Sommaire
Présidence de Mme Isabelle Debré
Secrétaires :
M. Claude Haut, Mme Colette Mélot.
2. Publication du rapport d’une commission d’enquête
3. Indépendance et impartialité des magistrats. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi organique dans le texte de la commission modifié
Articles 27, 28 et 29 – Adoption.
Amendement n° 55 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 30
Amendement n° 9 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Retrait.
Amendement n° 32 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.
Amendement n° 56 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 31
Amendement n° 42 de Mme Cécile Cukierman. – Retrait.
Amendement n° 10 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 57 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 58 de la commission. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 33 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 34 ter
Amendement n° 59 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 60 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 45 rectifié de Mme Samia Ghali. – Non soutenu.
Amendement n° 17 de M. Michel Amiel. – Non soutenu.
Amendement n° 35 rectifié bis de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.
Amendement n° 34 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.
Amendement n° 61 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 62 de la commission. – Retrait.
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois
Adoption de l’article modifié.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique dans le texte de la commission, modifié.
4. Justice du XXIe siècle. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 27 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 140 de Mme Cécile Cukierman. – Retrait.
Amendement n° 191 de M. Jean-Pierre Sueur. – Retrait.
Amendement n° 28 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 192 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 141 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 193 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 56 rectifié sexies de Mme Nathalie Goulet. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 1er
Amendement n° 47 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 48 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 221 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 20 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 29 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
5. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
6. Justice du XXIe siècle. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l'article 2
Amendement n° 83 de M. David Rachline. – Non soutenu.
Amendement n° 82 de M. David Rachline. – Non soutenu.
Amendement n° 240 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 26 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 30 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 31 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 195 de M. Jean-Pierre Sueur. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 142 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 196 de M. Jean-Pierre Sueur. – Retrait.
Amendement n° 241 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 5
Amendement n° 32 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 226 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
7. Candidature à un organisme extraparlementaire
8. Justice du XXIe siècle. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois
Amendement n° 242 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 124 rectifié de M. Jérôme Bignon. – Rejet.
Amendement n° 144 de Mme Cécile Cukierman. – Adoption.
Amendement n° 143 rectifié de Mme Cécile Cukierman. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 198 de M. Jean-Pierre Sueur. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 145 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 23 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 199 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 10
Amendement n° 25 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Retrait.
Articles 11, 12 et 13 – Adoption.
Articles additionnels après l'article 13
Amendement n° 34 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 33 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 223 du Gouvernement. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement.
Adoption, par scrutin public, de l’article.
Article 14 – Adoption.
9. Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
10. Dépôt d'une proposition de résolution
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
11. Justice du XXIe siècle. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l’article 15
Amendement n° 99 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 98 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 175 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 222 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 21 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 35 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 243 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 16 bis et 16 ter (nouveaux) – Adoption.
Amendement n° 86 rectifié de M. Alain Joyandet. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Amendement n° 1 rectifié de M. François Grosdidier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 67 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Devenu sans objet.
Amendement n° 147 de Mme Cécile Cukierman. – Devenu sans objet.
Article additionnel après l’article 17
Amendement n° 6 de M. Roland Courteau. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 201 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 135 de Mme Corinne Bouchoux. – Rejet.
Amendement n° 9 rectifié ter de Mme Anne-Catherine Loisier. – Adoption.
Amendement n° 200 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 245 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 244 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 18
Amendement n° 224 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 68 rectifié de Mme Pascale Gruny. – Retrait.
Amendement n° 36 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 179 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 93 rectifié de Mme Pascale Gruny. – Retrait.
Adoption de l’article.
Renvoi de la suite de la discussion.
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
M. Claude Haut,
Mme Colette Mélot.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Publication du rapport d’une commission d’enquête
Mme la présidente. J’informe le Sénat que, ce matin, a expiré le délai de six jours nets pendant lequel pouvait être formulée la demande de constitution du Sénat en comité secret sur la publication du rapport fait au nom de la commission d’enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l’organisation, de l’activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, créée le 4 mai 2015, à l’initiative du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, en application de l’article 6 bis du règlement.
En conséquence, ce rapport a été publié ce matin, sous le n° 126.
3
Indépendance et impartialité des magistrats
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi organique dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société (projet n° 660 [2014-2015], texte de la commission n° 120, rapport n° 119).
Nous poursuivons l’examen du texte de la commission.
TITRE IER (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AU STATUT DE LA MAGISTRATURE
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, à l’article 27.
CHAPITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES AUX AUTRES MODALITÉS DE RECRUTEMENT DES MAGISTRATS
Article 27
L’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifiée :
1° Le chapitre V bis est ainsi modifié :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « De l’intégration provisoire dans le corps judiciaire » ;
b) Au début, est ajoutée une section 1 intitulée : « De l’intégration provisoire à temps plein », comprenant une sous-section 1 intitulée : « Des conseillers et des avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire » et comprenant les articles 40-1 à 40-7 et une sous-section 2 intitulée : « Du détachement judiciaire » et comprenant les articles 41 à 41–9 ;
c) Est ajoutée après la section 1 telle qu’elle résulte du b du 1° du présent article une section 2 intitulée : « De l’intégration provisoire à temps partiel » et comprenant une sous-section 1 intitulée : « Des magistrats exerçant à titre temporaire » et comprenant les articles 41-10 à 41-16, une sous-section 2 intitulée : « Des juges de proximité » et comprenant les articles 41-17 à 41-24 et une sous-section 3 intitulée : « Des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles » et comprenant des articles 41-25 à 41-31 tels qu’ils résultent de l’article 31 de la présente loi organique ;
2° Les chapitres V ter, V quater et V quinquies sont supprimés.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 27.
(L'article 27 est adopté.)
Article 28
(Non modifié)
Au second alinéa de l’article 41 de la même ordonnance, après les mots : « et hospitaliers » sont insérés les mots : « , aux militaires ». – (Adopté.)
Article 29
I. (Non modifié) – Au second alinéa de l’article 41-10 de la même ordonnance, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « cinq ».
II. – Le deuxième alinéa de l’article 41-12 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Les mots : « sept ans non renouvelable » sont remplacés par les mots : « cinq ans renouvelable une fois » ;
2° Sont ajoutées trois phrases ainsi rédigées :
« Six mois au moins avant l’expiration de leur premier mandat, ils peuvent demander à être renouvelés. Le renouvellement est accordé sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Il est de droit dans la même juridiction. »
III (Non modifié). – Après le deuxième alinéa de l’article 41-13 de la même ordonnance, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils ne peuvent pas être mutés sans leur consentement. » – (Adopté.)
Article 30
L’article 41–19 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « sept ans non renouvelable » sont remplacés par les mots : « cinq ans renouvelable une fois » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Six mois au moins avant l’expiration de leur premier mandat, ils peuvent demander à être renouvelés. Le renouvellement est accordé sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Il est de droit dans la même juridiction. » ;
3° À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « avis », sont insérés les mots : « sur le projet de nomination pour la première période de cinq ans ».
Mme la présidente. L'amendement n° 55, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Aux quatrième et septième alinéas, la référence : « troisième alinéa » est remplacée par la référence : « quatrième alinéa ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 30, modifié.
(L'article 30 est adopté.)
Article additionnel après l'article 30
Mme la présidente. L'amendement n° 31, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 41-22 de la même ordonnance, les mots : « de la juridiction de proximité à laquelle » sont remplacés par les mots : « du tribunal de grande instance auquel ».
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement a pour objet de prendre en compte la suppression de la juridiction de proximité, qui doit intervenir à compter du 1er janvier 2017.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement. La précision qui nous est ici proposée est tout à fait pertinente.
D’ailleurs, il faudra profiter de la navette parlementaire pour effectuer la même coordination à l’article 41–18 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet le même avis, pour les mêmes raisons.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 30.
Article 31
À la sous-section 3 du chapitre V bis de la même ordonnance telle qu’elle résulte de l’article 27 de la présente loi organique, sont insérés des articles 41-25 à 41-31 ainsi rédigés :
« Art. 41–25. – Des magistrats honoraires peuvent être nommés pour exercer des fonctions d’assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance et des cours d’appel ou des fonctions de substitut près les tribunaux de grande instance ou de substitut général près les cours d’appel.
« Le nombre de ces magistrats ne peut excéder, pour chaque cour d’appel, le quinzième des emplois de magistrat de la cour d’appel et des tribunaux de première instance du ressort.
« Art. 41–26. – Lorsqu’ils sont affectés en qualité d’assesseurs dans une formation collégiale du tribunal de grande instance ou de la cour d’appel, ces magistrats sont répartis dans les différentes formations de la juridiction selon les modalités fixées par l’ordonnance annuelle prévue par le code de l’organisation judiciaire et traitent des contentieux civil et pénal. La formation collégiale de la cour d’appel ne peut comprendre plus d’un assesseur choisi parmi les magistrats recrutés dans les conditions du présent chapitre. La formation collégiale du tribunal de grande instance ne peut comprendre plus d’un assesseur choisi parmi les magistrats recrutés dans les conditions de la présente section.
« Art. 41–27. – Les magistrats honoraires exerçant les fonctions mentionnées à l’article 41-25 sont nommés pour une durée de cinq ans non renouvelable, dans les formes prévues à l’article 28.
« L’article 27-1 ne leur est pas applicable.
« Lorsqu’ils sont nommés à des fonctions qu’ils n’ont jamais exercées avant d’être admis à la retraite, ou à leur demande, ces magistrats suivent, dans les deux mois à compter de leur installation, une formation préalable.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de dépôt et d’instruction des dossiers de candidature, les modalités d’organisation et la durée de la formation, ainsi que les conditions dans lesquelles sont assurées l’indemnisation et la protection sociale des candidats mentionnés au présent article.
« Art. 41–28. – Les magistrats exerçant les fonctions mentionnées à l’article 41-25 sont soumis au présent statut.
« Toutefois, ils ne peuvent être membres du Conseil supérieur de la magistrature ni de la commission d’avancement, ni participer à la désignation des membres de ces instances.
« Ils ne peuvent recevoir aucun avancement de grade. Ils ne peuvent pas être mutés sans leur consentement.
« Les articles 13 et 76 ne leur sont pas applicables.
« Ces magistrats sont indemnisés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. 41–29. – Par dérogation au premier alinéa de l’article 8, les magistrats honoraires exerçant les fonctions mentionnées à l’article 41-25 peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires, sous réserve que cette activité ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction et à son indépendance. Ces magistrats ne peuvent exercer une profession libérale juridique et judiciaire soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et être salarié d’un membre d’une telle profession dans le ressort du tribunal de grande instance ou de la cour d’appel où ils exercent leurs fonctions ; ils ne peuvent effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction à laquelle ils sont affectés.
« Sans préjudice de l’application du deuxième alinéa de l’article 8, les magistrats honoraires exerçant les fonctions mentionnées à l’article 41-25 ne peuvent exercer concomitamment aucune activité d’agent public, à l’exception de celle de professeur et de maître de conférences des universités.
« En cas de changement d’activité professionnelle, les magistrats honoraires exerçant les fonctions mentionnées à l’article 41-25 en informent le premier président de la cour d’appel ou le procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle ils sont affectés, qui leur fait connaître, le cas échéant, que leur nouvelle activité n’est pas compatible avec l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles.
« Les magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles prévues à l’article 41-25 ne peuvent mentionner cette qualité ni en faire état dans les documents relatifs à l’exercice de leur activité professionnelle, tant pendant la durée de leurs fonctions que postérieurement.
« Art. 41–30. – Le pouvoir d’avertissement et le pouvoir disciplinaire à l’égard des magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles prévues à l’article 41-25 sont mis en œuvre dans les conditions définies au chapitre VII. Indépendamment de l’avertissement prévu à l’article 44 et de la sanction prévue au 1° de l’article 45, peut seule être prononcée, à titre de sanction disciplinaire, la cessation des fonctions.
« Art. 41–31. – Les magistrats honoraires exerçant les fonctions mentionnées à l’article 41-25 ne peuvent demeurer en fonction au-delà de l’âge de soixante-douze ans.
« Il ne peut être mis fin aux fonctions de ces magistrats qu’à leur demande ou au cas où aurait été prononcée à leur encontre la sanction prévue à l’article 41-15. »
Mme la présidente. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
« Ceux-ci déclarent leur situation patrimoniale et leur déclaration d’intérêts, dans les deux mois qui suivent leur installation et dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions, à la haute autorité pour la transparence de la vie publique.
« Celle-ci apprécie la variation de la situation patrimoniale de l’intéressé entre la déclaration effectuée au moment de l’installation et celle transmise après la cessation des fonctions.
« Lorsque les évolutions patrimoniales constatées n’appellent pas d’observation ou lorsqu’elles sont justifiées, la haute autorité pour la transparence de la vie publique en donne acte à l’intéressé.
« Dans le cas où la haute autorité pour la transparence de la vie publique, après une procédure contradictoire, constate des évolutions patrimoniales pour lesquelles elle ne dispose pas d’explications satisfaisantes, elle transmet le dossier de l’intéressé à l’administration fiscale.
« La déclaration de situation patrimoniale n’est ni versée au dossier du magistrat, ni communicable aux tiers.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment le modèle et le contenu de la déclaration, et ses modalités de dépôt de mise à jour et de conservation.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement s’inscrit dans la même veine que les amendements que j’ai défendus hier : ou je persiste dans l’erreur ou je continue d’enfoncer le clou, au choix. Au demeurant, je ne doute pas de l’avis qui sera donné.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Vous avez tout à fait raison, mon cher collègue, la réponse sera identique à celle que la commission a émise hier sur d’autres amendements de cette nature. Je me demande d’ailleurs si vous n’aviez pas alors indiqué que vous retiriez vos amendements.
Quoi qu’il en soit, si vous ne retirez pas cet amendement, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la commission y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement vous demande également, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.
À travers cet amendement, vous prévoyez des dispositions spécifiques pour les magistrats honoraires qui exerceraient des fonctions juridictionnelles. Or le texte introduit déjà, aux alinéas 4 à 15 de l’article 21, tel que nous l’avons modifié hier, l’obligation que vous souhaitez voir instaurée, qui s’imposent évidemment aux magistrats honoraires exerçant de telles fonctions. Cet amendement est donc satisfait.
Mme la présidente. Monsieur Collombat, l'amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre-Yves Collombat. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 9 rectifié est retiré.
L'amendement n° 32, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement a pour objet de rétablir le texte initialement proposé.
Le projet de loi organique prévoit le recours à des magistrats honoraires pour exercer des fonctions juridictionnelles. Ce nouveau dispositif est strictement encadré.
En effet, le mandat des magistrats honoraires est de cinq ans non renouvelable, et ceux-ci ne peuvent exercer au-delà de soixante-douze ans.
Les magistrats honoraires exerçant ces nouvelles fonctions juridictionnelles ne seront pas comptabilisés dans les emplois de magistrats affectés dans une juridiction. Ils exerceront leurs fonctions sous forme de vacations, dont le nombre sera limité, comme c’est le cas pour les juges de proximité.
Ainsi, il n’y a pas de risque qu’ils occupent des emplois de magistrats en activité, et l’instauration d’un quota de nomination des magistrats honoraires n’est pas nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Pourquoi se priver de la compétence des magistrats expérimentés, alors que des postes sont vacants ? Pour autant, cette solution ne saurait être la panacée.
C’est la raison pour laquelle la commission a imposé une limite au nombre de magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans une juridiction. Nous n’avons pas sorti cette limite de notre chapeau. Nous avons retenu la règle applicable aux magistrats placés, qui n’est pas contestée. L’effectif des magistrats honoraires doit donc rester dans la limite de un quinzième de l’effectif total, une limite, vous en conviendrez, mes chers collègues, suffisamment large pour répondre aux besoins.
À notre avis, il n’y a pas lieu de supprimer cette limite. C’est pourquoi je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 32 et est donc défavorable aux dispositions introduites par la commission.
M. Charles Revet. Le Gouvernement a tort !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous sais de grande sagesse, monsieur le sénateur. Aussi, je prends votre remarque pour un trait d’humour, une fois de plus ! (Sourires.)
Permettez-moi de m’attarder quelques instants sur le principe et la pratique.
Concernant le principe d’abord, c’est l’occasion de revenir sur le fonctionnement et l’organisation de la magistrature, notamment pour ce qui concerne les effectifs. Je l’ai rapidement expliqué hier, je n’y reviendrai donc pas, car je vous sais assez attentifs à l’évolution des effectifs dans la magistrature. Nous sommes passés en moyenne d’une promotion de 144 élèves magistrats à une promotion de 350. La promotion comprend 382 magistrats cette année, et elle en comptera même 482 l’année prochaine.
Ainsi, nous seulement nous remplaçons les départs à la retraite, mais nous augmentons l’effectif global de la magistrature.
Je l’ai indiqué hier, le nombre de postes vacants doit être apprécié à l’aune des postes créés, qui sont liés à ces promotions importantes. Ils seront vacants le temps de la formation de ces élèves magistrats. Je le répète, nous sommes en train, d’une part, de combler les vacances de postes et, d’autre part, d’augmenter les effectifs.
Sur le principe, en termes d’effectifs de la magistrature et d’organisation de la répartition des magistrats, on ne saurait raisonner comme si nous étions dans une situation durable de manque de magistrats.
Concernant la question pratique, vous vous êtes référé, monsieur le rapporteur, au dispositif relatif aux magistrats placés, à la nuance près – or elle est essentielle ! – que ceux-ci occupent des emplois à temps plein, alors que les magistrats honoraires exerceront des vacations. Ils ne sont donc pas comptabilisés dans le nombre d’emplois. D’où une difficulté, simplement arithmétique, à calculer le quinzième que vous envisagez d’introduire dans la loi, et, surtout, une différence de situation.
Pour toutes ces raisons et eu égard au fait que le régime est très encadré – les magistrats honoraires sont affectés à des fonctions juridictionnelles pour une durée de cinq ans maximum, avec une limite d’âge de soixante-douze ans –, je souhaite que nous en revenions au texte proposé par le Gouvernement et que la Haute Assemblée renonce à la disposition proposée par la commission.
Sans doute ne vous avons-nous pas fourni, j’en conviens sans difficulté, monsieur le rapporteur, suffisamment d’éléments éclairants pour vous permettre, en toute pertinence, d’éviter d’introduire cette disposition.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Merci de le dire si gentiment, madame la garde des sceaux ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 56, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5, 9, 14, première phrase, 15, 16 et 19
Avant le mot :
mentionnées
insérer le mot :
juridictionnelles
II. – Alinéas 17 et 18, première phrase
Remplacer le mot :
prévues
par le mot :
mentionnées
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 31, modifié.
(L'article 31 est adopté.)
Article additionnel après l'article 31
Mme la présidente. L'amendement n° 42, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 31
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 42 de la même ordonnance est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant des rémunérations accessoires, notamment les primes, sont fixées par décret en conseil des ministres. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. « Ceux qui travaillent plus doivent être récompensés par rapport à ceux qui travaillent moins. » C’est ainsi que le ministre de la justice Dominique Perben résumait, en 2003, les motivations le conduisant à mettre en œuvre une prime individuelle dite « modulable » pour les magistrats.
Depuis lors, l’adage « travailler plus pour gagner plus » a gagné le monde judiciaire.
L’article 42 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature mentionne que les magistrats perçoivent une rémunération comprenant le traitement et ses accessoires, parmi lesquels figure la prime de « rendement », dont la modularité représente aujourd’hui une part non négligeable dans la rémunération des magistrats.
Nous ne pouvons accepter une telle modularité fondée sur la production quantitative des magistrats.
De plus, ces primes sont souvent distribuées de manière non transparente et parfois discriminatoire, comme l’attestent les décisions des tribunaux administratifs prononcées à l’égard de certains magistrats.
Aussi, pour garantir l’indépendance au quotidien des magistrats, nous proposons que le montant des rémunérations accessoires, notamment les primes de rendement, soient fixées par décret en conseil des ministres, afin de pallier la modularité de celles-ci. Ainsi l’enveloppe allouée à cette prime pourrait être réintégrée dans le traitement des magistrats à parts égales pour tous.
Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Le décret du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l’ordre judiciaire a instauré trois primes : une prime forfaitaire, une prime pour travaux supplémentaires et une prime modulable attribuée en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de l’institution judiciaire. La seule question qui se pose est de savoir si cette dernière prime est de nature à remettre en question l’indépendance des magistrats.
Or, dans un arrêt en date du 4 février 2005, le Conseil d’État a estimé que cette prime modulable, destinée à tenir compte de la quantité et de la qualité du travail fourni, ne porte « aucune atteinte à l’indépendance des magistrats dans l’exercice de leurs fonctions ; qu’elle ne porte davantage atteinte ni au principe d’égalité ni aux obligations de délicatesse et de dignité qui s’imposent à tout magistrat en vertu de l’article 43 de l’ordonnance portant loi organique du 22 décembre 1958 ».
Cette juridiction a par ailleurs estimé que ces dispositions sont de nature « purement indemnitaire et n’ont, dès lors, pas de caractère statutaire ».
Ces dispositions ne relèvent donc pas du domaine organique. C'est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Pour autant que je comprenne, madame Cukierman, votre contestation porte non pas sur l’existence de la prime, puisque vous renvoyez la fixation du montant des rémunérations accessoires à un décret en conseil des ministres, mais sur les modalités d’attribution.
Convenez, madame la sénatrice, que renvoyer la détermination de cette prime à un décret en conseil des ministres serait plutôt de nature à aggraver les interrogations sur une atteinte éventuelle à l’indépendance des magistrats.
Par ailleurs, il résulte clairement de la décision du Conseil d’État dont M. le rapporteur vient de parler que ces dispositions n’ont pas leur place dans la loi organique, ayant un caractère réglementaire ; du reste, c’est bien à un décret en conseil des ministres que les auteurs de l’amendement proposent de recourir.
Enfin, il ne s’agit pas simplement de récompenser une masse de travail, dans une perspective quantitative – pour reprendre un mot que vous avez employé, madame la sénatrice. C’est la qualité qui est prise en compte, et non seulement celle du travail, mais aussi celle de la participation au fonctionnement de l’autorité judiciaire. Sans doute ce dispositif est-il particulièrement visible dans la magistrature, un corps de petite taille et spécialement exposé aux regards ; mais il faut considérer qu’il existe dans l’ensemble de la fonction publique.
Pour toutes ces raisons, mais principalement parce que la disposition proposée ne relève pas de la loi organique, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 42.
Mme la présidente. Madame Cukierman, l’amendement n° 42 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. L’indépendance des magistrats ne se joue pas seulement dans leur rapport au pouvoir exécutif, elle se joue aussi dans les rapports hiérarchiques entre eux au sein de certaines juridictions : ne soyons pas naïfs sur les relations qu’ils entretiennent au quotidien, ni sur la difficulté à laquelle certains se heurtent pour exercer pleinement et sereinement leur profession.
Il ne s’agit pas de remettre en cause le système de prime. Simplement, comme je l’ai expliqué il y a quelques instants, il représente une part importante du traitement des magistrats, une part certainement beaucoup plus élevée que dans d’autres secteurs des fonctions publiques. Il y a là un véritable problème, souligné avec une insistance croissante par un certain nombre de magistrats. Puisque ces dispositions relèvent du domaine réglementaire, nous retirons notre amendement, mais nous demandons au Gouvernement de prendre des mesures répondant à la demande des magistrats.
Mme la présidente. L’amendement n° 42 est retiré.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE
Article 32
L’article 10–1 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflits d’intérêts » ;
1° bis Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. »
2° À la première phrase du second alinéa, après les mots : « Conseil supérieur de la magistrature », sont insérés les mots : « ou par six autres membres d’une de ces formations dont au moins un magistrat et une personnalité qualifiée ». – (Adopté.)
Article 33
Après l’article 10–1 de la même loi organique, il est inséré un article 10-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 10–1–1. – S’ils ne sont pas soumis à l’obligation d’établir une déclaration de situation patrimoniale à un autre titre, les membres du Conseil supérieur sont soumis à cette obligation dans les conditions prévues à l’article 7-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. »
Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
situation patrimoniale
insérer les mots :
et leur déclaration d’intérêts
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement est défendu et retiré, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 33.
(L'article 33 est adopté.)
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
Article 34
I. – À la fin du deuxième alinéa de l’article 21 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les mots : « d’études » sont remplacés par les mots : « de formation ».
II. – Au quatorzième alinéa (1°) de l’article 21-1 et à l’article 25 de la même ordonnance, les mots : « recrutements intervenus » sont remplacés par les mots : « premières nominations prononcées ».
III. – Au 1° de l’article 35 de la même ordonnance, après le mot : « sous-directeur », sont insérés les mots : « ou de sous-directeur adjoint ».
IV. – L’article 76–1–1 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Le I est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« S’agissant des magistrats du siège, leur demande est transmise à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature qui se prononce en considération de leur aptitude et de l’intérêt du service.
« S’agissant des magistrats du parquet, leur demande est transmise à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature qui donne un avis en considération de leur aptitude et de l’intérêt du service. »
2° Le premier alinéa du II est ainsi rédigé :
« Les magistrats du siège et du parquet des cours d’appel et des tribunaux de grande instance, les magistrats du cadre de l’administration centrale et les magistrats exerçant à l’inspection générale des services judiciaires lorsqu’ils atteignent la limite d’âge prévue au même premier alinéa de l’article 76 sont, sur leur demande et sous réserve de l’appréciation par la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature de leur aptitude et de l’intérêt du service, maintenus en activité jusqu’à l’âge de soixante-huit ans pour exercer les fonctions de conseiller ou de juge, ou les fonctions de substitut général ou de substitut. Les magistrats en position de détachement ne peuvent être maintenus en activité. » ;
3° Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Les magistrats du cadre de l’administration centrale et les magistrats exerçant à l’inspection générale des services judiciaires, lorsqu’ils atteignent la limite d’âge prévue au même premier alinéa de l’article 76 sont, sur leur demande, maintenus en activité dans leur fonction en surnombre, sous réserve de leur aptitude et de l’intérêt du service. »
Mme la présidente. L’amendement n° 57, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
prononcées
par le mot :
intervenues
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 34, modifié.
(L'article 34 est adopté.)
Article 34 bis (nouveau)
L’article L.O. 140 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le mandat de député est incompatible avec le mandat de juge d’un tribunal de commerce. »
Mme la présidente. L’amendement n° 58, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A. – Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Ainsi qu’il est dit à l’article L.O. 722-6-1-1 du code de commerce, l’exercice des fonctions de juge d’un tribunal de commerce est incompatible avec l’exercice d’un mandat à l’Assemblée nationale. »
B. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
II. – Le I de l’article 2 de la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est ainsi rédigé :
« I. – L’article L.O. 140 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. L.O. 140. – Le mandat de député est incompatible avec l’exercice de fonctions juridictionnelles autres que celles prévues par la Constitution et avec l’exercice de fonctions d’arbitre, de médiateur ou de conciliateur. »
III. – Après l’article L. 722-6-1 du code de commerce, il est inséré un article L.O. 722-6-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 722-6-1-1. – Le mandat de juge d’un tribunal de commerce est incompatible avec l’exercice d’un mandat au Parlement ou au Conseil économique, social et environnemental, ainsi que de membre du congrès ou d’une assemblée de province de la Nouvelle-Calédonie, de représentant à l’assemblée de la Polynésie française, de membre de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna, de conseiller territorial de Saint-Barthélemy, de conseiller territorial de Saint-Martin ou de conseiller territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon ou avec la fonction de membre du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ou du Gouvernement de la Polynésie française. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’article 47 du projet de loi ordinaire concernant les incompatibilités du mandat de juge d’un tribunal de commerce avec des mandats électifs, pour celles qui relèvent de la loi organique.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cette coordination me paraît étrange, la disposition en cause étant déjà prévue par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique : elle est entrée en vigueur pour les sénateurs lors du renouvellement de septembre 2014 et s’appliquera aux députés à partir des prochaines élections législatives. Dans ces conditions, je sollicite le retrait de l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Notre intention est de systématiser ces dispositions et de les étendre aux assemblées d’outre-mer, pour lesquelles il ne nous semble pas qu’on les ait encore prévues.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce dernier point est à vérifier. Prenons le temps de le faire, vu qu’il n’y a pas d’urgence absolue à légiférer dans ce domaine.
Le nombre de lois dont le dernier article précise les conditions d’application de leurs dispositions dans les collectivités d’outre-mer autres que les quatre régions relevant du régime de l’identité législative est tel que je vous demande, monsieur le rapporteur, de me laisser mener les recherches nécessaires. En effet, je n’ai pas sous les yeux les informations qui me permettraient de comprendre l’urgence qui s’attacherait à la mesure de généralisation que vous proposez.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Le rapporteur est dans des dispositions psychologiques telles qu’il accepte votre proposition, madame la garde des sceaux (Sourires.),…
M. François Pillet, rapporteur. … et il retire donc cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 58 est retiré.
Je mets aux voix l’article 34 bis.
(L’article 34 bis est adopté.)
Article 34 ter (nouveau)
L’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifiée :
1° Au 2° de l’article 22, les mots : « greffiers en chefs des cours et tribunaux et des conseils de prud’hommes » sont remplacés par les mots : « directeurs des services de greffe judiciaires » ;
2° Au 2° de l’article 23, les mots : « greffiers en chefs » sont remplacés par les mots : « directeurs des services de greffe judiciaires des cours et tribunaux et des conseils de prud’hommes ».
Mme la présidente. L’amendement n° 33, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Au 2° de l’article 23, les mots : « greffiers en chef des cours et tribunaux et des conseils de prud’hommes » sont remplacés par les mots : « directeurs des services de greffe judiciaires ».
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement vise à rectifier une erreur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. L’amendement ne soulève aucune difficulté : avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 34 ter, modifié.
(L’article 34 ter est adopté.)
Article additionnel après l’article 34 ter
Mme la présidente. L’amendement n° 59, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 34 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La même ordonnance est ainsi modifiée :
1° Le deuxième alinéa de l’article 12 est complété par les mots : « , ministre de la justice » ;
2° Au second alinéa de l’article 13, après les mots : « par le », sont insérés les mots : « garde des sceaux, » ;
3° L’article 31 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa et à la première phrase du septième alinéa, après les mots : « font connaître au », sont insérés les mots : « garde des sceaux, » ;
b) À la deuxième phrase des troisième et septième alinéas, après le mot : « le », sont insérés les mots : « garde des sceaux, » ;
4° Au second alinéa de l’article 48, après les mots : « garde des sceaux, », sont insérés les mots : « ministre de la justice, » ;
5° Au dernier alinéa de l’article 48–1, après les mots : « par le », sont insérés les mots : « garde des sceaux, » ;
6° À la première phrase du premier alinéa de l’article 72, après les mots : « sur proposition du », sont insérés les mots : « garde des sceaux, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l’article 34 ter.
Article 35
I. – L’article 41–12 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans la rédaction résultant du II de l’article 29 de la présente loi organique, s’applique aux nominations prononcées à compter de l’entrée en vigueur de celle-ci. Toutefois, les magistrats à titre temporaire nommés antérieurement à cette date peuvent être nommés pour un second mandat d’une durée de trois ans suivant les modalités de renouvellement prévues par les dispositions précitées.
II. – L’article 41–19 de la même ordonnance, dans la rédaction résultant de l’article 30 de la présente loi organique, s’applique aux nominations prononcées à compter de l’entrée en vigueur de celle-ci. Toutefois, les juges de proximité nommés antérieurement à cette date peuvent être nommés pour un second mandat d’une durée de trois ans suivant les modalités de renouvellement prévues par les dispositions précitées.
III (Non modifié). – Dans l’année qui suit la date de promulgation de la présente loi organique, les magistrats en fonction à cette date participent à un entretien déontologique dans les conditions prévues à l’article 7-2 de la même ordonnance.
IV (Non modifié). – Dans les deux mois qui suivent la date de promulgation du décret mentionné à l’article 7-3 de ladite ordonnance, les magistrats mentionnés à ce même article 7-3 établissent une déclaration patrimoniale selon les modalités prévues par ledit article 7-3.
V. – Au IV de l’article 36 de la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats, les mots : « de l’entrée en vigueur de la présente loi organique » sont remplacés par les mots : « à compter du 1er septembre 2020 ».
VI. – (Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 60, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1, deuxième phrase
Remplacer les mots :
par les dispositions précitées
par les mots :
au même article 41–12, dans la rédaction résultant de la présente loi
II. – Alinéa 2, deuxième phrase
Remplacer les mots :
par les dispositions précitées
par les mots :
au même article 41–19, dans la rédaction résultant de la présente loi
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Il s’agit encore d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par Mmes Ghali et Yonnet, et l’amendement n° 17, présenté par M. Amiel, ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 35 rectifié bis, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
S’agissant des juges de proximité dont le mandat expire dans un délai inférieur à six mois lors de l’entrée en vigueur de la présente loi, leur demande de renouvellement doit intervenir dans le mois de la publication de la présente loi
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Il convient de prendre en compte la situation des juges de proximité n’ayant plus les six mois d’exercice prévus aux articles 30 et 35 au moment de l’entrée en vigueur de la loi organique. Le présent amendement vise à leur permettre de présenter utilement leur demande de poursuite d’activité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 35 rectifié bis ?
M. François Pillet, rapporteur. Des amendements nos 45 rectifié, 17 et 35 rectifié bis, c’est ce dernier que la commission trouve le mieux rédigé. Elle y est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 60 et 35 rectifié bis ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à la disposition utile proposée par M. Thani Mohamed Soilihi, ainsi qu’à l’amendement rédactionnel présenté par M. le rapporteur.
Mme la présidente. L’amendement n° 34 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – L’article 41-22 de la même ordonnance, dans la rédaction résultant de l’article 30 bis de la présente loi organique, s’agissant des juges de proximité, est applicable à compter du 1er janvier 2017.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Il convient d’anticiper la suppression de la juridiction de proximité à compter du 1er janvier 2017.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 61, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Rédiger ainsi ces alinéas :
III. – Dans les douze mois qui suivent la publication du décret mentionné à l’article 7–2 de la même ordonnance, les magistrats mentionnés à ce même article établissent une déclaration d’intérêts et participent à un entretien déontologique dans les conditions prévues à cet article.
IV. – Dans les deux mois qui suivent la publication du décret mentionné à l’article 7–3 de la même ordonnance, les magistrats mentionnés à ce même article établissent une déclaration de situation patrimoniale dans les conditions prévues à cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 62, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Les I et III de l’article 34 bis sont applicables à compter du premier renouvellement des juges des tribunaux de commerce suivant la publication de la présente loi organique.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement est retiré.
Mme la présidente. L’amendement n° 62 est retiré.
La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote sur l’article.
Mme Samia Ghali. J’arrive à l’instant d’une réunion de commission ; j’ai eu beau courir pour gagner l’hémicycle, je n’étais pas en séance lorsque l’amendement n° 45 rectifié a été appelé.
Cet amendement portait sur les juges de proximité, dont la mission répond à un besoin sur les territoires. En effet, ces juges permettent de résoudre à l’échelon local la multitude des petits conflits du quotidien, auxquels ils apportent des réponses rapides, simples et compréhensibles par tous. Plus précisément, il s’agissait de permettre à ceux dont le mandat de sept ans arrivera à échéance avant l’entrée en vigueur de la loi organique d’être éligibles à une reconduction exceptionnelle de trois ans de leur mandat, qui aurait porté à dix ans leur période d’exercice.
Ces juges – quelques centaines seulement, mais ô combien importants – sont formés et expérimentés. Je comptais proposer que l’on s’appuie sur leur expertise pour trois années supplémentaires. La prorogation de leur mandat serait une marque de reconnaissance pour leur utilité et pour le travail qu’ils ont accompli pendant sept ans ; il s’agit également d’une mesure de mise en conformité avec le futur cadre législatif, qui reconnaît l’intérêt et l’efficacité de leur mission, dont la durée sera désormais de dix ans.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Avant de voter en faveur de l’article 35, je me permets d’interroger Mme la garde des sceaux sur la suggestion que vient d’exposer Mme Ghali, qui, du fait d’un malheureux concours de circonstances, n’a pas pu présenter l’amendement n° 45 rectifié : compte-t-elle, dans le cours ultérieur de la navette, prendre en compte la proposition de notre collègue sur la reconduction des juges de proximité en fonction ?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Madame Ghali, ne regrettez pas d’être arrivée quelques instants trop tard pour présenter votre amendement : celui que M. Thani Mohamed Soilihi a soutenu, et qui a été adopté, avait exactement le même objet que le vôtre, tout en étant légèrement mieux rédigé du point de vue de la commission des lois. Vous êtes donc entièrement exaucée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Il me semblait que la dernière révision de notre règlement, adoptée par une majorité d’entre nous, visait à empêcher la tenue de réunions de commission pendant la séance publique, afin de permettre une forte présence des sénatrices et des sénateurs dans l’hémicycle, en particulier lors des débats législatifs. Je n’en comprends que mieux la déception de Mme Ghali, dont nous étions prêts à voter l’amendement. Je constate, en tout cas, qu’un problème d’organisation se pose dans notre institution.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 35, modifié.
(L'article 35 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous restons quelque peu déçus par le manque d’ambition du projet de loi organique, dont nous aurions souhaité qu’il modifie plus avant le statut et l’organisation de la magistrature.
Nous regrettons notamment les modifications apportées à l’article 14, qui concerne le juge des libertés et de la détention, le JLD. Ce juge est souvent sous les feux de l’actualité – y compris au cours des dernières semaines et des derniers mois – et confronté à une pression médiatique et sociale qui rend l’exercice de sa fonction parfois difficile. Nous déplorons donc le choix de la commission, confirmé en séance plénière, de réécrire cet article.
Même si nous aurions souhaité que le Sénat aille plus loin, je rappellerai également que nous soutenons l’objectif visant à introduire davantage de transparence.
Je souhaite enfin souligner les avancées en matière de prescription dans les procédures disciplinaires.
Néanmoins, compte tenu de l’ensemble de ces remarques, nous nous abstiendrons sur ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je souhaite dire, en quelques mots, combien je regrette moi aussi la manière dont les dispositions relatives aux JLD ont été modifiées.
Toutefois, il convient de souligner que les discussions qui ont eu lieu à l’occasion de l’examen de ce projet de loi organique ont vraiment fait progresser le statut de la magistrature, l’indépendance et l’impartialité des magistrats.
Je veux également indiquer que c’est grâce à l’atmosphère de ces débats, qui a été agréable, que de telles avancées ont été possibles. Je tiens ici à saluer le travail de M. le rapporteur, ses prédispositions naturelles, ainsi que celles de Mme la garde des sceaux : ils nous ont permis d’assister à des débats très constructifs, conformément aux habitudes de cette maison.
Je ferai part tout de même d’un petit regret : j’évoquais la bonne ambiance de nos discussions, alors même que nous ne disposions pas de beaucoup de temps pour débattre, puisque la procédure accélérée a été engagée sur ce texte. Je vous laisse imaginer les choses s’il n’y avait pas eu de procédure accélérée : les choses n’en auraient été que meilleures !
Ce texte évoluera encore au cours de la navette parlementaire. J’espère que nous trouverons un accord en commission mixte paritaire car, une fois encore, nous avons très bien avancé sur des questions très délicates, comme celle qui est relative aux rapports entre les citoyens et la magistrature ou celle qui concerne l’indépendance de l’institution judiciaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, puisque nous arrivons au terme de ce débat, je vous rappellerai les propos que j’ai tenus lors de la discussion générale : j’ai dit que nous abordions les débats sur ce projet de loi dans un esprit d’ouverture, tout en insistant sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’un texte révolutionnaire… Même si on finit par se méfier des apprentis révolutionnaires ! (M. Michel Mercier rit.) Ce n’est d’ailleurs pas facile de faire une révolution qui serve à quelque chose !
J’avais également souhaité qu’un certain nombre de dispositions, notamment celles qui sont relatives à la cohérence du dispositif en matière de déclaration d’intérêts, puissent être améliorées. Tel n’a pas été le cas, même si un petit progrès a été enregistré. Je persiste à dire qu’il est dommage de rester au milieu du gué dans de telles circonstances.
Je crois que ce texte apportera un certain nombre de modifications positives, en particulier sur le déroulement de la carrière des magistrats. Il favorisera un peu plus la fluidité de ces carrières et garantira peut-être davantage l’indépendance des magistrats, bien que ce sujet me semble relever davantage d’une question de caractère que d’une question de circonstances et d’environnement juridique.
Nous voterons donc en faveur de ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Le groupe UDI-UC apportera son concours à la réussite de ce projet de loi organique.
Nous voyons avec satisfaction que les travaux menés au Sénat ont été de qualité. Nous le devons très largement à M. le rapporteur qui a très bien mené les débats.
M. Michel Mercier. À cet égard, je tiens à souligner le travail que celui-ci a accompli, s’agissant du juge des libertés et de la détention. La proposition qu’il a formulée, suivi en cela par notre assemblée, constitue quelque chose de primordial : elle permet d’éviter que des personnes qui n’ont pas envie d’être JLD ou qui ne sont pas encore en capacité de le devenir ne soient nommées à une fonction qui est très particulière et très importante. Le Sénat a su traiter cette affaire de la bonne manière.
Madame la garde des sceaux, je n’ai qu’un regret : vous n’avez pas été d’une grande clarté – c’était plutôt une forme de clair-obscur ! – quant à la future réforme du parquet qui doit permettre de sauver le parquet « à la française ».
J’espère que vous saurez prendre des risques et que vous encouragerez le Président de la République à en prendre aussi. Je vous rappelle que la dernière révision constitutionnelle de 2008 n’a été votée que par une seule voix de majorité ! Il existe sûrement des Jack Lang partout ! (Sourires. – M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.) Il n’y a aucune raison pour que la future réforme échoue.
Aujourd’hui, nous avons réalisé un premier pas vers l’organisation. Pour engager le second pas et conforter le parquet à la française, nous voterons ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je tiens à remercier toutes les sénatrices et tous les sénateurs, et en premier lieu bien entendu M. le président de la commission des lois ainsi que M. le rapporteur pour le travail de très grande qualité qui a été fourni. Ce travail préparatoire nous a, en effet, permis de débattre sur le fondement d’un texte de très grande qualité qui a, par la suite, été encore amendé en séance plénière.
Le projet de loi organique comporte désormais l’ensemble des modifications qu’il était pertinent d’apporter au statut de la magistrature, c’est-à-dire à l’ordonnance du 22 décembre 1958, qui – je le précise – n’est pas modifiée si fréquemment que cela.
Après avoir fait part de cette satisfaction évidente, enthousiaste et fructueuse – car nous avons tout de même encore du travail devant nous ! –, je me félicite de ce que nous soyons dans d’excellentes dispositions d’esprit pour entamer la discussion sur le projet de loi ordinaire.
Cependant, ne serait-ce que par correction à votre égard, monsieur Mercier, je ne peux m’empêcher de répondre à votre interpellation. L’interprétation que vous venez de donner ne manque pas de fantaisie, de poésie et de libre considération (Sourires.) : en effet, nous avons déjà eu des échanges extrêmement fournis sur ce point.
Moi-même, ayant le sentiment de prolonger inutilement les débats, j’ai eu quelques remords à revenir – pour les expliquer – sur les dispositions du projet de loi constitutionnelle, à rappeler l’écrêtement que vous aviez accompli en réécrivant ce projet de loi et à indiquer ce qui me paraissait pouvoir constituer une réforme ample et ambitieuse.
Je n’ai pas non plus osé dire que, compte tenu des propos de M. le président de la commission des lois, de ceux de M. le rapporteur et des vôtres, monsieur Mercier, il me semblait distinguer un élan majoritaire dans cette assemblée, permettant d’espérer un vote en faveur du texte tel qu’il a été adopté par le Sénat en juillet 2013, voire, pourquoi pas, d’atteindre l’inaccessible étoile de la majorité des trois cinquièmes nécessaire pour son adoption au Congrès.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais elle est accessible !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Après avoir rappelé les engagements du Président de la République, j’ai indiqué que le Gouvernement avait déposé le texte sur le bureau de l’Assemblée nationale. Je ne vois pas de quelle clarté supplémentaire vous auriez besoin, monsieur le sénateur, sauf à me demander, avec une brutalité…
M. Michel Mercier. Je ne suis jamais brutal ! (Sourires.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … qui ne correspond ni à votre tempérament, ni à votre philosophie, ni encore à votre comportement,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Et qui, de toute façon, ne serait pas sénatoriale !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … d’oublier la séparation des pouvoirs, de faire violence au Parlement et de considérer que l’exécutif décide seul du moment où il veut inscrire ce texte à l’ordre du jour. C’est une brutalité à laquelle je ne veux pas céder, ayant moi-même été membre du Parlement.
Par conséquent, j’attends avec sérénité que l’Assemblée nationale nous communique une date pour que l’on entame l’examen de ce texte. Indépendamment de considérations personnelles ou d’appréciations subjectives, j’éprouve une grande impatience à cet égard, dont j’ai déjà rappelé les motifs : nous devons renforcer l’appartenance du parquet à la française au sein de l’autorité judiciaire et, ainsi, imposer – d’une certaine façon – notre conception de la magistrature à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la garde des sceaux, je me permets de vous rappeler, sans violence ni brutalité, que l’ordre du jour prioritaire de l’Assemblée nationale – comme, d’ailleurs, celui du Sénat – dépend entièrement d’une décision gouvernementale. Nous attendons une telle décision pour que la révision constitutionnelle puisse enfin aboutir.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble du projet de loi organique dont l’intitulé est désormais ainsi rédigé : « Projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature ».
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il s’agit d’un très bon intitulé !
Mme la présidente. En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 36 :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Pour l’adoption | 310 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté.
4
Justice du XXIe siècle
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle (projet n° 661 [2014-2015], texte de la commission n° 122, rapport n° 121).
Nous en sommes parvenus à l’examen du texte de la commission.
projet de loi relatif à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire
TITRE Ier
RAPPROCHER LA JUSTICE DU CITOYEN
Chapitre Ier
Renforcer la politique d’accès au droit
Article 1er
I. – Le livre Ier du code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° L’article L. 111-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 111–2. - Le service de la justice concourt à l’accès au droit et assure un égal accès à la justice.
« Sa gratuité est assurée selon les modalités fixées par la loi et le règlement. » ;
2° (Supprimé)
II. – La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifiée :
1° L’article 54 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il participe à la mise en œuvre d’une politique locale de résolution amiable des différends. » ;
b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut développer des actions communes avec d’autres conseils départementaux de l’accès au droit. » ;
2° L’article 55 est ainsi modifié :
a) Il est rétabli un 8° ainsi rédigé :
« 8° À Paris, de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ; »
b) Le 9° est ainsi rédigé :
« 9° D’une association œuvrant dans le domaine de l’accès au droit, de l’aide aux victimes ou de la médiation, désignée conjointement par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département et le procureur de la République près ce tribunal ainsi que par les membres mentionnés aux 2° à 8°, sur la proposition du représentant de l’État dans le département. » ;
b bis) (nouveau) Le 10° est abrogé ;
c) Les treizième et avant-dernier alinéas sont ainsi rédigés :
« Le conseil départemental de l’accès au droit est présidé par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département qui a voix prépondérante en cas de partage égal des voix. Le procureur de la République près ce tribunal en assure la vice-présidence.
« Un magistrat du siège ou du parquet de la cour d’appel en charge de la politique associative, de l’accès au droit et de l’aide aux victimes, désigné conjointement par le premier président de la cour d’appel dans laquelle siège le conseil départemental de l’accès au droit et le procureur général près cette cour, exerce la fonction de commissaire du Gouvernement. » ;
d) À la fin du dernier alinéa, la référence : « 10° » est remplacée par la référence : « 9° » ;
3° L’article 69-7 est ainsi modifié :
a) Le 8° est ainsi rédigé :
« 8° Une association œuvrant dans le domaine de l’accès au droit, de l’aide aux victimes ou de la médiation, désignée conjointement par le président du tribunal de première instance et le procureur de la République près ce tribunal et les membres mentionnés aux 3° à 7°, sur la proposition du haut-commissaire. » ;
b) Les onzième et avant-dernier alinéas sont ainsi rédigés :
« Le conseil de l’accès au droit est présidé par le président du tribunal de première instance qui a voix prépondérante en cas de partage égal des voix. Le procureur de la République près ce tribunal en assure la vice-présidence.
« Un magistrat du siège ou du parquet de la cour d’appel en charge de la politique associative, de l’accès au droit et de l’aide aux victimes, désigné conjointement par le premier président de la cour d’appel dans laquelle siège le conseil départemental de l’accès au droit et le procureur général près cette cour, exerce la fonction de commissaire du Gouvernement. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 139 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 190 est présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 3
Après le mot :
service
insérer le mot :
public
II. – Alinéa 5
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° À l’article L. 111-4, au premier alinéa de l’article L. 141-1 et à l’intitulé du titre IV du livre Ier, les mots : « service de la justice » sont remplacés par les mots : « service public de la justice ».
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 139.
Mme Cécile Cukierman. La notion de service public de la justice est une notion très usuelle en droit. Elle est utilisée dans la jurisprudence, tant par le juge administratif que par le juge judiciaire, et la doctrine n’est pas en reste.
Aussi, nous ne comprenons pas la suppression de cette référence par la commission.
La justice est un service public, certes différent des autres, mais service public néanmoins ! Dans une décision du 27 janvier 1994, le Conseil constitutionnel voit ainsi, dans le Conseil supérieur de la magistrature, « une institution nécessaire au fonctionnement du service public de la justice ».
Nous estimons même que cette notion de service public protège et légitime l’activité de la justice. En ce sens, l’autorité judiciaire s’appuie sur le service public de la justice, lequel doit concourir, comme tout autre service public, à l’égal accès au droit et à la justice.
Il y a bien un service public de la justice, mes chers collègues, soumis au principe d’égalité, de continuité, d’adaptabilité et de neutralité. Sans revenir sur le droit de grève, que nous avons évoqué hier, je rappellerai que l’un de nos amendements sur le sujet a précisément été rejeté au nom de ce principe.
Il ne s’agit pas pour nous de rechercher une rationalisation de l’activité de l’État, ni d’appliquer des logiques managériales à l’activité judicaire, ni de faire du justiciable un usager.
Il ne s’agit pas non plus de remettre en cause la séparation des pouvoirs. Le Conseil d’État n’ayant à connaître principalement que des dysfonctionnements dans l’organisation administrative du service public de la justice ayant causé un préjudice, c’est alors la responsabilité de l’État qui est recherchée. Le Conseil d’État n’est jamais compétent sur la fonction de juger en elle-même. Nous savons bien, mes chers collègues, qu’il n’est pas question de cela.
Les sénatrices et sénateurs du groupe CRC ont toujours défendu le service public à la française, qui légitime l’action de l’État, protège certaines activités des logiques marchandes et renforce certains droits, comme le droit syndical.
Enfin, nous ne pensons pas que la notion de service public soit contraire au principe d’indépendance. Loin de là !
Aussi, malgré ses particularités, le service de la justice remplit bien tous les critères du service public, en ce qu’il répond au besoin essentiel de justice que l’État assure et assume directement, en vertu d’un pouvoir régalien toujours exercé en son nom et de façon indivisible. En outre, pour reprendre les termes d’une ancienne garde des sceaux, « la justice est un service public parce que l’idée même de service public est liée à l’idée de justice ».
Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 190.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes tous attachés au service public et, franchement, monsieur le rapporteur, j’ai trouvé quelque peu dommageable que vous vous donniez le mal d’écrire un amendement tendant à supprimer la notion de « service public ».
Mme Cécile Cukierman a très bien plaidé. Certes, il existe une séparation des pouvoirs entre le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Cependant, le pouvoir exécutif est un service public. Nos ministères accomplissent une tâche de service public, nul n’en disconvient. Le législateur fait également œuvre de service public en assumant son office, qui consiste à voter les lois et contrôler le gouvernement. Alors, pourquoi le pouvoir judiciaire ne serait-il pas un service public ?
La justice est un droit rendu par des personnels, des magistrats, qui, naturellement, relèvent d’une mission de service public, d’ailleurs tout à fait éminente, nous le savons tous.
Peut-être m’objectera-t-on que dans le code de l’organisation judiciaire, la notion de « service public de la justice » ne figure qu’une seule fois. Mais Mme la garde des sceaux l’a parfaitement bien vu, exprimant le regret que cette notion ne figurât qu’une seule fois et proposant derechef de marquer, à l’orée de ce texte sur la justice du XXIe siècle, que nous nous inscrivions dans une perspective de service public.
Je crois vraiment, monsieur le rapporteur, que cette suppression n’était pas nécessaire et, connaissant votre attachement au service public, j’ai été étonné que vous formuliez une telle proposition et que la commission, sans doute par fidélité et respect, décide de vous suivre.
Mes chers collègues, respectons le service public !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les amendements qui viennent d’être présentés ont pour objet de rétablir dans la loi la notion de « service public de la justice », notion supprimée par la commission lors de l’établissement de son texte.
J’ai bien entendu que cette suppression surprenait. Mais elle est le fruit, je dois le souligner, d’échanges avec des responsables de très haut niveau de la magistrature. Ces échanges m’ont conduit à penser que la qualification de service public, au sens du droit administratif, pouvait mettre à mal la spécificité de l’autorité judiciaire, qui est dotée d’une indépendance constitutionnelle, à la différence des autres services publics de l’État.
C’est donc en ce sens, avec la crainte que la qualification de service public n’emporte des conséquences difficiles à mesurer sur la répartition entre juges judiciaires et juges administratifs, que j’ai proposé cette modification.
Pour cette raison, j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 139 et 190.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement est favorable à ces amendements, dont l’adoption nous permettrait de revenir au texte initial du projet de loi.
Mais peut-être faut-il prendre le temps d’aborder ce sujet, qui a une dimension conceptuelle absolument indiscutable.
L’autorité judiciaire est une autorité constitutionnelle. Elle ne risque rien, dès lors qu’elle est inscrite dans la Constitution.
Il demeure qu’il s’agit bien d’un service public, au sens même de la notion conçue et définie par Léon Duguit, a fortiori dans ce projet de loi visant à faciliter et améliorer l’accessibilité de la justice pour les citoyens.
De quoi s’agit-il précisément ? Il s’agit de distinguer l’organisation et le fonctionnement de la justice.
L’autorité judiciaire demeure une autorité constitutionnelle et personne ne songe à modifier une virgule des articles 64 et 65 de la Constitution.
L’indépendance des magistrats du siège est consacrée dans le mode de nomination de ces magistrats, dans la procédure disciplinaire, dans la totale liberté d’action en juridiction – elle n’est donc pas en cause. Par ailleurs, nous renforçons l’indépendance des magistrats du parquet, tout en assumant notre responsabilité en matière de politique pénale, cette politique devant être mise en œuvre sous l’autorité des procureurs généraux, donc des parquets de cour d’appel dans les juridictions de leur ressort.
Mais l’institution judiciaire, elle-même, remplit toute une série de missions et l’indépendance des magistrats, que, à nouveau, nous organisons et renforçons, que nous respectons dans sa dimension juridictionnelle, n’est absolument pas mise en péril par le souci du bon fonctionnement de l’institution judiciaire, d’un accès au droit facilité et d’un égal accès à la justice.
Vous avez raison de mentionner l’existence d’un débat, monsieur le rapporteur. Je tiens d’ailleurs à saluer la qualité du travail que vous avez fourni, la grande écoute dont vous avez fait preuve et, surtout, la constance avec laquelle vous travaillez ces sujets.
Ce débat, qui n’est ni vital ni intense, porte effectivement sur le risque de voir l’autorité judiciaire banalisée parce qu’elle serait également appelée « service public de la justice ». Ce risque n’existe pas !
D’ailleurs, je ne vois pas en quoi être un service public serait dévalorisant. Quoi de plus beau, mesdames, messieurs les sénateurs, que de pouvoir assurer, dans une démocratie, une puissance d’État vis-à-vis des citoyens ?
Donc, non seulement le recours à l’expression « service public de la justice » n’a rien de pénalisant, mais, en plus, le concept est totalement consacré.
Il est consacré par le Conseil d’État, qui distingue les questions d’organisation, relevant de la juridiction administrative en cas de litiges à traiter, des questions de fonctionnement. Parce que, justement, l’autorité judiciaire a toute son indépendance, ces questions relèvent d’elle et n’ont pas à être traitées par le juge administratif.
Le concept est également consacré par le Conseil constitutionnel, et le code de l’organisation judiciaire, qui établit très clairement la nécessité de respecter la continuité du service public de la justice.
Je rappelle que nous débattons d’un texte de loi qui, dans sa structure, dans sa charpente même, s’attache à rendre l’institution judiciaire plus proche des citoyens : un rapprochement physique, comme je l’ai indiqué hier, géographique, mais aussi fonctionnel, par l’introduction de la dématérialisation, donc des avantages du numérique.
Alors que nous avons le souci de permettre à la justice de répondre aux attentes de la société, que nous lui donnons à la fois des fonctions, des missions et les moyens pour remplir ce rôle, donc pour s’adapter à l’évolution du droit et des demandes de justice, je ne crois pas que ce soit le moment de dénier à cette justice le caractère de service public.
Je le répète, le service public de la justice est consacré par nos plus hautes autorités judiciaires, à savoir le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel.
C’est pour toutes ces raisons – pardonnez-moi si j’ai été un peu longue – que le Gouvernement souhaite vraiment revenir à la rédaction initiale du projet de loi. Par conséquent, il soutient très fortement, en les remerciant de leur démarche, les auteurs de ces deux amendements.
M. Michel Delebarre. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je voterai ces deux amendements, comme je soutiendrai la rédaction initiale du texte.
Monsieur le rapporteur, si j’ai bien compris, en proposant d’apporter cette modification – elle peut paraître a priori insignifiante, mais, en réalité, elle ne l’est pas – au texte du Gouvernement, vous vous rangez à l’avis de l’Union syndicale des magistrats, qui vous a fait part de son opposition à cette notion de « service public de la justice », et des représentants de la conférence nationale des procureurs généraux, contre celui du Syndicat de la magistrature, qui s’y est montré favorable.
Les magistrats rendent la justice au nom du peuple français et celui-ci est attaché au service public, au service public de l’éducation nationale comme à tous les autres. Partant, en retenant cette dénomination particulière pour la justice, il ne faudrait pas donner à penser, même si l’autorité et l’indépendance de celle-ci sont respectées, que Pierre Dac avait raison quand il disait que les magistrats ne rendent pas la justice, ils la gardent pour eux.
Je crois au peuple français, je crois au service public, et c’est pourquoi j’estime qu’il faut maintenir cette référence au service public de la justice.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 139 et 190.
(Les amendements sont adoptés.)
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° L’article 19 est ainsi rédigé :
« Art. 19. – L’avocat commis ou désigné d’office dans les cas prévus par la loi recueille, lors d’une première consultation, tous renseignements sur la situation financière de son client, afin de l’assister dans la procédure d’admission à l’aide juridictionnelle. L’avocat peut saisir le bureau d’aide juridictionnelle compétent au lieu et place de la personne qu’il assiste ou qu’il a assistée. » ;
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Par cet amendement, nous proposons de modifier l’article 19 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique – le moment s’y prête –, demande récurrente des avocats depuis de nombreuses années.
La consultation d’un avocat préalablement à toute action juridique ou judiciaire par une personne bénéficiant de l’aide juridictionnelle sous condition de ressources doit donner lieu à rémunération.
Cela me permet, madame la garde des sceaux, de revenir sur la question de l’aide juridique.
Je vous l’ai dit, notre groupe votera ce texte, car nous estimons que, globalement, il contient un certain nombre d’avancées. Toutefois, si, en matière d’accès au droit, la justice du XXIe siècle se résume aux articles 1er et 2 de ce projet de loi, alors je dis : Pauvre justice du XXIe siècle ! Vous le savez bien, ils ne suffiront pas à résoudre les véritables problèmes.
Il y avait besoin – et il y a toujours besoin – d’un texte fondateur sur l’accès au droit. Quels sont ceux, dans notre pays, qui ont le plus de mal à accéder au droit, surtout quand ils n’y connaissent strictement rien et qu’ils ne disposent pas de ressources ? Ce sont les plus démunis, les plus fragiles. Cela se vérifie quel que soit le gouvernement en place. Je persiste à dire que, en matière pénale, ces gens ne sont pas défendus ou le sont dans des conditions qui ne font pas honneur à nos traditions.
Malheureusement, ce texte ne règle rien à cet égard. Madame la garde des sceaux, ce n’est pas le renforcement du conseil départemental de l’accès au droit qui changera, sur le terrain, la situation de nos concitoyens en difficulté.
La défense pénale n’est plus assurée dans notre pays comme elle devrait l’être.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement vise à modifier l’article 19 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique de sorte que l’avocat commis ou désigné d’office recueille, lors d’une première consultation, tout renseignement sur la situation financière de son client.
Il n’a pas semblé à la commission que cette modification de l’article 19 permettrait d’atteindre l’objectif exposé par les auteurs de cet amendement : rémunérer la consultation de l’avocat préalable à l’action juridique ou judiciaire.
Par conséquent, cette précision étant apparue inutile à la commission, elle a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je partage totalement la préoccupation que vient d’exprimer M. Mézard en présentant son amendement. J’y souscris d’autant plus que j’ai clairement indiqué pendant le processus de consultation préalable à la rédaction de ce projet de loi qu’une des raisons de l’engorgement des tribunaux et des reports prévisibles d’audiencements tenait au fait que l’aide juridictionnelle est réservée à la procédure judiciaire.
Par conséquent, il faut travailler de telle sorte que celle-ci puisse être mobilisée en amont afin de permettre aux avocats d’exercer un rôle de conseil juridique en évaluant la demande de justice pour décider, in fine, s’il est nécessaire d’engager une procédure judiciaire.
Actuellement, c’est impossible et c’est ce qui explique que les personnes éligibles à l’aide juridictionnelle compte tenu de leurs ressources engagent systématiquement et nécessairement un procès. Or, pour le bon fonctionnement de la justice, il vaut mieux que les magistrats et les greffiers se concentrent sur leur mission juridictionnelle.
Nous ne nous contentons pas de mesures d’affichage. Les articles 3 à 7 de ce projet de loi, qui en constituent le titre II, ont un objectif très clair : favoriser les modes alternatifs de règlement des petits litiges du quotidien.
De même, ce texte améliore le fonctionnement de la procédure participative.
Nous obéissons à une logique : rendre réel l’accès au droit et égal pour tous l’accès à la justice. Pour autant, l’accès au droit et à la justice n’implique pas nécessairement l’introduction d’une procédure judiciaire. C’est pourquoi le projet de loi de finances pour 2016 prévoit de mobiliser l’aide juridictionnelle pour ces actions de conseil juridique. Par conséquent, monsieur Mézard, je ne serais pas choquée que soit modifié l’article 1er du projet de loi dans le sens que vous proposez. Au contraire, j’y serais même très favorable, de manière à donner un fondement législatif à ce rôle de conseil.
Cependant, je reviens sur l’observation qu’a formulée M. le rapporteur : je ne suis pas certaine, en effet, que, tel qu’il est rédigé, votre amendement réponde parfaitement à la préoccupation que vous avez exprimée. J’y vois plus une disposition pratique visant à mobiliser plus facilement l’aide juridictionnelle qu’une modification substantielle de la loi de 1991 – que nous engageons – qui permettrait d’octroyer celle-ci à un justiciable même sans qu’une procédure judiciaire soit engagée.
De fait, votre amendement nécessiterait d’être réécrit.
Mme la présidente. Monsieur le président de la commission, dois-je suspendre la séance pour vous donner le temps de revoir la rédaction ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, le sujet étant quelque peu complexe, la commission s’en tient à l’avis défavorable qu’elle a émis à l’instant.
Mme la présidente. Madame la garde sceaux, quel est finalement l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sur le plan strictement rédactionnel, le Gouvernement se voit contraint d’émettre un avis défavorable, même si, je le répète, il partage entièrement l’intention des auteurs de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l'amendement n° 27 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 140, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 8 à 11
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités de l’aide à l’accès au droit sont adaptées aux besoins des personnes en situation de grande précarité. » ;
b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il participe à la mise en œuvre d’une politique locale de résolution amiable des différends. » ;
c) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut développer des actions communes avec d’autres conseils départementaux de l’accès au droit. » ;
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. L’article 1er du projet de loi modifie l’article 54 de la loi du 10 juillet 1991 en ajoutant que le conseil départemental de l’accès au droit « participe à la mise en œuvre d’une politique locale de résolution amiable des différends ».
Lors de l’examen de la loi du 18 décembre 1998 relative à l’accès au droit et à la résolution amiable des conflits, il avait été proposé de modifier l’article 53 de la loi de juillet 1991, en précisant que l’aide à l’accès au droit comportait l’assistance à la rédaction et à la conclusion des actes juridiques, « ces actions [étant] conduites de manière à favoriser le règlement amiable des litiges » et « les modalités de l’aide à l’accès au droit [étant] adaptées aux besoins des personnes en situation de grande précarité ».
Cette proposition était malheureusement restée en l’état, les parlementaires n’y ayant pas donné suite à l’époque.
Notre amendement est simple : il vise à inscrire dans notre droit la priorité politique de l’accès au droit des plus démunis. C’est pourquoi nous proposons de préciser à l’article 54 que « les modalités de l’aide à l’accès au droit sont adaptées aux besoins des personnes en situation de grande précarité ».
Mme la présidente. L'amendement n° 191, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités de l’aide à l’accès au droit sont adaptées aux besoins des personnes en situation de grande précarité. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je rejoins ce que vient de dire M. Favier.
Monsieur le rapporteur, vous me direz peut-être que cet amendement est en quelque sorte « surabondant » puisque la justice est un service accessible à tous les citoyens, et donc aux personnes en situation de précarité. Néanmoins, il est parfois utile de préciser les choses. C’est pourquoi écrire que « les modalités de l’aide à l’accès au droit sont adaptées aux besoins des personnes en situation de grande précarité » aurait, nous semble-t-il, une signification.
Voyez-vous, il est facile de parler de l’accès au droit en général, mais, pour nos concitoyens qui vivent dans la misère, qui n’ont pas de toit, qui sont à la rue, qui n’ont pas de moyens de subsistance, il n’est pas du tout évident de recourir à la justice.
Je le répète, la précision que nous proposons d’apporter est peut-être redondante, mais elle a du sens pour rendre la justice accessible à nos concitoyens très démunis, en situation de grande détresse, accessibilité qui est loin d’être une évidence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cette affirmation est dénuée de portée normative. Aussi, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les auteurs de ces deux amendements expriment une préoccupation identique à celle qu’a manifestée tout à l’heure M. le président Mézard à travers son amendement visant à ce que les plus démunis puissent effectivement bénéficier de l’aide juridictionnelle. C’est aussi notre préoccupation.
Ces deux amendements ont en commun de faire référence aux personnes en situation de grande précarité. Quelle définition en donner ? Voilà la difficulté ! Pour qu’une loi soit appliquée, il faut qu’elle soit rédigée précisément.
Une personne peut être considérée en situation de grande précarité lorsque, totalement dépourvue de revenus et d’hébergement, elle se trouve complètement marginalisée au sein de la société. Elle est alors éligible à l’aide juridictionnelle, puisque le plafond de ressources pour accéder à la totalité de cette aide a été relevé à 1 000 euros. Par conséquent, toute personne dont le niveau de ressources est inférieur à 1 000 euros peut bénéficier de l’aide juridictionnelle.
Le problème de la grande précarité n’est pas tant le niveau de ressources que le fait de vivre aux marges de la société, d’être exclu des circuits traditionnels, de ne pouvoir être pris en charge, effectuer les démarches nécessaires, fournir des papiers afin d’obtenir l’aide juridictionnelle.
De mon point de vue, cette question ne relève pas d’un engagement purement formel – cela ne veut pas dire qu’elle n’a pas d’importance –, car les dispositions législatives visent à traduire en termes juridiques les engagements formels, politiques que nous prenons, que vous prenez. Or les personnes en grande précarité que vous visez se trouvent confrontées à des difficultés, car elles sont, de droit, éligibles à l’aide juridictionnelle, tout en se trouvant dans une situation telle qu’elles ne peuvent y prétendre.
Il ne s’agit donc pas ici de la norme législative, juridique à tout le moins, pour l’octroi de l’aide juridictionnelle. Il est davantage question des politiques publiques pour la prise en charge de ces personnes, la détection des besoins juridiques de celles-ci et la mise en place d’un accompagnement efficace.
Le service d’accueil unique du justiciable devrait normalement faciliter les choses, mais je ne prétends pas qu’il apporte beaucoup de solutions, car ce dispositif suppose, pour être efficace, que les personnes visées connaissent son existence, qu’elles aient les codes culturels permettant de s’adresser à un tel service d’accueil et qu’elles effectuent les démarches requises.
Pour conclure, votre assemblée est très familière de ces débats traitant de la grande précarité et de la difficulté d’établir des critères objectifs. À partir du moment où quelqu’un réclame l’application de la loi, nous devons lui donner des réponses précises sur le seuil à partir duquel il peut obtenir l’aide prévue. C’est l’une des grandes difficultés que nous avons résolues, en réglant le problème de la référence à la précarité lors de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement ou de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant.
Il faut bien garder à l’esprit que ces personnes relèvent déjà de l’aide juridictionnelle et qu’elles sont prioritaires dans la mesure où, une fois la priorité très clairement établie, l’aide juridictionnelle est attribuée à 100 % à toute personne dont le niveau de ressources est inférieur à 1 000 euros.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable, en manifestant bien entendu mon plein accord avec la préoccupation exprimée.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote sur l’amendement n° 140.
M. Jacques Mézard. L’amendement n° 140 ne porte pas seulement sur les modalités de l’aide en vue de répondre aux besoins des personnes en situation de grande précarité ; il concerne aussi la mise en œuvre d’une politique locale de résolution amiable des différends et le développement d’actions communes avec d’autres conseils départementaux de l’accès au droit.
Je suis tout à fait d’accord avec les dispositions proposées sur ces deux derniers points et insérées respectivement après les deuxième et troisième alinéas de l’article 54 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. En revanche, les termes proposés après le premier alinéa, à savoir « les modalités de l’aide à l’accès au droit sont adaptées aux besoins des personnes en situation de grande précarité », constituent un message assez médiatique. Sur ce point, j’approuve totalement les explications de Mme la garde des sceaux. Pour ma part, j’ai donné des consultations juridiques gratuites durant toute ma vie, et on en trouve, à l’exception de certains cabinets, dans tous les palais de justice de France. Cela ne veut pas dire que les personnes en situation de grande précarité y ont recours systématiquement, sinon, il n’y aurait pas de problème ; disposant de revenus très faibles, voire inexistants, celles-ci peuvent solliciter le bénéfice de l’aide juridictionnelle. La difficulté réside ailleurs, plutôt dans la démarche,…
Mme Éliane Assassi. Bien sûr !
M. Jacques Mézard. … délicate pour ces personnes, cher Jean-Pierre Sueur : le fait même de monter les marches d’un palais de justice est inenvisageable pour elles. Voilà la réalité !
Des structures d’aide gratuite ont donc été mises en place, très souvent avec des bénévoles et des travailleurs sociaux. Mais cela ne fonctionne pas bien et ne règle pas le problème. Il ne nous paraît pas judicieux d’envoyer, en plus, des messages qui ne résoudraient rien.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. J’ai bien entendu vos explications, madame la garde des sceaux. Sans doute notre amendement n’est-il pas parfaitement rédigé, mais ce que nous visions à travers ces dispositions, ce n’est pas seulement les conditions financières de l’accès à l’aide juridictionnelle pour les personnes en grande précarité dont on sait évidemment qu’elles répondent à ces critères et devraient en bénéficier de droit ; c’est plutôt d’examiner les moyens d’accompagner plus efficacement ces personnes qui rencontrent des difficultés pour accéder à la justice, en vue notamment de l’accès à l’aide juridictionnelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. À la suite de l’observation du président Mézard, je crois effectivement utile de revenir sur l’amendement n° 140.
J’avais dit que les deux amendements présentaient un point commun : la référence à la grande précarité.
Mme Catherine Tasca. Oui !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Toutefois, j’ai omis – pardonnez-moi cet oubli, monsieur Favier – de revenir sur les deux dispositions supplémentaires. Pourtant, ce sont des préoccupations que nous partageons.
En l’occurrence, notre souci porte non sur la rédaction, mais sur la difficulté, à propos de la grande précarité, d’établir un seuil précis.
Participer à la mise en œuvre d’une politique locale de résolution amiable des différends figure déjà dans le titre II du projet de loi, avec une contrainte supplémentaire, l’obligation de conciliation sur les petits litiges, ceux pour lesquels la demande est inférieure ou égale à 4 000 euros. Nous savons bien que ce que vous envisagez ne correspond même pas à ce niveau.
Quant au développement des actions communes avec d’autres conseils départementaux de l’accès au droit, comme je l’ai indiqué, nous avons fini le maillage territorial sur l’accès au droit avec les CDAD, puisque nous avons créé ceux qui manquaient. En outre, nous avons ouvert un bureau d’aide aux victimes dans chaque tribunal de grande instance.
Cette préoccupation à la fois du maillage et de la mise en œuvre des politiques locales d’accès au droit nous a incités à apporter des modifications dans le Conseil national de l’aide juridique, le CNAJ, mais en réalité ce sont des dispositions réglementaires figurant non pas dans la loi, mais dans ce que j’ai évoqué hier au cours de mon intervention et que nous appelons « le décret miroir ». Ce décret contient des dispositions équivalentes, en termes de contenu et d’orientations, à celles que nous trouvons dans la loi, mais qui ne relèvent pas du niveau législatif. Par exemple, la mise en œuvre locale de la politique d’accès au droit sera assurée par des dispositions qui seront définies dans le décret.
En substance, vos deux autres demandes sont satisfaites, soit par la loi, soit par le décret, mais sur ce projet de décret qui est sur le point d’être transmis au Conseil d’État, nous veillerons évidemment à recueillir vos observations et faire en sorte qu’il en soit tenu compte lors de son examen par le Conseil d’État, et avant la publication à laquelle nous procéderons à la suite de cet examen.
Mme la présidente. Monsieur Favier, l'amendement n° 140 est-il maintenu ?
M. Christian Favier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 140 est retiré.
Monsieur Sueur, qu’en est-il de l’amendement n° 191 ?
M. Jean-Pierre Sueur. Au vu des explications qui ont été données, et compte tenu du fait que cette préoccupation reste au cœur du débat sur l’accès au droit, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 191 est retiré.
L'amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand, Collombat et Guérini, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Après le 4° , il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° D’une association représentative d’avocats pratiquant la médiation, désignée dans les conditions prévues au 4° ; »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement prévoit simplement, après l’alinéa 12, que les associations d’avocats médiateurs soient également membres de droit des conseils départementaux de l’accès au droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Les avocats sont déjà représentés, à travers l’ordre des avocats, au sein du conseil départemental de l’accès au droit. Une association d’avocats médiateurs pourrait donc siéger dans cette instance en tant que représentant de l’ordre des avocats. Il n’a donc pas paru opportun à la commission des lois d’aller plus loin en imposant la présence systématique d’une association représentative d’avocats médiateurs dans chaque conseil départemental de l’accès au droit, d’autant plus qu’aucune certitude n’existe aujourd’hui concernant l’existence, dans tous les départements, d’une association d’avocats médiateurs.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Une difficulté pratique se pose eu égard au nombre d’associations concernées. Acceptez-vous que les associations de médiation soient membres de droit des conseils départementaux ?
M. Jacques Mézard. Non !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour l’heure, je ne sais pas résoudre cette difficulté. C’est la raison pour laquelle je réserverai l’avis du Gouvernement.
Indépendamment de la présence de l’ordre des avocats, une association représentative des avocats médiateurs aurait totalement sa place au sein du CDAD. Mais comment décider aujourd’hui qu’une association est représentative d’avocats médiateurs ? Dans la mesure où, au travers de votre amendement, monsieur Mézard, une association de médiation est membre de droit, on pourrait considérer que votre préoccupation est satisfaite, pour contourner cette difficulté liée à l’existence de plusieurs associations.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l'amendement n° 28 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Je vais retirer cet amendement. Toutefois, la difficulté tient au fait, madame la garde des sceaux, que les associations ne représentent pas les avocats médiateurs. Si une demande précise apparaît aujourd’hui sur ce point, c’est qu’il y a une raison. Il est en effet légitime de penser que les professionnels du droit souhaitent s’investir dans la médiation.
M. Jacques Mézard. Disons les choses telles qu’elles sont : le dépôt de cet amendement résulte du souhait de la profession.
Quoi qu’il en soit, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié est retiré.
L'amendement n° 192 rectifié, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 5° est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° D'un représentant des conciliateurs du département ; »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. À l’origine, madame la garde des sceaux, nous avions estimé judicieux d’ajouter aux membres du CDAD, le président du bureau de l’aide juridictionnelle, un juge d’instance du ressort et le représentant des conciliateurs. Puis, à la suite du débat ce matin en commission et sur la suggestion de M. le rapporteur, nous avons décidé de rectifier cet amendement.
Il s’agit simplement d’ajouter au CDAD, pour éviter un nombre trop important de membres dans cette instance, un représentant des conciliateurs. Cela est conforme à l’esprit de votre projet de loi, madame la garde des sceaux, qui donne une importance très grande au conciliateur et l’explique noir sur blanc un peu plus tard. De plus, pour un certain nombre de litiges, le présent texte de loi rend obligatoire une tentative de conciliation, donc le passage devant le conciliateur, avant d’arriver devant le juge. Les conciliateurs vont donc jouer un rôle absolument essentiel.
Nous avons pensé que, dans le cadre de l’accès au droit, un représentant des conciliateurs pourrait avoir toute sa place au sein de ce conseil qui a pour objet de favoriser l’accès au droit.
On nous a fait remarquer qu’il n’existait pas d’ordre des conciliateurs ni d’association de conciliateurs, mais il n’est tout de même pas très compliqué de demander aux conciliateurs présents dans un département de se réunir et de désigner un représentant. Monsieur le rapporteur, vous aviez accueilli cette proposition de façon plutôt positive, et j’espère que notre assemblée fera de même.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. M. Sueur vient de l’expliquer, à l’origine, cet amendement tendait à ce que siègent, au sein des CDAD, un représentant des conciliateurs du département, le président du bureau de l’aide juridictionnelle et un juge d’instance du ressort.
Ce matin, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement ainsi rédigé, et il a été proposé de s’en tenir au représentant des conciliateurs du département.
À titre personnel, je suis soucieux que le CDAD fonctionne effectivement, qu’il ne devienne pas une enceinte trop large où quelques-uns décideraient de tout et où les autres n’oseraient pas prendre part aux discussions.
J’ai moi-même siégé au sein d’un CDAD lors de la création de ces instances, il y a quelques années de cela, comme représentant des maires de mon département. Les débats y étaient intéressants, ce qui est toujours le cas, même si je ne suis plus membre de ce conseil – ma présence n’est pas indispensable pour que les discussions soient dignes d’intérêt… (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Mais si, monsieur le rapporteur ! (Nouveaux sourires.)
M. Yves Détraigne, rapporteur. J’en suis intimement persuadé, et la commission a confirmé ce sentiment par l’avis qu’elle a émis ce matin : si l’on faisait trop grossir ces conseils départementaux de l’accès au droit, leurs réunions pourraient se réduire à des grand-messes, et ils risqueraient de perdre la capacité de décision que l’on attend d’eux.
À cet égard, même après la rectification exposée par M. Sueur, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Sueur, vous avez vous-même souligné cette difficulté pratique : il n’existe pas d’associations départementales de conciliateurs.
M. Jean-Pierre Sueur. On peut réunir ces acteurs !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sans doute – les CDAD pourront en débattre eux-mêmes –, mais je n’en suis pas moins réservée au sujet de cet amendement.
M. Charles Revet. Nous aussi !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je comprends le sens de votre proposition, et je sais que la conciliation est nécessaire. Au reste, je vous rappelle que nous allons augmenter le nombre des conciliateurs et améliorer leur indemnisation, qui, aujourd’hui – disons les choses franchement –, s’établit à un niveau dérisoire.
La conciliation devra bel et bien s’installer dans la culture du règlement amiable des litiges. Toutefois, je crains moi aussi que les CDAD finissent par ne plus fonctionner efficacement, du fait d’un risque d’embolie lié au nombre de leurs membres.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la garde des sceaux, il s’agit d’y ajouter une personne, pas une foule !
Mme la présidente. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. Je comprends l’idée suivie à travers cet amendement, mais je ne le voterai pas, pour une raison simple.
Dans certains départements, les conciliateurs de justice se sont organisés en association. Or les présidents des CDAD, qui sont les présidents de tribunaux de grande instance des chefs-lieux de département, peuvent décider d’ouvrir ces conseils à des associations.
Dès lors, il n’est pas impossible que les CDAD s’ouvrent aux associations réunissant les conciliateurs de justice du département.
Conservons la souplesse du dispositif : il n’est pas souhaitable de légiférer sur tout. Mieux vaut préserver la possibilité, pour les CDAD, de s’organiser en fonction des réalités du territoire.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 141, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 16
Après les mots :
aide aux victimes
insérer les mots :
, de l’assistance aux plus précaires dans le cadre de l’accès au droit
II. – Alinéa 17
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
b bis) Le 10° est ainsi rédigé :
« 10° Du président du bureau d’aide juridictionnelle ; »
III. – Après l’alinéa 17
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 10°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° D’un représentant local du Défenseur des droits. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Étant donné le vote qui vient d’avoir lieu, je me doute du sort qui sera réservé à cet amendement…
Pour autant, à la suite des propos tenus par M. Sueur, nous tenons à l’affirmer : la réforme de la composition des CDAD va dans le bon sens, mais elle doit encore être améliorée.
Mes chers collègues, à nos yeux, il importe également d’accroître le nombre des associations représentées au sein des CDAD. Nous songeons notamment aux structures qui, en pratique, assistent les personnes les plus précaires dans le cadre de l’accès au droit.
De plus, à l’instar de nos collègues du groupe socialiste et républicain, nous vous proposons qu’un certain nombre de personnalités soient appelées à siéger au sein des CDAD.
Mme la présidente. L'amendement n° 193, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° D’une association qui assiste les personnes les plus précaires dans le cadre de l’accès au droit. » ;
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. L’article 55 de la loi du 10 juillet 1991 fixe la composition du Conseil départemental de l’accès au droit.
En vertu du présent texte, le représentant d’une association œuvrant dans le domaine de l’accès au droit siège au sein de cette instance.
Cet amendement tend à préciser que l’association désignée peut également œuvrer dans les domaines de l’aide aux victimes ou de la médiation. Aussi, nous proposons que, parmi les membres du CDAD, figurent les représentants d’associations assistant les personnes les plus précaires dans le cadre de l’accès au droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Si j’osais, je dirais : « Même motif, même sanction ! » À travers ces amendements, il s’agit encore d’accroître le nombre de personnes siégeant au sein des CDAD.
Je ne sais si Mme la garde des sceaux le confirmera ; toutefois, rien, à mon sens, n’empêcherait le président du CDAD d’inviter, selon les points inscrits à l’ordre du jour, telle ou telle personne maîtrisant plus spécialement telle question à venir éclairer le conseil.
Cette solution me semble préférable. En effet, il n’est pas souhaitable de laisser ces conseils « enfler » au fil des ans. À l’origine, les CDAD ont été conçus de manière assez informelle ! Peut-être ont-ils été complétés et amplifiés depuis leur création, il y a dix-sept ans. Mais si l’on veut qu’ils gardent le rôle qui leur a été assigné à cette époque, ils doivent conserver ce caractère informel.
Voilà pourquoi, au nom de la commission, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce débat peut sembler simple, surtout si on le résume à une question arithmétique, mais, dans les faits, il ne l’est pas tant que cela. J'en veux pour preuve la préoccupation exprimée il y a un instant à travers l’amendement n° 192 rectifié : quelle place laisser, sinon à la conciliation, du moins à ceux qui peuvent en porter la voix, rendre compte de sa mise en œuvre et des difficultés qu’elle soulève ?
Le présent texte indique que les CDAD se réuniront au moins une fois par an. Si l’on s’en réfère à cette fréquence, on peut juger nécessaire de veiller à ce que tous les points à l’ordre du jour soient bel et bien examinés par ces conseils.
Cela étant, ces deux amendements appellent, de la part du Gouvernement, un avis défavorable.
Tout d’abord, l’observation formulée par M. le rapporteur est fondée.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Merci, madame la garde des sceaux ! (Sourires.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le président du CDAD peut demander à tout moment aux représentants des conciliateurs ou des personnes précaires de se rendre auprès de cette instance, pour l’éclairer ou lui soumettre leurs propositions.
Ensuite, il est difficile de définir précisément les associations qui représentent ou accompagnent les personnes précaires. Elles sont de multiples natures. Leurs champs d’action sont très différents. Elles peuvent intervenir dans les domaines de la santé, du logement, ou encore assurer un accompagnement dans la recherche d’un logement. La définition de cette catégorie est donc bel et bien complexe.
Monsieur Sueur, pour ce qui concerne la représentation de la conciliation, la réflexion mérite, à mon sens, d’être mûrie en lien avec l’Assemblée nationale. (M. Jean-Pierre Sueur opine.) Si les CDAD procédaient à une réunion mensuelle ou trimestrielle, la disposition que vous proposez serait difficile à mettre en œuvre ; en revanche, l’instauration d’une réunion annuelle obligatoire, assortie de la possibilité de réunir ces conseils de manière plus fréquente, permettrait peut-être de ménager une place différente aux conciliateurs.
En conséquence, si je formule, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur ces deux amendements, c’est sous bénéfice d’une réflexion à venir au sujet de la conciliation.
Mme la présidente. L'amendement n° 56 rectifié sexies, présenté par Mme N. Goulet, M. Bonnecarrère, Mmes Joissains, Loisier et Deroche, M. Canevet, Mme Billon et MM. Guerriau et Kern, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 21 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi rédigé :
« Le bureau d’aide juridictionnelle recueille tous les renseignements utiles sur la situation financière de l’intéressé et bénéficie d’un accès aux fichiers sociaux et fiscaux du demandeur, dans des conditions permettant de préserver la confidentialité des informations reçues. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Voici, mes chers collègues, une nouvelle occasion d’évoquer l’aide juridique.
Par cet amendement, nous souhaitons en effet modifier le premier alinéa de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
Dans le rapport que nous avons consacré à l’aide juridictionnelle, Sophie Joissains et moi-même avons souligné que le contrôle des ressources ne relevait absolument pas du cœur de métier des personnes composant le bureau d’aide juridictionnelle, qu’il s’agisse des magistrats, des greffiers ou des auxiliaires de justice.
Or, dans la pratique, il est très difficile de savoir si le patrimoine du demandeur l’exclut ou non du bénéfice potentiel de l’aide juridictionnelle : dans les faits, tout repose sur les déclarations de l’intéressé. Les greffes ne disposent pas des moyens de vérifier ses dires. Quant aux bureaux d’aide juridictionnelle, ils ont très rarement recours aux prérogatives que leur accorde l’article 21 de la loi du 10 juillet 1991, en vertu duquel « les services de l’État et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales sont tenus de communiquer au bureau, sur sa demande, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tous renseignements permettant de vérifier que l’intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l’aide juridictionnelle. »
Aussi, dans le droit fil du rapport de la mission de modernisation de l’action publique, la MAP, nous proposons que les bureaux d’aide juridictionnelle aient accès aux fichiers sociaux et fiscaux, tout simplement pour pouvoir vérifier réellement la situation patrimoniale des demandeurs.
Lorsqu’on souhaite, comme c’est notre cas, développer l’accès au droit et à l’aide juridictionnelle, on ne peut se contenter d’un système déclaratif !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Jacques Mézard a indiqué que la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique permettait déjà aux bureaux d’aide juridictionnelle de se faire communiquer les éléments nécessaires à la vérification de la situation fiscale et sociale de la personne concernée.
Le problème naît de la non-application de ces dispositions législatives. À mon sens, les inscrire dans le présent projet de loi ne changerait pas grand-chose, car elles existent déjà.
Il me semble que c’est plutôt au règlement de faire évoluer les modalités pratiques de communication de ces informations.
Madame la garde des sceaux, la transmission restant insuffisamment pratiquée, je vous suggère de recourir à la voie réglementaire pour mieux l’organiser
En attendant, je propose donc que cet amendement soit retiré ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, l’organisation de la transmission relève du domaine réglementaire. Toutefois, l’amendement n° 47 rectifié tend à permettre un accès direct aux informations par les bureaux d’aide juridictionnelle.
Il est vrai que nous pourrions encore améliorer le dispositif, tant dans le règlement qu’en pratique. Nous nous consacrons à cette tâche depuis plusieurs mois, mais les résultats ne sont pas encore entièrement satisfaisants. Les délais sont en effet très variables d’un point à l’autre du territoire, d’une juridiction à l’autre.
J’ai visité beaucoup de bureaux d’aide juridictionnelle : les délais varient de deux semaines à six ou huit mois, exceptionnellement plus. Il nous faut donc à la fois harmoniser et simplifier ces pratiques.
Permettre l’accès direct aux informations, ce qui apparaît comme la méthode la plus rapide, ressortit bien au domaine de la loi. Cette proposition est donc fondée.
Cet amendement se heurte toutefois à deux difficultés. Tout d’abord, nous travaillons déjà à la mise en œuvre d’une telle disposition : un applicatif – @J CONNECT, de France Connect – sera déployé en 2017 et permettra cet accès direct sous certaines conditions pratiques, liées à la loi, au secret fiscal et à l’obtention de l’autorisation d’accéder à ces informations fiscales ou sociales. Un certain délai est donc nécessaire.
En outre, adopter cet amendement – fondé, mais prématuré – nécessiterait de définir des dispositions transitoires. Il faudrait également obtenir un accord sur le partage des informations, afin de préciser les conditions dans lesquelles les greffiers chargés des bureaux d’aide juridictionnelle pourraient accéder à l’information fiscale des personnes.
Pour une raison de calendrier exclusivement, il ne m’est pas possible d’émettre un avis favorable sur cet amendement, qui rejoint toutefois la démarche que nous avons entreprise et que nous parviendrons à mettre en œuvre en 2017, une fois aplanies les difficultés qui subsistent.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. À l’appui des propos de Mme la garde des sceaux, on vient de me communiquer l’article 21 de la loi de juillet 1991 relative à l’aide juridique, qui dispose clairement que les services sont « tenus » de communiquer au bureau d’aide juridictionnelle, sur sa demande, tous renseignements permettant de vérifier que l'intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l'aide juridictionnelle.
Reste à faire connaître ce texte et à préciser la manière dont l’information sera transmise.
Quoi qu’il en soit, il me paraît impossible de renforcer la loi, et cet amendement me semble donc inutile.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Personne ne refuse de communiquer ces données, mais les réponses sont beaucoup trop tardives, c’est pour cela que nous travaillons sur un accès direct.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l’amendement n° 47 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Je remercie M. le rapporteur d’avoir relu ce que j’avais écrit dans l’objet de l’amendement. Sauf à considérer que j’avais mal recopié le texte de la loi, il lui était inutile de se le faire communiquer !
Ce que je propose est donc soit prématuré, soit déjà écrit ! Je distingue une contradiction entre ce que nous dit M. le rapporteur et ce que nous dit, à juste titre, Mme le garde des sceaux. Si c’est prématuré, c’est bien parce que cela n’existe pas encore !
Je retire cet amendement, puisque l’on me dit que cette question fera l’objet d’une loi à venir. Quand celle-ci nous sera soumise, je ne doute pas que M. le rapporteur admettra que ces dispositions n’existaient pas jusqu’alors dans le droit en vigueur !
Mme la présidente. L’amendement n° 47 rectifié est retiré.
L’amendement n° 48 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Guérini, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les bureaux d’aide juridictionnelle mettent en œuvre le traitement dématérialisé des dossiers.
Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Le présent amendement vise à mettre en œuvre une préconisation issue du rapport d’information sur l’aide juridictionnelle que j’ai cosigné avec notre collègue Sophie Joissains. Nous proposions que les bureaux d’aide juridictionnelle puissent mettre en œuvre le traitement dématérialisé des dossiers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement prévoit une application généralisée et immédiate de la procédure de traitement dématérialisé des dossiers d’aide juridictionnelle, avec la perspective d’un coût élevé pour le ministère de la justice.
Il semble à la commission qu’une certaine prudence s’impose en la matière. Comme le soulignaient les auteurs du rapport d’information susmentionné, « s’agissant des échanges entre les bureaux d’aide juridictionnelle et les justiciables, pour la transmission de pièces par exemple, la dématérialisation ne pourra être qu’une simple faculté. Elle ne pourra être imposée en raison de la fracture numérique qui existe encore sur le territoire ». J’espère que cette fracture sera rapidement comblée, mais, en l’état actuel des choses, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ainsi que nous venons de le dire, la dématérialisation est nécessaire pour accéder aux fichiers fiscaux et sociaux, au départ et à l’arrivée.
Pour les mêmes raisons que précédemment, à savoir que le processus est en cours et sera achevé en 2017, je propose le retrait cet amendement.
Cet avis ne reflète pas un désaccord de fond, mais le constat que cette proposition est prématurée au regard du processus en cours.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l’amendement n° 48 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Mes propositions seraient « prématurées » d’un côté, on m’appelle à la « prudence » de l’autre… En matière d’aide juridictionnelle, la justice du XXIe siècle n’est pas encore pour demain !
M. François Grosdidier. Il reste quatre-vingt-cinq ans ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. C’est vrai ! Mais ce n’est pas en présentant les choses ainsi que l’on donnera de l’espoir à ceux qui en ont besoin.
Je fais confiance aux déclarations de Mme la garde des sceaux et je ne doute donc pas que le texte annoncé sera présenté dans les meilleurs délais.
Cela étant, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 48 rectifié est retiré.
Chapitre II
Faciliter l’accès à la justice
Article 2
I. – Le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’organisation judiciaire est complété par un article L. 123-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-3. – Il est institué un service d’accueil unique du justiciable dont la mission n’est pas limitée à la compétence de la juridiction dans laquelle il est implanté. Le service informe les personnes sur les procédures qui les concernent et reçoit de leur part des actes afférents à ces procédures. »
II. – L’article 48-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le dixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elles sont également accessibles aux agents de greffe du service d’accueil unique du justiciable prévu à l’article L. 123-3 du code de l’organisation judiciaire et pour les seuls besoins de fonctionnement de ce service, sous réserve qu’ils aient été habilités à cette fin dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
2° (nouveau) Au onzième alinéa, après la référence : « 706-108 », sont insérés les mots : « du présent code ».
III. – Le dernier alinéa de l’article 13 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifié :
1° Aux première et deuxième phrases, après le mot : « peut », sont insérés les mots : « déposer ou » ;
2° La première phrase est complétée par les mots : « ou, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, auprès d’un agent de greffe d’une juridiction de l’ordre judiciaire ».
Mme la présidente. L'amendement n° 221, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il est institué un service d'accueil unique du justiciable dont la compétence s'étend au-delà de celle de la juridiction où il est implanté.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement vise à réintroduire dans sa version initiale la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 2.
Je demande au Sénat de bien vouloir permettre qu’y soit rétabli le mot « compétence », que la commission a remplacé par « mission ».
Nous souhaitons que ce service d’accueil unique du justiciable, ou SAUJ, une innovation majeure de ce texte, offre à la fois un accès centralisé à la justice et un point d’entrée procédural utile sur l’ensemble du territoire national.
Un justiciable pourra ainsi se présenter dans n’importe quel SAUJ et être informé, orienté et accompagné. Il aura la possibilité de suivre le traitement de son affaire dans toutes ses dimensions. En matière d’ambition pour le XXIe siècle, il est difficile d’aller au-delà !
En remplaçant « compétence » par « mission », vous limitez le champ territorial. Nous souhaitons que la compétence des greffiers affectés à ce service d’accueil unique du justiciable s’étende au-delà de celle de la juridiction dans laquelle le service est implanté. Cette différence de vision nous conduit à solliciter votre vote pour rétablir le texte dans sa rédaction initiale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Mme la garde des sceaux est convaincante, et j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je m’étais réjoui que la commission ait adopté un amendement que j’avais proposé, et je me réjouis aujourd’hui que la commission émette un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement.
Toutefois, madame la garde des sceaux, j’ai besoin d’une précision relative à la procédure.
Aujourd’hui, un père de famille qui voudrait modifier le montant de la pension alimentaire qu’il doit payer parce que les enfants sont chez leur mère, qui ne réside pas au même domicile, ou qui souhaite demander une modification du droit de visite, voire de la résidence alternée, doit saisir un tribunal qui ne se situe pas à proximité de chez lui. Pourra-t-il déposer cet acte, ou un autre relatif à une autre procédure, au SAUJ du tribunal le plus proche de son domicile, en interrompant ainsi les délais ?
M. Jacques Bigot. Si c’est le cas, alors votre rédaction est exacte. J’avais besoin de cette précision importante dans la mesure où il s’agit d’une révolution judiciaire, utile pour les justiciables. Je le disais hier, nous sommes dans la justice du XXIe siècle, laquelle met à profit les systèmes informatiques.
Mme la présidente. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Bertrand, Collombat et Guérini, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer les mots :
et reçoit de leur part des actes afférents à ces procédures
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. L’institution du service d’accueil unique du justiciable est une excellente mesure. Le texte précise que sa mission n’est pas limitée à la compétence de la juridiction dans laquelle il est implanté. Au deuxième alinéa de l’article 2, il est indiqué ensuite : « Le service informe les personnes sur les procédures qui les concernent et reçoit de leur part des actes afférents à ces procédures ».
Ces quelques mots posent tout de même question. Dans nos palais de justice, madame la garde des sceaux, il est traditionnellement écrit sur les portes des greffes : « Il est interdit aux greffiers de donner des renseignements. » Ces temps ne sont pas si anciens, puisque de telles inscriptions existent encore !
Le problème que nous soulevons découle du fait que le SAUJ puisse recevoir des actes afférents aux procédures. On peut, bien sûr, apporter au SAUJ une convocation ou une citation, en demandant des informations, mais jusqu’où va-t-on ?
Le Gouvernement envisage-t-il que le SAUJ intervienne dans les aiguillages de procédure ?
La question mérite d’être posée, la rédaction actuelle ne fermant aucune possibilité, y compris l’éventuelle responsabilité de ceux qui recevront ces actes de procédure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement revient sur l’une des innovations essentielles du SAUJ. Ce nouveau greffe de proximité permet en effet au justiciable de déposer tout acte relatif à une procédure le concernant, quelle que soit par ailleurs la juridiction compétente pour en connaître.
Ne souhaitant pas remettre en cause cette avancée, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Permettez-moi de rappeler la finalité du service d’accueil unique du justiciable, qui offrira un point d’entrée de proximité pour tous les contentieux, quelle que soit la juridiction dont ils relèvent.
L’article 2 introduit de plus une modification du code de procédure pénale permettant aux greffiers du service d’accueil unique du justiciable d’accéder à l’applicatif Cassiopée, réservé aujourd’hui aux seuls greffiers des tribunaux compétents pour chaque contentieux.
Ainsi, tout justiciable pourra se tourner vers le site judiciaire le plus proche de son domicile, même s’il s’agit d’un conseil de prud’hommes et que son contentieux concerne un tribunal d’instance ou un tribunal de grande instance.
J’entends votre interrogation, monsieur Mézard, mais sans la possibilité pour les justiciables de déposer les actes nécessaires à l’engagement d’une procédure, l’action de ce service d’accueil unique serait en quelque sorte bloquée, neutralisée dès l’étape d’après.
La complexité de l’institution judiciaire, qui est normale et même nécessaire compte tenu du nombre important de contentieux et de la diversité des procédures, pèse aujourd’hui sur le justiciable. Par exemple, pour un contentieux supérieur à 4 000 euros, il n’est pas rare qu’un justiciable perde une journée de congé en se présentant seul devant le tribunal d’instance. L’institution judiciaire considère qu’il est censé savoir que sa démarche relève du tribunal de grande instance et que le ministère d’avocat est obligatoire.
Le service d’accueil unique du justiciable permet de neutraliser cette complexité, d’en faire notre affaire à nous, institution judiciaire. Le justiciable n’a pour sa part qu’à solliciter le site judiciaire le plus proche de chez lui. Or pour que ce dispositif soit pleinement efficace, il faut que le justiciable puisse ensuite déposer les pièces qui vont nourrir sa procédure auprès de ce service d’accueil unique.
Monsieur le président Mézard, je sais à quel point vous êtes attaché à ce que l’accès à la justice soit réel, et non virtuel ni partiel. C’est pour cette raison, et pour éviter les conséquences néfastes que je viens d’indiquer, que je vous invite à retirer cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l'amendement n° 20 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, cette conjonction des forces du Gouvernement, de la commission et du groupe majoritaire est difficile à contrer !
Je répète néanmoins que la rédaction actuelle de l’alinéa 2 génèrera inéluctablement des problèmes pratiques. Pourquoi n’avoir pas écrit : « et peuvent recevoir de leur part les actes afférents à ces procédures », plutôt que : « et reçoit de leur part des actes afférents à ces procédures » ?
Est-ce que cela veut dire que tous les actes découlant des procédures peuvent être remis au SAUJ, dans le respect des délais et contre récépissé ?
On reproche souvent à la loi son caractère « bavard », et il m’arrive aussi parfois de mal rédiger mes amendements. Toutefois, en dépit du visa très positif du rapporteur et de la commission des lois, je maintiens que la rédaction retenue risque de poser un certain nombre de problèmes concrets.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, retirez-vous finalement cet amendement ?
M. Jacques Mézard. Comme je serai battu, autant renoncer à l’acharnement thérapeutique !
L’un de nos collègues socialistes a déploré tout à l’heure que la procédure accélérée ait été engagée sur ce texte. Comme nous l’avons vu ce matin en commission, nous n’avons pas le temps de faire du travail utile sur ce type de sujets techniques. Eh bien, continuez !
Je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 20 rectifié est retiré.
L'amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le douzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elles sont directement accessibles aux avocats s’agissant des dossiers dont ils ont la charge. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Nous proposons d’insérer un alinéa visant à octroyer aux avocats les mêmes droits d’interrogation de la base de données du bureau d’ordre national automatisé des procédures judiciaires « Cassiopée » que les agents du greffe. Cela faciliterait les choses, mais ce serait tellement pratique qu’on va sans doute me demander de retirer cet amendement ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Je m’empresse de rassurer notre collègue Mézard sur l’intérêt que nous portons à l’amendement qu’il nous présente !
L’accès à l’application pénale Cassiopée est évidemment très réglementé. L’idée est intéressante, mais sa mise en œuvre est-elle envisageable, sachant que seuls des agents spécialement habilités peuvent aujourd’hui accéder à Cassiopée ?
Sur cet amendement, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président Mézard, personne n’a jamais exprimé l’idée que vos propositions seraient d’ordre purement pratique et qu’elles ne mériteraient pas intérêt. Au contraire, voyez les débats qu’elles suscitent ! Vous soulevez des questions de fond, des sujets souvent lourds de conséquences que je veille à prendre le temps d’expliciter, quitte parfois à vous importuner avec un excès de précisions, de détails ou d’analyses.
Vous proposez de permettre aux avocats d’accéder à Cassiopée. Cela m’étonne un peu, car je sais que vous êtes très attentif à la préservation des données personnelles.
Cassiopée est un applicatif qui collecte toute une série d’informations très personnelles concernant les auteurs, les victimes et les témoins impliqués dans un dossier. Cela pose la question de la qualité des personnes qui y ont accès et de l’usage qui est susceptible d’être fait de ces informations.
Les avocats disposent déjà de toutes les pièces concernant leurs dossiers au fur et à mesure du déroulement de l’enquête ou de l’information, mais il ne me semble pas envisageable de leur donner un accès direct à toutes les données collectées dans Cassiopée sans prendre les précautions nécessaires afin de maîtriser l’usage qui pourra en être fait.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l'amendement n° 29 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Dans le cadre de l’acharnement thérapeutique que je citais, je vais retirer mon amendement.
Je rappelle simplement que les avocats sont des auxiliaires de justice ayant prêté serment, et je constate à regret le fossé considérable qui existe entre la magistrature et les modestes, très modestes auxiliaires de justice !
Mme la présidente. L'amendement n° 29 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
5
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
Mme la présidente. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation parlementaire du Sénat du royaume du Cambodge, conduite par M. Chea Cheth, président de la commission des finances. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Le séjour d’études en France de la délégation, qui s’inscrit dans le cadre du programme annuel de coopération conclu entre nos deux assemblées, porte cette année principalement sur les thématiques des finances publiques et des collectivités territoriales.
En outre, la délégation est accueillie par notre collègue Vincent Eblé, au nom du groupe d’amitié France-Cambodge.
Nous formons tous le vœu que ce séjour d’études soit profitable à l’ensemble de la délégation, et souhaitons à nos collègues cambodgiens la plus cordiale bienvenue ! (Applaudissements.)
6
Justice du XXIe siècle
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle.
Nous poursuivons l’examen du texte de la commission.
Articles additionnels après l'article 2
Mme la présidente. Les amendements nos 83 et 82, présentés par MM. Rachline et Ravier, ne sont pas soutenus.
Titre II
FAVORISER LES MODES ALTERNATIFS DE RÈGLEMENT DES LITIGES
Mme la présidente. L'amendement n° 240, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans l'intitulé de cette division, remplacer le mot :
litiges
par le mot :
différends
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l’intitulé du titre II est ainsi modifié.
Article 3
À peine d’irrecevabilité que le juge peut relever d’office, la saisine de la juridiction de proximité ou du tribunal d’instance selon les modalités prévues à l’article 843 du code de procédure civile doit être précédée d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, sauf :
1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;
2° Si les parties justifient d’autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ;
3° Si l’absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime ;
4° Si cette tentative de conciliation risque, compte tenu des délais dans lesquels elle est susceptible d’intervenir, de porter atteinte au droit des intéressés d’avoir accès au juge dans un délai raisonnable.
Mme la présidente. L'amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement vise à supprimer l’article 3.
Il me paraît très excessif, dans ce cas, de prévoir que le juge peut relever d’office l’irrecevabilité.
Depuis des années, quel que soit le gouvernement – y compris quand notre collègue Michel Mercier était, lui aussi, un excellent garde des sceaux (Sourires.) –, j’essaie d’être constant dans mes positions. Tout le monde ne peut pas en dire autant dans cette enceinte !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Qui cela vise-t-il ?
M. Jacques Mézard. Personne ! C’est une déclaration de principes, et il m’arrive également de me tromper…
Que dit l’article 829 du code de procédure civile ? « Devant le tribunal d’instance et la juridiction de proximité, la demande en justice est formée par assignation à fin de conciliation et, à défaut, de jugement, sauf la faculté pour le demandeur de provoquer une tentative de conciliation avant d’assigner. »
On veut aujourd'hui développer la conciliation. Je rappelle simplement que, aux termes du code de procédure civile actuel, la demande en justice, pour ce qui concerne le tribunal d’instance, est formée par assignation à fin de conciliation.
D’après l’étude d’impact – il arrive en effet d’y trouver des éléments intéressants, non pas pour ce qui concerne les réformes territoriales, mais en matière de justice –, la pratique de la conciliation et de la médiation judiciaire représente en moyenne moins de 1 % des affaires ; elle est donc tout à fait limitée. Aujourd’hui, les juges d’instance ne font plus de conciliation ; telle est la réalité de terrain. Même si le code de procédure civile le prévoit, on n’y a malheureusement plus recours. Dire que le juge pourra prononcer, même d’office, une irrecevabilité me paraît dangereux pour la défense des intérêts des justiciables. Cela me fait penser aux irrecevabilités qui viennent entraver excessivement le travail de la commission des lois.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement est contraire à la position de la commission, qui n’a pas souhaité revenir sur l’obligation, prévue par le projet de loi, de tenter une conciliation préalable avant de saisir le tribunal d’instance ou la juridiction de proximité pour les litiges d’un montant inférieur à 10 000 euros.
Les exceptions prévues par le dispositif permettent de préserver le droit d’accès à un juge. Si la tentative de conciliation ne peut intervenir dans un délai raisonnable, apprécié par le juge, elle ne sera pas mise en œuvre.
Par ailleurs, je crois savoir qu’un juge peut très bien faire de la conciliation.
M. Jacques Mézard. Mais c’est la loi !
M. Yves Détraigne, rapporteur. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Mézard, le Gouvernement est défavorable à cet amendement de suppression de l’article 3, pour la simple raison qu’il est très attaché à cet article, essentiel pour introduire un mode alternatif de règlement des litiges.
Il s’agit de petits litiges du quotidien, de proximité, pour lesquels la demande de dommages est plafonnée à 4 000 euros. D’ailleurs, les juridictions qui peuvent être saisies sont les juridictions de proximité et les tribunaux d’instance.
Nous voulons favoriser la conciliation et la médiation. Si on se contente de le dire, sans mettre en place un dispositif incitant les gens à y recourir, nous nous contentons de former un vœu pieux.
Nous vivons tous dans le même pays, nous savons ce qui se passe depuis pratiquement une vingtaine d’années : l’autorité judiciaire est sollicitée pour des litiges, qui, jusque-là, trouvaient une solution sociale, dans le cadre d’un dialogue. Aujourd'hui, le moindre conflit de voisinage finit au tribunal, alors que les gens, pendant des années, ont su se parler pour régler ce type de conflits. Pour un problème de paiement du loyer, les gens se parlaient et trouvaient un arrangement. Aujourd'hui, on saisit systématiquement la justice.
Vous-mêmes avez évoqué plusieurs fois ici, mesdames, messieurs les sénateurs, une « judiciarisation » de la société. Une partie de cette judiciarisation est fondée : elle s’explique par les litiges nés d’activités économiques et industrielles diverses, qui justifient que le juge s’en mêle.
Pour autant, certains litiges s’enracinent simplement dans notre vie commune. En vivant ensemble, nous pouvons nous déranger ou nous importuner les uns les autres. Bien évidemment, cela ne vous arrive pas, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je sais que vous êtes en mesure de faire l’effort intellectuel vous permettant de comprendre que cela fait partie de la vie quotidienne. (Sourires.) Ce que nous souhaitons, c’est recommencer à élaborer des réponses communes à ces difficultés quotidiennes. Et si la réponse ne peut pas être apportée dans le cadre de la conciliation, l’accès au juge est maintenu.
D’ailleurs, cet article 3 lui-même prévoit des dérogations à la tentative de conciliation. C’est le cas si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord, si les parties justifient d’autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, si l’absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime et, enfin, si cette tentative de conciliation risque, compte tenu des délais dans lesquels elle est susceptible d’intervenir, de porter atteinte au droit des intéressés d’avoir accès au juge dans un délai raisonnable.
La conciliation me semble donc correctement encadrée pour accomplir son office, à savoir encourager le règlement amiable de litiges, dont on sait, je le disais hier, qu’il est mieux accepté et a un effet plus durable, car il est construit et élaboré par les deux parties.
Nous souhaitons donc favoriser ce règlement amiable, sans entraver l’accès au juge. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons prévu ces dérogations. Nous sommes sûrs que la société y gagnera, notamment en termes de dialogue social et de cohésion sociale, ce qui n’est pas à nos yeux une conséquence insignifiante.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je maintiens cet amendement, même si je n’ai pas beaucoup d’espoir quant au sort qui lui sera réservé, au vu de la conjonction des deux grandes forces en présence.
Je crois vraiment que l’adoption de cet article ne serait pas dans l’intérêt du justiciable. En effet, la conciliation est aujourd'hui de droit. Vous voulez absolument passer par le conciliateur de justice : je n’ai rien contre lui, mais il ne remplacera jamais un juge d’instance compétent – ils le sont tous – qui veut faire de la conciliation. Je rappelle en outre que, en vertu des articles 830 et suivants du code de procédure civile, le juge d’instance peut déléguer au conciliateur.
On voit bien quel est l’objectif de cet article : il s’agit d’éviter le contentieux, y compris celui qui devrait d’abord faire l’objet d’une conciliation au sein du palais de justice. Vous voulez donc sortir les affaires du palais de justice. Ce n’est pas un progrès, je ne suis d’ailleurs pas le seul à le penser, même si je n’arrive pas à me faire entendre ici.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai voté un certain nombre des amendements que vous avez déposés, monsieur Mézard. Ils avaient le mérite de mettre l’accent sur des problèmes réels, en particulier votre amendement précédent. En effet, s’il est opportun de pouvoir engager, devant n’importe quel tribunal, un certain nombre de procédures, avec des documents qui peuvent être versés au dossier, cela fait également naître une lourde responsabilité.
Toutefois, s’agissant de l’amendement n° 26 rectifié, je ne vous suis pas, mon cher collègue. Je comprends bien les raisons que vous avancez. Néanmoins, comme vient de le dire Mme la ministre, nous sommes confrontés à une judiciarisation croissante de la société. Je suis frappé par le fait qu’on voit les gens se retrouver devant les tribunaux pour quantité de litiges – tous les élus locaux et tous ceux qui sont sur le terrain le savent bien – liés à des histoires de clôture, de murs mitoyens, de coqs qui font trop de bruit ou de cloches qui sonnent : les gens ne se parlent plus, les conflits s’enveniment…
Pour ma part, je partage la solution préconisée par Mme la ministre de la justice. Il s’agit de faire en sorte qu’un certain nombre de litiges ne soient plus forcément traités par les tribunaux, de manière à ce que ces derniers se concentrent sur les litiges plus importants pour lesquels leur intervention est nécessaire.
Par ailleurs, les justiciables pourront toujours accéder au juge. N’oublions pas non plus qu’une telle mesure concerne les litiges, nombreux, pour lesquels la condamnation ne peut excéder 4 000 euros.
Je le rappelle, la conciliation ne peut aboutir que s’il y a accord entre les parties. Dans la mesure où nul n’est obligé d’accepter une conciliation, ces dispositions ne ferment la porte du juge à personne. Soyons extrêmement clairs sur ce point.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez raison, madame la présidente.
Mme la présidente. Il y a un règlement !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez raison de le faire appliquer. Sans cela, c’est l’anarchie ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je serai bref. Nous devons regarder les choses dans leur ensemble. Le texte qui nous est présenté aujourd'hui par le Gouvernement renforce considérablement, sans le mentionner de façon expresse, le champ de compétences du tribunal de grande instance, au détriment d’ailleurs du tribunal d’instance.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est clair !
M. Michel Mercier. Je n’ai pas dit que c’était mal, monsieur Sueur, j’aurais même souhaité que l’on fusionne ces deux tribunaux !
Vous nous avez toutefois expliqué, madame la garde des sceaux, qu’une telle solution n’était pas envisageable à l’heure actuelle.
Le tribunal d’instance aura donc moins de litiges à régler, c’est l’objet même du texte qui nous est soumis. Il aura plus de temps pour la conciliation et deviendra ainsi le grand spécialiste de la conciliation de la vie quotidienne, compte tenu des compétences qui lui resteront. Il y a donc tout intérêt à développer, comme le disait M. Mézard, les dispositions des articles 829 et suivants du code de procédure civile, qui disposent d’ores et déjà que la conciliation est de droit commun avant le jugement.
Mme la présidente. L'amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
À peine d’irrecevabilité que le juge peut soulever d’office,
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il s’agit, en quelque sorte, d’un amendement de repli.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous devons saluer la constance de M. le président Mézard : il a de la suite dans les idées !
Cet amendement s’inscrit dans la continuité de la pugnacité qu’il a démontrée à l’occasion de la défense de l’amendement précédent.
Le Gouvernement se doit d’être à la hauteur de cette pugnacité : il émet donc un avis défavorable. (Sourires.)
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l’amendement n° 30 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. De nouveau, le Gouvernement plus la commission, cela fait beaucoup pour un seul homme ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Oui, madame la garde des sceaux… (Nouveaux sourires.)
Mais je vous donne rendez-vous à l’épreuve de l’expérience !
J’ai passé, comme d’autres, quelques décennies dans les tribunaux d’instance ; je sais donc, comme d’autres – je ne prétends pas en savoir plus qu’un autre – comment fonctionne la conciliation.
L’article 3 prévoit que la saisine de la juridiction doit être précédée d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, sauf dans un certain nombre de cas.
M. Jacques Mézard. Certes, mais nous connaissons le principe des dérogations… Je m’apprête d’ailleurs à vous en parler en défendant l’amendement suivant.
Je pense que l’obligation de recourir à la conciliation n’est pas une bonne chose ; vous n’êtes pas de cet avis.
Je suis un démocrate, je m’incline donc et retire cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 30 rectifié est retiré.
L'amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Guérini et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à supprimer l’alinéa 3 de l’article 3.
Cet article prévoit, à peine d’irrecevabilité, que le juge peut relever d’office l’obligation de recourir à un conciliateur de justice – quid, d’ailleurs, de la situation où aucun conciliateur n’est disponible ? –, sauf si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord, et sauf – c’est l’objet de mon amendement – « si les parties justifient d’autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ».
On peut tout faire dire à la loi, mais, concrètement, quelles sont ces « diligences » ? Cette exigence de justification n’est pas réaliste. À supposer que ces diligences soient effectuées, elles l’auront été par l’intermédiaire, notamment, des conseils des parties. Je ne vois pas très bien comment cela pourrait fonctionner.
C’est le juge d’instance qui aura pour tâche d’apprécier si « d’autres diligences » ont été entreprises. Lesquelles ? Ce n’est pas précisé. Eh bien, continuons comme cela !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La commission a considéré que la disposition visée ne posait pas de difficulté. Si les parties ont eu recours à un médiateur ou si le différend a fait l’objet d’une convention de procédure participative, on imagine sans peine que ces informations puissent être justifiées et portées à la connaissance du juge.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous connaissons tous le principe de l’amendement de repli.
M. Jacques Mézard. Vous en avez fait vous-même grand usage !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Bien entendu, lorsque j’étais moi-même parlementaire ! Il s’agit d’un principe loyal, qui permet d’aller au fond des difficultés et d’approfondir le débat.
Une fois posés, au moment de l’examen du premier amendement de la série, les linéaments du débat, nous pourrions nous contenter, sur tous les amendements de repli, d’émettre de manière lapidaire un avis défavorable. Une telle réponse serait expéditive et discourtoise. Cela ne veut pas dire, pour autant que nous soyons tenus de refaire le débat dans son intégralité à propos de chaque amendement.
La disposition que vous souhaitez supprimer est importante : elle introduit une autre culture, une autre démarche, que nous souhaitons précisément promouvoir, tandis que vous la contestez à travers la succession d’amendements que vous défendez, monsieur le sénateur.
L’article 3 ne tend d’ailleurs qu’à développer les dispositions de l’article 829 du code de procédure civile, auquel il a été fait référence.
Vous dites que le juge d’instance devra se débrouiller pour apprécier la réalité des diligences entreprises, au motif que la nature de ces diligences ne serait pas précisée. Mais les juges d’instance ont l’habitude d’apprécier les justifications qui leur sont soumises ! Faites-leur donc confiance pour apprécier, par exemple, un échange de lettres entre les avocats des parties, ou tout autre élément tendant à prouver que les parties ont entrepris de parvenir à une résolution amiable de leur litige.
Le 4° de l’article 3 prévoit d’ailleurs une dérogation à ce recours obligatoire à la conciliation, au cas où la tentative de conciliation risque de porter atteinte au droit des intéressés d’avoir accès au juge dans un délai raisonnable.
Le Gouvernement prend acte, monsieur le président Mézard, de notre désaccord fondamental sur la démarche. Le reste – suppression d’un alinéa, d’un quart d’alinéa, de la totalité de l’article – relève de la cohérence et de la logique de votre position. Le refus de ces suppressions, partielles ou totales, relève, de la même façon, de la cohérence et de la logique du Gouvernement.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l'amendement n° 31 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Il m’arrive, madame la ministre, de m’interroger sur la cohérence et sur la logique du Gouvernement.
Un amendement de repli n’a pas nécessairement pour objet la pure et simple déclinaison d’une démarche qui, quant à elle, serait incohérente.
En l’occurrence, l’objet de cet amendement est justifié, dans la mesure où l’on peut déduire tout et n’importe quoi du 2° de l’article 3.
Celui-ci prévoit une dérogation à l’obligation de recours au conciliateur « si les parties justifient d’autres diligences entreprises ». C’est l’expression d’une volonté pure et simple de déjudiciarisation. Dites-le franchement ! Nous pourrons alors discuter.
Cette déjudiciarisation n’est pas un progrès. Vous évoquiez tout à l’heure l’exemple des troubles de voisinage : je vous assure que l’application par un juge d’instance de l’article 829 du code de procédure civile, c’est-à-dire la mise en œuvre d’une véritable procédure de conciliation, suffit à régler, sans aucun problème et par la voie juridictionnelle, ce type de différends entre nos concitoyens.
Cet article est malheureusement rarement appliqué, par manque de temps ; il constitue pourtant la formule adéquate, déjà disponible, dans ce genre de situations.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, maintenez-vous finalement cet amendement ?
M. Jacques Mézard. Je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
I. – L’ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011 portant transposition de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale est ratifiée.
II. – Le code de justice administrative est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° L’article L. 771-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « transfrontaliers » est supprimé ;
b) Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
3° L’article L. 771-3-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les frais de la médiation sont répartis dans les conditions prévues aux trois premiers alinéas de l’article 22-2 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. » ;
4° Le chapitre Ier ter du titre VII du livre VII est complété par un article L. 771-3-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 771-3-3. – Lorsqu’elle est initiée par les parties, la médiation interrompt les délais de recours. Ces délais courent à nouveau à compter de la date à laquelle soit l’une au moins des parties, soit le médiateur déclare que la médiation est terminée. »
III (Non modifié). – Le chapitre Ier ter du titre VII du livre VII du code de justice administrative est applicable aux juridictions relevant du Conseil d’État qui ne sont pas régies par ce code.
IV. – (Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 195, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° L’article L. 211-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la mission de conciliation est déléguée à un tiers, les conciliateurs exercent leurs fonctions à titre bénévole. » ;
II. – Alinéa 12
Rétablir le IV dans la rédaction suivante :
IV. – Les missions de conciliation confiées à un tiers en application de l’article L. 211-4 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, se poursuivent, avec l’accord des parties, selon le régime de la médiation administrative défini à l’article L. 771-3-1 du même code, à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, sauf lorsqu’elles sont exercées à titre bénévole.
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Le présent amendement a pour objet de préciser la nature du régime de la conciliation par un tiers, qui a été supprimé dans le texte de la commission des lois.
Le présent amendement prévoit tout d’abord que, lorsque la mission de conciliation est déléguée à un tiers, les conciliateurs exercent leurs fonctions à titre bénévole.
À l’instar de ce qui existe déjà pour la procédure civile – article 1er du décret n° 78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice –, il est ainsi prévu que, s’agissant de la justice administrative, la conciliation, à la différence de la médiation, est gratuite. Cela permet de différencier plus clairement médiation et conciliation, tout en renforçant l’accessibilité de la procédure de conciliation par un tiers en s’inspirant de la procédure civile.
En outre, le II du présent amendement vise à rétablir et à compléter le IV de l’article 4, relatif aux dispositions transitoires et supprimé dans le texte de la commission. Il prévoit ainsi que les conciliations en cours, si elles ne sont pas exercées à titre bénévole, se poursuivent selon le régime de la médiation défini par le code de justice administrative.
Je voudrais insister sur l’importance de ces dispositions relatives à la conciliation. J’ai entendu beaucoup de critiques sur l’ensemble du projet de loi, qui visaient son manque d’ambition et reprochaient à ses auteurs de procéder par toutes petites touches.
En l’occurrence, l’élargissement du champ de la conciliation est l’exemple d’un véritable progrès pour le fonctionnement de notre système de justice. Ses bénéfices sont patents : il permettra non seulement de désengorger nos tribunaux, mais aussi de rendre la justice plus accessible et plus intelligible à nos concitoyens. D’aucuns jugent ces mesures trop timides ou limitées, mais il s’agit d’une orientation réellement nouvelle et importante, que nous devons soutenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Je vous rassure, madame Tasca : la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’avis est également favorable.
La conciliation peut être assurée par un juge ou par un tiers ; cet amendement tend à préciser que, dans les cas de conciliation par un tiers, celui-ci intervient à titre bénévole – par différence avec la médiation, qui est exercée à titre onéreux.
Cette distinction était déjà claire s’agissant de la justice judiciaire ; cette clarification était nécessaire en matière de justice administrative.
Merci d’avoir pensé à introduire cette amélioration dans le texte.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Le titre XVII du livre III du code civil est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article 2062 est ainsi rédigé :
« La convention de procédure participative est une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige. » ;
2° L’article 2063 est ainsi modifié :
a) Au 3°, après les mots : « du différend », sont insérés les mots : « ou à la mise en état du litige » ;
b) Il est ajouté un 4° ainsi rédigé :
« 4° Le cas échéant, les actes contresignés par avocats que les parties s’accordent à établir. » ;
« Un décret en Conseil d’État détermine les actes de procédure, prévus au 4° du présent article, que les parties peuvent s’accorder à établir. » ;
3° À la première phrase du premier alinéa de l’article 2065, après le mot : « participative », sont insérés les mots : « conclue avant la saisine d’un juge » ;
4° Au deuxième alinéa de l’article 2066, après le mot : « convention », sont insérés les mots : « conclue avant la saisine d’un juge ».
Mme la présidente. L'amendement n° 142, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. L’article 5, que nous proposons de supprimer, tend à étendre le champ de la procédure participative, jusqu’alors limité à la recherche d’une résolution amiable d’un conflit qui n’a pas encore donné lieu à la saisine du juge, en autorisant la conclusion d’une convention de procédure participative lorsque le juge est déjà saisi.
Inspirée du droit collaboratif anglo-saxon, la procédure participative permet à chaque partie, assistée de son avocat, de rechercher une solution amiable avant tout procès. Nous déplorons l’influence croissante du droit anglo-saxon sur notre système juridique.
Nous refusons cette extension de la procédure participative, qui visera non seulement le fond, mais aussi la mise en état du litige, de la même manière que nous nous opposons à la création de l’acte de procédure d’avocat permettant aux parties d’accomplir les actes d’enquête civile entre avocats en dehors de la présence du juge.
La privatisation du contentieux induite par cette mesure aurait pour effet de créer une justice à deux vitesses et d’écarter le juge d’un grand nombre de procédures. Or, comme le souligne notamment le Syndicat de la magistrature, l’équilibre entre les parties dans la recherche et le contenu de l’accord doit être garanti et, pour cela, le juge doit rester l’acteur principal du mode alternatif de résolution des litiges.
En outre, l’autre syndicat principal de magistrats, l’USM – l’Union syndicale des magistrats –, s’interroge sur l’utilité de telles dispositions qui, au contraire, sont susceptibles d’avoir des conséquences négatives sur la durée des procédures.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Comme cela vient d’être expliqué, cet amendement vise à supprimer le dispositif d’extension du champ de la convention de procédure participative. Il est clairement contraire à la position de la commission, qui n’a pas souhaité supprimer cette disposition du projet de loi.
Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est, bien entendu, défavorable à la suppression de l’article 5, qu’il a rédigé avec tout le soin nécessaire.
La procédure participative existe déjà, madame Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. En effet !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je me permets d’insister sur ce point, car, à la fin de votre intervention, vous avez évoqué un autre article du texte, relatif à l’acte de procédure d’avocat.
En l’état actuel du droit, une fois le juge saisi, il n’est plus possible de modifier la convention de procédure participative. Nous souhaitons, à travers l’article 5, autoriser sa conclusion après la saisine du juge, préciser qu’elle peut contribuer à la mise en état du litige et, enfin, autoriser par son intermédiaire la conclusion d’actes contresignés par avocat.
Nous tenons à cet article. Il s’inscrit pleinement dans les logiques de conciliation et de médiation, qui sont aussi des façons d’élaborer, ensemble, des solutions.
J’ai entendu les accusations de déjudiciarisation. Une mise au point s’impose : voilà trois ans, lorsque je suis arrivée aux responsabilités, parmi les premières revendications qui m’ont été soumises figurait la nécessité de déjudiciariser toute une série de contentieux, notamment le contentieux familial. Dans le premier projet de loi d’habilitation que je vous ai présenté, qui comportait des dispositions sur la simplification du droit et des règles d’administration légale, nous avions prévu d’insérer un article aux fins d’habiliter le Gouvernement à déjudiciariser un certain nombre de contentieux, dont le contentieux familial. J’ai pris sur moi de supprimer cet article, c’est-à-dire que le texte qui vous est parvenu ne comportait aucune demande d’habilitation en ce sens.
Depuis, je n’utilise pas le terme de « déjudiciarisation ». Nous avons approfondi le sujet lors du débat national qui s’est tenu à l’UNESCO durant deux jours, en janvier 2014 – les parlementaires qui ont participé à ce débat s’en souviennent sans doute. Mon souci est de lever toute ambiguïté : la démarche ne consiste pas à déjudiciariser, c’est-à-dire à exclure le juge du règlement des litiges, mais à favoriser le dialogue, la conciliation et la médiation.
Nous voulons faire en sorte que le juge ne soit saisi que des éléments de conflit réel. Aujourd’hui, le juge reçoit toute la masse du contentieux, alors qu’on ne devrait logiquement lui confier que les affaires relevant véritablement d’une décision de magistrat.
Pour ma part, je n’utilise pas ce terme de déjudiciarisation : en effet, il ne s’agit pas d’exclure ces contentieux du cadre juridique ou judiciaire, mais d’introduire de la fluidité, de permettre l’élaboration de solutions construites ensemble, de faire en sorte que la société mobilise toutes ses capacités de dialogue et que seuls les véritables conflits soient réservés au juge.
Lorsque nous affirmons vouloir recentrer les magistrats et les greffiers sur leurs missions juridictionnelles, cela signifie, par exemple, que le juge ne sera plus obligé de constater une absence de désaccord sur les biens successoraux.
La démarche est donc claire. Elle ne consiste pas à éliminer le juge, mais à lui réserver ce qui relève d’une décision juridictionnelle. C’est dans cet esprit que nous avons conçu et rédigé cet article 5.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement de suppression.
Mme la présidente. Deux avis défavorables : madame Cukierman, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Cécile Cukierman. Je le rappelle, ce que nous mettons en cause, c’est l’extension, trop importante à nos yeux, de la procédure participative, et le fait que l’on autorise la conclusion d’une telle convention lorsque le juge est déjà saisi.
Nous connaissons bien évidemment la réalité, mais la volonté de se rapprocher du droit collaboratif anglo-saxon nous dérange, de même qu’elle inquiète aussi un certain nombre d’organisations au sein de la profession.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je soutiens cet amendement de suppression. Mme Cukierman vient de rappeler, à juste titre, que cette procédure participative s’inspirait du droit collaboratif nord-américain. Ce n’est pas une tare. Nous avons déjà échangé dans cette enceinte lors de la mise en place de cette mesure et je me souviens que, à l’époque, le CNB, le Conseil national des barreaux, tenait beaucoup à cette procédure, de même qu’à l’acte d’avocat.
Je vous renvoie, mes chers collègues, à la page 41 de l’excellente étude d’impact du présent projet de loi. Cette procédure a été créée en 2010 et les premières statistiques disponibles datent de 2013 : on ne dénombrait alors que sept demandes d’homologation d’un accord participatif devant un tribunal de grande instance, trente-deux devant un tribunal d’instance et aucune devant une cour d’appel. Tout cela pour ça, ce n’était pas la peine !
Vous souriez, madame le garde des sceaux, car au fond mon raisonnement ne vous surprend guère. Il est tout de même nécessaire de mettre en place des procédures qui servent à quelque chose ! Mme Cukierman a relevé, à raison, que l’accès à la procédure participative sera sans doute réservé à une certaine élite. Voilà la réalité des faits. L’objectif est, bien évidemment, de faire sortir un maximum de dossiers des palais de justice et d’obtenir éventuellement, par la suite, une homologation par le juge. Mais le résultat est si maigre pour l’instant !
À l’époque, en 2010, nous avions soutenu, de ce côté-ci de l’hémicycle, que cette procédure ne constituait pas une avancée. Aujourd’hui, certains ont changé d’avis, et ils affirment désormais que celle-ci est tellement utile et efficace qu’elle mérite d’être étendue. Je pensais, quant à moi, que l’extension d’une procédure ne se justifiait que lorsqu’elle était un succès…
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je ne soutiendrai pas cet amendement. Les choses évoluent et le législateur se doit, selon moi, d’accompagner cette évolution en fixant un cadre.
Nous avons débattu tout à l’heure de la présence des associations d’avocats médiateurs, soulignant combien la profession d’avocat évoluait. Si l’on avait dit aux avocats, voilà trente ou quarante ans, qu’un jour ils trouveraient un intérêt à être aussi des médiateurs, ils ne l’auraient probablement pas cru.
De même, on sait aujourd’hui que la profession d’avocat vit mieux du conseil qu’elle ne vit du contentieux. Peu à peu, elle évolue vers cette idée, qui intéresse aussi le justiciable, que son rôle consiste à fixer le cadre des désaccords et à trouver des points d’accord, puis à aller voir le juge, si nécessaire, pour qu’il tranche les différends.
Dans le domaine commercial, de plus en plus souvent, on se dit qu’il vaut mieux recourir à l’arbitrage que s’engager dans des procédures complexes. Je ne prétends pas que l’arbitrage soit systématiquement la solution, mais il existe aujourd’hui une façon nouvelle d’aborder les contentieux, et la convention de procédure participative doit en faire partie.
Fixons les cadres et nous verrons bien, ensuite, ce que la pratique en fera. Moi-même, dans certains domaines, avant de terminer ma carrière – je suis aujourd’hui avocat honoraire –, j’ai utilisé l’acte de procédure d’avocat, y compris en prélude à des procédures de divorce. Quand les époux savent qu’ils vont se séparer, mais qu’ils ne veulent pas établir une convention de divorce par acte notarié, car ce n’est pas le moment de vendre l’immeuble qu’ils possèdent en indivision, tout cela est utile.
Les choses évoluent ; ne donnons pas le sentiment que le législateur n’est pas capable d’évoluer !
Mme la présidente. L’amendement n° 196, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle est conclue pour une durée déterminée.
II – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article 2066 du code civil, il est inséré un article 2066–… ainsi rédigé :
« Art. 2066 – Au terme de la convention de procédure participative, si les parties ne parviennent pas à un accord, les parties doivent procéder au retrait du rôle. À défaut de retrait dans les deux mois, le juge peut ordonner ce retrait. »
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. C’est un amendement technique.
Je ne reviendrai pas sur l’intérêt de la convention participative, mais, comme nous sommes dans le cadre d’une saisine éventuelle d’un juge par les parties, il peut être techniquement utile que le dépôt de conventions de procédure participative n’engorge pas inutilement le rôle des juridictions.
Tout l’intérêt de l’amendement est de fixer un délai au terme duquel la procédure doit avoir abouti. À défaut, les parties doivent la retirer du rôle, le juge pouvant aussi décider lui-même de la retirer ou constater sa péremption.
En outre, cette mesure n’est pas inutile pour les statistiques de fonctionnement du ministère de la justice.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Si nous l’avons bien compris, cet amendement impose aux parties à une convention de procédure participative de retirer leur affaire du rôle de la juridiction si elles ne parviennent pas à un accord.
Cette disposition, contrairement à l’objectif qu’elle poursuit, risque d’accroître les délais de procédure pour les parties qui ont conclu de bonne foi une convention de procédure participative, mais qui n’ont pas réussi à trouver d’accord, puisqu’elles se verraient alors contraintes de retirer leur affaire du rôle.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement contraindrait les parties à retirer l’affaire du rôle du tribunal.
Cette disposition relève plutôt du niveau réglementaire que du niveau législatif.
En outre, la référence à l’alinéa 2 de l’article 2062 du code civil est satisfaite par le texte de la commission.
En conséquence, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Bigot, l'amendement n° 196 est-il maintenu ?
M. Jacques Bigot. Je souhaitais poser cette question très technique. Cela étant, je retire volontiers mon amendement, d’autant que la mesure est peut-être effectivement d’ordre réglementaire.
Mme la présidente. L'amendement n° 196 est retiré.
L'amendement n° 241, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer les mots :
de procédure
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
Mme la présidente. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 2067 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans cette hypothèse, il peut être fait application des dispositions de l’article 1566 du code procédure civile. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement tend à préciser que le juge pourra statuer sur la requête en homologation du divorce avec consentement mutuel, « sans débat, à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties ».
Il s’agit, en l’espèce, de simplifier les démarches relatives au divorce par consentement mutuel, les parties s’étant mises d’accord sur les modalités matérielles de séparation. Le divorce par consentement mutuel est un divorce au cours duquel les époux s’entendent sur la rupture du mariage et sur ses conséquences. Le divorce est réglé par la convention rédigée par les époux et les avocats.
La solution proposée ne fait pas obstacle à ce que le juge entende les parties lorsqu’il l’estime nécessaire.
Les divorces par consentement mutuel représentent plus de 50 % des divorces prononcés. Cette mesure simplifiera la vie de nos concitoyens, tout en permettant de désengorger les tribunaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement vise à permettre l’homologation des conventions de procédure participative conclues par les époux en vue de rechercher une solution consensuelle en matière de divorce ou de séparation de corps.
Cette disposition entre en contradiction avec le deuxième alinéa de l’article 2067 du code civil, non modifié par cet amendement, qui interdit expressément le recours à ce type d’homologation pour les conventions de procédure participatives conclues en matière de divorce et de séparation de corps.
Sur le fond, cette interdiction de l’homologation, posée par la loi du 22 décembre 2010, laquelle a introduit dans le code civil la convention de procédure participative, se justifie par le fait que la procédure de divorce de droit commun peut, seule, apporter les garanties suffisantes en la matière. L’accord des parties, partiel ou total, sera soumis à l’examen du juge, qui vérifiera qu’il ne préjudicie pas aux droits de chacun des époux ni à ceux des enfants.
De plus, lorsqu’elles aboutiront à un accord, ces conventions pourront inciter les parties à choisir un divorce par consentement mutuel, qui fait, pour sa part, l’objet d’une homologation, mais dans des conditions protectrices définies à l’article 232 du code civil, qui permet au juge de s’assurer qu’elles ne préjudicient pas aux intérêts de l’une des parties ou des enfants.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet aussi un avis défavorable, mais juge cet amendement intéressant après le débat que nous venons d’avoir. (Mme Éliane Assassi opine.)
Après avoir longuement défendu la suppression, par voie d’amendement, de la conciliation, présentée comme une entrave à l’accès au juge, et souhaité que celui-ci intervienne dès le début de la procédure, alors que le Gouvernement désirait faciliter l’élaboration de solutions communes, tout en garantissant l’accès au juge en cas d’échec de la conciliation, vous proposez à présent que le juge puisse statuer sans débat et sans entendre les enfants !
Non seulement cet amendement n’est pas conforme au code civil, mais il n’est pas non plus conforme à nos engagements internationaux, notamment à la Convention internationale des droits de l’enfant, la CIDE.
D’un contentieux à l’autre, je constate que votre doctrine varie, alors que la nôtre est stable !
Vous semblez considérer que, en cas de divorce par consentement mutuel, l’accord va de soi. C’est oublier qu’une partie peut être défavorisée et plus vulnérable que l’autre. Voilà pourquoi je tiens à la présence du juge.
J’en reviens à ce que je disais tout à l’heure : il ne peut être question de tout déjudiciariser. Certes, nous pouvons aller très loin dans les règlements à l’amiable, mais, in fine, le juge doit constater que l’accord est bien équilibré. S’il existe une partie plus vulnérable, elle ne doit pas être défavorisée, contrainte ou fragilisée par l’accord.
Je n’ai pas su résister au plaisir de mettre en lumière ces quelques contradictions, mais j’espère que vous me le pardonnerez, monsieur le sénateur, car je l’ai fait en toute cordialité. (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 32 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6
Le titre XV du livre III du code civil est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 2044, après le mot : « parties », sont insérés les mots : « , par des concessions réciproques, » ;
2° L’article 2052 est ainsi rédigé :
« Art. 2052. – La transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les mêmes parties d’une action en justice ayant le même objet. » ;
3° (Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 226, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° Les articles 2047, 2053 à 2058 sont abrogés.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il s’agit de rétablir la suppression des articles 2047 et 2053 à 2058 du code civil relatifs à la transaction, car ils sont superfétatoires par rapport aux fondements mêmes de notre droit des obligations. Le code civil établit déjà le cadre précis dans lequel ces transactions peuvent être effectuées.
En outre, ces articles sont également susceptibles d’introduire de la confusion. Dans une démarche de modernisation et de simplification, nous avons donc estimé qu’il valait mieux les supprimer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement revient à la rédaction initiale du projet de loi. Il est, hélas, contraire à la position de la commission, qui a considéré que les conséquences des abrogations proposées n’étaient pas évaluées, dans la mesure où elles font basculer la transaction dans le régime de droit commun des contrats.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les dispositions spécifiques relatives à la transaction sont maintenues, elles ne font pas partie des articles que nous souhaitons supprimer.
Nous ne proposons d’abroger que des dispositions superfétatoires par rapport au droit commun des contrats ou des obligations, susceptibles d’entraîner des confusions en raison de l’imprécision du vocabulaire.
Le Gouvernement maintient donc sa demande de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Lors de nos travaux en commission, un professeur de droit nous a alertés sur cette volonté de suppression. C’est pourquoi nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement.
Malheureusement, il n’y aura pas de deuxième lecture, en dépit de l’importance des sujets traités dans ce projet de loi. J’espère que l’examen du texte à Assemblée nationale permettra de préciser ce point, de sorte que la commission des lois du Sénat ne s’oppose plus à cette abrogation en commission mixte paritaire.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Le code civil est ainsi modifié :
1° À l’article 1592, le mot : « arbitrage » est remplacé par le mot : « estimation » ;
2° L’intitulé du titre XVI du livre III est ainsi rédigé :
« De la convention d’arbitrage ». – (Adopté.)
7
Candidature à un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de l’aviation civile.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable propose la candidature de M. Jean Bizet. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
8
Justice du XXIe siècle
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle.
Nous poursuivons l’examen du texte de la commission.
Titre III
DISPOSITIONS TENDANT À L’AMÉLIORATION DE L’ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT DU SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE
Chapitre Ier
Dispositions relatives à la compétence matérielle du tribunal de grande instance et du tribunal d’instance
Article 8
I. Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Les chapitres II à IV du code de la sécurité sociale sont remplacés par un chapitre II ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Le tribunal des affaires sociales
« Section 1
« Recours amiable préalable obligatoire
« Art. L. 142-1. – Avant toute saisine du tribunal des affaires sociales, les réclamations formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d’administration de chaque organisme.
« Section 2
« Institution et compétence
« Art. L. 142-2. – Il est créé au siège de chaque tribunal de grande instance un tribunal des affaires sociales, pour connaître en première instance des contestations relatives :
« 1° Au contentieux général de la sécurité sociale ;
« 2° Au contentieux technique de la sécurité sociale ;
« 3° À l’admission à l’aide sociale.
« Le tribunal des affaires sociales est soumis aux dispositions, communes à toutes les juridictions, du livre Ier du code de l’organisation judiciaire.
« Art. L. 142-3. Le contentieux général de la sécurité sociale concerne les litiges relatifs :
« 1° À l’application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, à l’exception des litiges relevant du contentieux technique de la sécurité sociale ;
« 2° Au recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionné au 5° de l’article L. 213-1 du présent code ;
« 3° À l’application de l’article L. 4162-13 du code du travail ;
« 4° Au recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés aux articles L. 143-11-6, L. 1233-66, L. 1233-69, L. 351-3-1 et L. 351-14 du code du travail.
« Art. L. 142-4. – Le contentieux technique de la sécurité sociale concerne les litiges relatifs :
« 1° À l’état ou au degré d’invalidité, en cas d’accident ou de maladie non régie par le livre IV du présent code et à l’état d’inaptitude au travail ;
« 2° À l’état d’incapacité permanente de travail et notamment au taux de cette incapacité, en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;
« 3° À l’état d’incapacité de travail pour l’application des dispositions du livre VII du code rural et de la pêche maritime autres que celles relevant du contentieux général de la sécurité sociale ;
« 4° Aux décisions des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail et des caisses de mutualité sociale agricole concernant, en matière d’accident du travail agricole et non agricole, la fixation du taux de cotisation, l’octroi de ristournes, l’imposition de cotisations supplémentaires et, pour les accidents régis par le livre IV du présent code, la détermination de la contribution prévue à l’article L. 437-1 du présent code ;
« 5° Aux décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnées au premier alinéa de l’article L. 241-9 du code de l’action sociale et des familles.
« Le contentieux technique ne concerne pas les litiges relatifs aux 1° à 3° du présent article en cas d’accidents du travail survenus et de maladies professionnelles constatées dans l’exercice des professions agricoles dans les départements autres que ceux du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.
« Art. L. 142-5. Le contentieux de l’admission à l’aide sociale concerne les litiges relatifs :
« 1° Aux décisions du président du conseil départemental et du représentant de l’État dans le département prévues à l’article L. 131-2 du code de l’action sociale et des familles, à l’exception des décisions concernant l’attribution des prestations d’aide sociale à l’enfance et de celles concernant le revenu de solidarité active ;
« 2° Aux décisions prises en application des articles L. 861-5 et L. 863-3 du présent code.
« Art. L. 142-6. – Le tribunal des affaires sociales n’est pas compétent pour connaître :
« 1° Du contrôle technique exercé à l’égard des praticiens ;
« 2° Des recours formés contre les décisions des autorités administratives ou tendant à mettre en jeu la responsabilité des collectivités publiques à raison de telles décisions ;
« 3° Des poursuites pénales engagées en application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole.
« Art. L. 142-7. – Dans les circonscriptions où il n’est pas établi de tribunal des affaires sociales, le tribunal de grande instance connaît des matières attribuées aux tribunaux des affaires sociales.
« Art. L. 142-8. Conformément à l’article L. 311-1 du code de l’organisation judiciaire, la cour d’appel est compétente pour connaître en appel des jugements rendus en premier ressort par le tribunal des affaires sociales.
« Une ou plusieurs cours d’appel spécialement désignée peuvent connaître en appel des jugements rendus en premier ressort par le tribunal des affaires sociales au titre du contentieux technique de la sécurité sociale.
« Section 3
« Organisation et fonctionnement
« Art. L. 142-9. – Le tribunal des affaires sociales est présidé par le président du tribunal de grande instance ou par un magistrat du siège désigné par lui pour le remplacer. À la demande du président du tribunal de grande instance, le premier président de la cour d’appel peut désigner, pour une durée de trois ans, un magistrat du siège honoraire pour le remplacer.
« Le tribunal comprend, en outre, un assesseur représentant les travailleurs salariés et un assesseur représentant les employeurs et travailleurs indépendants.
« Art. L. 142-10. Si elles ne lui sont pas applicables à un autre titre, le président du tribunal est soumis aux obligations mentionnées à l’article 7-1 et, dans les conditions prévues au 1°, à l’article 7-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
« Art. L. 142-11. – Les assesseurs appartiennent aux professions agricoles lorsque le litige intéresse un membre de ces professions et aux professions non agricoles dans le cas contraire.
« Lorsque le tribunal est appelé à déterminer si le régime applicable à l’une des parties à l’instance est celui d’une profession agricole ou celui d’une profession non agricole, il est composé, outre son président, de deux assesseurs représentant les travailleurs salariés dont l’un appartient à une profession agricole et l’autre à une profession non agricole, et de deux assesseurs représentant les employeurs et travailleurs indépendants, dont l’un appartient à une profession agricole et l’autre à une profession non agricole.
« Art. L. 142-12. – Lorsque le tribunal ne peut siéger dans la composition prévue à l’article L. 142-9, l’audience est reportée à une date ultérieure, sauf accord des parties pour que le président statue seul après avoir recueilli, le cas échéant, l’avis de l’assesseur présent.
« L’audience ne peut être reportée plus d’une fois. Dans le cas où, à la deuxième audience, le tribunal ne peut à nouveau siéger dans la composition prévue à l’article L. 142-9, le président statue seul après avoir recueilli, le cas échéant, l’avis de l’assesseur présent.
« Art. L. 142-13. Le président du tribunal désigne, à titre consultatif, un ou plusieurs médecins experts pour assister le tribunal dans les cas prévus par voie réglementaire.
« Pour les litiges concernant les décisions mentionnées au 5° de l’article L. 142-4, le tribunal peut également solliciter l’expertise d’une ou plusieurs personnes qualifiées dans le domaine concerné par la décision mise en cause.
« Art. L. 142-14. – Pour les litiges concernant les 2° et 3° de l’article L. 142-4, le médecin-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puisse lui être opposé l’article 226-13 du code pénal, à l’attention du médecin expert ou du médecin consultant désigné par le tribunal, l’intégralité du rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d’incapacité de travail. À la demande de l’employeur, ce rapport est notifié au médecin qu’il mandate à cet effet. La victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification.
« Art. L. 142-15. – Pour les litiges concernant les décisions mentionnées au 5° de l’article L. 142-4, le médecin de la maison départementale des personnes handicapées concernée transmet, sans que puisse lui être opposé l’article 226-13 du code pénal, à l’attention du médecin expert ou du médecin consultant désigné par le tribunal, l’intégralité du rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d’incapacité ou à la décision critiquée. Le requérant est informé de cette notification.
« Art. L. 142-16. Les recours devant les tribunaux des affaires sociales au titre de l’article L. 142-5 et les appels interjetés contre les décisions rendues à ce titre par ces tribunaux peuvent être formés par le demandeur, ses débiteurs d’aliments, l’établissement ou le service qui fournit les prestations, le maire, le président du conseil départemental, le représentant de l’État dans le département, les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole intéressés ou par tout habitant ou contribuable de la commune ou du département ayant un intérêt direct à la réformation de la décision.
« Dans ces matières, l’appel est suspensif, dans les cas où la décision rendue par le tribunal prononce l’admission au bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées ou aux personnes handicapées.
« Art. L. 142-17. Le tribunal des affaires sociales soulève d’office les prescriptions prévues au présent code et au livre VII du code rural et de la pêche maritime.
« Section 4
« Désignation et statut des assesseurs
« Art. L. 142-18. – Les assesseurs sont désignés pour une durée de trois ans, par le premier président de la cour d’appel et après avis du président du tribunal, sur une liste dressée dans le ressort de chaque tribunal par l’autorité administrative sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives intéressées. Leurs fonctions peuvent être renouvelées suivant les mêmes formes. En l’absence de liste ou de proposition, le premier président de la cour d’appel peut renouveler les fonctions d’un ou plusieurs assesseurs pour une nouvelle durée de trois ans.
« Des assesseurs suppléants sont désignés dans les mêmes formes.
« Une indemnité est allouée aux membres du tribunal pour l’exercice de leurs fonctions.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article.
« Art. L. 142-19. – Les assesseurs titulaires et suppléants doivent être de nationalité française, âgés de vingt-trois ans au moins, remplir les conditions d’aptitude pour être juré fixées par les articles 255 à 257 du code de procédure pénale et n’avoir fait l’objet d’aucune condamnation pour une infraction pénale prévue par le livre VII du code rural et de la pêche maritime ou par le code de la sécurité sociale.
« Les membres des conseils ou des conseils d’administration des organismes de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole ne peuvent être désignés en qualité d’assesseurs.
« Art. L. 142-20. – Avant d’entrer en fonctions, les assesseurs prêtent serment.
« Le serment est le suivant : Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un assesseur digne et loyal.
« Il est reçu par la cour d’appel, lorsque le tribunal est établi au siège de la cour d’appel et, dans les autres cas, par le tribunal de grande instance.
« Art. L. 142-21. – Les employeurs sont tenus de laisser à leurs salariés, assesseurs d’un tribunal des affaires sociales, le temps nécessaire à l’exercice de leurs fonctions.
« Art. L. 142-22. – Les assesseurs veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d’intérêts.
« Constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction.
« Art. L. 142-23. – L’assesseur qui, sans motif légitime et après mise en demeure, s’abstient d’assister à une audience peut être déclaré démissionnaire par la cour d’appel, à la demande du président du tribunal, après avoir entendu ou dûment appelé l’intéressé.
« Art. L. 142-24. – En dehors de toute action disciplinaire, les premiers présidents des cours d’appel ont le pouvoir de donner un avertissement aux assesseurs des tribunaux des affaires sociales situés dans le ressort de leur cour, après avoir recueilli l’avis du président du tribunal des affaires sociales.
« Art. L. 142-25. – Tout manquement par un assesseur de tribunal des affaires sociales aux devoirs de son état, à l’honneur, à la probité ou à la dignité constitue une faute disciplinaire.
« Le pouvoir disciplinaire est exercé par le ministre de la justice. Après audition de l’intéressé par le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle le tribunal des affaires sociales a son siège, assisté du président du tribunal, le ministre de la justice peut être saisi par le premier président.
« Les sanctions disciplinaires applicables sont :
« 1° Le blâme ;
« 2° La suspension pour une durée maximale de six mois ;
« 3° La déchéance assortie de l’interdiction d’être désigné assesseur pour une durée maximale de dix ans ;
« 4° La déchéance assortie de l’interdiction définitive d’être désigné assesseur.
« L’assesseur qui, postérieurement à sa désignation, perd la capacité d’être juré ou est condamné pour une infraction pénale mentionnée au premier alinéa de l’article L. 142-18 est déchu de plein droit.
« Sur proposition du premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle le tribunal a son siège, le ministre de la justice peut suspendre un assesseur, préalablement entendu par le premier président, pour une durée qui ne peut excéder six mois, lorsqu’il existe contre l’intéressé des faits de nature à entraîner une sanction disciplinaire.
« Art. L. 142-26. – Les assesseurs sont soumis à une obligation de formation initiale et de formation continue organisées dans des conditions fixées par décret.
« Tout assesseur qui n’a pas satisfait à l’obligation de formation initiale dans un délai fixé par décret est réputé démissionnaire.
« Section 5
« Assistance et représentation
« Art. L. 142-27. – Devant le tribunal des affaires sociales, les parties se défendent elles-mêmes.
« Outre les avocats, peuvent assister ou représenter les parties :
« 1° Leur conjoint ou un ascendant ou descendant en ligne directe ;
« 2° Leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
« 3° Suivant le cas, un travailleur salarié ou un employeur ou un travailleur indépendant exerçant la même profession ou un représentant qualifié des organisations syndicales de salariés ou d’employeurs ;
« 4° Un administrateur ou un employé de l’organisme partie à l’instance ou un employé d’un autre organisme de sécurité sociale ;
« 5° Un délégué des associations de mutilés et invalides du travail les plus représentatives.
« Le représentant doit, s’il n’est avocat, justifier d’un pouvoir spécial.
« Section 6
« Dépenses de contentieux
« Art. L. 142-28. – À l’exclusion des rémunérations des présidents des tribunaux, les dépenses de toute nature résultant de l’application du présent chapitre sont :
« 1° Ou bien réglées directement par la caisse nationale compétente du régime général ou par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole ;
« 2° Ou bien avancées par la caisse primaire d’assurance maladie ou la caisse départementale ou pluri-départementale de mutualité sociale agricole du siège du tribunal et remboursées par la caisse nationale compétente du régime général ou par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole ;
« 3° Ou bien remboursées par la caisse nationale compétente du régime général au budget de l’État.
« Les modalités suivant lesquelles ces dépenses sont avancées, réglées et remboursées par les organismes mentionnés aux 1°, 2° et 3° sont fixées par arrêtés interministériels.
« Des arrêtés interministériels déterminent les conditions dans lesquelles les dépenses acquittées par la caisse nationale compétente, en application du présent article, sont réparties entre les organismes du régime général de sécurité sociale, du régime de la mutualité sociale agricole, des régimes spéciaux, les organismes de sécurité sociale mentionnés au livre VI du présent code, le fonds spécial d’invalidité mentionné à l’article L. 815-3-1 et le fonds de solidarité vieillesse institué par l’article L. 135-1. »
2° Le chapitre III du titre VI du livre VIII est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 861-5, les mots : « contentieux devant la commission départementale d’aide sociale » sont remplacés par les mots : « devant le tribunal des affaires sociales » ;
b) À la fin de la dernière phrase de l’article L. 863-3, les mots : « contentieux devant la juridiction mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 861-5 » sont remplacés par les mots : « devant le tribunal des affaires sociales ».
II. Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le chapitre IV du titre III du livre Ier est ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Contentieux
« Art. L. 134-1. – À l’exception des décisions concernant l’attribution des prestations d’aide sociale à l’enfance et de celles concernant le revenu de solidarité active, les décisions du président du conseil départemental et du représentant de l’État dans le département prévues à l’article L. 131-2 peuvent faire l’objet de recours devant le tribunal des affaires sociales. » ;
2° Après l’article L. 146-10, il est inséré un article L. 146-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 146-11. – Les notifications des décisions rendues par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnent les voies de recours, ainsi que le droit de demander l’intervention d’une personne qualifiée chargée de proposer des mesures de conciliation conformément à l’article L. 146-10 ou de bénéficier des procédures de traitement amiable des litiges prévues à l’article L. 146-13. »
III. Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° Le 7° de l’article L. 261-1 est ainsi rédigé :
« 7° Au code de la sécurité sociale et, le cas échéant, au code du travail en ce qui concerne le tribunal des affaires sociales ; »
2° Le titre III du livre III est abrogé.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je souhaite expliquer en quelques mots la logique du texte adopté par la commission sur l’article 8 du projet de loi, relatif à la réforme des tribunaux sociaux.
Ce texte se situe dans le droit fil du rapport que j’ai établi avec Virginie Klès en 2013, lequel recommandait la fusion du tribunal des affaires de sécurité sociale, le TASS, et du tribunal du contentieux de l’incapacité, le TCI, et s’interrogeait sur le rattachement à cette nouvelle juridiction unique échevinée de la commission départementale d’aide sociale, la CDAS.
Il se situe également dans le droit fil du rapport Marshall de 2013, qui préconisait la création d’un tribunal des affaires sociales au sein du tribunal de première instance, pour regrouper dans une juridiction échevinée rattachée au TPI l’ensemble du contentieux de la sécurité sociale.
Il respecte aussi l’intention du Gouvernement, consistant à confier au tribunal de grande instance le contentieux qui relève aujourd’hui du TASS et du TCI, ainsi qu’une partie du contentieux qui relève de la CDAS, sans toutefois en déterminer les modalités.
Le texte de la commission présente cependant l’avantage, par rapport au texte initial du Gouvernement, de ne pas renvoyer l’essentiel de la réforme à des ordonnances, par une habilitation aux termes particulièrement larges et imprécis. Personne ici, je pense, ne peut se satisfaire d’une telle méthode de législation, compte tenu de l’importance du sujet.
Je ne rappellerai pas le livre récent de Pierre Joxe sur les tribunaux sociaux... Le moins que l’on puisse dire, c’est que la réforme proposée par le Gouvernement n’est qu’esquissée dans le projet de loi, qui ne comporte qu’une disposition de principe.
Tout en respectant les grandes options que je viens de rappeler, et qui sont aussi, me semble-t-il, celles du Gouvernement, le texte de la commission prévoit la création d’un tribunal des affaires sociales unique, écheviné et rattaché au TGI.
Ce tribunal serait présidé par un magistrat du TGI. Sous réserve de dispositions transitoires pour tenir compte de la situation des personnels actuels des TASS et des TCI, qui relèvent pour la plupart de la sécurité sociale, le greffe de ce tribunal serait assuré par le greffe du TGI.
Ce tribunal trouverait donc sa place au sein du pôle social du TGI, comme le souhaite le Gouvernement et le préconisent les différents rapports que j’ai évoqués au début de mon intervention.
Cette formule n’est pas originale : elle est en vigueur pour les tribunaux paritaires des baux ruraux, qui sont rattachés aux tribunaux d’instance.
Ce tribunal présenterait aussi l’avantage de préserver l’identité des actuels tribunaux sociaux, à laquelle les partenaires sociaux sont très attachés, comme j’ai pu le constater au cours des auditions : présence des assesseurs salariés et employeurs, dispense de représentation par avocat, expertise médicale... Or le texte du Gouvernement ne prévoit rien sur ce point.
En outre, ce dispositif conforte le mécanisme préalable des actuelles commissions de recours amiable des caisses de sécurité sociale, qui permet d’éviter dans un certain nombre de cas de saisir la justice.
S’agissant de l’intégration des CDAS dans ce dispositif, le texte de la commission est certes plus prospectif, puisque ces juridictions relèvent aujourd’hui de l’ordre administratif, et non de l’ordre judiciaire. Toutefois, dans un souci de bonne administration de la justice, conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, dès lors que les justiciables des TASS, des TCI et des CDAS sont souvent les mêmes, c’est-à-dire des personnes vulnérables, il y a une logique à les orienter vers un seul et même tribunal. On pourrait même envisager le transfert à ce tribunal du contentieux du RSA, auquel les tribunaux administratifs ne semblent pas tenir particulièrement...
Sur ce point, je précise que les CDAS fonctionnent, depuis une question prioritaire de constitutionnalité de 2011, à juge unique avec leurs seuls présidents – souvent des magistrats judiciaires, d’ailleurs – et que l’Assemblée nationale a supprimé du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, sur l’initiative du Gouvernement, l’habilitation pour réformer les CDAS, en la renvoyant, semble-t-il, au présent projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est vrai que cet article 8 est important. Pour notre part, au groupe CRC, nous avons auditionné un certain nombre d’associations et d’organisations qui s’inquiètent des mesures contenues dans le projet de loi, pour les raisons suivantes.
L’article 8 prévoit de fusionner les contentieux actuellement traités par les 115 TASS et les 21 tribunaux du contentieux de l’incapacité, qui relèvent du ministère des affaires sociales, et ceux liés au droit à la protection sociale, et de transférer ce bloc de compétences au futur pôle social des tribunaux de grande instance.
Cette réorganisation des juridictions pose un certain nombre de problèmes : tout d’abord, celui des moyens – c’est l’un de mes leitmotivs, je le sais ! – accordés à la justice sociale, et celui de l’accessibilité des justiciables à la justice.
Prises dans leur ensemble, les juridictions sociales rendent chaque année un demi-million de décisions, soit autant que l’ensemble des juridictions pénales. Le TASS de Paris est ainsi saisi de 90 000 affaires par an et le TCI de Paris rend 100 000 décisions chaque année, essentiellement dans des dossiers d’accidents de travail ou de handicap.
La répartition des juridictions sociales sur le territoire national doit être repensée de telle sorte que, prenant en compte la diversité et l’hétérogénéité des bassins d’emploi, de leur implantation et de la répartition géographique des moyens humains et matériels, elle soit adaptée au volume du contentieux.
La dernière prétendue réflexion sur l’évolution des territoires et des villes s’est concrétisée par la réforme de la carte judiciaire de 2008, élaborée par Mme Dati, qui se limitait à des suppressions de juridictions décidées sur la base de critères simplistes.
Il faut mettre fin à la scandaleuse carence budgétaire que connaissent, dans l’indifférence générale, ces juridictions sociales et mener une réforme qui rende véritablement accessible cette justice des plus précaires.
Le présent projet de réforme a visiblement été insuffisamment préparé en amont, notamment en raison d’un manque de concertation, toutes les conséquences d’un tel projet n’ayant pas été analysées.
Le temps de parole qui m’est imparti étant écoulé, je ne citerai pas certains propos de Pierre Joxe, mais j’y reviendrai peut-être ultérieurement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Jourda, sur l’article.
Mme Gisèle Jourda. Madame la ministre, je me permets de prendre la parole sur l’article 8, en anticipant également sur l’article 52, afin que vous nous apportiez quelques éclaircissements sur le projet de loi initial, qui prévoyait une unification du contentieux de la sécurité sociale à des fins qualitatives et de cohérence de l’organisation judiciaire, et ce avant l’examen du texte par la commission des lois du Sénat.
Nous sommes nombreux à avoir été questionnés sur cet article, notamment par la FNATH, l’association des accidentés de la vie. Il serait souhaitable de pouvoir apporter des réponses précises aux questions suivantes.
Dès lors que le contentieux sera unifié, quid de l’assistance et de la représentation des justiciables, sujet majeur pour permettre un véritable accès à la justice ? Actuellement, les juristes de la FNATH peuvent représenter et assister les justiciables devant les juridictions du contentieux technique et général de la sécurité sociale, ce qui permet un accès à ces juridictions pour un coût réduit. Et demain ?
Quid de la formation des magistrats des TGI sur ce contentieux bien spécifique ? Quid de la formation des assesseurs ou des personnes appelées à siéger ?
Les magistrats seront-ils compétents uniquement sur les contentieux relevant de ce bloc de compétences ? Y aura-t-il un magistrat unique pour les contentieux issus du tribunal des affaires de sécurité sociale, le TASS, et qui ne se partagera pas entre les autres tribunaux ?
Quid de la procédure particulière devant les TCI, avec examen médical quasi systématique lors de l’audience ?
La question de la formation des experts, du déroulement des expertises, mais aussi de leur revalorisation, doit également faire l’objet d’une large concertation.
Quid des audiences foraines assurées par certains tribunaux du contentieux de l’incapacité, les TCI, qui permettent de rapprocher la justice des personnes les plus fragiles ? Les TGI reprendront-ils ce principe ?
Pouvez-vous rassurer le personnel quant à sa future réaffectation ?
Comment va s’organiser la période transitoire ? Comment seront gérés les stocks de dossiers lors du transfert de compétences ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai apporté le livre de mon ami Pierre Joxe, intitulé Soif de justice. Au secours des juridictions sociales. J’y lis, à la page 279 : « Les juridictions sociales sont maltraitées parce qu’elles sont à la fois la justice des pauvres et les parents pauvres de la justice judiciaire. »
Je lis aussi, page 12 : « Mais ce que j’ai observé des centaines de fois, jusqu’à en être bouleversé, c’est la fréquence et l’ampleur de la détresse psychologique de femmes chargées d’enfants et submergées par les procédures diverses qui accablent beaucoup de mères célibataires et abandonnées élevant comme elles peuvent leurs rejetons de toutes les couleurs et conservant soigneusement les multiples papiers qui leur en font voir... de toutes les couleurs : convocation d’un juge, d’un autre, du délégué du procureur de la République, conseil de discipline du collège, commission de surendettement, rappel d’impayés, avis de coupure d’électricité, refus de prise en charge par la Caisse d’allocations familiales, avertissement de la CAF, sommation d’huissier, signification de jugement du tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI), ou du tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS), ou de la commission départementale d’aide sociale (CDAS) ou du juge de la famille, ou encore des prudhommes. »
Pierre Joxe, qui a été voir ces juridictions de près pour pouvoir les décrire dans ce livre, en est venu à la conclusion qu’il fallait une réforme profonde.
Madame le garde des sceaux, vous avez le courage de faire cette réforme. Bien sûr, il y a des questions, et Mme Jourda en a posé de très précises, sur lesquelles il est important que l’on obtienne des réponses ; d’autres collègues sont également intervenus sur ce sujet...
Je crois, monsieur le rapporteur, qu’il y a une logique dans ce texte et dans le fait que les TGI, bien entendu réorganisés, soient compétents en la matière.
Ce qui ne va pas dans ce que vous nous avez proposé, et que la commission a adopté, ce sont les mots « rattaché au TGI ». On ne sait pas ce que cela veut dire !
Vous avez choisi, madame le garde des sceaux, de lancer une réforme d’ampleur, dont nous allons débattre. C’est la première fois depuis des décennies qu’un tel texte est proposé. Dans le temps qui m’est imparti, je tenais à vous en remercier.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 22 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Vall, Bertrand, Collombat et Guérini.
L’amendement n° 197 est présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 228 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Les tribunaux de grande instance sont compétents pour connaître en premier ressort :
1° Des litiges relevant des matières mentionnées à l’article L. 142-2 du code de la sécurité sociale et de ceux relevant du contentieux technique de la sécurité sociale défini à l’article L. 143-1 du même code, à l’exception du 4° ;
2° Des litiges relatifs à la protection complémentaire en matière de santé et à l’aide au paiement d’une assurance complémentaire de santé prévues respectivement aux articles L. 861-1 et L. 861-3, d’une part, et à l'article L. 863-1, d’autre part, du code de la sécurité sociale.
II. – Les cours d’appel sont compétentes pour connaître des appels interjetés contre les décisions rendues dans les matières mentionnées au I du présent article.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement tend à revenir au dispositif proposé dans le projet de loi initial, qui constituait, aux yeux du groupe RDSE, la principale mesure de simplification de ce texte.
Le texte gouvernemental prévoyait de fusionner les contentieux actuellement traités par les tribunaux des affaires de sécurité sociale et les tribunaux de l’incapacité, d’y adjoindre la partie des contentieux liés aux droits à la protection de la santé. Ce bloc de compétences était transféré au pôle social du tribunal de grande instance.
La création d’une nouvelle juridiction sociale unifiée et échevinée de première instance, dénommée « tribunal des affaires sociales », constitue un premier pas vers la simplification d’un contentieux particulièrement complexe pour nos concitoyens.
Toutefois, cette réforme n’est pas encore assez ambitieuse. La commission des lois, elle-même, a approuvé le principe de la constitution d’un pôle social au sein du TGI, compétent pour traiter des affaires qui relèvent à ce jour des TASS et des TCI, à condition de maintenir la présence d’assesseurs représentant les partenaires sociaux. Elle a souligné que cette réforme contribuerait à renforcer la lisibilité et l’efficacité de la justice sociale, et à améliorer son fonctionnement dans l’intérêt des justiciables.
Nous considérons que les modalités d’une telle réforme et d’un tel transfert peuvent être définies par ordonnance.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 197.
M. Jean-Pierre Sueur. M. Requier vient d’expliquer la complexité du système. Il y a, d’un côté, l’ordre judiciaire avec les TASS, les TCI, la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail, la CNITAAT, et, de l’autre, l’ordre administratif, où le contentieux se répartit entre le juge administratif, les CDAS et la Commission centrale d’aide sociale.
Le projet de loi prévoit que les contentieux traités aujourd’hui par les TASS, ceux traités par les tribunaux de l’incapacité et ceux relatifs à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé et à la CMU seront désormais traités par le pôle social du tribunal de grande instance de chaque chef-lieu de département, avec un appel qui relèvera de la chambre sociale des cours d’appel.
Je regrette que la commission des lois se soit opposée à ce transfert. Le présent amendement, qui tend à revenir au texte initial du projet de loi, est gage d’efficacité. En effet, étendre aux questions de sécurité sociale les compétences du TGI permettra d’assurer une meilleure lisibilité en évitant au justiciable d’avoir à saisir de nombreuses juridictions différentes.
Cela permettra, également, la création d’un bloc de compétences « sécurité sociale » cohérent, une simplification de la procédure, une harmonisation de la jurisprudence du contentieux de la sécurité sociale, une professionnalisation de la gestion de ce contentieux par des magistrats professionnels formés au contentieux social et une mutualisation optimale des moyens de fonctionnement.
Toutefois, madame le garde des sceaux, nous pensons que cette modification doit se faire dans des conditions qui permettent de conserver la spécificité des juridictions sociales, en ce qu’elle permet l’intervention d’un certain nombre d’acteurs. Mme Jourda parlait ainsi des demandes de la FNATH, qui nous paraissent tout à fait légitimes.
Il faut aussi que les justiciables puissent avoir accès au procès, sans être forcément représentés par un avocat.
Il faut, enfin, décharger le TGI d’un certain nombre de tâches afin qu’il puisse se concentrer sur ses nouvelles attributions.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l'amendement n° 228.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Cet amendement est identique aux deux amendements qui viennent d’être présentés, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Ces amendements tendent à revenir au texte initial du projet de loi s’agissant de la réforme des tribunaux sociaux. Ils sont donc contraires à la position de la commission.
Je précise que le texte de la commission n’est pas contraire à celui du Gouvernement, lequel ne pose qu’un principe dans la loi sans en déterminer les différentes modalités. Ces dernières sont renvoyées à une ordonnance, ce qui laisse les mains complètement libres au Gouvernement, y compris pour ce qui concerne la présence d’assesseurs ou la dispense du ministère d’avocat. Il s’agit simplement de définir directement dans la loi les contours de cette réforme et de s’assurer, de cette façon, que celle-ci sera effectivement menée à son terme.
Le texte de la commission rattache le tribunal des affaires sociales au TGI, en particulier par sa présidence, par son greffe et par sa gestion au sein du pôle social du TGI. Nous allons donc dans le sens du Gouvernement, en simplifiant l’organisation juridictionnelle. La commission procède toutefois de façon plus réaliste et pragmatique, en préservant l’identité des juridictions sociales, auxquelles les partenaires sociaux sont très attachés, et leurs particularités. Cette solution va, me semble-t-il, dans le bon sens et présente quelques avantages par rapport à la position du Gouvernement.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avec l’article 8, nous avons voulu poser le principe de la fusion des juridictions sociales dans un objectif de regroupement des contentieux, de rationalisation et de meilleure organisation. À l’article 52, au sein du titre VII, nous demandons l’autorisation à prendre par ordonnance les mesures de nature législative.
Je vais vous expliquer, mesdames, messieurs les sénateurs, les raisons de notre demande, car, vous avez raison, elle soulève un certain nombre de questions bien réelles, qui ont été déclinées par Mmes Jourda et Assassi.
Nous demandons cette habilitation, parce que ces questions bien réelles appellent des réponses précises afin de nous permettre de gagner en efficacité et en accessibilité. Où en sommes-nous ? À ce stade, nous attendons encore les résultats d’une double inspection que nous avons commandée : celle de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et celle de l’Inspection générale des services judiciaires, l’IGSJ.
Cela fait un an que nous travaillons sur ces dispositions. Je peux vous dire que nous rencontrons de très grandes difficultés de conciliation avec le ministère de la santé et des affaires sociales, difficultés qui sont liées non pas à des divergences entre ministères, mais à la complexité de la répartition du contentieux social. Certaines juridictions relèvent du ministère de la justice, d’autres du ministère de la santé et des affaires sociales, d’autres encore du ministère du travail.
En d’autres temps, cette complexité des juridictions sociales avait été qualifiée de « maquis ». Elle a forcément engendré des situations, des tutelles et des responsabilités différentes, de même que des règles procédurales et des modes d’organisation variés. C’est ce que nous voulons réorganiser avec une grande ardeur, parce que nous savons que les justiciables concernés par ces contentieux sont particulièrement vulnérables. Il s’agit de personnes malades, indigentes ou frappées de handicap.
Les contentieux en question portent souvent sur de petites sommes. Or le délai moyen auprès d’un tribunal des affaires de sécurité sociale, par exemple, est de dix-neuf mois et de douze mois auprès d’un tribunal du contentieux de l’incapacité. Ces délais constituent une violence à l’égard de ces justiciables socialement ou psychologiquement vulnérables, fragiles. C'est la raison pour laquelle nous voulons véritablement agir, et bien agir, en proposant le principe d’une fusion. Je rappelle que nous ne parlons ici que de la première instance. Vous le savez, l’appel est regroupé à la CNITAAT, la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, à Amiens, où ces justiciables vulnérables doivent se rendre.
Nous avons évidemment déjà réfléchi aux questions que vous avez posées, mais, pour ma part, j’estime que nous n’avons pas d’éléments suffisants pour trancher. Nous recevrons le rapport de la double inspection à la mi-novembre.
La question de l’échevinage se pose assez peu. Quant à celle de la formation des assesseurs, nous l’avons réglée dans le projet de loi organique, qui est presque une loi – il est devenu ce qu’on appelle une « petite loi » –, puisque vous avez étendu les compétences de l’École nationale de la magistrature à la formation de personnes contribuant à l’activité de justice. Par conséquent, les assesseurs pourront y être formés.
J’en viens à la question des juridictions : la commission des lois propose la création d’une juridiction sociale en tant que telle, ce qui revient à modifier l’architecture judiciaire. Pour notre part, nous cherchons à faciliter à la fois l’accès et le traitement de ces contentieux, dont certains nécessitent d’ailleurs, du fait de leur complexité, la maîtrise d’une technicité juridique. C'est la raison pour laquelle nous proposons de les regrouper au sein du pôle social du tribunal de grande instance.
S’agissant des particularités procédurales de ces contentieux, elles doivent, selon nous, être maintenues et, éventuellement, améliorées. Il faudra répondre à la question de la non-représentation obligatoire par un avocat. Nous souhaitons disposer des résultats des inspections de l’IGAS et de l’IGSJ afin d’apporter les réponses les plus judicieuses à toutes ces questions, qui sont déterminantes.
Voilà pourquoi nous sollicitons cette habilitation à légiférer par ordonnance. Pour avoir été moi-même parlementaire, je connais et comprends votre réticence fondamentale, mesdames, messieurs les sénateurs, à accorder des habilitations. Dans certains cas, les conséquences ne sont pas extraordinaires : lorsqu’il s’agit, par exemple, d’adapter des textes, d’ajouter des dispositions, d’en clarifier, etc. Dans d’autres cas, comme ici, les conséquences sont relativement lourdes.
Je le répète, je comprends votre réticence. Mais tel que vous avez rédigé l’article, il me semble qu’il y a là une prise de risque un peu démesurée par rapport à des éléments de stocks, de flux, de jurisprudence que nous ne connaissons pas et sur lesquels nous n’aurons des informations qu’à partir de la mi-novembre. Les dispositions que vous avez adoptées en commission me semblent donc prématurées. C'est la raison pour laquelle je vous demande de rétablir l’article 8 tel que le Gouvernement l’avait rédigé et de maintenir l’habilitation prévue à l’article 52. Je prends devant vous l’engagement de fournir aux parlementaires le matériau le plus dense et le plus précis possible sur ce qui constituera le contenu des ordonnances, selon la méthode que j’ai toujours appliquée pour les précédentes lois d’habilitation.
Je rappelle, par ailleurs, que nous avons l’obligation de présenter un projet de loi d’habilitation. Il vous reviendra de fixer le délai dans lequel nous devrons déposer ce texte – ce délai peut être relativement court –, de façon à ce que le Gouvernement puisse revenir vers vous le plus tôt possible pour présenter les dispositions prises.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la ministre, en vous écoutant, nous ne pouvons que constater que nous poursuivons les mêmes objectifs. Il n’est pas besoin de revenir sur notre répugnance à accepter le système des ordonnances, puisque vous l’avez vous-même rappelé en évoquant le souvenir de votre propre activité parlementaire. Vous comprenez parfaitement que le législateur préfère aller au bout de sa compétence plutôt que de s’en remettre au Gouvernement, car, à chaque fois que nous votons une mesure d’habilitation, nous avons le sentiment de faire un saut dans l’inconnu.
La commission des lois a eu le souci de réaliser l’ambition que votre texte proclame lui-même : faire une réforme qui ne soit pas une demi-mesure, mais qui permette d’aller jusqu’au bout de la réunion de ces contentieux sociaux, avant tout dans un objectif de bonne administration de la justice dans le domaine social. Nous avons considéré que, si nous prenions des dispositions plus précises que celles que vous proposiez pour éviter de recourir à la méthode des ordonnances, nous devions, en contrepartie, prévoir un délai suffisant pour que vous puissiez déterminer les modalités d’application de ces dispositions que la commission des lois propose au Sénat d’adopter.
Au fond, vous proposez un délai pour prendre des ordonnances ; nous vous offrons un délai pour prendre des décrets... Dans les deux cas, nulle précipitation ; mais, dans la proposition de la commission des lois, le souci que la réforme soit tout à fait effective.
Par ailleurs, nous voyons bien que, comme beaucoup d’autres dispositions de votre projet de loi, l’épreuve de vérité sera celle des moyens. Par conséquent, si le texte de la commission des lois est adopté, nous attendons du Gouvernement qu’il permette, à compter du 1er janvier 2017 – si cette échéance peut être respectée –, que les moyens de mise en œuvre de cette réforme soient réellement réunis.
Voilà la raison pour laquelle la commission des lois reste fermement engagée dans le choix qui a été adopté par la majorité de ses membres et qui consiste à éviter le système de l’habilitation.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Madame la ministre, vous avez dit que, lorsque vous étiez parlementaire, vous aviez la même réserve que nous sur la question de confier au Gouvernement le soin de légiférer par ordonnance.
Nous sommes bien obligés de le constater, les textes prévoient de plus en plus souvent que le Parlement habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Nous avons regretté à plusieurs reprises ici, sur toutes les travées, cette manière de travailler sur des sujets souvent très importants.
La procédure accélérée à laquelle le Gouvernement a recours conduit à supprimer la navette. Si la procédure normale avait été utilisée, nous aurions eu le temps de prendre connaissance des résultats des inspections dont vous disposerez dans quelques semaines. Nous aurions alors pu probablement tenir compte dans la loi, peut-être de manière différente, de ces résultats.
On peut regretter que le travail soit fait par le Gouvernement à notre place, car nous savons parfaitement que, très souvent, les ordonnances ne correspondent pas forcément à l’esprit dans lequel la loi a été votée par le Parlement.
M. Charles Revet. Très souvent tout de même ! Certes, le texte nous revient ensuite, mais les possibilités de le modifier sont restreintes.
Un texte comme celui que nous examinons aurait nécessité des délais plus importants pour aller plus en profondeur. Nous aurions peut-être pu trouver un terrain d’entente avec quelques semaines de plus…
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 rectifié, 197 et 228.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 242, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après la référence :
IV
insérer les références :
du titre IV du livre Ier
II. – Alinéa 76
Remplacer la référence :
L. 142-18
par la référence :
L. 142-19
III. – Alinéa 99
Remplacer le mot :
première
par le mot :
deuxième
IV. – Alinéa 100
Après le mot :
phrase
insérer les mots :
du premier alinéa
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 124 rectifié, présenté par MM. Bignon, Masclet et Grosdidier, Mmes Gruny et Cayeux et MM. Vasselle et Lefèvre, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Une cour nationale spécialement désignée connaît en appel des jugements rendus…
La parole est à M. François Grosdidier.
M. François Grosdidier. Nous défendons le maintien d’une procédure d’appel spécifique pour les jugements rendus en matière de sécurité sociale. Il ne nous paraît en effet pas raisonnable que ce contentieux éminemment technique et très spécialisé soit traité par les cours d’appel.
La Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail ne mobilise aujourd’hui, me semble-t-il, que quatre magistrats sur soixante-quatorze agents : le président de la cour et des présidents de section ; les assesseurs sont des représentants des employeurs et des salariés, et le reste du personnel est principalement constitué de techniciens. La disparition de cette cour, qui possède une compétence technique, nuirait à la qualité de la justice rendue et n’améliorerait aucunement la proximité puisque la procédure est écrite. Il en va des juridictions comme des collectivités territoriales : il existe toujours un dilemme entre, d’une part, la mutualisation et le haut degré de technicité et, d’autre part, la proximité…
J’ajoute que transformer la CNITAAT en une cour nationale du contentieux technique de la sécurité sociale serait neutre du point de vue des finances publiques, dans la mesure où cela n’emporterait pas la nécessité de procéder à des recrutements, contrairement à ce qui va se passer avec l’organisation proposée par le projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement s’oppose aussi bien au texte initial du Gouvernement qu’à celui de la commission. En effet, dans les deux cas, le contentieux technique de la sécurité sociale relèverait des cours d’appel normalement compétentes.
Il serait curieux de confier aux tribunaux de grande instance la compétence des actuels tribunaux du contentieux de l’incapacité, même au sein d’un tribunal rattaché au TGI comme le prévoit le texte de la commission, tout en maintenant une juridiction spécialisée en appel. Le texte de la commission ouvre d’ailleurs la possibilité de cours d’appel de droit commun spécialisées pour ce contentieux, si le pouvoir réglementaire l’estime nécessaire.
La commission vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’irai dans le même sens que M. le rapporteur, mais pour des raisons différentes puisque la commission a rédigé un article 8 très long et très précis – avec tous les risques que suppose la précision en l’absence de certains éléments de décision.
Il n’est pas question de supprimer la CNITAAT, monsieur Grosdidier. L’architecture juridictionnelle que nous proposons consiste à rassembler, en première instance, le contentieux de la sécurité sociale au sein du pôle social du tribunal de grande instance, dont nous repensons l’organisation – avec un pôle social, un pôle pénal, un pôle civil et des pôles spécialisés –, et de pouvoir interjeter appel devant la chambre sociale de la cour d’appel du ressort.
Votre observation sur le caractère écrit de la procédure est tout à fait pertinente ; en effet, il n’y a pas d’obligation de présence physique du justiciable à l’audience d’appel. Il demeure toutefois que, si la juridiction est proche de chez lui, il peut, s’il le souhaite, assister à l’audience. La question de la proximité n’est donc pas totalement à exclure, car elle n’est pas sans attrait pour le justiciable.
J’indique par ailleurs – je ne l’ai pas précisé précédemment, j’en conviens – que la CNITAAT doit notamment conserver le contentieux de la tarification de l’assurance des accidents du travail, auquel s’ajoutera la résorption des stocks existants puisque les dossiers actuellement à la charge de cette cour doivent être écoulés.
Dans la mesure où il n’existe pas de risque pour la CNITAAT et où le Gouvernement promeut une autre organisation que celle qui est prévue par la commission, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Grosdidier, l’amendement n° 124 rectifié est-il maintenu ?
M. François Grosdidier. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 144, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 62
Supprimer le mot :
religieusement
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un assesseur digne et loyal. » Tel est, aux termes de l’article 8, le serment que les assesseurs des tribunaux des affaires sociales devront prêter.
Ce serment, prononcé historiquement par les magistrats de notre pays, a été modifié en 2007 à l’occasion de la loi portant sur le statut des magistrats. L’adverbe « religieusement » a alors été supprimé de la formule solennelle du serment professionnel, sauf pour les magistrats de l’ordre judiciaire.
Notre groupe a toujours défendu – il n’est pas le seul, j’en conviens – une République appliquant les principes non seulement d’égalité, de fraternité et de liberté, mais aussi de solidarité et de laïcité. Nous refusons donc que, au détour d’un texte censé organiser la justice du XXIe siècle, le Parlement adopte une formule s’apparentant à une intrusion du religieux, aussi minime soit-elle, dans les décisions de justice.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.
Je précise que nous avons adopté hier, lors de l’examen du projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société, un amendement similaire pour ce qui concerne le serment des magistrats.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement est cohérent avec les dispositions adoptées hier. J’émets donc un avis favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 143 rectifié, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 64
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’exercice des fonctions d’assesseur ne peut être une cause de sanction ou de rupture du contrat de travail. Le licenciement d’un assesseur est soumis à la procédure d’autorisation administrative prévue par le livre IV de la deuxième partie du code du travail pour les conseillers prud’hommes. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Un amendement de notre rapporteur vise à instaurer une juridiction sociale unifiée et échevinée de première instance et à définir le statut des assesseurs. Toutefois, il a été omis d’attribuer le statut de travailleur protégé aux salariés assesseurs, comme cela existe pour les conseillers prud’homaux. Cet amendement vise donc simplement à corriger cet oubli pour accorder les mêmes garanties d’exercice aux fonctions d’assesseur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La rectification demandée ce matin ayant été apportée, la commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Logiquement, je devrais émettre un avis favorable, parce que la mesure est tout à fait souhaitable. Néanmoins, je viens d’expliquer que le Gouvernement demande le rétablissement de l’article 8 dans sa rédaction initiale, puisque la création d’une juridiction sociale en tant que telle ne nous paraît pas la meilleure formule : nous envisageons plutôt son intégration dans le pôle social du TGI.
Cela dit, je pense que les assesseurs doivent être protégés et qu’il s’agit d’une bonne mesure ; j’irai donc au-delà d’un simple avis de sagesse. Toutefois, ce faisant, je me mêle un peu de vos affaires, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque je donne un avis favorable à un amendement tendant à modifier une disposition que vous avez adoptée…
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. À notre grand regret, nous allons voter contre l’article 8, parce qu’une disposition essentielle, à savoir l’intégration du tribunal des affaires sociales au sein du TGI, a été supprimée par la commission.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Article 9
La première phrase de l’article L. 221-4 du code de l’organisation judiciaire est complétée par les mots : « à l’exception des actions tendant à la réparation d’un dommage corporel ».
M. le président. L’amendement n° 198, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 211-4 du code de l’organisation judiciaire, il est inséré un article L. 211-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 211-4-... – Le tribunal de grande instance connaît des actions en réparation d’un dommage corporel. »
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Personne ne conteste le fait que la réparation du dommage corporel, même lorsque le montant de la demande n’excède pas 10 000 euros, doit relever du tribunal de grande instance et donc d’un juge formé et compétent dans ce domaine extrêmement technique, notamment depuis qu’est mise en œuvre la nomenclature dite « Dintilhac ». Toutefois, le rapporteur et moi sommes d’accord, me semble-t-il, pour estimer que l’article 9 du projet de loi initial était mal rédigé. Il n’était pas très logique de viser l’article L. 211-3 du code de l’organisation judiciaire, qui dispose que « le tribunal de grande instance connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de leur nature ou du montant de la demande, à une autre juridiction ».
Je propose, au travers de cet amendement, que l’on indique que les actions en réparation d’un dommage corporel sont exclusivement de la compétence du tribunal de grande instance. Le rapporteur, pour sa part, préfère préciser que le tribunal d’instance est compétent dans différents domaines jusqu’à 10 000 euros, sauf en matière de dommage corporel.
Cela étant, sur cette question rédactionnelle et extrêmement technique, je m’en remettrai à la sagesse de l’auteur du texte, c’est-à-dire à vous-même, madame la garde des sceaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement vise à inscrire la compétence exclusive en matière de réparation des dommages corporels au sein des dispositions relatives à la compétence des TGI. Cela est contraire à la position retenue par la commission, qui a choisi, pour des raisons de lisibilité, d’inscrire plutôt cette disposition au sein des règles de compétences des tribunaux d’instance, en prévoyant que ceux-ci sont compétents pour les litiges inférieurs à 10 000 euros, à l’exception des actions tendant à la réparation d’un dommage corporel. Elle a en effet considéré que cette disposition était une dérogation aux règles de compétences des tribunaux d’instance et devait donc figurer en leur sein.
En outre, la rédaction de cet amendement est ambiguë puisqu’il n’y est pas précisé que les TGI auraient une compétence exclusive en matière de réparation des dommages corporels. Le justiciable continuerait donc à s’interroger sur la juridiction à saisir pour un litige inférieur à 10 000 euros – tribunal d’instance ou TGI ?
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cet amendement. Ses dispositions clarifient les choses et améliorent substantiellement la rédaction du texte, qui, effectivement, comportait une référence erronée. Celle que vous proposez me paraît plus adaptée. J’y suis vraiment favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je ne soutiendrai pas cet amendement, pour une question de principe juridique.
Dans notre droit, le tribunal de grande instance est la juridiction de droit commun. Il a donc compétence générale, sauf pour les compétences qui sont attribuées de manière expresse au tribunal d’instance.
Même si notre collègue Bigot n’en fait pas une affaire d’État, je tiens à préciser que l’adoption de son amendement serait source de complexité pour le justiciable. Il ne serait pas très sage de renverser les principes. Il me semble d'ailleurs que le rapporteur souscrit à cette appréciation.
La compétence de droit commun revient au tribunal de grande instance, point à la ligne ! Il ne faudrait pas changer, au détour d’un amendement, un principe général de notre organisation judiciaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Dans cette discussion de spécialistes, je veux rappeler que, aux termes de l’article 211-4 code de l’organisation judiciaire, le tribunal de grande instance a « compétence exclusive » dans certaines matières.
Cela étant, je ne sais pas si la rédaction que je propose pour l’article 9 est meilleure que celle de la commission, mais l’essentiel était de réparer l’erreur de référence que comportait le texte initial. Pour éviter de verser dans le juridisme, je retire donc l’amendement. Mme la garde des sceaux pourra toujours proposer une autre rédaction à l’Assemblée nationale si elle le souhaite. Ce qui compte, c’est la lisibilité : la compétence exclusive du tribunal de grande instance en matière de dommages corporels doit être incontestable.
Mme la présidente. L’amendement n° 198 est retiré.
Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° (nouveau) Le premier alinéa de l’article 45 est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « ne relevant pas de la procédure de l’amende forfaitaire » ;
b) La seconde phrase est complétée par les mots : « sous le contrôle de ce magistrat » ;
2° (nouveau) Le deuxième alinéa de l’article 521 est complété par les mots : « et des contraventions de la cinquième classe relevant de la procédure de l’amende forfaitaire » ;
3° À l’article 523, les mots : « le juge du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « un juge du tribunal de grande instance » ;
4° (nouveau) À l’article 529-7, les mots : « et quatrième » sont remplacés par les mots : « , quatrième et cinquième ».
II (Non modifié). – Le livre II du code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° La seconde phrase de l’article L. 211-1 est complétée par les mots : « ou tribunal de police » ;
2° La sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier est complétée par un article L. 211-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-9-1. – Le tribunal de police connaît des contraventions, sous réserve de la compétence du juge des enfants. » ;
3° L’article L. 212-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le siège du ministère public devant le tribunal de police est occupé par le procureur de la République ou par le commissaire de police dans les cas et conditions prévues aux articles 45 à 48 du code de procédure pénale. » ;
4° L’article L. 221-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « et pénales » sont supprimés ;
b) Les deuxième et dernier alinéas sont supprimés ;
5° La sous-section 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre II est abrogée ;
6° La section 2 du chapitre II du même titre II est abrogée.
III (nouveau). – L’article 1er de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles est ainsi modifié :
1° Le 4° du I est abrogé ;
2° Le second alinéa du 2° du II est ainsi modifié :
a) Après le mot : « classes », sont insérés les mots : « ou des contraventions de la cinquième classe relevant de la procédure de l’amende forfaitaire » ;
b) Les mots : « tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « tribunal de grande instance ».
Mme la présidente. L'amendement n° 145, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. L’article 10, dont l’objectif est de « recentrer le tribunal d’instance sur les petits litiges civils de la vie quotidienne et les justiciables les plus fragiles », comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi, et de favoriser la création de « pôles pénaux » au sein des tribunaux de grande instance, prévoit de transférer les audiences du tribunal de police au tribunal de grande instance.
Cette disposition opère un transfert de contentieux entre les tribunaux d’instance et les tribunaux de grande instance, le contentieux de l’indemnisation des dommages corporels et celui du tribunal de police étant transférés au tribunal de grande instance.
Nous nous opposons à ces transferts de contentieux, essentiellement dictés par des considérations gestionnaires de la direction des services judiciaires. Le contentieux qui relève du tribunal de police est un contentieux pénal de proximité. Rien ne justifie son transfert vers le tribunal de grande instance. Quant aux préjudices corporels, leur technicité n’est pas telle, compte tenu du montant nécessairement limité de la demande, qu’elle justifie ce transfert.
Comme le rappelle le Syndicat de la magistrature, si l’on avait voulu faire du tribunal d’instance une véritable juridiction de proximité, il aurait dû être envisagé de lui transférer le contentieux de l’exécution des décisions en matière mobilière, qui, avec le contentieux du surendettement, pour lequel le juge d’instance est déjà compétent, touche aux difficultés économiques des justiciables et dont l’efficacité passe par une grande proximité et une procédure simple, orale et sans représentation obligatoire.
Nous craignons que l’appauvrissement progressif du contentieux des tribunaux d’instance au profit des tribunaux de grande instance n’aboutisse à un démantèlement progressif de la justice de proximité, en contradiction avec les objectifs affichés du projet de loi, que nous partageons. Les transferts affaibliront encore un peu plus les tribunaux d’instance ainsi que les magistrats et personnels qui y sont affectés. En outre, ces transferts de compétences vers les tribunaux de grande instance sont prévus sans le moindre renforcement des effectifs de ces juridictions.
Pour toutes ces raisons, nous proposons, par cet amendement, la suppression de l’article 10.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement est contraire à la position de la commission, qui a estimé que le transfert des audiences du tribunal de police au tribunal de grande instance constituait une réforme intéressante.
Cette réforme permettra de créer un véritable pôle pénal au sein des TGI et améliorera la cohérence de la politique pénale sur l’arrondissement judiciaire. Elle aura également pour effet de renforcer le contrôle des juges de proximité par les magistrats professionnels et de placer les officiers du ministère public sous le regard du parquet. Cela évitera également aux membres du parquet de « faire la tournée » des tribunaux d’instance pour plaider en matière contraventionnelle, ce contentieux étant devenu, aujourd'hui, résiduel.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour vous interroger, madame la ministre, sur les conditions matérielles, notamment immobilières, du transfert, l’étude d’impact annexée au projet de loi nous étant apparue un peu légère sur ce point. Je souhaiterais également que vous puissiez nous donner quelques éléments d’information sur les réorganisations, en termes de ressources humaines, qui résulteront de cette réforme.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le transfert des audiences du tribunal de police au tribunal de grande instance et la création au sein de celui-ci d’un pôle pénal visent à rationaliser le traitement des contentieux concernés, de la même manière que le pôle social qui sera créé au sein du TGI permettra de mieux traiter le contentieux des juridictions sociales.
L’argument de proximité peut s’entendre. Toutefois, je veux rappeler que les affaires en matière contraventionnelle peuvent engendrer les mêmes traumatismes et les mêmes préjudices que les délits. Je pense notamment aux violences et aux agressions. En outre, le transfert de l’activité pénale du tribunal de police au sein du tribunal de grande instance permettra, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, que les officiers ministériels publics soient davantage placés sous l’autorité du procureur de la République.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur l’amendement.
Pour ce qui concerne l’organisation du transfert et ses incidences, sur les ressources humaines notamment, je vous renvoie aux informations que je vous ai communiquées sur le renforcement des effectifs, aussi bien des magistrats que des greffiers et des fonctionnaires.
Par ailleurs, nous avons instauré ce que nous appelons des « dialogues de gestion ». Ceux-ci permettent aux chefs de cour de présenter à la direction des services judiciaires, en fin d’année, leurs besoins estimés en effectifs, compte tenu de l’activité de leur juridiction. Ils aboutissent à la définition de ce qu’on appelle la circulaire de localisation des emplois, ou CLE. Sur cette base, la direction procède à une estimation des besoins, en fonction, notamment, de l’évolution attendue du volume de contentieux, puis aux affectations. De ce point de vue, les choses sont encadrées et organisées.
La direction des services judiciaires doit aussi tenir compte des contraintes que nous connaissons, mais que nous desserrons de plus en plus, l’entrée en fonction, chaque année, de promotions substantielles de magistrats et de greffiers nous permettant de pourvoir au fur et à mesure les postes vacants.
Pour terminer, je vous indique que le budget immobilier des tribunaux de police – cette information figure dans le document budgétaire que nous avons présenté à l’Assemblée nationale voilà deux semaines – s’élèvera à 8 millions d’euros entre 2016 et 2017.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Vall, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 1 à 7
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéas 19 à 23
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Il est retiré.
Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié est retiré.
L'amendement n° 199, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Les membres du groupe socialiste ne sont pas favorables à la suppression de la composition actuelle du tribunal de police, même au profit d’un juge du tribunal de grande instance, au sein du pôle pénal que vous souhaitez créer, madame la ministre.
La contravention est l’infraction la moins grave et donne lieu aux sanctions les moins lourdes, même si celles-ci peuvent ne pas être négligeables. C’est sans doute pour ce motif, madame la ministre, que vous avez envisagé de supprimer l’article 15 du projet de loi, qui, par ailleurs, nous paraissait intéressant. Or nous pensons que le justiciable doit pouvoir avoir conscience que, s’il est convoqué au tribunal de grande instance, c’est parce qu’il a commis un délit et que, s’il est convoqué au tribunal d’instance, juridiction de proximité, c’est parce que l’infraction qu’il a commise est moins grave.
En outre, l’idée de créer un pôle pénal au sein du tribunal de grande instance me paraît extrêmement dangereuse : je redoute que ne s’y exerce la domination du procureur de la République, nimbé de son aura. Je suis convaincu que, si notre système d’un procureur de la République qui est aussi magistrat est intéressant, la juridiction pénale doit rester l’apanage des magistrats du siège et que ceux-ci doivent échapper au contrôle du procureur de la République que pourrait créer leur proximité au sein du pôle pénal.
Pour l’ensemble de ces raisons, les membres de notre groupe souhaitent le maintien du tribunal de police au sein du tribunal d’instance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Comme je l’ai indiqué à propos de l’amendement n° 145 de nos collègues du groupe CRC, la commission a approuvé le transfert des audiences du tribunal de police au TGI, pour les raisons que j’ai précisées.
Au surplus, sur le plan légistique, cet amendement ne vise qu’une suppression partielle des dispositions concernées, ce qui ne nous paraît pas cohérent.
Pour cette raison, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je suis bien évidemment défavorable à l’amendement, compte tenu de ce que j’ai expliqué précédemment.
J’ai bien entendu les observations et les inquiétudes qui ont été formulées. Elles me paraissent légitimes. En effet, je conçois que la réforme que nous proposons puisse être difficile à conceptualiser, que sa présentation puisse déplaire, mais aussi qu’elle puisse susciter des réticences, en raison de certaines dynamiques que nous connaissons bien. J’en conviens très volontiers.
Il est vrai également que la création du pôle pénal pourrait donner une apparence de gravité immédiate à toute affaire pénale, ce qu’empêchait la proximité du tribunal de police. Il n’est pas indifférent de souligner l’existence de ce risque. Il me semble même important que vous le mentionniez, monsieur le sénateur. L’intention du législateur est une référence essentielle pour ceux qui doivent exécuter les dispositions contenues dans la loi. Le fait que le législateur dise, aussi explicitement que vous venez de le faire, que nous n’avons pas l’intention d’élever la perception du niveau de gravité de certaines affaires en les intégrant au pôle pénal du tribunal de grande instance est très important. La gravité de ces affaires doit être appréciée objectivement, au regard de la seule réalité des faits.
Si cet amendement est rejeté, comme je le souhaite, et que la disposition prévue par le texte du Gouvernement est maintenue, tous ceux qui auront pour mission de mettre en œuvre cette politique et de traiter de ces affaires pénales auront bien conscience, en se référant à vos propos, que le législateur ne leur a pas envoyé comme message ou comme consigne de traiter avec une sévérité indue ces actes relevant maintenant du pôle pénal du tribunal de grande instance.
Je n’ose, monsieur Bigot, vous demander de retirer votre amendement…
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Dans certaines juridictions, des audiences à juge unique ont déjà lieu en matière correctionnelle.
Il pourrait arriver que, par souci de simplification, notamment dans les tribunaux de moyenne importance – ou de plus grande importance –, au sein de ce pôle pénal, un même juge débute son audience en correctionnelle et la poursuive en tant que juge du tribunal de police. C’est cette confusion qui me paraît dangereuse, raison pour laquelle je ne retire pas l’amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article additionnel après l'article 10
Mme la présidente. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Amiel, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 3421-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, sous réserve du troisième alinéa, la première infraction constatée est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe. » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « de ce délit » sont remplacés par les mots : « du délit prévu au premier alinéa » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil communal ou intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance est informé du nombre d’infractions constatées pour le premier usage de stupéfiants. » ;
2° Après l’article L. 3421-1, il est inséré un article L. 3421-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3421-1-... – Dans le cas prévu à la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 3421-1, la contravention est accompagnée des coordonnées des centres spécialisés de soins aux toxicomanes les plus proches. » ;
3° Au second alinéa de l’article L. 3421-2, les mots : « lorsque le délit a été constaté » sont remplacés par les mots : « lorsque l’infraction a été constatée » ;
4° Au début du premier alinéa de l’article L. 3421-4, les mots : « La provocation au délit prévu » sont remplacés par les mots : « La provocation à l’infraction prévue ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, présenté à plusieurs reprises devant le Sénat – voilà encore peu de temps, lors de l’examen du projet de modernisation de notre système de santé –, vise à réprimer la première consommation de drogue illicite par une sanction proportionnée, facile à appliquer et effective, en appliquant l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe.
Je reprendrai ici les arguments défendus par notre excellent collègue Gilbert Barbier. Si les partisans de la dépénalisation de l’infraction de consommation de cannabis sont nombreux, nous ne voyons toujours rien venir. Cela fait pourtant des années que l’on nous parle de ce problème.
Il est ici question du premier usage de cannabis. D’après les études statistiques de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies, la consommation de cannabis est en constante augmentation. Nous sommes donc confrontés à un véritable fléau social. Nous devons avancer sur ce sujet ; c’est la raison pour laquelle il avait été proposé, dès 2011, de manière assez consensuelle, d’intervenir dans ce domaine.
Que personne n’y voit une volonté d’aller vers la banalisation de la consommation de cannabis réclamée par certains ! Je rappelle que 18 000 consommateurs sont suivis en centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie et que 38 000 autres le sont par des professionnels de santé, pour moitié en raison d’une décision de justice consécutive à une interpellation pour usage.
Ainsi, en l’état actuel du droit, la justice renvoie la moitié des consommateurs vers les professionnels de santé. Comme l’avait souligné alors notre collègue Alain Milon, corapporteur du projet de loi de modernisation de notre système de santé, la réponse pénale est lacunaire et débouche sur une impasse : d’une part, elle est inadaptée aux réalités quotidiennes de la consommation de cannabis et, d’autre part, elle apparaît pour le moins peu efficace au regard de la progression de la consommation. Il est évident qu’il n’est pas durablement envisageable de faire encourir à de jeunes consommateurs de cannabis, nullement voués à l’addiction, une peine de prison d’un an.
Qu’en est-il alors de la valeur de l’interdit et du respect dû à la loi pour ces jeunes ? Est-il raisonnable de remettre à la discrétion du procureur de la République le choix de ne pas engager de poursuites pénales, sachant que l’hétérogénéité territoriale de la politique pénale pratiquée dans ce domaine est tout à fait étendue ?
Il faut répondre à cette réalité par la création d’une amende contraventionnelle sanctionnant la première consommation, car cette catégorie spécifique appelle par là même une réponse spécifique. La fixation du taux de l’amende, avec l’accord de la commission, à la troisième classe, est raisonnablement dissuasive et renforce l’efficacité de cette mesure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Comme vient de le rappeler notre collègue Requier, cet amendement reprend le texte d’une proposition de loi adoptée par le Sénat le 7 décembre 2011 et de nouveau transmise à l’Assemblée nationale, à la suite de son renouvellement de 2012, pour ne pas être frappée de caducité.
Cette proposition de loi n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Il s’agit d’un sujet que connaît bien notre collègue François Pillet, coprésident de la mission commune d’information de l’Assemblée nationale et du Sénat sur les toxicomanies et inspirateur de cette proposition. Toutefois, en la personne de notre collègue Michel Mercier, alors garde des sceaux, le Gouvernement s’était déclaré défavorable à cette préconisation, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, une telle disposition entrerait en contradiction avec le discours de fermeté tenu en matière de lutte contre la toxicomanie, le déclassement en contravention pouvant apparaître comme le prélude à d’autres déclassements. En effet, si la peine maximale encourue pour une contravention de troisième classe est de 450 euros, l’amende peut se limiter en fait au montant forfaitaire de 68 euros si elle est acquittée dans les quarante-cinq jours… Voilà qui peut laisser supposer un amoindrissement du dispositif de sanctions.
Ensuite, une telle évolution ne permet d’opérer aucune distinction entre les drogues et conduit à occulter la dimension sanitaire du dispositif législatif actuel. La peine de contravention paraît inappropriée pour des produits tels que l’héroïne, la cocaïne ou la drogue de synthèse, y compris en cas de premier usage.
De plus, la contraventionnalisation n’apporte aucune possibilité nouvelle par rapport à l’ordonnance pénale, outil ouvrant un éventail de sanctions plus large et mieux différencié et permettant un traitement rapide, simple et souple de la plupart des cas, tout en préservant l’intégrité de l’arsenal délictuel.
Enfin, en créant une telle contravention, le législateur rendrait impossible le placement en garde à vue pour simple usage de stupéfiants. La durée de rétention ne pourrait guère dépasser les quatre heures admises pour les vérifications d’identité. Or, avant de consommer de la drogue, le délinquant en fait l’acquisition ; il importe donc non seulement de sanctionner les consommateurs, mais aussi de rechercher les trafiquants. Tel est le rôle de la garde à vue : si ce n’est plus possible demain, les forces de police se trouveront désarmées face aux réseaux de dealers et de trafiquants.
Tous ces arguments – qui m’apparaissent toujours aussi solides – me conduisent à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai entendu qu’une discussion nourrie s’était tenue ici même, sur ce sujet. Je suppose que c’était la ministre de la santé et des affaires sociales qui représentait le Gouvernement lors de ce débat ? (M. Jean-Claude Requier le confirme.)
Cet amendement présente plusieurs défauts, notamment celui que vient d’énoncer le rapporteur de ne pas opérer de distinction selon les différentes substances.
Par ailleurs – je parle bien de la consommation, non de la participation au trafic, à quelque niveau que ce soit, même s’il est évident que la consommation prend sa part dans cette chaîne –, la rédaction de cet amendement ne permet pas de prononcer des peines telles que la confiscation ou le suivi d’un stage de sensibilisation aux dangers de la consommation, pourtant aujourd’hui possibles.
Des travaux ont été engagés sur la question de l’incrimination. La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives doit remettre son rapport d’ici à la fin de ce mois. Attendons de prendre connaissance des conclusions et des préconisations de la MILDECA, après un travail de près d’un an.
Pour ces raisons, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Requier, l'amendement n° 25 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 25 rectifié est retiré.
Chapitre II
Dispositions relatives au fonctionnement interne des juridictions
Article 11
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article 137-1 est ainsi rédigé :
« Lorsque le juge des libertés et de la détention statue à l’issue d’un débat contradictoire, il est assisté d’un greffier. Il peut alors faire application de l’article 93. » ;
2° Au début de l’article 137-1-1, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge des libertés et de la détention peut être suppléé en cas de vacance d’emploi, d’absence ou d’empêchement par un magistrat exerçant la fonction de président, de premier vice-président ou de vice-président désigné par le président du tribunal de grande instance. En cas d’empêchement du président ainsi que des premiers vice-présidents et des vice-présidents, le juge des libertés et de la détention est suppléé par le magistrat du siège le plus ancien dans le grade le plus élevé, désigné par le président du tribunal de grande instance. » – (Adopté.)
Article 12
(Non modifié)
Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° Après le 8° de l’article L. 111-6, il est inséré un 9° ainsi rédigé :
« 9° S’il existe un conflit d’intérêts, au sens de l’article 7-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. » ;
2° L’article L. 111-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le magistrat du ministère public qui suppose en sa personne un conflit d’intérêts, au sens de l’article 7-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, ou estime en conscience devoir s’abstenir se fait remplacer. » – (Adopté.)
Article 13
I (Non modifié). – Le III de l’article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est procédé à l’inscription sur la liste nationale pour une durée de sept ans. La réinscription, pour la même durée, est soumise à l’examen d’une nouvelle candidature. »
II. – Les experts inscrits sur la liste nationale, en application du III de l’article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires, depuis sept ans au plus au jour de la publication de la présente loi sollicitent leur réinscription au plus tard à l’issue d’un délai de sept ans à compter de leur inscription. Lorsque l’échéance de ce délai intervient moins de six mois après la publication de la même loi, leur inscription est maintenue pour un délai de six mois. L’absence de demande dans les délais impartis entraîne la radiation de l’expert.
Les experts inscrits sur la liste nationale depuis plus de sept ans, à la date de publication de la présente loi, sollicitent leur réinscription dans un délai de six mois à compter de cette date. L’absence de demande dans le délai imparti entraîne la radiation de l’expert. – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 13
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements portant article additionnel après l’article 13.
L'amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Guérini et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa de l’article 17 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … De communiquer au Conseil national des barreaux la liste des avocats inscrits au tableau, ainsi que les mises à jour périodiques, selon les modalités fixées par ce dernier ; ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à préciser que les conseils de l’ordre au Conseil national des barreaux, ou CNB, se voient communiquer la liste des avocats inscrits au tableau, ainsi que les mises à jour périodiques de ces listes.
Mme la présidente. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Guérini, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il détermine, en outre, les modalités et conditions de mise en œuvre de la communication électronique des avocats, notamment avec les juridictions. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement tend à donner une base légale aux décisions prises par le Conseil national des barreaux pour déterminer les modalités et conditions de consultation et d’échanges électroniques sur la plateforme « e-barreau ».
M. Yves Détraigne, rapporteur. L’amendement n° 34 rectifié vise à faire obligation aux conseils des barreaux de l’ordre des avocats d’adresser au Conseil national des barreaux la liste des avocats inscrits à leur tableau. Cette disposition relève-t-elle vraiment de la loi ? N’est-ce pas, tout simplement, une bonne pratique à instituer ?
L’amendement n° 33 rectifié vise à élargir les compétences du Conseil national des barreaux à la détermination des modalités et conditions de mise en œuvre de la communication électronique des avocats.
Le rôle naturel du CNB est de représenter les intérêts de la profession d’avocats et d’organiser leur action. Faut-il vraiment inscrire dans la loi tout ce que le CNB peut faire et tous les dossiers qu’il peut suivre ? Je ne le crois pas.
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à ces amendements, à condition qu’ils soient sous-amendés. Au demeurant, je veux être sûre que vous avez eu connaissance des deux sous-amendements rédigés par le Gouvernement…
M. Jean-Claude Requier. Non !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela ne m’étonne pas !
En fait, nous aurions souhaité encadrer le pouvoir transféré par l’autorité publique au Conseil national des barreaux.
Je suis vraiment désolée que l’on n’ait pas pris soin de vous transmettre ces sous-amendements. Il ne serait ni courtois ni loyal vis-à-vis de la Haute Assemblée de les présenter maintenant. Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut que demander le retrait de ces deux amendements.
Je tiens à vous présenter toutes mes excuses. Ces sous-amendements ont été rédigés, mais, manifestement, ils n’ont pas emprunté le circuit idoine.
Mme la présidente. Madame la ministre, vous pouvez, si vous le souhaitez, déposer des sous-amendements en séance.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le problème, madame la présidente, c’est que ces sous-amendements font référence à de nombreux articles de loi. Ils ne tiennent pas en une ou deux phrases. Je ne peux donc demander à des parlementaires de se prononcer sans connaître exactement le contenu des articles concernés.
Je déplore ces méthodes de travail et, une nouvelle fois, je vous prie de bien vouloir accepter mes excuses.
Mme la présidente. Monsieur Requier, les amendements nos 34 rectifié et 33 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Jean-Claude Requier. Je sais que le texte ne va pas revenir au Sénat,…
M. Yves Détraigne, rapporteur. Eh oui, il n’y aura pas de navette !
M. Charles Revet. Ce sont les méthodes de travail que je dénonçais précédemment !
M. Jean-Claude Requier. … mais, dans la mesure où ces amendements ont reçu deux avis défavorables, tout est joué d’avance. Aussi, je les retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 34 rectifié et 33 rectifié sont retirés.
Article 13 bis (nouveau)
Après l’article L. 123-3 du code de l’organisation judiciaire, il est inséré un article L. 123-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-4. – Par exception à l’article L. 123-1, les fonctionnaires des greffes du tribunal de grande instance, du conseil des prud’hommes et des tribunaux d’instance situés dans la même ville que le tribunal de grande instance ou dans un périmètre, fixé par décret, autour de la ville siège de ce tribunal, peuvent être affectés, pour nécessité de service, par le président du tribunal de grande instance au greffe d’une autre desdites juridictions. »
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. J’aimerais dissiper tout malentendu et mettre fin à certaines incompréhensions créées par l’amendement de la commission tendant à instituer la mutualisation des effectifs de greffe et les propos que j’ai tenus à cet égard dans mon intervention lors de la discussion générale.
Nombreux ont été ceux qui m’ont fait remarquer ou m’ont écrit par mails que je prenais les greffiers pour des pions, voulant les déplacer au gré de l’humeur des présidents de juridiction. Tel n’est évidemment pas le cas ! Les greffiers sont, au contraire, indispensables au bon fonctionnement des juridictions. J’ai proposé la mutualisation des effectifs de greffe pour permettre aux juridictions de mieux adapter la répartition des effectifs aux besoins.
Les règles actuelles en matière de remplacement temporaire ou de mutation sont très contraignantes. Aussi, il convient, me semble-t-il, de donner aux chefs de juridiction plus de souplesse – telle est la ligne retenue dans les différents rapports que j’ai cités au cours de la discussion générale et dont nous nous sommes inspirés pour élaborer le texte de la commission – pour ce qui concerne la gestion. La souplesse n’est pas synonyme d’arbitraire. Ce n’est évidemment pas ce que nous voulons, pas plus qu’il ne s’agit là d’un caprice que j’aurais eu avec ma collègue Virginie Klès, lorsque nous avons élaboré un rapport d’information sur la justice de proximité, mais j’y reviendrai ultérieurement.
La proposition de mutualiser les effectifs de greffe a été effectivement formulée pour la première fois par la mission d’information portant sur la justice de première instance que je viens d’évoquer, dans le cadre d’une réflexion tournée vers le tribunal de première instance. En effet, le tribunal de première instance aurait regroupé en son sein – j’espère que ce sera un jour le cas, madame la garde des sceaux – diverses juridictions, sous une même direction. Il aurait alors opéré la fusion de l’ensemble des juridictions.
À l’époque, j’avais constaté, avec notre ancienne collègue, que le principal intérêt de cette réforme résidait précisément dans la mutualisation des effectifs de greffe. La création du tribunal de première instance, telle que le préconisaient les rapports, était vraiment attendue et espérée par les chefs de juridiction – en témoigne le débat national organisé à la Maison de l’UNESCO –, dans la mesure où elle favorisait la mutualisation des effectifs de greffe. Aussi, nous avions plaidé pour une mise en œuvre rapide de cette réforme, qui était à la fois réaliste et assez facilement réalisable.
La seconde question qui se pose porte sur les conditions dans lesquelles cette mutualisation est proposée.
J’y insiste, il ne s’agit en aucune manière de considérer que les greffiers sont des pions interchangeables, pas plus qu’il n’est question de déshabiller Pierre pour habiller Paul ou Jacques. Cela reviendrait à dévoyer la procédure prévue dans les rapports. À cet égard, j’avais proposé dans le rapport d’information précité une garantie de la localisation géographique, afin que l’affectation réponde aux nécessités du service, en vue, précisément, de soustraire les personnels éventuellement concernés aux risques d’arbitraire du chef de juridiction.
On peut évidemment concevoir d’autres garanties pour prévenir toute dérive et rassurer les personnels judiciaires ; je suis ouvert à cette possibilité.
Quoi qu’il en soit, au moment où nous abordons l’examen de l’article 13 bis, je tenais à faire cette mise au point, car cet article a fait couler beaucoup d’encre au cours de ces dernières quarante-huit heures.
Mme la présidente. L'amendement n° 223, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je tiens à vous remercier, monsieur le rapporteur, des explications très claires que vous venez d’apporter.
Pour aller également dans le sens de la clarté, je veux rappeler que votre proposition, qui figure effectivement dans le rapport d’information que vous avez cosigné avec Virginie Klès, est conçue comme une étape progressive vers la mise en place du tribunal de première instance.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Oui !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je l’ai déjà expliqué, nous avions, nous aussi, envisagé la création d’un tribunal de première instance. Cette proposition faisait d’ailleurs partie des préconisations et des suggestions qui ont été examinées, explorées, triturées et appréciées au cours du processus ayant précédé l’élaboration et la rédaction de ce projet de loi.
Lorsque nous avons consulté les juridictions – nous avons reçu 2 000 contributions ! –, une unanimité dans les positionnements transversaux s’est dégagée contre la création du tribunal de première instance. J’ai voulu comprendre pourquoi, et je vous en ai expliqué hier les raisons, dont certaines sont incontestablement psychologiques. En effet, certains craignent la fermeture de juridictions, alors que, depuis trois ans, nous rouvrons, au contraire, des juridictions pour compléter le maillage territorial, en vue d’assurer un accès au droit et à la justice.
Les gens expriment des préoccupations, des inquiétudes, nés de traumatismes psychologiques. Cette crainte est très directement liée à la mise en place de la carte judiciaire de 2008, aux bouleversements qu’ont subis les personnels, les magistrats et, surtout, les greffiers et les fonctionnaires, en raison des déplacements, des déménagements. Toutes ces situations ont entraîné des traumatismes réels. Permettez-moi d’en dire toute la mesure.
La réforme de la carte judiciaire, je m’en souviens, car j’étais alors parlementaire,…
M. Michel Mercier. Nous l’étions tous les deux !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … tout comme vous, monsieur Mercier, avait suscité des revendications, des inquiétudes, des souffrances. M’interrogeant sur cet état de fait, j’avais alors découvert que les chefs de cour avaient formulé dans des rapports un certain nombre de suggestions concernant l’organisation judiciaire. Car tout le monde admettait la nécessité d’une réforme de la carte judiciaire. Cette carte n’avait pas été modifiée de façon substantielle depuis 1958.
M. Michel Mercier. Tout à fait !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Certes, entre-temps, des tribunaux de grande instance ont été créés dans les villes nouvelles, notamment, ainsi que des cours d’appel. Mais la carte générale n’avait pas été modifiée, je le répète, de façon considérable.
D’une manière générale, le principe même de la réforme de la carte judiciaire avait été admis en 2008. Mais c’est la façon dont celle-ci a été mise en place qui a posé problème, créant de véritables déserts judiciaires.
À l’époque, j’avais pris connaissance des propositions formulées par les chefs de cour et de toutes les suggestions émises, qui n’avaient pas été prises en compte. De même, j’avais lu les conclusions du rapporteur public du Conseil d’État.
Lors de ma prise de fonctions au ministère de la justice, l’une de mes premières intentions a été de modifier la carte judiciaire, ce qui a suscité un tollé général. Les personnels des juridictions m’ont dit : « Surtout, ne nous proposez pas autre chose ! Ça suffit, on en a assez vu ! » J’ai moi-même été assez surprise par ces réactions. Je venais avec de bonnes intentions, persuadée que j’allais réparer des blessures, des injustices, des erreurs, et j’en passe. Mais on m’a répondu : « Non, ne touchez plus à la carte judiciaire ! » C’est une dimension psychologique que j’ai respectée.
Par la suite, j’ai essayé de faire du « cousu main ». J’ai confié mission à Serge Daël de se rendre dans des territoires particuliers, afin de pallier les déserts judiciaires les plus flagrants, en apportant la réponse la plus adaptée, c'est-à-dire, en cas de nécessité, réimplanter un tribunal de grande instance, créer une chambre détachée, renforcer une maison de justice et du droit.
Moi, je me suis soumise à cette dimension psychologique, parce que l’on ne peut ignorer la souffrance des personnes qui vous confient que leur vie a été bouleversée par un déménagement précipité et qu’elles ne veulent pas tout recommencer une nouvelle fois, même si la situation actuelle ne leur plaît pas. C’est pourquoi je vous demande aujourd'hui, monsieur le rapporteur, de tenir compte de cette dimension.
De toute façon, la création d’un tribunal de première instance ne sera pas un succès. En effet, si les personnels ne s’approprient pas cette réforme, celle-ci ne sera pas correctement mise en œuvre et ne produira pas tous ses effets en termes d’efficacité. Il n’est donc pas raisonnable de vouloir l’imposer.
Veuillez m’excuser, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir fait cette longue rétrospective, mais je tenais à rappeler que cette proposition de mutualisation des effectifs de greffe s’inscrivait dans un schéma cohérent de mise en place d’un tribunal de première instance. Toutefois, nous ne sommes plus dans ce schéma. Aussi, la mutualisation des effectifs de greffe ne constitue plus une étape du processus, c’est un dispositif à part entière, qui cumulera les inconvénients : un greffier, un fonctionnaire de catégorie C pourra à tout moment être déplacé d’une juridiction à l’autre. Cela ne sera pas sans conséquences.
M. Michel Mercier. Bien sûr !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Une telle disposition ne peut se concevoir sans un minimum de dialogue social et ne peut être appliquée sans amortisseurs en termes d’accompagnement. C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le rapporteur, de bien vouloir renoncer à cette disposition, d’autant que, au regard de la rédaction de l’article 13 bis, vous attribuez cette prérogative au président de la juridiction, évacuant les prérogatives reconnues aux chefs de cour ainsi que l’autorité du directeur de greffe.
De plus, vous mettez à mal, sans que ce soit intentionnel, la dyarchie actuelle, c'est-à-dire la participation, l’implication du procureur dans le fonctionnement de la juridiction. Tout cela serait sans effet, je le répète, si cette réforme s’inscrivait dans un processus de création d’un tribunal de première instance. Mais c’est précisément parce que tel n’est plus le cas que ce dispositif concentre tous ces inconvénients.
Cette mesure va à l’encontre des dispositions actuelles du code de l’organisation judiciaire. Elle ne permet pas, par le dialogue social, d’organiser les choses de manière consensuelle. Elle est de nature à multiplier les risques de traumatismes qui découleront des déplacements.
Nous traitons là de la justice du XXIe siècle. Plutôt que de déplacer les personnels, les greffiers et les fonctionnaires, ne convient-il pas mieux d’imaginer le déplacement de la matière ? Ne peut-on pas transférer le traitement d’une partie de l’activité à des fonctionnaires, sans qu’il soit nécessaire de les déplacer physiquement, pour pallier effectivement les fortes inégalités existant en termes de volume d’activité d’une juridiction à l’autre, voire d’une petite juridiction à une autre ?
Lors de la remise de votre rapport d’information, je vous avais reçu à la Chancellerie, monsieur le rapporteur, et nous avions alors tenu une séance de travail d’une heure.
M. Yves Détraigne, rapporteur. C’est vrai !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je sais que vous avez eu à cœur d’aller sur le terrain, d’organiser des auditions, et je sais toute l’attention que vous avez portée à la situation des personnels. C’est pourquoi je vous demande, avec beaucoup d’insistance, je le répète, de bien vouloir renoncer à cette disposition dans la mesure où celle-ci ne constitue plus une étape vers la mise la mise en place du tribunal de première instance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Voilà encore une question qui fait regretter le dialogue que nous aurions pu avoir avec nos collègues de l’Assemblée nationale, n’était la procédure accélérée.
Il est vrai que la mutualisation des greffes aurait été plus facile à mettre en œuvre dans le cadre du schéma initial, qui prévoyait la création d’un tribunal de première instance. Il est tout aussi vrai que cette idée suscite nombre d’inquiétudes. En procédure normale, la navette aurait joué son rôle : en collaboration avec nos collègues députés, nous aurions apporté au dispositif les ajustements nécessaires.
Je suis partagé, d’autant que j’ignore quelle décision prendrait l’Assemblée nationale si la commission maintenait sa position. À dire vrai, je voudrais avoir la certitude que l’on n’enterrera pas définitivement l’idée de mutualiser les greffes, qui me paraissait tout à fait intéressante pour le bon fonctionnement des juridictions. Je crains que, si je cède à vos instances, madame la garde des sceaux, ce ne soit pour elle un enterrement de première classe !
J’incline à maintenir la position de la commission, même si j’ai bien entendu votre propos. En effet, je suis curieux de voir ce que feront les députés d’une idée qui émane du Sénat. Viendra ensuite la commission mixte paritaire…
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Madame la garde des sceaux, vous nous dites avoir créé des juridictions. Vous en avez créé en effet, mais je crois bien en avoir créé autant avant que vous ne me succédiez. Avec, toutefois, une différence : je ne l’ai pas fait chez des amis politiques.
M. Roland Courteau. Bigre !
M. Michel Mercier. Jugez plutôt : j’ai créé des juridictions à Mayotte et à Cayenne ! Que l’on cesse donc de prétendre qu’après un Gouvernement qui aurait fait n’importe quoi un autre aurait enfin apporté la lumière. Pour ma part, j’essaie toujours d’être le plus constructif possible. Je n’admets donc pas qu’on nous serve en permanence des histoires qui ne sont pas la réalité.
Par ailleurs, l’article 8 que nous venons de voter, dans la mesure où il modifie la répartition des compétences entre le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance, entraîne nécessairement des conséquences pour le greffe. S’il n’a pas de conséquences sur ce plan, c’est qu’on n’a rien modifié du tout.
Il est exact, madame la garde des sceaux, que, dans notre pays, il est très difficile, voire impossible de faire évoluer la carte judiciaire. Je connais comme vous les difficultés auxquelles on se heurte, qui tiennent à la fois à la psychologie et à la crainte des villes qui disposent d’une juridiction de voir leur pouvoir diminué.
Il n’en demeure pas moins impossible qu’une modification du partage des compétences entre le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance n’ait pas de conséquences sur l’organisation des greffes. On peut procéder comme l’on veut : mutualiser ou mettre en place d’autres systèmes ; mais qu’il n’y ait pas de conséquences, cela ne se peut pas.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avant de revenir sur les interrogations et les doutes de M. le rapporteur, dont je salue l’honnêteté intellectuelle et l’intégrité de la réflexion, je tiens à répondre à M. Mercier.
Jusqu’à maintenant – pardon de vous le faire remarquer, monsieur le sénateur –, les débats avaient une haute tenue. Pour certains, à vous entendre, tels gouvernements feraient des choses horribles et tels autres apporteraient la lumière. Sachez que, ni par distraction ni même en faisant des efforts, je ne pourrais avoir une pensée binaire ; je ne sais tout simplement pas raisonner ainsi.
J’ai rappelé que la nécessité de réformer la carte judiciaire avait été reconnue par tous et que des propositions avaient été avancées par le milieu judiciaire lui-même, en particulier par des chefs de cour, mais qu’elles n’avaient pas été prises en compte. J’ai rappelé également quelles avaient été les conclusions du rapporteur public du Conseil d’État. Je n’ai donc porté aucun jugement de valeur ; je me suis borné à souligner des faits.
M. Michel Mercier. C’est aussi ce que j’ai fait !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai rappelé enfin que, ayant eu le sentiment, en tant que parlementaire, qu’il était nécessaire d’apporter très rapidement des corrections à cette réforme, et ayant entrepris d’y travailler, j’avais vu les personnels de la justice me demander de ne plus toucher à la carte et choisi de les exaucer.
Je n’ai donc intenté nul procès à l’ancien gouvernement.
Je ne vous ai jamais accusé, monsieur Mercier, de ne pas avoir ouvert de juridictions. Et pour cause : j’étais présente à l’inauguration de la cour d’appel de Cayenne !
M. Jean-Claude Luche. Merci, monsieur Mercier !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’étais d’autant plus heureuse, ce jour-là, que je me battais depuis quinze ans pour l’obtenir.
M. Michel Mercier. Quinze ans plus tôt, je n’étais pas ministre !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez affirmé que, vous, n’en aviez pas créé pour des amis politiques. Rien qu’une demi-phrase, mais profondément polémique.
Trêve d’allusions : parlons-nous franchement ! Vous avez à l’esprit, je suppose, le rétablissement du tribunal de grande instance de Tulle.
M. Michel Mercier. C’est moi qui ai commencé à le rétablir !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vraiment, monsieur Mercier ? Dans ce cas, quel est le sens du reproche que vous nous adressez ? Si vous aviez envisagé de rétablir ce tribunal, c’est bien qu’il était justifié de le faire ! N’accusez donc pas celle qui en a eu le temps d’avoir agi en faveur d’un ami politique. Au reste, ce n’est pas un ami politique, c’est le Président de la République ; je pense que, au Sénat, on sait respecter la fonction présidentielle et les institutions.
À la vérité, le tribunal de grande instance de Tulle était la juridiction dont le rétablissement était le plus justifié. Songez que Tulle était, sur l’ensemble du territoire hexagonal et des outre-mer, le seul chef-lieu qui ait perdu son tribunal de grande instance lors de la réforme de la carte judiciaire menée en 2008,…
M. Roland Courteau. Bizarre…
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … malgré la présence dans cette ville d’une maison d’arrêt, d’un conseil général et d’un service pénitentiaire d’insertion et de probation, et en dépit d’une activité supérieure à celle du tribunal de grande instance de Brive-la-Gaillarde, tant en matière pénale qu’en matière civile !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il n’est pas nécessaire de se mettre en colère !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avec cela, monsieur Mercier, vous avez l’audace de prétendre que ce rétablissement, qui n’est pas le seul auquel j’aie procédé, aurait été motivé par des amitiés politiques !
M. Michel Mercier. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai donc eu tort de le comprendre ainsi, mais je crois que d’autres l’ont compris de même.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous l’avons tous compris ainsi !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Non pas, monsieur Sueur !
M. Michel Mercier. J’ai dit que vous n’aviez pas été la seule à rétablir des juridictions !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Mercier, le compte rendu de la séance fera autorité. Voilà, en tout cas, la vérité rétablie !
En ce qui concerne les greffes, vous savez mieux que quiconque qu’il y a une différence entre les conséquences résultant, par exemple, du transfert d’une juridiction, qui sont ponctuelles et localisées, et un dispositif de mutualisation générale.
La réponse à la première situation existe déjà : c’est la circulaire de localisation des emplois, la CLE. Le transfert entraîne évidemment des affectations différentes. Je rappelle, au demeurant, que c’est le garde des sceaux qui procède aux affectations, après avis de la commission administrative paritaire.
La position adoptée par la commission fait fi des dispositions du code de l’organisation judiciaire comme des dispositions réglementaires applicables en la matière.
Monsieur le rapporteur, vous regrettez que la procédure accélérée ait été engagée.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. À juste raison !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous regrettons tous la procédure accélérée chaque fois qu’elle est mise en œuvre. Dans le même temps, nous regrettons tous la lenteur et la longueur de la navette parlementaire ! Ainsi, vous avez déploré tout à la fois l’engagement de la procédure accélérée et le fait qu’un texte qui a été débattu au Sénat n’ait jamais été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Le problème n’est pas simplement de savoir si le Gouvernement a eu raison ou tort de recourir à la procédure accélérée. Une réflexion est nécessaire sur le fonctionnement des assemblées. Songez, mesdames, messieurs les sénateurs, que la durée moyenne d’examen d’un texte de loi, hors procédure accélérée, est pratiquement d’une trentaine de mois !
M. Charles Revet. Cela dépend des gouvernements !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans une démocratie, légifère-t-on bien lorsque l’on met près de deux ans et demi pour adopter un texte de loi ?
M. Roland Courteau. Certainement pas !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je pense que nous devons réfléchir à cette situation.
Monsieur le rapporteur, vous qui êtes un sénateur aguerri et qui avez été le rapporteur de plusieurs textes importants, vous savez bien que, en cas d’engagement de la procédure accélérée, une méthode de travail est adoptée avec profit, une méthode qui, d’ailleurs, fait honneur à l’intelligence parlementaire : pour que la qualité du travail soit préservée, les rapporteurs des deux assemblées se rencontrent lors de séances de travail auxquelles la Chancellerie s’associe chaque fois qu’ils le désirent et au niveau qu’ils jugent utile – le plus souvent au niveau de l’administration et du cabinet, parfois du cabinet seul – et auxquelles participent aussi, dans certains cas, les responsables des groupes politiques pour le texte en discussion. Vous n’avez donc pas lieu de craindre que votre proposition ne disparaisse complètement.
Je vous répète, monsieur le rapporteur, quelque respect que je vous porte, que le dispositif adopté par la commission contrevient à des dispositions en vigueur et que son maintien risquerait de mettre à mal l’organisation des juridictions. En particulier, vous proposez d’attribuer le pouvoir d’affectation au seul président de la juridiction. Il n’est pas anodin que le deuxième chef de juridiction n’y soit pas associé, non plus que le directeur des greffes et les chefs de cour. Ce sont pourtant ces derniers qui négocient la CLE avec la direction des services judiciaires et donc discutent avec elle des besoins en effectifs et des vœux d’affectation. Lourde de conséquences serait leur exclusion de la décision !
Voilà pourquoi je me permets de vous demander une nouvelle fois avec insistance de renoncer à votre position, dans l’intérêt de la bonne organisation et du bon fonctionnement de nos juridictions et du traitement le plus respectueux, le moins douloureux possible, des personnels de greffe. Je le réaffirme publiquement devant vous, la Chancellerie se tiendra à vos côtés, si vous le souhaitez, pour des séances de travail avec vos collègues de l’Assemblée nationale, afin d’approfondir une question qui, je le rappelle, est en cohérence avec ce qui était prévu dans votre rapport, à cette réserve que les étapes suivantes ne sont pas encore envisagées.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Madame la garde des sceaux, permettez-moi de vous dire que je ne vous comprends pas. Vous voulez que nous légiférions vite et, dans le même temps, vous réclamez de pouvoir agir lentement. Cela a été le cas pour les tribunaux du contentieux social. C’est aussi le cas pour, disons-le, cette petite disposition.
Je rends hommage à la passion avec laquelle vous défendez la position du Gouvernement, mais il faut ramener les choses à leur juste proportion. L’article 13 bis vise seulement, dans l’intérêt d’une meilleure administration de la justice, à autoriser le président du tribunal de grande instance à affecter les fonctionnaires des greffes à une autre juridiction située dans la même ville. Voilà le contenu exact d’un article que la commission des lois a adopté sur la proposition de son rapporteur. Ce n’est tout de même pas une révolution !
Le Gouvernement se plaint de la lenteur du travail parlementaire. L’existence du Sénat vous gêne-t-elle ? Pourtant, vous avez pu constater avec la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne, qui a été adoptée cet été, le risque que vous preniez à vouloir légiférer trop vite : la censure du Conseil constitutionnel a touché plus d’une dizaine d’articles, considérant qu’ils ne présentaient aucun lien avec l’objet du texte. C’est à juste titre que le Conseil constitutionnel ne l’a pas admis !
La question n’est pas de légiférer vite, mais de légiférer bien ! Pour cela, il faut laisser à la navette parlementaire le temps nécessaire pour que le « tamis » des délibérations des deux assemblées permette d’éviter les erreurs. Si nous avions eu une véritable navette parlementaire sur cette disposition, je suis convaincu que nous aurions pu l’améliorer. C’est faute d’une vraie navette que nous sommes obligés, nous aussi, d’introduire dans le texte que nous sommes chargés d’adopter des dispositions qui nous paraissent utiles et qui permettent de rehausser l’ambition de votre propre réforme. En changeant l’intitulé de ce texte, nous avons d’ailleurs voulu souligner que cette ambition nous paraissait insuffisante.
Madame la garde des sceaux, nous cherchons non pas à vous rallier à notre point de vue, mais à vous faire admettre, en ramenant cette disposition à sa juste proportion, que nous pouvons l’adopter. Il ne s’agit en effet que d’une modeste étape vers une meilleure gestion de nos tribunaux, au travers de la mutualisation limitée – à l’intérieur d’une même ville, je le répète – des moyens humains des différents greffes de juridictions qui se situent dans le périmètre du tribunal de grande instance. Je me permets à mon tour d’insister sans véhémence, croyez-le bien, non seulement pour que notre assemblée puisse adopter cette disposition, mais aussi pour que vous puissiez vous-même l’accepter.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pardon de prolonger les débats, mais les enjeux sont essentiels.
Je vous entends dire, monsieur le président de la commission, que je défends le Gouvernement.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est tout à fait normal !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je ne vous en ai d’ailleurs pas fait grief !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le sujet qui nous intéresse n’est pas le Gouvernement, mais le traitement que l’on entend réserver aux personnels de justice.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. On ne les force pas à déménager !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mais non !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La disposition que vous défendez s’applique à une ville, et non à un petit territoire rural que l’on peut traverser d’un bout à l’autre en dix minutes de marche.
Mme Catherine Di Folco. Et alors ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et alors ? La prolongation du temps de trajet ou la réorganisation d’un quotidien modifié par l’impossibilité de rentrer chez soi le midi entraînera des bouleversements qui seront loin d’être matériellement et financièrement indolores pour les personnels, notamment les fonctionnaires de catégorie C. L’article 13 bis n’est donc pas sans conséquence !
Monsieur le président de la commission, je ne m’autorise pas à considérer qu’adopter une disposition qui est contraire à l’organisation actuelle des tribunaux est une petite affaire. Vous accordez au président du tribunal de grande instance le pouvoir de mutualiser les greffes de toutes les juridictions de son ressort,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Exactement !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … c’est-à-dire du tribunal d’instance, du conseil des prud’hommes et du tribunal de grande instance. Vous lui octroyez donc, et à lui seul, ce pouvoir sans considération pour la responsabilité qui incombe au procureur en tant que chef d’établissement, sans considération non plus pour celle du directeur des greffes ou des chefs de cour. C’est de tout de même de cela qu’il s’agit !
Je ne porte pas de jugement de valeur. Je dis juste que, lorsque vous venez nous dire que la procédure accélérée nous oblige à aller trop vite et qu’il faudrait disposer d’un peu de temps, s’agissant des juridictions sociales, vous allez vous-même très vite. En effet, vous rédigez un article 8, qui compte pratiquement une dizaine de pages, visant à résoudre dans le moindre détail – il vaut mieux cela d’ailleurs, car c’est très bien pour la loi – le problème des juridictions sociales.
D’un côté, vous souhaitez que l’on renonce à la procédure accélérée pour pouvoir prendre le temps et, de l’autre, vous accélérez considérablement les choses en rédigeant à la virgule près toutes les dispositions relatives à un sujet aussi important que les juridictions sociales. Je pourrais moi aussi relever cette contradiction, mais je ne veux pas jouer à ce jeu : j’ai trop de respect pour le Parlement et pour les textes de loi.
S’il m’arrive souvent de prolonger les débats – à mon grand regret et très probablement encore davantage au vôtre –, c’est parce qu’il me semble qu’un tel respect doit prévaloir. En effet, une fois que ces textes ont été adoptés, ils s’imposent dans le quotidien de nos concitoyens. Nous, nous y échappons souvent et ne sommes pas toujours concernés par les effets qu’ils induisent.
C’est parce que je suis extrêmement soucieuse de l’exactitude, de la portée et des effets d’un texte de loi que je me permets d’insister sur ce point : ce n’est pas une petite affaire ! C’est l’affaire des personnels travaillant dans ces juridictions qui peuvent à tout moment être déplacés sans qu’aucun dialogue social ait été engagé, sans que l’on ait pris de dispositions en vue d’amortir les effets liés à ces mesures, et ce en totale contradiction avec l’organisation actuelle de nos juridictions.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 223.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 37 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 155 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 13 bis.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 38 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 155 |
Le Sénat a adopté.
Chapitre III
Simplifier la transmission des procès-verbaux en matière pénale
Article 14
L’article 19 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « certifiée conforme » sont supprimés ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Si les procès-verbaux ont fait l’objet d’une dématérialisation, le procureur de la République peut autoriser que ceux-ci ou leur copie lui soient transmis sous la forme d’un document numérique, le cas échéant par un moyen de communications électroniques. » – (Adopté.)
9
Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée, et je proclame M. Jean Bizet membre du Conseil supérieur de l’aviation civile.
M. Daniel Chasseing. Très bien !
10
Dépôt d'une proposition de résolution
Mme la présidente. Lors de sa réunion du 7 octobre dernier, la conférence des présidents a décidé l’inscription à l’ordre du jour de la séance du lundi 16 novembre 2015, à 16 heures 30, sous réserve de son dépôt et du respect du délai d’information préalable du Gouvernement, de la proposition de résolution visant à affirmer le rôle déterminant des territoires pour la réussite d’un accord mondial ambitieux sur le climat, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution.
Cette proposition de résolution a été déposée aujourd’hui.
Elle a été aussitôt communiquée à M. le Premier ministre.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
11
Justice du XXIe siècle
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle.
Nous poursuivons l’examen du texte de la commission..
Chapitre IV
Dispositions améliorant la répression de certaines infractions routières
Article 15
I (Non modifié). – Le code de la route est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa de l’article L. 130-9, après la seconde occurrence du mot : « automatisé », sont insérés les mots : « ou, lorsqu’elles concernent des contraventions de la cinquième classe, effectuées par procès-verbal revêtu d’une signature numérique ou électronique » ;
2° Le I de l’article L. 221-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le fait de conduire un véhicule sans être titulaire du permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule considéré est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, lorsque :
« 1° Il a été constaté par procès-verbal que ce fait a déjà été commis au cours des cinq années précédentes ;
« 2° Le conducteur a été condamné, par une décision définitive, au cours des cinq années précédentes pour les délits d’homicide ou de blessures involontaires prévus aux articles 221-6-1, 222-19-1 ou 222-20-1 du code pénal ;
« 3° Il s’agit d’un transport de personnes ou de marchandises relevant des dispositions de la troisième partie législative du code des transports ;
« 4° Le conducteur a commis concomitamment une contravention de la cinquième classe ou un délit prévu par le présent code en matière de respect des vitesses maximales autorisées. » ;
b) (nouveau) Au dernier alinéa, la référence : « deuxième alinéa » est remplacée par la référence : « sixième alinéa » ;
3° Le I de l’article L. 324-2 est ainsi modifié :
a) Au début, sont ajoutés les mots : « Lorsqu’il a été constaté par procès-verbal que ce fait a déjà été commis au cours des cinq années précédentes, » ;
b) Après les mots : « puni de », sont insérés les mots : « deux mois d’emprisonnement et ».
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Le 1° de l’article 230-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « classe », sont insérés les mots : « , y compris celles pouvant donner lieu à la procédure de l’amende forfaitaire, » ;
b) Il est ajouté un c ainsi rédigé :
« c) Une violation du code de la route lorsque la loi prévoit que ces faits sont susceptibles de constituer un délit si la personne a commis les mêmes faits au cours des cinq années précédentes ; »
3° (Supprimé)
4° L’article 529-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les contraventions de la cinquième classe, le montant de l’amende forfaitaire est de 500 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 750 €. » ;
5° L’article 529-7 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de l’amende forfaitaire minorée pour les contraventions de la cinquième classe est de 400 €. » ;
6° Après le sixième alinéa de l’article 529-10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’avis d’amende forfaitaire concerne les contraventions de conduite sans permis ou de conduite sans assurance prévues au code de la route, la requête en exonération prévue à l’article 529-2 du présent code ou la réclamation prévue à l’article 530 n’est recevable que si elle est adressée, selon les modalités prévues au premier alinéa du présent article, en étant accompagnée du document mentionné au 2°. »
III (Non modifié). – Au début du premier alinéa de l’article L. 211-27 du code des assurances, sont ajoutés les mots : « Les amendes forfaitaires et ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 66 rectifié ter est présenté par MM. Grand, Savary, Laufoaulu, Joyandet et Revet, Mme Imbert, M. D. Laurent, Mmes Duchêne, Gruny et Deromedi, MM. Charon, Mandelli, Reichardt, G. Bailly, Chaize, Lefèvre, Houpert, Pierre, Danesi, Masclet et Mouiller et Mme Troendlé.
L'amendement n° 220 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Supprimer cet article.
II. - En conséquence, chapitre IV du titre III
Supprimer cette division et son intitulé.
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l’amendement n° 66 rectifié ter.
Mme Pascale Gruny. L’article 15 contient des dispositions censées améliorer la répression de certaines infractions routières.
Il prévoit de transformer en contraventions de la cinquième classe les délits de défaut de permis de conduire et de défaut d’assurance qui seront forfaitisées, lorsque ces faits seront constatés pour la première fois, et sauf dans certaines circonstances.
Ainsi, les automobilistes dits « primodélinquants » ne passeraient plus devant le tribunal pour ces délits particulièrement graves, alors que la France a connu, en 2014, sa première hausse de la mortalité sur les routes depuis 2002.
Or le défaut d’assurance et, surtout, le défaut de permis de conduire sont des infractions particulièrement graves. Nous nous réjouissons tous chaque fois que l’on enregistre une baisse du nombre des accidents, mais cette tendance reste toujours fragile. Par conséquent, adopter cet article et contraventionnaliser ainsi certains délits routiers, ce serait envoyer un mauvais message. Au contraire, il faut être très dur avec les délinquants de la route qui non seulement se mettent eux-mêmes en danger, mais mettent également les autres usagers en danger.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 220.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement propose également de supprimer l’article 15 du projet de loi, conformément à un engagement que j’ai pris publiquement voilà plusieurs semaines.
Initialement, dans le cadre de la réorganisation des contentieux et afin également de permettre aux magistrats et aux greffiers de se concentrer sur leurs missions juridictionnelles, nous avions envisagé de contraventionnaliser les délits de défaut de permis de conduire et de défaut d’assurance, lorsque ces faits sont constatés la première fois et sauf dans certaines circonstances, délits qui, dans 88 % des cas, font l’objet non pas d’une audience correctionnelle, mais d’une ordonnance pénale donnant lieu à une amende.
La moyenne des amendes qui ont été prononcées sur l’ensemble du territoire varie entre 250 euros et 450 euros – nous avons toutefois trouvé le cas d’une amende de 108 euros et celui d’une amende de 1000 euros.
Le délai moyen de traitement de ces délits, quant à lui, varie de sept à quatorze mois, pour un taux de recouvrement faible.
Voilà pourquoi nous avions décidé de transformer le défaut de permis ou d’assurance, lorsque ces faits sont constatés la première fois, en une contravention de la cinquième classe assujettie à la procédure de l’amende forfaitaire. Ces infractions auraient été constatées par procès-verbal électronique et punies d’une amende forfaitaire de 500 euros.
En revanche, en cas de récidive, le délit demeurait et la peine encourue passait de un an à trois ans de prison et l’amende encourue de 3 750 euros à 35 000 euros, ce qui a fait l’objet de discussions au Conseil d’État.
Je précise que la mesure que nous proposions n’était pas nouvelle, puisque, entre 1985 à 2004, pendant une vingtaine d’années donc, ces deux infractions étaient de nature contraventionnelle.
Nous avons étudié les chiffres de la sécurité routière – notre préoccupation première – au cours de cette période et nous n’avons observé aucune augmentation de la mortalité. Au contraire, les chiffres ont connu une tendance à la baisse en raison de la politique très volontariste menée dans ce pays pour faire reculer l’insécurité routière.
En conclusion, quel que soit le régime de sanction – délit ou contravention pour la première infraction –, on n’a observé aucun facteur d’aggravation de l’insécurité routière.
Nous avons étudié la situation dans d’autres pays de l’Union européenne – Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark, Suède –, pays dans lesquels ces infractions sont de type contraventionnel. Ceux-ci obtiennent des résultats sensiblement meilleurs que les nôtres en matière de sécurité routière.
Nous avons évidemment eu le souci de rendre efficace la sanction du défaut de permis et du défaut d’assurance, mais aussi de dégager du temps pour la surveillance et la prévention. Les chiffres de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière l’attestent : l’efficacité en matière de sécurité routière tient surtout aux actions qui sont menées dans ces deux domaines.
Des travaux parlementaires émanant tant de l’Assemblée nationale que du Sénat ont montré que cette contraventionnalisation rendait la sanction plus efficace.
Il se trouve que cette proposition du Gouvernement a suscité un émoi, que nous comprenons sans difficulté. Nous-mêmes avons fait montre d’une grande prudence au cours de ce travail préparatoire qui s’est étalé sur sept à huit mois et qui a notamment impliqué le délégué interministériel à la sécurité routière. En effet, parce que nous savons la dimension psychologique de cette infraction, nous avons veillé à ce que la réponse pénale qui doit y être apportée soit à la fois cohérente avec la politique menée par le Gouvernement en la matière et acceptable socialement en ne heurtant pas la sensibilité de la société.
J’ai moi-même reçu les représentants des associations de victimes, avec lesquelles nous travaillons régulièrement. D’une façon générale, au terme des deux heures de réunion, ils ont reconnu que le système que nous proposions était plus efficace et bien conçu. Néanmoins, ils ont souligné que, tel qu’il avait été présenté à la fin du mois de juillet par les médias, il donnait à penser que les deux délits concernés feraient l’objet d’une sanction moindre du fait de leur contraventionnalisation ; la mesure semblait plus clémente. Une seule association s’est déclarée favorable au maintien de ce mécanisme.
Tenant compte de l’émoi de ces associations, j’ai donc pris l’engagement de vous soumettre un amendement de suppression de ladite disposition, tout en leur réaffirmant avec honnêteté qu’une telle mesure me paraît plus efficace, car elle permettrait aux forces de police et de gendarmerie de se rendre disponibles pour exercer des missions de surveillance et de prévention. Et je réitère mon propos devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
En la matière, il est important que la société comprenne qu’il n’y a aucune baisse ni d’exigence ni de vigilance ; elle doit déceler dans la sanction de telles infractions un souci d’efficacité. Tel ne semblant pas être le cas, au nom du Gouvernement, je vous présente donc cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. À ma demande, la commission n’a pas supprimé cette disposition, non que je sois laxiste, mais parce que je souhaitais, madame la garde des sceaux, que vous nous expliquiez les raisons pour lesquelles vous aviez proposé initialement la contraventionnalisation des délits routiers visés. En fait, je voulais susciter un échange sur cette question.
Je souscris à vos propos, la contraventionnalisation est un mode de répression plus immédiat et plus certain que le système actuel, selon lequel une partie des chauffards ou des conducteurs ayant commis une grosse erreur ne sont pas sanctionnés ou ne le sont que très longtemps après avoir commis l’infraction. C’est un vrai problème.
Vous avez rappelé l’émotion des associations de victimes. Je les comprends, mais j’ai le même sentiment que vous : une sanction certaine met davantage en garde l’automobiliste qui conduit à toute vitesse qu’une sanction éventuelle.
Il n’est évidemment pas question, pour moi, d’émettre un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article 15. Si nous maintenions à tout prix la contraventionnalisation, nous aurions de nombreux opposants, et cette décision ne serait sans doute pas acceptée socialement. Les automobilistes que nous sommes doivent y être attentifs.
De surcroît, de prime abord, nous donnerions l’impression d’être plus sévères, de ne pas être laxistes. Mais en réalité, dans un certain nombre de cas, des conducteurs échapperaient à la sanction. (Mme la garde des sceaux acquiesce.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Nous sommes confrontés à notre rapport à la vérité. Nous sommes nombreux à être convaincus que l’outil de répression d’un phénomène dangereux et en progression, la conduite sans permis, proposé initialement par le Gouvernement est meilleur et plus efficace.
Hier, lors de la discussion générale, j’évoquais l’importance de la relation de la justice au temps. Nous le savons bien, pour les plus jeunes en particulier qui sont assez fréquemment les auteurs de cette infraction, une sanction prononcée des mois, voire plus d’une année après le constat de l’infraction n’a pas la même incidence qu’une sanction rapide.
Bien entendu, on doit respecter les signes d’émotion, mais, Dieu merci !, la République et les grands textes qui organisent notre droit sont nés, non de l’émotion, mais de la raison. Nous sommes tous dans cet hémicycle les héritiers des Lumières !
Honnêtement, je ne peux que voter contre ces amendements de suppression et exprimer ma réprobation de l’acceptation d’une pression psychologique qui n’est pas l’œuvre du législateur. J’y insiste une nouvelle fois, un tribunal de police est un vrai tribunal ; c’est un lieu où les droits de la défense sont respectés et où le droit au recours est applicable.
Vous avez parlé à plusieurs reprises de l’apparence, madame la garde des sceaux ; heureusement, de temps en temps, nous légiférons dans cette enceinte pour autre chose que des apparences !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour explication de vote.
Mme Catherine Troendlé. Je voterai ces deux amendements de suppression par conviction.
Madame la garde des sceaux, j’ai bien entendu ce que vous avez dit tout à l’heure : peut-être n’en serions-nous pas arrivés là si vous aviez consulté préalablement les associations sur un dispositif qui s’est révélé sensible. Quoi qu’il en soit, personnellement, je pense qu’une simple contravention ne suffit pas pour réprimer le défaut de permis et le défaut d’assurance. Quelle est la réalité ? Généralement, les personnes roulent sans permis ou sans assurance pour des raisons financières. Ce n’est pas en leur infligeant une contravention immédiate – de toute façon, elles ne la paieront pas – que l’on pourra parler de véritable sanction.
Je continue à penser – il faudrait pour cela que la justice dispose de moyens supplémentaires – que la comparution devant le juge, assortie d’une sanction la plus immédiate possible, est la meilleure solution.
C’est la raison pour laquelle j’ai cosigné l’amendement n° 66 rectifié ter visant à la suppression de l’article 15.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je partage le sentiment de M. Richard. Garder un système qui sanctionne peu ou pas des infractions graves et de plus en plus fréquentes, juste pour satisfaire des associations estimant que la suppression de celui-ci entraînerait le développement de ces pratiques délictueuses, ne me semble pas de bonne gouvernance.
L’amende forfaitaire, dont le montant est connu et qui est immédiatement payable, aura beaucoup plus de signification...
Mme Catherine Troendlé. Ils n’auront pas les moyens de la payer !
M. Michel Mercier. Pourquoi en auraient-ils davantage lorsqu’ils passeront devant le juge ? Ce n’est pas ce dernier qui va leur donner ces moyens !
Cela dit, conserver le droit actuel, qui ne permet pas à chacun de prendre conscience de ses actes, puisque de plus en plus d’automobilistes conduisent sans permis et sans assurance, n’est pas un bon droit !
Je comprends l’émotion des associations, mais le rôle des élus est parfois de montrer le chemin, et pas forcément de suivre…
Pour ma part, je ne voterai pas ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Moi, je les voterai, ces amendements !
Je comprends parfaitement l’argumentation de Mme la garde des sceaux, et l’échange que nous avons est tout à fait normal.
J’en suis tout à fait d’accord, il ne faut pas légiférer par l’émotion. Mais ces dernières années, sous les gouvernements successifs, nombre de textes ont été adoptés sous le coup de l’émotion post-médiatique. Nous nous sommes malheureusement souvent retrouvés dans cette situation.
Cela étant, un point me préoccupe plus particulièrement. Nous avons un texte, applicable depuis un certain nombre d’années, dont on nous dit qu’il n’est pas appliqué, ou insuffisamment, ce qui justifierait une contraventionnalisation assortie d’une amende forfaitaire de 500 euros. Mais, madame la garde des sceaux, existe-t-il une politique pénale ?
Je suis de ceux qui considèrent qu’il est normal de maintenir un lien entre le Gouvernement et le parquet. Mais l’on constate aujourd’hui, et vous avez raison, que le message est mauvais. Nombre de nos concitoyens, même disposant de peu de revenus, consentent de lourds sacrifices pour passer le permis de conduire. Faire entendre que l’on peut tenter de se priver de ce permis pour 500 euros, c’est envoyer un très curieux message. Ce n’est pas une bonne illustration à la fois de ce que doit être une politique pénale et des objectifs du législateur.
Madame la garde des sceaux, vous avez raison de dire que, la moyenne des sanctions étant inférieure à ce montant, la disposition proposée constituerait un progrès. Mais comme la loi est l’organisation des relations en société, vous avez opportunément déposé cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. Personne dans cet hémicycle ne souhaite légiférer sous le coup de l’émotion. C’est bien la raison qui nous amène à soutenir ces amendements et à refuser la « dé-délictualisation » et la contraventionnalisation de certains délits.
La conduite sans permis ou sans assurance se banalise. Je n’ai pas l’habitude d’évoquer mon expérience personnelle, mais je me souviens que, lorsque mon père m’a expliqué les conséquences que pourrait entraîner la conduite d’un véhicule sans permis ou sans assurance, j’aurais préféré parcourir 100 kilomètres à pied plutôt que de prendre le risque de devoir payer toute ma vie un tel comportement, ne serait-ce que pendant un kilomètre. Or aujourd’hui, des délinquants routiers qui se considèrent comme de petits délinquants sont totalement inconscients des risques qu’ils prennent pour eux-mêmes et qu’ils font prendre aux autres.
À ce titre, il faut distinguer deux catégories : d’une part, des jeunes qui n’ont pas encore le permis ou qui n’ont pas les moyens de payer une assurance, et qui se livrent à ces déviances dans l’insouciance la plus complète ; de l’autre, des adultes, en tout cas des personnes plus âgées, qui sont des multirécidivistes de la contravention ou du délit routier. Les seconds ne doivent pas nous inspirer davantage de mansuétude que les premiers !
Il ne faut banaliser ni la conduite sans permis ou sans assurance, pas plus d’ailleurs que la consommation de stupéfiants – il s’agit là d’un autre sujet, mais, à mes yeux, il est essentiel, dans les deux cas, de conserver la qualification de délit.
On nous explique que, aujourd’hui, la justice est incapable de sanctionner avec la rapidité nécessaire. Cette rapidité est d’autant plus importante lorsque des jeunes sont en cause. Il ne s’agit en aucun cas de défendre une justice expéditive ! Mais force est de le constater, lorsque la sanction survient trop longtemps après la commission du délit, elle n’a plus aucune vertu pédagogique. Certains jeunes peuvent être rattrapés par une vieille affaire alors qu’ils ont renoué avec un bon comportement. D’autres, du fait même de la lenteur de la sanction, ont conçu un sentiment d’impunité qui les a déjà conduits à récidiver.
Aussi, la lenteur de la sanction n’est pas un bon argument. Si un délit est sanctionné trop tardivement, il faut se demander comment le réprimer dans un délai raisonnable. Mais surtout, il ne faut pas transformer ce délit en contravention : cela revient à démissionner ! (M. François Bonhomme applaudit.)
Mme Catherine Troendlé. Bravo !
Mme Cécile Cukierman. Nous ne démissionnons pas !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Avant tout, je tiens à préciser que je m’exprime à titre personnel : ma parole n’engage pas les autres membres du groupe socialiste et républicain.
Madame la garde des sceaux, j’ai beaucoup réfléchi à cette question et j’ai lu attentivement ce projet de loi. Or l’étude d’impact qui l’accompagne est un plaidoyer tout à fait argumenté en faveur de la mesure figurant à l’article 15.
En prenant la parole pour présenter l’amendement du Gouvernement, vous avez, pour trois quarts du temps, défendu cette disposition et, pour un dernier quart, expliqué pourquoi vous y aviez renoncé, du moins temporairement.
Je l’ai déjà dit au cours de la discussion générale : je crois dans votre texte. Je suis persuadé qu’il faut désengorger les tribunaux de toute une série de tâches. On a parlé du pacte civil de solidarité, le PACS. On a parlé d’un certain nombre de dossiers qui relèvent des tribunaux de police : on a souhaité qu’ils restent du ressort de ces instances. On a insisté sur l’importance de la conciliation dans la résolution des litiges.
Je souhaite que l’on réussisse cette réforme, en particulier le transfert de certains contentieux relevant des juridictions sociales aux tribunaux de grande instance. Nous devons véritablement donner à ces tribunaux les moyens d’exercer ces nouvelles missions, en gardant à l’esprit qu’ils ne sauraient tout faire.
Par ailleurs, l’étude d’impact renferme des chiffres qui m’ont frappé. Si l’on analyse les peines effectivement infligées, on aboutit à ce constat. Aujourd’hui, les amendes pour défaut de permis s’élèvent, en moyenne, à 289 euros, en cas de composition pénale ; à 368 euros en cas de comparution sur reconnaissance de culpabilité ; et à 414 euros en cas d’ordonnance pénale.
À travers le présent article, qui transforme en contravention le délit de conduite sans permis ou sans assurance, on institue une amende de 500 euros pouvant atteindre le montant forfaitaire majoré de 750 euros.
Ce qui est proposé, c’est donc une amende plus lourde, une sanction plus rapide et plus efficace. Ce sont là des critères importants en matière de sécurité routière.
Pour ces raisons, après réflexion et à titre personnel, je ne pourrai pas voter ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je tiens à remercier les divers orateurs qui viennent de s’exprimer. Je songe en particulier à M. Alain Richard, qui a rappelé en termes clairs les principes en jeu ; les principes doivent être l’assise permanente de l’élaboration de nos normes. Je remercie également MM. Michel Mercier et Jean-Pierre Sueur.
Cela étant, il faut gommer toute ambiguïté. Aussi, je le dis très clairement : oui, la disposition qui figure dans le présent texte est meilleure et plus efficace.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est tout simplement la vérité !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’ai jamais prétendu à qui que ce soit que je dirais le contraire, car j’en suis absolument convaincue. Au reste, la démonstration en est faite et les mesures statistiques l’illustrent. Je l’ai dit très nettement, y compris aux représentants des associations de victimes.
Apparemment, cette disposition n’est pas comprise. (Mme Esther Benbassa acquiesce.) À ce titre, il faut garder à l’esprit le contexte dans lequel nous nous situons : en août et en septembre derniers, les chiffres de la sécurité routière se sont dégradés par rapport aux mêmes mois de l’année précédente.
M. Alain Richard. Absolument !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Depuis, les statistiques se sont redressées. Cela étant, je suis prête à tenir compte de cette situation, par respect pour ce que peuvent ressentir certains de nos concitoyens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que législateur, vous avez une responsabilité particulière : il faut respecter l’émotion, sans nécessairement que cette dernière guide l’élaboration des dispositions législatives.
Je le maintiens, la mesure figurant à l’article 15 est meilleure et plus efficace.
J’ai entendu parler de mansuétude. Mais ce terme est hors de propos ! M. Sueur vient de le rappeler, la forfaitisation permet une sanction plus sévère et plus rapide.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’enjeu n’est pas la présentation à un juge : dans les faits, si ces délits passent parfois par des compositions pénales ou par des reconnaissances préalables de culpabilité, ils font essentiellement l’objet d’ordonnances pénales. C’est donc par écrit qu’est communiqué le montant de l’amende infligée.
Je le répète, il faut assumer clairement ses positions.
Mme Catherine Troendlé. Oui !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour ma part, j’assume clairement le fait que la mesure figurant dans le texte est la meilleure : elle ne traduit aucune mansuétude. Au contraire, elle est plus sévère et plus efficace que le dispositif actuel. De surcroît, son effet est immédiat ! Mais j’assume tout aussi clairement l’amendement de suppression que je vous présente, au motif que, sur ce sujet en particulier, il faut que la société comprenne et qu’elle accepte ces dispositions.
Maintenir le droit actuel, c’est opter pour des sanctions plus tardives et moins efficaces, pour un taux de recouvrement plus faible, ce sans effet objectif sur la sécurité routière. (M. Daniel Raoul opine.)
J’ajoute que, pendant les vingt années au cours desquelles la conduite sans permis ou sans assurance a figuré au rang des contraventions, on n’a objectivement pas pu constater d’effets négatifs sur la sécurité routière.
Il faut tenir compte de l’émoi de tels ou tels de nos concitoyens. Mais, la mansuétude, si mansuétude il y a, est dans le droit actuel : à droit constant, on touche moins de personnes, on les sanctionne moins sévèrement et l’on perçoit moins d’amendes qu’avec la constatation de l’infraction par procès-verbal électronique !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 66 rectifié ter et 220.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 15 est supprimé.
M. Jackie Pierre. Heureusement qu’il y a la droite…
M. François Grosdidier. … pour soutenir le Gouvernement ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Paul Emorine. Souvenez-vous en, madame la garde des sceaux !
Mme Cécile Cukierman. On en reparlera sur d’autres textes !
Articles additionnels après l’article 15
M. le président. L'amendement n° 99 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Guérini, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le septième alinéa de l'article 181 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le juge d’instruction statue, par une ordonnance motivée, sur le maintien ou non en détention provisoire de la personne mise en examen lorsqu’il la met en accusation. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Soucieux que la France dispose d’une justice du XXIe, je propose, par le présent amendement, de reprendre une préconisation qu’a émise la Cour de cassation et qui, à mon sens, est digne d’intérêt.
La Cour de cassation a proposé à plusieurs reprises de modifier l’alinéa 7 de l’article 181 du code de procédure pénale, afin que le juge d’instruction statue par une ordonnance motivée sur le maintien ou non en détention provisoire de la personne mise en examen lorsqu’il la met en accusation.
Diverses procédures soumises à la chambre criminelle de la Cour de cassation ont conduit à souligner de nouveau l’importance d’une telle modification. Or le texte actuel se contente d’autoriser la poursuite d’une détention provisoire initialement décidée.
Bien entendu, cette évolution conduirait à un débat contradictoire au sujet de la détention provisoire. Au cas où cette dernière serait maintenue, elle apporterait un nouveau fondement aux détentions de cette nature et clôturerait les contentieux nés antérieurement dans ce domaine.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Nous ne doutons pas de l’intérêt de cette proposition. Toutefois, celle-ci semble légèrement hors contexte au regard de ce projet de loi, d’autant que le Gouvernement a annoncé, pour les prochains mois, un texte relatif à la procédure pénale.
Sur le fond, cette disposition doit, du reste, être analysée minutieusement. En effet, elle pourrait également susciter des complications : en cas d’oubli du juge d’instruction, la personne placée en détention provisoire et renvoyée devant les assises pourrait être remise en liberté.
Quant au bien-fondé d’une telle obligation pesant sur les épaules de ce magistrat, elle peut également se discuter. Cette mesure concernerait les personnes renvoyées pour crime devant la cour d’assises. Or les raisons ayant prévalu lors de l’instruction pour les placer en détention provisoire me semblent demeurer, dès lors que ces personnes sont renvoyées pour être jugées.
Aussi, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Mézard, au nom du Gouvernement, je vous invite à mon tour à retirer cet amendement. En effet, une telle disposition trouverait mieux sa place dans le projet de loi de réforme de la procédure pénale annoncé par M. le Premier ministre. Nous travaillons sur ce texte depuis plusieurs mois et serons en mesure de le soumettre, d’ici à quelques semaines, à la représentation nationale.
M. le président. Monsieur Mézard, l’amendement n° 99 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Je constate que l’on m’oppose, une nouvelle fois, le caractère prématuré des dispositions que je présente… C’est à croire que tout est figé, qu’il n’est pas possible de modifier quoi que ce soit.
On ne peut pas me dire, comme on l’a fait ce matin, que cette mesure est sans lien avec le présent texte : on m’assure qu’un projet de loi relatif à la procédure pénale sera bientôt débattu, et que cette disposition pourra sans aucun doute s’y inscrire.
Nous sommes habitués aux réponses de ce type : depuis quelques années, quand on ne veut pas parler d’un problème, on nous déclare qu’il en sera question dans un prochain projet de loi…
Avec cet amendement, j’émets un message – subliminal, sans aucun doute ! (M. Jean-Claude Requier sourit.) Mais je ne souhaite pas élever un conflit à ce sujet et je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 99 rectifié est retiré.
L'amendement n° 129 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Malherbe, M. Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 370 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la cour d’assises statue en appel, le président informe également l’accusé que, pour la défense de son pourvoi, le ministère d’un avocat à la Cour de cassation est obligatoire, cet avocat étant choisi par lui ou, à sa demande, désigné par le président de l’Ordre, et il indique à l’intéressé que les frais seront à sa charge sauf s’il remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle. » ;
2° L’article 567 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Sauf en ce qui concerne la déclaration de pourvoi prévue aux articles 576 et 577, le ministère d’un avocat à la Cour de cassation est obligatoire pour le demandeur au pourvoi et les autres parties.
« Cet avocat est choisi par le demandeur au pourvoi ou par la partie ou, à sa demande, désigné par le président de l’Ordre : la désignation intervient dans un délai maximum de huit jours lorsque le pourvoi porte sur les matières dans lesquelles la chambre criminelle est tenue de statuer dans un délai légal en application des articles 567-2, 574-1 et 574-2 ; les frais d’avocat sont à la charge du demandeur ou de la partie, sauf si les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle sont remplies. » ;
3° À la première phrase du deuxième alinéa des articles 567-2, 574-1 et 574-2, les mots : « ou son avocat » sont supprimés ;
4° Les articles 584 et 585 sont abrogés ;
5° L’article 585-1 est ainsi rédigé :
« Art. 585-1. – Sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, et sous réserve des dispositions des articles 567-2, 574-1 et 574-2, la déclaration de l’avocat qui se constitue au nom d’un demandeur au pourvoi doit parvenir au greffe de la Cour de cassation un mois au plus tard après la date du pourvoi. » ;
5° À la fin de la première phrase de l’article 586 du même code, les mots : « , une expédition de l’acte de pourvoi et, s’il y a lieu, le mémoire du demandeur » sont remplacés par les mots : « et une expédition de l’acte de pourvoi » ;
6° L’article 588 est ainsi rédigé :
« Art. 588. – Le conseiller rapporteur fixe un délai pour le dépôt des mémoires entre les mains du greffier de la chambre criminelle. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Dispositions améliorant les procédures pénales
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Je crains de me trouver encore parmi les « prématurés » chers à M. le rapporteur ! (Sourires.)
Il m’arrive d’être très sensible aux propositions des grands corps de l’État. Le présent amendement reprend ainsi une recommandation contenue dans le rapport annuel de la Cour de cassation et qui avait été adoptée par le Sénat, sur l’initiative de notre ancien collègue Robert Badinter, avec le soutien de Pierre-Yves Collombat, lors de l’examen de la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale. Il s’agissait de poser le principe de la représentation obligatoire devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Ce n’est pas indifférent !
Le principal objectif de cette mesure est d’assurer une défense solide aux justiciables. J’ai rappelé précédemment combien il est difficile, pour certains de nos concitoyens, d’être véritablement défendus en matière pénale.
Ainsi que l’a souligné la Cour de cassation, « en 2013, 41 % des pourvois formés devant la chambre criminelle n’ont pas été soutenus par un mémoire, en dépit de la possibilité théoriquement offerte au justiciable qui forme lui-même un pourvoi en matière pénale de présenter un mémoire personnel exposant les moyens qu’il propose à l’appui de ce pourvoi. Une telle proportion traduit en réalité la difficulté éprouvée par un grand nombre de justiciables pour formaliser un mémoire au regard de la complexité de la technique de cassation.
« Par ailleurs, la grande majorité des pourvois assortis de mémoires donnant lieu à une non-admission traduisant l’absence de moyens sérieux – soit 32 % des pourvois soutenus par un mémoire – concerne des mémoires personnels qui n’ont pas su s’adapter aux exigences de la technique de cassation et au rôle spécifique de la chambre criminelle.
« Rendre obligatoire le recours au ministère d’avocat aux Conseils devant la chambre criminelle, comme c’est déjà le cas devant toutes les autres chambres de la Cour de cassation, offrirait de meilleures chances aux justiciables de voir aboutir les moyens sérieux pouvant être invoqués contre une décision, rendrait plus effectif le droit au pourvoi en cassation, et permettrait à la chambre elle-même de se consacrer pleinement à sa mission consistant à dire le droit dans les causes qui le justifient. »
C’est une gageure dommageable et regrettable de croire qu’un justiciable peut se défendre seul devant la Cour de cassation. Nous continuons à considérer que, dans certains cas, cela emporte des conséquences tragiques pour les intéressés.
Une telle mesure permettrait, enfin, de limiter les pourvois injustifiés, fantaisistes ou inutiles, ce qui n’est pas négligeable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Je crains de devoir confirmer les inquiétudes que vous venez d’exprimer, mon cher collègue : la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable, pour une raison de forme. Cet amendement relatif à la procédure pénale trouvera mieux sa place dans le texte dédié à venir.
Sur le fond, cette proposition me semble mériter une réflexion approfondie, compte tenu de son incidence prévisible sur l’aide juridictionnelle et de la limitation qu’elle instaurerait à l’accès au juge pénal.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Mézard, cet amendement, comme tous ceux que vous soutenez, s’attache à une question importante et vos arguments dévoilent le raisonnement qui vous a conduit à le présenter. Sa qualité n’est donc pas en cause, pas plus que la pertinence de son sujet.
Précédemment se posait la question de la place de la disposition en cause dans le texte dont nous débattons, et j’évoquais le projet de loi à venir relatif à la procédure pénale. L’annonce de ce texte ne date pas d’aujourd’hui ! Un travail très sérieux sur ce sujet est en cours depuis plusieurs mois : en mars 2014, j’ai demandé à la commission Cotte de travailler sur le droit et l’exécution de la peine ; j’ai confié une mission au procureur général Beaume, qui a remis son rapport au mois de juin de la même année ; le ministère de l’intérieur et moi-même nous avons mis en place depuis un an un groupe de travail.
Le rapport Cotte me sera remis dans quelques jours. Il s’agit de la dernière étape, qui nous procurera la masse de matériau nécessaire pour finaliser l’écriture de ce texte. Je ne vous renvoie pas donc pas aux calendes grecques !
Je souhaite tout de même rappeler le sort du texte de transposition de directives européennes dans lequel nous avions introduit quelques dispositions pénales. Celles-ci ont été censurées par le Conseil constitutionnel, sur saisine de certains sénateurs, sur la base uniquement d’un argument de procédure, et non pour des raisons de fond. Le Conseil a considéré que ces mesures étaient non pas mauvaises – elles résultaient d’ailleurs du travail de parlementaires –, mais cavalières. Certaines d’entre elles ont ensuite donné lieu à une proposition de loi, d’autres avaient fait l’objet de rapports du Parlement. Il ne s’agissait pas de fantaisies !
Nous avions alors saisi l’opportunité de ce véhicule législatif pour introduire des dispositions nécessaires et attendues. Elles ont été annulées par le Conseil constitutionnel, en raison de l’initiative du Sénat, sur laquelle je ne porte évidemment aucune appréciation.
Ces mesures utiles, dont certaines étaient urgentes, attendent maintenant un nouveau véhicule. Nous avons intégré l’une d’entre elles à un projet de loi qui va sortir sous peu du Conseil d’État. Il en reste toute une série.
Monsieur Mézard, je comprends votre impatience ! L’urgence et la nécessité de certaines de ces dispositions sont patentes.
Aujourd’hui, nous débattons d’un texte civil. La disposition que vous proposiez précédemment concernait la procédure pénale. Dans quelques semaines, nous vous présenterons un projet de loi sur ce thème, dans lequel cette mesure aura donc toute sa place.
J’en viens maintenant à l’amendement n° 129 rectifié.
La disposition présentée figure parmi les propositions formulées par la Cour de cassation dans son rapport annuel. J’ai reçu le premier président et le procureur général et nous en avons discuté. Je leur ai fait part de mes interrogations quant à la potentielle entrave à l’accès au juge que provoquerait la représentation obligatoire par un avocat.
En effet, les justiciables dont le niveau de ressources est inférieur à 1 000 euros pourront bénéficier de l’aide juridictionnelle à 100 %, mais ceux dont le niveau de ressources est un peu supérieur, sans pour autant être extravagant, devront assurer eux-mêmes le coût de l’avocat.
Cette conséquence n’est pas négligeable. Elle mérite que soient mesurés les effets possibles de cette obligation de représentation. Incontestablement, si nous ne décidons pas de dispositions d’accompagnement, nous prenons le risque d’entraver l’accès au juge pour les personnes percevant des revenus supérieurs à 1 000 euros.
J’entends les remarques de la Cour de cassation, selon laquelle les pourvois introduits par les avocats sont mieux construits juridiquement. Cela se conçoit. Il demeure que l’on ne peut pas en tirer pour seule conséquence l’imposition de la représentation par un avocat. Nous estimons que cette disposition n’est pas mûre pour être adoptée aujourd’hui, car il reste à prendre la mesure de ses effets.
Monsieur Mézard, ne vous plaignez pas, votre capacité d’anticipation est flagrante ! (M. Daniel Raoul sourit.) En nous proposant cette disposition, qui mérite une étude d’impact permettant d’en prendre la mesure ou qui doit être travaillée davantage, vous nourrissez notre réflexion et vous nous permettez d’avancer.
Je ne remets nullement en cause votre appréciation de la nécessité d’introduire cet élément dans la loi, mais, à défaut de retrait, le Gouvernement émettra un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Mézard, l’amendement n° 129 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Je vous remercie, madame la garde des sceaux, de votre sens de l’humour !
M. Jacques Mézard. Je vous répondrai sur le même ton : pour conduire les véhicules législatifs que vous évoquiez, encore faut-il avoir son permis ! (Sourires.) Lorsque ce n’est pas le cas, on aboutit aux errements que nous constatons depuis quelques années !
M. Michel Mercier. Et qui paie l’amende forfaitaire ? (Mêmes mouvements.)
M. Jacques Mézard. Vous me dites que cet amendement concerne la procédure pénale et n’a pas sa place dans un texte civil. Je vous renvoie à l’amendement n° 222, que vous défendrez tout à l’heure. Chacun constatera que, selon les auteurs de l’amendement, on fait deux poids deux mesures.
Pour le reste, prétendre aujourd’hui qu’une disposition adoptée par le Sénat à la demande de Robert Badinter en 2007 devrait encore mûrir, ce n’est pas raisonnable ! Cette mesure a eu tout le temps nécessaire ! Si elle fait encore partie des recommandations de la Cour de cassation, c’est bien parce que celle-ci a également eu le temps de faire mûrir ses propres propositions !
Une fois de plus, comme il ne vous convient pas que nous intégrions cette proposition dans le présent véhicule législatif, vous nous opposez la nécessité d’une étude d’impact. Autant pour ceux qui ont travaillé sur le sujet voici huit ans, et autant pour la Cour de cassation, qui n’a certainement pas suffisamment réfléchi…
Enfin, vous nous dites que la représentation obligatoire pourrait poser des problèmes. Le Parlement et la Chancellerie ont déjà débattu de la représentation obligatoire devant la chambre sociale de la Cour de cassation. Aujourd’hui, tous les acteurs, en particulier les syndicats, affirment que cela se passe très bien.
Dans un domaine aussi important que le droit pénal, je veux bien que vous nous répondiez en évoquant un manque de maturation, mais vous pourriez simplement nous dire que vous ne souhaitez rien de plus que vous en tenir à votre texte ; nous pourrions l’entendre et les choses seraient claires !
Évidemment, je maintiens mon amendement !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15.
L'amendement n° 98 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde, MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini et Mme Malherbe, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 503 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La déclaration d’appel est adressée le jour même ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, en original ou en copie, au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée. Elle est transcrite sur le registre prévu au troisième alinéa de l’article 502, et annexée à l’acte dressé par le greffier, le jour de sa réception ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Dispositions améliorant les procédures pénales
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Alain Richard. C’est de la stratégie à l’ancienne ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Mézard. Cet amendement reprend encore une préconisation présente dans le rapport annuel de la Cour de cassation, dont la réflexion a longuement mûri.
L’article 503 du code de procédure pénale prévoit que la déclaration d’appel faite par la personne détenue auprès du chef de l’établissement pénitentiaire est adressée sans délai au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, le greffier en assurant la transcription.
La chambre criminelle est confrontée de manière récurrente à la question de la combinaison de ces dispositions avec celles de l’article 194, dernier alinéa, du même code qui prévoit les délais d’examen de ces appels par la chambre de l’instruction. Selon sa jurisprudence, le point de départ des délais fixés par ce dernier texte est la date de la transcription de la déclaration d’appel. Or, bien que l’article 503 précise que la transmission doive être faite sans délai, il arrive que le délai effectif entre la déclaration d’appel et le moment où elle est transcrite soit excessif.
Le présent amendement vise donc à préciser les délais applicables à la déclaration d’appel. Son adoption permettra de plus que votre futur texte relatif à la procédure pénale soit plus réduit, puisqu’un certain nombre de dispositions utiles et préconisées par la Cour de cassation auront été adoptées dans le cadre de l’examen du présent texte. C’est donc une œuvre utile que je fais !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Je reprends fidèlement l’avis défavorable qu’a émis la commission ce matin. Comme le précédent, cet amendement vise à introduire une disposition de procédure pénale qui aura plus sa place dans le texte, qui, si j’ai bien compris, devrait nous être présenté dans quelques semaines, madame la garde des sceaux.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cela étant, je ne suis pas persuadé qu’il y ait un problème de fond, puisque la rédaction actuelle de l’article 503 du code de procédure pénale prévoit déjà qu’une personne détenue faisant appel puisse recourir à une déclaration auprès du chef de l’établissement pénitentiaire, ce dernier devant alors transmettre cette déclaration sans délai au greffe.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Au risque de déplaire une fois de plus à M. Mézard, qui sait bien que je n’ai nullement l’intention de lui être désagréable, et bien que j’apprécie son souci de prendre de l’avance sur les textes à venir, je rappellerai, à l’instar du rapporteur, que l’article 503 du code de procédure pénale prévoit déjà une obligation de transmission sans délai.
Quant au présent amendement, il tend à imposer que cette transmission se fasse au plus tard le lendemain, sans prendre en considération les jours fériés ou chômés. Dans ces conditions, un décret d’application pourrait préciser que la transmission de la demande d’appel doit intervenir dès le lendemain si le lendemain est un jour ouvrable.
Quoi qu’il en soit, je vous le répète, mais vous n’en conviendrez pas, cette disposition aurait davantage sa place dans le texte relatif à la procédure pénale. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable. J’observe toutefois que vous parvenez à convaincre l’hémicycle. Peut-être que cet amendement connaîtra le sort heureux du précédent !
M. le président. Monsieur Mézard, l'amendement n° 98 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Madame la garde des sceaux, j’ai subi tant de défaites depuis hier soir ! Pour une fois que le Sénat ne vous suit pas, il faut faire bonne figure !
En ce qui concerne cet amendement, pour vous être agréable, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 98 rectifié est retiré.
L'amendement n° 175, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le paragraphe 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre IV du code pénal est complété par un article 432-7-… ainsi rédigé :
« Art. 432-7-... – Est puni des peines prévues à l’article 432-7 le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public d’exercer un des droits de préemption définis par le code de l’urbanisme afin d’empêcher l’acquisition par une personne physique ou morale d’un des biens ou droits énumérés aux 1° à 3° de l’article L. 213-1 du même code en raison de l’un des motifs de discrimination visés aux articles 225-1 et 225-1-1 du présent code. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre ...
Dispositions relatives aux abus du droit de préemption
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement vise à combler une lacune du droit en matière de discrimination. Il s’agit de punir pénalement l’exercice abusif, par une personne exerçant une fonction publique, du droit de préemption, fondé notamment sur l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou encore sur l’orientation ou l’identité sexuelle.
Ce vide juridique a été illustré par deux arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation des 17 juin 2008 et 21 juin 2011, dans lesquels le juge a considéré que l’exercice d’un droit ne peut constituer un acte discriminatoire, et ce même si l’exercice de ce droit est abusif.
En l’espèce, un maire s’était vu reprocher d’avoir évincé d’une vente de biens immobiliers des acquéreurs en raison de la consonance de leur patronyme, qui laissait supposer leur origine étrangère ou leur appartenance à l’islam, en usant de son droit de préemption à leur encontre. Dans les deux affaires, la volonté du maire avait été démontrée.
Cet amendement vise donc à compléter par un nouvel alinéa l’article 432-7 du code pénal qui sanctionne le délit de discrimination commis par une personne exerçant une fonction publique.
Ainsi, le fait, pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, d’exercer un droit de préemption afin d’empêcher une personne de se porter acquéreur en raison de l’un des motifs de discrimination visés aux articles 225-1 et 225-1-1 du code précité serait puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Il s’agit d’un amendement de bon sens. J’ajouterai que son adoption permettrait d’appliquer concrètement la proposition n° 4 du rapport relatif à la lutte contre les discriminations que j’ai rendu avec mon ancien collègue Jean-René Lecerf, proposition qui préconise d’« introduire dans le code pénal une disposition incriminant l’usage abusif du droit de préemption à des fins discriminatoires ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La commission a déjà débattu de ce sujet au moment de l’examen du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Si un amendement identique à celui que nous examinons ce jour avait été présenté par le rapporteur pour avis, M. Vandierendonck, il n’avait pas été adopté en séance publique, les rapporteurs de la commission des affaires économiques s’étant déclarés tous deux réservés.
Le droit de préemption étant relativement complexe à mettre en œuvre, j’avoue être un peu surpris d’entendre que l’on peut le détourner. Compte tenu de la qualité du travail que vous avez effectué avec Jean-René Lecerf, ma chère collègue, je m’en remets néanmoins à votre jugement.
Je demeure malgré tout réticent à l’insertion d’une disposition aussi spécifique et ne relevant pas à proprement parler du domaine pénal dans le texte dont nous débattons.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame la sénatrice, la disposition que vous proposez d’introduire relève effectivement à la fois du code de l’urbanisme et des codes pénal et de procédure pénale.
Je suis un peu gênée de renvoyer au projet de loi qui va modifier la procédure pénale, car j’entends votre préoccupation, mais cette disposition y aura davantage sa place dans la mesure où nous avons notamment prévu dans ce texte de transférer la caractéristique générale aggravante de racisme, d’antisémitisme et de discrimination sexiste ou de toute autre nature dans le code pénal.
Cela nous permettrait, de plus, de prendre le temps de lister, outre la préemption immobilière que vous visez spécifiquement, toutes les situations relevant soit de cette circonstance aggravante, soit d’une sanction pour abus de droit de position, notamment dans une instance publique.
Je vous demande donc de retirer cet amendement.
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 175 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse, mais je regrette que cette disposition soit à chaque fois renvoyée à un prochain projet de loi. Dans le cadre de l’examen du texte relatif à la politique de la ville, M. Lamy y était favorable, mais nous avons fait face à l’incompréhension par la commission des affaires économiques de la portée de ce texte. Cela relevait d’un malentendu.
Nous voilà de nouveau face à un renvoi, alors que des affaires prouvent qu’une discrimination réelle existe. On ne peut pas l’ignorer !
M. le président. L'amendement n° 222, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 441-2 du code de l’organisation judiciaire est ainsi rédigé :
« Art. L. 441-2. -- La chambre compétente de la Cour de cassation se prononce sur la demande d'avis.
« Lorsque la demande d'avis porte sur une question de principe ou relevant normalement des attributions de plusieurs chambres, la formation de la Cour de cassation qui se prononce sur la demande d'avis est présidée par le premier président ou, en cas d'empêchement, par le président de chambre le plus ancien. »
II. - En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Disposition tendant à renforcer l’efficacité de l’action judiciaire
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement vise à faciliter la saisine de la Cour de cassation pour avis par les juridictions. Le droit prévoit actuellement que la Cour de cassation se prononce dans ces cas par décision d’une formation spéciale présidée par son premier président.
Cette procédure lourde a un effet dissuasif sur les juridictions, qui ont pourtant besoin de l’éclairage de la Cour de cassation sur certains points de droit ou certaines interprétations du droit.
Nous proposons de réserver cette formation spéciale aux situations très particulières, par exemple un nouveau point de droit nécessitant une jurisprudence afin d’harmoniser son interprétation sur l’ensemble du territoire, et de permettre aux chambres de droit commun de statuer dans les autres cas.
Il s’agit donc de faciliter la saisine de la Cour de cassation, ce qui ne pourra laisser indifférent M. Mézard, qui a pour la Cour de cassation, cette nuit en tout cas, les yeux de Chimène...
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la garde des sceaux, nous ne pouvons pas travailler dans ces conditions ! Cet amendement soulève des questions de principe importantes et intéressantes. Mais l’ayant reçu très tardivement, la commission, qui a délibéré encore toute la matinée sur les amendements déposés sur ce texte, n’a pas pu procéder aux auditions nécessaires ni approfondir sa réflexion.
Je veux rappeler au Gouvernement, qui prend tout le temps nécessaire avant le dépôt de ses textes, que le fait qu’un instrument législatif soit en discussion n’est pas une motivation suffisante pour y ajouter jusqu’à la dernière minute des amendements sur des sujets aussi importants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. M. le président de la commission a dit l’essentiel. Nous avons été saisis hier soir de cet amendement et n’avons donc pas pu l’examiner. Par conséquent, pour une question de principe, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. L’échange qui vient d’avoir lieu a l’attrait de la nouveauté. C’est si rare que ce genre de circonstances se présente !
Une fois un mécontentement légitime exprimé, il n’y a selon moi que des arguments en faveur de cette disposition. M Bas connaît très bien le fonctionnement d’une cour suprême. On le sait, lorsque des questions nouvelles apparaissent, vouées à cheminer de degré de juridiction en degré de juridiction, le fait que la première juridiction saisie puisse saisir la juridiction suprême représente un gain d’efficacité et d’unité. Dans la mesure où un tel dispositif était relativement nouveau à la Cour de cassation, on avait prévu qu’une formation spéciale était compétente dans ce cas, alors que la logique aurait été que les chambres le soient.
Il n’y a pas besoin de faire un gros effort de réflexion ou de préparation ni de procéder à de multiples auditions pour considérer que cette disposition relève du simple bon sens.
Mais, si l’on va jusqu’au bout du bon sens, j’ai un peu de mal à comprendre l’une des conditions prévues pour réunir une formation spéciale. De quoi diable une juridiction de base pourrait-elle saisir la Cour de cassation qui ne soit pas une « question de principe » ? Je comprends qu’on ait recours à la formation spéciale lorsque l’affaire relève « normalement des attributions de plusieurs chambres ». Mais pourquoi écrire que cette formation se réunit lorsqu’il s’agit d’une question de principe ? Il sera assez rare, madame la garde des sceaux, que la Cour de cassation soit sollicitée sur une question d’espèce !
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je me rangerai à l’avis de la commission sur cet amendement. Toutefois, je voudrais souligner l’intérêt qu’il présente. En effet, au moment où le système de cassation, tel qu’il existe aujourd'hui, est remis en cause, le fait de reconnaître la compétence de chacune des chambres de la Cour de cassation pour donner des avis est un moyen efficace de conserver ce système.
Je le reconnais, le cinquième alinéa de cet amendement est un peu obscur et il conviendrait sans doute de le préciser. La précipitation est toujours mauvaise conseillère !
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. On peut comprendre le courroux du président de la commission des lois et le mécontentement du rapporteur. Mais l’efficacité est importante. Nous reprochons tellement souvent à la justice de délibérer lentement ! Par conséquent, si les choses sont simples, qu’est-ce qui nous empêche, ce soir, d’adopter cet amendement, si nous pensons tous qu’il répond à l’exigence d’une meilleure efficacité de la Cour de cassation ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 222.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Titre IV
RECENTRER LES JURIDICTIONS SUR LEURS MISSIONS ESSENTIELLES
Chapitre Ier
Dispositions relatives aux successions
Article 16
(Non modifié)
I. – L’article 1007 du code civil est ainsi modifié :
1° Après la troisième phrase du premier alinéa, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Dans le cas prévu à l’article 1006, le notaire vérifiera les conditions de la saisine du légataire au regard du caractère universel de sa vocation et de l’absence d’héritiers réservataires. Il portera mention de ces vérifications sur le procès-verbal. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le mois suivant cette réception, tout intéressé pourra s’opposer à l’exercice de ses droits par le légataire universel saisi de plein droit en vertu de l’article 1006. En cas d’opposition, ce légataire se fera envoyer en possession. Les modalités d’application du présent alinéa sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
II. – L’article 1008 du même code est abrogé.
M. le président. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Vall, Bertrand, Collombat et Guérini, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. L’article 16, qui concerne le droit des successions, n’est pas un article banal, sans conséquence. Il s’agit de modifier la procédure des envois en possession. Pour avoir rédigé, madame la garde des sceaux, plusieurs centaines de requêtes d’envoi en possession dans ma carrière, y compris les projets d’ordonnance, je ne crois pas que votre proposition constitue un progrès.
En effet, le présent article tend à abroger l’article 1008 du code civil et à supprimer ainsi la mise en œuvre systématique de la procédure judiciaire d’envoi en possession du légataire universel désigné par testament olographe ou mystique, en l’absence d’héritiers réservataires. Depuis l’origine du code civil, lorsqu’il n’y a pas d’héritiers réservataires et que le testament désigne un légataire universel, il faut se faire envoyer en possession.
Le fait de soumettre la requête au président du tribunal de grande instance est une mesure de protection. Il est vrai que, dans la grande majorité des cas, le projet d’ordonnance est validé, mais il arrive qu’il ne le soit pas.
Corrélativement à l’abrogation de l’article 1008 du code civil, vous complétez l’article 1007 du même code pour remplacer l’envoi systématique en possession par une vérification par le notaire du caractère universel de la vocation à succéder du légataire universel et de l’absence d’héritiers réservataires.
Cette disposition inverse la logique actuelle de la procédure. À la place d’un envoi systématique en possession, elle prévoit de n’y recourir qu’en cas de contestation. Mieux vaut une vérification préalable du magistrat, d’autant que cela prend peu de temps. Et c’est une mesure de protection. De surcroît, ces procédures ne font pas perdre de temps aux magistrats, puisque, dans la quasi-totalité des cas, le projet d’ordonnance leur est soumis pour vérification.
Nous pensons que la procédure que vous proposez peut porter préjudice aux droits des personnes pouvant être intéressées à la dévolution de la succession. Vous les forcez, même si elles ne savent pas trop comment s’y prendre, à faire opposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 16, qui simplifie la procédure d’envoi en possession du légataire universel désigné par testament olographe ou mystique, en l’absence d’héritiers réservataires.
Il est contraire à la position de la commission, qui a estimé que cette simplification était utile et préservait le droit des personnes souhaitant s’opposer à l’exercice des droits du légataire universel, l’article 16 inversant seulement la logique actuelle de la procédure. À la place d’un envoi systématique en possession, il est prévu de n’y recourir qu’en cas de contestation. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je comprends la préoccupation de M. Mézard, qui s’attendait, je pense, à un avis favorable de ma part. Effectivement, il ne s’agit pas d’un contentieux massif. On sait aussi, vous l’avez dit vous-même, monsieur le sénateur, que, dans la très grande majorité des cas, il n’y a ni conflit ni contestation. Je ne vois pas pourquoi vous pensez que la vérification effectuée par le notaire impliquerait une sécurité moindre. Ce dernier peut en effet accéder aux différents éléments d’information. L’article 16 préserve les intérêts des tiers. La contestation est donc possible.
Le Gouvernement souhaite que soient soumises au juge les situations conflictuelles et non pas systématiquement toutes les procédures d’envoi en possession. Tenant à cet article 16, il vous demande, monsieur Mézard, de bien vouloir retirer votre amendement, à moins que vous ne soyez moins contrarié par un avis défavorable…
M. le président. Monsieur Mézard, l’amendement n° 21 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Ce dialogue est extrêmement intéressant, madame la garde des sceaux.
Si j’insiste, ce n’est pas pour le plaisir de ne pas être de votre avis, ou plutôt de l’avis de vos services et, surtout, de celui des notaires.
Que tend en effet à instaurer la réforme que vous proposez ? En fait, vous transférez l’examen de ces requêtes du magistrat du tribunal de grande instance qui les reçoit au notaire. Or le notaire a tout de même un client ! Il est difficile de défendre des personnes dont les intérêts sont contradictoires !
Pour ma part, je pense défendre l’intérêt de l’ensemble des justiciables. Je considère que la disposition en question ne constitue pas un progrès. Mais peut-être suis-je en train de vous faire un procès d’intention, madame la garde des sceaux. Dans ce cas, pardonnez-moi par avance.
La loi Macron comportait des dispositions qui ne plaisaient pas aux notaires ; ils l’ont exprimé assez fortement. Avec ce texte, vous allez plutôt leur faire plaisir, mais je ne pense que ce soit l’axe prédominant de cette réforme. Vous voulez simplement supprimer l’examen de ce type de dossiers par les magistrats, dans les palais de justice.
Je persiste à penser, pour avoir rédigé de nombreuses requêtes d’envoi en possession, que cette évolution ne constitue pas un progrès. En effet, dans ces questions de succession, grâce aux documents qui sont fournis au magistrat, notamment le testament, qu’il soit olographe ou mystique, le juge a la possibilité de renvoyer la requête pour telle ou telle raison, si le cas pose problème. Le temps qu’il doit consacrer à cette tâche n’est pas en cause, puisque, en général, les projets d’ordonnance sont préparés.
Je maintiens donc cet amendement visant à supprimer l’article 16, qui ne constitue pas, je le répète, un progrès.
M. le président. L'amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa ne s’applique pas lorsque le testament a été établi par acte sous seing privé contresigné par un avocat, dans les conditions visées aux articles 66-3-1, 66-3-2 et 66-3-3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme certaines professions judiciaires et juridiques. » ;
…° Au second alinéa, après les mots : « le notaire », sont insérés les mots : « ou l’avocat » ;
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié est retiré.
L'amendement n° 243, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
...- À l’article 1030-2 du même code, les mots : « prévu à l’article 1008 » sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Article 16 bis (nouveau)
L’article 804 du code civil est ainsi modifié :
1° Le second alinéa est complété par les mots : « ou faite devant notaire » ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le mois suivant la renonciation, le notaire qui l’a reçue en adresse copie au tribunal dans le ressort duquel la succession s’est ouverte. » – (Adopté.)
Article 16 ter (nouveau)
Le premier alinéa de l’article 788 du code civil est complété par les mots : « ou devant notaire ». – (Adopté.)
Chapitre II
Le pacte civil de solidarité
Article 17
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 461, les mots : « au greffe du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « devant l’officier de l’état civil » ;
2° À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 462, les mots : « au greffe du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « devant l’officier de l’état civil » ;
3° L’article 515-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle elles fixent leur résidence commune ou, en cas d’empêchement grave à la fixation de celle-ci, devant celui de la commune où se trouve la résidence de l’une des parties. » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « le greffier du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « l’officier de l’état civil » ;
c) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« À peine d’irrecevabilité, les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité produisent la convention passée entre elles à l’officier de l’état civil, qui la vise avant de la leur restituer. » ;
d) Au début du quatrième alinéa, les mots : « Le greffier » sont remplacés par les mots : « L’officier de l’état civil » ;
e) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « au greffe du tribunal » sont remplacés par les mots : « à l’officier de l’état civil » ;
4° À la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 515-3-1, les mots : « au greffe du tribunal de grande instance de Paris » sont remplacés par les mots : « au service central d’état civil au ministère des affaires étrangères » ;
5° L’article 515-7 est ainsi modifié :
a) Au début du deuxième alinéa, les mots : « Le greffier du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « L’officier de l’état civil » ;
b) Au quatrième alinéa et à la seconde phrase du cinquième alinéa, les mots : « au greffe du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « à l’officier de l’état civil » ;
c) Au début du sixième alinéa, les mots : « Le greffier » sont remplacés par les mots : « L’officier de l’état civil » ;
d) Au neuvième alinéa, les mots : « au greffier du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « à l’officier de l’état civil » ;
6° L’article 2499 est abrogé.
II (Non modifié). – À la première phrase du premier alinéa de l’article 14-1 de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, les mots : « tribunaux d’instance » sont remplacés par le mot : « communes ».
III (Non modifié). – Les modalités de mise en œuvre du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.
M. le président. L'amendement n° 86 rectifié, présenté par M. Joyandet, Mme Di Folco, MM. Laufoaulu, Trillard et Vasselle, Mme Primas, M. Grosperrin, Mmes Gruny et Micouleau, M. de Legge, Mme Lamure, MM. Bouchet, César, Mayet, Danesi, Vaspart, Cornu, Masclet, Charon, Vogel, Huré, Pinton, Reichardt et Mandelli, Mme Lopez, MM. Milon, Perrin et Malhuret, Mme Procaccia, M. Doligé, Mme Duranton, MM. Savin, Raison et Savary, Mme Keller et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Catherine Di Folco.
Mme Catherine Di Folco. L'article 17 du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle vise à transférer aux officiers de l'état civil les compétences actuellement dévolues aux greffiers pour l'enregistrement et la dissolution des pactes civils de solidarité. Cette solution est préconisée depuis plusieurs années par de nombreux rapports parlementaires. Elle est également appliquée par la plupart des pays européens où des dispositifs équivalents au PACS existent.
D’après l’étude d'impact réalisée sur ce projet de loi, l'attribution de nouvelles missions aux maires, en leur qualité d'officier de l'état civil, ne relève pas d'un transfert de compétences ouvrant droit à compensation en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Plus précisément, selon cette étude, « le transfert aux collectivités locales conduisant à un accroissement des charges liées aux compétences des officiers d'état civil qui agissent au nom de l'État ne peut s'interpréter comme un transfert de compétences vers les collectivités territoriales au sens de l'article 72-2 de la Constitution. » Toutefois, ce nouveau transfert de tâches constitue assurément une charge financière nouvelle pour les communes qui n'est absolument pas compensée.
En 2013, plus de 168 200 PACS ont été conclus et 53 655 ont été dissous, soit un total de 221 855 actes réalisés en ce domaine. Cette activité a mobilisé cette année-là 79 fonctionnaires du ministère de la justice à temps plein, pour une masse salariale de l'ordre de 2,5 millions d'euros.
Or, si cette charge supplémentaire est relativement faible une fois répartie sur l'ensemble des communes françaises, elle s'additionne néanmoins à toutes les autres – réforme des rythmes scolaires, accessibilité des bâtiments publics, caducité des plans d'occupation des sols au 31 décembre prochain, fin de la mise à disposition des services de l'État pour l'instruction des demandes d'urbanisme, etc. –, et devient totalement inacceptable dans un contexte de diminution sensible des dotations versées par l'État aux communes.
Aucune compensation financière n'étant prévue en contrepartie de ce transfert de compétences qui intervient dans un contexte budgétaire particulièrement restrictif, les signataires de cet amendement proposent de supprimer le présent article.
Les maires en ont assez de récupérer les missions que l’État ne veut plus assurer sans compensation financière. Ils l’ont fortement exprimé le 19 septembre dernier ; ils le feront de nouveau, à l’occasion du congrès des maires qui se tiendra dans une quinzaine de jours.
Mme Catherine Troendlé. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’article 17, qui prévoit de transférer aux officiers de l’état civil l’enregistrement, la modification et la dissolution d’un PACS, en raison du coût que ce transfert entraînerait pour les communes.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, préférant l’amendement suivant, qui vise à transférer aux notaires la compétence en matière de PACS.
Cependant, pour ma part, je m’inquiète du surcoût qui résulterait d’un tel transfert aux notaires. À titre personnel, je suis donc favorable à l’amendement n° 86 rectifié, dont l’adoption permettrait de revenir à la législation actuelle, qui prévoit une compétence des greffes du tribunal d’instance.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La disposition en cause a fait l’objet d’un travail commun avec l’Association des maires de France ; nous avons été très attentifs aux demandes des maires, et c’est en concertation avec eux que nous sommes convenus de ce transfert de l’enregistrement des PACS aux officiers de l’état civil.
Je rappelle le contexte dans lequel cet enregistrement a été confié aux greffes des tribunaux : à l’époque, les débats de société qui entouraient la création du pacte civil de solidarité ont conduit à adopter des dispositions permettant d’éviter toute confusion éventuelle entre le PACS et le mariage. La société s’est entre-temps saisie de ce sujet d’une manière dépassionnée, faisant du PACS un choix d’organisation familiale parmi les autres.
M. François Grosdidier. Justement !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Aujourd’hui, 94 % des PACS concernent des couples hétérosexuels.
M. François Grosdidier. Ce n’est plus un substitut au mariage !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par conséquent, il n’y a aucune raison de refuser qu’il revienne à l’officier de l’état civil d’enregistrer le PACS et les conventions qui le modifient, ou de prononcer sa dissolution. À cet égard, les chiffres sont éloquents : d’ores et déjà 0,9 % des communes françaises enregistrent 29 % des PACS.
En contrepartie, d’une part, nous déchargeons les communes informatisées de l’obligation d’élaborer un double en version papier du registre de l’état civil à destination du greffe du tribunal de grande instance. D’autre part, nous satisfaisons une demande émanant de l’Association des maires de France relative à l’accès aux données du dispositif COMEDEC – communication électronique des données de l’état civil –, plateforme informatique qui permet aux communes de disposer d’informations fiables sur les actes de naissance, de mariage et de décès détenus par d’autres communes, alors que l’échange de données était jusqu’à présent uniquement vertical
In fine, les communes sont donc gagnantes.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement souhaite le maintien de l’article 17. Il émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 86 rectifié.
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. Je suis l’auteur de l’amendement suivant, dont l’objet est de transférer l’enregistrement du PACS aux notaires, et sur lequel la commission a émis un avis favorable.
Je me permets cependant d’intervenir à ce stade de la discussion. Nous nageons en effet, madame la garde des sceaux, en pleine confusion s’agissant des principes juridiques. Le PACS n’est pas un acte d’état civil ! Il s’agit d’un contrat. Or le contrat relève soit des notaires – des officiers ministériels –, soit, éventuellement, du tribunal, mais il ne relève en aucun cas de l’officier de l’état civil. Si l’on commence à prétendre le contraire, pourra-t-on, demain, faire authentifier des contrats de location, des contrats de vente, quoi que ce soit, devant l’officier de l’état civil ?
D’ailleurs, dans le cas du mariage, si un contrat s’ajoute à l’acte d’état civil, il est obligatoirement passé devant notaire, et non à la mairie : l’officier de l’état civil se contente de déclarer qu’un contrat a été préalablement conclu.
Cela dit, les cocontractants d’un PACS sont peu informés, s’agissant de leurs droits et de leurs obligations réciproques, au greffe du tribunal, alors que le PACS les engage sérieusement, parfois même gravement et durablement. Vous me direz que c’est la contrepartie de la gratuité : s’ils souhaitent recueillir davantage d’informations, ils peuvent faire intervenir un notaire.
M. le rapporteur craint les conséquences financières d’un transfert aux notaires des compétences en matière de PACS. Mais la portée de ces conséquences est très relative ! J’ai visité le site officiel service-public.fr : les frais d’établissement par un notaire d’une convention de PACS s’élèvent à 234 euros – encore s’agit-il de la convention dans sa version complexe, et non basique. Cette somme ne représente même pas trois fois le prix d’un passeport ; elle est inférieure au montant d’un titre de séjour, ou de la carte grise d’une voiture de cinq chevaux – sachant que, en général, on dépense bien davantage au restaurant pour célébrer la conclusion du PACS ! (Sourires.)
Admettons que nous nous laissions convaincre par l’argument du coût : puisque tel est l’objet du présent amendement, alors laissons les compétences en matière de PACS au greffe du tribunal, dans l’intérêt des contractants : celui-ci a au moins l’avantage d’être plus qualifié que la commune pour les informer.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. François Grosdidier. L’un des intérêts éventuels de l’enregistrement du PACS au niveau de la commune réside dans la célébration en mairie. Celle-ci était recherchée par les pacsés à l’époque où le mariage pour tous n’existait pas, mais les choses ont bien changé : le mariage pour tous a effacé le PACS comme substitut au mariage. Dès lors, le PACS n’est plus qu’un contrat.
Mmes Éliane Assassi et Cécile Cukierman. Il faut savoir vous arrêter !
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. François Grosdidier. Quant à l’effet de cette disposition sur les communes, on ne peut pas soutenir à la fois que l’enregistrement des PACS engorge les tribunaux, mais ne représenterait aucun travail supplémentaire pour les communes !
M. le président. Concluez !
M. François Grosdidier. J’invite à davantage de cohérence et de bonne foi : il s’agit d’un transfert de charges supplémentaire, s’agissant d’une activité qui relève non pas de l’état civil, mais du droit des contrats. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mon cher collègue, vous avez dépassé le temps de parole qui vous était imparti.
Je demande à chaque intervenant de respecter le règlement.
La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je ne comprends pas cet amendement, qui va à l’encontre des dispositions que la commission, suivant l’avis du rapporteur, avait adoptées et qui me paraissaient sages.
Le PACS n’est pas un contrat ordinaire ; il n’apparaît d’ailleurs pas, au sein du code civil, dans les articles concernant les contrats. Le pacte civil de solidarité est un pacte sui generis, qui est certes conclu entre deux personnes, comme un contrat synallagmatique, mais qui fait l’objet d’une déclaration auprès du greffe du tribunal d’instance.
Le présent amendement vise à maintenir cette compétence des greffes au lieu de la transférer aux mairies. La plupart des maires ne voient pourtant aucune objection à un tel transfert, la charge n’étant pas aussi excessive que vous le laissez entendre.
D’ailleurs, nous devons discuter de la réforme de la dotation globale de fonctionnement – M. le Premier ministre nous l’a annoncé voilà quelques jours – et, s’il le faut, après avoir déterminé les besoins, nous demanderons une augmentation de la dotation de quelques milliers d’euros – rien de dramatique pour le budget de l’État –, afin de permettre aux personnes qui souhaitent se pacser de le faire aisément.
Adopter, comme la commission l’a fait ce matin, l’amendement n° 1 rectifié, dont l’objet est une modification complexe du PACS et un transfert de la compétence aux notaires, c’est une façon de tuer le PACS ! Or celui-ci a aujourd’hui toute sa place dans la vie des familles, notamment dans l’évolution des jeunes ménages qui peuvent décider de conclure un PACS, pour des raisons de mutations, d’organisation personnelle, éventuellement pour des raisons fiscales, entre l’union libre et le mariage. Ne pas reconnaître cette place, cela relève soit du conservatisme soit de la mauvaise foi. Je n’ose y croire !
M. le président. En conséquence, l'article 17 est supprimé et les amendements nos 1 rectifié, 67 rectifié et 147 n'ont plus d'objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces trois amendements.
L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Grosdidier et Portelli et Mme Troendlé, était ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code civil est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 461 et à la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 462, les mots : « conjoint au greffe du tribunal d’instance ou » sont supprimés ;
2° L’article 515-3 est ainsi rédigé :
« Art. 515-3. – Les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe devant le notaire instrumentaire de leur choix.
« En cas d’empêchement grave, le notaire instrumentaire se transporte au domicile ou à la résidence de l’une des parties pour enregistrer le pacte civil de solidarité.
« À peine d’irrecevabilité, les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité produisent au notaire la convention passée entre elles.
« Le notaire instrumentaire enregistre la déclaration et fait procéder aux formalités de publicité.
« La convention par laquelle les partenaires modifient le pacte civil de solidarité est remise ou adressée au notaire qui a reçu l’acte initial afin d’y être enregistrée. À l’étranger, l’enregistrement de la déclaration conjointe d’un pacte liant deux partenaires dont l’un au moins est de nationalité française et les formalités prévues aux troisième et cinquième alinéas sont assurés par les agents diplomatiques et consulaires français ainsi que celles requises en cas de modification du pacte. » ;
3° À la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 515-3-1, les mots : « au greffe du tribunal de grande instance de Paris » sont remplacés par les mots : « au service central d’état civil au ministère des affaires étrangères » ;
4° L’article 515-7 est ainsi rédigé :
« Art. 515-7. – Le pacte civil de solidarité se dissout par la mort de l’un des partenaires ou par le mariage des partenaires ou de l’un d’eux. En ce cas, la dissolution prend effet à la date de l’événement.
« Le notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du pacte, informé du mariage ou du décès par l’officier de l’état civil compétent, enregistre la dissolution et fait procéder aux formalités de publicité.
« Le pacte civil de solidarité se dissout également par déclaration conjointe des partenaires ou décision unilatérale de l’un d’eux.
« Les partenaires qui décident de mettre fin d’un commun accord au pacte civil de solidarité remettent ou adressent au notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du pacte une déclaration conjointe à cette fin.
« Le partenaire qui décide de mettre fin au pacte civil de solidarité le fait signifier à l’autre. Une copie de cette signification est remise ou adressée au notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du pacte.
« Le notaire enregistre la dissolution et fait procéder aux formalités de publicité.
« La dissolution du pacte civil de solidarité prend effet, dans les rapports entre les partenaires, à la date de son enregistrement.
« Elle est opposable aux tiers à partir du jour où les formalités de publicité ont été accomplies.
« À l’étranger, les fonctions confiées par le présent article au notaire sont assurées par les agents diplomatiques et consulaires français, qui procèdent ou font procéder également aux formalités prévues au sixième alinéa.
« Les partenaires procèdent eux-mêmes à la liquidation des droits et obligations résultant pour eux du pacte civil de solidarité. À défaut d’accord, le juge statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture, sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi.
« Sauf convention contraire, les créances dont les partenaires sont titulaires l’un envers l’autre sont évaluées selon les règles prévues à l’article 1469. Ces créances peuvent être compensées avec les avantages que leur titulaire a pu retirer de la vie commune, notamment en ne contribuant pas à hauteur de ses facultés aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante. » ;
5° L’article 2499 est abrogé.
L'amendement n° 67 rectifié, présenté par MM. Grand, Savary, Laufoaulu, Joyandet, Revet et Vasselle, Mmes Imbert, Gruny et Deromedi et MM. Charon, Mandelli, Reichardt, Chaize, Lefèvre, Houpert, Danesi, Pierre et Masclet, était ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 19
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Il est institué un prélèvement sur les recettes de l’État intitulé : « Dotation de compensation pour l’état civil », au profit des communes afin de compenser financièrement le transfert à l’officier d’état civil des compétences actuellement dévolues au greffier en matière de pacte civil de solidarité.
Les aides apportées sont calculées en fonction du nombre de pactes civils de solidarité enregistrés, modifiés ou dissous par la commune.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° 147, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 19
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – La dotation globale de fonctionnement est majorée à due concurrence.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Article additionnel après l’article 17
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Courteau, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2121-30 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2121-30-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2121-30-1. – Pour l’application de l’article 75 du code civil, le conseil municipal peut, sauf opposition du procureur de la République, affecter tout local adapté à la célébration de mariages. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à insérer dans le code général des collectivités territoriales un article autorisant le conseil municipal, sauf opposition du procureur de la République, à affecter tout local adapté à la célébration de mariages.
Il résulte des dispositions actuellement en vigueur qu’un mariage ne peut être célébré ailleurs qu’au sein de la mairie, sauf « en cas d’empêchement grave » ou « de péril imminent de mort de l’un des futurs époux » au domicile de l’un d’entre eux. Le code civil ne permet pas une célébration dans une annexe de la mairie, y compris si la mairie et son annexe sont situées à proximité immédiate l’une de l’autre. Nombre de salles consacrées à la célébration des mariages ne sont pourtant pas adaptées à l’accueil du public, notamment des personnes handicapées, en raison de leur exiguïté ou de leur difficulté d’accès.
Certes, l’instruction générale relative à l’état civil reconnaît formellement au conseil municipal la possibilité d’affecter une annexe de la maison commune à la célébration des mariages lorsque, « en raison de travaux à entreprendre […] ou pour toute autre cause, aucune salle ne peut être utilisée pour les mariages pendant une certaine période ». Toutefois, il s’agit d’une simple instruction de l’exécutif. Cette faculté ne repose donc sur aucune disposition législative claire.
De plus, la mention « pendant une certaine période », qui figure dans l’instruction générale, donne à penser que cette possibilité ne peut être que temporaire, ce qui peut conduire le conseil municipal à réitérer régulièrement sa décision de « délocalisation », avec les conséquences qui en résultent, en termes de lourdeur, tant pour les services municipaux que pour ceux du parquet, notamment dans les petites communes.
Dès lors, des considérations tant juridiques que pratiques peuvent justifier que les mariages soient célébrés dans un local autre que la mairie et désigné à cette fin par le conseil municipal.
Il convient donc de donner, me semble-t-il, un fondement législatif à cette pratique afin de la rendre pérenne et d’alléger la charge de travail tant des services municipaux que du parquet.
Je rappelle que cette même disposition avait fait l’objet d’une proposition de loi de ma part, adoptée ici même à l’unanimité. Mais l’Assemblée nationale semble tarder à l’inscrire à l’ordre du jour de ses travaux. D’où notre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement s’inscrit dans la lignée de la décision qui avait été prise sur la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’avais a priori un avis défavorable, mais ce sera finalement plutôt un avis de sagesse, compte tenu des arguments que vous venez de développer, monsieur le sénateur.
M. Roland Courteau. Merci, madame la garde des sceaux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je veux souligner l’esprit profondément humaniste de notre ami Roland Courteau, qui veut que les choses se passent bien, dans nos villes, dans nos communes, dans nos villages, et ce d’autant plus que, je dois l’avouer, je suis encore sous le choc de la suppression de l’article 17, qui vient d’être votée.
Franchement, on oublie quelque chose ici, et j’en profite, monsieur le président, pour le dire dans les deux minutes et demie qui me sont imparties : quand des personnes souhaitent conclure un PACS, elles n’entendent pas par là un simple acte notarié ; le PACS, c’est aussi un engagement entre deux êtres humains. Le fait que la déclaration se fasse en mairie revêt une dimension symbolique pour nos concitoyens. Comment ne pas le voir ?
En même temps, cela allège la charge des tribunaux – ce à quoi nous devons tendre, madame la garde des sceaux, pour que votre projet de loi produise tous ses effets. Quant aux coûts pour les communes, madame la ministre, n’exagérons rien !
Enfin, j’ai trouvé que cette atmosphère notariale était quelque peu difficile à avaler, et je tenais à vous le dire en face, clairement. Je n’ai aucun titre particulier à le faire : c’est voté et je respecte le vote, mais je suis navré que le Sénat, dans sa majorité, ait choisi d’émettre un tel vote.
M. le président. La parole est à M. René Danesi, pour explication de vote.
M. René Danesi. Madame la ministre, le 1er avril dernier, le Sénat a voté, à l’unanimité, une proposition de loi présentée par notre collègue Roland Courteau. Cette proposition de loi prévoit que « pour l’application de l’article 75 du code civil, le conseil municipal peut, sauf opposition du procureur de la République, affecter tout local adapté à la célébration de mariages. »
Cette proposition de loi n’a pas encore été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Nous ne pouvons que le regretter, car cette loi est attendue par des milliers de maires de petites communes dont la salle de la mairie pose un problème de taille et d’accès aux handicapés.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. René Danesi. Ces problèmes sont souvent insolubles, sauf à construire une nouvelle mairie, ce qui n’est plus vraiment dans l’air du temps pour les petites communes.
L’amendement n° 6, présenté par notre collègue Roland Courteau, ne tend plus à modifier l’article 75 du code civil, mais à préciser que, pour l’application dudit article, le conseil municipal peut affecter tout local adapté à la célébration des mariages.
Cet amendement va donc dans le bon sens. Je le voterai et invite tous les collègues à faire de même, pour que nous retrouvions cette unanimité du 1er avril dernier.
Comme Roland Courteau, je fais confiance aux maires quant à l’adaptation des impératifs légaux aux spécificités locales. Je précise cela parce que, le 1er avril dernier, le représentant du Gouvernement était opposé à la proposition de loi que nous avions adoptée à l’unanimité.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Mes chers collègues, un simple mot pour saluer l’initiative de Roland Courteau. J’avais voté son texte. Je voterai celui-ci ce soir avec plaisir.
C’est une initiative qui vient de la base. Le Sénat, c’est cela, c’est le monde rural. Les sénateurs font remonter des préoccupations qui, vues de Paris, ne sont peut-être pas essentielles à l’exercice de la démocratie, mais ces petites choses permettent de faire fonctionner les communes.
C’est donc très bien que Roland Courteau ait pris cette initiative. Je m’interroge toutefois : la proposition de loi ayant été voté un 1er avril, l’Assemblée nationale n’a-t-elle pas cru à un poisson d’avril ? (Sourires.)
En confirmant ce vote, nous réaffirmerons notre position. Pour ma part, je voterai cet amendement des deux mains !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, je tiens à remercier M. le rapporteur pour son avis favorable et Mme la ministre pour son avis de sagesse, et je remercie également, par anticipation, l’ensemble des collègues qui voteront cet amendement.
J’espère d’ailleurs le voir complété par un second amendement, déposé à l’article 53, visant à étendre son application à la Polynésie française.
Voilà un texte qui est attendu depuis longtemps par les élus des communes. Nombre de maires nous saisissent régulièrement, notamment les plus concernés par les problèmes liés à des locaux exigus ou difficiles d’accès. Je pense que le Sénat peut faire œuvre utile dans quelques instants en adoptant cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.
Chapitre III
Dispositions relatives à l’état civil
Article 18
Le code civil est ainsi modifié :
1° Il est rétabli un article 40 ainsi rédigé :
« Art. 40. – Les actes de l’état civil sont établis sur support papier et sont inscrits, dans chaque commune, sur un ou plusieurs registres tenus en double exemplaire.
« Lorsque les données relatives à l’état civil font l’objet d’un traitement automatisé mis en œuvre par les officiers de l’état civil, les communes s’assurent que ces données sont conservées dans des conditions garantissant leur sécurité et leur confidentialité. Ces conditions sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Par dérogation au premier alinéa, les communes satisfaisant aux conditions fixées à l’alinéa précédent sont dispensées de la tenue du deuxième exemplaire du registre.
« Cette dispense est également applicable aux actes de l’état civil établis par le ministère des affaires étrangères. » ;
2° Le second alinéa de l’article 48 est ainsi rédigé :
« La conservation des données de l’état civil est assurée par un traitement automatisé répondant aux conditions prévues à l’article 49 et mis en œuvre par le ministère des affaires étrangères, qui peut en délivrer des copies et des extraits. » ;
3° L’article 49 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’officier de l’état civil de la commune mentionnée au troisième alinéa de l’article 40 est dispensé de l’envoi d’un avis de mention au greffe. » ;
4° Le début de l’article 53 est ainsi rédigé :
« Le procureur de la République territorialement compétent pourra à tout moment vérifier l’état des registres ; il dressera un procès-verbal …(le reste sans changement). »
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, sur l’article.
Mme Jacky Deromedi. Permettez-moi de remercier la commission d’avoir bien voulu accepter mon amendement relatif à la conservation des actes de l’état civil des Français établis hors de France. Vous savez l’importance qu’attachent nos compatriotes à cette conservation de leur état civil et à une communication rapide des copies et des extraits des actes dont ils peuvent avoir besoin.
Je profite de cette circonstance pour rendre hommage à nos postes consulaires à l’étranger, qui ont mis en place des procédures extrêmement efficaces d’accueil et de service. Pour certains postes, c’est même parfait !
Il en est de même du Service central de l’état civil en France, dont les fonctionnaires ont mis en œuvre un processus de modernisation remarquable dans l’intérêt de nos compatriotes.
J’apporterai un simple bémol : ces excellents résultats ont été obtenus sans affectation de nouveaux moyens tant aux postes consulaires qu’au Service central de l’état civil. Ces derniers travaillent donc à flux tendu et il me paraîtrait normal qu’un minimum de moyens supplémentaires leur soient accordés pour qu’ils ne soient pas constamment au maximum de ce qu’il leur est possible de faire.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 201, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Lorsqu’elles ont mis en œuvre des traitements automatisés des données de l’état civil les communes s’assurent de leurs conditions de sécurité. Les caractéristiques techniques des traitements mis en œuvre pour conserver ces données sont fixées par décret.
« Par dérogation au premier alinéa, les communes dont les traitements automatisés de données de l’état civil répondent à des conditions et des caractéristiques techniques fixées par décret sont dispensées de l’obligation d’établir un second exemplaire des actes de l’état civil.
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Cet amendement vise à reprendre en partie le texte initial du projet de loi concernant la rédaction du nouvel article 40 rétabli dans le code civil.
Le texte modifié par la commission semble imposer à toute commune qui met en œuvre un traitement automatisé de ses données de l’état civil de remplir les conditions et caractéristiques techniques lui permettant d’être dispensée d’établir les registres en deux exemplaires.
Or toutes les communes qui disposent de traitements automatisés ne pourront pas répondre aux conditions techniques qui leur permettent d’être dispensées de l’établissement des registres en double exemplaire. En effet, dans certaines communes, la salle informatique hébergeant les bases de données de l’état civil se situe dans le même bâtiment que celle qui abrite les registres. En cas de sinistre dans la mairie, les registres et les bases de données pourraient être détruits ensemble. Pour effectuer la reconstitution, l’absence de double des registres de l’état civil s’avérerait plus délicate.
Aussi le présent amendement vise à revenir au projet initial du Gouvernement, qui fixe les conditions de sécurité minimales attendues pour tous les traitements automatisés des données de l’état civil des communes et qui prévoit des exigences supplémentaires, telle la conservation des données sur un site distant permettant à la commune d’être dispensée de l’établissement du double exemplaire papier des registres.
Je pense que le numérique et la modernité justifient ces dispositions.
M. le président. L'amendement n° 135, présenté par Mmes Bouchoux, Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après le mot :
garantissant
insérer les mots :
dans le temps leur authenticité,
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Cet amendement n’est pas contradictoire avec le précédent, il le précise. Il s’agit, en fait, d’un amendement de sécurité, qui vise à corriger l’absence d’exigence dans le texte du caractère authentique des données numériques d’état civil. Il ajoute aux exigences imposées par le texte celle de l’authenticité.
Seules les communes les plus importantes et les mieux engagées dans la mutation numérique seront en mesure de mettre en œuvre un dispositif garantissant l’authenticité de ces données. Les autres, qui ne disposent pas encore des moyens nécessaires pour y parvenir, devront poursuivre l’établissement de registres en deux exemplaires.
Notre attachement à l’authenticité est extrêmement fort, il va dans le sens de toutes les préconisations.
Il importe que ces documents puissent avoir une valeur probante certaine en termes d’authenticité. Il est essentiel, de notre point de vue, de pouvoir disposer d’actes d’état civil empreints d’une valeur authentique. Sinon, en cas de sinistre ou de problème, nous n’aurons pas d’authenticité pour le second exemplaire.
Donc, si second exemplaire il y a, il faut absolument en garantir l’authenticité.
Nous demandons donc d’ajouter ce terme. Cela concerne tout le monde. Je vous renvoie à la page 135 de l’étude d’impact, option 3 : « Ces données ainsi reconnues ne disposeraient pas de la valeur authentique attachée aux actes de l’état civil sous forme papier. »
C’est un point extrêmement important que celui de la préservation de l’authenticité. J’espère que d’autres collègues pourront intervenir dans le même sens.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié ter, présenté par Mme Loisier, MM. Delahaye, Médevielle et Bonnecarrère, Mme Gatel, MM. Longeot et L. Hervé, Mmes Doineau et Férat, M. Luche et Mmes Joissains et Billon, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots et la phrase :
, à condition qu’elles transmettent une copie électronique de ces actes au greffe du tribunal de grande instance. Les modalités de ce transfert sont fixées par décret.
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement a, en fait, été défendu par mes deux collègues précédemment. Il prévoit que les communes dispensées d’envoyer un double papier des actes d’état civil aux greffes leur transmettront, à la place, une copie électronique de ces documents.
Le transfert d’un double électronique au tribunal de grande instance facilitera la tâche du procureur de la République, qui est chargé du contrôle des actes de l’état civil, comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. L’amendement n° 201 tend à revenir à la rédaction du projet de loi initial, alors que, quand nous avons établi le texte de la commission, nous avons veillé à adopter une rédaction simplifiée qui ne modifie pas le fond du dispositif.
Je ne vois donc pas de raison de revenir sur les améliorations rédactionnelles que nous avons apportées à cet article en commission.
L’amendement n° 201 reçoit donc un avis défavorable.
L’amendement n° 135 tend à préciser que les données de l’état civil seront conservées de manière à garantir dans le temps leur authenticité. Or le texte issu des travaux de la commission prévoit déjà que les données sont conservées dans des conditions garantissant leur sécurité.
Cela prouve également, me semble-t-il, le caractère authentique des données, mais peut-être faudrait-il avoir là un éclaircissement sur le sens juridique de ces termes. Je pense toutefois que cela est déjà couvert et que l’amendement est satisfait par le texte de la commission.
Je serais donc tenté de demander le retrait de cet amendement et, défaut, d’émettre un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 9 rectifié ter prévoit que la dispense de tenir un double du registre pour les communes ayant dématérialisé le traitement des données de l’état civil doit néanmoins s’accompagner de la transmission d’une copie électronique de ces actes au greffe du TGI.
Cette transmission vise à faciliter la consultation de ces actes, par les généalogistes notamment, en centralisant la conservation des copies électroniques dans les tribunaux de grande instance.
Cette préoccupation me paraît légitime. Je vous propose donc de consulter le Gouvernement sur cette disposition pour qu’il nous indique les dispositions réglementaires qu’il compte éventuellement prendre pour assurer un accès facilité des généalogistes aux données de l’état civil auprès du greffe du tribunal de grande instance.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je propose aux signataires de l’amendement n° 201 de le modifier en en supprimant le deuxième alinéa. Bien sûr, c’est à eux d’en juger et d’apporter éventuellement, peut-être à l’occasion d’une suspension de séance, des précisions pour clarifier les choses.
Comme je l’ai expliqué, ce transfert du PACS aux mairies faisait partie des discussions que nous avons eues avec l’Association des maires de France, l’AMF. Nous avions prévu de faciliter ce transfert en le compensant par la suppression de certaines charges et de certaines dépenses.
Mais si l’État doit conserver la charge du PACS, il n’y a plus aucune raison de décharger les mairies, notamment du registre papier d’état civil. Nos précédentes discussions avec l’AMF avaient abouti. Votre assemblée a fait un autre choix, j’en prends acte.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est subjectif !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, monsieur le président de la commission des lois ! Il s’agit d’institutions et des charges qui leur incombent ; il n’y a rien de subjectif dans tout cela !
M. François Grosdidier. Vengeance !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, absolument pas ! J’ai la responsabilité d’une institution et je pense que nous pouvons, en bonne intelligence avec les collectivités, faciliter la vie de nos concitoyens.
Je vous expose les choses très clairement : nous avions un accord avec l’AMF. Or, par votre décision souveraine, sur laquelle je ne porte aucune appréciation et ne vous demande pas de revenir, vous en avez changé les termes. J’en tire donc les conséquences.
Je propose donc que le deuxième alinéa de l’amendement n° 201 soit supprimé. Restera le premier alinéa, qui prévoit la sécurisation du système informatisé des mairies. Il est en effet légitime, selon moi, que le législateur se préoccupe de ce problème. En revanche, je souhaite que nous puissions revoir la disposition relative au registre papier.
Par ailleurs, sur les amendements nos 135 et 9 rectifié ter, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Mme la ministre me suggère de modifier l’amendement n° 201.
Je me demande si nous n’aurions pas intérêt, au contraire, à maintenir l’amendement en l’état, dans la mesure où il prévoit que les conditions et modalités techniques seront fixées par décret. Vous pourriez ainsi, madame la ministre, avant le passage à l’Assemblée nationale, encourager l’AMF à faire revenir les sénateurs à de meilleures intentions, notamment en commission mixte paritaire, afin que les termes de l’accord passé avec cette association soient respectés ; puis, vous prendriez le décret.
Si le décret ne « sort » pas, en revanche, les mairies resteront dans la situation actuelle.
Je vous comprends lorsque vous dites que le vote intervenu sur l’article 17 prend les candidats au PACS en otages, pour des motifs que je déplore comme vous. Mais je ne souhaite pas plus que l’on prenne les communes en otages.
La solution n’est-elle pas de se dire que l’amendement, s’il est adopté, vous permet encore de négocier avec l’AMF ? Il suffit de rappeler que les décrets ne sont pas toujours pris très rapidement... (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Si vous le souhaitez vraiment, je modifierai très volontiers l’amendement. Je propose, quant à moi, de le laisser en l’état, avec son deuxième alinéa. Puis le décret sortira ou non, selon ce que vous aurez obtenu à la fin de la discussion du texte.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Permettez-moi de faire valoir à cet instant une considération d’intérêt public.
Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il est d’intérêt général que, pour sécuriser ces documents, des dispositions nouvelles et mieux adaptées soient adoptées. Il y va, comme le disait Corinne Bouchoux, de leur validité et de leur authenticité.
Si ces dispositions sont adoptées, ce que le Gouvernement souhaite forcément, l’exemplaire papier de sauvegarde n’aura plus d’utilité. Je ne crois donc pas que son maintien constitue un enjeu quelconque, sinon pour se plaindre d’un vote précédent…
Mieux vaut conserver le deuxième alinéa de l’amendement n° 201, car c’est l’évolution normale de la sécurisation des futurs documents d’état civil. Le décret en Conseil d’État sera sans doute compliqué à prendre, car il faudra définir de façon très détaillée les nouvelles conditions de sécurité des fichiers qui comprendront les documents d’état civil, mais il me semble que c’est la conclusion logique.
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour une explication de vote de deux minutes trente, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. François Grosdidier. Je ne peux pas laisser dire sans réagir que nous prenons les pacsés en otages !
J’ai célébré des PACS en mairie lorsqu’il s’agissait d’un substitut au mariage. Aujourd’hui, plus personne ne me le demande, puisque la loi sur le mariage pour tous a relégué le PACS au rang de simple contrat. Ce pacte n’a donc plus la charge symbolique qu’il avait avant l’adoption du mariage pour tous.
Par ailleurs, je ne trouve pas très estimable cette forme de marchandage : vous refusez de vous occuper des contrats ? Vous continuerez à assumer telle ou telle charge dont l’État aurait pu vous soulager.
La dotation globale de fonctionnement aux collectivités locales a diminué de 30 % et ce sont les communes qui sont les plus impactées.
Dans toutes nos communes, nous réduisons les dépenses et cherchons à réaliser des gains de productivité, en premier lieu dans les services d’état civil et les services administratifs. Dans ma commune, j’ai ainsi réduit le nombre de postes. Et je devrais dire aujourd’hui aux personnels qu’ils doivent travailler plus avec moins d’effectifs parce que l’État leur laisse ces tâches à accomplir ? Ce n’est pas possible...
Je ne sais pas ce que vous a dit l’AMF, madame la ministre. Pour ma part, je préside une fédération départementale de maires qui regroupe 730 communes : je suis à l’unisson de tous ces élus qui n’acceptent pas ce transfert permanent sans la moindre compensation, ici, au motif que le PACS relèverait de l’état civil, comme on nous l’a dit, et que, dans le même temps, on réduise les dotations. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Loin de moi l’idée de polémiquer. J’ai bien entendu que Mme la ministre n’était pas enchantée par notre amendement n° 135. Aussi je souhaite que soit acté ce que nous sommes en train de faire : s’il est adopté en l’état, l’article 18 fera disparaître une garantie d’authenticité des données pour les traitements automatisés mis en œuvre par les officiers d’état civil.
Sachons-le, le dispositif que nous nous apprêtons à adopter collectivement sera peut-être sûr, mais il ne présentera pas les garanties antérieures. Il faudra l’assumer !
J’ai bien compris qu’une sorte de deal avait été conclu auparavant et que l’amendement n° 135 contrariait ce dispositif complexe élaboré par ailleurs.
Je tiens cependant à signaler que, ce faisant, nous contrevenons à un certain nombre de préconisations, notamment le règlement européen n°910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique. Je trouve un peu paradoxal que l’on admette d’avoir une qualité de service administratif moindre pour les actes de l’état civil que pour un certain nombre d’autres documents.
Ce qui m’a conduit à déposer cet amendement, c’est le travail que nous avons effectué durant un an, avec Jean-Jacques Hyest, au sein d’une commission qui traitait notamment de ces questions-là.
Je respecte la position présentée par Mme la ministre, mais j’aurais aimé qu’elle nous donne davantage d’arguments. Nous aurions peut-être mieux compris en quoi cet amendement contrariait une logique qui m’avait quelque peu échappé. Je trouve cela préoccupant du point de vue de la sûreté !
Je suis favorable au « tout numérique » et à la dématérialisation totale. Pour autant, je pense qu’en l’occurrence il eût été souhaitable de faire une exception. Néanmoins, je prends acte de vos propos, madame la ministre.
M. le président. Monsieur Longeot, l’amendement n° 9 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, je maintiens l’amendement, déposé par Mme Loisier et dont je suis cosignataire.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. S’agissant de l’amendement n° 201, la suggestion de M. Bigot me paraît tout à fait raisonnable. Nous pouvons en effet maintenir le deuxième alinéa de l’amendement n° 201, puis nous discuterons avec l’AMF de la mise en œuvre précise du dispositif. Nous aurions de toute façon procédé ainsi lors de la rédaction du décret, car c’est ainsi que nous travaillons : avant de transmettre les décrets au Conseil d’État, nous consultons les personnes directement concernées.
L’avis est donc favorable sur cet amendement tel qu’il est rédigé.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 135, j’entends votre préoccupation, madame Bouchoux. Vous invoquez l’authenticité. Or, compte tenu de la valeur juridique de cette notion, nous craignons qu’une confusion ne s’instaure.
C’est ce qui me conduit, par prudence, à émettre un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié ter.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. L’amendement n° 200, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 7 et 8
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° Le second alinéa de l’article 48 est supprimé ;
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Le présent amendement vise à rétablir le texte initial supprimant l’exigence de l’établissement du double exemplaire pour les actes établis par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises.
Le texte modifié par la commission remplace le second alinéa de l’article 48 du code civil portant sur les actes de l’état civil consulaires, en précisant que les données de ces actes sont conservées par un traitement automatisé mis en œuvre par le ministère des affaires étrangères et répondant aux caractéristiques techniques fixées par l’article 40 rétabli par le projet de loi, et non par l’article 49 du code civil, comme l’indique le texte voté par la commission.
Or l’alinéa 6 de l’article 18 prévoit déjà que le ministère des affaires étrangères est dispensé de l’établissement des actes en double exemplaire. En effet, le Service central d’état civil du ministère des affaires étrangères dispose d’un traitement automatisé des données de l’état civil remplissant les conditions de garantie qui lui permettent de bénéficier de la dispense d’un tel établissement des actes en double exemplaire.
En outre, le texte modifié n’envisage que les données des actes consulaires, alors que les actes de l’état civil du ministère des affaires étrangères comprennent également les actes établis par le Service central d’état civil, comme ceux qui sont relatifs aux personnes ayant acquis ou recouvré la nationalité française.
Enfin, aux termes du texte, les actes établis par les consulats prévus à l’alinéa premier de l’article 48 du code civil sont considérés comme des données de l’état civil. Or les actes de l’état civil établis sous format papier ont valeur authentique, contrairement aux données de l’état civil non revêtues de la signature électronique exigée par l’article 1317 du code civil.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale du texte concernant les modalités de conservation des données de l’état civil des Français établis à l’étranger, sans préciser les raisons de ce rétablissement.
Or, lors de l’établissement de son texte, la commission a adopté un amendement de notre collègue Jacky Deromedi visant à préciser opportunément ces modalités de conservation.
La rédaction issue des travaux de la commission permet de sécuriser le dispositif : il est précisé que c’est parce que le traitement des données d’état civil est assuré de manière automatisée par les services du ministère des affaires étrangères, que ceux-ci sont dispensés de la tenue d’un double du registre.
La précision selon laquelle cette dispense est subordonnée au traitement des actes, comme pour les communes, nous paraît tout à fait nécessaire pour éviter qu’un service du ministère des affaires étrangères ne soit dispensé de la tenue du double du registre alors même que les données de l’état civil ne feraient l’objet que d’un traitement manuel sur un support papier.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 245, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les officiers de l’état civil des communes mentionnées au troisième alinéa de l’article 40 sont dispensés de l’envoi d’avis de mention au greffe. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 244, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
...- Au premier alinéa de l’article 1er de l’ordonnance du 26 novembre 1823 portant règlement sur la vérification des registres de l’état civil, les mots : « , dans les quatre premiers mois de chaque année » sont remplacés par les mots : « à tout moment ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 18, modifié.
(L'article est adopté.)
Articles additionnels après l’article 18
M. le président. L'amendement n° 203 rectifié, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article 55 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation, ce délai est porté à huit jours lorsque l’éloignement entre le lieu de naissance et le lieu où se situe l’officier de l’état civil le justifie. Un décret en Conseil d’État détermine les communes où cette disposition s’applique. »
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Cet amendement vise essentiellement à permettre, par dérogation, que, dans certains lieux du territoire national, le délai de déclaration de naissance, qui est de trois jours suivant l’accouchement, puisse tenir compte de la distance entre le lieu de naissance et le lieu où doit être faite la déclaration.
L’amendement initialement présenté en commission prévoyait un délai de quinze jours. M. le rapporteur nous a proposé de le réduire à huit jours. L’amendement n° 203 rectifié tient compte de cette modification. Il devrait donc recevoir un avis favorable de la commission, comme cela a été annoncé, et, je l’espère, du Gouvernement. Il y va de l’intérêt de ces territoires, dont la liste devra être fixée par décret en Conseil d’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Notre collègue a vu juste : l’avis est favorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis favorable et souhaite saluer cette initiative.
Nous ne tenons pas assez compte de certaines parties enclavées du territoire. Or cet enclavement introduit une rupture d’égalité entre les citoyens. Nous y sommes particulièrement sensibles dans les outre-mer, où certaines zones sont très difficiles d’accès.
Cette attention est donc tout à fait bienvenue pour nos concitoyens qui, dans l’Hexagone comme dans les outre-mer, rencontrent des difficultés à procéder avec la célérité habituelle à ce type de formalités.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.
L'amendement n° 202, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Au second alinéa du 8° de l’article 76, les mots : « demandée par le procureur de la République, sans préjudice du droit des parties intéressées, conformément à l’article 99 » sont remplacés par les mots : « effectuée conformément à l’article 99-1 » ;
2° Au second alinéa de l’article 87, la référence : « l’article 99 » est remplacée par la référence : « l’article 99-1 » ;
3° Au troisième alinéa de l’article 91, les mots : « , conformément à l’article 99 du présent code » sont remplacés par les mots : « ou l’annulation, conformément aux articles 99 et 99-1 du présent code » ;
4° L’intitulé du chapitre VII du titre II du livre premier est ainsi rédigé :
« De l’annulation et de la rectification des actes de l’état civil » ;
5° Les deuxième à quatrième alinéas de l’article 99 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« L’annulation des actes de l’état civil est ordonnée par le tribunal. Toutefois, le procureur de la République territorialement compétent peut faire procéder à l’annulation de l’acte lorsque celui-ci est irrégulièrement dressé. » ;
6° L’article 99-1 devient l’article 99-2 ;
7° L’article 99-1 est ainsi rédigé :
« Art. 99-1. - L’officier de l’état civil rectifie les erreurs ou omissions purement matérielles entachant les énonciations et mentions apposées en marge des actes de l’état civil dont il est dépositaire et dont la liste est fixée par le code de procédure civile.
« Si l’erreur entache d’autres actes de l’état civil, l’officier de l’état civil saisi procède ou fait procéder à leur rectification lorsqu’il n’est pas dépositaire de l’acte.
« Les modalités de cette rectification sont précisées par le code de procédure civile.
« Le procureur de la République territorialement compétent peut toujours faire procéder à la rectification administrative des erreurs et omissions purement matérielles des actes de l’état civil ; à cet effet, il donne directement les instructions utiles aux dépositaires des registres de l’acte erroné ainsi qu’à ceux qui détiennent les autres actes entachés par la même erreur. » ;
8° Le nouvel article 99-2 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « purement matérielles », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « entachant les énonciations et mentions apposées en marge de ces actes conformément à l’article 99-1. » ;
b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes habilitées à exercer les fonctions d’officier de l’état civil auprès de l’office français de protection des réfugiés et apatrides peuvent dans les mêmes conditions procéder à la rectification des certificats tenant lieu d’acte de l’état civil établis conformément aux dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. » ;
9° L’article 100 est ainsi rédigé :
« Art. 100. – Toute rectification ou annulation judiciaire ou administrative d’un acte est opposable à tous à compter de sa publicité sur les registres de l’état civil. » ;
10° Au dernier alinéa de l’article 127, les mots : « conformément à l’article 99 » sont remplacés les mots : « ou l’annulation, conformément aux articles 99 et 99-1 ».
II. – La loi n° 68-671 du 25 juillet 1968 relative à l’état civil des Français ayant vécu en Algérie ou dans les anciens territoires français d’outre-mer ou sous tutelle devenus indépendants est ainsi modifiée :
1° La première phrase de l’article 6 est ainsi modifiée :
a) Les mots : « à l’exception de celles inscrites après l’établissement de ceux-ci, » sont supprimés ;
b) Les mots : « et d’erreurs portant sur le nom patronymique » sont remplacés par les mots : « conformément à l’article 99-1 du code civil ainsi que des erreurs portant sur le nom de famille » ;
2° Au premier alinéa de l’article 7, après les mots : « de l’article 99 », sont insérés les mots : « ou de l’article 99-1 ».
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Cet amendement vise à titre principal à simplifier la procédure de rectification d’erreur ou d’omission matérielles. (M. Jacques Mézard s’exclame.)
Cet amendement a été salué en commission, aussi me dispenserai-je de le présenter en détail, car il est très technique.
Il s’agit simplement de permettre à un officier d’état civil de procéder lui-même à un certain nombre de rectifications simples. Celles-ci devront être déterminées par un texte, car il n’est évidemment pas question que n’importe quelle rectification puisse être faite par l’officier d’état civil.
Cette mesure simplifiera la vie, à la fois, des officiers d’état civil, du procureur de la République, qui est actuellement chargé des rectifications, et des personnes concernées, lesquelles doivent engager des démarches souvent compliquées.
Il est également précisé que l’officier d’état civil qui procédera à une rectification pourra transmettre celle-ci aux officiers d’état civil qui doivent la transcrire dans leurs propres registres, sans que ces derniers soient tenus d’engager une procédure de rectification.
Cette simplification est, me semble-t-il, utile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement de simplification paraît bienvenu. La commission n’a pas d’opposition de principe, mais n’a pu consulter les maires sur ce point ni expertiser dans le détail la mesure.
J’émets donc un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement ose l’avis favorable, car tout le monde y gagnera, tant en charge de travail qu’en temps : les citoyens d’abord, les collectivités incontestablement et même l’institution judiciaire, via le parquet. C'est une bonne disposition.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je ne vois pas vraiment le lien entre cet amendement et la justice du XXIe siècle, madame la garde des sceaux, mes chers collègues....
Je veux bien que l’on oppose certains arguments à nos amendements, mais alors ils devraient être valables de manière générale.
Cela étant observé, je voterai tout de même cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je remercie M. Mézard de voter mon amendement, dont je veux lui dire qu’il est tout à fait dans le sujet.
En effet, l’amendement vise à soulager le procureur de la République d’une procédure qui relève de la matière gracieuse. Il s’agit bien là de l’organisation de la justice, et même de la justice du XXIe siècle puisque, nous le savons, les erreurs peuvent notamment venir des saisines informatiques.
Mme Esther Benbassa. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. Notre excellent collègue Jacques Bigot a été tellement aimable avec moi (Sourires.) que je ne résiste pas au plaisir de soutenir son amendement, lequel est, d’ailleurs, frappé au coin du bon sens.
Même si l’Association des maires de France, qui représente les 36 000 communes de notre pays, n’a pas eu l’occasion de se prononcer, moi qui ne représente que les 730 communes de Moselle, je peux vous dire que cette mesure est attendue !
Il est aberrant que l’on doive « enquiquiner » le procureur de la République pour rectifier parfois de simples erreurs de frappe – elles existaient déjà à l’époque des vieilles machines mécaniques et peuvent encore aujourd’hui apparaître à l’époque de l’informatique. C'est ennuyeux pour les services, et encore davantage pour les administrés.
Cette mesure de simplification est donc bienvenue.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.
L'amendement n° 224, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « amende de 25 000 euros » sont remplacés par les mots : « amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par local indûment transformé » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Cette amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, à la requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’agence nationale pour l’habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui du lieu où est situé le local. » ;
3° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase, avant les mots : « Le président du tribunal ordonne » sont insérés les mots : « Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’agence nationale pour l’habitat, » ;
b) À la première phrase, les mots : « des locaux transformés » sont remplacés par les mots : « du local transformé » ;
c) À la deuxième phrase, les mots « des locaux irrégulièrement transformés » sont remplacés par les mots : « du local irrégulièrement transformé » ;
d) À la dernière phrase, les mots : « l’immeuble » sont remplacés par les mots : « le local irrégulièrement transformé ».
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement vise à prévoir que le maire et l’Agence nationale de l’habitat peuvent engager les procédures de remise en usage des logements irrégulièrement transformés.
Le droit actuel confère cette responsabilité au procureur de la République. Or celui-ci est le moins bien placé pour, d’une part, apprécier la pertinence d’une transformation de l’usage d’un local et, d’autre part, ne connaissant pas la situation du marché, savoir ce qu’il convient de faire.
Nous proposons que cette compétence soit transférée au maire de la commune ainsi qu’à l’Agence nationale de l’habitat, qui ont non seulement les moyens d’apprécier le bien-fondé de cette modification d’usage, mais également de mettre en œuvre les sanctions nécessaires en cas de non-respect des règles relatives aux transformations d’usage.
Évidemment, la situation est différente dans les grandes villes, les villes moyennes, les petites villes et dans les portions de territoires où l’on constate des tensions en matière de logement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement, comme celui que nous avons évoqué il y a un quart d’heure, a été déposé tardivement, hier, en fin de journée. Il aborde un sujet totalement nouveau, relatif au régime des autorisations de changement d’usage des locaux d’habitation.
Ce dépôt tardif ne m’a pas permis d’effectuer une analyse approfondie de la question, qui n’était pas spécialement au centre du projet de loi. Par conséquent, pour une question de principe, nous avons, comme précédemment, émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. Il s’agit d’une question sérieuse, mais qui n’est pas posée sérieusement !
Effectivement, le maire est peut-être mieux placé que le procureur pour traiter de cette question, mais il n’a aucun moyen légal de vérifier les transformations intérieures d’un logement, au regard tant du respect des règles d’urbanisme – il ne peut vérifier que l’extérieur – que de la fiscalité. Même les agents des services fiscaux n’ont aucun moyen de vérifier si une déclaration qui, pourtant, conditionne la valeur vénale du bien est sincère ou non.
Nous sommes donc devant un véritable vide juridique qui concerne, à la fois, l’État et les collectivités locales, certainement davantage que le procureur de la République, et qui mériterait d’être comblé. Pourtant, cela peut difficilement être fait à la faveur d’un amendement de dernière minute, qui constitue, de plus, un cavalier législatif.
Madame la ministre, il serait temps que l’État se préoccupe de la question et se rapproche de l’AMF afin de voir comment les maires pourraient, avec le concours des services de l’État, procéder à ces vérifications et, éventuellement, sanctionner les manquements.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Madame la ministre, je dois dire à titre personnel, puisque je découvre votre amendement, que celui-ci me paraît tout de même extrêmement délicat.
Vous proposez que l’amende soit prononcée par le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés. Sa saisine nécessitera vraisemblablement une procédure qui coûtera de l’argent à la commune. Je sais bien que cela pose des problèmes au procureur de la République, mais il en a d’autres, par ailleurs ! De manière générale, les poursuites pour non-respect du permis de construire ne sont pas suffisantes, et les maires se heurtent régulièrement à des faits de cette nature.
C'est aujourd'hui la seule façon pour les communes, quand un permis n’est pas respecté ou qu’une construction est érigée sans permis, que de faire poursuivre ces délits par le procureur de la République devant le tribunal correctionnel. Or cela n’est pas fait.
Cet amendement pose des questions qui sont plus importantes qu’elles n’y paraissent. Il mérite d’être discuté ailleurs que dans ce texte qui concerne davantage la justice du XXIe siècle que les règles d’urbanisme. À titre personnel, je m’associe donc à la commission, qui a décidé de ne pas soutenir cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 224.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE V
L’ACTION DE GROUPE
Chapitre Ier
L’action de groupe devant le juge judiciaire
Article 19
Sous réserve des dispositions particulières prévues pour chacune de ces actions, le présent chapitre est applicable à :
1° L’action ouverte sur le fondement de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;
2° L’action ouverte sur le fondement des articles L. 1134-6 à L. 1134-10 du code du travail.
M. le président. L'amendement n° 68 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Kennel et Trillard, Mme Hummel, MM. Commeinhes et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Laufoaulu, Bizet, Gilles et Doligé, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. Grand et Pellevat, Mme Canayer, M. Lenoir, Mme Di Folco, M. Buffet, Mme Procaccia, MM. Vaspart et Bouchet, Mmes Deroche et Mélot, M. Frassa, Mme Giudicelli, M. Pierre, Mme Imbert, M. Mandelli, Mme Troendlé, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Darnaud et Genest, Mme Lopez, M. Vasselle, Mme Deseyne et M. Saugey, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle introduit une procédure transversale d’action de groupe dite « socle commun » susceptible de « s’adapter à tous les types de contentieux auxquels le législateur choisira de l’ouvrir ».
Cet amendement n° 68 rectifié vise à supprimer l’article 19, car l’introduction d’un socle commun ne permettra pas d’aboutir à un cadre clair et unique.
Il existe déjà une action de groupe en matière de consommation et de concurrence. Une action de groupe « santé » est par ailleurs également en cours. Ce texte prévoit à présent une action de ce type pour la mise en œuvre de dispositions relatives à la discrimination, notamment dans l’accès à l’emploi, le tout articulé autour du socle commun. C’est absolument illisible !
Vous aviez prévu un calendrier. Quel dommage de ne pas avoir attendu que nous ayons davantage de recul sur l’action de groupe issue de la loi Hamon !
Aujourd'hui, nous ne disposons d’aucune étude d’impact. Il ne me paraît pas utile d’envoyer un tel message à nos entreprises à l’heure où ces dernières doivent surmonter de grandes difficultés économiques.
Certes, je suis d’accord avec vous, certains litiges doivent être réglés. L’action de groupe est peut-être même le meilleur moyen pour y parvenir. Mais, pour l’instant, rien n’est clair. Voilà pourquoi je propose de supprimer cet article, d’autant qu’il existe d’autres procédures pour gérer les litiges entre les entreprises et leurs clients avant d’envisager le recours à l’action de groupe, notamment la conciliation et la médiation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Avant de donner l’avis de la commission sur cet amendement, je souhaite m’exprimer sur ce chapitre important, qui concerne l’action de groupe, afin d’éclairer notre assemblée sur l’état d’esprit qui a présidé aux travaux de la commission des lois.
Au stade de l’établissement du texte, nous nous sommes attachés, d’une part, à relever certaines difficultés ou contradictions, d’autre part, à supprimer les dispositifs exorbitants du droit commun. Nous nous sommes efforcés surtout d’apporter des garanties nouvelles, compte tenu des risques que l’action de groupe fait peser sur les entreprises et sur les collectivités publiques.
Les amendements déposés et les prises de position des uns et des autres nous ont conduits à constater que ces dispositions suscitent encore aujourd'hui une grande inquiétude.
Il nous a donc semblé nécessaire d’entendre les réserves exprimées – sans doute convient-il de rassurer – et, pour ce faire, d’ajouter de nouvelles garanties à celles qui existent déjà.
C’est pourquoi la commission a donné un avis favorable à plusieurs amendements allant dans ce sens. Elle a par ailleurs ensuite adopté des amendements de coordination par rapport à ces amendements.
En ce qui concerne plus précisément l’amendement n° 68 rectifié, présenté par notre collègue Pascale Gruny, il traduit une crainte : que l’action de groupe fasse tache d’huile et que les actions spéciales se multiplient.
Notre collègue propose donc de supprimer l’article 19. Pour ma part, je crois plus opportun, pour lever les craintes, d’encadrer strictement le socle commun afin d’éviter que de nouvelles actions ne prospèrent sur des principes mal établis. C’est ce à quoi la commission s’est attachée.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Nous avons déjà eu cet échange hier avec Mme Gruny : le Gouvernement ne met pas en cause globalement, aveuglément, sans nuance, le monde économique. Ce sont plutôt les propos que vous avez tenus à la tribune, madame la sénatrice, qui semblent jeter sur lui une suspicion générale.
La préparation de ce texte a fait l’objet d’une concertation continue et approfondie. Vous évoquez la médiation : elle est justement prévue dans la procédure d’action de groupe.
Nous avons posé un certain nombre de limites dans le souci d’obtenir un dispositif à la fois sécurisé et efficace. Il importe de prendre en compte les discriminations et de réparer les préjudices, tout en travaillant conjointement avec ceux qui, éventuellement, y compris de manière non intentionnelle, mettent en œuvre des mécanismes qui produisent de la discrimination.
Dans la démarche engagée par le Gouvernement, il n’y a aucune hostilité à l’égard des entreprises, bien au contraire ! D’ailleurs, les représentants des entreprises et du monde économique avec lesquels nous avons travaillé souhaitent mettre un terme à ce climat de suspicion générale. Ils désirent que celles et ceux qui pratiquent éventuellement des discriminations soient très clairement identifiés afin de ne pas être assimilés à eux.
Il y a entre nous, madame la sénatrice, un désaccord de fond. En revanche, je ne doute pas un seul instant qu’aux yeux de la législatrice que vous êtes toute transgression du droit et de la législation élaborée ici doive être prise en compte et sanctionnée si nécessaire. Sur ce point, je crois qu’il n’y a pas de désaccord entre nous dans l’hémicycle, quelles que soient les sensibilités respectives de chacun.
En tout état de cause, le dispositif prévu par le Gouvernement et enrichi par la commission permet de traiter les problèmes, sans rester dans une imprécision imaginaire. Voilà pourquoi le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Le point de départ est le traumatisme lié à la dérive des actions de groupe aux États-Unis qui, à grand renfort de publicités relayées par les médias, ont mis en péril des entreprises acculées à des transactions extrêmement coûteuses et très préjudiciables, alors même que les dommages allégués n’étaient nullement établis et que les actions de groupe étaient engagées de façon précoce et par anticipation.
S’il est question d’action de groupe à la française depuis 2007, si des projets se sont développés dès le précédent quinquennat, des difficultés tenant à la transposition de cette formule ont toutefois retenu le législateur pendant longtemps, jusqu’à ce que la loi relative à la consommation, adoptée il y a maintenant deux ans, introduise l’action de groupe.
Cependant, il est essentiel d’avancer avec prudence.
Dans le domaine de la santé, nous avons eu l’occasion de délibérer de cette question extrêmement délicate grâce au travail accompli par Mme Deroche dans les semaines qui ont précédé nos présents débats.
Même si de nombreuses pages de ce projet de loi portent sur un dispositif général, il s’agit en réalité surtout d’appliquer la méthode de l’action de groupe en l’encadrant à la lutte contre les discriminations, sujet qui réunit tous les Français.
La lutte contre les discriminations, ce n’est rien d’autre que l’application du principe d’égalité devant la loi, une égalité qui doit s’appliquer, comme le prévoit la Constitution, sans distinction de race, d’origine, de croyance ou d’opinion.
La lutte contre les discriminations a justifié la création, en 2004, de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, que nous avons regroupée en 2011 avec le Médiateur de la République pour créer le Défenseur des droits, un Défenseur qui assume aujourd’hui sa fonction avec une certaine vigueur.
La lutte contre les discriminations, c’est aussi la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. C’est également la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, voulue par le Président Jacques Chirac.
La lutte contre les discriminations, ce sont donc de nombreuses mesures, chaque majorité ayant apporté sa pierre à l’édifice.
Je salue également la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui a donné lieu à un vote très large au Sénat de tous les groupes composant notre assemblée.
Cette lutte contre les discriminations peut effectivement être un point d’application intéressant pour des actions de groupe, mais à une condition : que les modalités de l’action de groupe nous prémunissent contre les dérives que l’on a pu constater aux États-Unis.
La commission des lois, après s’être donné le temps de la réflexion, a donc émis un avis favorable sur de très nombreux amendements visant à bien encadrer cette action de groupe pour mieux lutter contre les discriminations.
La commission a ainsi donné un avis favorable sur un amendement relatif à l’agrément national des associations pouvant mener une action de groupe.
Elle a également été favorable à la restriction des actions de groupe aux préjudices de caractère individuel, ainsi qu’à un amendement visant à limiter l’action aux personnes physiques, à l’exclusion des représentants d’intérêts collectifs - pêcheurs à la ligne, joueurs de pétanque, amateurs de corrida et autres philatélistes.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous allez avoir des problèmes, monsieur le président de la commission… (Sourires.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. La commission a par ailleurs souhaité limiter dans le temps l’adhésion au groupe afin d’éviter de trop longues incertitudes pour les entreprises ou pour les institutions qui pourraient être visées.
Enfin, la commission a été favorable à l’interdiction de tout démarchage juridique.
Nous avons donc approuvé un grand nombre d’amendements visant à cantonner l’action de groupe et à prévenir toute dérive.
Nous en avons accepté d’autres en matière de discrimination, comme le refus de donner au ministère public la possibilité d’intervenir en dehors du champ pénal, c'est-à-dire dans le champ de la réparation civile par l’équivalent de l’action de groupe.
C’est aussi, s’agissant des discriminations au travail, le fait de réserver aux seuls syndicats la possibilité d’agir, pour éviter les discriminations à l’intérieur d’une entreprise, sans permettre à des associations de procéder à de telles actions de groupe au sein de ces mêmes entreprises.
Enfin, un élément extrêmement important est l’entrée en vigueur des dispositions relatives à l’action de groupe. La commission a émis un avis favorable sur une disposition qui renvoie d’ailleurs à ce que le Gouvernement avait lui-même proposé : les poursuites au titre de l’action de groupe ne seront possibles que pour des manquements aux obligations de la personne morale visée par la lutte contre les discriminations qui surviendraient après l’entrée en vigueur de la loi, et non pas rétroactivement.
C’est pourquoi, me tournant vers vous, madame Gruny, je vous indique qu’il existe deux voies possibles. La première consiste à exclure absolument l’action de groupe, mais, ce faisant, à nous priver peut-être de moyens d’améliorer la lutte contre les discriminations, et elle nous tient à cœur. La seconde consiste à examiner d’autres amendements, dont certains sont d’ailleurs signés de vous, qui permettraient de bien circonscrire cette action de groupe et de dégager un bon compromis.
C’est la raison pour laquelle, à la suite de notre excellent rapporteur, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement de suppression, ainsi que ceux que vous avez déposés sur d’autres articles. Cela permettra d’examiner d’autres amendements, que vous ou d’autres collègues avez déposés, encadrant l’action de groupe et évitant les dérives que nous craignons tous.
Tels sont, chère collègue, les arguments que je voulais développer. Toutefois, si les autres amendements que vous ou d’autres collègues avez déposés n’étaient pas adoptés, il vous resterait toujours le recours de repousser les différents articles que vous jugeriez insuffisamment amendés ; dans ce cas, la commission comprendrait très bien votre motivation.
M. le président. Madame Gruny, l’amendement n° 68 rectifié est-il maintenu ?
Mme Pascale Gruny. Après les explications du président de la commission des lois, je ne peux que le retirer, monsieur le président.
Les entreprises ont besoin d’entendre que nous travaillons à leur sécurité et à l’élaboration de textes stables ; la loi Hamon n’a qu’un an à peine, nous n’avons que peu de recul sur ses effets, et on revient déjà sur l’action de groupe. Or les class actions ont fait énormément de dégâts dans les entreprises ; leur arrivée en France fait donc peur.
J’ai déposé, par cohérence, des amendements de suppression de tous les articles concernant le socle commun. Je les retirerai au fur et à mesure de leur examen sans reprendre plus longuement la parole.
Je retire donc mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 68 rectifié est retiré.
L’amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Guérini, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° L’action ouverte sur le fondement du chapitre III du titre II du livre IV du code de la consommation.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Le socle processuel prévu par les articles 19 à 42 relatifs à l’action de groupe doit s’appliquer à l’action collective en matière de consommation et de concurrence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. L’action de groupe en matière de consommation répond à un régime particulier. On ne peut la renvoyer ainsi de manière abstraite au socle commun procédural, sans modifier tout ce régime.
Notre avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a été adoptée, elle est en application et nous sommes en train d’en évaluer les effets, comme cela a été rappelé.
Nous souhaitons donc que les choses restent en l’état pour ce qui concerne la consommation. Le socle procédural prévu dans ce texte concerne les discriminations et une partie du champ du travail, ainsi que, au fur et à mesure, les autres matières devant en relever, comme la santé, puisque le projet de loi relatif à la santé est en cours d’adoption.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je rejoins le sentiment de notre collègue Jacques Mézard. Dans la justice du XXIe siècle – c’est d’ailleurs l’occasion de souligner la démarche gouvernementale –, l’action de groupe doit être un moyen d’agir y compris devant les juridictions administratives, et doit être déclinée dans différents domaines. Il serait utile que le socle procédural s’applique un jour à la santé et à la consommation.
Certes, il est extrêmement compliqué de le décider dans l’immédiat, car cela impliquerait de revoir l’ensemble du droit applicable, mais je souhaite qu’un jour le socle soit véritablement commun, ce qui sera tout de même beaucoup plus simple pour les praticiens.
M. le président. Monsieur Mézard, l’amendement n° 36 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 36 rectifié est retiré.
L’amendement n° 179, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° L’action ouverte sur le fondement de l’article 225-1 du code pénal.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Il s’agit, par cet amendement, d’harmoniser et de compléter la liste des motifs de discrimination qui peuvent fonder une action de groupe devant le juge judiciaire, par renvoi aux dispositions de l’article 225-1 du code pénal.
Ainsi, une action de groupe pourrait être ouverte sur le fondement d’autres motifs de discrimination que ceux qui sont prévus par le projet de loi, lequel renvoie à la liste des motifs de discrimination mentionnés dans la loi du 27 mai 2008. La liste de l’article 225-1 du code pénal est plus large.
De cette façon, l’amendement permettrait d’étendre l’action de groupe notamment aux personnes victimes de discriminations liées à leur état de santé. On peut citer, par exemple, les personnes atteintes du sida ou d’un cancer, très souvent victimes de discriminations en raison de leur maladie.
Ces discriminations portent préjudice à un nombre considérable de personnes. C’est pourquoi l’action de groupe doit pouvoir être introduite sur le fondement de ces autres motifs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le champ de l’action de groupe à la lutte contre les discriminations mentionnées dans le code pénal. La modification proposée manque toutefois son objectif faute de définir à quoi correspond l’action ouverte sur le fondement de l’article 225-1 du code pénal.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’entends votre préoccupation, madame la sénatrice, et je la crois fondée. Néanmoins, la formulation retenue par la commission – je parle sous le contrôle de M. le rapporteur –, selon laquelle les discriminations concernées sont visées par les dispositions législatives en vigueur, me semble couvrir tous les cas.
M. Yves Détraigne, rapporteur. En effet !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Tous les cas prévus dans le code pénal sont donc déjà couverts. Par conséquent, puisque votre préoccupation est satisfaite, madame Benbassa, je vous demande de retirer cet amendement.
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 179 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Pardon de vous contredire, madame la garde des sceaux, mais je ne crois pas que ma préoccupation soit satisfaite !
La discrimination à l’embauche fondée sur l’état de santé de la personne ne figure pas dans le projet de loi. Je peux bien sûr me tromper – je ne connais pas les codes ni les articles du présent projet de loi par cœur –, mais il conviendrait peut-être de vérifier…
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Votre préoccupation mérite en effet qu’on l’examine de près et que l’on se soucie de ces cas.
Néanmoins, que sommes-nous en train de faire ? Nous établissons un socle procédural. M. Bigot rappelait précédemment qu’il existe en droit différentes matières. Ce qui nous semble utile, et que nous parvenons à faire enfin avec ce socle commun, c’est l’unification de notre droit, qui est aujourd’hui très segmenté : c’est mieux pour le justiciable, c’est mieux pour la société, et c’est donc mieux aussi pour l’institution judiciaire.
Cela étant posé, nous avons des codes différents et des règles qui en relèvent. Ainsi, nous avons un code de la santé et, malgré un socle procédural commun, pour certaines spécificités, il faudra se référer à ce code. Toutefois, cela restera beaucoup plus simple et plus cohérent que d’avoir une action de groupe relative à la santé, une autre relative à l’environnement, une au travail, et ainsi de suite. Ce socle permettre une utile harmonisation et, d’une façon générale, il sera suffisant. Dans certains cas, cependant, il sera nécessaire de revenir au code pour plus de précisions.
J’en reviens à votre amendement. Tout d’abord, la discrimination doit être établie. Or, même si, en général, il s’agit de préjudices sériels – j’évoquais hier le procès du Mediator ou celui des prothèses mammaires –, la victime est isolée. L’action de groupe a au moins deux vertus : elle permet de rassembler des actions qui resteraient sinon individuelles et elle facilite l’administration de la preuve.
Vous souhaitez que soit prise en compte la discrimination que subirait une personne fragilisée par une maladie, sur le fondement de son apparence ou d’une autre source d’information. C’est couvert par la loi, madame la sénatrice. Reste à apporter la preuve de la discrimination, et l’action de groupe facilitera la tâche des personnes qui s’estiment victimes.
Vous donnez un exemple de discrimination, mais il est possible qu’il en existe dix ou quinze ! Ce dont nous devons nous assurer, c’est que la loi prévoie bien tous les cas de discrimination. À cet égard, la formulation retenue par la commission me paraît meilleure.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Je veux confirmer que la rédaction de la commission vise déjà l’ensemble des cas de discrimination reconnus dans la loi française. Il me semble donc que l’amendement est satisfait.
M. le président. Je mets aux voix l’article 19.
(L’article 19 est adopté.)
Article 19 bis (nouveau)
Sauf disposition contraire, l’action de groupe est introduite et régie selon les règles prévues par le code de procédure civile.
M. le président. L’amendement n° 93 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Kennel et Trillard, Mme Hummel, MM. Commeinhes et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Laufoaulu, Bizet, Gilles et Doligé, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. Grand et Pellevat, Mme Canayer, M. Lenoir, Mme Di Folco, M. Buffet, Mme Procaccia, MM. Vaspart et Bouchet, Mmes Deroche et Mélot, M. Frassa, Mme Giudicelli, M. Pierre, Mme Imbert, M. Mandelli, Mme Troendlé, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Darnaud et Genest, Mme Lopez, M. Vasselle, Mme Deseyne et M. Saugey, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 93 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 19 bis.
(L’article 19 bis est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 71 amendements au cours de la journée ; il en reste 153.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
12
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 5 novembre 2015, à dix heures trente, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications (n° 109, 2015-2016) ;
Rapport de M. Joël Guerriau, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 132, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 133, 2015-2016).
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales ;
Rapport de M. Philippe Bas, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 129, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 130, 2015-2016).
Proposition de loi visant à pénaliser l’acceptation par un parti politique d’un financement par une personne morale (n° 492, 2014-2015) ;
Rapport de M. Michel Delebarre, fait au nom de la commission des lois (n° 117, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 118, 2015-2016).
Suite du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle (procédure accélérée) (n° 661, 2014-2015) ;
Rapport de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois (n° 121, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 122, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 5 novembre 2015, à zéro heure trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART