M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je remercie M. Arnell d’avoir retiré son amendement.

Vos deux amendements, madame Archimbaud, portent sur un sujet important, dont nous débattons régulièrement. Je ne méconnais d’ailleurs pas l’intérêt des mesures visant à augmenter le prix du tabac, notamment du tabac à rouler.

L’étude parue au mois de septembre 2015, à laquelle vous avez fait référence, le montre clairement : contrairement à ce que nos concitoyens imaginent, le coût social du tabagisme est sans commune mesure avec ce que la vente du tabac rapporte à l’État. Dans le climat de défiance actuel, certains semblent croire que l’État a pour seul intérêt de remplir ses caisses en permettant aux gens de fumer. La vérité est que le tabac coûte cher en arrêts de travail ; il coûte cher aux entreprises, aux acteurs économiques et à la sécurité sociale. Il faut prendre en charge les traitements et les soins des malades, qui sont trop nombreux : le tabac tue près de 80 000 personnes chaque année !

La France assure cette prise en charge. Dans d’autres pays, on examine d’abord quelles assurances – elles sont extrêmement chères – ont été souscrites : par exemple, un individu atteint d’un cancer n’ayant pas déclaré être fumeur ne pourra pas être pris en charge. C’est le cas aux États-Unis, où la prise en charge diffère selon l’assurance souscrite.

Faut-il aller dans le sens que vous souhaitez, madame la sénatrice ? Comme l’a souligné le rapporteur général, il faut une politique globale, cohérente, sans à-coups. Le Gouvernement a une stratégie identifiée, celle que j’ai annoncée l’an dernier : le programme national de réduction du tabagisme. Plusieurs options existaient, dont l’augmentation des prix du tabac. Ce n’est pas le choix qui a été retenu. Nous avons préféré privilégier le paquet neutre, avec des mesures d’interdiction dans les lieux fréquentés par les enfants et d’accompagnement des fumeurs, comme le triplement de la prise en charge par l’assurance maladie du sevrage tabagique pour certaines personnes.

C’est le Président de la République qui a tranché, en faisant le choix de la cohérence du dispositif présenté, dans le cadre du plan cancer. Je défends aujourd'hui cette même cohérence : nous ne souhaitons pas ajouter l’augmentation des prix du tabac aux mesures qui ont déjà été adoptées. Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de ces deux amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Madame Archimbaud, les amendements nos 262 et 263 rectifié sont-ils maintenus ?

Mme Aline Archimbaud. Le projet de loi de santé est en cours de navette parlementaire. Nous ne savons pas encore ce qui en sortira en matière de lutte contre le tabagisme. Je le dis clairement : j’espère que les mesures proposées par le Gouvernement sur ce point seront adoptées par le Parlement ! Pour l’instant, nous l’ignorons ; d’ailleurs, je suis un peu inquiète.

Je vous invite à réfléchir, mes chers collègues. Les plus célèbres addictologues de notre pays – je suis certaine que vous êtes nombreux à en avoir rencontré – soulignent qu’on ne pourra pas s’en sortir sans mesures fortes. Le tabac tue 79 000 personnes par an ! Si les parlementaires ne décident pas d’actions courageuses, la situation risque de durer encore longtemps.

Quoi qu’il en soit, comme le texte sur la santé est en cours d’examen, j’accepte de retirer mes amendements, qui étaient avant tout des amendements d’alerte, en saluant les engagements pris par Mme la ministre.

M. le président. Les amendements nos 262 et 263 rectifié sont retirés.

L'amendement n° 297 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Après l’article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La troisième colonne du tableau du deuxième alinéa de l'article 575 A du code général des impôts est ainsi modifiée :

1° – À la deuxième ligne, le nombre : « 48,75 » est remplacé par le nombre : « 49,5 » ;

2° – À la quatrième ligne, le nombre : « 67,50 » est remplacé par le nombre : « 69 » ;

3° – À la cinquième ligne, le nombre : « 17 » est remplacé par le nombre : « 18 ».

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Cet amendement vise à mieux protéger les recettes fiscales des conséquences d'une guerre des prix entre les industriels du tabac.

Certes, j’ai bien entendu les explications de Mme la ministre, qui a évoqué la nécessité de ne pas systématiquement recourir à la hausse des prix. En l’occurrence, pour endiguer la guerre des prix, nous souhaitons introduire une hausse légère des taxes sur les catégories de produits du tabac les plus vendues en France. Cela garantirait une meilleure maîtrise et prévisibilité de l'évolution des recettes fiscales de l'État.

Je sais que cet amendement ne vous satisfera pas, madame la ministre, pas plus qu’il ne satisfera les fumeurs, mais une telle mesure pourrait permettre au monde de la santé de mieux répondre aux ravages causés par la consommation excessive de tabac.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission, après un large débat en son sein, s’est déclarée favorable seulement au dispositif proposé au 2°. Elle a donc émis un avis défavorable sur le reste de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Par cohérence avec ce que j’ai indiqué précédemment, je demande le retrait de l’amendement ; faute de quoi l’avis sera défavorable.

M. le président. Monsieur Arnell, l'amendement n° 297 rectifié est-il maintenu ?

M. Guillaume Arnell. Non, je le retire, monsieur le président. Certes, j’avais espéré faire adopter au moins un de mes trois amendements. Mais à quoi bon s’obstiner ? Je me réjouis en tout cas que la commission ait jugé favorablement notre proposition pour le 2°.

M. le président. L'amendement n° 297 rectifié est retiré.

L'amendement n° 266, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les deuxième et troisième colonnes de la deuxième ligne du tableau du dernier alinéa du I de l’article 575 E bis du code général des impôts sont ainsi rédigées :

« 

49,7

48,75

 »

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. La lutte contre le tabagisme concerne évidemment tout le territoire français. Or, en Corse, les produits du tabac sont en moyenne 25 % moins chers qu’en France continentale.

Cela pose un problème de conformité au droit européen. La directive 2011/64/UE du 21 juin 2011 n’autorise la France à garder une fiscalité réduite en Corse que jusqu’au 31 décembre 2015. Il est donc grand temps de se mettre en conformité, sous peine de se voir infliger des sanctions.

De plus, l’égalité des territoires en matière sanitaire impose l’égalité en matière fiscale, en particulier en matière de santé publique. La toxicité du tabac fumé, ainsi que le coût de ses dégâts sanitaires et sociaux sont les mêmes que le produit soit consommé en Corse ou en France continentale. Les décès par cancer du poumon sont plus nombreux de 25 % en Corse qu’en France continentale, selon les données de l’agence régionale de santé de Corse.

Nous souhaitons donc harmoniser la fiscalité du tabac en Corse avec celle qui est actuellement en vigueur en France continentale. Cela permettrait non seulement de répondre aux deux problèmes que j’ai déjà évoqués, mais, surtout, de lutter contre la contrebande – argument régulièrement soulevé au niveau européen. Les prix seraient uniformisés par une fiscalité identique, au sein même du marché intérieur français. Cela permettrait aussi d’éviter les échanges, licites ou illicites, des produits du tabac à l’intérieur du marché français.

Notre amendement vient en appui de l’ensemble des mesures prévues dans le programme national de réduction du tabagisme, dont le paquet neutre constitue la mesure majeure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’une mise en conformité demandée par l’Union européenne. L’avis est donc favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement me semble satisfait, car la convergence est déjà engagée. Mme Archimbaud souhaite peut-être que les choses aillent plus vite, mais des dispositions ont été prises ; l’essentiel, me semble-t-il, c’est que le principe soit arrêté.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Joseph Castelli, pour explication de vote.

M. Joseph Castelli. L’amendement de nos collègues du groupe écologiste part d’un bon sentiment : lutter contre le tabagisme. Chacun ne peut évidemment qu’y souscrire. Pour autant, si l’objectif est partagé, le rapprochement des taux de taxation en Corse et sur le continent est, je tiens à le rappeler, déjà engagé, et il s’effectue progressivement.

Vous le savez, la Corse, à l’instar d’autres territoires de l’Union européenne, bénéficie d’un cadre fiscal dérogatoire qui lui permet de garantir des prix de vente au détail pour les produits du tabac inférieurs à ceux en vigueur sur le continent. Certes, une directive européenne prévoit l’alignement du cadre fiscal sur la fiscalité appliquée sur le continent à compter du 1er janvier 2016. C’est la raison pour laquelle la France s’est engagée à aller vers l’uniformisation des prix.

Le sujet fait l’objet de discussions entre le Gouvernement et la collectivité territoriale de Corse, qui s’est prononcée en faveur d’une solution progressive : le report au 1er janvier 2020 de la hausse de la fiscalité de 50 % à 57 % sur les cigarettes et l’harmonisation fiscale totale au plus tard le 31 décembre 2020, soit un an après.

Un rapprochement brutal comme celui qui nous est proposé aurait des conséquences dramatiques pour la Corse. Cela conduirait à de nombreuses destructions d’emplois et aurait des répercussions sur le budget des collectivités corses, les droits sur le tabac constituant l’une des principales recettes tirées de la fiscalité indirecte pour la collectivité territoriale de Corse et les départements de Corse. Et je n’évoque même pas le risque d’une explosion du marché parallèle !

Je précise par ailleurs que l’écart de prix entre la Corse et le continent s’est déjà considérablement réduit.

Pour toutes ces raisons, et malgré toute la sympathie que m’inspirent mes collègues écologistes, je ne pourrai pas voter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. Je remercie notre collègue Castelli de nous avoir apporté un éclairage sur l’état des discussions au sein de la collectivité territoriale de Corse.

J’aimerais que Mme la ministre nous confirme que la convergence est réellement en cours.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vous le confirme : un relèvement de 5 points de la fiscalité applicable en Corse se met progressivement en place depuis 2013. Vous le voyez, le processus est engagé.

M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 266 est-il maintenu ?

Mme Aline Archimbaud. Compte tenu des explications de notre collègue, qui est un acteur direct du débat en Corse, et des engagements qui ont été pris en matière de convergence, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 266 est retiré.

L'amendement n° 267, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les deuxième et troisième colonnes de la quatrième ligne du tableau du dernier alinéa du I de l’article 575 E bis du code général des impôts sont ainsi rédigées :

« 

32

67,5

 »

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Je retire cet amendement, qui s’inscrivait dans la même logique que le précédent.

M. le président. L'amendement n° 267 est retiré.

L'amendement n° 254, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre III du titre III de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complété par une section X ainsi rédigée :

« Section X

« Taxe additionnelle à la taxe spéciale sur les huiles

« Art. 554. – I. – Il est institué une contribution additionnelle à la taxe spéciale prévue à l’article 1609 vicies sur les huiles de palme, de palmiste et de coprah effectivement destinées, en l’état ou après incorporation dans tous produits, à l’alimentation humaine.

« II. – Le taux de la taxe additionnelle est fixé à 300 € par tonne en 2016, 500 € en 2017, 700 € en 2018 et 900 € à partir de 2019. Ce tarif est relevé au 1er janvier de chaque année à compter du 1er janvier 2020. À cet effet, les taux de la taxe additionnelle sont révisés chaque année au mois de décembre, par arrêté du ministre chargé du budget publié au Journal officiel, en fonction de l’évolution prévisionnelle en moyenne annuelle pour l’année suivante des prix à la consommation de tous les ménages hors les prix du tabac. Les évolutions prévisionnelles prises en compte sont celles qui figurent au rapport économique, social et financier annexé au dernier projet de loi de finances de l'année.

« III. – A. La contribution est due à raison des huiles mentionnées au I ou des produits alimentaires les incorporant par leurs fabricants établis en France, leurs importateurs et les personnes qui en réalisent en France des acquisitions intracommunautaires, sur toutes les quantités livrées ou incorporées à titre onéreux ou gratuit.

« B. Sont également redevables de la contribution les personnes qui, dans le cadre de leur activité commerciale, incorporent, pour les produits destinés à l’alimentation de leurs clients, les huiles mentionnées au I.

« IV. – Pour les produits alimentaires, la taxation est effectuée selon la quantité d’huiles visées au I entrant dans leur composition.

« V. – Les huiles visées au I ou les produits alimentaires les incorporant exportés de France continentale et de Corse, qui font l’objet d’une livraison exonérée en vertu du I de l’article 262 ter ou d’une livraison dans un lieu situé dans un autre État membre de la Communauté européenne en application de l’article 258 A, ne sont pas soumis à la contribution.

« VI. – La contribution est établie et recouvrée selon les modalités, ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d’affaires.

« Sont toutefois fixées par décret les mesures particulières et prescriptions d’ordre comptable notamment, nécessaires pour que la contribution ne frappe que les huiles effectivement destinées à l’alimentation humaine, pour qu’elle ne soit perçue qu’une seule fois, et pour qu’elle ne soit pas supportée en cas d’exportation, de livraison exonérée en vertu du I de l’article 262 ter ou de livraison dans un lieu situé dans un autre État membre de la Communauté européenne en application de l’article 258 A.

« VII. – Le produit de cette taxe est affecté au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Le produit change, mais il s’agit toujours de taxation. Comme je l’ai indiqué précédemment, la panoplie des mesures pouvant être prises par les parlementaires pour infléchir les politiques de santé environnementale est relativement limitée.

Cet amendement concerne un sujet dont nous avons souvent débattu au sein de cet hémicycle : l’huile de palme. Cette huile végétale, la plus consommée au monde, est présente dans des milliers de produits alimentaires de consommation courante, car elle est privilégiée par les industriels pour son faible coût. Sa consommation massive pose des problèmes sanitaires et environnementaux. Ce n’est pas un poison, mais, consommé massivement, c’est un produit dangereux.

D’un point de vue sanitaire, la consommation des acides gras saturés contenus dans l’huile de palme accroît nettement le risque d’apparition de certaines maladies, notamment cardiovasculaires. La présence de cette huile dans de très nombreux produits conduit bien souvent à une surconsommation plus ou moins à l’insu du consommateur, car ce dernier ne détaille pas nécessairement toutes les étiquettes des produits qu’il achète.

Il est ici proposé d’aligner la taxation de cette huile sur celle des autres huiles. En effet, pour des raisons curieuses, voire inexplicables, l’huile de palme est une des huiles les moins taxées en France.

Par ailleurs, à quelques semaines de la COP 21, ce serait un signal positif. Sur le plan environnemental, l’exploitation industrielle – je dis bien industrielle, et non familiale ou locale – du palmier à huile accapare de plus en plus de territoires et s’accompagne de défrichements massifs portant atteinte au maintien des équilibres biologiques, ainsi qu’au bien-être des populations locales. Je pense, par exemple, aux territoires immenses en Indonésie où, comme la presse l’a rappelé récemment, de très grandes multinationales achètent les terres à très bas prix, spolient les populations locales, les privent de la possibilité de développer une agriculture locale et provoquent une déforestation extrêmement dommageable, qui augmente les risques de dérèglements climatiques.

Pour ces deux raisons, et forte du constat qu’il s’agit d’une huile moins taxée que la plupart des autres huiles que nous utilisons en France, je propose d’atténuer progressivement, par une taxe additionnelle qui a vocation à monter en puissance, l’avantage concurrentiel de l’huile de palme afin d’inciter peu à peu les industriels à utiliser d’autres huiles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous avons déjà largement débattu de cette question l’an dernier,…

Mme Catherine Deroche. Et il y a deux ans, et il y a trois ans…

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … ainsi qu’à l’occasion de l’examen du projet de loi de santé.

La commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Comme vous l’avez souligné, c’est un débat que nous avons régulièrement. Il ne s’agit pas de contester les enjeux liés à l’huile de palme ni aux huiles, en général, pour ce qui est de la santé publique, car chacun sait évidemment qu’une consommation excessive de lipides pose des problèmes de santé.

Par ailleurs, il est vrai que l’utilisation de l’huile de palme est liée à des enjeux environnementaux spécifiques.

Néanmoins, le rapport rédigé par Yves Daudigny et Catherine Deroche souligne que les taxes comportementales, en dehors de certains points très identifiés, n’ont pas d’impact en termes de consommation et n’atteignent pas le résultat escompté.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. Encore une fois, je le répète, il ne s’agit pas de nier les enjeux, notamment environnementaux, liés à l’huile de palme, mais ce n’est pas au travers de la mise en place d’une petite taxe supplémentaire que l’on résoudra tous ces problèmes.

M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 254 est-il maintenu ?

Mme Aline Archimbaud. Cette fois-ci, je maintiens mon amendement. À trois semaines de la COP 21, il me semble que le Sénat pourrait adresser un signal. Dans les semaines à venir, nous évoquerons largement la question de la déforestation. C’est un sujet extrêmement grave dans plusieurs régions du monde, notamment dans des zones où l’huile de palme est produite de façon industrielle et massive, sur des milliers d’hectares.

Les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, pourquoi se priver d’une telle source de revenus à l’heure où le Gouvernement cherche de l’argent ? Nous pourrions réunir ainsi une somme certes petite, mais non ridicule.

Par ailleurs, même si cet amendement n’a qu’un impact léger sur les industriels, il les incitera à reconsidérer leurs choix.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. J’ai été très sensible aux arguments qui ont été développés par Mme Archimbaud lors de la présentation de ses différents amendements, en particulier en ce qui concerne l’huile de palme, dont la présence dans une majorité de produits sucrés ou salés pose des problèmes en termes de santé.

Des amendements ont été présentés sur ce sujet à l’occasion de plusieurs projets de loi de financement de la sécurité sociale. On nous avait alors indiqué qu’il était nécessaire d’attendre un support adéquat, comme une loi de santé publique. Or, lors de l’examen du projet de loi de santé, qui poursuit son parcours parlementaire, une telle mesure n’a pas été retenue, même si nous avions tous souligné l’importance exceptionnelle et nouvelle du volet prévention de ce texte.

Je ne voterai pas l’amendement, mais je ne voterai pas non plus contre : je m’abstiendrai. Peut-être trouverons-nous un jour un support législatif permettant de mettre en application quelques éléments du rapport que j’ai rédigé conjointement avec Catherine Deroche ? Ce rapport s’interrogeait notamment sur cette curiosité qui veut que, en France, l’huile d’olive, dont chacun reconnaît les vertus puisqu’elle est à la base du régime crétois, est taxée beaucoup plus que l’huile de palme.

Revenir un jour à un peu plus d’égalité serait certainement une mesure de bon sens. Attendons néanmoins le support adéquat au sein duquel traiter de façon cohérente ces questions de fiscalité comportementale, en particulier pour ce qui concerne les huiles, d’autant que de telles dispositions ne me paraissent pas d’une grande efficacité. Je note par ailleurs que l’argument perd de sa puissance d’année en année à force de l’invoquer à chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Bien évidemment, je ne peux qu’être sensible aux arguments avancés par Aline Archimbaud, mais je suis tout aussi sensible aux propos de Mme la ministre.

Notre collègue du groupe écologiste a mis l’accent sur deux points : le gain pour la sécurité sociale et l’utilité de taxer des comportements qui posent problème.

Tout d’abord, le groupe communiste républicain et citoyen ne pense pas que le budget de la sécurité sociale passe par une succession de taxes.

Ensuite, en ce qui concerne la dangerosité de l’huile de palme, cette question s’inscrit dans une problématique beaucoup plus globale de comportements alimentaires. Au fur et à mesure de l’évolution et des progrès, on constate que tel ou tel produit alimentaire renfermant telle ou telle substance peut avoir des effets nocifs, voire graves, puisque certains produits sont cancérogènes.

Comme l’a souligné Yves Daudigny, il faut réfléchir au bon véhicule législatif pour aborder de manière complète l’ensemble de ces comportements. Nous avons constaté qu’il était quelque peu compliqué d’insérer de telles dispositions dans le projet de loi de santé.

Enfin, nous savons tous que les industriels répercutent les hausses de taxations sur les consommateurs. De telles mesures comportent donc des effets très pervers.

Bref, il faut une réflexion beaucoup plus globale, quitte à prendre à un moment donné des mesures assez radicales, mais uniquement lorsque nous disposerons de toutes les données du problème.

M. Jean Desessard. On a toutes les données du problème !

Mme Laurence Cohen. Notre collègue a rappelé à juste titre que nous étions à la veille de la COP 21, qui traitera des problèmes de déforestation. Mais nous savons également que les économies dans un certain nombre de pays ont été complètement déplacées.

M. Jean Desessard. Justement !

Mme Laurence Cohen. Même si j’entends l’appel de ma collègue Aline Archimbaud, le problème est global et ne se réglera pas à l’occasion d’un amendement lors de l’examen d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. C’est la quatrième, voire la cinquième ou sixième année que nous avons ce débat, au gré des différents textes. Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement.

L’huile de palme n’est pas toxique, même si, en raison de sa composition, elle peut être plus athérogène que d’autres. Ne donnons donc pas le sentiment à nos concitoyens qu’un produit contenant de l’huile de palme est dangereux. En revanche, je milite en faveur d’une véritable information sur la qualité de l’huile entrant dans la composition des produits. Un simple étiquetage « huile végétale » ne me semble pas suffisamment précis.

Les industriels affirment que l’huile de palme présente des qualités en termes de composition et de consistance, ce qui empêche son remplacement par un autre produit. Au demeurant de nombreux responsables de l’industrie se sont engagés en faveur d’une huile de palme durable n’entraînant pas de déforestation.

Personnellement, je ne suis pas favorable à l’instauration d’une taxation, car, je le répète, il ne s’agit pas d’un produit toxique ; je suis pour une alerte sur tous les produits gras, quels qu’ils soient. Yves Daudigny l’a souligné, notre rapport s’interrogeait sur les disparités de taxations entre les différentes huiles. Quoi qu’il en soit, une telle question n’est pas d’ordre législatif, mais réglementaire. Il me semblerait utile de parvenir à une harmonisation, à condition qu’elle soit non pas brutale, mais étalée dans le temps.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. J’ai du mal à comprendre vos arguments, camarades communistes ! Cette remarque vaut également pour Mme Deroche, même si je n’ose pas l’appeler « camarade »… (Sourires.)

M. Jean-François Husson. Dites « compagnon » !

M. Jean Desessard. Lorsque nous avons débattu au Sénat du diesel, on nous a répondu que, si ce carburant était mortel, il ne servait à rien de le taxer : mieux valait l’interdire.

Là, il ne s’agit pas d’interdire l’huile de palme – ça ne le mérite pas –, il s’agit simplement de la taxer. La taxation présente plusieurs avantages : c’est bien pour l’environnement puisqu’il y a déforestation ; c’est bien pour aider la population des pays producteurs puisque la production d’huile de palme s’accompagne de la destruction d’économies locales, au profit d’investisseurs étrangers – l’argent de l’huile de palme ne bénéficie pas obligatoirement aux pays producteurs. C’est également bien pour nous, puisque ça rapporte des recettes supplémentaires.

Par ailleurs, les autres huiles sont produites en France alors que l’huile de palme est produite à l’étranger. En plus, l’huile de palme est moins taxée alors qu’elle est plus dangereuse que les autres huiles ! Bref, ce sont autant de raisons pour la taxer au moins autant que les autres.

Que signifie harmoniser les taxations sinon augmenter la taxe pesant sur l’huile de palme ? Je vois bien qu’on ne veut toucher à rien, mais c’est incompréhensible ! Cette mesure présente un intérêt environnemental, un intérêt pour les recettes de l’État, un intérêt pour les producteurs locaux et un intérêt en termes de cohérence avec la taxation sur les autres huiles… Je ne sais plus quoi dire pour plaider en faveur de cet amendement !