M. François Marc. Ce n’est jamais le bon moment !
M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, il faut voir que le rendement de cette contribution est supérieur à celui de l’impôt de solidarité sur la fortune !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En effet : 6 milliards d’euros !
M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Et c’est à la faveur d’un article du projet de loi de finances rectificative pour 2015 que l’on réformerait un dispositif destiné à valoir pour les années qui viennent ?
Ensuite, monsieur le secrétaire d’État, nous demandons que le Parlement ait son mot à dire sur cette contribution, fût-elle renommée et réaffectée au budget général de l’État à travers un compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » et un programme « Service public de l’énergie ».
Dans cet esprit, nous défendrons un amendement tendant à redonner la parole au Parlement : il s’agirait, si vous en êtes d’accord, de nous permettre de fixer, dans le cadre de la loi de finances initiale, à la fois un plafond de dépenses de soutien aux énergies renouvelables, ainsi qu’un plafond, en volume, des capacités de production.
Si vous nous refusiez ce pouvoir, monsieur le secrétaire d’État, vous réduiriez le Parlement à un rôle de comptable. Chaque année, en effet, nous ne serions appelés qu’à constater les engagements pris par le Gouvernement, à travers les résultats d’appels d’offres pour ce qui est des énergies renouvelables, ainsi que les dépenses liées au guichet ouvert à un certain nombre d’opérateurs, et à voter un taux constatant le montant des dépenses pour déterminer le montant des ressources. Ce n’est pas acceptable !
De là l’importance de l’amendement que nous examinerons demain matin, présenté par la commission des affaires économiques pour restaurer l’autorité et la légitimité du Parlement sur une dépense aussi importante.
J’en viens aux dispositions du projet de loi de finances rectificative relatives à la contribution climat-énergie.
Monsieur le secrétaire d’État, la « contribution carbone », comme on l’appelle communément, rapportera davantage que ce que vous annoncez aujourd’hui : les calculs auxquels nous avons procédé permettent d’avancer que le montant prélevé s’élèverait à 755 millions d’euros en 2017, quand vous avez prévu 163 millions d’euros, et atteindrait 1,6 milliard d’euros l’année suivante.
Or, comme M. le rapporteur général l’a rappelé il y a quelques instants, l’article 1er de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe un principe de compensation : l’effet de la contribution doit être neutre. C’est pourquoi la commission des affaires économiques proposera que la différence entre les recettes qui seront constatées et les prévisions du Gouvernement soit entièrement affectée à la nouvelle CSPE, que, par ailleurs, nous proposerons d’appeler « contribution au financement de la transition énergétique », un intitulé qui me paraît plus conforme à la réalité que l’actuel. De la sorte, la contribution réformée sera diminuée et aura, conformément à la loi, un effet neutre pour les consommateurs.
En ce qui concerne le travail mené pour sécuriser la contribution sur le plan juridique, j’attire votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur les industriels électro-intensifs non exposés à la concurrence internationale, qui vont devoir payer 43 millions d’euros supplémentaires. Il convient aujourd’hui d’être très attentif à cette conséquence de la réforme, que nos simulations ont fait apparaître.
Au sujet de la fiscalité sur les carburants, la commission des affaires économiques a longuement débattu du projet du Gouvernement d’augmenter le prix du diesel et de diminuer celui du carburant additionné d’éthanol à 10 %, en s’attachant notamment à l’aspect industriel de cette réforme. Aujourd’hui, les constructeurs automobiles sont très exposés. Or nos deux grands champions dans ce domaine, Renault et PSA Peugeot Citroën, sont particulièrement préoccupés par les conséquences de ces mesures et d’un certain nombre d’autres qui ont été annoncées ; nous aurons l’occasion d’en reparler.
Il me reste quelques instants pour aborder une autre question que M. le secrétaire d’État a évoquée : la fiscalité agricole.
Le Sénat a adopté hier la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, présentée par moi-même et une grande majorité des membres de notre assemblée. Nous avons observé avec un certain plaisir, et même une gourmandise certaine, que le Gouvernement, après avoir manifesté à l’égard de notre initiative de grandes réticences – le mot est faible –, et même fait montre d’agacement en voyant la majorité du Sénat s’intéresser aux questions agricoles, avait finalement repris à son compte un certain nombre de nos propositions dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015.
Je le remercie d’avoir reconnu que nous avions vu juste et que nos propositions étaient utiles à l’agriculture… Oui, je remercie le Gouvernement d’avoir tenu compte de l’aspiration du Sénat à remplir son rôle, en prenant des initiatives législatives et en écoutant les préoccupations du monde agricole ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, lors de la conférence des présidents qui s’est tenue hier soir, M. le président du Sénat a rendu hommage au travail accompli par la commission des finances pour organiser dans de bonnes conditions l’examen du projet de loi de finances pour 2016.
Je me demande comment il faudrait s’y prendre pour améliorer les conditions d’examen des projets de loi de finances rectificative de fin d’année… Je me le demande d’autant plus quand je considère les délais très brefs qui nous sont prescrits, alors que certaines mesures justifieraient des travaux préparatoires approfondis et des auditions – en somme, un vrai travail législatif.
M. André Gattolin. C’est vrai !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Au-delà de cet enjeu de méthode, je voudrais m’intéresser, non pas tant aux mesures fiscales contenues dans le projet de loi de finances rectificative – nous en débattrons lors de l’examen des articles –, qu’à la raison d’être du collectif budgétaire de fin d’année : l’ajustement des recettes et, surtout, des dépenses pour assurer le respect des objectifs de solde et de dette.
Ce qui ressort du présent projet de loi de finances rectificative, c’est la qualité du pilotage de nos finances publiques, dans le cadre d’une trajectoire crédible qui nous permet d’emprunter à moindre coût sans verser dans l’austérité.
Si l’on apprécie les finances publiques au niveau de l’ensemble des administrations publiques, que retient-on de l’exercice budgétaire 2015 ?
En premier lieu, que le Gouvernement est parvenu à concilier amélioration de la situation budgétaire et diminution des prélèvements obligatoires. Ainsi, les prélèvements pesant sur les entreprises auront été réduits de 24 milliards d’euros, grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, au pacte de responsabilité et aux mesures en faveur de l’investissement. Quant à la fiscalité directe pesant sur les ménages, son poids a commencé à décroître au cours de l’exercice qui va s’achever. Résultat : au total, le taux de prélèvements obligatoires est passé de 44,9 à 44,5 % du PIB.
En deuxième lieu, on retient que la baisse des prélèvements sans dégradation du déficit a été rendue possible par la maîtrise des dépenses. En effet, le Gouvernement est parvenu à ralentir significativement le rythme de progression de la dépense publique en valeur : alors qu’elle a crû de 3,4 % en moyenne entre 2007 et 2011, elle a augmenté de 2,1 % par an entre 2012 et 2014, et seulement de 1,1 % en 2015. S’agissant de la hausse de la dépense en volume, la comparaison est tout aussi flatteuse.
En troisième lieu, le déficit effectif pour 2015 est inférieur à la prévision inscrite dans la loi de finances initiale : il doit s’élever à 3,8 %, au lieu de 4,1 %. De même, la part de la dépense publique dans la richesse nationale est moins importante que ce que prévoyait la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, adoptée voilà un an : la dépense publique représente 55,8 % du PIB, alors que ce ratio était anticipé à 57,5 % en prévision initiale.
La bonne maîtrise de la dépense publique a reposé sur la mise en œuvre du programme de 50 milliards d’euros d’économies pour la période 2015-2017, qui devait être réalisé à hauteur de 18,6 milliards d’euros en 2015. Les moindres économies liées au ralentissement de l’inflation ont été intégralement compensées par des mesures complémentaires, d’un montant de 4 milliards d’euros, annoncées dans le cadre du programme de stabilité transmis en avril dernier aux institutions européennes.
Si l’on s’intéresse maintenant au budget de l’État proprement dit, quels constats peut-on dresser ?
D’abord, le Gouvernement a atteint ses objectifs budgétaires pour 2015 : les dépenses totales de l’État ont été revues à la baisse pour 2 milliards d’euros et le solde budgétaire de l’État a été amélioré de 1,1 milliard d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2015. Dans le même temps, les engagements pris lors de la révision de la loi de programmation militaire ont été tenus et les crédits budgétaires attendus sont au rendez-vous.
Ensuite, le Gouvernement a fait preuve de prudence dans ses prévisions fiscales, puisque les recettes de l’État sont conformes aux estimations sur lesquelles a été bâtie la loi de finances initiale.
En outre, le Gouvernement redonne des marges de manœuvre aux entreprises à travers le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont la montée en charge plus rapide que prévu témoigne de la bonne appropriation par les entreprises – un succès que notre commission avait déjà constaté au printemps dernier, lors de sa journée de travail « hors les murs » à Toulouse.
Par ailleurs, le Gouvernement a lancé plusieurs réformes favorables au pouvoir d’achat des ménages aux revenus modestes et moyens. Ainsi, après leur avoir accordé une réduction exceptionnelle de 1,1 milliard d’euros de leur impôt sur le revenu, décidée en loi de finances rectificative pour 2014, le Gouvernement a supprimé la première tranche du barème dans le cadre de la simplification de cet impôt opérée dans la loi de finances pour 2015 ; au total, l’allégement se monte à 3 milliards d’euros.
Enfin, la lutte contre la fraude, qui est une action essentielle, porte ses fruits au-delà des prévisions initiales : 2,7 milliards d’euros de recettes sont attendus à ce titre, soit 400 millions d’euros de plus que prévu.
J’ajoute que le projet de loi de finances rectificative pour 2015 offre une nouvelle illustration de l’ambition réformatrice du Gouvernement, puisqu’il ouvre enfin la voie à la réforme du financement du service public de l’électricité et avance sur le chemin de la révision des valeurs locatives.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à soutenir le Gouvernement et son texte lors de la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. le rapporteur général de la commission des finances et M. Gérard Longuet applaudissent également.)
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour la discussion de ce projet de loi de finances rectificative pour 2015 peu après l’examen du projet de loi de finances pour 2016.
Monsieur le secrétaire d’État, nous ne reprendrons pas tout ce que nous avons pu dire sur la situation du pays, sur la situation des finances publiques, sur l’emploi et la compétitivité lors de la discussion générale et lors de l’examen du projet de loi de finances.
Nous nous situons en effet dans la suite de ce texte, encore que le projet de loi de finances rectificative porte bien mal son nom : en réalité, il est autant rectificatif pour 2015 qu’il est prescriptif et modificatif pour 2016. À peine venons-nous d’achever l’examen du projet de loi de finances que le Gouvernement nous propose de revoir sa copie pour l’année prochaine !
Il y a là un double mystère sur lequel nous devrions nous interroger. D’une part, le Gouvernement choisit de reporter au collectif budgétaire de l’année écoulée des dispositions qui concernent en réalité l’année suivante. Je vous concède volontiers, monsieur le secrétaire d’État, que ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui, mais tout de même… !
D’autre part, et comme souvent, le texte initial du collectif budgétaire triple de volume en première lecture à l’Assemblée nationale. Je vous concède là encore, monsieur le secrétaire d’État, que les nouveaux articles sont fréquemment introduits sur l’initiative des députés. Toutefois, reconnaissons que l’inspiration des députés n’est parfois pas strictement personnelle et que le Gouvernement se saisit d’un certain nombre de perches à cette occasion. Ainsi, on évite que le Conseil d’État ne mette son nez dans les textes que nous sommes amenés à adopter.
Mes chers collègues, peut-être serait-il nécessaire de fixer une règle simple : seules les dispositions de l’année en cours devraient figurer dans le collectif budgétaire, les mesures qui concernent l’année suivante devant être réservées au projet de loi de finances. L’examen des textes budgétaires par le Parlement en serait ainsi facilité.
Pour poursuivre sur des considérations de méthode, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour indiquer qu’il n’est pas facile – Mme la présidente de la commission vient d’ailleurs d’en parler – de discuter d’un texte qui a été adopté par l’Assemblée nationale il y a seulement deux jours et qui n’a été examiné ici en commission qu’hier.
J’en viens maintenant aux deux principaux aspects à retenir sur le fond de ce texte.
En premier lieu, ce collectif budgétaire comporte évidemment des éléments sur l’exécution de la loi de finances initiale et sur la situation de nos finances publiques en cette fin d’année. Heureusement, c’est tout de même l’objet premier de ce texte !
Permettez-moi une remarque liminaire à ce sujet : l’objectif fixé dans la trajectoire budgétaire que nous devons respecter a été repoussé à trois reprises. On se réjouit donc que le Gouvernement atteigne enfin sa cible ! Après tout, il n’est pas illogique qu’il y parvienne après avoir, par trois fois, modifié cette trajectoire et repoussé la cible à atteindre. Il n’y a certes pas lieu de pousser des cris d’enthousiasme, monsieur le secrétaire d’État, mais on doit vous donner acte du fait que vous trouvez globalement dans la trajectoire budgétaire annoncée.
M. François Marc. C’est toujours mieux que rien !
M. Vincent Capo-Canellas. Cela étant dit, respecter l’objectif de 3,8 % de déficit cette année ne constitue qu’un effort modeste. En effet, cet objectif n’est inférieur que de 0,1 point à l’objectif fixé en 2014 et ne représente en réalité qu’un effort de 1 milliard d’euros : on passe ainsi d’un déficit de 74,4 milliards d’euros en 2014 à un déficit de 73,3 milliards d’euros en 2015. Dont acte !
Cela n’est pas – me semble-t-il – à la hauteur des enjeux et de la situation réelle de nos finances publiques, puisque notre pays a, outre ce déficit de 74 milliards d’euros, plus de 2 000 milliards d’euros de dette et 5 millions de chômeurs !
La performance française n’est guère flamboyante en matière budgétaire : il faut comparer nos 3,8 % de déficit avec le niveau moyen de déficit constaté dans la zone euro, qui s’élevait à 2,6 % en 2014 et s’établit à 2 % en 2015. La France est aujourd’hui lanterne rouge dans ce domaine et reste en retard par rapport au reste de l’Europe !
À ce stade, il convient d’évoquer les deux risques que court la France : le premier d’entre eux est l’effet potentiel des attentats sur la croissance – nous ne saurions évidemment le reprocher au Gouvernement – que l’INSEE chiffre à 0,1 point. Nous devons tous rester attentifs par rapport à une situation dont nous aurons à mesurer les conséquences, compte tenu du drame que nous avons vécu.
Le second risque est lié à la dégradation de 3 milliards d’euros du solde budgétaire, qu’a soulignée M. le rapporteur général en commission. Il faudra évidemment attendre le projet de loi de règlement pour juger véritablement de cette détérioration budgétaire et pouvoir comparer les chiffres de loi de règlement à loi de règlement.
Malgré tout, c’est un signal d’alerte, tout comme l’est le constat selon lequel la maîtrise des dépenses publiques est en grande partie due à des événements : l’annulation de 2 milliards d’euros sur la charge de la dette, qui est la bienvenue, même si nous habituer à la faiblesse actuelle des taux peut représenter un danger, et la réduction de 1 milliard d’euros sur le prélèvement européen, soit au total 3 milliards d’euros qui permettent au Gouvernement d’atteindre pour l’essentiel son objectif en dépenses.
En vérité, la baisse des dépenses publiques est très relative et l’amélioration du solde structurel évolue selon un rythme qui se relâche quelque peu.
En second lieu, le présent projet de loi de finances rectificative comporte des mesures nouvelles qui font de ce texte un projet de loi de finances bis. C’est de bonne guerre, monsieur le secrétaire d’État, mais il faut encore une fois le souligner !
Ce texte comporte un bloc de mesures sur la fiscalité écologique, dont M. le président de la commission des affaires économiques, et ici rapporteur pour avis, notre collègue Jean-Claude Lenoir, a très justement et très longuement parlé.
M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Longuement, non ! Je n’ai pu en parler que dans le peu de temps qui m’était imparti !
M. Vincent Capo-Canellas. En disant cela, monsieur le président de la commission, je souhaitais simplement insister sur le fait que vous avez choisi de centrer votre intervention sur ce point et que vous avez eu bien raison !
J’estime qu’il faut aller vers davantage de sobriété énergétique. De ce point de vue, les mesures du présent texte vont plutôt dans le bon sens, ce qu’il convient de saluer. Pour autant, il faut rester vigilant, car la transition énergétique doit se faire à fiscalité constante.
Je fais également miennes les remarques exprimées tout à l’heure par M. le rapporteur général. On peut s’interroger sur le rythme avec lequel est menée la transition énergétique : nous avons d’ailleurs des débats entre nous à ce sujet. Lors de l’examen des amendements, ma collègue Chantal Jouanno plaidera pour aller plus vite et plus fort en la matière.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez bien fait de donner de la visibilité au prix de la tonne carbone. Ce n’est pas le maire du Bourget que je suis qui, au moment où la COP 21 s’achemine vers un accord, vous dira d’aller moins vite sur ce dossier, bien au contraire !
M. Jean-Claude Lenoir a livré la réflexion de la commission des affaires économiques sur la contribution au service public de l’électricité, la CSPE. Sur ce sujet, je pense que la commission des finances et la commission des affaires économiques pourraient s’entendre, même si le « calage » est toujours un peu délicat entre nos commissions sur la question de la taxation du diesel et de l’essence. Je pense pourtant qu’il faudrait faire évoluer les choses, en veillant à ce que cette évolution soit comprise de tous.
S’agissant des autres mesures contenues dans le collectif budgétaire, j’aimerais revenir plus particulièrement sur les dispositifs ISF-PME et PEA-PME. Pour résumer le débat en une formule, j’aurais tendance à dire que nous vous trouvons trop restrictif en la matière, monsieur le secrétaire d’État, et qu’il faudrait améliorer les modalités de financement de l’économie et des entreprises, en particulier en direction des PME.
En conclusion, le groupe UDI-UC déplore la méthode qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi de finances rectificative, qui en fait un projet de loi de finances bis.
En outre, nous contestons sinon la réalité des efforts réalisés par le Gouvernement, du moins leur ampleur.
Enfin, nous considérons que les propositions de M. le rapporteur général sur les mesures nouvelles devraient nous permettre d’améliorer le texte transmis par l’Assemblée nationale. En conséquence, nous souhaiterions que le Gouvernement entende les propositions du Sénat ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances initiale pour 2016 manquait quelque peu de relief et s’est trouvé pris dans la tourmente née des attentats du 13 novembre et de leurs conséquences, au point que le dogme de la réduction des dépenses publiques semble avoir été sérieusement mis en question.
Le collectif budgétaire pour 2015 revêt, quant à lui, un double aspect.
Tout d’abord, il présente le caractère assez discutable d’une apparente incohérence : celle-ci résulte de l’addition de mesures disparates dont la dimension fiscale est plus ou moins évidente.
Ensuite, le projet de loi de finances rectificative nous permet de nous interroger sur des sujets loin d’être dénués d’intérêt, notamment la fiscalité écologique et le financement des entreprises.
S’agissant du financement des entreprises, je dois avouer que les mesures déclinées au fil des divers articles du texte manquent dramatiquement de toute originalité. En effet, c’est au travers de dispositifs connus en général pour leur relative inefficacité et coûteux pour les finances publiques – je pense en particulier au dispositif ISF-PME – que l’on entend résoudre le problème des fonds propres de nos entreprises.
On note d’ailleurs que le Gouvernement agit de la même façon pour les mesures tendant à réorienter l’épargne – une épargne d’un certain niveau – des SICAV vers le dispositif PEA-PME.
À la vérité, on a l’impression que tous les textes financiers dont nous allons discuter dans les mois et les années à venir sont destinés, entre autres choses, à compléter et à accroître l’attractivité fiscale de ces dispositifs incitatifs, qui n’intéressent pourtant, en général, que quelques dizaines de milliers d’initiés.
Malgré l’appel au financement éthique, le volet sur la fiscalité des placements financiers ne caractérise pas véritablement un collectif budgétaire marqué à gauche. À moins qu’être de gauche signifie être convaincu de la nécessité de faire financer le développement des entreprises par les marchés financiers et non par une juste allocation à moindre coût du crédit bancaire !
Par ailleurs, le volet relatif à la fiscalité écologique est particulièrement intéressant et recouvre plusieurs aspects fondamentaux, avec la création d’un nouveau compte d’affectation spéciale dont les ressources seront en partie liées à la contribution au service public de l’électricité, à l’alourdissement de la fiscalité énergétique par l’intégration de la composante carbone et à l’affectation du produit de la taxe sur les consommations finales d’électricité.
Le problème est que, dans notre pays, il suffit que nous concevions un nouvel ensemble de taxes et d’impôts, qui frappent ici la consommation tant des particuliers que des entreprises, pour que, de suite, des groupes de pression plus ou moins influents se manifestent et demandent à être placés hors de leur champ d’application.
Nous l’avions vu avec l’article 33 bis du projet de loi de finances initiale pour 2016, qui prévoit expressément que soit versée une aide à la consommation d’électricité des industries particulièrement énergivores de ce point de vue, selon l’application d’un principe pollueur-non payeur jusqu’ici rarement invoqué !
Et nous le voyons encore au travers des dispositions de ce texte qui prennent en compte la question des entreprises dites « électro-intensives ».
Cette mauvaise habitude de définir aussi rapidement des exceptions à ce qui devrait être la règle commune brouille l’écoute du citoyen et risque fort de conduire à quelques difficultés lorsqu’il s’agira de faire respecter le trop fameux principe du consentement à l’impôt.
Cela étant dit, au sein du groupe CRC, nous nous posons une question décisive.
La fiscalité écologique constitue déjà une réalité dans notre pays, ne serait-ce que parce nous collectons 26,5 milliards d’euros de TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Dans les faits, celle-ci se trouve utilisée, à hauteur de plus de 11 milliards d’euros, pour compenser, mais mal, les transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales et, pour un peu plus de 700 millions d’euros seulement, pour financer les alternatives au transport routier.
Et, à cette pression fiscale, nous pourrions ajouter le poids de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la TEOM, qui est payée par les ménages. Cette taxe cumulée avec la TICPE aura un rendement supérieur à l’impôt sur les sociétés en 2016. C’est tout dire !
La création du compte spécial n’est pas sans poser de nouveaux problèmes, notamment quand on connaît la propension des services de Bercy à plafonner le rendement de certaines taxes et à récupérer éventuellement le moment venu les fonds de roulement constitués. Cela se voit régulièrement…
En fait, la voie fiscale, qui semble privilégiée par le Gouvernement pour atteindre les objectifs que la France semble décidée à se donner à l’issue de la COP 21, ne devrait pas être empruntée de cette manière.
En matière de protection de l’environnement et de développement des énergies renouvelables, un pays comme la République fédérale d’Allemagne doit beaucoup, par exemple, à un organisme bancaire parapublic qui, avec les subsides du « plan Marshall » à l’époque, a largement contribué au redressement du pays entre 1949 et 1989.
Nous pourrions nous livrer à une revue de détail des instruments utilisés actuellement à la fois pour le financement des entreprises et pour la transition énergétique.
Outre le fait que la consolidation des résultats bénéficiaires au sein des fonds propres suffirait parfois à les renforcer – moyennant une moindre appétence pour la distribution de dividendes ! –, on constate que le recours au crédit bancaire, qui est relativement peu onéreux ces derniers temps, pourrait fort bien constituer une solution pour régler le problème du financement des entreprises.
Ne serait-ce que parce que la Banque centrale européenne inonde les marchés de 60 milliards d’euros tous les mois dans le cadre de sa politique dite « d’assouplissement quantitatif », mais aussi parce que, malgré la baisse de leur taux de rémunération, 100 milliards d’euros d’encours du livret A et du livret de développement durable sont disponibles pour répondre aux besoins de financement de nos entreprises !
Comparons donc les sommes levées grâce aux PEA, à l’ISF-PME ou à la loi Madelin, à l’encours des livrets défiscalisés et le coût de la dépense fiscale associée.
Nous pouvons même imaginer mettre en circulation un nouveau livret d’épargne défiscalisé, qui serait destiné à la transition énergétique et qui pourrait, par exemple, financer les travaux d’isolation et de performance énergétique des logements des particuliers, certaines grandes opérations d’infrastructure proposant une alternative à la route, ou encore l’acquisition de véhicules peu polluants, hybrides ou encore électriques.
Nous n’avons pas déposé d’amendement pour défendre cette proposition, mais nous ne manquerons pas d’y revenir et souhaitions, dès ce jour, mettre le sujet en débat.
Pour le reste, outre quelques sujets sur lesquels nous nous positionnerons face aux intentions de M. le rapporteur général, nous attendons de voir ce qu’il adviendra de nos amendements dans le débat pour faire évoluer notre opposition de fond à l’adoption de ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)