqu’il faut rentrer en banlieue !
Mme Éliane Assassi. Tout le monde n’est pas sénateur !
M. Jean Desessard. Instaurer de telles conditions de travail n’est guère souhaitable, fût-ce pour inciter les touristes chinois à dépenser leur argent en France. Nous souhaitons donc également la suppression de cet article.
Mme la présidente. L’amendement n° 789 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements identiques restant en discussion ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces amendements visent à supprimer la possibilité de travailler en soirée dans les zones touristiques internationales.
Il a semblé à la commission que le maintien d’une activité commerciale, avant minuit, dans certains lieux et certains domaines d’activité spécifiques répond à une demande touristique importante.
Il est par ailleurs prévu un encadrement strict de ces heures de travail et un régime social très favorable aux salariés, grâce notamment aux contreparties introduites à l’Assemblée nationale.
En conséquence, l'avis de la commission spéciale est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je voudrais rappeler que nous parlons ici des zones touristiques internationales, et non du droit commun. Dans ces zones très bien délimitées a été identifié un potentiel d’activité économique justifiant d’étendre les horaires d’ouverture des magasins.
Au sein de ce périmètre, nous proposons de décaler le début du travail de nuit de 21 heures à minuit, l’intervalle de temps compris entre ces deux horaires relevant du travail en soirée.
Tel qu’il est rédigé, le texte prévoit des compensations en matière de reconduite au domicile, de salaire – le payer-double – et de prise en charge de divers frais pouvant être engagés par le salarié.
Je vous invite à vous pencher sur les dispositions actuelles du code du travail en matière de travail de nuit. Les rapports que vous avez justement cités concernent le travail de nuit, tel qu’il est pratiqué dans les services et l’industrie, et non le travail en soirée. L’article L. 3122-39 du code du travail dispose ainsi que « les travailleurs de nuit bénéficient de contreparties au titre des périodes de nuit pendant lesquelles ils sont employés sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale ».
Nous ne parlons pas aujourd’hui du travail posté exercé toute la nuit : le champ du dispositif est beaucoup plus circonscrit, et nous mettons en place un régime de compensation réelle à tous égards mieux-disant que le droit actuel. Dans ces conditions, occupez-vous plutôt de ce dernier et proposez des amendements qui permettent de l’améliorer !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est à vous de le faire, monsieur le ministre !
M. Emmanuel Macron, ministre. … puisque les compensations que nous prévoyons sont supérieures à ce qui existe actuellement !
Je vous renvoie au rapport d’août 2014 de la DARES : en moyenne, la compensation salariale est de 8 %, et encore s’agit-il là du travail de nuit, et non du travail en soirée entre 21 heures et minuit ! Soyons sérieux ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Il faut remettre les choses en perspective !
Je voudrais maintenant revenir sur le sujet, autrement plus important, de l’articulation entre travail de nuit, travail en soirée et travail de jour. Aujourd’hui, le travail de nuit peut commencer à 21 heures. Cependant, la jurisprudence récente a créé des inquiétudes, qui ont conduit certains d’entre vous à proposer par voie d’amendement d’étendre ces dispositions à l’ensemble des zones touristiques.
La jurisprudence récente en matière de travail de nuit a amené les tribunaux à considérer que la mise en place du travail de nuit dans les commerces au moyen d’accords ne remplit pas les conditions prévues par l’article L. 3122-32 du code du travail, notamment car elle ne peut se justifier par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité.
Ainsi, il n’est plus possible, même lorsqu’un accord collectif a été conclu pour mettre en place le travail de nuit, d’employer des salariés la nuit dans les commerces. Toutefois, la définition de la période de nuit permet une certaine flexibilité ; c’est sur ce point que je voulais attirer votre attention.
Dans le cas général, le travail de nuit correspond à la période de 21 heures à 6 heures du matin. Selon la jurisprudence, l’article L. 3122-29 du code du travail permet de définir « une autre période de neuf heures consécutives comprises entre 21 heures et 7 heures, incluant en tout état de cause l’intervalle compris entre 24 heures et 5 heures, par accord collectif ». Il est donc possible, pour toute entreprise et quel que soit son secteur d’activité, de décaler le début de la période de nuit à 22 heures : la seule condition est la conclusion d’un accord collectif. Dans ce cas, le travail effectué de 21 heures à 22 heures n’est pas du travail de nuit. La jurisprudence n’a pas remis en cause cette possibilité.
Tel est le droit actuel qui s’applique partout, quels que soient les changements de jurisprudence récents, qui ont suscité beaucoup d’interrogations. C’est la raison pour laquelle je serai amené à émettre un avis défavorable sur les amendements visant à étendre les mesures relatives au travail en soirée dans les zones touristiques internationales au reste du territoire.
Nous parlons donc ce soir exclusivement d’une plage horaire comprise entre 22 heures et minuit, et des seules zones touristiques internationales, sachant que, comme je viens de l’indiquer, dans le droit commun, on peut décaler, sur la base d’un accord collectif, le début du travail de nuit de 21 heures à 22 heures. L’autorisation d’ouverture durant cette tranche horaire en zone touristique internationale sera soumise à la conclusion d’un accord entre les parties : pas d’accord, pas d’ouverture. Enfin, j’ai rappelé toutes les mesures de compensation que nous avons prévues, qui sont plus favorables pour les salariés que celles qui existent aujourd’hui dans la loi pour le travail de nuit, y compris dans le secteur industriel.
Le dispositif proposé me semble donc des plus protecteurs pour les salariés. À la lumière de ces explications, je confirme l’avis défavorable du Gouvernement sur ces amendements de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, à une heure quarante-cinq ce matin, il n’est pas utile de vous départir du calme dont vous avez fait preuve tout au long de notre discussion.
M. Jean Desessard. C’est un effet du travail de nuit !
Mme Annie David. Vous nous rappelez le droit existant : j’espère que vous ne nous faites pas l’offense de penser que nous ne le connaissons pas ! (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
Le droit du travail dispose aujourd'hui que le travail de nuit commence à 21 heures et qu’il doit être assorti de compensations. Cependant, monsieur le ministre, il est jusqu’à présent destiné à assurer la continuité des services publics nécessitant une présence humaine vingt-quatre heures sur vingt-quatre – hôpitaux, transports, etc. – et de l’activité dans quelques secteurs industriels de moins en moins représentés, malheureusement, dans notre pays, telles la sidérurgie ou la papeterie, où les machines doivent fonctionner en permanence, ce qui nous ramène d’ailleurs à la question du travail dominical, que j’ai abordée ce matin.
Oui, le travail de nuit existe déjà, mais il était jusqu’à présent réservé à certaines activités bien particulières. Ce que vous nous proposez, c’est d’ouvrir le champ du recours au travail de nuit. Certes, dans un premier temps, seuls les magasins situés dans des zones touristiques internationales seront concernés, mais cela constitue déjà un élargissement de ce champ à d’autres activités que celles que je viens de citer. Les salariés de ces magasins termineront leur journée de travail à minuit.
Le travail de nuit est actuellement bien encadré, selon des horaires différents de ceux qui nous sont présentés au travers de cet article. Vous pouvez bien protester, monsieur le ministre, avec toute la véhémence dont vous êtes capable, il n’en reste pas moins que vous élargissez le travail de nuit à de nouveaux domaines d’activité.
Les salariés concernés seront soumis à des conditions de travail pénibles. Vous semblez ne pas avoir entendu ce que, les uns et les autres, nous vous avons dit : le travail de nuit nuit gravement à la santé des salariés. Apparemment, cela ne dérange personne ! On écrit en gros sur les paquets de cigarettes que fumer nuit à la santé, mais travailler de nuit est également néfaste.
Monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission, vous vous êtes interrogé sur l’utilité du code du travail : il sert notamment à édicter des règles protégeant les salariés contre les abus que certains patrons – je dis bien certains – pourraient avoir envie de commettre. C’est le rôle principal du code du travail, dont un article précise d'ailleurs que l’employeur est responsable de la santé de ses salariés et qu’il ne doit pas avoir des exigences qui nuiraient à celle-ci. Cet aspect des choses ne semble pas vous préoccuper, monsieur le ministre, puisque vous étendez le champ du travail de nuit, même si, par une astuce sémantique, vous rebaptisez celui-ci « travail en soirée ». Ce faisant, vous allez gravement porter atteinte à la santé des salariés concernés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voudrais réagir aux propos de M. le ministre.
Premièrement, comme vient de le souligner Mme David, on élargit le champ du recours au travail de nuit non pas parce que la nature de certaines activités le justifierait, mais parce que, dans certaines zones, cela permettrait de répondre à une demande supposée. L’effet positif d’une telle mesure sur la situation économique du pays n’est pas prouvé, puisque l’étude d’impact du projet de loi ne fournit aucune évaluation de son incidence en matière d’emploi et de croissance.
Deuxièmement, monsieur le ministre, si vous estimez que le travail de nuit est aujourd’hui mal encadré, que les compensations actuelles ne sont pas suffisantes, n’hésitez pas à proposer des améliorations, et pas seulement pour les commerces des zones touristiques internationales ! Vous êtes un ministre de gauche ! Vous dites que la définition de l’heure de début du travail de nuit est imprécise : ne vous gênez pas pour y remédier en la fixant à 21 heures !
Vous prétendez que votre texte représente un progrès au regard des insuffisances actuelles de l’encadrement du travail de nuit, mais un tel argument n’est pas acceptable : il faut revoir les choses de manière globale, et non proposer un dispositif prétendument amélioré pour le travail de nuit dans les seuls magasins des zones touristiques internationales afin de faire accepter une extension du recours à celui-ci.
Quant à la prise en charge du retour des salariés à leur domicile, laissez-moi rire ! Les vendeuses des magasins des Champs-Élysées qui vivent en banlieue prennent le RER pour rentrer chez elles. En quoi consistera le raccompagnement au domicile d’une personne qui réside à Grigny ? Si vous pensez au remboursement du pass navigo, il est déjà acquis. On ne paiera pas aux salariés le taxi entre les Champs-Élysées et leur domicile, même avec les tarifs cassés d’Uber : c’est complètement illusoire !
En quoi cette mesure sera-t-elle utile à l’économie nationale ? Le soir, à Paris, les touristes vont d'abord au restaurant, puis au théâtre ou au cinéma. Il y a bien d’autres choses à faire à Paris, le soir, que courir les magasins.
Mme Catherine Génisson. C’est du travail de nuit !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Oui, mais l’ouverture tardive des restaurants, des théâtres et des cinémas est une nécessité : nos concitoyens – il n’y a pas que les touristes – ne peuvent s’y rendre pendant la journée. Nous considérons pour notre part qu’il ne convient pas d’étendre le travail de nuit aux magasins, car cela n’est pas indispensable. Si l’on suivait votre raisonnement, ma chère collègue, il faudrait que les magasins restent ouverts le soir partout où l’on trouve des restaurants ou des salles de spectacle, et donc pas seulement dans les zones touristiques ! Votre argument n’est pas pertinent, car les choses ne sont pas comparables.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Ceux d’entre nous qui souhaitaient dormir à cette heure tardive se trouvent maintenant réveillés ! Il est normal que M. le ministre réagisse comme il l’a fait quand il entend affirmer que le présent projet de loi marquerait une régression sociale.
Cela me rappelle un autre débat de nuit auquel Mme Génisson et moi-même avons participé dans une assemblée située plus en aval de la Seine, il y a quatorze ans. Il s’agissait alors de transposer une directive européenne à la suite de la condamnation de la France par la Cour de justice des Communautés européennes pour non-respect de l’égalité entre hommes et femmes, la loi française interdisant le travail de nuit des femmes en dehors de certains secteurs d’activité bien circonscrits.
Les arguments que j’entends cette nuit sont exactement les mêmes qu’à cette époque ; j’ai l’impression de faire du sur-place. On nous accusait déjà d’opérer une régression sociale, alors même que nous faisions progresser, comme aujourd'hui, les compensations du travail de nuit, tant pour les hommes que pour les femmes, les droits des salariés concernés, la protection de leur santé.
Je comprends que vous puissiez craindre que les dispositions protectrices de la loi ne soient pas respectées, mes chers collègues : il faudra veiller au grain, mais je fais confiance pour cela aux organisations syndicales, bien présentes dans les commerces des zones touristiques visées, ainsi qu’à l’inspection du travail.
M. le ministre a cité un certain nombre des compensations prévues, mais on pourrait également mentionner l’obligation de prendre en charge les frais de garde d’enfants, entre autres dispositions du projet de loi favorables aux salariés. Ne dites donc pas, au risque de nous énerver, qu’il s’agit d’un texte de régression sociale. Ce n’est pas acceptable, car il apportera des avancées pour tous ceux qui travailleront de nuit, sur le principe – je le rappelle – du volontariat, l’accord écrit du salarié étant requis.
On peut faire ou non confiance aux organisations représentatives du personnel pour faire respecter la loi ; moi, je leur fais confiance a priori, ainsi qu’à l’inspection du travail. La mesure d’extension du travail de nuit est de portée très restreinte, puisqu’elle ne concerne que les zones touristiques internationales. Il s’agit simplement d’adapter le droit à des situations exceptionnelles que nous avons définies cet après-midi. Parler de régression sociale est excessif et inacceptable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je persiste et signe : c’est une mesure de régression sociale. Depuis ce matin, notre débat a montré que les situations exceptionnelles visées n’étaient pas si exceptionnelles que cela. Il s’agit à chaque fois, sous couvert de modernisme, d’aller encore plus loin, d’élargir le champ des dérogations, de déréglementer.
On nous dit qu’il est normal de travailler le dimanche et la nuit, et que de toute façon les compensations prévues permettront de gommer tous les problèmes – en matière de santé, de garde d’enfants, de conditions de vie, de loisirs – que nous avons soulevés.
Un certain nombre de collègues déclarent faire confiance aux organisations syndicales, aux employeurs, à la loi. Je rappelle que toutes les conquêtes sociales ont été obtenues à la suite de luttes, de rapports de force qui ont ensuite été traduits dans la loi par des assemblées soucieuses de répondre aux attentes sociales. Il ne suffit pas de dire les choses ou de les écrire dans la loi pour qu’elles trouvent une portée concrète.
Je le répète, il s’agit d’un texte de régression sociale, qui ouvre la porte à toutes les dérives et porte très gravement atteinte aux conditions de travail et de vie du plus grand nombre.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 74, 169 rectifié et 481.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1240, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous nous dites faire confiance aux organisations syndicales ; nous aussi.
À cet égard, je rappelle que les salariés du magasin des Champs-Élysées dont le cas a inspiré l’élaboration du dispositif de cet article étaient défavorables à l’instauration du travail de nuit, de même que les organisations syndicales. Celles-ci ont saisi la justice et le Conseil constitutionnel leur a donné raison à plusieurs reprises.
Au travers de cet article, qui vise à autoriser le travail jusqu’à minuit dans les zones touristiques internationales, vous allez donc à l’encontre des décisions du Conseil constitutionnel et de la volonté des organisations syndicales et des salariés.
Dans l’entreprise en question, à l’occasion des élections professionnelles d’octobre 2014, 75 % des salariés ont mandaté pour les représenter les syndicats qui les avaient soutenus dans leur lutte contre l’instauration du travail de nuit. Un tel résultat devrait vous inciter à la réflexion, mais vous préférez passer outre l’avis des salariés, fouler aux pieds le dialogue social mis en place dans cette entreprise…
Mme la présidente. L'amendement n° 375, présenté par MM. Charon, Gilles, Chaize, Magras, Milon, Bignon, Cambon, Mayet, Laufoaulu et Delattre, Mme Deromedi, M. Grand, Mme Procaccia, MM. P. Dominati, Guerriau, Bonnecarrère, Frogier, Pozzo di Borgo, Houel, Raison, Bouchet et Lefèvre, Mme Mélot, MM. Nougein et Pierre, Mme Primas et MM. Commeinhes, Doligé et Marseille, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase, et alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
à l'article L. 3132-24
par les mots :
aux articles L. 3132-24 et L. 3132-25
La parole est à M. Pierre Charon.
M. Pierre Charon. Je salue le travail de la commission spéciale, qui a été très courageuse.
Pour ma part, monsieur Macron, j’ai fait un rêve un peu différent : celui d’une ouverture des commerces de détail en soirée adaptée à l’attractivité touristique de nos quartiers, assurée par des employés volontaires et bénéficiant de compensations, notamment salariales, au bénéfice de clients heureux de ne pas trouver porte close quand ils veulent acheter les produits de nos grandes marques à des heures tardives !
Voilà un an, j’avais déposé une proposition de loi visant à autoriser l’ouverture des commerces la nuit dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente.
L’article 72 du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a pour objet de créer des « zones touristiques internationales » : c’est une victoire du bon sens, une prise en compte de la réalité de nos grands sites fréquentés par les touristes du monde entier.
Le tourisme est évidemment un phénomène complexe : une zone touristique peut être aussi bien une grande avenue parisienne que le parvis d’une cathédrale de province, une ruelle animée qu’une grande place renommée. C’est forcément un lieu convivial que l’on fréquente pour s’y promener, s’y instruire ou s’y détendre.
Pour cette raison, je vous propose de transformer l’essai en élargissant les catégories de zones touristiques dans lesquelles les commerces peuvent recourir au travail de nuit.
Mme Éliane Assassi. Et voilà !
M. Pierre Charon. L’article 73 du projet de loi fait référence à des « zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes ». Utilisons donc cette nouvelle catégorie pour élargir le périmètre des zones pouvant bénéficier du travail de nuit !
Mme Laurence Cohen. C’est l’engrenage !
M. Pierre Charon. Ainsi, aux « zones touristiques internationales » s’ajouteraient les « zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes », où les commerces de détail pourraient être ouverts à des heures tardives.
Cette modification n’enlève rien à la réforme prévue : je propose simplement d’enrichir celle-ci par la référence à une nouvelle catégorie de zones touristiques. Rien de plus ! Au renvoi à l’article L. 3132-24 du code du travail s’ajouterait donc un renvoi à l’article L. 3132-25 du même code.
Oui, nos lieux touristiques ont besoin d’une législation adaptée. Non, nos commerces de détail n’ont pas vocation à souffrir de dispositifs archaïques. Oui, nos produits doivent être accessibles aux touristes, qui jouent un rôle important dans notre économie.
Évidemment, les garanties apportées par l’article 81 restent intactes : nécessité d’un accord collectif ; volontariat du salarié ; rémunération au moins doublée ; repos compensateur équivalent en temps.
N’attendons pas et ne laissons pas passer l’occasion : je propose une formule gagnant-gagnant, qui utilise une avancée de cette loi sans réduire les contreparties et les droits qu’elle prévoit pour le travailleur.
Je vous demande d’être audacieux ! Sans difficulté, nous pouvons élargir le périmètre des zones touristiques éligibles au travail de nuit pour faciliter le commerce de détail.
Mme la présidente. L'amendement n° 895 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon et MM. Cigolotti, Delahaye, Gabouty, Longeot et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer la référence :
à l’article L. 3132-24
par les références :
aux articles L. 3132-20, L. 3132-24, L. 3132-25 et L. 3132-25-1
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à ne pas exclure les zones touristiques ou commerciales des dispositions prévues concernant l’ouverture des commerces jusqu’à minuit.
L’assouplissement prévu par le projet de loi en matière de travail en soirée reste très restreint, puisque la possibilité d’ouvrir jusqu’à minuit serait limitée aux seuls établissements situés dans des zones touristiques internationales, excluant ainsi les établissements situés dans des zones touristiques ou commerciales.
Il convient de maintenir le droit existant pour les autres zonages.
Mme la présidente. L'amendement n° 894 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Gabouty et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après la référence :
L. 3132-24
insérer les mots :
ou couverts par un accord collectif prévoyant cette faculté,
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Aujourd’hui, un certain nombre de commerces, non situés dans des zones touristiques internationales telles que déterminées par l’article L. 3132-24 du code du travail, sont ouverts jusqu’à minuit en vertu d’un accord collectif le prévoyant. Limiter l’ouverture nocturne des commerces à ceux qui sont implantés dans une zone touristique internationale reviendrait à les contraindre à fermer. Cet amendement vise donc à leur permettre de continuer à ouvrir en nocturne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 1240, pour les raisons invoquées à l’encontre des amendements de suppression de l’article.
L’amendement n° 375 a pour objet d’étendre la possibilité d’ouverture tardive prévue pour les commerces situés dans les zones touristiques internationales à ceux des zones touristiques en général. Il est vrai qu’à Paris, par exemple, certains commerces ne se trouvant pas dans une zone touristique internationale pourraient néanmoins aussi bénéficier de la possibilité d’ouvrir en soirée.
Cet amendement, qui s’inscrit dans le droit fil d’une proposition de loi déposée par Pierre Charon et dont j’avais été cosignataire, nous offre l’occasion de faire avancer les choses concernant les zones touristiques. La commission a émis un avis favorable.
Mme Laurence Cohen. Et voilà !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 895 rectifié bis, quant à lui, tend à proposer un élargissement plus important, englobant jusqu’aux zones commerciales. S’il a semblé à la commission intéressant de permettre l’ouverture des commerces au-delà de 21 heures dans les zones touristiques, qu’elles soient internationales ou caractérisées par une affluence de touristes particulièrement importante, elle n’y est en revanche pas favorable en ce qui concerne les zones commerciales.
La commission demande donc le retrait de l’amendement n° 895 rectifié bis, ainsi que de l’amendement n° 894 rectifié bis. Pour ma part, les explications de M. le ministre sur les possibilités de décalage du début de la période de nuit m’ont donné satisfaction. Dans nos territoires de province, les responsables de magasins ouvrant jusqu’à 21 heures 30, voire 22 heures, s’inquiétaient des conséquences des jurisprudences fixant la limite d’ouverture à 21 heures. La faculté de décaler d’une heure le début du travail de nuit, pour l’établir à 22 heures, permettra de continuer à ouvrir au-delà de 21 heures ces magasins qui répondent à des besoins locaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis défavorable à l’amendement n° 1240.
Concernant le magasin Sephora dont il a été beaucoup question, je veux souligner, à l’adresse de Mme Lienemann, que l’accord conclu le 14 novembre 2014, approuvé par plus de 30 % des salariés, prévoit de manière explicite, entre autres compensations, la reconduite des salariés à leur domicile en taxi. Quand on fait référence à cet accord, il faut en examiner le contenu en détail…
Par ailleurs, madame David, aux termes du texte, si une majorité de salariés s’oppose à l’ouverture du magasin en soirée ou le dimanche, celle-ci ne sera pas possible : la démocratie sociale prévaudra. Un accord sera nécessaire : c’est la condition posée par le projet de loi, qui est bien un texte de progrès social. On ne peut pas dire tout et son contraire !
Monsieur Charon, je comprends votre argument, mais la possibilité existe aujourd’hui de déroger, sur la base d’un accord majoritaire, à la règle de la fermeture à 21 heures, pour reporter celle-ci à 22 heures. Cela est valable partout, et pas seulement dans les zones touristiques.
L’extension du travail en soirée aménagée par le texte, qui prévoit de décaler de 21 heures à minuit le début de la période de nuit, se justifie par l’affluence particulière de touristes dans les zones touristiques internationales et la nature économique spécifique de ces dernières. Votre proposition d’élargir cette possibilité aux zones touristiques me paraît excessive, dans la mesure où, pour nombre d’entre elles, l’ouverture des commerces jusqu’à minuit ne se justifie pas, l’ouverture jusqu’à 22 heures sur la base d’un accord majoritaire suffisant amplement. Je vous demande donc, monsieur Charon, de bien vouloir retirer l’amendement n° 375, faute de quoi j’y serai défavorable.
Pour les mêmes raisons, j’adresserai la même demande à M. Cadic à propos des amendements nos 894 rectifié bis et 895 rectifié bis. Les jurisprudences récentes n’ont pas remis en cause la possibilité, prévue par le droit existant, de décaler de 21 heures à 22 heures le début de la période de travail de nuit, sur la base d’un accord majoritaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pourquoi ne considérer que les zones touristiques internationales ? Pourquoi les touristes chinois auraient-ils plus le droit de consommer la nuit que les touristes français ? Il peut être tout à fait pertinent, économiquement, de viser également les simples zones touristiques.
Si l’on met le doigt dans cet engrenage, on en arrivera à généraliser l’application du dispositif à l’ensemble du territoire. On peut être d’accord ou non avec la logique de votre texte, monsieur le ministre, mais vous ne nous ferez pas croire que son champ restera circonscrit à quelques zones bien définies : il est inéluctablement appelé à s’étendre.
Vous avez évoqué le rôle des syndicats, mais aucun d’entre eux n’était demandeur d’un tel dispositif d’élargissement des possibilités de recours au travail de nuit, pudiquement rebaptisé travail en soirée ! Vous déclarez faire confiance aux syndicats pour veiller à la bonne application des accords d’entreprise, mais vous ne tenez pas compte de leur avis lorsqu’ils s’opposent à votre texte. Il faudrait savoir !
Par ailleurs, qu’est-ce qu’un accord majoritaire ? Je sais bien que vous portez un jugement favorable sur les lois Fillon, mais je vous rappelle que, historiquement, nous avons toujours contesté le fait qu’un accord dit majoritaire puisse être conclu dès lors que 30 % des salariés l’approuvent et que 50 % d’entre eux ne s’y opposent pas. Imaginez ce qui se passerait si le même principe s’appliquait en politique : une loi serait adoptée pourvu que 30 % des parlementaires l’approuvent et que 50 % ne votent pas contre !
À cet égard, l’exemple de Sephora est typique : les syndicats ayant signé l’accord ne représentent que 30 % des salariés.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour autant, à chaque élection professionnelle, 75 % des salariés votent pour les syndicats qui n’ont pas signé l’accord. Comment s’étonner, dans ces conditions, de la crise de la représentation que connaît notre pays, de la perte de confiance de nos concitoyens en la démocratie ?
Bien entendu, je ne voterai pas ces amendements, dont l’adoption ne ferait qu’accroître le désastre que provoquera la mise en œuvre des mesures dont nous discutons. Je le répète, en mettant le doigt dans l’engrenage, on aboutira à terme à leur application généralisée sur l’ensemble du territoire, comme le veulent nos collègues de droite.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Si des magasins souhaitent ouvrir le dimanche ou en soirée, c’est qu’il y a une demande de la part des consommateurs. S’est-on soucié de savoir qui sont ceux qui font leurs courses en soirée ou le dimanche ? Parmi eux, n’y a-t-il pas des syndicalistes, des opposants de principe à l’élargissement des horaires d’ouverture ?
Par exemple, quand j’ai autorisé un grand magasin de ma commune à ouvrir le dimanche, cela m’a valu d’être agressé par une personne que j’ai par la suite croisée un dimanche sur le parking dudit magasin… Elle a prétendu ne pas faire ses courses le dimanche habituellement, mais avoir oublié d’acheter quelque chose dans la semaine.
L’ouverture des magasins le dimanche ou en soirée répond donc bien à une demande des consommateurs.
Par ailleurs, j’indique que je voterai l’amendement n° 375, car il faut évoluer sur la question des « zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes ».
Quand une ville se vide de ses commerces, se meurt faute d’attractivité touristique ou commerciale, la délinquance se développe. À mon sens, l’ouverture des magasins le dimanche et en soirée permet d’assurer une certaine activité dans nos communes, ce qui est très précieux, en particulier dans les zones rurales.
Mme la présidente. Monsieur Cadic, les amendements nos 895 rectifié bis et 894 rectifié bis sont-ils maintenus ?
M. Olivier Cadic. Je vais les retirer, tout en soulignant que le dispositif du texte me paraît totalement incohérent. Le mot « égalité » est inscrit au fronton de tous nos édifices publics : alors pourquoi réserver la possibilité d’ouvrir le dimanche ou en soirée aux seuls magasins situés dans une zone touristique, en excluant ceux des zones commerciales ? Cela fait partie de ces incohérences que beaucoup ont du mal à comprendre à l’étranger. Pour ma part, je vis dans une ville du sud-est du Royaume-Uni où l’on peut faire ses courses à 2 heures du matin. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Les amendements nos 895 rectifié bis et 894 rectifié bis sont retirés.
L’amendement n° 896 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau et Delahaye, Mme Gatel et MM. Kern et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
liées à la garde d’enfant
par les mots :
effectives liées à la garde d’enfants sur présentation d’un justificatif
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Le texte issu de l’Assemblée nationale précise que l’accord collectif devra prévoir la prise en charge des frais de garde d’enfants. Il est important de préciser que seules les charges effectivement supportées, c’est-à-dire donnant lieu à la présentation d’un justificatif, feront l’objet de la compensation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Chaque accord collectif fixera les modalités spécifiques de prise en charge des frais de garde d’enfants ; il nous a semblé que ce n’était pas à la loi de rendre obligatoire la présentation d’un justificatif. Il faut faire confiance au dialogue social et à l’honnêteté de chaque salarié.
Par conséquent, la commission demande à M. Cadic de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Cadic, l’amendement n° 896 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 896 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 1241, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Un décret fixe les modalités de prise en compte des heures de travail en soirée au titre des facteurs de risques mentionnés à l’article L. 4161-1 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement prévoit que le travail « en soirée » effectué entre 21 heures et minuit dans les zones touristiques internationales soit reconnu comme un facteur de pénibilité, au même titre que le travail de nuit. Son dispositif s’appuie sur la réforme des retraites de 2010, qui a introduit dans le code du travail des dispositions relatives à la pénibilité au travail. Celle-ci est évaluée en prenant en compte certains facteurs de risques, liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail. L’identification de ces risques donne lieu à la mise en place d’actions spécifiques visant à les limiter ou à les réduire et, lorsque les mesures de prévention se révèlent insuffisantes, à garantir des compensations au salarié.
La définition de la pénibilité s’appliquant au travail de nuit, il est tout à fait logique qu’elle soit élargie au travail en soirée, quand celui-ci s’effectue jusqu’à minuit, soit une bonne partie de la nuit.
En effet, l’impact sur la santé est le même : le travail de nuit ou en horaires décalés provoque ulcères, maladies cardiovasculaires, certains cancers, et a également un effet sur le développement cognitif. Ainsi, selon une étude britannique, une personne âgée de 40 ans exposée au travail de nuit pendant dix ans dispose des capacités cognitives d’une personne de 46 ans et demi. Voilà ce qui attend les personnes travaillant dans les commerces où se rend M. Cadic à 2 heures du matin…
Ces années perdues, cette santé mise à mal doivent faire l’objet de compensations ; tel est l’objet de cet amendement. Nous allons même au-delà, en misant sur la prévention : la reconnaissance comme facteur de pénibilité du travail en soirée obligerait l’entreprise à prévenir ce risque, et potentiellement à renoncer à l’ouverture durant cette tranche horaire. En effet, l’utilité sociale de l’ouverture en soirée est contestable, tandis que le risque auquel les salariés sont confrontés, lui, ne l’est pas !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le travail de nuit constitue l’un des trois facteurs de risques professionnels que la commission spéciale a décidé de maintenir, à l’article 97 quinquies, dans le compte personnel de prévention de la pénibilité simplifié. Toutefois, selon le décret du 9 octobre 2014 et l’article D. 4161-2 du code du travail, seules les heures de travail comprises entre minuit et 5 heures permettent d’acquérir des droits au titre de ce compte. S’il n’a pas été jugé souhaitable, il y a six mois, de prendre en compte les heures travaillées avant minuit, cela ne l’est pas davantage aujourd’hui.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 1242, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rétablir le IV dans la rédaction suivante :
« IV. - Les compensations prévues à l’article L. 3122-29-1 s’appliquent à l’ensemble des salariés qui sont concernés par les articles L. 3132-21, L. 3132-24, L. 3132-25, et L. 3132-25-1 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Les compensations apportées aux salariés qui travaillent la nuit doivent être étendues aux salariés qui travaillent le dimanche. Cet amendement a donc pour objet de prévoir qu’il ne soit pas opéré de distinction selon que le salarié travaille la nuit ou le dimanche.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission ne souhaite pas que le travail du dimanche soit assimilé au travail en soirée en matière de contreparties. En conséquence, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 687 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mmes Morin-Desailly et Gatel, M. Cadic et Mme Goy-Chavent, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. L’alinéa 10 du présent article vise à étendre aux salariés qui travaillent entre 21 heures et minuit les dispositions prévues par le code du travail pour les travailleurs de nuit, notamment une consultation obligatoire du médecin du travail avant toute décision importante relative à la mise en place ou à la modification du travail de nuit, ainsi qu’une surveillance médicale renforcée.
L’application d’une telle disposition s’entend parfaitement pour les travailleurs de nuit tels que définis par l’article L. 3122-31 du code du travail. Le médecin du travail se doit d’apprécier les conséquences éventuelles du travail de nuit sur leur santé et leur sécurité et d’en appréhender les répercussions potentielles sur leur vie sociale.
Le fait d’être soumis à un horaire conduisant à travailler d’une façon qui peut n’être qu’occasionnelle entre 21 heures et minuit n’a pas les mêmes conséquences sur la santé que le travail de nuit au sens de l’article L. 3122-29.
À ce titre, il ressort des dispositions du décret n° 2014-1159 du 10 octobre 2014 relatif à l’exposition des travailleurs à certains facteurs de risque professionnel au-delà de certains seuils de pénibilité et à sa traçabilité que seul le travailleur effectuant une heure de travail entre minuit et 5 heures au moins 120 nuits par an est exposé au facteur de pénibilité « travail de nuit ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission n’a pas souhaité supprimer la surveillance médicale renforcée pour les salariés travaillant en soirée. Par conséquent, elle demande à M. Cadic de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Cadic, l’amendement n° 687 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 687 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 81, modifié.
(L’article 81 est adopté.)
Article additionnel après l’article 81 (priorité)
Mme la présidente. L’amendement n° 686 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Bockel et Cadic et Mme Goy-Chavent, est ainsi libellé :
Après l’article 81
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3122-29 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Par exception, le travail compris entre 21 heures et 24 heures est considéré comme travail de soirée, dès lors qu’il n’est pas suivi par une période de travail de nuit. L’article L. 3122-32 n’est pas applicable au travail de soirée.
« La mise en place dans une entreprise ou un établissement du travail de soirée est subordonnée à la conclusion préalable d’une convention ou d’un accord collectif de branche étendu ou d’un accord d’entreprise ou d’établissement. »
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. L’ouverture des magasins alimentaires de proximité en soirée et le dimanche toute la journée répond à une évolution des besoins et des attentes des consommateurs. Elle est en outre indispensable pour préserver l’attractivité des centres-villes, face à l’arrivée annoncée de nouvelles formes de distribution – casiers réfrigérés, livraisons – employant moins de salariés et répondant à ces besoins nouveaux des consommateurs.
Une récente jurisprudence de la Cour de cassation a remis en cause l’interprétation qui prévalait jusqu’à aujourd’hui et qui permettait l’ouverture en soirée des magasins alimentaires, dès lors qu’un accord social de branche, d’entreprise ou d’établissement en prévoyait les contreparties pour les travailleurs de nuit.
En limitant l’ouverture en soirée aux seuls magasins situés dans les zones touristiques internationales, le présent projet de loi interdit a contrario l’ouverture des autres magasins alimentaires. L’enjeu est considérable, puisque la part de chiffre d’affaires réalisée en soirée va de 10 % en province à 20 % à Paris et que plus de 20 000 salariés sont employés le soir.
Par conséquent, afin d’éviter la remise en cause des droits existants, il est proposé d’étendre le statut de travail en soirée à l’ensemble des magasins alimentaires, sous réserve de la signature d’un accord social sur les modalités de cette ouverture, comme c’est le cas aujourd’hui.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable. La possibilité de décaler jusqu’à 22 heures le début de la période de nuit nous semble constituer une solution acceptable pour les commerces alimentaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 686 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 81 bis (priorité)
(Non modifié)
I. – L’article L. 3132-29 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À la demande des organisations syndicales représentatives des salariés ou des organisations représentatives des employeurs de la zone géographique concernée exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession de cette zone géographique, le préfet abroge l’arrêté mentionné au premier alinéa, sans que cette abrogation puisse prendre effet avant un délai de trois mois. »
II. – (Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 1243, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Avec votre permission, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement de repli n° 1244.
La jurisprudence du Conseil d’État du 5 mai 1986 prévoit que l’autorité administrative doit abroger l’arrêté de fermeture des magasins le dimanche « si la majorité des intéressés le réclame », cette décision nécessitant l’accord « de la majorité des organisations syndicales de salariés et des organisations d’employeurs ».
L’article 81 bis accordera de fait aux employeurs la possibilité de saisir seuls, unilatéralement, le préfet pour demander l’ouverture dominicale.
En réalité, la libéralisation et la simplification du marché du travail s’effectueront toujours dans le même sens : au détriment des droits des salariés ! Nous le savons depuis un certain temps…
L’article 81 bis prévoit que l’arrêté de fermeture puisse être abrogé par le préfet, sur demande des organisations syndicales ou des organisations d’employeurs, pour une zone géographique et une profession données. Par l’amendement n° 1244, nous proposons de supprimer l’alinéa autorisant les organisations d’employeurs à solliciter seules du préfet une décision de fermeture. Les deux parties doivent pouvoir saisir le préfet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 81 bis, que l’amendement n° 1243 tend à supprimer, porte sur les arrêtés préfectoraux de fermeture et vise à faire abroger les plus anciens d’entre eux, qui sont souvent obsolètes.
Comme le soulignent les auteurs de l’amendement, l’article reconnaît aux organisations représentatives des employeurs le droit de demander leur abrogation au préfet, dès lors qu’elles représentent une majorité des membres de la profession dans la zone géographique déterminée, mais le même droit est reconnu aux organisations représentatives des salariés.
Il s’agit non pas d’une révolution juridique, mais de la codification de la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel en la matière. Dans une décision du 21 janvier 2011, ce dernier a estimé que l’autorité administrative est tenue d’abroger un arrêté de fermeture « si la majorité des intéressés le réclame ».
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 683 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, M. Cadic, Mme Goy-Chavent et M. Roche, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – La première phrase de l’article L. 3132-29 du code du travail est ainsi modifiée :
1° Les mots : « d’une profession et d’une zone géographique déterminées » sont remplacés par les mots : « d’un champ conventionnel et d’une zone géographique déterminés » ;
2° Les mots : « de la profession ou de la zone géographique concernée » sont remplacés par les mots : « du champ conventionnel ou de la zone géographique concerné ».
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Les dérogations de plein droit peuvent être remises en cause par des arrêtés préfectoraux de fermeture pris sur la base d’accords locaux. Ce dispositif suscite de nombreuses critiques.
D’abord, les accords locaux n’obéissent pas à des règles précises, ni de représentativité ni de majorité. Ensuite, de nombreux arrêtés trouvent à s’appliquer à des professions non représentées par les signataires de ces accords. Enfin, ils sont annulés par les tribunaux en raison de l’absence d’accord majoritaire des magasins concernés, parfois après des années de procédure.
La question a récemment connu un certain retentissement médiatique, à la suite de la contestation par un boulanger de Saint-Paul-lès-Dax du bien-fondé d’un arrêté préfectoral relatif à la vente de pain dans le département des Landes.
En conséquence, il est proposé de préciser les conditions dans lesquelles de tels accords peuvent être valablement conclus, en définissant leur champ d’application professionnel par référence au champ des conventions collectives. Une telle mesure permettra la prise en compte des règles de représentativité des organisations patronales. En outre, en asseyant leur sécurité juridique, elle réduira fortement les possibles contestations des arrêtés pris sur la base des accords locaux en cause.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à transformer les accords préalables à un arrêté préfectoral de fermeture en accords relevant du droit commun de la négociation collective.
Les arrêtés de fermeture relèvent d’un mécanisme imaginé en 1923. Ils sont pris sur la base d’un accord des partenaires sociaux locaux d’une profession déterminée. Ils répondent à une volonté d’assurer une concurrence équitable entre tous les acteurs de cette profession. En cela, ils ne sont pas contestables, contrairement à ce que l’exemple récent et bien trop médiatisé du boulanger des Landes a pu laisser penser.
Toutefois, ces accords sont d’un type spécifique. Ils ne sont pas soumis aux mêmes règles, notamment de représentativité des signataires et de validité, que les accords de branche.
Cela s’explique par le fait qu’ils n’ont pas le même objet, puisqu’ils ne visent qu’à traduire l’accord de la majorité des membres d’une profession sur une date de fermeture hebdomadaire. En raison de leur champ géographique restreint, il serait malaisé de mesurer la représentativité élective des signataires sans omettre des acteurs locaux, qui peuvent avoir une grande importance dans une ville, sans pour autant avoir une audience nationale.
Il appartient au préfet, avant de prendre un arrêté de fermeture, de vérifier que c’est bien la volonté d’une majorité des employeurs et des salariés d’une profession – c’est plus large qu’une branche – qui s’est exprimée. Il n’est donc pas possible d’y appliquer le droit commun de la négociation collective.
La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Cadic, l'amendement n° 683 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 683 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 685 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mmes Morin-Desailly et Gatel, M. Cadic, Mme Goy-Chavent et M. Roche, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase de l’article L. 3132-29 du code du travail, après le mot : « intéressés », sont insérés les mots : « et pour une durée qui ne peut excéder cinq ans, ».
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Les arrêtés de fermeture pris en application de l’article L. 3132-29 du code du travail, après accord intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession sur une zone géographique définie, s’appliquent sans limitation de durée dans le temps.
Si les syndicats d'employeurs et de travailleurs d'une profession soumise à un arrêté de fermeture estiment que, en raison de l'évolution des formes de distribution ou de conditions nouvelles de concurrence, la mesure n'exprime plus la volonté de la majorité indiscutable de leur profession ou n'est plus adaptée aux circonstances locales, il leur revient de saisir le préfet d'une demande de modification ou d'abrogation. S'il est établi après enquête que l'arrêté préfectoral ne répond effectivement plus au souhait de la majorité, il peut être soit purement et simplement abrogé, soit modifié, sous réserve de la conclusion d'un nouvel accord.
Cet amendement vise à limiter la validité des arrêtés dans le temps, afin qu’il soit procédé de manière systématique à un réexamen périodique des circonstances ayant présidé à leur édiction. Ainsi, il n’incombera plus aux syndicats d'employeurs et de travailleurs de la profession ayant fait l'objet d'un arrêté de fermeture d’apporter la preuve qu’il n'exprime plus la volonté de sa majorité indiscutable ou qu’il est devenu caduc en raison de l’évolution des circonstances locales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à limiter à cinq ans la durée de validité des arrêtés de fermeture.
Certes, le principal reproche adressé aux arrêtés porte non pas sur leur bien-fondé, mais sur l’obsolescence de certains d’entre eux. Ainsi, à Paris, où quatorze arrêtés sont en vigueur, la fermeture des horlogeries et bijouteries le dimanche repose sur un arrêté du 3 mai 1928.
Il pourrait être souhaitable que ces arrêtés aient à l’avenir une durée de validité limitée, en vue de permettre un réexamen périodique. Une nouvelle négociation entre partenaires sociaux s’engagerait ainsi pour ceux qui n’auraient pas donné satisfaction, afin d’aboutir à un résultat différent.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1244, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou des organisations représentatives des employeurs de la zone géographique concernée exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession de cette zone géographique
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 684 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, M. Cadic, Mme Goy-Chavent et M. Roche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
concernée
par les mots :
et dans le champ conventionnel concernés
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Il s’agit d’un amendement de précision. Nous proposons d’indiquer les conditions dans lesquelles l’abrogation de ces arrêtés peut être valablement demandée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1244 vise à interdire aux organisations représentatives des employeurs de demander l’abrogation d’un arrêté de fermeture.
Or cette possibilité découle de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le fait de la supprimer du projet de loi ne la rendrait donc pas inopérante pour autant. Sur le fond, rien ne justifie une dissymétrie de prérogatives entre les représentants des employeurs et ceux des salariés.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Par ailleurs, la commission sollicite le retrait de l’amendement n° 684 rectifié bis. À défaut, l’avis serait défavorable. Comme je l’ai expliqué à propos de l’amendement n° 683 rectifié bis, la branche n’est pas l’échelon approprié pour les arrêtés de fermeture.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Cadic, l'amendement n° 684 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 684 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 81 bis, modifié.
(L'article 81 bis est adopté.)
Article 81 ter (priorité)
(Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 620, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail est complétée par un paragraphe 4 ainsi rédigé :
« Paragraphe 4
« Concertation locale
« Art. L. 3132-27-2. – Dans le périmètre de chaque schéma de cohérence territoriale, le représentant de l’État dans la région réunit annuellement les maires, les présidents d’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, les associations de commerçants et les organisations représentatives des salariés et des employeurs du commerce de détail, et organise une concertation sur les pratiques d’ouverture dominicale des commerces de détail au regard des dérogations au repos dominical prévues à la présente sous-section et de leur impact sur les équilibres en termes de flux commerciaux et de répartition des commerces de détail sur le territoire. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Nous proposons de réintroduire dans le texte l’instance de concertation commerciale à l’échelon du périmètre de chaque schéma de cohérence territoriale dont nos collègues députés avaient voté la création.
La mise en place d’une telle conférence territoriale de concertation commerciale permettrait de prendre véritablement en compte l’intérêt des petites villes du monde semi-rural ou rural. Nous le savons, le samedi, les habitants de ces petites villes vont souvent faire leurs courses dans la grande ville située à proximité. Il y a dès lors un problème d’équilibre concurrentiel.
Il nous paraît donc utile d’établir une concertation territoriale sur les pratiques d’ouverture dominicale des commerces, afin d’en analyser les conséquences. Les élus concernés pourront ainsi rechercher des solutions en cas de siphonage du commerce de proximité des petites villes au profit des commerces de deuxième niveau.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Nous avions supprimé l’article 81 ter, qui avait été inséré en séance publique à l’Assemblée nationale et prévoyait une « concertation locale annuelle » sur les pratiques d’ouverture dominicale des commerces à l’échelle du périmètre de chaque SCOT.
S’il paraît effectivement utile d’avoir une forme de dialogue territorial sur l’ouverture dominicale des commerces, une telle disposition relève, aux yeux de la commission, non de la loi, mais du décret, voire de l’instruction ministérielle.
Faut-il que la loi donne instruction au préfet de réunir chaque année les acteurs économiques et politiques locaux pour parler des pratiques de travail dominical ? Le préfet ne peut-il pas le décider lui-même, sur sa propre initiative ?
Il faut simplifier les normes et procédures. N’imposons pas la constitution de structures dont les élus locaux peuvent se passer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement de rétablissement du texte de l’Assemblée nationale, pour les raisons exposées par Mme Bricq.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 620.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 81 ter demeure supprimé.
Article 82 (priorité)
I. – Les communes d’intérêt touristique ou thermales et les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente créées avant la publication de la présente loi en application de l’article L. 3132-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, constituent de plein droit des zones touristiques, au sens du même article L. 3132-25, dans sa rédaction résultant de la présente loi.
Les articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4 du même code, dans leur rédaction résultant de la présente loi, s’appliquent aux salariés employés dans les établissements mentionnés à ces mêmes articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4 situés dans les communes ou zones mentionnées au premier alinéa du présent I à la date de publication de la présente loi, à compter du premier jour du trente-sixième mois suivant cette publication.
II. – Les périmètres d’usage de consommation exceptionnelle créés avant la publication de la présente loi en application de l’article L. 3132-25-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, constituent de plein droit des zones commerciales au sens de l’article L. 3132-25-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la présente loi.
Les décisions unilatérales de l’employeur mentionnées à l’article L. 3132-25-3 dudit code, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, demeurent applicables dans les établissements situés dans les périmètres mentionnés au premier alinéa du présent II jusqu’au premier jour du trente-sixième mois suivant la publication de la présente loi.
Au cours de cette période, lorsqu’un accord collectif est régulièrement négocié, dans les conditions prévues aux II et III de l’article L. 3132-25-3 du même code, dans sa rédaction résultant de la présente loi, postérieurement à la décision unilatérale prise en application du premier alinéa du même article, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, cet accord s’applique dès sa signature en lieu et place de cette décision.
III. – (Non modifié) L’article L. 3132-26 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la présente loi, s’applique, pour la première fois, au titre de l’année suivant celle au cours de laquelle la présente loi est publiée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Cet article fixe les modalités d’entrée en vigueur de la réforme du travail dominical.
Les communes d’intérêt touristique ou thermales et les zones touristiques « d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente » deviennent des zones touristiques.
Le Gouvernement a présenté de manière positive cette transformation puisque, désormais, les salariés privés du repos dominical dans ces zones pourront bénéficier de contreparties auxquelles ils n’avaient jusqu’à présent pas droit.
Il est évident que nous soutenons toutes les mesures qui vont dans le sens d’une meilleure prise en considération des conditions de travail et de rémunération des salariés. Nous l’avons d’ailleurs prouvé tout au long de ce débat.
Notre opposition à cet article relève d’une autre logique, qui s’articule en trois points.
Tout d’abord, comme nous avons eu l’occasion de le souligner, nous considérons que la loi aurait dû fixer des contreparties minimales, comme la rémunération des heures travaillées le dimanche au moins au double de la rémunération normalement perçue. Les accords collectifs auraient ainsi permis aux organisations syndicales d’obtenir des droits supplémentaires pour les salariés. Contrairement à ce qui est possible aujourd’hui, les contreparties ne devraient pas être inférieures à ces minima légaux.
Ensuite, nous estimons que, dans la mesure où les entreprises de moins de onze salariés sont exemptées de l’obligation d’être couvertes par un accord collectif et où l’employeur peut décider de manière unilatérale, au sein des PUCE, les périmètres d’usage de consommation exceptionnels, d’ouvrir le dimanche sans contreparties, il ne s’agit pas d’une avancée pour les salariés.
Enfin, concernant les délais d’application de la loi, les entreprises situées dans les nouvelles zones commerciales et zones touristiques disposeront d’un délai de trois ans à compter de la publication de la loi pour se mettre en conformité avec ces nouvelles obligations. Nous considérons que si l’absence d’institutions représentatives du personnel peut conduire à des délais plus longs pour trouver un accord sur les contreparties au travail dominical, il ne s’agit en aucun cas d’un motif valable pour autoriser les entreprises à continuer de faire travailler le dimanche sans offrir aucune contrepartie aux salariés.
Nous déplorons que la commission spéciale se soit placée plutôt, voire exclusivement, du côté des employeurs, et non de celui des salariés, en refusant a minima de suivre l’Assemblée nationale, qui avait proposé d’abaisser de trois à deux ans le délai ouvert aux commerces situés dans les zones touristiques et les zones commerciales. Il y a véritablement deux poids, deux mesures lorsque l’on évoque le travail dominical, jusqu’aux modalités de son entrée en vigueur.
Voilà, rapidement évoquées, les raisons de notre opposition à cet article.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 790 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
L'amendement n° 1246 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 790 n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 1246.
Mme Annie David. Il s’agit d’un amendement de suppression. Ma collègue Laurence Cohen a parfaitement exposé les motifs qui le sous-tendent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article qui fixe les conditions d’entrée en vigueur de la réforme du travail dominical. Comme nous n’avons pas renoncé à cette réforme, cet article conserve toute sa pertinence. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 621, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 4
Remplacer le mot :
trente-sixième
par le mot :
vingt-quatrième
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement a pour objet de fixer à vingt-quatre mois le délai maximal de mise en conformité avec la future loi pour les commerçants des PUCE et des zones touristiques existantes. Un délai de trente-six mois, tel que l’a établi la commission spéciale, serait trop long. Vingt-quatre mois me paraît une durée suffisante pour conclure un accord collectif déterminant des contreparties pour les salariés privés de repos dominical ou du respect de leur volontariat.
Même s’il existe des accords sectoriels, la loi n’oblige à aucune compensation salariale ni pécuniaire, d’où des disparités auxquelles il faut mettre un terme. Nous voulons que les salariés soient mieux couverts. Un principe a souvent été rappelé : pas d’accord, pas d’ouverture.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Nous avons proposé de porter le délai à trente-six mois, conformément à la rédaction initiale du projet de loi. J’ai expliqué tout à l’heure à quelles difficultés pouvaient être confrontées certains commerces en zones touristiques pour conclure un accord fixant des contreparties pour les salariés. Le processus peut prendre du temps. Une durée de trois ans laissera le temps à des commerces qui jusqu’ici n’avaient pas de contreparties à offrir à leur employés de parvenir à un accord. Trente-six mois est un maximum : si un accord est trouvé plus vite, il s’appliquera bien évidemment immédiatement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 621.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Je comprends que la commission spéciale veuille marquer sa différence, mais pourquoi demander un scrutin public sur cet amendement ? Vous ne risquez guère d’être mis en minorité, et il n’y a pas lieu de faire de ce sujet un marqueur politique…
Fixer à deux ans le délai pour mener une négociation en vue de la conclusion d’un accord destiné à améliorer les droits des salariés, c’est tout de même raisonnable. Je ne demande pas l’impossible ! Si l’on n’a pas débouché sur un accord au bout de deux ans, c’est que l’on n’y arrivera jamais ! Je ne comprends pas votre attitude sur un point qui a été débattu à l’Assemblée nationale : ne nous asseyons pas sur le travail parlementaire déjà réalisé ! Le Gouvernement a donné son accord pour que le délai soit ramené à vingt-quatre mois. Vraiment je ne vous comprends pas !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Madame Bricq, je comprends que l’on veuille éviter les scrutins publics à cette heure tardive, mais j’ai souhaité assurer le retour au texte initial du projet de loi : ce n’est pas d’une extravagance extraordinaire ! J’ai expliqué qu’il y avait des difficultés, notamment en zones touristiques. Par ailleurs, la commission spéciale a parfaitement le droit de demander un scrutin public, même à 3 heures du matin !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 621.
J'ai donc été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 168 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 125 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 1491, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Pour l’année au cours de laquelle la présente loi est publiée, le maire peut désigner douze dimanches en application de l’article L. 3132-26 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la présente loi.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Le présent amendement vise à permettre dès 2015 aux maires qui le souhaiteront de désigner jusqu’à douze dimanches au titre des dimanches du maire.
En effet, pour des raisons pratiques, l’ensemble du dispositif de consultation et de concertation s’appliquera pour l’année 2016, notamment parce que les dimanches doivent être désignés l’année précédente. Cet amendement vise donc à favoriser une application rapide de la loi.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1782, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 1491, alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Par dérogation à l'article L. 3132-26 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la présente loi, pour l'année au cours de laquelle la présente loi est publiée, le maire ou, à Paris, le préfet, peut désigner douze dimanches durant lesquels, dans les établissements de commerce de détail, le repos hebdomadaire est supprimé. Lorsque le nombre de ces dimanches excède cinq, la décision du maire est prise après avis conforme de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l'amendement n° 1491.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est favorable à l'amendement n° 1491 sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 1782. En effet, même si l’on entend favoriser une application rapide du texte, il nous a semblé nécessaire de prévoir que, dès 2015, la désignation des dimanches du maire au-delà du cinquième devra avoir recueilli l’avis conforme de l’organe délibérant de l’EPCI.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 1782 ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, il est écrit, dans l’exposé des motifs de votre amendement, qu’« il s’agit de répondre à la demande de certaines collectivités de disposer rapidement de plus de souplesse en la matière ». Pouvez-vous me préciser quelles sont ces collectivités ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit surtout de permettre l’entrée en vigueur au plus vite du dispositif de la loi. J’ai cité tout à l’heure les collectivités qui ont demandé le classement en zone touristique, par exemple, pour pouvoir dépasser le plafond de cinq dimanches du maire, mais nous ne visons pas certaines collectivités plus particulièrement que d’autres.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 82, modifié.
(L'article 82 est adopté.)
Article additionnel après l'article 82 (priorité)
Mme la présidente. L'amendement n° 114 rectifié ter, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, M. Cadic, Mme Goy-Chavent et MM. Roche et Kern, est ainsi libellé :
Après l’article 82
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article L. 3132-12 du code du travail est complété par les mots : « qui comprennent notamment les commerces et services situés dans l’emprise ou l’enceinte des aéroports ».
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Le terme d’« enceinte » des aéroports utilisé à l’article R. 3132-5 du code du travail manque de précision. Dans un souci d’harmonisation et pour éviter que ce terme puisse être considéré comme plus restrictif que celui d’ « emprise », employé à l’article 79 du projet de loi à propos des établissements de vente au détail situés dans les gares, il convient de retenir les deux termes d’ « emprise » et d’ « enceinte », qui seront donc considérés comme équivalents.
En effet, le rapprochement, à l’occasion d’un éventuel litige porté devant le juge compétent, de deux dispositions figurant dans le même chapitre et se rapportant à la même question, à savoir la délimitation géographique de dérogations au principe du repos dominical, pourrait avoir pour conséquence involontaire d’aboutir à ce que l’une d’elles soit interprétée comme ayant un champ d’application moins important que l’autre et, ce faisant, moins important que celui qui est en réalité fixé par le législateur.
Deux dispositions aussi similaires et proches mais employant pourtant deux termes distincts pour désigner la même chose pourraient en effet être interprétées comme renvoyant à deux notions distinctes, allant en cela à rebours de l’objectif de maintien des dérogations existantes et de sécurité juridique visé au travers du présent projet de loi.
Cet amendement technique de clarification apportera la sécurité juridique attendue.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a précisé qu’il appartenait au pouvoir réglementaire de définir les secteurs concernés, et les commerces situés dans l’enceinte des aéroports y figurent déjà. Les auteurs de l’amendement craignent que l’expression retenue dans le projet de loi concernant les commerces situés dans l’emprise des gares n’introduise une confusion et ne remette en cause leur situation.
Je demande à M. le ministre de préciser sa position sur cet amendement, car il faut en effet réfléchir à une évolution de la formulation du décret.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, vous proposez d’introduire au niveau législatif, en l’espèce à l’article L. 3132-12 du code du travail, une dérogation permanente pour l’enceinte ou l’emprise des aéroports.
J’apporterai deux éléments de précision.
Premier point, le dispositif qui a été adopté tout à l’heure à l’article 79 permettra aux commerces de détail situés dans les gares de déroger au repos dominical, mais il ne trouvera pas à s’appliquer aux aérogares des aéroports.
Second point, les aéroports bénéficient d’ores et déjà d’une dérogation sectorielle prévue à l’article R.3132-5 du code du travail sous les termes « commerces et services situés dans l’enceinte des aéroports ». C’est ce dispositif, et lui seul, qui s’applique aux aéroports.
Vous soulignez que les termes « enceinte » et « emprise » ne sont pas strictement identiques. Il ne semble pas que cela pose, pour autant, de difficulté particulière aujourd'hui, la zone aéroportuaire étant la référence. L’article R .3132-5 continuera donc à prévaloir.
En tout état de cause, si une telle difficulté se posait, la précision relevant du niveau réglementaire, je m’engage à ce qu’elle soit levée à ce niveau, mais il me semble qu’à ce stade la sécurité du dispositif est satisfaisante.
À la lumière de ces explications, je vous invite à retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Cadic, l'amendement n° 114 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 114 rectifié ter est retiré.
Article 82 bis (priorité)
(Supprimé)
Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons examiné 147 amendements au cours de la journée ; il en reste 416.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 5 mai 2015, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 300, 2014-2015) ;
Rapport de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale (n° 370, tomes I, II et III, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 371, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 5 mai 2015, à trois heures dix.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART