Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 24 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
L’amendement n° 118 est présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 18 et 19
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Autre exemple des aberrations auxquelles conduit une approche bureaucratique de la question de l’immigration, l’étranger qui sollicite la délivrance ou le renouvellement d’une carte de séjour pluriannuelle en faisant valoir un autre motif que celui sur lequel est fondée sa précédente carte de séjour ne pourra bénéficier que d’une carte d’un an.
Là encore, si cette personne a prouvé qu’elle était intégrée, pourquoi ne lui délivrer qu’une carte d’un an ? Cela n’a aucun sens !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour présenter l’amendement n° 118.
M. Michel Mercier. Il est identique !
M. Philippe Kaltenbach. Peut-être, cher collègue, mais je vais le défendre malgré tout.
L’article 11 du texte de la commission vient limiter la portée du principe que nous souhaitons voir consacrer, à savoir la progressivité de la durée des cartes de séjour – un an, quatre ans et dix ans. Il prévoit en effet que, en cas de changement de statut, le titulaire d’une carte pluriannuelle basculera vers une carte temporaire. Nous sommes en désaccord avec cette logique de va-et-vient entre carte temporaire et carte pluriannuelle, qui aggrave l’insécurité des individus, nie leur intégration et les insère dans des catégories rigides du droit au séjour.
Surtout, la multiplication des dérogations au principe de la carte pluriannuelle et à sa durée de quatre ans au motif de la lutte contre les fraudes pose une vraie question de fond : à quoi servent les contrôles dont les modalités sont renforcées par les articles 8 et 25 de ce projet de loi – nous les approuvons –, si ce n’est à lutter contre la fraude ? Pourquoi faudrait-il qu’un régime de contrôle renforcé vienne s’ajouter aux dérogations multiples à ce principe de progressivité que j’ai rappelé au début de mon intervention ?
Nous préconisons donc la suppression des alinéas 18 et 19 de l’article 11, pour consacrer pleinement la logique de la progressivité, de la pluriannualité, de la sécurité et donc de l’intégration.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements restant en discussion ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur l’amendement n° 191 de la commission. Par ailleurs, j’ai bien noté que l’amendement n° 18 n’était pas soutenu.
Nous sommes tous d’accord pour convenir qu’il faut inciter les étrangers qui viennent sur notre territoire à suivre les formations du contrat d’accueil et d’intégration. Malheureusement, les dispositions de l’amendement n° 76 ne vont pas dans le bon sens, puisqu’elles visent à supprimer la condition liée au sérieux de la participation à cette formation. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’avis de la commission est également défavorable sur l’amendement n° 142, qui tend à supprimer la condition de maîtrise de la langue insérée par la commission des lois. Cette condition s’inscrit, nous l’avons tous admis, dans le cadre du parcours progressif d’intégration des migrants à la société française. Un niveau de langue trop bas est d’ailleurs le premier obstacle à l’intégration, et il faut donc le combattre. Je rappelle toutefois que le niveau de langue est fixé par décret.
Les amendements nos 77 et 25 rectifié, les amendements identiques nos 116 et 169 rectifié, les amendements nos 26 rectifié et 141 rectifié, ainsi que les amendements identiques nos 23 rectifié, 75 et 117 ont tous pour objet d’élargir le périmètre du titre annuel – parfois même au-delà des espérances du Gouvernement, telles qu’elles ressortaient de son texte initial – ou d’allonger sa durée.
Or cet objectif est contraire à la position de la commission, pour les raisons que j’ai évoquées lorsque j’ai présenté l’amendement n° 191. En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Il en va de même pour les amendements identiques nos 24 rectifié et 118, qui tendent à supprimer une disposition que la commission a introduite en s’inspirant du texte initial du Gouvernement. Il apparaît nécessaire d’imposer le passage par une carte temporaire pour s’assurer que les changements de statut ne donnent pas lieu à des fraudes et que les préfectures ont les moyens de le vérifier.
Enfin, les auteurs de l’amendement n° 31 rectifié proposent que la carte pluriannuelle soit renouvelée si l’étranger occupe un emploi et un logement stables, sans condition de respect des motifs de séjour. Il n’est pas possible d’accéder à cette demande, car le droit au séjour ne peut se concevoir sans un motif qui le justifierait. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 191. En effet, la commission des lois inverse la logique qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi : elle souhaite faire du titre de séjour pluriannuel l’exception et en limiter le bénéfice à certaines catégories d’étrangers. Ainsi, elle remet fortement en cause la logique du texte.
Le Gouvernement veut simplifier la procédure, sécuriser le droit au séjour des étrangers en situation régulière – car c’est bien d’eux qu’il s’agit. Il souhaite donc que le titre de séjour pluriannuel soit la norme et non l’exception.
J’émets un avis favorable – ce sera le seul pour cette série – sur l’amendement n° 142. En effet, le niveau de langue sera examiné pour la délivrance de la carte de résident. Il s’agit du niveau A2, et il reviendra à l’administration de contrôler s’il est atteint.
J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 76, car il faut que l’étranger participe avec sérieux aux formations prescrites pour son intégration.
En ce qui concerne l’amendement n° 77, la durée de la carte pluriannuelle pour soins doit être celle de la durée des soins. J’émets donc un avis défavorable.
J’émets également un avis défavorable sur l’amendement n° 25 rectifié. En effet, si l’on supprime la mention du motif du séjour sur le titre de séjour, on ne pourra pas contrôler si les conditions du séjour sont respectées. (M. Pierre-Yves Collombat proteste.) Monsieur le sénateur, je maintiens que, si le motif d’attribution du titre de séjour ne figure pas sur ce document, l’administration ne pourra pas s’assurer que la détention du titre est toujours justifiée.
J’émets également un avis défavorable sur les amendements identiques nos 116 et 169 rectifié, car la carte destinée aux victimes de la traite est spécifique. Sa durée est d’un an au moment de la plainte et elle passe à dix ans – il s’agit alors d’une carte de résident – au moment de la condamnation. Il n’y a pas lieu de prévoir de dispositif intermédiaire.
Le titulaire d’une carte de travailleur temporaire est en contrat à durée déterminée, il n’y a donc pas lieu de lui délivrer une carte pluriannuelle. Sa carte aura la même durée que celle du contrat de travail. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l’amendement n° 26 rectifié.
J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 31 rectifié. En effet, soumettre le renouvellement d’un titre à la condition d’un emploi et d’un logement stable pourrait être préjudiciable à l’étranger, par exemple dans le cas où celui-ci perdrait son emploi.
En ce qui concerne l'amendement n° 141 rectifié, ainsi que les amendements identiques nos 23 rectifié, 75 et 117, dont la rédaction est assez proche, j’émettrai également un avis défavorable. Le Gouvernement a prévu un parcours d’intégration qui est fondé sur l’accès à la carte de résident, soit au bout de trois ans, et dans ce cas le titre est de deux ans, soit au bout de cinq ans, et dans ce cas la carte est d’une durée de quatre ans. Nous voulons préserver cette logique, qui est celle du rapport de Matthias Fekl.
Les amendements identiques nos 24 rectifié et 118 ont pour objet de simplifier le changement de statut pour les bénéficiaires du titre pluriannuel. Le Gouvernement partage cet objectif, mais nous estimons qu’il y a lieu de prévoir une exception pour les étudiants accédant au titre de salarié. Nous nous engageons donc à rétablir cette disposition, avec cette exception, au cours de la navette. Je souhaite donc le retrait de ces amendements identiques, faute de quoi j’y serai défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le rapporteur, je vois bien quel est votre objectif avec cet amendement n° 191 : dans quelques minutes, la suppression du titre pluriannuel proposé par le Gouvernement pourra être annoncée ! C’est bien pour cette raison que vous le défendez maintenant.
Pour autant, au-delà de l’effet d’annonce, j’ai l’impression que vous agissez dans un sens totalement contraire à celui que vous préconisez.
Ainsi, je lis dans l’objet de votre amendement : « Ce nouveau dispositif permettra à l’autorité administrative de poursuivre les contrôles annuels des titres “vie privée et familiale” lors des procédures de renouvellement et de concentrer ses contrôles a posteriori sur les trois catégories éligibles à la carte de séjour pluriannuelle. »
Vous savez parfaitement qu’il y a des millions de passages en préfecture à cause justement de ces titres annuels. Or l’objectif de cette carte de séjour pluriannuelle est de libérer du temps au guichet. À cet égard, vous aurez noté que les articles 8 et 25 du projet de loi mettent en place un certain nombre de contrôles en continu – je suis même intervenu tout à l'heure, car je trouvais qu’il y en avait trop –, que l’autorité administrative pourra dorénavant exercer, ayant dégagé du temps qu’elle n’a plus à passer au guichet.
Pourtant, votre proposition revient à retirer des effectifs susceptibles de faire du contrôle pour les remettre au guichet. En même temps, vous placez encore plus dans une situation d’insécurité les personnes concernées, qui devront refaire la procédure tous les ans.
L’effet que vous visez sera atteint – le Sénat, dans quelques minutes, va abandonner le dispositif central du projet de loi –, mais, ce faisant, vous allez dans le sens contraire de ce que vous annoncez. En effet, avec cette suppression, l’autorité administrative sera occupée à autre chose qu’à surveiller effectivement les titulaires de titres déjà délivrés, car elle devra se concentrer sur une logique de guichet totalement contre-productive.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Je vais concentrer mon intervention sur l’amendement n° 191. En commission, M. le rapporteur avait déjà détricoté et dénaturé le texte. C’est son droit, mais, avec cet amendement en séance, on peut dire qu’il achève le projet de loi, puisqu’il revient sur le principe même qui fonde ce texte, à savoir la progressivité du parcours de l’étranger.
En remettant en cause le caractère automatique de cette carte pluriannuelle et en en faisant l’exception, c’est le cœur du dispositif qui est atteint.
Dans le projet initial, à la carte temporaire peut succéder une carte pluriannuelle de quatre ans, puis une carte de résident de dix ans : c’est bien ce système du « 1+4+10 » qui répond à l’objectif d’intégration de l’étranger. Sur cette dernière question, la droite doit clarifier son discours : d’un côté, elle appelle les étrangers à s’intégrer au mieux et au plus vite ; de l’autre, elle ne cesse de leur mettre des bâtons dans les roues.
Ceux qui travaillent sérieusement le dossier le savent : les marges de manœuvre en matière d’immigration sont faibles. Il y a 200 000 titres de séjour délivrés chaque année et, pour des raisons sur lesquelles nous nous sommes déjà largement expliqués, il n’est pas possible de réduire ce chiffre de manière significative. Nous sommes vraiment déjà au plancher.
Vous manœuvrez donc en mettant en place des dispositifs administratifs complexes et bureaucratiques, dont le seul objectif est de décourager les étrangers de venir s’installer dans notre pays. Depuis des années, la droite, lorsqu’elle était aux affaires, a cherché à multiplier les chicaneries et les tracasseries, espérant dissuader les étrangers. Toutefois, cette politique non seulement ne marche pas, mais, en plus, créé du travail dans les préfectures et du contentieux qui vient surcharger les tribunaux administratifs. Le résultat est nul, et vous le savez !
Or telle est bien l’inspiration de votre amendement : complexifier les procédures, alourdir les contraintes administratives, imposer des démarches supplémentaires pour compliquer la vie de l’étranger et le faire renoncer. Pourtant, je remarque que, par ailleurs, vous réclamez à cor et à cri de la simplification ; vos discours sont donc pour le moins contradictoires.
M. Roger Karoutchi. Votre temps de parole est épuisé !
M. Philippe Kaltenbach. Pour finir, vous allez vous étonner que l’intégration des étrangers soit longue et compliquée !
Pour notre part, nous refusons cette logique. Nous ne voulons pas être entraînés dans cette dérive. L’intégration, c’est un contrat, un parcours que l’État construit avec l’étranger. Tel est le sens du titre pluriannuel, qui est une avancée majeure de ce texte. Bien évidemment, nous voterons contre cet amendement n° 191 !
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Kaltenbach. Pour le reste, je suis sensible à l’ouverture proposée par le Gouvernement au sujet de l’amendement n° 118, que je retire donc, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 118 est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mon cher collègue, nous ne voulons ni complexifier, puisque tel est le verbe que vous avez employé, ni alourdir ; nous voulons seulement maintenir la règle actuelle, que nous ne changeons pas. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Philippe Kaltenbach. Une règle bien lourde !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Vous souhaitez sortir d’un système dans lequel il y a une période probatoire, en quelque sorte, de cinq ans. Année après année, l’État vérifie que le titulaire d’une carte de résident remplit les conditions nécessaires pour se voir attribuer une nouvelle carte.
Pendant toute cette période, qui ne dure pas toute la vie, le principe est que le séjour peut être remis en cause au moment de chaque renouvellement. C’est bien ce point qui nous différencie. Vous considérez que nous avons dénaturé votre texte, quand nous considérons que vous dénaturez la loi, telle que nous l’avions voté voilà quelques années, avec votre projet. Nous voulons simplement éviter de porter atteinte au droit à l’entrée et au séjour des étrangers, qui a été mûrement réfléchi au fil des années. Il a d’ailleurs survécu à plusieurs alternances politiques. (M. Jean-Yves Leconte s’exclame.)
Notre souci est de faire en sorte que le contrôle reste possible. Ce n’est pas parce que le contrôle, faute de moyens, n’est pas exercé de manière satisfaisante qu’il faut l’abandonner. Nous devons au contraire nous donner les moyens de l’exercer de manière efficiente.
Mes chers collègues, je suis désolé, mais je ne suis pas d’accord avec votre argument consistant à dire que, comme l’on attribue, de manière pratiquement mécanique, année après année, un titre de séjour d’une année, il faut donc créer un titre de quatre ans. C’est l’argument du renoncement ! Nous en appelons au contraire au volontarisme.
Vous avez raison, nous sommes en désaccord radical sur l’approche de la politique de l’immigration. Vous raisonnez en termes de droits supplémentaires pour les étrangers ; nous raisonnons en termes de contrôle de l’immigration. Les Français trancheront entre ces deux approches.
Mme Éliane Assassi. Ils préféreront l’original à la copie !
Mme Esther Benbassa. Ce ne sont pas les Français qui trancheront. C’est nous qui voterons !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. L’intervention du président de la commission des lois est tout à fait claire : il y a deux logiques dans cette affaire. Soit notre politique de l’immigration consiste à contrôler, ce qui revient à une absence de politique ; soit elle consiste à essayer de favoriser l’intégration, car nous considérons que l’immigration, pour l’essentiel, est plutôt quelque chose de positif pour notre pays.
M. le rapporteur veut tout geler et multiplier les contrôles, qui devront être les plus efficaces possible ; l’autre option vise à promouvoir tout ce qui peut permettre une bonne intégration en prenant le pari que, in fine, le pays y gagnera.
Pour ma part, je reproche au projet gouvernemental de rester au milieu du gué.
M. Philippe Kaltenbach. On nous dira qu’il est équilibré… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Pierre-Yves Collombat. Non, il n’est pas équilibré ! Il marche sur une seule jambe !
Mme Éliane Assassi. Il n’est pas ambitieux !
M. Pierre-Yves Collombat. Le texte introduit un titre de quatre ans, qui est censé simplifier, mais il multiplie les exceptions.
Je veux bien qu’il faille tenir compte de l’opinion, qui d’ailleurs jugera, mais je pense que la grandeur de l’action politique consiste à ne pas suivre l’opinion dans tous ses mouvements.
M. Michel Mercier. Vous avez raison !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Personnellement, je regrette la manière dont nous menons ce débat, car je pense que nous devrions avoir un objectif commun, à savoir contrôler les flux migratoires en facilitant l’intégration.
Notre approche est tout à fait clivante et elle reste marquée par les postures politiques, avec, d’un côté, ceux qui veulent montrer qu’ils sont capables de réduire les flux migratoires dans des domaines où il est impossible de les réduire effectivement, et, de l’autre, ceux qui manifestent une générosité peut-être parfois excessive ou naïve.
Je me situe sur une position médiane. Je dois être un peu comme le Gouvernement, monsieur Collombat ! En fait, je marche sur mes deux jambes, ce qui m’amène à penser qu’il peut y avoir du bon des deux côtés et que les positions ne sont pas inconciliables.
Par exemple, dans l’amendement n° 191, il y a des dispositions que j’approuve totalement, mais je ne peux pas adhérer à la totalité du raisonnement de M. le rapporteur, qui se rigidifie et se caricature lui-même en considérant le titre pluriannuel soit comme un principe, soit comme une exception. Entre les deux, il y a la place pour une possibilité, ce qui est, je crois, beaucoup plus raisonnable.
Par ailleurs, je suis en désaccord avec l’exigence d’un CDI, qui me paraît tout à fait excessive. En effet, tout le monde sait très bien que l’intérim ou le CDD, dans une phase de reprise économique, est un sas qui permet d’accéder à l’emploi, même si l’on peut le critiquer. Il faut sans doute trouver des formules intermédiaires, telles qu’un CDD de trois mois renouvelables ou un contrat avec une société d’intérim, car l’exigence d’un CDI revient à fermer la porte à l’intégration.
M. Jean-Yves Leconte. Tout à fait !
M. Jean-Marc Gabouty. Pour ces raisons, je ne pourrai, à titre personnel, voter en faveur de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je voudrais seulement dire quelques mots supplémentaires sur l’amendement n° 191 que j’ai déposé.
À plusieurs reprises, à l’occasion de ce débat, nous avons rappelé que l’immigration régulière était très largement une immigration familiale et très minoritairement, à hauteur de 9 %, une immigration économique
J’ai très clairement dit, aussi, que la majorité sénatoriale souhaitait travailler sur un développement de l’immigration économique. À cet égard, le titre pluriannuel est un outil intéressant, et j’ai souhaité y apporter quelques modifications avec cet amendement.
Par ailleurs, monsieur Gabouty, vous venez d’évoquer le sujet des CDI et des CDD. Il faut savoir que l’option du CDD a été exclue dès l’origine du titre pluriannuel par le Gouvernement.
En outre, il me semble nécessaire d’avoir des moyens de contrôle, que nous souhaitons d’ailleurs renforcer. Cette volonté n’est pas inconciliable avec le souhait de créer les conditions d’une intégration la meilleure possible. Je ne vois pas de raisons de considérer que c’est incompatible.
Enfin, nous estimons qu’avoir proposé le titre pluriannuel, tel qu’il est aujourd’hui, réduira sans doute de 30 % à 35 % l’activité des préfectures. Cette baisse, cumulée avec la réorganisation strictement administrative des préfectures, devrait permettre de constater assez vite une véritable amélioration de l’accueil des étrangers dans nos préfectures.
Dans ce texte, nous avons essayé de rendre les choses à peu près cohérentes. Sur le contrôle, il est vrai, nous sommes assez sévères, parce que c’est nécessaire. En même temps, nous sommes très ouverts et exigeants sur les parcours d’intégration, que nous voulons du meilleur niveau possible, car il faut donner toutes les chances aux étrangers.
Enfin, nous entendons organiser le principe d’un titre annuel et d’un titre pluriannuel dans le cadre d’une immigration économique, à laquelle nous souhaitons donner la priorité. Telle est la logique de notre travail.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 191.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 7 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 156 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements nos 76, 142, 77, 25 rectifié, les amendements identiques nos 116 et 169 rectifié, les amendements nos 26 rectifié, 31 rectifié et 141 rectifié, ainsi que les amendements identiques nos 23 rectifié, 75 et 117, n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 185 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéa 35
Remplacer les mots :
carte de séjour pluriannuelle portant la mention “passeport talent”
par les mots :
carte de séjour prévue au 1°, 2°, 4°, 8° et 9° du présent article
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 11 du projet de loi crée une section sur la carte de séjour pluriannuelle dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, avec une sous-section sur le « passeport talent ». Cette carte de séjour « passeport talent » est destinée aux étrangers qui apportent une contribution au développement et au rayonnement de la France.
L’amendement proposé, qui est rédactionnel, vise à préciser, pour une plus grande clarté, les étrangers bénéficiaires de la carte « passeport talent » pouvant bénéficier du renouvellement de la carte de séjour en cas de perte involontaire d’emploi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cette proposition rendrait la rédaction du texte plus complexe.
Mme Esther Benbassa. Pour quelles raisons ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Cet amendement a pour objet de citer de manière exhaustive les étrangers qui peuvent bénéficier du « passeport talent ». Cette précision contribue à la clarté du dispositif en permettant de bien identifier les bénéficiaires potentiels et de les distinguer des autres.
J’émets donc un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 185 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 144, présenté par Mmes S. Robert et D. Gillot, MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 35
1° Remplacer les mots :
dans les trois mois précédant l'expiration
par les mots :
à la date d'expiration
2° Après les mots :
une durée
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
équivalente à celle des droits qu'il a acquis à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du même code.
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. En l’état, le détenteur d’une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent », involontairement au chômage, se verrait octroyer une carte de séjour temporaire d’un an s’il a perdu son emploi dans les trois mois précédant l’expiration de sa carte.
Ce dispositif apparaît d’autant plus contreproductif qu’il nuit à l’attractivité du « passeport talent » en plaçant son bénéficiaire dans une situation d’insécurité.
C’est pourquoi il est proposé de supprimer la condition calendaire et de lier la durée de renouvellement de cette carte « passeport talent » à celle des droits à l’allocation chômage. Cette mesure est de bon sens.
M. Roger Karoutchi. Sûrement ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Kaltenbach. Elle vise à attirer des talents en France.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. C’est extrêmement compliqué. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme Esther Benbassa. Tout est compliqué !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Oui, chère collègue, car la commission a souhaité distinguer la durée du séjour fixée par la loi et la durée des allocations chômage fixée par les partenaires sociaux. Nous préférons en rester à un système simple et compréhensible. Pour ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.