Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, sur l'article.
M. Philippe Dallier. Madame la ministre, avant que nous entamions l’examen des amendements, je souhaiterais vous poser une question, car il se dit beaucoup de choses dans les milieux autorisés,…
M. Roger Karoutchi. « Autorisés » ?
M. Philippe Dallier. Autorisées ou pas !
… notamment que nous pourrions nous orienter en deuxième lecture – je me demandais si le Gouvernement déposerait un amendement en ce sens, mais ce n’est pas le cas au Sénat ; peut-en en sera-t-il autrement à l’Assemblée nationale… – vers une forme un peu différente de la métropole du Grand Paris par rapport à ce qui est envisagé dans le présent texte, c’est-à-dire y faire entrer les départements d’une manière ou d’une autre. Avec quelles compétences ?
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Aucune !
M. Philippe Dallier. C’est la question que j’avais posée. On m’a parlé du Fonds de solidarité pour le logement, le FSL, mais je ne vois rien venir.
M. Roger Karoutchi. Sœur Anne… (Sourires.)
M. Philippe Dallier. J’espère que ces informations n’étaient pas fondées, mais j’aimerais en avoir la confirmation. Sinon, nous nous trouverions dans un cas de figure un peu différent impliquant éventuellement un changement de forme de la métropole du Grand Paris, c’est-à-dire non plus un établissement public de coopération intercommunale mais un syndicat mixte.
En définitive, j’ai été assez perturbé par ce que j’ai entendu, madame la ministre, et je voudrais obtenir des assurances au début de l’examen de cet article : le texte sur lequel nous discutons ce matin est-il bien la rédaction définitive qui sera ensuite examinée à l’Assemblée nationale, sous réserve des amendements dont nous débattrons ?
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, sur l'article.
M. Christian Favier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’article concernant la métropole du Grand Paris, dont nous entamons l’examen, modifie le catastrophique article 12 de la loi dite « de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles », ou loi MAPTAM, modernisation contestable, faite de recentralisation autoritaire et de recul de la démocratie.
Pour notre part, nous défendons une tout autre conception de la modernité : une modernité allant dans le sens de la démocratisation et donc d’une augmentation du pouvoir des citoyens et du rapprochement entre citoyens, lieux de décisions et élus ; une modernité allant dans le sens de plus de liberté de choix, pour un développement des territoires qui ne soit pas uniforme et décidé en dehors d’eux, mais qui parte de leurs spécificités ; une modernité allant dans le sens de plus d’égalité entre les territoires et entre les habitants, qui ne délaisse aucun territoire et ne discrimine personne en fonction de son lieu de vie, de son origine sociale ou nationale ; enfin, une modernité allant dans le sens de plus de coopération, pour un développement mutuellement profitable, à l’opposé de la destructrice logique de concurrence qui concentre les richesses dans les mains de quelques individus et territoires aux dépens de tous les autres.
Ces différences de choix de société fondent les divergences concernant la métropole du Grand Paris.
Certains veulent une métropole constituant un centre de profits pour les multinationales et leurs actionnaires, dans le cadre d’une concurrence internationale sauvage où l’on aligne par le bas les droits sociaux et les libertés.
D’autres, dont nous faisons partie, veulent que l’on réponde aux besoins des habitants en termes de logement, de travail, de transports, d’environnement, de culture et de tout ce qui fait la vie. Tout cela, nous le voulons au bénéfice et à la portée de tous, d’où notre conception d’une métropole ascendante, et non descendante, polycentrique et rééquilibrée.
Le rôle de la métropole du Grand Paris dépendra non seulement du dispositif juridique et institutionnel, mais aussi de ses dirigeants et de leurs choix.
Toutefois, ce dispositif n’est pas neutre et pose un problème.
Le décalage entre les territoires de la métropole réelle et de la métropole du Grand Paris introduit, on le sait, une nouvelle coupure non pertinente et ne permettra pas d’organiser au mieux les coopérations nécessaires. Par exemple, le seuil des 300 000 habitants empêche de créer des territoires de projet à une échelle plus restreinte et va obliger à constituer des ensembles beaucoup plus vastes.
Le statut de la métropole du Grand Paris n’est pas suffisamment adapté à ses spécificités, notamment en termes de population et de collectivités territoriales incluses. Le statut de syndicat de communes des établissements publics territoriaux n’est pas non plus adapté. Un statut dérivé de celui des communautés d’agglomération serait bien plus conforme à ce que seront ces futurs territoires.
La répartition des compétences entre métropole, territoires et communes dépouille quasiment ces dernières de leurs pouvoirs en matière d’aménagement, d’habitat ou de développement économique.
Le transfert de compétences en bloc en est la cause. Pour notre part, nous lui préférons le principe de subsidiarité et donc la répartition d’un même champ de compétence en fonction du niveau le plus pertinent. La possibilité de définir les intérêts métropolitain ou territorial au sein de différentes compétences mériterait donc d’être étendue.
Les compensations des transferts de recettes et de charges et l’autonomie financière durable des établissements publics territoriaux ne sont pas non plus garanties.
Le manque de coopération au sein de la métropole du Grand Paris engendrera de grandes difficultés et de gros problèmes de démocratie s’il n’y est pas remédié.
Nous déplorons enfin le manque d’association des citoyens et des personnels à des décisions aussi lourdes de conséquences pour eux que la création de cette métropole.
Aussi, nous souhaitons que soient adoptés non seulement nos amendements, mais également certains de ceux de nos collègues. En effet, les avancées par rapport à l’article 12 de la loi MAPTAM restent encore insuffisantes, même si des évolutions incontestables ont eu lieu.
Pour notre part, nous œuvrerons pour aller dans le sens du compromis qui avait été voté à 94 % par le conseil des élus de la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris et pour porter des conceptions beaucoup plus coopératives de Paris Métropole.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l'article.
M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, madame la ministre, je ne sais plus trop que dire sur ce débat, je dois l’avouer… (Sourires.) J’ai le sentiment absolu d’un théâtre d’ombres, pénible pour les élus : on ne sait plus où l’on va, avec l’impression de devoir encore débattre toute la journée sur les cent amendements restants, et de ne pas voir, au bout du bout, ce qui en résultera à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale en deuxième lecture.
Y aura-t-il des nouveautés, comme le craint Philippe Dallier ? Qu’en est-il en réalité du financement ? On nous dit : « Ne vous battez pas ; mettez cela à la fin de l’année ; on prendra ensuite un an pour élaborer les ordonnances et vous verrez bien ce qu’elles contiennent. » Tout de même…
Dieu sait que, au départ, j’étais opposé, je le reconnais, à l’idée de métropole ! Je m’y suis finalement rallié au travers du travail du conseil des élus de la mission de préfiguration. Et je pensais que, si l’on aboutissait à un accord au sein de cette mission – cela a été le cas à 94 % –, le plus simple était que ce compromis devienne le projet de loi, de façon que les élus locaux au moins soient, dans leur immense majorité, d’accord avec l’évolution de la métropole.
Tel n’a pas été le cas, et certains ont commencé à dire : pas ceci ou cela, pas avec untel, pas sur telle ou telle compétence… Résultat des courses : la seule fois où les élus locaux se sont mis d’accord sur la métropole, cela n’a pas été suivi d’effet.
Alors, sommes-nous réellement prêts aujourd’hui à mettre en place une métropole qui va fonctionner ? On peut se le demander ! En effet, le problème n’est pas de voter un texte – nous en votons tellement… –, c’est que celui-ci ait du sens eu égard aux réalités concrètes à venir.
Quand je vois l’opposition, le scepticisme de la quasi-totalité des maires, des élus, je me demande bien comment on peut croire que l’on va réellement mettre en place une métropole qui fonctionne.
Et ne me citez pas Lille ou Lyon ! Ces villes s’étaient déjà dotées de communautés urbaines, de systèmes de travail commun depuis vingt, vingt-cinq ou trente ans ! Pour notre part, nous devons nous prononcer sur un dispositif qui nous a finalement été imposé et n’a pris en compte aucune des deux seules solutions crédibles.
Soit la métropole correspondait à la région – c’est ce que je demandais depuis le début –, et la région d’Île-de-France, territorialement petite mais dont la population est importante, obtenait les pouvoirs de la métropole en plus, point barre !
Soit on retenait la solution Dallier consistant à regrouper le tout et à créer un département métropole.
On n’a choisi aucune de ces solutions, alors que notre situation territoriale est compliquée et financièrement totalement incertaine. De plus, s’agissant des compétences, je défie quiconque dans cet hémicycle de pouvoir me dire, à cette heure, ce que fera la métropole.
Finalement, sommes-nous prêts à ces changements ? N’eût-il pas mieux valu reconnaître le désaccord des élus, le tâtonnement – pardonnez-moi cette expression – du Gouvernement sur ce point ? En toute honnêteté, est-il besoin de mettre en place une métropole qui n’a pas de sens ?
Je le dis car je ne me suis pas prononcé en ce sens en première lecture : je voterai l’amendement de Philippe Dallier sur le report de la date de création de la métropole du Grand Paris au 1er janvier 2017. On nous explique que, dans six mois, cette métropole sera mise en place, alors qu’on ne sait pas avec quelles compétences, quel financement et que l’on ignore le contenu des ordonnances, les règles de sa gestion,…
M. Christian Cambon. Le statut des personnels !
M. Roger Karoutchi. Absolument ! Finalement, on ne sait pas trop ce que l’on fera des syndicats, alors que l’échéance approche !
Je sais bien que l’avis des élus locaux est de piètre importance, mais on pourrait tout de même se préoccuper de la mise en place de ce dispositif bien en amont !
Je m’en tiens là, en précisant que je ne me battrai pas toute la journée sur les amendements, ce qui nous permettra d’avancer assez vite. Nous voulons juste des éclaircissements de la part du Gouvernement, pour qu’il nous dise ses intentions précises. Ne partage-t-il pas le sentiment général que tout cela n’est vraiment pas mûr ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Sophie Joissains et M. Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)
Mme Sophie Joissains. Il en est de même à Aix-Marseille-Provence !
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Marseille, sur l'article.
M. Hervé Marseille. Je voudrais à mon tour vous faire part de ma préoccupation : y a-t-il dans cette affaire un pilote dans l’avion ? J’en doute. Cela fait plusieurs années que nous travaillons avec le syndicat Paris Métropole sur cette question. Nous avons pris des décisions et mis en place la mission de préfiguration. Nous allons aboutir ici, début juin, à un texte qui sera ensuite discuté à l’Assemblée nationale, avant d’être promulgué au courant du mois d’août et applicable, comme vient de le dire Roger Karoutchi, au 1er janvier prochain.
Or nous n’avons aucune visibilité financière, nous ne connaissons pas les compétences des uns et des autres. Parallèlement, on nous parle des opérations d’intérêt national en matière d’urbanisme et de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, mais nous ne savons pas où sont les 500 millions d’euros qui remontent à la métropole et devraient revenir vers les EPCI, ni les 53 millions d’euros de la part salariale. Tout cela entretient l’ambiguïté et la confusion.
Madame la ministre, je ne vois pas non plus comment on peut appliquer un texte comme celui-ci à la date prévue.
Quoi qu’il en soit, le besoin de clarification est extrême. À mon tour, je tenais à opérer cette mise au point d’entrée de jeu : je n’ai pas, moi non plus, l’intention de m’appesantir sur tous les sujets dans la suite de nos débats.
Je le répète, nous ne demandons rien d’autre que de la clarté. Il faut savoir où l’on va, quelle est la position du Gouvernement et quels sont, le cas échéant, les points de convergence.
Voilà des années que nous travaillons sur ce dossier, avec l’ensemble des élus de l’agglomération parisienne. Le moment est venu de faire le point et de trancher. Il serait bon que l’avis du Sénat soit, lui aussi, pris en compte.
À l’instar de Philippe Dallier, je souhaite tout particulièrement obtenir des clarifications quant à une éventuelle arrivée des départements de la petite couronne au sein de la métropole. Nombre d’articles de presse sont parus sur ce sujet. Le Gouvernement a déposé un amendement qui a pour objet la gouvernance et qui tend à écarter tel ou tel candidat à Paris… On imagine aisément qu’un autre amendement, déposé au Sénat ou à l’Assemblée nationale, tende à ouvrir telle ou telle autre candidature.
M. Roger Karoutchi. Nous, nous voulons le binôme ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Hervé Marseille. Que l’on nous dise clairement qui sera admis à présider la métropole : la situation sera plus simple !
Madame le ministre, je vous fais confiance et j’attends que vous nous fassiez part de la décision, des choix et des principes défendus par le Gouvernement. Ainsi, nous pourrons consacrer un débat utile à la métropole de Paris.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, sur l’article.
M. Philippe Kaltenbach. Mes chers collègues, nous ouvrons ce matin le débat relatif à la métropole du Grand Paris. Ce n’est pas la première fois que nous examinons ce sujet.
M. Christian Cambon. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Et ce n’est sans doute pas la dernière !
M. Philippe Kaltenbach. Je le rappelle, les membres du groupe socialiste sont favorables à la création d’une métropole, à Paris comme dans toutes les grandes aires urbaines de France.
Aujourd’hui, en Europe, dans le monde développé et même dans les pays en voie de développement, le fait métropolitain est manifeste : les grandes métropoles se renforcent. Dès lors, l’enjeu est de les doter d’un mode de gouvernance spécifique, non pas pour faire plaisir aux élus en distribuant des fauteuils aux uns et aux autres, mais pour répondre au mieux aux attentes des habitants de ces agglomérations. Il faut que ces métropoles soient bien gérées, en matière de logement, d’équipements publics, notamment de transports, de développement économique ou encore d’innovation.
C’était tout l’enjeu de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, la loi MAPTAM. À présent, les métropoles se mettent en place. Elles sont une douzaine en France. Or l’agglomération parisienne forme, du fait de sa taille, un cas particulier. Nous devons la doter du meilleur système de gouvernance pour avancer vers une métropole intégrée. Je le répète, les membres du groupe socialiste souhaitent la création d’une telle structure.
Ce chantier a fait l’objet de discussions, à l’Assemblée nationale, au Sénat et avec les élus franciliens, réunis au sein de la mission de préfiguration.
Le projet a connu des évolutions au fil des débats. Je souligne d’ailleurs à cet égard que le Gouvernement s’est montré particulièrement à l’écoute des parlementaires et des élus locaux. L’amendement déposé par le Gouvernement en première lecture au Sénat a tout de même recueilli une approbation quasi générale au sein de tous les groupes, pour ne pas dire l’unanimité.
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Il ne faut pas exagérer non plus…
M. Philippe Kaltenbach. Le fait est assez rare pour être relevé ! Il s’agissait d’affirmer la nécessité d’une métropole intégrée et de confirmer le compromis atteint par le Gouvernement et la mission de préfiguration.
Monsieur Karoutchi, vous avez raison, ce dispositif n’était pas exactement celui que demandait, à l’origine, ladite mission, et qui avait reçu le soutien de 94 % des élus. Toutefois, il résultait d’un compromis entre le Gouvernement, les parlementaires et les élus locaux. Au reste, la mission de préfiguration n’y était pas opposée.
Aussi, nous pouvons être fiers du travail mené collectivement par les élus locaux, le Gouvernement et les sénateurs : le compromis atteint permettait de lancer le Grand Paris en prévoyant une période transitoire, jusqu’en 2020. Grâce à lui, on se dirigeait progressivement vers une métropole de plus en plus intégrée. Tel semblait alors le souhait de tous.
L’Assemblée nationale est quelque peu revenue sur ce texte.
M. Roger Karoutchi. Quelque peu…
M. Christian Cambon. C’est une litote !
M. Philippe Kaltenbach. À mon sens, le Sénat doit s’exprimer clairement : nous souhaitons le maintien de l’accord atteint en première lecture. Nous souhaitons en particulier que les plans locaux d’urbanisme, les PLU, demeurent du ressort des conseils de territoire et ne soient pas transférés à la métropole. Il s’agit là de l’accord intervenu en première lecture, et les élus du groupe socialiste n’ont pas pour habitude de changer de position en l’espace de quelques mois.
Pour notre part, nous nous en tiendrons à cet accord défini au terme de la première lecture. J’espère que les sénateurs de tous les groupes en feront autant, et que l’on ne remettra pas en cause, au nom de considérations politiciennes, tout le travail accompli.
Bien entendu, ce chantier ne sera pas simple à mener. Il en ira de même de la fusion des régions au 1er janvier prochain. Néanmoins, j’en suis persuadé, nous serons tout à fait capables de lancer cette métropole au 1er janvier 2016 : par la suite, celle-ci prendra progressivement de l’ampleur. Rome ne s’est pas faite en un jour,…
M. Philippe Dallier. Et le Grand Paris ne se fera pas en six mois ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Kaltenbach. … et il en sera de même du Grand Paris ! Il faudra du temps. Mais il y a un moment où le mouvement doit être amorcé. On ne peut reporter sans cesse l’ouverture de ce chantier.
M. Dallier a de nouveau évoqué la place des départements, et je l’en remercie. Il va sans dire que ce sujet mérite d’être traité. Une étude a été sollicitée, et le Gouvernement la mènera. Dans un premier temps, la métropole réunira les communes, et les départements demeureront. J’en suis persuadé, à terme, Paris et les trois départements de la petite couronne rejoindront cette structure – sans doute après 2021. Mais pour l’heure, la question ne se pose pas : la future métropole est un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, constitué des 123 communes de la petite couronne et de la ville de Paris.
Je m’oppose fermement à ce que l’on fasse entrer dès à présent des représentants des conseils départementaux concernés dans la métropole du Grand Paris. Ce serait là une aberration juridique. J’ajoute que ce choix conduirait à fragiliser la métropole.
Mes chers collègues, le présent texte est une réelle opportunité. En l’adoptant, nous permettrons au Grand Paris d’avancer encore davantage. J’insiste sur ce point : il s’agit non pas de créer une nouvelle entité juridique pour le plaisir, mais bien de forger les outils d’une meilleure gouvernance, au service des sept millions d’habitants de la métropole. Ces derniers sont attachés à l’idée du Grand Paris. Ils souhaitent que leurs élus puissent trouver des solutions concrètes.
Au cours de cette discussion, nous examinerons quelques amendements techniques. On peut toujours, en deuxième lecture, continuer à enrichir un texte de loi.
Parallèlement, le Gouvernement pose de nouveau la question de la gouvernance. Ce débat me semble nécessaire. Beaucoup estiment que le nombre de conseillers métropolitains est excessif. Il faut admettre que 400 élus, c’est beaucoup. Le Gouvernement propose de réduire ce chiffre à 216. Nous y sommes favorables : le conseil métropolitain peut tout à fait fonctionner avec environ 200 membres.
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Quoi qu’il en soit, n’engageons pas ce débat en partant du principe qu’il faut remettre en cause tous les accords précédemment conclus !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, sur l’article.
M. Philippe Dominati. Madame la ministre, nous sommes face à un épineux problème : celui de la métropole parisienne. Depuis plusieurs mois, vous y consacrez de l’énergie. Je dois, hélas ! constater votre isolement sur ce sujet. Je regrette cette situation pour nos concitoyens, mais elle n’en est pas moins réelle.
Tous les Présidents de la Ve République ont cherché à fixer une orientation majeure pour la région capitale. Ainsi, le général de Gaulle a opéré une restructuration des collectivités territoriales d’Île-de-France. Valéry Giscard d’Estaing a recréé la fonction de maire de Paris. François Mitterrand, avec la loi relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, dite « loi PLM », a tout d’abord cherché à démanteler Paris en vingt communes autonomes, puis a associé les destins de la capitale à ceux de Lyon et de Marseille. Nicolas Sarkozy a lancé le concept de « Grand Paris », dont nous débattons aujourd’hui.
Depuis deux ans, est lancé un nouveau chantier qui se révèle particulièrement difficile à mener. À ce titre, je m’aperçois, comme douze millions de Franciliens, que le Président de la République n’a malheureusement pas de projet a priori pour notre région, laquelle est pourtant économiquement essentielle à notre pays. C’est le premier constat que je tenais à dresser.
Pour ma part, au stade de cette deuxième lecture, je n’exprimerai pas les réserves qu’un certain nombre de mes collègues viennent d’émettre à propos de ce projet de loi, et pour cause : en première lecture, je n’ai pas voté le dispositif que vous nous proposiez. En effet, je n’avais pas confiance dans la méthodologie suivie, celle de dialogues successifs avec divers intermédiaires. Ce processus ne pouvait aboutir qu’à un seul résultat : imposer une structure supplémentaire à nos concitoyens.
On a trop tendance à oublier le citoyen, qui, bien souvent, n’est autre que le contribuable, et c’est d’autant plus en Île-de-France où les projets régionaux d’infrastructures font l’objet d’impositions d’exception. Je songe, par exemple, à la taxe locale sur les bureaux, la TLB, mise en œuvre pour financer la société du Grand Paris.
Dans ce contexte, le Gouvernement souhaite créer une nouvelle assemblée d’environ 300 membres, soit, peu ou prou, l’équivalent du Sénat.
Cette instance viendrait se substituer à d’autres organismes, en tant que collectivité territoriale. Mais les Parisiens devraient dès lors compter avec leur maire d’arrondissement, Mme la maire de Paris, la présidente du conseil général du département de Paris, l’autorité du futur conseil de métropole et le conseil régional d’Île-de-France, soit avec cinq niveaux, cinq collectivités territoriales ! De ce fait, ils seraient cinq fois contribuables (M. Christian Cambon acquiesce.), cinq fois pressés par les impôts, cinq fois supportant des charges, au nom d’une prétendue gouvernance moderne. Ce n’est pas acceptable !
Voilà pourquoi, je le répète, je n’ai pas fait confiance au Gouvernement lors de la première lecture. Voilà pourquoi, a priori, et à moins que l’on ne nous annonce de bonnes nouvelles, je ne lui ferai pas non plus confiance en deuxième lecture.
Madame la ministre, vous ne pouvez pas décemment cautionner un tel projet technocratique, qui crée encore une nouvelle couche institutionnelle sans en supprimer une autre ! Sur un sujet aussi important, il faudrait un arbitrage régalien, comme cela a été fait par les précédents chefs de l’État. Certes, le choix opéré ne me conviendrait peut-être pas pleinement et, plus largement, ne satisferait peut-être pas totalement les élus. Mais en tout cas, ne créez pas une énième structure territoriale, en infligeant à nos concitoyens les charges et les impôts qui vont avec !
M. Pierre Charon. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, sur l’article.
M. Vincent Delahaye. Alors que nous ouvrons cette discussion, il est bon de faire rapidement le point sur ce dossier.
Au total, nous débattons de ces questions depuis très longtemps, mais, paradoxalement, nous sommes une nouvelle fois contraints de procéder dans la précipitation et dans le flou : cette métropole est censée naître le 1er janvier 2016 et, en somme, on ne sait encore que peu de chose de ses compétences et de son financement.
Pourquoi en sommes-nous là aujourd’hui ?
Madame la ministre, lorsque, la première fois, vous êtes venue débattre dans cet hémicycle d’un projet de loi portant sur la métropole du Grand Paris, c’était pour ajouter une structure à toutes celles qui existent déjà : les communes, les intercommunalités, les départements, la région, le syndicat des transports d’Île-de-France, ou STIF, etc. Vous aviez cependant précisé que vous n’étiez pas a priori hostile à une modification de ce dispositif. C’est ce que j’ai retenu de vos propos de l’époque.
Par la suite, vous avez mené un certain nombre de concertations avec des parlementaires, surtout socialistes, de la région d’Île-de-France.
Mme Nicole Bricq. Pas uniquement !
M. Vincent Delahaye. Pas seulement, mais en bonne partie, chère collègue !
Sur cette base, le Gouvernement a proposé un nouveau projet, qui améliore à peine le précédent : il revient à créer une métropole du Grand Paris en supprimant les communautés d’agglomération, mais en créant des établissements publics territoriaux qui les remplaceront peu ou prou.
Aujourd’hui, nous devons procéder dans la précipitation et dans le flou, et vous êtes en partie responsable de cet état de fait. Voilà quelque temps que l’on ne discerne plus clairement les intentions et les projets du Gouvernement pour la région capitale. À mon sens, cette situation est dramatique : nous avons, tout au contraire, besoin de clarté et de simplification.
Le Président de la République a bien annoncé voilà quelque temps un « choc de simplification ». Dans les faits, on ne le voit guère venir. Je dirai même qu’en Île-de-France on ne le voit pas venir du tout…
Pour ma part, j’ai pourtant défendu une ligne claire dès le début des discussions au sein de la Haute Assemblée. Cette position a été rappelée voilà quelques instants : ne séparons pas petite couronne et grande couronne. Réunissons la région d’Île-de-France, le STIF et la métropole du Grand Paris en un seul et même ensemble. Supprimons les départements, formons de grandes intercommunalités et maintenons les communes. Peut-être ce schéma ne plaît-il pas à tout le monde, mais il a au moins le mérite de la clarté !
M. Kaltenbach a cité Rome : on pourrait également parler de Londres et de bien d’autres grandes villes. En procédant comme je le suggère, on forgerait à Paris une grande métropole de 12 millions d’habitants, qui, dans l’esprit des Franciliens, renverrait à une réalité très claire.
Tel n’est pas le cas du système qui nous est proposé aujourd’hui. Le Gouvernement va nous proposer des moyens de l’améliorer. Je vais, moi aussi, tâcher d’agir en ce sens, même si, sur le fond, le présent texte ne me plaît absolument pas dans la mesure où il ne répond pas aux enjeux auxquels notre région doit faire face.
Au demeurant, ces dispositions devront à coup sûr être remaniées ultérieurement : force est de l’admettre, elles compliquent plus les choses qu’elles ne les simplifient en Île-de-France !