Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
MM. Jean Desessard, François Fortassin.
2. Questions d'actualité au Gouvernement
Mme Françoise Laborde, M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
Mme Corinne Bouchoux, M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics
MM. Éric Bocquet, Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics
lutte contre le terrorisme suite aux attentats
MM. Franck Montaugé, Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
M. Claude Kern, Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie
MM. Mathieu Darnaud, Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics
mise en œuvre des mesures sociales
M. Jean-Louis Tourenne, Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie
lutte contre l'islamisme radical
MM. Jean-Pierre Vial, Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
financement européen dans le domaine des transports
MM. Christian Manable, Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche
déroulement des festivals de l'été
M. Alain Dufaut, Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication
3. Dépôt du rapport d'une commission d'enquête
4. Communication relative à une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
M. François Fortassin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat.
sécurité suite aux attentats
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du RDSE.
Mme Françoise Laborde. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
II y a moins d’une semaine, notre pays a une nouvelle fois été frappé par le terrorisme djihadiste et la barbarie la plus ignoble. À la différence de ce qui s’était passé en 2012 à Montauban et à Toulouse ou en janvier dernier à Paris, la décapitation d’un chef d’entreprise dans le Rhône et l’attaque contre une usine de l’Isère ont été commises sur des territoires que l’on pouvait jusque-là qualifier de « tranquilles », où ce type de violence extrême ne s’était encore jamais manifesté.
Aujourd’hui, nous savons qu’aucune partie du territoire national n’est à l’abri du terrorisme. La seule protection est donc le renseignement.
Or, monsieur le ministre, comme vous le savez, ces attentats ont un point commun : leurs auteurs avaient tous été repérés un jour par le renseignement français, mais tous sont pourtant sortis des radars avant de passer à l’acte.
Si l’auteur présumé de l’attentat de Saint-Quentin-Fallavier, pour ne citer que le dernier en date, avait bien été fiché entre 2006 et 2008 par les renseignements généraux, il n’a plus retenu ensuite, nous dit-on, l’attention de la Direction centrale du renseignement intérieur.
Pourquoi tous ces profils, une fois entrés en phase de « sommeil », ne font-ils plus l’objet d’un suivi ? Est-ce seulement par manque de moyens humains ?
Comme vous, monsieur le ministre, nous connaissons l’excellence de nos services de renseignement, la qualité et l’engagement des policiers qui y travaillent, et je saisis cette occasion pour leur rendre hommage.
Chacun connaît ici votre souci permanent de la rigueur et de l’efficacité, pour vous-même comme pour les services que vous dirigez. Et il ne saurait en être autrement quand il s’agit de la sécurité des Français.
Nous sommes apparemment face à un problème plus structurel d’organisation des services et plus particulièrement de coordination de la lutte antiterroriste.
C’est la raison pour laquelle vous avez annoncé hier la création d’un état-major opérationnel pour la prévention du terrorisme. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce nouveau dispositif ? Cette structure permettra-t-elle une meilleure circulation de l’information entre les différents services, notamment entre le terrain et la prise de décision au plus haut niveau ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Laborde, je voudrais tout d’abord rendre hommage à Hervé Cornara, exprimer notre tristesse, dire nos pensées à sa famille et à ses proches. J’assisterai demain à ses obsèques, aux côtés de sa famille, dans l’Isère.
J’ai senti, au moment où je me suis rendu sur place, une considérable émotion de la part des élus, de la part des pompiers qui sont courageusement intervenus et auxquels je veux rendre hommage, de la part de l’ensemble des forces de sécurité, dont vous avez eu raison de dire, madame la sénatrice, à quel point elles sont mobilisées – qu’il s’agisse de la sécurité publique ou de la sécurité intérieure – dans la lutte contre le terrorisme.
Je n’ai cessé de l’expliquer à l’occasion de la discussion de la loi sur le renseignement, nous sommes confrontés à un phénomène d’un type nouveau. Il conduit des profils très différents – soit qu’ils présentent des fragilités psychologiques ou psychiatriques, soit qu’ils aient été endoctrinés, soit qu’ils aient rencontré à un moment donné des ruptures, des échecs qui les ont fait basculer – à préparer, puis à commettre des actes terroristes d’une extrême gravité.
Le profil de celui que vous avez évoqué est très particulier par rapport à ceux qui avaient jusqu’à présent frappé. Il n’était pas dans la délinquance, il n’avait pas de casier judiciaire. Il avait été signalé comme radicalisé, mais aucun élément en provenance des services de renseignement depuis 2006 n’avait fait apparaître un risque de passage à l’acte.
Nous sommes face à une réalité nouvelle parce que ce terrorisme est en libre accès sur internet, parce que les profils qui peuvent basculer sont multiples et parce qu’il y a une tentative de plus en plus forte de dissimulation de ces actes de la part de leurs auteurs. Conseillés en cela par les groupes terroristes, ils utilisent le darknet, la cryptologie ou des moyens de communication téléphoniques sophistiqués.
C’est la raison pour laquelle nous avons renforcé les moyens des services de renseignement : 1 500 emplois ont été créés depuis janvier, s’ajoutant aux 500 emplois créés chaque année depuis le début du quinquennat. Nous consacrons 250 millions d’euros pour assurer la modernisation de nos infrastructures numériques et informatiques. La loi sur le renseignement, qui est centrée sur la lutte contre le terrorisme, doit permettre, par la mobilisation de techniques nouvelles, d’avoir accès aux intentions de ceux qui se dissimulent.
Bien entendu, je veux parfaire tout cela en décloisonnant les services parce qu’il faut que les informations soient échangées.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est la raison pour laquelle j’ai donné mission aux préfets de zone de réunir l’ensemble des services autour d’eux et j’ai mis en place l’état-major que vous avez mentionné, destiné à faciliter la circulation de l’information entre tous les services. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
caisses du crédit municipal
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour le groupe écologiste.
Mme Corinne Bouchoux. Ma question s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.
À la suite des mesures annoncées en mars 2015, puis confirmées par le décret du 24 juin 2015, le seuil de paiement en liquide autorisé pour les personnes physiques ou morales résidentes en France sera abaissé de 3 000 à 1 000 euros à compter du 1er septembre 2015.
L’application de ce décret aux transactions intervenant entre les caisses de crédit municipal et leurs clients, au titre des opérations de prêts sur gage, pourrait avoir pour conséquence involontaire de priver de l’accès à ce crédit à vocation sociale les ménages fragilisés qui sont exclus du crédit bancaire classique.
Dans la tranche de 1 000 à 3 000 euros, 93 % des prêts sont versés en liquide par les caisses de crédit municipal à leurs clients et 72 % des remboursements sont effectués en liquide par les clients. Cette préférence pour les espèces n’est pas fondée sur des motifs condamnables : la majorité des clients ont un besoin impérieux et urgent des ressources qu’ils viennent chercher, et les vingt-quatre à quarante-huit heures de délai induites par l’encaissement d’un chèque ou d’un virement sont pour eux une source de difficulté.
Surtout, nombreux sont ceux dont le compte est à découvert ou donne lieu à des saisies. Le montant du prêt sur gage une fois encaissé sur leur compte les désendette, certes, mais il ne répond pas à leurs besoins immédiats de ressources.
Si le remboursement du prêt n’est plus accepté en liquide, les autres solutions qui s’offrent aux clients sont inexistantes ou coûteuses. Beaucoup d’entre eux ne sont pas autorisés par leur banque à régler par carte bancaire des dépenses supérieures à 1 000 euros ; le chèque de banque qui sera alors exigé est cher et difficile à obtenir.
Si elles sont détournées de l’usage du prêt sur gage, ces populations fragiles – très souvent des femmes –, pour la plupart issues des catégories populaires, devront se rabattre sur des solutions de crédit plus dangereuses et plus coûteuses, tel le crédit revolving, voire le recours à des officines pratiquant l’usure.
De plus, toutes les caisses de crédit municipal sont des établissements de crédit et doivent se conformer aux exigences de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. À ce titre, elles assurent déjà une surveillance des opérations de leur clientèle, sous le contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR. Leur consentir un traitement dérogatoire n’est donc pas porteur de risques significatifs au regard des objectifs du Gouvernement.
Une clause dérogatoire leur permettant de continuer à recourir à des transactions en espèces pour les opérations de prêt sur gage dans la limite des 3 000 euros est-elle envisageable ?
À la lumière de ces éléments, je souhaite connaître, monsieur le ministre, les mesures concrètes que vous comptez prendre au profit des populations financièrement fragilisées et des caisses de crédit municipal. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et de l’UDI-UC)
M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Madame Bouchoux, vous posez là une question parfaitement pertinente, qui est en lien, ainsi que vous l’avez relevé, avec la lutte contre le financement du terrorisme. Les mesures que nous prenons dans ce domaine sont destinées à lutter contre l’utilisation de moyens de paiement – souvent de petites sommes en liquide – par des individus ou des groupes en vue de financer des attentats terroristes extrêmement meurtriers, comme ceux que nous avons connus en janvier dernier.
Le Gouvernement, en cohérence totale avec les autres mesures prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, a souhaité restreindre un certain nombre de possibilités d’utilisation du cash. Comme vous l’avez dit vous-même, nous avons décidé d’abaisser le seuil de paiement en espèces et en monnaie électronique de 3 000 à 1 000 euros pour les résidents en France. Cette décision a fait l’objet d’un décret publié le 24 juin dernier, mais qui n’entrera en application qu’au 1er septembre prochain ; cela nous laisse le temps de prévoir un certain nombre de mesures d’adaptation.
Cet abaissement du seuil de paiement en espèces me paraît raisonnable et proportionné. Tous les sondages montrent d’ailleurs que les Français utilisent majoritairement des moyens de paiement d’une autre nature que le cash pour des sommes supérieures à 15 ou 20 euros.
Il n’en reste pas moins que, s’agissant des caisses de crédit municipal, cette disposition peut poser problème compte tenu des publics qui y ont recours.
Vous le savez, l’article L.112–6 du code monétaire et financier prévoit que ces plafonds des paiements en liquide ne s’appliquent pas « au paiement pratiqué par des personnes incapables de s’obliger par chèque ou par un autre moyen de paiement, ainsi que par celles qui n’ont pas de compte de dépôt ». Ainsi, d’ores et déjà, le plafond des paiements en liquide ne s’applique pas aux personnes qui sont dans l’incapacité de s’acquitter d’un paiement autrement qu’en espèces, aux personnes non bancarisées, aux personnes qui ne disposent pas de la capacité civile pour faire un chèque ou aux personnes en situation d’interdiction bancaire.
Dès lors, une bonne partie des populations que vous avez évoquées continuera de pouvoir recevoir, par le biais des caisses de crédit municipal, des sommes en liquide supérieures à 1 000 euros.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Michel Sapin, ministre. Pour autant, nous souhaitons qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. Vous aviez déposé dans le projet de loi Macron un amendement qui a été déclaré irrecevable. Je suis prêt à en accepter un de même nature que vous déposeriez sur un autre véhicule législatif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe CRC.)
situation de la grèce
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe CRC.
M. Éric Bocquet. Ma question s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.
Dimanche prochain, les Grecs sont appelés, par voie de référendum, à répondre à la question suivante : « Acceptez-vous les propositions de nos créanciers ? »
Alexis Tsipras s’en remet à son peuple pour décider. En quoi cela serait-il condamnable ? Il en appelle, je le cite, « à la souveraineté et à la dignité que l’histoire grecque exige ».
Nous assistons depuis quelques jours à un véritable déchaînement de déclarations à charge contre ce gouvernement légitime, qui exprime clairement la volonté d’un peuple de tourner la page de plusieurs années d’austérité n’ayant en rien amélioré sa situation puisque la dette de la Grèce est passée entre 2007 et 2014 de 103 % à 175 % du PIB.
Cette dette doit être rééchelonnée. Sans cette décision, la Grèce ne sortira jamais du marasme !
Les Grecs ont déjà consenti des efforts considérables et Alexis Tsipras a déjà fait de nombreuses concessions.
La situation de la Grèce est grave. Le pouvoir d’achat a baissé de 25 %, les ordures ne sont plus ramassées, des centaines de boutiques ont fermé, on ne soigne plus les malades dans les hôpitaux…
À travers le cas de la Grèce, c’est aussi la démocratie qui est attaquée aujourd’hui.
Monsieur le ministre, jamais aucun de nos partenaires européens n’a eu à subir une telle campagne de dénigrement. Au-delà de la situation de la Grèce, c’est toute l’histoire du projet européen qui est en question. Comme l’affirme le Premier ministre grec, « quelle que soit l’issue du vote de dimanche, la Grèce est et restera une partie intégrante de l’Europe et l’Europe une partie intégrante de la Grèce ».
Monsieur le ministre, le groupe CRC suggère qu’un débat sérieux sur la question grecque soit organisé au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, quelles initiatives concrètes, originales, solidaires et audacieuses, le gouvernement français envisage-t-il de prendre d’urgence, afin d’éviter le pire à la Grèce, donc à nous-mêmes ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le sénateur, la question de la Grèce – pour reprendre votre expression – ne se pose pas depuis deux ou trois jours ! C’est une question difficile, à laquelle le Gouvernement ne se dérobe pas et qui est l’occasion de multiples dialogues depuis plusieurs mois, en particulier depuis que la majorité et le gouvernement ont changé en Grèce.
Le premier principe que nous appliquons, c’est celui du respect de la démocratie. Le gouvernement grec a changé, la majorité en Grèce a changé : personne n’a le droit de faire comme si rien n’avait changé dans le dialogue avec les partenaires européens.
M. Francis Delattre. Mais vous vouliez changer les traités !
M. Michel Sapin, ministre. La France a été la première à poser le respect de la démocratie comme principe.
De la même façon, nous devons respecter la démocratie, telle qu’elle se manifestera par le biais d’un référendum qui permettra aux Grecs, en répondant par « oui » ou par « non » à une question dont l’énoncé n’est pas aussi simple que vous l’avez déclaré, monsieur le sénateur, d’exprimer leur choix sur le processus actuel de négociations.
Le second principe que nous appliquons, c’est celui du dialogue. Jusqu’au bout – jusqu’à hier après-midi –, la France a été à l’initiative, avec le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, pour trouver un accord politique permettant à la Grèce, d’une part, à l’Europe avec la Grèce, d’autre part, de parvenir à une bonne solution.
Hier après-midi, le Premier ministre grec a réaffirmé sa décision d’organiser un référendum. C’est son droit. Il a réaffirmé son appel à voter « non ». C’est son droit. Toutefois, comprenez bien, monsieur le sénateur, que, dans ce cadre-là, il ne soit plus possible de discuter de quoi que ce soit pour trouver un accord d’ici à dimanche prochain ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Quelle sera notre attitude dimanche ?
M. Roger Karoutchi. Et lundi !
M. Michel Sapin, ministre. Le « oui » aurait des conséquences. Une telle réponse du peuple grec permettrait une reprise immédiate des négociations.
Mme Éliane Assassi. Vous appelez donc à voter « oui » ! Il faut le dire alors. Soyez honnête !
M. Michel Sapin, ministre. Le « non aurait des conséquences, qui sont inconnues ou très peu connues, pour les uns comme pour les autres.
Quel que soit le résultat, la France sera là pour maintenir le dialogue, car c’est notre spécificité, non que la France cherche à se distinguer des autres pays européens, mais parce qu’elle a toujours été présente, pour que la Grèce retrouve la démocratie, entre dans l’Europe et, aujourd'hui, y reste.
La place de la Grèce est dans la zone euro, mais nous ne pouvons agir à la place des Grecs eux-mêmes. C’est maintenant à eux d’en décider. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE.)
lutte contre le terrorisme suite aux attentats
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Franck Montaugé. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, le meurtre de M. Hervé Cornara, d’une barbarie absolue, s’ajoute aux événements tragiques que notre pays a subis au début de l’année. Concomitamment, d’autres pays, comme la Tunisie, étaient aussi confrontés à des assassinats de masse relevant de motifs et de logiques pouvant être apparentés.
Ces événements affectent profondément la communauté nationale. C’est pourquoi je souhaite en cet instant, avec vous tous, mes chers collègues, saluer la mémoire des victimes et exprimer notre compassion à l’égard de leurs proches.
À l’émotion des derniers mois succède aujourd’hui, de manière insidieuse, l’inquiétude, celle d’une sureté – droit fondamental du citoyen – qui ne serait pas, ou plus, ou qui serait moins bien garantie par les pouvoirs publics.
Par l’instrumentalisation et le dévoiement profond de la religion musulmane, ces attentats témoignent que leurs auteurs ont une visée exclusivement politique. Il s’agit de mettre à bas les démocraties et les valeurs qui les fondent pour leur substituer des formes de terreur et de totalitarisme dont certains pays sont déjà le théâtre et leurs peuples les victimes.
Dans ce contexte, sur son territoire national comme dans les pays sources de menaces – je pense à l’Afrique subsaharienne –, la France et ses dirigeants ont pris leurs responsabilités. Je veux ici saluer l’engagement de nos soldats et des fonctionnaires, d’État ou territoriaux, qui sont en première ligne.
Depuis 2012, organisation et meilleure coordination des services de sécurité et de renseignement, loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, loi relative au renseignement, lutte contre la radicalisation, augmentation des moyens opérationnels des services, communication directe en direction des Français, tous ces leviers ont été actionnés dans la cohérence et ont donné un sens concret à la parole du Président de la République et du Gouvernement. Pour autant, beaucoup reste à faire pour que la confiance dans notre dispositif national de sécurité soit ressentie par tous nos concitoyens.
C’est bien une guerre au long cours qu’il nous faut mener, contre la barbarie et pour les civilisations ; une guerre dont l’enjeu central est de préserver la confiance dans nos valeurs démocratiques et républicaines, la laïcité n’étant pas le moindre des principes à faire vivre au quotidien, partout dans l’espace public et pour la liberté de chacun.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, je vous sais profondément investi des missions régaliennes qui sont les vôtres. Je tiens ici à vous remercier de votre engagement personnel remarquable dans ce contexte extrêmement difficile. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Procaccia. La question !
M. Franck Montaugé. Au-delà des orientations fortes que le Gouvernement a prises au cours des derniers mois, pouvez-vous nous dire quelles mesures complémentaires vous envisagez de mettre en œuvre pour rassurer nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – « Allo ? Allo ? » sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, le terrorisme est un phénomène que nous avons toujours connu, mais qui prend un visage nouveau. Il nous faut nous armer pour y faire face.
M. Charles Revet. Et il y a urgence !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Tous les gouvernements successifs, depuis le début des années deux mille dix, ont fait au mieux pour affronter ces difficultés. Lorsque des drames surviennent, la tendance est parfois forte de les préempter pour faire de la politique et diviser.
Premièrement, je pense que la résilience d’un pays et de ses institutions face à un risque terroriste suppose le rassemblement et le respect à l’égard des forces de l’ordre qui s’exposent pour sauver la vie des autres. Je souhaite donc que, face à la situation extrêmement grave à laquelle l’ensemble des pays de l’Union européenne et de la communauté internationale se trouve confronté, nous privilégiions la responsabilité, le rassemblement de toutes nos forces autour de nos institutions pour assurer la résilience de notre pays.
Deuxièmement, nous faisons tout pour protéger les Français. Nous avons augmenté les effectifs en procédant à quelque 1 500 recrutements dans nos services de renseignement, 500 dans le service central du renseignement territorial, 500 au sein de la sécurité intérieure, 126 au sein de la direction centrale de la police judiciaire. Nous avons également créé plusieurs dizaines d’emplois au sein de la direction centrale de la police aux frontières, parce qu’elle joue un rôle de contrôle et de protection essentiel. Pour abonder ces recrutements et moderniser nos services, le Gouvernement a consenti un effort de près de 233 millions d’euros.
Par-delà cet effort, il faut aussi davantage de coordination. Nous avons été organisés pour faire face à un terrorisme d’un certain type. Or nous avons à faire face à un terrorisme d’un type nouveau. Il faut donc décloisonner le fonctionnement des services. C’est la décision que j’ai prise, en confiant une responsabilité aux préfets de zone et en créant un état-major qui a pour rôle d’assurer la circulation des informations.
Troisièmement, il faut de la coopération internationale. Ce que nous faisons avec les pays de la bande sahélienne et avec la Tunisie pour renforcer les contrôles aux frontières, développer la lutte contre la fraude documentaire, renforcer la lutte contre le crime organisé va dans la même direction : assurer un haut niveau de protection des Français.
Enfin, je tiens à y insister, la loi relative au renseignement permettra de mobiliser pour tous les services des techniques dont ils ne disposaient pas. Nous pourrons ainsi prévenir davantage le risque terroriste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE.)
politique familiale
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe de l'UDI-UC.
M. Claude Kern. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, mais je compte sur vous, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, pour nous apporter les bons éléments de réponse.
Depuis hier, les allocations familiales sont modulées en fonction du revenu.
M. Didier Guillaume. Très bien ! C’est une très bonne nouvelle !
M. Claude Kern. Elles seront divisées par deux pour les ménages accueillant deux enfants et gagnant plus de 5 595 euros mensuels et par quatre pour ceux qui perçoivent plus de 7 457 euros par mois. Il s’agit de l’une des mesures les plus décriées de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
M. Didier Guillaume. C’est la plus juste, la plus équitable ! (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
M. Claude Kern. Elle a été unanimement dénoncée dans cet hémicycle, où elle avait été supprimée. Cependant, le Gouvernement s’est arc-bouté sur une position qui met à mal le principe d’universalité. Il s’en défend, fondant son argumentation sur une subtile distinction entre universalité et uniformité.
En droit, l’universalité existe toujours, puisque tout le monde continuera à avoir droit à quelque chose.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Claude Kern. Or, quand une famille touchera 32,34 euros par mois, pourra-t-on toujours parler d’universalité ? Bien sûr que non ! (M. Jean-Baptiste Lemoyne acquiesce.)
Cette mesure inacceptable n’est, hélas ! que l’aboutissement d’une politique constante de détricotage de la politique familiale. Depuis le rapport Fragonard du 9 avril 2013, le Gouvernement n’a eu de cesse de s’y attaquer : réduction du quotient familial, diminution du complément de libre choix d’activité, modulation de la majoration pour les enfants de plus de quatorze ans. Ces mesures ont un point commun : elles sont purement comptables. Sous prétexte d’équité, on fait des économies sur ce qui marche et on remet en cause l’une des seules politiques françaises que le monde nous envie.
Pour autant, est-il normal que des familles aisées touchent autant que des familles modestes ? Sans doute pas. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Toutefois, il existe un moyen d’y remédier sans mettre à mal l’universalité, c’est de fiscaliser les allocations.
M. Didier Guillaume. Encore des impôts !
M. Claude Kern. Cette solution présenterait en sus l’avantage de ne rien coûter aux caisses d’allocations familiales et d’ouvrir la voie à une réforme de l’impôt sur le revenu.
Ma question est donc double : madame la secrétaire d'État, combien la modulation des allocations va-t-elle coûter aux caisses d’allocations familiales et envisagez-vous de revenir sur cette disposition pour fiscaliser le système ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il faut sortir les rames ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, ce qui fait la qualité et l’exception de la politique familiale française, c’est d’abord qu’elle est plastique.
En effet, depuis 1945, elle n’a cessé de s’adapter aux enjeux sociologiques de notre pays. À l’origine, elle était essentiellement nataliste, c’était ce qu’il fallait pour reconstruire la France. Ensuite, elle s’est transformée pour devenir celle qui permet à la France d’être le pays européen qui possède à la fois l’un des taux de natalité et l’un des taux d’activité professionnelle des femmes les plus élevés.
Mme Françoise Férat. Cela ne va pas durer !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Nos voisins nous envient et viennent chez nous étudier notre système. La politique familiale française a su se diversifier et, en particulier, investir énormément dans ce qui est essentiel pour les parents, à savoir l’accueil des jeunes enfants.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Si en France les femmes travaillent autant et font autant d’enfants, c’est parce que les familles sont sûres de trouver dans les infrastructures collectives un mode d’accueil adéquat pour leurs enfants. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Francis Delattre. Grâce à qui ? Pas au Gouvernement !
M. Christian Cambon. C’est grâce aux maires !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Par ailleurs, je souhaite que, dans toutes les communes, le développement des modes d’accueil soit l’une des priorités des maires. Je rappelle qu’il s’agit d’une compétence des mairies financée par la caisse d’allocations familiales. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Catherine Procaccia. Il n'y a pas d’argent !
M. Didier Guillaume. Ne faites pas de crèches si vous ne voulez pas en faire, chers collègues de la majorité sénatoriale !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Les financements sont là. Il faut la volonté politique des maires. Je l’attends avec impatience.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué un certain nombre de prestations familiales. Pourquoi n’avez-vous pas évoqué toutes celles dont le montant augmente ? Il aurait fallu citer le complément familial pour les familles les plus modestes et les plus nombreuses, l’allocation de soutien familial pour les familles monoparentales qui doivent être au centre de nos préoccupations actuellement, l’allocation de rentrée scolaire et le dispositif des garanties contre les impayés de pensions alimentaires pour les mères dont l’ex-conjoint ou le conjoint ne verse pas la pension alimentaire et qui se retrouvent dans une situation extrêmement difficile. Cette politique familiale se substitue aux pères défaillants.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Francis Delattre. Aux tribunaux défaillants, surtout !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Quant à votre proposition de fiscalisation, je note votre audace. Nous n’entendons pas accroître la fiscalité et faire peser sur les ménages des impôts supplémentaires. Nous faisons le choix de la solidarité. Ce n’est pas le même que le vôtre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE.)
M. Didier Guillaume. Très bonne réponse !
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains.
M. Mathieu Darnaud. Ma question s’adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.
Monsieur le ministre, au moins de janvier dernier, le Gouvernement et la majorité ont salué l’avènement d’un gouvernement de gauche radicale en Grèce. Hélas, hier comme aujourd’hui, ni l’aveuglement idéologique ni le déni des réalités ne permettent à quelque gouvernement que ce soit de sortir d’une crise et de redresser un pays. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Alors que les lourds efforts consentis par les Grecs ces dernières années commençaient à porter leurs fruits, avec le retour de la croissance,…
M. Jean-Pierre Bosino. Où est la reprise ?
M. Mathieu Darnaud. … le Premier ministre grec a préféré gâcher ce redressement par un virage irresponsable. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Sa gestion hasardeuse et démagogique est frappée d’un échec total, décrédibilisant la parole d’un pays qui est pourtant le berceau philosophique de l’Europe et offrant d’assister à des scènes de files d’attente devant les guichets des banques que l’on pensait d’un autre âge.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La faute à qui ?
M. Mathieu Darnaud. La Grèce et ses partenaires étaient proches d’un accord, mais M. Tsipras, plutôt que d’entrer dans l’Histoire comme un homme d’État lucide et courageux, a préféré se défausser de sa responsabilité en convoquant un référendum, comme si – excusez du peu – il découvrait le problème. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Mme Éliane Assassi. C’est scandaleux !
M. Patrick Abate. Et Goldman Sachs ?
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le ministre, poser un regard critique ne signifie pas remettre en cause la démocratie.
Face à cela, la France, deuxième économie de la zone euro, exposée à hauteur de 40 milliards d’euros, reste pourtant peu audible.
Non seulement le Président de la République n’a pas réussi à convaincre le Premier ministre grec de renoncer au référendum, mais il a rompu la force du couple franco-allemand.
Mme Laurence Cohen. C’est une drôle de conception de la démocratie !
M. Mathieu Darnaud. Pis encore, il a provoqué la mise à l’écart de notre pays dans la gestion de cette crise. Nous notons d’ailleurs dans vos propos, monsieur le ministre, une certaine inflexion par rapport aux déclarations du Président de la République. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
À l’opposé de la position française, les ministres des finances de la zone euro se sont finalement alignés sur la position de l’Allemagne, celle-ci assumant à elle seule le rôle de moteur des négociations et décidant de ne pas reprendre des discussions dans l’impasse avant le résultat du référendum grec.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le ministre, ma question est donc simple : quand allez-vous adapter la position du Gouvernement français à la réalité de l’équipe dirigeante grecque et rendre à notre pays le rôle et l’audience qui devraient être les siens dans cette crise ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le sénateur, une bonne partie de votre question est la critique en règle d’un gouvernement étranger.
Mme Éliane Assassi. Voilà : ingérence ! (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Sapin, ministre. Je vous la laisse : ce n’est pas ainsi que nous pensons pouvoir mener le dialogue avec les uns et les autres.
Le premier principe que nous devons avoir à l’esprit est le respect d’un gouvernement et d’une majorité démocratiquement élus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme Éliane Assassi. Il respecte son peuple, M. Tsipras !
M. Michel Sapin, ministre. Par ailleurs, monsieur le sénateur, je n’ai pas noté votre présence – c’est normal ! – au sein de l’Eurogroupe (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.),…
Mme Catherine Procaccia. Il n’était pas invité !
M. Bruno Retailleau. Cela viendra !
M. Michel Sapin, ministre. … lieu où se réunissent les ministres des finances de l’ensemble des pays européens, ainsi que la Commission, le Fonds monétaire international ou la Banque centrale européenne, le tout sous l’autorité du président de l’Eurogroupe.
La différence entre vous et moi, c’est que j’y étais et que je sais quel a été le rôle de la France ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Si c’était votre cas, ou si vous pouviez interroger les uns et les autres, vous ne formuleriez pas ce genre de remarque, qui est désobligeante non seulement à mon égard – cela n’a aucune importance –, mais aussi à l’égard de notre pays.
Mme Éliane Assassi. Et de la démocratie et du peuple grec !
M. Michel Sapin, ministre. La France joue en effet un rôle fondamental dans le dialogue actuel, pour faire en sorte que toute l’Europe, comprenant tous les pays de l’euro, continue à dialoguer avec la Grèce.
Mme Laurence Cohen. Ils ne le veulent pas !
M. Michel Sapin, ministre. Le pire qui pourrait arriver, et d’abord pour la Grèce, ce serait de sortir de l’euro. Cela représenterait aussi une difficulté pour les autres pays ; surtout, cela constituerait une atteinte profonde à notre projet européen, qui vise à avancer, et non à reculer, à accueillir, et non à exclure tel ou tel pays. (Mme Catherine Procaccia s’exclame.)
La France a été présente de bout en bout, et elle le sera encore pour faire en sorte que le dialogue soit au premier plan. N’y voyez là aucune contradiction : à partir du moment où le Premier ministre grec, hier, a dit vouloir organiser un référendum et appelé à voter non, ce matin je ne sais pas conclure un accord avec quelqu’un qui me dit non.
M. Bruno Retailleau. Vous avez raison !
M. Michel Sapin, ministre. C’est clair, c’est simple, c’est net. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Ce n’est pas ce qu’a dit le Président de la République !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Et l’ingérence ?
M. Michel Sapin, ministre. Si je voulais trahir un tant soit peu les débats qui ont eu lieu à ce propos, je vous dirais que c’est moi qui ai proposé qu’il en soit ainsi, ce qui a été décidé au sein de l’Eurogroupe à l’unanimité. Et c’est normal.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Pas comme en 2005 !
M. Michel Sapin, ministre. Ce sont les Grecs qui, aujourd’hui, vont avoir à décider. Veulent-ils que l’on continue à négocier dans la sérénité, même si c’est difficile, ou veulent-ils prendre le chemin de l’inconnu ? Je pense qu’il vaut mieux éviter l’inconnu. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
mise en œuvre des mesures sociales
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Louis Tourenne. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.
La presse se fait abondamment l’écho, en cette période de départ en vacances, des différentes mesures gouvernementales à effet au 1er juillet. Souvent, cette période est mise à profit, alors que les têtes sont déjà pleines des perspectives estivales, pour des annonces que l’on souhaite voir oubliées le plus rapidement possible.
Madame la secrétaire d'État, il semble bien que vous ayez emprunté plutôt la voie d’une meilleure satisfaction des besoins. Trois grandes préoccupations apparaissent marquer, cette fois encore, l’action du Gouvernement.
Il s’agit tout d’abord de réduire les inégalités et de redonner du pouvoir d’achat aux plus déshérités : droit de changer sans frais d’auto-école, augmentation de l’assurance chômage pour le 1,6 million de demandeurs les plus démunis. C’est bien une mesure de justice également, dans une période de difficultés budgétaires héritées, que de procéder à la modulation des allocations familiales.
Il convient ensuite d’agir en faveur des plus démunis. Par exemple, le gaz, pour la troisième fois, va coûter moins cher cette année.
Il convient enfin de renforcer la sécurité de nos concitoyens.
M. Claude Kern. Bref, tout va bien !
M. Jean-Louis Tourenne. Je pense à l’interdiction – courageuse parce qu’elle n’est pas nécessairement populaire – de tout ce qui concourt à distraire l’attention du conducteur ou à diminuer ses réflexes : téléphone, alcool – c’est la première cause de mortalité chez les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans – et vitesse excessive.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. L’interdiction des oreillettes au volant !
M. Jean-Louis Tourenne. Parmi ces mesures, trois ont retenu mon attention.
Tout d'abord, les très petites entreprises seront exonérées des salaires et charges des apprentis la première année. Pour les apprentis, est-ce bien l’État qui va prendre en charge ce coût ? (Plusieurs membres du Gouvernement acquiescent.)
Ensuite, l’aide à la complémentaire santé sera simplifiée. Les personnes aux revenus modestes bénéficieront-elles d’une baisse de leur contrat de mutuelle ?
Enfin, les allocations familiales seront modulées en fonction des revenus. Elles seront calculées en fonction non plus seulement du nombre d’enfants, mais également du niveau de revenu des familles.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Jean-Louis Tourenne. Madame la secrétaire d'État, nous vous remercions de bien vouloir nous détailler plus avant les motifs et les effets attendus des mesures les plus fortes applicables au 1er juillet 2015. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, vous avez en effet évoqué trois mesures importantes qui indiquent très clairement la priorité que ce gouvernement donne à la fois à l’emploi, à la jeunesse et à la politique sociale.
La mesure en faveur des apprentis vise effectivement la formation de la jeunesse et l’emploi. Je puis vous rassurer sur ce point : c’est bien l’État qui prendra en charge les exonérations prévues à destination des employeurs en vue de favoriser l’apprentissage. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. C’est une bonne nouvelle !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. S’agissant de la complémentaire santé, depuis le 1er juillet en effet, les plus modestes d’entre nous qui perçoivent des revenus compris entre 720 et 970 euros par mois pour une personne seule bénéficieront d’une aide nouvelle pour souscrire une couverture complémentaire.
Cette aide s’élèvera jusqu’à 550 euros pour les plus de soixante ans, ce qui représente un effort significatif. Elle est par ailleurs assortie d’une mesure de simplification, car on compte aujourd’hui environ 300 offres différentes, ce qui ne permet pas forcément aux consommateurs d’être plus éclairés. Désormais, onze contrats leur seront proposés, pour lesquels l’adhésion à une assurance complémentaire sera facilitée.
Outre la simplification de l’aide prévue, ces personnes bénéficieront de l’exonération de la franchise chez le médecin, à l’hôpital et pour les frais pharmaceutiques, ce qui constitue une avancée sociale considérable pour les plus modestes. Elles pourront également demander le bénéfice du tiers payant, dont le dispositif est mis en œuvre progressivement de manière très simple, puisque c’est l’assurance maladie qui paiera en totalité les frais, avant d’être subrogée dans ces droits auprès des organismes complémentaires.
Mme Catherine Procaccia. Il n'y a plus d’argent !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Vous avez évoqué la modulation des allocations familiales, qui est une mesure de justice sociale. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Rémy Pointereau. C’est faux !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je vous remercie de l’avoir décrite ainsi. Le récent rapport de l’UNICEF rendu public le 9 juin dernier n’aura échappé à personne. Entre 2008 et 2012, un accroissement considérable du nombre d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté – quelque 400 000 de plus – a été constaté ; ils sont au total 3 millions dans cette situation.
C’est notre priorité ! Les familles qui voient aujourd’hui leurs allocations familiales modulées savent que cette mesure n’est pas vaine, car elle vise une plus grande solidarité. Ainsi, notre pays pourra affirmer que l’enfance est une grande cause nationale rassemblant toutes les familles de France ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
lutte contre l'islamisme radical
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour le groupe Les Républicains.
M. Jean-Pierre Vial. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
En qualité d’élu de la région Rhône-Alpes et plus particulièrement de l’un des trois départements considérés comme sensibles au sein de cette région, je suis bien sûr tout particulièrement interpellé par les récents événements de Saint-Quentin-Fallavier. Je m’associe bien évidemment aux propos tenus à l’instant par mon collègue Franck Montaugé.
Face à une situation dont les actes montrent tous les jours un peu plus la gravité et l’ampleur, nous ne pouvons qu’adhérer au discours volontariste du Président de la République et de vous-même, monsieur le ministre, et les soutenir. Nous ne pouvons également qu’approuver la déclaration du Premier ministre concernant son engagement total contre le salafisme et les frères musulmans.
Derrière cette déclaration d’intention, permettez-moi de vous interroger concrètement sur certains aspects de la politique du Gouvernement, au moment où le Parlement vient de débattre du texte relatif au renseignement, en sachant le rôle de première importance que jouent internet et les réseaux sociaux.
Concernant les salafistes, le Gouvernement tunisien vient de réagir fermement à la suite des derniers événements, en décidant la fermeture de 80 mosquées de cette mouvance. Or nous avons en France un nombre équivalent de lieux de prières salafistes.
Concernant les frères musulmans, nous connaissons les mesures prises ou envisagées à leur égard par plusieurs pays de la Méditerranée pour sortir leur discours de la radicalité.
Or non seulement aucune position semblable n’est affichée en France à l’égard d’organismes ou d’établissements qui relèvent clairement de la doctrine des frères musulmans, mais, au même moment, la position du quai d’Orsay semble bien différente des propos du Premier ministre dans les alliances et stratégies déployées au Moyen-Orient.
En un mot, la position du Président de la République, de vous-même, monsieur le ministre de l’intérieur, et du Premier ministre ne peut qu’obtenir notre soutien total, mais encore conviendrait-il que le Gouvernement nous précise sa politique face aux décisions à prendre et aux contradictions constatées entre la politique intérieure affichée et certaines orientations de la politique étrangère du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, votre question me donne l’occasion de faire un point très précis sur un certain nombre de sujets que vous avez évoqués et dont beaucoup relèvent de questions de politique intérieure. Je veux parler de la lutte contre le terrorisme à l’intérieur de nos frontières et toutes les formes de radicalité, y compris les radicalités violentes qui peuvent prendre la forme d’appels à la haine ou de provocations au terrorisme dans les espaces numériques ou les mosquées.
Que faisons-nous ?
Vous exprimez des inquiétudes sur la détermination qui est la nôtre à procéder à l’expulsion de ceux qui profèrent ces propos. Je vous réponds que notre fermeté est totale en la matière : tous ceux qui, d’après les services de renseignement ou de police, se livrent à la propagation de propos appelant à la haine et provoquant au terrorisme sont systématiquement expulsés.
Je voudrais d’ailleurs, pour vous rassurer, vous donner des chiffres à ce sujet. Depuis 2012, ce sont quelque 40 expulsions de prêcheurs de haine qui sont intervenues ; depuis le début de l’année 2015, quelque 10 dossiers d’expulsion sont quasiment aboutis, 6 expulsions ont déjà été prononcées et 22 dossiers se trouvent en instance.
Au cours du quinquennat précédent, et alors que le risque était particulièrement élevé comme en témoigne, entre autres, l’affaire Merah, seulement 15 expulsions ont eu lieu en cinq ans, là où nous en avons décidé 40 en trois ans.
Je ne céderai pas face aux propagateurs de haine dans le pays. Ils n’ont pas leur place en France s’ils sont étrangers. Ils seront expulsés !
Quant à la déchéance de la nationalité que vous évoquez souvent, il s’agit d’une procédure juridique très complexe, mise en œuvre depuis 2012. Nous en créerons d’autres pour tous ceux qui bénéficient de la double nationalité et se livrent à la propagation de discours de haine dans le pays. Certains dossiers sont également en instance d’examen, qui iront à leur terme.
Pour ce qui est des mosquées salafistes, des règles de droit figurent dans notre Constitution et nous lient à l’Union européenne. Si des associations, dans leur entièreté, contribuent dans les mosquées à la diffusion de pensées de haine, elles seront dissoutes. J’ai indiqué à ce propos que des dossiers étaient en cours au sein du ministère de l’intérieur.
Toutefois, cette dissolution s’effectuera dans le respect des règles du droit constitutionnel et du droit européen. En effet, ne pas s’y conformer reviendrait à lutter contre le terrorisme dans l’abandon des valeurs de la République.
Je vous le redis, la fermeté du Gouvernement est totale. Prétendre le contraire ne correspond pas à la réalité de notre action. Cette fermeté, je l’exprimerai à chaque instant, sans trêve ni pause face au risque terroriste. (Applaudissements.)
financement européen dans le domaine des transports
M. le président. La parole est à M. Christian Manable, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Christian Manable. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
La Commission européenne a très récemment dévoilé les propositions de subventions pour le financement des infrastructures de transport dans les États membres, dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe.
Au moment où certains s’interrogent sur l’avenir de l’Europe et sur sa valeur ajoutée pour notre vie quotidienne et notre destin commun, au moment aussi où certains demandent le rétablissement des frontières et le repli sur soi, je souhaite que vous puissiez, monsieur le ministre, éclairer ces décisions européennes et préciser les projets retenus, ainsi que leur probable impact sur nos territoires et notre économie.
Si l’objectif est d’achever des réseaux transeuropéens importants en matière de transports, d’énergie et de télécommunications, notre priorité demeure d’accroître la mobilité des citoyens et d’améliorer les biens et les services dans l’ensemble de l’Union européenne en complétant les liens manquants dans les réseaux, en éliminant les goulets d’étranglement et en favorisant les équipements structurels.
Or ce réseau de transport augmentera incontestablement la cohésion économique, sociale et géographique dans l’Union et créera des emplois, tout en garantissant un bon équilibre entre la protection de l’environnement et le développement des infrastructures, comme, par exemple, les voies de navigation intérieure.
Parmi ces grands projets de transport d’intérêt européen, je pense en priorité au canal Seine-Nord Europe, tant attendu par les acteurs économiques, les élus, la population de la nouvelle grande région Nord–Pas-de-Calais–Picardie…
M. Jacques Legendre. En effet, il est attendu !
M. Christian Manable. Je voudrais ici saluer le rapport du député M. Rémi Pauvros sur la mission de reconfiguration du canal Seine-Nord Europe.
Je pense également au tunnel ferroviaire Lyon-Turin, ainsi qu’à tous les projets autour du réseau ferré ou de nos ports, en particulier ceux du Havre, de Calais ou de Rouen. D’autres projets portent sur la mobilité verte. Toutes ces décisions sont importantes pour le report modal vers les transports les moins émetteurs de gaz à effet de serre.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Christian Manable. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite que vous puissiez nous détailler ces projets, en préciser le calendrier et évaluer leur impact économique, en particulier en termes d’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Effectivement, la Commission européenne a publié lundi dernier les résultats du premier appel à projets sur le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, dit « MIE ». C’est un projet global de 13,1 milliards d’euros de subventions accordées par l’Union européenne.
La France est, avec 1,76 milliard d’euros, le premier pays bénéficiaire de ces crédits européens sur la période 2016-2020. Je salue la confiance que nous témoigne l’Europe, en particulier sur deux projets très importants que vous avez cités : le Lyon-Turin et le canal Seine-Nord Europe se voient chacun attribuer une subvention de 40 % des travaux. C’est le résultat de notre travail patient et résolu, grâce, notamment, à l’action du Premier ministre, qui a relancé ces deux grands projets au cours de l’année 2014.
Par cette action, l’Europe accompagnera la politique des transports du Gouvernement, qui est résolument orientée vers le report modal et la responsabilité budgétaire. Parmi les projets bénéficiaires de subventions, on retrouve ceux qui visent à améliorer l’axe Seine, comme la ligne Serqueux-Gisors, l’approfondissement du chenal du port de Rouen, la résorption de goulets d’étranglement du réseau ferroviaire comme les nœuds de Strasbourg et de Mulhouse, mais aussi les lignes du Grand Paris Express.
En outre, les nouvelles mobilités ne sont pas en reste, car de nombreux projets visent à encourager la mobilité électrique et les transports intelligents.
Le Gouvernement travaille depuis un an sur l’ensemble de ces dossiers. C’est un succès pour la France que de voir ces nombreux projets retenus. Ils permettront de construire une Europe intégrée, reliant ses territoires grâce à des corridors performants et durables. Le Gouvernement restera mobilisé, car un second appel à projets sera lancé à l’automne 2015.
L’Europe concrétise ainsi son action sur les transports d’une manière visible et responsable. Elle accompagnera la France dans la construction d’un réseau fort et d’un secteur de l’économie, celui des infrastructures. Cela contribuera très positivement au développement de la croissance de notre pays.
Au moment où la critique de l’Europe nourrit le populisme d’extrême droite, je suis heureux de rappeler que l’Europe est aussi la construction d’un avenir commun. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut, pour le groupe Les Républicains.
M. Alain Dufaut. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.
À l’occasion d’un colloque au dernier Festival de Cannes, le 17 mai dernier, le Premier ministre a estimé que la baisse du budget de la culture au cours des deux premières années du mandat de François Hollande était un « signe négatif ». Madame la ministre, le lendemain sur France Info, votre prédécesseur, Mme Aurélie Filipetti, n’a pas manqué de commenter cette réaction de Manuel Valls en précisant : « Je me suis battue pendant deux ans pour lutter contre cette baisse. Je n’ai pas du tout été écoutée. Une baisse de 6 % sur deux ans, c’était du jamais vu, même sous la droite ! ». (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Raoul. C’est dire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Alain Dufaut. Même si la remarque du Premier ministre peut paraître désobligeante à l’égard de son prédécesseur à Matignon, il n’empêche que les réductions drastiques du budget culturel, conjuguées aux réductions des dotations de l’État aux collectivités territoriales, rendent l’équation budgétaire culturelle totalement insoluble pour les élus locaux.
Force est de constater, sur le terrain, que l’austérité est de rigueur dans le domaine culturel et qu’elle signe le décès des festivals, adossés désormais aux seules subventions municipales.
Prenons l’exemple de mon département, où Olivier Py, directeur du festival d’Avignon, qui débute samedi prochain, vient de raccourcir de deux jours la durée du festival, car la subvention municipale a été réduite de 500 000 euros par le maire socialiste d’Avignon. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Voilà !
M. Alain Dufaut. Je reconnais néanmoins qu’il ne pouvait pas faire autrement. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Alain Dufaut. Vous le savez, madame la ministre, quelque 2 000 festivals sont organisés chaque année en France, et malgré l’appel que vous avez récemment lancé aux collectivités locales, vous ne pouvez pas exiger que celles-ci stabilisent leurs financements culturels, car elles se trouvent confrontées à des choix budgétaires très difficiles.
En effet, eu égard au contexte financier contraint, les élus locaux sont dans l’obligation de procéder à un tour de vis sur les subventions accordées aux associations à caractère culturel, en particulier, pour les festivals de nos départements.
Aussi, madame la ministre, à l’heure où, plus que jamais – j’y insiste –, notre pays a un besoin évident de culture, quelles démarches comptez-vous entreprendre pour sauver ces festivals de province, qu’ils soient théâtraux ou musicaux, qui, jusqu’à ce jour, trouvaient la majorité de leur financement à hauteur de 70 % environ auprès des collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question. Ce sujet me préoccupe moi aussi. C’est la raison pour laquelle je voudrais apporter un certain nombre de précisions.
Tout d’abord, je ne reviendrai pas sur le passé et je ne commenterai pas le bilan de la ministre qui m’a précédée, car ce serait discourtois.
Ensuite, vous le savez très bien et vous avez rappelé les chiffres : il existe entre 2 000 et 3 000 festivals en France, et le ministère de la culture n’est partenaire financier que d’une centaine d’entre eux, dont une dizaine de très grands festivals à rayonnement international.
Or, sur ces cent festivals, l’engagement financier de l’État n’a pas varié au cours des trois dernières années. Le Gouvernement n’a pas sacrifié sa participation aux côtés des festivals qu’il avait pour tradition d’accompagner. Comme vous l’avez dit, le choix de la culture est un choix politique. Or le Gouvernement, qui réalise 50 milliards d’euros d’économies, a fait le choix budgétaire de maintenir et même d’augmenter le budget du ministère de la culture.
M. Jacques Legendre. Non !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Vous me demandez également ce que nous comptons faire. Tout d’abord, monsieur le sénateur, je considère qu’un budget, ce sont toujours des crédits au service d’un projet. Par conséquent, je ne suis pas dans une logique incrémentale, selon laquelle je demanderais toujours plus d’argent. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je souhaite proposer un certain nombre de projets. J’ai des priorités, telles que le soutien à la jeune création et la transmission des savoirs, l’éducation artistique et culturelle.
C’est pour financer ces projets que je me bats, auprès du Premier ministre ou auprès de mon collègue secrétaire d’État chargé du budget, dans le cadre des discussions budgétaires que nous tenons actuellement. (Sourires.)
M. Bruno Retailleau. Qu’en pense-t-il ? Nous pourrions le lui demander !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Je m’attache donc à défendre d'abord un projet, et ensuite un budget qui soit au service de ce dernier.
Le Gouvernement a donc fait le choix politique de maintenir le budget du ministère de la culture alors que, par ailleurs, nous réalisons d’importantes économies, témoignant ainsi que nous sommes responsables sur le plan budgétaire.
Nous travaillons ainsi à réduire le déficit public de notre pays, que nous avons effectivement diminué depuis deux ans, alors que vous-mêmes n’en aviez rien fait. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
J’ai confié une mission sur les festivals à Pierre Cohen, l’ancien maire de Toulouse, afin d’établir objectivement quelle est la situation. Vous dites que les festivals ont été annulés, mais telle est la vie des festivals : certains se créent et d’autres disparaissent. Cinquante festivals ont ainsi été créés l’an dernier.
La mission confiée à Pierre Cohen vise donc à aider le ministère de la culture et les élus à comprendre les raisons des difficultés des festivals. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne manquerai pas de vous en tenir informés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Nous en avons fini avec les questions d’actualité au Gouvernement.
3
Dépôt du rapport d'une commission d'enquête
M. le président. J’ai reçu hier un rapport de M. Jacques Grosperrin au nom de la commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l’exercice de leur profession, créée le 22 janvier 2015, sur l’initiative du groupe Les Républicains, en application de l’article 6 bis du Règlement.
Ce dépôt a été publié au Journal officiel, édition « Lois et Décrets », de ce jour. Cette publication a constitué, conformément au paragraphe III du chapitre V de l’instruction générale du bureau, le point de départ du délai de six jours nets pendant lequel la demande de constitution du Sénat en comité secret peut être formulée.
Ce rapport sera publié sous le n° 590, le mercredi 8 juillet 2015, sauf si le Sénat, constitué en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie de ce rapport.
4
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 7 juillet 2015 :
À neuf heures trente : dix-neuf questions orales.
À quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
Éloge funèbre de Jean Germain.
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre dans le domaine de l’enseignement (procédure accélérée ; n° 563, 2014-2015) ;
Rapport de M. Joël Guerriau, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 588, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 589, 2014-2015).
Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Secrétariat de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son Protocole de Kyoto concernant la vingt et unième session de la conférence des Parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la onzième session de la conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto et les sessions des organes subsidiaires (procédure accélérée) (n° 512, 2014-2015) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Grand, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 586, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 587, 2014-2015).
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales (n° 569, 2014-2015) ;
Rapport de M. Pierre-Yves Collombat, fait au nom de la commission des lois (n° 577, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 578, 2014-2015).
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la réforme du droit d’asile (n° 566, 2014-2015) ;
Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n° 570, 2014-2015) ;
Avis de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances (n° 579, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 571, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART