Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Monsieur le ministre, j’exprimerai toutefois deux interrogations.
D’abord, les récents événements soulèvent avec encore plus d’acuité qu’auparavant la question de l’articulation entre les missions des forces de sécurité intérieure, police et gendarmerie, et les forces armées, dès lors que l’ensemble de ces forces interviennent sur le territoire national. Pourriez-vous nous indiquer si les réflexions sur cette articulation ont progressé depuis les attentats de janvier ?
Ensuite, des associations professionnelles nationales de militaires, des APNM, se sont formées au sein de la gendarmerie nationale. Conformément à la volonté de notre commission lors de l’examen de la loi, ce nouveau mode de représentation des gendarmes préserve le système préexistant de concertation, qui s’exerce par l’intermédiaire du conseil de la fonction militaire de la gendarmerie, le CFMG. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment ce fait nouveau que constitue l’apparition des APNM est pris en compte au sein de la gendarmerie pour améliorer l’expression des gendarmes sur la condition militaire tout en évitant les éventuels risques de dérapage, qui pourraient par exemple prendre la forme de déclarations intempestives dans les médias ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Boutant, rapporteur pour avis.
M. Michel Boutant, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la gendarmerie nationale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’abord de rendre hommage à l’ensemble des forces de la gendarmerie pour leur travail et leur dévouement. À cet instant, je pense en particulier à celles et ceux qui sont morts ou ont été blessés dans l’exercice de leurs fonctions ou qui ont mis un terme à leur existence.
Avant les tragiques événements du 13 novembre, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avait pu faire le constat de l’évolution favorable du budget 2016 consacré au renforcement des capacités de la gendarmerie, et ce pour la troisième année consécutive.
Avant de poursuivre, je tiens aussi à rappeler la somme de 35 millions d’euros débloquée après les attentats de janvier 2015 et répartie comme suit : 12 millions d’euros pour les dépenses de personnel ; 18,9 millions d’euros pour l’acquisition de nouveaux équipements – véhicules, équipements de protection, lutte contre les drones malveillants, renforcement du GIGN et des PSIG, les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie –; 2 millions d’euros pour la modernisation technique des services ; enfin, 2,1 millions d’euros liés aux recrutements.
Pour revenir au budget 2016, sont prévus 8,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 8,1 milliards d’euros en crédits de paiement, soit, respectivement, une augmentation de 2,42 % et de 0,16 % par rapport à 2015.
Même si le titre 2 représente, avec 6,9 milliards d’euros, la part du lion, l’investissement est augmenté de 22 %, ce qui va permettre d’acquérir 2 000 véhicules, de rénover 5 000 logements et de lancer l’équipement en tablette de chaque gendarme, entre autres mesures.
Pour ce qui est des effectifs, après une augmentation de 162 postes en 2015, le projet de loi de finances prévoit la création de 554 postes pour 2016, en particulier pour la lutte contre l’immigration clandestine.
Puis, il y a eu, le 13 novembre dernier, les attentats et l’annonce faite par le Président de la République et sa traduction dans l’amendement présenté par le Gouvernement jeudi dernier, à savoir 67 millions d’euros pour recruter 1 760 gendarmes et 93 millions d’euros pour le fonctionnement et l’investissement.
Pour conclure, monsieur le ministre, je vous poserai trois questions.
Tout d’abord, alors que les récents attentats ont montré l’extrême complexité des enquêtes, à quelle échéance les mesures de simplification que vous avez annoncées en ce domaine pourront-elles être mises en œuvre ?
Ensuite, avez-vous l’intention de procéder à une révision de la carte des zones police et des zones gendarmerie, afin d’adapter au mieux les moyens des forces de l’ordre aux besoins de la population ?
Enfin, par parallélisme avec les forces de police, les forces de la gendarmerie nationale pourront-elles porter leur arme en dehors des heures de service ?
Bien entendu, les élus du groupe auquel j’appartiens soutiennent ce budget et le voteront donc. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Guillaume Arnell applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, rapporteur pour avis. (Mme Catherine Troendlé et M. Robert Laufoaulu applaudissent.)
M. Alain Marc, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la sécurité. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, les crédits examinés s’établissent à 18 milliards d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement sur un total de 18,5 milliards d’euros pour la mission, soit une stabilisation des crédits en euros courants par rapport aux crédits ouverts en loi de finances pour l’année 2015.
En matière de mutualisation des moyens entre les forces, beaucoup a été fait, mais la poursuite de ce mouvement nécessitera d’importants investissements.
Si la lutte contre le terrorisme ou la lutte contre l’immigration irrégulière ont justifié des créations de postes ou des augmentations de moyens, ces missions entraînent aussi d’importantes contraintes pour l’ensemble des forces, police et gendarmerie, qui ne sont qu’en partie prises en compte par les augmentations de crédits. Le renforcement du plan Vigipirate et, hélas, les derniers événements parisiens illustrent parfaitement ce constat.
En outre, je veux mettre l’accent sur les résultats de la lutte contre la criminalité organisée, caractérisée par la montée en puissance de la délinquance au sein des cités sensibles, structurées autour du trafic de stupéfiants. J’insiste également sur la lutte contre le trafic de stupéfiants : en 2014, les saisies de cocaïne mais aussi d’héroïne ont progressé.
Je souhaite, enfin, présenter un premier bilan du plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes mis en place par M. le ministre de l’intérieur depuis le 23 avril 2014. Au moment où je rédigeais cette intervention, 1 726 Français étaient impliqués dans le djihad en Syrie, mais sans doute ce chiffre est-il en augmentation aujourd’hui.
Dans le cadre de la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, plusieurs dispositifs ont été adoptés, en particulier l’interdiction de sortie du territoire ou le blocage des sites internet.
Depuis janvier 2015, 135 interdictions de sortie du territoire ont été prononcées et près d’une cinquantaine de sites internet ont été bloqués, toujours au moment où j’écrivais ces lignes.
J’observe également que le ministère de l’intérieur s’est doté, depuis le 1er septembre 2014, d’un service de statistiques indépendant pour permettre la publication de données fiables. En tout état de cause, il faudra faire beaucoup plus.
En conclusion, le budget de la mission « Sécurités » pour 2016, stabilisé en euros courants, semble redonner des marges de manœuvre pour financer les moyens de fonctionnement des deux forces et pour améliorer l’état de leur parc immobilier, notamment celui de la gendarmerie, même s’il apparaît encore insuffisant pour permettre un fonctionnement optimal des forces de l’ordre.
Pour autant, il subsiste toujours un risque de disparition de brigades de gendarmerie en zone rurale au profit de regroupements, et ce afin d’optimiser les moyens. Nous devons rester très vigilants sur le maintien de nos brigades territoriales, lesquelles assurent un renseignement de qualité en milieu rural et ont un rôle irremplaçable pour la protection de nos populations isolées.
Par ailleurs, la création nette de postes supplémentaires dans les deux forces pouvait déjà être soulignée au moment où le Président de la République, à la lumière des derniers attentats sanglants dans Paris, a proposé la création de 5 000 postes supplémentaires de policiers et gendarmes.
Compte tenu de ces observations, la commission et moi-même émettons un avis favorable sur les crédits de la mission « Sécurités », hors sécurité civile, pour 2016, sous réserve d’un abondement des crédits de nature à traduire les engagements formulés par le Président de la République dans sa déclaration au Congrès. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la sécurité civile. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les tragiques attaques terroristes de ces derniers jours ont permis de mesurer, une fois de plus, l’efficacité et la pertinence de l’organisation française des secours.
Je voudrais rendre hommage à tous les personnels de la sécurité civile, aux sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, engagés au quotidien au service des autres. Je souhaiterais également saluer le dynamisme des jeunes sapeurs-pompiers. Ils contribueront à pérenniser notre modèle de sécurité civile, en grande partie fondé sur le volontariat citoyen.
Je note d’ailleurs avec satisfaction que l’érosion continue depuis de nombreuses années de l’engagement volontaire a connu, en 2014, une inversion de tendance, avec un accroissement – certes faible – de 1 442 engagements. Les initiatives prises tant par les pouvoirs publics que par de nombreux SDIS ne sont donc pas vaines.
Les crédits inscrits au programme pour 2016 sont stables, et même en légère hausse. Ils préservent les priorités définies pour renforcer la protection des populations. C’est pourquoi la commission des lois a donné un avis favorable à leur adoption.
Monsieur le ministre, je voudrais aborder trois questions.
La première intéresse la réflexion sur l’équipement de la flotte d’aéronefs par un système de radio compatible avec Antarès. Je sais que la solution technique de ce problème, créé par les avions et les hélicoptères en vol rapide, s’avère très compliquée. Pouvons-nous cependant espérer le voir prochainement réglé ? Le groupe de travail relatif aux liaisons Antarès air-sol, créé en novembre 2014, vous a-t-il remis ses conclusions, monsieur le ministre ?
Un deuxième sujet me tient particulièrement à cœur : le choix du système de gestion de la prestation de fidélisation et de reconnaissance, la PFR, des sapeurs-pompiers volontaires, alors que le marché conclu avec CNP Assurances, qui gère cette prestation pour les SDIS, arrive à échéance le 31 décembre prochain.
Le débat est vif, monsieur le ministre, et je sais qu’il existe une volonté, au regard du coût que la PFR représente pour les contributeurs publics, de stabiliser les flux budgétaires, mais en maintenant le niveau de prestation servi aux volontaires.
Quelle est la position de l’État dans ce dossier ô combien important pour le monde des pompiers ?
Enfin, je voudrais vous saisir d’une difficulté rencontrée par certains sapeurs-pompiers volontaires. Vos services ont d’ailleurs tenté à plusieurs reprises de la résoudre, mais en vain à ce jour. Il s’agit de la situation des volontaires anciens militaires qui bénéficiaient d’une pension afférente au grade supérieur, une PAGS. L’administration des finances analyse l’activité du volontaire comme une reprise d’activité dans un organisme public. Celle-ci entraîne la perte de la PAGS et son remplacement par une pension militaire de droit commun. Cette interprétation me paraît particulièrement injuste pour un engagement au service du bien commun. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. Philippe Bas. Très bien !
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs pour avis et rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, la question sécuritaire est au cœur de tous nos débats de ces derniers jours, et elle est, en ce moment, l’une des principales préoccupations de nos concitoyens. Le Président de la République l’a affirmé le 16 novembre dernier, devant le Congrès, « le pacte de sécurité prime sur le pacte de stabilité ».
Ainsi, les attentats du 13 novembre 2015 ont donné lieu à un renouveau du pacte de sécurité et, par conséquent, à une importante modification – en l’occurrence, budgétaire – de l’effort déjà engagé de renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme, de sécurisation des frontières et de sécurisation générale de notre pays.
Nous sommes donc en accord avec l’amendement présenté par le Gouvernement à l’article 24, visant à la création de 5 000 postes supplémentaires d’ici à 2017, dont 3 500 pour la seule année 2016, au sein de l’ensemble des services du ministère de l’intérieur.
De même que nous sommes favorables à l’affectation des 465 effectifs qui renforceront les missions des services centraux et territoriaux, chargés de la lutte contre la radicalisation, la fraude documentaire, du contrôle des armes et de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière.
De manière plus générale, nous notons que le budget « Sécurités » pour 2016 continue ainsi à rompre avec la logique des chiffres qui avait présidé à la révision générale des politiques publiques, dite RGPP, menée de 2009 à 2012, laquelle ne convenait visiblement ni à la population ni au personnel du secteur.
Entre 2006 et 2011, comme le souligne un rapport de la Cour des comptes de 2013, les effectifs avaient reculé de près de 3 000 emplois dans la police nationale et de l’ordre de 4 000 dans la gendarmerie.
Au-delà de l’abandon de la révision générale des politiques publiques, les effectifs augmentent et des objectifs plus qualitatifs que quantitatifs sont mis en avant, ce qui est une bonne nouvelle et doit être salué.
De nouvelles orientations et méthodes en matière de lutte contre la délinquance sont plus que jamais d’actualité et les nouveaux moyens alloués au budget doivent être importants. Il nous semble toutefois quelque peu regrettable, monsieur le ministre, que les dramatiques événements de ces derniers jours aient entraîné l’accélération du renforcement des effectifs qui aurait, à notre sens, pu intervenir un peu plus tôt.
Il importe aussi de souligner la nécessité de réconcilier la police et la gendarmerie, une nécessité qui doit être accompagnée de l’optimisation des capacités opérationnelles de nos forces. Tout doit en effet être mis en œuvre pour que la sécurité de nos concitoyens soit assurée. Sans cela, nulle autre liberté n’est garantie.
Monsieur le ministre, à Saint-Martin, territoire dont je suis élu, les chiffres de la délinquance sont inquiétants, et nous faisons tout pour réduire nos tristes records, en dépit du nombre important d’effectifs de gendarmes et de policiers qui sont affectés sur l’île.
Aussi, ce constat conduit à s’interroger : comment se fait-il que, avec des effectifs proportionnellement plus importants que sur d’autres territoires et qui sollicitent un renforcement des forces de l’ordre, les chiffres de la délinquance demeurent si élevés à Saint-Martin ? Une réflexion en profondeur s’impose donc.
Au moment de conclure, je tiens à renouveler mes remerciements aux gendarmes, policiers, secouristes, sapeurs-pompiers, personnels soignants, médicaux, paramédicaux, auxiliaires,…
M. Philippe Bas. Très bien !
M. Guillaume Arnell. … à ceux qui interviennent au titre de la sécurité civile, nos héros du quotidien, dont le travail est plus que jamais nécessaire. Et je salue une fois encore dans cet hémicycle et devant vous, monsieur le ministre, le travail et l’engagement de ces derniers au service de notre sécurité.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE apporte son soutien unanime à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mmes Karine Claireaux et Nathalie Goulet ainsi que MM. Philippe Kaltenbach et Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, regroupant les crédits de la police nationale, de la gendarmerie nationale, de la sécurité et de l’éducation routières, ainsi que ceux de la sécurité civile, le budget de la mission « Sécurités » bénéficie d’un nouvel effort financier et passe de 18,2 milliards d’euros en 2015 à près de 18,4 milliards d’euros pour 2016.
Si les attaques terroristes de janvier 2015 ont bouleversé la hiérarchie des préoccupations des Français, il ne fait aucun doute que les attentats du 13 novembre dernier vont faire de la lutte contre le terrorisme leur principale préoccupation.
Cette situation se traduit par un important surcroît d’activité pour les forces de sécurité intérieure.
Nous tenons d’ailleurs à saluer ici le dévouement des policiers et gendarmes, qui font face avec courage et détermination à ces défis nouveaux.
Sur le plan matériel, des mesures significatives ont été annoncées par le Président de la République après les terribles attentats du 13 novembre, avec la création de 5 000 postes dans la police et la gendarmerie et la promesse de moyens d’équipement et d’investissements supplémentaires. Ces annonces se concrétisent aujourd’hui dans le dépôt d’un amendement du Gouvernement visant à abonder ce budget « sécurité » de près de 340 millions d’euros.
La situation extrêmement grave dans laquelle notre pays est plongé exige cette augmentation des moyens. Il aura néanmoins fallu attendre que ces funestes événements se produisent pour prendre pleinement conscience des enjeux.
Cependant, ces créations de postes – bien qu’elles représentent un effort louable – ne suffiront pas à compenser les quelque 13 700 emplois supprimés entre 2007 et 2012, sous la précédente législature. Et les efforts consentis ne permettront pas toujours de garantir l’existence de véritables police et gendarmerie de proximité.
La même remarque vaut pour les investissements. En 2016, la police nationale pourra investir à hauteur de 259 millions d’euros, soit une hausse de près de 10 %, et la gendarmerie nationale pour 103 millions d’euros, soit une augmentation de près de 22 %. Si nous notons avec satisfaction la progression de ces budgets d’investissement, force est de constater que les budgets consacrés à l’équipement des fonctionnaires ou aux moyens mobiles restent stables, quand ils ne sont pas réduits. Cette situation est dommageable compte tenu du vieillissement préoccupant et de l’obsolescence des matériels.
Des moyens plus ambitieux encore doivent être consacrés à l’amélioration des conditions de travail de nos policiers et de nos gendarmes.
Les policiers descendus dans la rue le mois dernier le faisaient non pour nourrir une polémique stérile sur les relations entre la police et la justice, mais bien pour dénoncer ce qui limite leur action.
Comme l’ont rappelé de nombreux représentants syndicaux, nos policiers ont voulu exprimer le « ras-le-bol » face aux conséquences du plan Vigipirate sur leurs conditions de travail, à l’état de fatigue préoccupant de nombre d’entre eux, ainsi qu’à la faiblesse des moyens mis à leur disposition pour accomplir des missions de plus en plus nombreuses.
Ainsi, comme le souligne le rapporteur spécial de la commission des finances sur les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », le renforcement des effectifs, les créations de postes ne masqueront pas la paupérisation des deux forces, lesquelles ne disposent plus des moyens en fonctionnement et en investissement pour assurer leurs missions.
C’est pourquoi nous vous invitons, budget après budget, à investir la question de la souffrance au travail et à reconsidérer la vision managériale de cette administration.
De plus, l’état d’urgence qui a été promulgué sollicite – légitimement – davantage nos forces de l’ordre, en parallèle à l’organisation d’événements d’ampleur. En ce moment même, se déroule la Conférence des Nations unies, la COP 21, au cours de laquelle notre capitale accueille les représentants de 195 pays. Dans les mois à venir, notre pays sera l’hôte de l’Euro 2016 de football.
Concernant la « sécurité civile », les crédits du programme sont en hausse de près de 2 %, s’établissant à plus de 441 millions d’euros. Néanmoins, cette hausse – bienvenue – masque, là encore, quelques insuffisances, notamment la situation des effectifs des sapeurs-pompiers volontaires, qui représentent 80 % des pompiers français – ils sont 193 756. L’objectif des 200 000 volontaires d’ici à deux ans semble hors de portée.
Outre la question du maillage territorial, qui doit rester étroit afin de garantir des interventions rapides, il nous faut aussi assurer une proximité accrue entre le domicile du volontaire et son centre. C’est pourquoi il est nécessaire d’agir auprès des bailleurs sociaux afin que soit rendue effective la facilitation de l’accès de ces sapeurs-pompiers volontaires aux logements sociaux. Il convient désormais de s’assurer que la convention signée en juillet en ce sens apportera des résultats tangibles.
Toutes ces raisons conduisent finalement les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen à une abstention que je qualifierai cependant de « vigilante et attentive ». (M. Michel Le Scouarnec applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Charon (Marques de satisfaction et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), pour huit minutes.
M. Roger Karoutchi. Huit minutes de bonheur ! (Sourires.)
M. Pierre Charon. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, tout d’abord, je dois avouer avec humilité que cette année, l’examen de cette mission est un moment particulier.
Je m’exprime en tant que parlementaire, membre de la commission des affaires étrangères et de la défense, où les questions stratégiques et de sécurité globale composent notre actualité permanente et en tant que sénateur de Paris, représentant un territoire pluriel, à la fois ville et département, et maintenant cible de l’État islamique.
En effet, le 13 novembre dernier, Paris a été, de nouveau, le théâtre d’une guerre contre nos valeurs. Pour la deuxième fois cette année, des innocents ont été lâchement et froidement assassinés dans notre ville. Devant vous, je souhaite témoigner aux familles ma compassion. Je souhaite également remercier tous ceux qui se sont mobilisés ce vendredi soir-là : les forces de police et d’intervention, bien sûr, les pompiers, les personnels hospitaliers et tous ces anonymes qui ont fait preuve de courage, voire d’héroïsme.
Je veux réaffirmer, monsieur le ministre, que la sécurité de nos concitoyens est un pan inaliénable de la liberté – ce merveilleux mot qui appartient à la devise de notre nation.
Cet épisode, comme les récents attentats qui touchent d’autres villes dans le monde, nous rappelle tragiquement à quel point vivre en sécurité est un bien précieux. Malheureusement, face à l’obscurantisme de ces barbares, cette sécurité n’est plus un acquis.
Pour autant, c’est à nous, responsables politiques, de trouver de nouveaux moyens pour créer les conditions de cette sécurité.
Je pense que nous sommes à un moment crucial de notre histoire, où toute la nation est engagée. Contre le terrorisme, nous devons mener une guerre totale.
Aux terroristes de l’État islamique, nous opposerons non seulement des moyens, mais également la détermination de la France tout entière, qui sera solidaire.
En prononçant ces mots, il n’est pas question pour moi d’effrayer : au contraire, les Français sont prêts à nous soutenir. Ils sont prêts à supporter la vérité. Ils sont prêts aux efforts budgétaires.
Je ne reviendrai pas sur le détail des chiffres : les rapporteurs nous ont parfaitement exposé les modifications apportées par le Gouvernement et les augmentations de moyens et de personnels auxquelles il a été consenti.
Je tiens à les remercier pour leurs travaux, car la légistique budgétaire n’est pas un exercice facile, surtout dans les moments de crise.
L’insuffisance de la mission « Sécurités » avait été soulignée, et ce juste avant les attentats du 13 novembre dernier. C’était prémonitoire – hélas !
L’augmentation de 0,98 % semblait en décalage avec un contexte sécuritaire très fortement dégradé depuis deux ans, notamment avec l’avènement de cet État islamique, qui est notre véritable ennemi.
Les annonces du Président de la République, lors du Congrès, se sont traduites par des amendements, examinés et votés en commission des finances, ramenant le budget à un niveau plus adapté à la réalité des menaces.
Alors, monsieur le ministre, nous saluons le respect de l’engagement présidentiel et votre mobilisation. C’est un gage de confiance primordial, dans un moment où notre société doit absolument être solidaire.
Des efforts doivent toutefois être accomplis bien au-delà de l’échelle nationale. Les enjeux et les moyens de la lutte contre le terrorisme sont européens. (M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, opine.)
La lutte contre le terrorisme est un défi pour l’Union européenne. L’avènement de l’État islamique en Irak et le chaos syrien ont profondément bousculé l’Union, jusque dans ses fondements.
Ainsi, tout d’abord, l’espace Schengen et le contrôle aux frontières sont remis en cause par l’état d’urgence.
Ensuite, la politique migratoire doit assurer la gestion de l’accueil des migrants fuyant la guerre et la barbarie.
Enfin, la lutte contre les différents trafics d’êtres humains, de drogue et d’armes qui financent le terrorisme nécessite une véritable politique, c’est-à-dire une action globale, durable, coordonnée et efficace.
Il y a des rendez-vous que l’Union européenne ne saurait rater : celui-ci en est un. La crédibilité de l’Union est en jeu.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, je voterai les crédits ainsi modifiés de la mission « Sécurités ».
Toutefois, avant de conclure, je tiens à évoquer un dernier point.
L’augmentation des moyens consacrés à nos forces de l’ordre, à nos agents de renseignement et à leurs équipements ne saurait suffire. Tous ces efforts budgétaires et tout le travail de nos agents, à qui je rends un hommage sincère, resteront vains s’ils ne s’accompagnent pas d’une véritable volonté politique, qui rappelle l’importance du respect de la loi et de l’application des peines.
Il ne saurait y avoir de sécurité si nous n’avons pas les moyens d’une politique pénale adaptée : cette politique pénale participe aussi à la protection de la population.
Trop souvent, les forces de l’ordre regrettent le manque de convergence entre les différents acteurs de la chaîne judicaire et pénale. Elles souhaiteraient une meilleure implication de la justice. Tous les acteurs de la chaîne judiciaire et pénale doivent tendre vers un seul objectif : la sécurité et la protection de nos concitoyens. Sinon, l’incompréhension s’ajoutera aux inquiétudes et aux peurs déjà instillées par les terroristes.
La guerre contre le terrorisme, qu’elle soit diplomatique, judiciaire ou militaire, exige un engagement politique total de long terme, auquel nous souscrivons pleinement.
Mes chers collègues, la protection des Français mérite un CDI et non un CDD ! Trois mois ne suffiront pas : la guerre que nous menons ne se limite pas à une mobilisation provisoire ; celle-ci doit être permanente, jusqu’à ce que l’ennemi soit vaincu ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)