M. le président. L’amendement n° I–103, présenté par MM. Delattre, Doligé, Joyandet, Morisset, Mouiller, D. Laurent, Portelli, Masclet et Charon, Mme Primas, M. Pellevat, Mme Duchêne et MM. P. Dominati, Chatillon, Mayet, Savary, Gremillet, Pierre, Lemoyne et Mandelli, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la seconde phrase du premier alinéa du 1 du I de l’article 885-0 V bis du code général des impôts, le montant : « 45 000 » est remplacé par le montant « 90 000 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a été précédemment défendu.
L’amendement n° I–99, présenté par MM. Delattre, Doligé, Commeinhes, Pierre et Portelli, Mme Deroche, M. Pellevat, Mmes Gruny et Canayer et MM. P. Dominati, Charon, Mayet, G. Bailly, Chasseing et D. Laurent, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 2 du III de l’article 885-0 V bis du code général des impôts, le montant : « 18 000 » est remplacé par le montant : « 45 000 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a également été précédemment défendu.
L’amendement n° I–168, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du I de l’article 885–0 V bis A du code général des impôts, le montant : « 50 000 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement vise à réduire le plafond de la dépense éligible à la réduction d’impôt pour dons aux œuvres. Nous pouvons en effet parfaitement comprendre que les redevables de l’ISF aient un comportement philanthropique, mais il faudrait que ce fait soit considéré à juste proportion.
Citons, de ce point de vue, quelques données précises. Dans la tranche moyenne de l’ISF, un peu plus de 25 000 redevables font de tels versements, qu’il s’agisse de l’aide apportée à des associations caritatives, à des fondations ou encore à certains établissements d’enseignement supérieur, pour ne donner que quelques exemples. Ils le font pour un montant total de dons dépassant de peu 63 millions d’euros, soit un don moyen d’environ 2 500 euros. Les versements effectués dans l’Espace économique européen au profit d’œuvres de mêmes nature et objet sont plus rares et d’un montant équivalent.
Autant dire que le plafond actuel de dons, fixé à 50 000 euros, est parfaitement superfétatoire au regard de la réalité des mouvements constatés et qu’il n’y a sans doute qu’un nombre très réduit de contribuables, qui pourraient d’ailleurs effectuer la même opération pour ce qui concerne l’impôt sur le revenu, qui l’atteignent.
Au-delà des bonnes intentions et de la philanthropie, nous craignons en effet que les dons ne soient ajustés, si j’ose dire, aux besoins, c’est-à-dire que les redevables de l’ISF concernés ne versent par principe et par habitude que la somme nécessaire pour leur permettre d’être dispensés du paiement de l’impôt.
Réduire le plafond des dons retenus pour alléger l’ISF participe aussi d’une autre démarche et de l’approche globale de nos prélèvements. On ne peut, d’une part, légiférer sur le plafonnement des niches fiscales – cela s’est fait – et fixer des plafonds plus « raisonnables » pour un certain nombre de dépenses fiscales et, d’autre part, laisser perdurer dans le cadre de l’ISF deux niches fiscales rapportant, en allégements de droits, l’une 25 000 euros et l’autre 37 500 euros. Nous pourrions comparer utilement ces sommes avec le revenu médian d’un contribuable français, qui doit se situer aux alentours de 18 000 euros par an.
À cet égard, je ne rappelle pas ici le plafond actuel du dispositif « Coluche » ni celui qui est applicable aux dons et œuvres d’intérêt général qui se trouvent, de fait, limités à 3 600 euros pour un contribuable médian de notre pays.
M. le président. L’amendement n° I–209 rectifié bis, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au I de l’article 885 V bis du code général des impôts, après les mots : « par l’article 156, » sont insérés les mots : « du montant des charges mentionnées au 2° du II de l’article 156, notamment des pensions judiciairement fixées au titre du devoir de secours, ».
II. – Le I s’applique aux pensions versées à compter du 1er janvier 2015.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Je n’ai pour ma part aucun problème avec l’ISF et je suis lucide sur le fait que, en l’état actuel des finances publiques, toute modification est difficile.
Il s’agit d’un amendement technique, destiné à assurer l’équité dans la mise en œuvre des dispositions de l’article 885 V bis du code général des impôts. Cet article institue un plafonnement de l’ISF lorsque le total des impôts dus en France et à l’étranger excède 75 % du total des revenus du redevable.
En matière d’impôt sur le revenu, les pensions et autres obligations peuvent faire l’objet d’une déduction. En revanche, en ce qui concerne le plafonnement de l’ISF, il semble que cela ne soit pas le cas puisque, notamment, un certain nombre de pensions fixées judiciairement ou d’autres obligations ne peuvent faire l’objet d’une déduction.
Cet amendement a donc uniquement pour objet de traiter cette situation, qui doit concerner un nombre très limité de cas et n’avoir, de ce fait, qu’une incidence très marginale sur le rendement de cet impôt.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux avis de la commission et du Gouvernement sur les amendements nos I–166 à I–209 rectifié bis portant article additionnel après l’article 2 quinquies et faisant l’objet d’une discussion commune.
Monsieur le rapporteur général, quel est l’avis de la commission sur ces dix-sept amendements ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je vais donner l’avis de la commission des finances sur cette série d’amendements, qui concernent essentiellement le dispositif Dutreil.
L’amendement n° I–166 visant à supprimer ce dispositif, nous ne pouvons bien sûr qu’y être défavorables, puisque les amendements suivants nos I–29, I–30 et I–31 de la commission visent au contraire à améliorer ce dispositif, qui est utile pour la transmission d’entreprises. Le supprimer serait absolument catastrophique.
L’amendement n° I–193 présenté par notre collègue Philippe Dominati vise à supprimer l’ISF. Certes, je suis d’avis que cet impôt entraîne un certain nombre d’effets pervers. La France est d’ailleurs un des seuls pays à avoir une fiscalité de ce type sur le patrimoine, la plupart des États qui en avaient une l’ayant supprimée. C’est le cas de l’Espagne, de l’Allemagne, de la Suède ou d’autres pays, qui ne disposent plus d’une telle fiscalité. Ce débat est légitime, mais le coût de cette suppression, qui est de 5,6 milliards d’euros, est incompatible avec l’état actuel de nos finances publiques. La commission émet, pour cette raison, un avis défavorable.
L’amendement n° I–165 présenté par le groupe CRC tend à abaisser le seuil d’assujettissement à l’ISF de 1,3 million d’euros à 800 000 euros, et à augmenter les taux du barème jusqu’à 1,80 %.
À ce sujet, je me permets de faire un petit rappel historique. En 1982, année de création de ce que l’on appelait alors l’IGF, impôt sur les grandes fortunes, le taux marginal était de 1,5 %, mais le taux de rendement des placements n’avait rien à voir avec celui que nous connaissons actuellement. (M. André Gattolin opine.) Par exemple, le taux de l’emprunt Mauroy devait être à 14 % ou 15 %, alors qu’aujourd’hui M. le secrétaire d’État ne cesse de nous rappeler la faiblesse des taux d’intérêt, en ce qui concerne tant les emprunts d’État que les autres placements.
Aujourd’hui, les rendements ont donc considérablement baissé. En revanche, les taux d’imposition se sont maintenus. Aussi, le renforcement du barème avec un taux à 1,80 % serait tout à fait contre-productif, d’autant plus s’il est couplé à un abaissement du seuil. Les effets en seraient désastreux. L’ISF constituant déjà une exception française, il serait malvenu d’aller encore plus loin dans l’exception. L’avis de la commission est donc défavorable.
L’amendement n° I–170 présenté par le groupe CRC a pour objet d’inclure dans l’ISF les biens professionnels au-delà de 2 millions d’euros, si j’ai bien compris. Évidemment, nous ne pouvons qu’être défavorables à cet amendement. Nous avons déjà parlé d’exil fiscal. Nous pouvons sans doute échanger des chiffres, sur lesquels nous ne sommes pas d’accord. Cependant, à mon sens, s’il y a vraiment un moyen pour faire fuir les entrepreneurs, c’est bien d’inclure l’outil de travail dans l’assiette de l’ISF.
Le principe de l’exonération n’a jamais été remis en cause depuis l’origine, et il serait tout à fait contre-productif de le faire aujourd’hui. Pour le coup, il n’y aurait plus beaucoup de créateurs d’entreprises en France.
L’amendement n° I–388 rectifié présenté par M. Delahaye et les membres du groupe UDI-UC vise à exonérer de droits de mutation à titre gratuit la transmission des parts de société, sous réserve que l’héritier, le donataire ou le légataire conserve les parts pendant une durée minimale de dix ans. Les auteurs de cet amendement proposent d’aller plus loin que le dispositif Dutreil. C’est évidemment un vrai sujet, mais le coût, évalué à 500 millions d’euros, est assez élevé. C’est pourquoi la commission des finances a préféré proposer aux auteurs de se rallier à ses propres amendements, présentés précédemment, qui ont pour objet d’améliorer le dispositif Dutreil, en supprimant notamment un certain nombre d’obstacles ou de difficultés. Je sollicite donc le retrait de cet amendement, compte tenu, je le répète, de son coût pour les finances publiques.
Les amendements nos I–194 et I–195, présentés par Philippe Dominati, concernent la résidence principale. C’est également un vrai sujet, car, comme l’ont dit plusieurs de nos collègues, le coût de l’immobilier, notamment à Paris et en région parisienne, s’est considérablement élevé. Or il y a quand même une différence de nature, d’ailleurs reconnue par la législation fiscale existante, entre l’ISF sur la résidence principale et celui qui est applicable aux autres biens : par définition, la résidence principale n’est pas productrice de revenus.
Par exemple, des contribuables ayant acheté leur appartement voilà quelques années peuvent se trouver désormais soumis à l’ISF du fait de la hausse des prix sans avoir pour autant les revenus permettant d’assurer le paiement de l’impôt. Cela fait une grande différence avec un placement en actions ou sur de l’immobilier locatif. Le contribuable propriétaire peut être victime, ou bénéficiaire, c’est selon, de la hausse des prix, mais il n’a pas pour autant plus de capacités contributives, c’est-à-dire des revenus assez élevés. Il n’est qu’à voir les prix d’un appartement de 100 mètres carrés à Paris pour se rendre compte qu’on peut très vite entrer dans l’ISF.
D’ailleurs, si la législation fiscale actuelle accorde un abattement de 30 % sur la valeur de la résidence principale, c’est bien pour tenir compte du fait qu’il n’y pas de revenus afférents à ce bien immobilier.
L’amendement n° I–194, cosigné par un certain nombre de collègues, tend à exonérer totalement d’ISF la résidence principale. En l’espèce, il est permis de se demander s’il n’y a pas un risque d’inconstitutionnalité. Par ailleurs, une telle mesure aurait un coût de 1 milliard d’euros, ce qui est trop élevé pour nos finances publiques. Nous proposons donc le retrait de cet amendement, alors que nous avons émis un avis de sagesse sur l’amendement n° I–195, lequel vise, lui aussi, à répondre à la difficulté posée par la résidence principale non productrice de revenus. En l’occurrence, ses auteurs proposent de porter de 30 % à 50 % l’abattement que je viens d’évoquer. Cette mesure permettrait de tenir compte de la hausse des prix, singulièrement en Île-de-France, car il n’y a pas que les propriétaires de champs de pommes de terre de l’île de Ré qui sont concernés.
Je le répète, il peut y avoir des propriétaires qui n’ont pas de ressources suffisantes, et qui se retrouvent pénalisés simplement parce qu’ils sont détenteurs de leur résidence principale. On pourrait même considérer qu’il y a une forme d’iniquité à voir un propriétaire d’outil de travail totalement exonéré. Encore une fois, l’achat d’une résidence principale n’est pas un choix de placement immobilier. On a besoin de se loger et on subit de ce fait une imposition, qui devient parfois extrêmement élevée. L’idée d’augmenter le montant de l’abattement répond à cette problématique.
Eu égard au coût de cette mesure – il avait été estimé à 270 millions d’euros en 2011, mais peut-être M. le secrétaire d’État a-t-il des chiffres plus précis aujourd’hui –, la commission des finances s’en remet à la sagesse de notre assemblée.
L’amendement n° I–279, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe CRC, a pour objet de plafonner à 200 000 euros l’abattement de 30 % sur la résidence principale.
M. Christian Cambon. Incroyable !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est évidemment le contraire de ce que je viens de défendre. Beaucoup de personnes en France n’ont que leur résidence principale, qui constitue l’essentiel de l’assiette de l’ISF. La mesure que vous proposez aurait bien sûr un effet confiscatoire, compte tenu du dynamisme des prix de l’immobilier ces quinze dernières années. La commission a donc émis un avis défavorable.
L’amendement n° I–167 vise à supprimer le dispositif ISF-PME, c’est-à-dire la possibilité de déduire du montant de l’impôt les sommes investies dans des PME. Il s’agit pourtant d’un dispositif qui a fait ses preuves. Je crois que nous sommes très nombreux, sur toutes les travées, à appeler de nos vœux un renforcement des fonds propres des PME, à souligner qu’elles ont des difficultés à se financer en France par rapport aux grandes entreprises, les banques ne prêtant pas assez. Le dispositif que les auteurs de cet amendement souhaitent supprimer est un des rares qui encourage l’investissement direct dans des PME au titre de l’ISF.
La suppression du dispositif ISF-PME entraînerait un report de l’épargne vers les grandes entreprises et, partant, tarirait une source de financement pour les PME. C’est la raison pour laquelle la commission est évidemment défavorable à cet amendement.
L’amendement n° I–98, présenté par M. Delattre, tend, au contraire, à augmenter le plafond de l’ISF-PME en le portant à 90 000 euros, quel que soit le mode d’investissement, c’est-à-dire sans distinguer s’il s’agit d’un investissement direct ou d’un investissement « intermédié », via une holding notamment.
La commission demande le retrait de cet amendement, non pas pour des raisons de fond, mais simplement parce que, comme vous le savez, il sera proposé une refonte de l’ISF-PME dans le prochain collectif budgétaire. Pour le coup, il ne s’agit pas vraiment d’un choix du Gouvernement. Simplement, le dispositif posant des problèmes de compatibilité avec le droit communautaire, il est nécessaire de le refondre. Le sujet aurait pu être traité en PLF, mais le choix a été fait de le placer dans le prochain collectif, à l’article 13 plus précisément.
Nous allons donc être amenés à examiner en détail le dispositif de l’ISF-PME profondément remanié. Aussi, j’invite Francis Delattre et ses collègues à retirer cet amendement pour le redéposer dans le cadre du PLFR.
Je ferai la même réponse pour les amendements nos I–103 et I–99. Là aussi, nous ne nous sommes pas prononcés sur le fond, car, plutôt que de scinder le débat entre deux textes, nous préférons avoir une vision d’ensemble. Je le répète, nous reviendrons en détail sur cette question lors de l’examen de l’article 13 du PLFR.
L’amendement n° I–168, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC, porte sur les déductions de dons au profit des organismes d’intérêt général. Le dispositif actuel prévoit certes un plafond important, mais un tel encouragement de la générosité des citoyens profite à de nombreux organismes intervenant, notamment, dans le domaine de l’humanitaire ou de la recherche médicale. De ce point de vue, ce mécanisme bénéficiant à des organismes sans but lucratif est utile, et je ne vois pas ce qui justifierait de le rendre moins efficace en diminuant le plafond de 50 000 euros à 10 000 euros. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
J’en viens à l’amendement n° I–209 rectifié bis. La question posée par M. Michel Bouvard n’est pas directement liée à l’ISF, elle concerne le calcul du plafonnement appréhendé sous l’angle des différences de traitement entre les revenus des divorcés et les autres revenus. Comment prend-on en compte les pensions qui sont judiciairement fixées au titre du devoir de secours pour le plafonnement de l’ISF ? Ce qui est en cause, ce n’est pas directement l’ISF, ce sont les conséquences au titre du plafonnement.
La commission des finances avait initialement demandé le retrait de l’amendement, car son coût n’était pas évalué. Bien que M. Michel Bouvard ait rectifié l’amendement pour répondre à notre attente, nous manquons d’éléments pour expertiser correctement le coût de la mesure proposée, notamment en ce qui concerne la nécessité de prendre en compte les capacités contributives réelles du contribuable. Je souhaiterais donc entendre l’avis du Gouvernement sur cette question, qui est un vrai sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces dix-sept amendements en discussion commune ?
M. Didier Guillaume. Défavorable sur les dix-sept ! (Sourires.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous lisez dans mes pensées, monsieur le président Guillaume ! (Nouveaux sourires.) Le Gouvernement est, en effet, défavorable aux dix-sept amendements qui ont été présentés. Cela mérite quelques explications.
En 2012, nous avons redonné du sens à cet impôt, qui avait été complètement vidé de sa substance. Les amendements déposés par la majorité sénatoriale suivent une logique facilement compréhensible, il s’agit de dépouiller l’ISF de toute son assiette en jouant de différents mécanismes, qu’il s’agisse notamment de la résidence principale, des outils de production et des dons. Le Gouvernement ne souhaite pas qu’on revienne sur des dispositions qui ont été clairement calibrées il y a deux ans à peine.
Je veux maintenant relever quelques contradictions.
Monsieur Dominati, vous avez dit tout à l’heure en substance que l’ISF touche finalement beaucoup les classes moyennes. Honnêtement, je nous invite rétrospectivement à réfléchir sur le fait que ceux qui paient l’ISF appartiennent à la classe moyenne, alors qu’on recense 350 000 contribuables assujettis à cet impôt (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.), soit 1 % de nos foyers fiscaux !
M. Christian Cambon. Et ceux qui partent à l’étranger ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je sais bien que la notion de classe moyenne peut faire débat, un débat que nous avons eu un peu cette nuit. C’est un point de vue, qui est par essence respectable, comme tous les points de vue.
Un certain nombre d’amendements concernent le dispositif Dutreil. Selon vous, ces propositions ne coûtent rien ou pas grand-chose, car elles ne font qu’assouplir. Or un assouplissement s’accompagne forcément d’un élargissement du champ, ce qui se traduit par un coût supérieur, certes variable suivant les amendements – je ne vais pas y revenir en détail. Je n’en vois qu’un qui pourrait éventuellement retenir notre attention. Il s’agit d’un dispositif assez complexe sur l’empilement des pourcentages détenus quand des structures intermédiées se superposent. Le Gouvernement, qui y réfléchit, fera peut-être des propositions dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, mais, en tout cas, sur les autres amendements, l’avis est défavorable.
J’en viens à l’ISF-PME, qui fait l’objet d’amendements orthogonaux puisque certains veulent le supprimer ou le réduire, tandis que d’autres souhaitent l’accentuer. Nous l’avons dit, il n’est pas conforme au droit européen. Nous en tenons compte puisque nous proposerons une réforme que nous vous soumettrons lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, qui est désormais public et dont vous pouvez prendre connaissance puisqu’il a été présenté en conseil des ministres. Ce débat, nous l’aurons lors de l’examen de l’article 13 du projet de loi de finances rectificative, mais il serait un peu inconvenant et maladroit de discuter de modifications de l’ISF-PME à l’occasion du projet de loi de finances et d’y revenir au moment de la discussion du projet de loi de finances rectificative.
Beaucoup de choses ont été dites au sujet de la résidence principale et je ne suis pas d’accord avec la plupart des arguments avancés. Je voudrais rappeler – vous l’avez d'ailleurs fait à la fin de votre propos, à l’occasion de l’amendement n° I–209 rectifié bis de M. Bouvard – qu’il y a un plafonnement de l’ISF. Peut-être faudra-t-il, à un moment donné, réfléchir sur le sujet, qui est difficile.
Le plafonnement consiste à calculer le ratio entre tous les impôts payés et les revenus perçus, en sachant qu’il existe des montages qui permettent d’optimiser les choses et sur lesquels nous travaillerons. C’est tout de même ce dispositif qui protège les fameux retraités de l’île de Ré et que vous voulez maintenant étendre à tous les propriétaires de la ville de Paris.
Le dispositif de plafonnement de l’ISF permet de répondre assez largement à votre préoccupation. Le Gouvernement ne souhaite pas aller au-delà de l’abattement de 30 % pour la résidence principale, et encore moins le supprimer, comme certains d’entre vous l’ont proposé.
Je termine sur l’amendement n° I–209 rectifié bis de M. Bouvard, qui ne me paraît pas cohérent. Il concerne les pensions alimentaires. C’est vrai qu’elles sont déductibles du revenu imposable pour l’impôt sur le revenu, mais au titre de charges. Il ne s’agit pas d’un revenu négatif. Or c’est finalement ce que vous semblez suggérer et votre proposition me paraît excessive, d’autant plus que cette affaire de plafonnement de l’ISF a fait l’objet de nombreuses interventions du Conseil constitutionnel. Nous avons aujourd'hui un dispositif qui n’est plus contesté. Y toucher, ne serait-ce qu’à travers l’exemple que vous donnez, représenterait un risque. Je ne suis pas certain que, s’agissant de votre proposition, le Conseil constitutionnel, vous suive. Aussi, le Gouvernement y est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote sur l'amendement n° I–166.
M. Didier Guillaume. Notre groupe votera évidemment contre ces dix-sept amendements, non pas par dogmatisme…
MM. Francis Delattre et Roger Karoutchi. Surtout pas ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Guillaume. … non parce que je trouve que la plupart de ces amendements sont proposés sur un mode dogmatique, mais pour deux raisons simples.
D’abord, ce n’est pas le moment de faire ce genre de propositions ; pensez à l’image donnée à nos concitoyens qui souffrent !
MM. Francis Delattre et Roger Karoutchi. Ce n’est jamais le moment !
M. Didier Guillaume. En effet, ce n’est jamais le moment ! Nous assumons cela ! Je parlais de l’image donnée à nos concitoyens qui souffrent, qui ont peu de revenus et que vous, vous voulez laisser continuer ainsi tout en annonçant à ceux qui gagnent plus que leur ISF va baisser. Je pense que ce n’est pas forcément acceptable.
Mme Sophie Primas. Et ceux qui investissent ?
M. Didier Guillaume. Ensuite, plutôt que de réduire l’ISF, nous préférons baisser les impôts pour 12 millions de foyers fiscaux sur les 17 millions qu’ils sont au total.
En plus, M. le secrétaire d'État en a fait excellemment la démonstration hier soir et tout le monde ne peut qu’être d’accord sur les chiffres : l’ISF ne contribue en rien à ce que vous appelez l’exil fiscal ! (M. Philippe Dominati s’exclame.)
M. Francis Delattre. Oh !
M. Didier Guillaume. Les chiffres donnés, qui sont publics, montrent que 60 % des expatriés sont des jeunes qui partent pour chercher du travail. Le but n’est pas d’exfiltrer de l’argent ! (M. Christian Cambon s’exclame.)
M. Philippe Dominati. Vous exagérez !
M. Didier Guillaume. Sur ce sujet, je voudrais dire que, au moment où nous avons besoin de patriotisme,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Voilà ! Très bien !
M. Didier Guillaume. … où la France doit compter pour nous tous, s’il y a des gens qui partent à l’étranger pour échapper à l’ISF, alors, raison de plus pour ne pas baisser l’ISF parce que nous n’avons pas la même conception de la République et de la Nation ! (Mmes Evelyne Yonnet et Marie-Noëlle Lienemann ainsi que M. Bernard Lalande applaudissent.)
Les orientations que nous avons pour ce gouvernement consistent à redistribuer du pouvoir d’achat aux Français les moins aisés.
C'est la raison pour laquelle nous baissons les impôts pour la deuxième année consécutive. Pour nous, modifier l’ISF n’est ni un signe ni un argument positif pour quoi que ce soit ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Sophie Primas. Quelle caricature !
M. Jean-François Husson. C’est incroyable d’entendre cela !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Mon président de groupe vous a dit ce que nous allions faire. Il n’y aura donc pas de surprise.
M. Roger Karoutchi. On espérait un peu !
M. Richard Yung. Je voudrais donner deux arguments. D’abord, vous revenez en permanence sur des dispositifs qui viennent d’être discutés ou modifiés, soit dans le cadre du dispositif Dutreil, aménagé il y a trois ans…
M. Francis Delattre. Regardez vos résultats !
M. Richard Yung. Ils ne sont pas mauvais, les résultats ! Pourquoi toujours ce déclinisme, monsieur Delattre ? Pourquoi toujours présenter la France dans un état désastreux ? Il ne faut pas dire cela !
M. Christian Cambon. Les chiffres parlent d’eux-mêmes !
M. Richard Yung. Il faut être fier de son pays (Mme Sophie Primas s’exclame.) et de son économie !
Mme Sophie Primas. Vous mélangez tout !
M. Richard Yung. Je disais que le dispositif Dutreil a été réaménagé il y a deux ou trois ans. Le mécanisme de succession des PME, nous l’avons longuement évoqué voilà quatre mois, dans le cadre de la loi Macron. Vous voulez revenir dessus. (Mme Catherine Procaccia s’exclame.) C’est vraiment de la politique de Gribouille ! (M. Jean-François Husson s’exclame à son tour.) Vous-mêmes dites, à juste titre, que nos mandants nous demandent la stabilité. Donc, un peu de stabilité !
Ensuite, et c’est le second argument que je souhaite avancer, l’amendement n° I–193 de M. Dominati coûterait tout de même quelque 5 milliards d'euros !
M. Roger Karoutchi. Le Dominati est cher ! (Sourires.)
M. Richard Yung. Quant à l’exonération de la résidence principale et au repli qui est proposé par le rapporteur général sur l’amendement n° I–194, il se chiffre quand même à 1 milliard d’euros.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non, j’ai dit que j’étais défavorable à cet amendement !