Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai un certain nombre d’observations, un peu dans le désordre, qui étaieront l’avis de mon groupe sur les crédits de la mission « Économie ».
À périmètre constant, on constate que les efforts d’économies de cette mission portent sur les dépenses d’intervention davantage que sur les dépenses de fonctionnement, ce qui n’est pas très vertueux. Je pense au FISAC, ce qui suscite de grandes inquiétudes dans cet hémicycle – j’espère que nous parviendrons à trouver une solution –, ou aux centres techniques industriels, si utiles pour le développement des PME.
Je pense également à la baisse de 11 millions d’euros de la compensation versée à La Poste au titre de sa mission de transport et d’acheminement de la presse. Cette baisse, qui intervient après une foule d’autres diminutions de crédits, risque de mettre la presse professionnelle, qui dépend entièrement de La Poste pour atteindre ses destinataires, en grande difficulté. Vous le savez bien, monsieur le ministre, puisque ce point a été évoqué à l’Assemblée nationale. Je vous demande de bien vouloir surseoir à cette décision jusqu’à ce que la réforme engagée par le Gouvernement aboutisse.
Le soutien à l’économie intéresse tous les groupes politiques et concerne l’ensemble du budget. Pourtant, nous ne disposons pas d’une vision suffisamment transversale. Nous nous interrogeons ainsi sur le devenir de certains crédits. Par exemple, les crédits de la French Tech ont subi depuis quelques années un tour de passe-passe. Ces crédits alloués aux start-up du secteur numérique dans lesquelles nous plaçons de grands espoirs existaient en 2014, puis ils ont disparu en 2015 et n’ont pas été rétablis en 2016. Rassurez-nous, monsieur le ministre, car nous craignons que les start-up de l’innovation ne manquent de soutien !
M. André Reichardt. C’est vrai !
M. Philippe Leroy. Je dois reconnaître, au grand dam de mes collègues auprès desquels je m’excuserai tout à l’heure, que les propos de M. Bosino ont suscité en moi quelques échos sentimentaux. (Sourires.)
Les crédits consacrés au développement économique de la France sont importants, et les politiques sont globalement intéressantes. Je n’ai pas de critique à faire à ce sujet.
M. Martial Bourquin. Ah !
M. Philippe Leroy. Toutefois, si nous sommes tous fascinés par les sauts technologiques liés à l’innovation,…
M. Roger Karoutchi. Non, pas moi !
M. Philippe Leroy. … par les grandes entreprises engagées sur le marché mondial, nous oublions les petits. Si nous étions dans le domaine militaire, je dirais que nous sommes fascinés par l’aviation, par la cavalerie, par tous les moyens lourds, mais que nous oublions les fantassins. Rien n’est fait pour les aider, ne serait-ce qu’à se former aux nouvelles technologies. Ils n’intéressent pas ! Rien n’est fait non plus pour aider ces petites et toutes petites entreprises dans leurs programmes d’investissement, que ceux-ci visent à réaliser un saut technologique ou simplement à assurer des transferts de technologies indispensables à leur survie.
M. André Reichardt. Très juste !
M. Philippe Leroy. Les fantassins de l’industrie et de l’économie sont oubliés ! Monsieur Bosino, je vous rejoins sur ce point, même si j’approuve les efforts que nous faisons dans le domaine économique en France.
Dans le cadre du choc de simplification, le silence de l’administration vaudrait accord après deux mois. Cette réforme, inscrite dans la loi de 2014, semblait bienvenue, mais la situation est pire aujourd’hui qu’avant. Sur les 3 200 procédures qui concernent les petites entreprises, seules 1 200 peuvent faire l’objet d’un raccourcissement des délais de réponse. Or, dans ce cas-là, le délai n’est plus forcément de deux mois : il peut aller jusqu’à neuf mois ! Résultat, même au sein de l’administration, plus personne ne sait comment le dispositif fonctionne exactement. C’est donc un facteur d’insécurité juridique. Les grandes entreprises s’en tirent bien, mais les petites sont effrayées par cette lourdeur administrative. Pensons, là encore, à nos fantassins !
Monsieur le ministre, sur un tout autre thème, nous demandons plus de transparence en ce qui concerne les discussions engagées en vue des accords économiques entre l’Europe et les États-Unis. En effet, les négociations sur le Transatlantic Trade and Investment Partnership, le TTIP, sont un peu menées dans l’ombre.
M. André Reichardt. C’est vrai !
M. Philippe Leroy. Le Parlement manque d’éclairage sur ces négociations. Évidemment, cela ne nous regarde pas,…
M. Roger Karoutchi. Ah bon ? Pourquoi ?
M. Philippe Leroy. … sauf que cela nous intéresse énormément.
Cela ne nous regarde pas, mon cher collègue, parce que c’est l’Europe.
M. Roger Karoutchi. Mais si, ça nous regarde !
M. Philippe Leroy. Pour conclure, je veux dire que mon groupe réserve sa position définitive sur les crédits de la mission « Économie », en attendant la réponse qui nous sera donnée sur le FISAC. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Économie » pour 2016 s’inscrivent dans une trajectoire qui conjugue deux objectifs étroitement liés : le redressement économique et productif de la France ainsi que la contribution à la restauration progressive des comptes publics de la nation.
Compte tenu du temps qui m’est imparti, je centrerai mon propos sur l’appréciation qui peut être faite du projet de budget pour 2016 consacré à la politique industrielle à partir de l’examen des crédits du programme 134, « Développement des entreprises et du tourisme ». J’aborderai également la question de l’équipement en infrastructures numériques des territoires, le programme 343, « Plan France très haut débit ».
L’appréciation du budget consacré en 2016 à la politique industrielle de la France ne peut, tant s’en faut, se limiter à l’analyse du programme 134.
Sur la question de la place de l’industrie dans notre production, nous partons de loin tant la régression de la part de la production industrielle au cours des décennies passées a été considérable, se traduisant par une perte de plus de 3 millions d’emplois depuis 1980, puisqu’il y en avait alors 5,7 millions, contre 2,4 millions aujourd’hui. Ces emplois nous font défaut, a fortiori dans un contexte de croissance encore trop faible et de solde net d’arrivée sur le marché du travail de l’ordre de plus de 150 000 actifs par an. Les derniers chiffres du chômage nous le rappellent.
Ni ces chiffres ni leurs tendances ne doivent nous faire dévier de la trajectoire qui a été engagée par le Gouvernement et le ministre de l’industrie pour la reconstruction d’un tissu industriel performant ; celui-ci est nécessaire au nouveau monde industriel qui naît et dont nous devons être activement partie prenante.
Perte de compétitivité, destruction d’emplois, croissance encore insuffisante, concurrence exacerbée au niveau européen comme mondial, la question que pose l’examen des crédits de cette mission, au-delà de l’évolution des chiffres, est de savoir si la réorientation de notre stratégie nationale en matière d’économie est pertinente et prometteuse. Je réponds oui à cette question, et je m’en explique.
Deux dispositifs complémentaires contribuent à l’amélioration de la compétitivité globale de notre industrie : d’une part, les mesures fiscales d’allégements de charges prises dans le cadre du pacte de responsabilité ; d’autre part, le déroulement des PIA, les programmes d’investissements d’avenir, dont les soutiens s’ajoutent aux enveloppes budgétaires préexistantes.
Aux côtés des programmes 134 et 192 de la mission « Économie », le PIA est devenu le principal canal financier de soutien à l’innovation industrielle. Ainsi, 13,5 milliards d’euros sont engagés à 80 %. En cinq ans, le PIA a injecté 2 milliards d’euros par an de dotations publiques vers l’amont du secteur industriel.
Deux autres composantes du PIA ont une dimension plus transversale mais soutiennent aussi fortement le secteur industriel : le programme « Économie numérique », pour une dotation de 4,5 milliards d’euros, dont 2,6 milliards d’euros d’aides aux entreprises du secteur hors réseaux très haut débit et transition numérique de l’État, engagés à 61 % ; le programme « Développement durable », pour 2 milliards d’euros concernant directement l’industrie, engagés à 45 %.
Au total, les enveloppes des PIA fléchées vers l’industrie représentent 18,2 milliards d’euros, engagés à hauteur de 74 %, ce qui représente un effort annuel de 2,7 milliards d’euros depuis la fin de l’année 2011.
Après avoir cru, pendant plus de trente ans, que les pays industrialisés s’acheminaient tous, à plus ou moins long terme, vers une société post-industrielle dans laquelle les activités de service supplanteraient les activités de production, que l’industrie serait supplantée par le tertiaire, on constate aujourd’hui l’émergence d’un modèle hyperindustriel qui allie production industrielle et activités de service. L’émergence d’une telle société hyperindustrielle représente une chance pour notre pays, d’autant plus – c’est le cas – si elle s’inscrit dans un objectif de transition écologique.
La stratégie des PIA et de la Nouvelle France industrielle sert cette ambition majeure, qui nous permet de créer les emplois durables pour aujourd’hui et plus encore pour demain. Je salue la constance et la résolution du Gouvernement et du ministre de l’économie dans le pilotage efficient de cette stratégie essentielle pour redresser notre appareil productif.
En parallèle de la Nouvelle France industrielle, les dépenses fiscales figurant dans ce budget constituent un appui majeur au rétablissement à très court terme de notre compétitivité-prix. Trois dispositifs principaux ont un impact financier important sur le secteur industriel : le crédit d’impôt recherche, par un abaissement de la charge fiscale des entreprises de l’ordre de 5,5 milliards d’euros par an, dont 3,3 milliards d’euros pour l’industrie ; le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, avec un impact estimé à 14,2 milliards d’euros pour 2014, dont 2,9 milliards pour l’industrie ; enfin, le dispositif de suramortissement, qui représente 500 millions d’euros par an en année pleine, dont 100 millions d’euros par an pour l’industrie.
À ce dispositif s’ajoutent d’autres dépenses fiscales qui ont un impact financier sur le secteur industriel, notamment l’ensemble des mesures qui entrent dans le pacte de responsabilité et de solidarité, hors CICE : les exonérations de cotisations patronales versées aux URSSAF, la révision du barème des allégements existants jusqu’à 1,6 fois le SMIC et la baisse des cotisations familiales pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC. À ces dépenses fiscales, il faut ajouter la disparition progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, et la suppression, dès 2016, de la contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés.
L’ensemble de ces mesures représentera un allégement fiscal pour les entreprises de l’ordre de 13 milliards d’euros en 2016, dont 2 milliards d’euros pour les entreprises du secteur industriel. Au total, le cumul des dispositifs fiscaux pour l’industrie s’élèvera à plus de 8 milliards d’euros.
Si l’on met bout à bout les financements budgétaires, ceux qui sont dédiés au PIA et les dépenses fiscales, l’effort financier global consenti pour soutenir les politiques industrielles atteint 11,2 milliards d’euros. Il s’agit là d’un montant considérable, que la lecture directe des programmes de la mission ne permet pas d’appréhender à sa juste mesure.
Même si certaines enveloppes sont, il est vrai, en baisse, il n’en demeure pas moins que l’analyse des données budgétaires ramenées dans le champ de l’industrie montre sans ambiguïté que la nation investit de nouveau massivement dans le redressement industriel de notre pays. D’ailleurs, les premiers effets de ces actions se font sentir. Depuis la fin de l’année 2014, nos coûts unitaires salariaux sont inférieurs à ceux de notre voisin, l’Allemagne.
Pour terminer, je tiens à saluer l’action du Gouvernement et, au-delà, de toutes les collectivités locales pour ce qui concerne l’équipement de nos territoires en matière de très haut débit.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Franck Montaugé. Le programme 343, « Plan France très haut débit », constitue le cadre de l’intervention financière de l’État.
Le déploiement du très haut débit sur tout le territoire à l’horizon de 2022 représente plus de 20 milliards d’euros d’investissements, dont 13 milliards à 14 milliards d’euros au titre des réseaux d’initiative publique, les RIP, dans les zones non denses. D’ici à 2022, 3 milliards d’euros, soit la moitié du financement accordé aux RIP, seront consacrés à l’équipement des territoires ruraux, donc hors métropoles et agglomérations. En outre, 188 millions d’euros au titre des autorisations d’engagement sont ouverts en 2016.
Ces équipements d’infrastructures conditionnent la capacité de nos territoires à maintenir et à accueillir des populations, ainsi qu’à offrir des conditions techniques favorables, indispensables à l’accueil de nos entreprises. Ainsi, quatre-vingt-neuf départements se sont résolument engagés dans ce grand projet, dont certains en quasi-pionniers, comme le Gers. D’ailleurs, je salue cette coopération tout à fait exemplaire entre l’État et les collectivités, qui trouve sa traduction dans les contrats de plan État-région, lesquels sont signés en ce moment même.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne pense pas que l’on puisse réduire l’appréciation d’un budget comme celui de la mission « Économie », pour sa part touchant à l’industrie, au seul examen des niveaux ou des tendances des crédits de paiement ou des autorisations de programme concernés. Notre approche doit être fondée sur l’efficience des fonds engagés, et nous devons mesurer l’effet de levier des stratégies déployées, des fonds engagés sur l’économie nationale globale. Des indicateurs adaptés à ce nouvel agrégat seraient, à cet effet, bien utiles.
De l’État producteur d’antan, nous devons passer ici à un État stratège, qui doit aussi, dans d’autres domaines d’intervention, conserver son rôle social protecteur !
Dans ce monde où l’innovation technologique est au cœur des processus industriels, la rapidité d’adaptation est essentielle, et l’État doit impulser et accompagner les modèles et les processus de transition. Eu égard à la compétitivité, c’est à ce prix que le redressement productif pourra s’opérer au bénéfice de nos concitoyens, qui doivent tous trouver leur place dans la création de valeur nationale. Nous sommes sur le chemin. Et même si beaucoup reste à faire, convenons ensemble, mes chers collègues, au regard des premiers signes positifs qui se font jour et du formidable potentiel de notre pays, que les orientations prises sont les bonnes et qu’elles doivent être approfondies. Il en est de même pour l’ensemble des crédits de cette mission. C’est pourquoi nous soutiendrons ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous dire la joie qui est la mienne de vous retrouver un samedi matin (Sourires.)…
M. Roger Karoutchi. Ça aurait pu être un dimanche !
MM. Vincent Eblé et Claude Raynal. Le plaisir est partagé !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je l’espère… Après les jours et les nuits que nous avons passés ensemble voilà quelques mois, je dois dire que j’éprouvais une certaine nostalgie. (Nouveaux sourires.)
Avant de souligner deux caractéristiques, je tiens à remercier les différents orateurs d’avoir présenté dans le détail et très fidèlement le budget de la mission « Économie ».
Les efforts d’économies appliqués à cette mission sont de l’ordre de 4,8 % par rapport à la loi de finances pour 2015, ce qui est en cohérence avec l’ensemble des efforts demandés aux autres missions. En dépit de ces efforts, la continuité de notre action est inscrite dans ce budget dans la mesure où nous avons préservé les priorités qui sont les nôtres, à savoir, d’une part, l’innovation, un sujet sur lequel je reviendrai, et, d’autre part, les missions de contrôle et de régulation, garantes de l’ordre public économique.
Concernant l’innovation, les efforts d’économies réalisés sur certains dispositifs comme le Fonds de compétitivité des entreprises ou le Fonds unique interministériel ont été rendus possibles grâce à certaines optimisations. À cet égard, le programme d’investissements d’avenir a été substitué, pour partie, à certains crédits budgétaires. Toutefois, nous avons souhaité maintenir les crédits les plus importants afin de ne pas fragiliser certains dispositifs – je pense ici aux pôles de compétitivité.
Dix ans après leur mise en place, les crédits de fonctionnement des pôles de compétitivité ont été intégralement maintenus, pour s’élever, en 2016, à 14 millions d’euros. Au cours du premier trimestre de l’année prochaine, nous procéderons aux réorientations et aux réorganisations nécessaires, mais à crédits budgétaires constants.
Par ailleurs, le dispositif de soutien aux jeunes entreprises innovantes est aussi intégralement préservé. Les aides à l’innovation de la Banque publique d’investissement seront maintenues en 2016 à hauteur de 170 millions d’euros.
Il s’agit là de deux dispositifs importants, qui sont attendus. Nous avons corrigé les mesures de restriction qui avaient été prises précédemment. Là aussi, il faut donner de la visibilité.
Concernant l’innovation, je tiens à rappeler l’importance des moyens attribués au PIA, dont le second volet mis en place à partir de 2014 est doté de 2,3 milliards d’euros, au service des priorités de notre ministère. Il faut regarder ce point en miroir avec le budget dont nous discutons. À la fin du premier semestre de 2015, un tiers des fonds était déjà engagé en faveur des projets innovants.
La seconde priorité concerne l’ordre public économique, avec notamment les missions fondamentales de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Comme ce fut le cas en 2015, les effectifs seront stabilisés l’année prochaine, ce qui traduit une priorité forte. Des efforts importants avaient été demandés à cette direction au cours des années précédentes, qui ont été atténués en 2014, avec l’augmentation de quinze équivalents temps plein et une stabilisation des effectifs cette année. Ces missions critiques dans l’environnement qui est le nôtre sont particulièrement importantes, qu’il s’agisse de la consommation, de la protection du consommateur ou de la concurrence.
Permettez-moi maintenant d’égrener plusieurs sujets sur lesquels vous m’avez, les uns et les autres, interrogé, avant de conclure de manière un peu plus large.
Vous avez soulevé plusieurs préoccupations concernant le FISAC. Avant de parler des crédits affectés à ce fonds, j’aimerais revenir sur la procédure, qui est fondamentalement importante.
Pendant deux ans et demi, nous avons avant tout traité le stock, qui sera apuré en 2016 ; il faut prendre en compte cette donnée.
M. Didier Guillaume. Il y avait un retard important !
M. Emmanuel Macron, ministre. On peut afficher des crédits importants, on peut faire des appels d’air, mais l’impact sur la réalité de notre économie est très faible si le stock n’est pas traité,…
M. Michel Bouvard. C’est vrai !
M. Emmanuel Macron, ministre. … ce qui était le cas depuis des années. C’est pourquoi nous nous sommes employés à traiter le stock existant, qui sera totalement apuré, je le répète, dès le premier semestre de l’année prochaine. Surtout, nous avons réformé l’année dernière le dispositif, qui rentre pleinement en vigueur : il fonctionnera par appel à projets, ce qui est à la fois beaucoup plus transparent et réactif. Je tiens à vous rassurer, mesdames, messieurs les sénateurs, nous veillerons à faire en sorte que les délais d’instruction soient les plus réduits possible.
Le niveau des autorisations d’engagement, fixé à 15 millions d’euros, permettra de financer les priorités qui ont été retenues, à savoir les centres-bourgs, la préservation des commerces en zone rurale, les travaux d’accessibilité et les stations-service. À cet égard, je sais combien la question relative au Comité professionnel de la distribution de carburants est sensible. Aussi, je veux vous dire que les aides à l’investissement pour les stations-service peuvent être financées par le FISAC. Ce sont 2,5 millions d’euros qui sont réservés à cet effet dans l’enveloppe annuelle. Ainsi, les crédits de paiement dévolus au FISAC s’établissent, quant à eux, à la suite de l’adoption par l'Assemblée nationale d’un amendement visant à abonder la dotation budgétaire de 3,1 millions d’euros, à 13,1 millions d’euros. Le besoin que vous avez évoqué a donc été pris en compte. Les autorisations d’engagement, quant à elles, s’élèvent à 15 millions d’euros.
Concernant les fameuses aides à l’investissement pour les stations-service, le Président de la République a annoncé le 14 septembre dernier, lors du comité interministériel aux ruralités – nous aurons l’occasion d’en discuter dans le cadre de l’examen des amendements –, la volonté du Gouvernement de mobiliser 12,5 millions d’euros par le truchement du fonds de soutien à l’investissement local, qui sera doté de 1 milliard d’euros, dont la création est prévue dans le projet de loi de finances, et non pas au travers d’autres crédits budgétaires.
Vous m’avez également interrogé sur les réseaux consulaires, en particulier le sujet, sensible, des chambres de commerce et d’industrie.
Je veux d’abord redire que les efforts demandés aux chambres de commerce et d’industrie doivent être évalués à l’aune des bénéfices réalisés avec la réforme de la taxe professionnelle. Si nous perdons de vue la dynamique de la ressource qui a été perçue pendant plusieurs années, on ne peut comprendre l’effort que nous leur demandons, en particulier pour ce qui concerne la taxe affectée.
Pendant plusieurs années, au bénéfice d’une réforme dont ce n’était pas la première finalité, vous le savez bien, les chambres consulaires ont touché beaucoup plus que précédemment.
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Emmanuel Macron, ministre. C’est pourquoi nous avons opéré l’année dernière un prélèvement sur leur fonds de roulement, puis nous avons procédé à une baisse des taxes affectées.
La baisse des taxes affectées est une mesure saine à la fois budgétairement et pour l’économie. Cela permet à la fois de prélever moins d’argent sur les entreprises – ce sont les entreprises qui paient ces taxes – et d’inciter les réseaux consulaires à consentir davantage d’efforts.
Cette année, nous avons exclu tout nouveau prélèvement exceptionnel sur leur fonds de roulement, mais nous avons poursuivi la logique de baisse des taxes affectées, qui atteindra 130 millions d’euros, à la suite de l’adoption, par l'Assemblée nationale, d’un amendement visant à ramener la baisse de 150 millions à 130 millions d’euros. Instruits, si je puis dire, par l’expérience de l’année dernière, nous avons prévu un fonds de péréquation doté de 20 millions d’euros.
Notre faiblesse, en la matière, c’est l’organisation même du réseau consulaire,…
M. Michel Bouvard. Ah oui !
M. Emmanuel Macron, ministre. … l’entité faîtière, CCI France, n’ayant pas la possibilité de procéder elle-même à la répartition.
Vous vous souvenez tous des débats incessants que nous avons eus pour essayer de piloter chaque chambre de commerce, en déclinant les efforts de chacune d’entre elles.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Ah oui !
M. Emmanuel Macron, ministre. L'Assemblée nationale a souhaité que ce fonds, doté de 20 millions d’euros, permette de procéder à la péréquation, afin de pallier les effets indus de la baisse de la taxe affectée : 18 millions d’euros seront consacrés au financement, par le réseau, de projets structurants de modernisation ou à la solidarité financière nécessaire pour répondre aux difficultés d’une chambre consulaire en particulier ; 2 millions d’euros permettront à CCI France de financer les projets d’intérêt national en faveur de l’innovation et de la modernisation du réseau.
Nous avons également veillé à ce que la baisse des taxes affectées se traduise par une baisse du même montant de la fiscalité sur les entreprises, car tel est l’objectif recherché. Nous devons collectivement veiller à ce que, dans le cadre des arbitrages, les réseaux consulaires ne cherchent pas, par provocation ou pour nous faire céder, à diminuer les crédits octroyés à certaines écoles ou attribués aux missions les plus importantes, comme cela est arrivé par le passé.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Absolument !
M. Emmanuel Macron, ministre. Ce n’est pas l’idée que l’on se fait des établissements publics, qui sont porteurs de l’intérêt général.
Néanmoins, ce réseau a le souci, je le sais, de mener de nombreuses actions utiles en termes d’apprentissage et de développement de l’économie. Une véritable concertation a été engagée cette année, qui a été productive. D’ailleurs, la création de ce fonds de péréquation a fait l’objet d’une concertation avec le réseau consulaire et de discussions entre les chambres de commerce. On peut donc se féliciter de l’amélioration générale du contexte.
Dans le même temps, nous avons préservé les ressources du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat, qui est, quant à lui, plus fragile.
J’aborderai maintenant un autre sujet important : les centres techniques industriels et les comités professionnels de développement économique.
Les réformes prévues dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 sont la traduction des recommandations formulées dans le rapport qui m’a été remis par Clotilde Valter à l’automne 2014 pour ce qui concerne la refonte du système de financement. On passe d’un système dual, comprenant à la fois des dotations et des taxes affectées, à un système de taxes affectées uniquement, sauf objections des centres visés. Trois taxes ont été créées dans le projet de loi de finances pour 2016 : au profit de l’Institut des corps gras, du Centre technique des industries de la fonderie et du nouveau centre technique industriel de la plasturgie et des composites. Du coup, un centre technique industriel sera créé pour la filière de la plasturgie, qu’il contribuera à structurer ; demandé par les professionnels, cet outil l’était aussi par certains d’entre vous, que je remercie pour leur travail en la matière.
Par ailleurs, des contrats de performance seront mis en place pour ces différentes structures.
Enfin, l’article 53 du projet de loi de finances procède à des ajustements techniques d’harmonisation et de simplification des taxes affectées destinés à répondre à certaines craintes qui se sont manifestées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois que toutes les rectifications nécessaires pour clarifier le dispositif ont été opérées, en liaison avec les professionnels concernés.
J’en viens aux moyens accordés à l’ANFR, l’Agence nationale des fréquences, et à l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, deux opérateurs dont, je crois, nous avons pris en compte l’ensemble des besoins.
Remarquez que nous n’avons accru les compétences ni de cet établissement public administratif ni de cette autorité administrative indépendante. Nous avons renforcé les pouvoirs de sanction de la seconde, ce que, je crois, tout le monde demandait ; plus précisément, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques permet à l’ARCEP de vérifier que les opérateurs téléphoniques respectent leurs engagements en matière de déploiement du mobile et, le cas échéant, de les sanctionner.
En ce qui concerne l’ANFR, vous n’êtes pas sans savoir que nous avons octroyé les fréquences de la bande 700 mégahertz de la télévision numérique terrestre, la TNT. Cette cession, qui interviendra avant la fin de l’année, rapportera 2,8 milliards d’euros sur lesquels 82 millions d’euros seront affectés à l’ANFR, en trois versements de 27,3 millions d’euros entre 2016 et 2018, pour lui permettre de financer les mesures de modernisation de la plateforme TNT qui garantiront que la libération de la bande 700 n’aura pas de conséquences. Par ailleurs, les crédits de cet organisme sont préservés, puisqu’il percevra 31,8 millions d’euros en 2016 après avoir bénéficié de 31 millions d’euros en gestion cette année. Sans compter que son plafond d’emplois est ajusté pour prendre en compte les besoins nouveaux : il s’élèvera à 305 ETPT en 2016, contre 302 en 2015. Nous n’avons donc pas à rougir du traitement réservé à l’ANFR.
Nous avons également veillé à préserver les moyens de l’ARCEP, dont les crédits de fonctionnement seront stables l’année prochaine, de même que le plafond d’emplois, fixé à 171 ETPT. Ces moyens ont été négociés en bonne intelligence avec le président de cet organisme, avec lequel je travaille main dans la main – nous nous rencontrons tous les deux mois – pour assurer le respect par l’ensemble des opérateurs de leurs engagements en matière de déploiement du fixe comme du mobile, comme j’en avais pris l’engagement devant vous. J’ajoute que le président de l’ARCEP lancera une revue des missions de son organisme, en vue d’en améliorer l’efficacité.
Plusieurs orateurs m’ont interrogé sur le plan France très haut débit. Ce plan ne doit pas soulever de polémiques, vu que nous avons repris la méthode que nos prédécesseurs ont lancée et qui me paraît être la bonne : diviser le territoire national en trois zones pour le déploiement de la fibre. Dans les zones rentables, nous demandons aux opérateurs de supporter l’intégralité de la charge ; dans les zones intermédiaires, dites AMII, le financement est assuré par les opérateurs, mais dans le cadre de conventions qui leur permettent d’opérer une répartition ; dans les zones non rentables, enfin, les finances publiques locales comme nationales sont mises à contribution. L’enveloppe totale se monte à 20 milliards d’euros, dont une large part repose sur les opérateurs privés ; les moyens correspondant à la contribution publique sont prévus, en crédits de paiement comme en autorisations d’engagement, dans le cadre du programme 343. Les choses avancent donc.
Un retard avait été pris dans les zones AMII, en raison de l’opération SFR-Numericable et de discussions qui avaient repris entre cet opérateur et Orange ; j’ai mis fin à ces discussions l’été dernier, pour que ces opérateurs puissent redéployer à marche forcée l’équipement en zone AMII.
Dans les zones non rentables, les projets de réseaux d’initiative publique sont présentés à l’Agence du numérique en vue de bénéficier de financements. Soixante-dix-huit projets, concernant quatre-vingt-neuf départements, ont fait l’objet d’une demande de financement. Les dossiers sont en train d’être terminés. Un cahier des charges a été défini pour simplifier la procédure et donner de la visibilité aux acteurs. Par ailleurs, les éléments tarifaires ont été encadrés pour éviter les mauvaises pratiques et la transparence a été assurée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tout cela avance bien. D’ailleurs, la couverture des zones rurales en très haut débit est passée de 2 % au début de 2012 à 25 % au début de 2015. J’ai bien conscience que les progrès ne sont jamais assez rapides pour les habitants des zones concernées, mais nous avançons à marche forcée, et le rythme de croisière sera atteint l’année prochaine : un million de locaux seront desservis en fibre optique chaque année pour les seuls projets des collectivités territoriales et, l’ensemble des projets RIP et des financements étant réunis, nous pourrons accélérer encore le programme à partir du premier semestre de 2016.
Certains orateurs ont signalé à juste titre les enjeux européens liés à cette question. La revue à laquelle procède la Commission européenne de notre plan et de la montée en débit qui va de pair avec lui est un processus légitime et naturel. Il est sur le point de prendre fin ; je rencontrerai d’ailleurs lundi matin la commissaire européenne Margrethe Vestager. J’ai bon espoir que nous obtiendrons rapidement une réponse favorable et que la Commission européenne ne sera pas portée à bloquer l’avancée de ce dossier.
Pour ce qui touche à l’agence France Entrepreneurs, je tiens à vous rassurer. Cet organisme reprendra au 1er janvier 2016 les missions de l’Agence pour la création d’entreprise, qui s’ordonnent autour de quatre axes : informer les entrepreneurs, coordonner les interventions publiques, innover dans le champ de l’entrepreneuriat et évaluer les politiques publiques menées dans ce domaine.
Les crédits budgétaires des différents ministères compétents en la matière, qui s’élèvent au total à 3,6 millions d’euros, seront regroupés sur le programme 134, sans nouvel abondement. La simplification que nous réalisons concerne non seulement la présentation budgétaire, mais aussi l’organisation des guichets. En effet, les guichets destinés aux entrepreneurs, notamment issus des quartiers, étaient jusqu’ici très nombreux ; cette complexité ne rendait pas service aux personnes désireuses d’entreprendre, en particulier lorsqu’elles étaient loin de l’emploi ou plus fragiles. La création d’une structure plus simple et plus proactive profitera à tout le monde !
Les problèmes qui se posent au sein de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont connus : ils tiennent au morcellement des effectifs, aux fortes tensions sociales et à la perte de réactivité qui a pu résulter de la RéATE et des diverses réorganisations. Mes collègues Clotilde Valter, Martine Pinville et Bernard Cazeneuve ainsi que moi-même avons souhaité lancer une mission visant à examiner, dans le cadre de l’arbitrage rendu par le Premier ministre, les moyens de mieux organiser l’échelon local, en particulier départemental. Cette mission, dont les conclusions nous seront remises dans les quinze prochains jours, explore deux voies : le renforcement des dispositifs d’interdépartementalisation et l’amélioration de l’articulation entre les échelons départemental et régional.
Notre volonté est de continuer à mener une action cohérente avec la réforme territoriale. À cet égard, il n’y a pas à douter que l’État continue d’avoir un rôle à jouer sur les territoires en matière de politique économique, même à la suite de la réforme territoriale qui a été menée. De fait, les missions de veille et d’information, de coordination, de relais de nos politiques et de contrôle, toutes missions essentielles, relèvent fondamentalement de l’État.
On m’a interrogé également au sujet de La Poste. Je tiens, là aussi, à vous rassurer : la baisse de 130 millions à 119 millions d’euros des crédits alloués aux aides à la presse sera compensée par la future réforme de ces aides ; cette réforme, que ma collègue Mme Pellerin annoncera dans les prochains jours, améliorera la contribution de certains acteurs, en sorte qu’il n’y aura aucune perte budgétaire pour La Poste.
Pour finir, je souhaite mettre en lumière la cohérence d’ensemble de la politique économique du Gouvernement.
La force d’une politique économique, sa cohérence tiennent d’abord à la stabilité et au volontarisme de ses orientations macroéconomiques.