Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier notre rapporteur, Évelyne Didier, qui, comme toujours, a manifesté ses convictions avec beaucoup de fermeté.
Je suis désolé de devoir aller à l’encontre de ces convictions en m’inscrivant dans la ligne qui est non seulement la mienne, mais surtout celle de la majorité de la commission, laquelle, comme l’a rappelé Mme Didier avec beaucoup d’honnêteté, n’est pas favorable à cette proposition de loi.
Mme Éliane Assassi. Quel dommage !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire. Par un heureux hasard de calendrier, nous avons examiné en commission, la semaine dernière, cette proposition de loi après avoir entendu, la veille, Emmanuel Macron. Comme il nous l’avait promis lors de l’examen du projet de loi portant son nom, M. Macron est venu évoquer un certain nombre de sujets relevant de la compétence de notre commission, qu’il s’agisse des autoroutes, de l’aménagement numérique du territoire ou du transport par autocar.
Cette audition lui a donné l’occasion de présenter un premier bilan très intéressant de l’ouverture à la concurrence des transports par autocars. Je crois que les nouvelles lignes mises en place constituent une véritable nouvelle option de mobilité. Certes, tous les territoires aujourd’hui mal desservis ne bénéficient pas encore de lignes d’autocars, mais cette libéralisation constitue clairement une occasion intéressante pour les collectivités locales, avec un coût nul pour leurs finances.
Par ailleurs, ces nouvelles lignes sont aussi créatrices d’emplois, comme le seront les futures gares routières. Nous espérons également que ce développement de l’autocar permettra de renforcer une filière économique qui sera elle aussi créatrice d’emplois, grâce à la construction de véhicules adaptés au transport collectif.
Bien évidemment, nous sommes conscients qu’il nous faut être vigilants, afin que la mise en place de ces lignes d’autocar n’entraîne pas la suppression de lignes ferroviaires. Nous sommes aussi vigilants, parce que nous savons bien que les autocars ne sont pas les véhicules les moins polluants et qu’ils posent un vrai problème en termes d’émission de gaz à effet de serre – même s’il faut reconnaître que les personnes qui recourent à l’autocar n’utilisent pas de véhicules individuels, ce qui aurait un effet encore plus néfaste sur l’environnement. À l’avenir, nous espérons voir se développer des véhicules de transport collectif – des autocars – faiblement émetteurs de gaz à effet de serre, voire des véhicules électriques.
La concurrence induite par cette libéralisation me semble plutôt positive. Dans les pays où cette libéralisation a déjà eu lieu, on n’a pas vu disparaître d’opérateurs ferroviaires, bien au contraire.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas comparable !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire. C’est parce que nous croyons aux vertus de cette ouverture à la concurrence que nous souhaitons qu’elle s’ouvre encore plus largement à l’ensemble du transport ferroviaire de voyageurs et qu’elle ne s’arrête pas à l’autocar. Cela me semble tout à fait souhaitable pour permettre à notre opérateur historique de se développer dans des conditions favorisant davantage encore la qualité du service et les prix.
M. Louis Nègre. Absolument !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire. Notre commission a donc été largement défavorable à l’abrogation de la libéralisation du transport par autocar. De surcroît, il me semblerait prématuré de supprimer une mesure adoptée voilà seulement six mois par le Parlement.
S’agissant du versement transport, je dirai simplement que, eu égard à la conjoncture économique et aux charges importantes pesant sur les entreprises, il nous paraît plus que déraisonnable d’envisager de taxer encore ces dernières.
Mme Évelyne Didier, rapporteur. Encore et toujours !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire. Je crois que nous devons nous montrer beaucoup plus inventifs pour dégager des sources de financement pour les collectivités locales en matière de transport. Mieux vaut se tourner vers des méthodes de rationalisation et d’optimisation que vers de nouvelles taxations.
S’agissant de la réduction du taux de la TVA applicable aux transports publics de voyageurs, je crois qu’il faut se méfier de ce type de mesures qui s’apparentent à de l’affichage et qui seraient très complexes à mettre en œuvre, d’autant plus que des tarifs différenciés sont très souvent appliqués en faveur des plus modestes. En outre, rien n’indique que le milliard d’euros ainsi dégagé reviendrait aux autorités organisatrices.
Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté cette proposition de loi.
Ce texte aura toutefois eu le mérite de nous rappeler l’importance du transport collectif de voyageurs dans notre pays. À l’heure où la COP 21 entre dans sa dernière ligne droite, le secteur des transports doit faire l’objet de toute notre attention. Nous sommes bien conscients qu’il doit se réformer, que les comportements doivent évoluer, que notre industrie doit s’adapter et que nos collectivités locales doivent faire des efforts pour offrir des modes de transport répondant aux attentes actuelles. L’offre de transports doit être plus complète, plus ouverte, moins coûteuse et plus propre, c’est-à-dire plus sobre en émissions de gaz à effet de serre.
Tel est le véritable défi que doit aujourd’hui relever le secteur des transports. Je tiens à assurer le Gouvernement que, sur ce sujet, notre commission est à ses côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d’État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Madame la présidente, madame la sénatrice Marie-France Beaufils, coauteur de la proposition de loi, madame la sénatrice Évelyne Didier, rapporteur, monsieur le sénateur Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui vise à maintenir et à développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité.
Il est proposé de supprimer l’ouverture à la concurrence, récente, du marché du transport par autocar, d’instaurer un versement transport régional et de ramener le taux de TVA applicable aux services publics de transport à celui en vigueur pour les produits de première nécessité, soit 5,5 % au lieu de 10 %.
Je veux tout d’abord souligner que, depuis 2002, date du transfert de la compétence d’organisation des transports express régionaux aux régions, ces dernières ont incontestablement réussi à donner un nouvel élan au transport public ferroviaire et à attirer de nouveaux usagers. Cette évolution a eu pour corollaire l’augmentation considérable de la contribution financière des régions au transport ferroviaire régional, cela a été dit.
Or, aujourd’hui, la nécessité de maîtriser les dépenses publiques de notre pays, aux niveaux national et local, implique de réfléchir à une évolution des modes d’intervention retenus jusqu’ici. Il s’agit clairement d’un défi que toutes les collectivités locales – dont les régions – doivent relever pour l’ensemble de leurs compétences. Le transport ferroviaire régional n’y fait pas exception.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement a fait le choix d’un renforcement de l’échelon régional dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, promulguée cet été.
Ce renforcement des compétences était nécessaire pour amener les régions françaises au niveau des grandes régions européennes. Il va aussi permettre aux régions d’agir plus efficacement sur le développement économique de leurs territoires et de répondre à une échelle adaptée aux besoins de mobilité de nos concitoyens. En effet, les treize grandes régions disposeront de compétences étendues qui les doteront d’une capacité d’action renouvelée sur les différents modes de transport.
Tout d’abord, les régions seront les chefs de file de l’intermodalité et de la complémentarité entre les modes de transport. Ce leadership, demandé par les régions elles-mêmes depuis plusieurs années, les conduira à élaborer le schéma régional de l’intermodalité, qui est un élément majeur du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le fameux SRADDET. Il s’agit là de l’un des deux grands schémas régionaux, avec le schéma de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Ce schéma régional de l’intermodalité sera un outil déterminant, car il coordonnera l’offre de services, l’information des usagers, la tarification et la billettique.
Ensuite, les régions reprendront, à compter de 2017, la compétence « transport » des départements, y compris pour les transports scolaires et les gares routières publiques. Elles disposeront ainsi de l’ensemble des éléments permettant de bâtir une offre de transport lisible et cohérente pour l’usager et d’assurer une vraie complémentarité entre le mode ferroviaire et le mode routier non urbain.
Enfin, les régions concernées récupéreront la compétence du transport maritime inter-îles et pourront prendre en charge la gestion des ports départementaux, si elles en font la demande avant le 31 mars 2016. Vous vous en souvenez, la question de la compétence relative aux ports a fait l’objet de longs débats dans cet hémicycle.
Je rappelle que le Gouvernement a prévu la compensation des transferts de compétences entre départements et régions, via un transfert de fiscalité, notamment d’une part de la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Les régions bénéficieront donc de marges de manœuvre financières renforcées pour déployer cette politique des transports renouvelée.
Je souhaite maintenant vous rassurer, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, sur l’ambition du Gouvernement pour le transport ferroviaire régional et pour le transport ferroviaire dans son ensemble. Vous le savez, l’offre de TER occupe une place essentielle dans le système de transport national. Avec les autres services ferroviaires et les autres modes de transport, elle permet de répondre aux besoins de déplacement de nos concitoyens, à leur attente d’une mobilité toujours plus grande et mieux adaptée aux évolutions de leurs modes de vie.
La réforme ferroviaire défendue par le Gouvernement – j’en profite pour excuser l’absence de mon collègue Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, qui est retenu cet après-midi à Bruxelles par un conseil des ministres des transports – a donc fondé l’avenir du service public ferroviaire pour les années qui viennent.
La loi adoptée à l’été de 2014 a conduit à la constitution, au 1er juillet dernier, d’un groupe public ferroviaire, constitué d’un établissement public dit « groupe de tête » – la nouvelle SNCF – et de deux établissements publics opérationnels, le gestionnaire de l’infrastructure – SNCF Réseau – et l’opérateur de mobilité – SNCF Mobilités –, avec un pilotage commun, des synergies industrielles et une organisation sociale intégrée. Cette réforme réaffirme ainsi le rôle de l’État, stratège national en matière de transports, tout en consolidant les prérogatives des régions, qui sont les autorités organisatrices de transport dans les territoires.
Cette réforme apporte des réponses aux enjeux de qualité et de soutenabilité financière du service public.
La loi du 4 août 2014 a créé le Haut Comité du système de transport ferroviaire, instance d’information et de concertation chargée de débattre des grands enjeux du système de transport ferroviaire national, qui éclairera le Gouvernement et le Parlement. Il sera réuni une première fois dès le début de l’année 2016.
Le Gouvernement a aussi engagé l’élaboration des contrats de performance, qui seront conclus entre l’État et chacun des établissements publics du groupe. Parce que notre réforme doit permettre de remettre le système ferroviaire français sur la meilleure trajectoire, elle passe par des engagements de progrès, de performance économique et opérationnelle, pour assurer un service public plus efficace, moins coûteux, et toujours plus sûr.
Sur le plan social, les discussions entre les partenaires ont déjà conduit à définir le périmètre de la branche ferroviaire. Les organisations syndicales et professionnelles devront définir, d’ici à juillet 2016, le cadre commun de l’organisation collective de la branche et les partenaires devront trouver la voie d’un accord collectif de branche dans l’année qui vient. Le Gouvernement prendra sa part de responsabilité, en établissant le « socle commun » à l’ensemble des opérateurs ferroviaires.
La politique des transports voulue par le Gouvernement a aussi pour objectif de développer la cohérence et la complémentarité des différents services de transport de voyageurs. Il s’agit ainsi d’avoir une vision globale et intégrée tenant compte de tous les services : les TGV et les services conventionnés par des autorités publiques, à savoir les TER, les Transiliens et les TET, les trains d’équilibre du territoire. La priorité du Gouvernement concerne les transports du quotidien, qui doivent être rénovés et modernisés, en particulier l’offre Intercités.
Le Gouvernement s’est fortement engagé pour l’avenir des trains d’équilibre du territoire, conventionnés par l’État depuis 2011. Ces trains sont en effet, aux côtés des TGV et des TER, un maillon important de l’offre ferroviaire dans notre pays. Dès 2013, l’État a engagé le renouvellement des matériels roulants, avec un investissement de plus de 500 millions d’euros, pour le remplacement des matériels thermiques.
Toutefois, la volonté du Gouvernement de donner un avenir à ce segment ferroviaire ne s’arrête pas là. Constatant la forte dérive qualitative et financière de l’offre Intercités, liée notamment à d’importantes pertes de trafic ces dernières années, nous avons confié à une commission présidée par le député Philippe Duron la charge de définir les conditions de sa modernisation. Je veux bien sûr parler de la modernisation de ce segment ferroviaire, et non pas de celle du député Philippe Duron ! En effet, il n’a pas besoin d’être modernisé, car il est vraiment très au fait de ces questions ferroviaires, comme beaucoup d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs,…
M. Louis Nègre. On le lui dira !
M. André Vallini, secrétaire d’État. … je pense notamment M. Jean-Jacques Filleul, que j’aperçois, mais il n’est pas le seul à connaître parfaitement toutes les problématiques du transport public.
Après la remise de ce rapport, le 26 mai dernier, le Gouvernement a arrêté une feuille de route pour les TET, que le secrétaire d’État chargé des transports a présentée le 7 juillet dernier. Elle prévoit, notamment, le renouvellement de la convention TET sur des bases refondées, avec l’objectif de faire de l’État une autorité organisatrice de plein exercice. Le Gouvernement a par ailleurs souhaité que les évolutions d’offre proposées par la commission fassent toutes l’objet d’une concertation avec les régions, avant toute décision. Une mission a été confiée en ce sens au préfet François Philizot. Les conclusions de cette mission, qui doivent être remises en avril 2016, permettront de prendre les décisions nécessaires avant l’été prochain.
L’État s’est enfin engagé à renouveler, d’ici à 2025, l’ensemble du matériel roulant du réseau structurant des TET, pour 1,5 milliard d’euros, afin de répondre aux besoins exprimés par la clientèle et de redonner à ces trains une attractivité aujourd’hui écornée.
La politique du Gouvernement vise également à assurer la complémentarité entre les transports ferroviaires et les autres modes de transport. L’efficacité de l’ensemble du système de transport suppose de diversifier l’offre, car le mode ferroviaire ne se justifie pas partout.
À cet égard, l’ouverture à la concurrence du secteur du transport par autocar, engagée dès la promulgation de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a permis, avec des liaisons de plus de cent kilomètres, un développement significatif d’une offre de mobilité complémentaire, qui répondait à une attente.
Quelques chiffres témoignent de ce développement. Au 1er octobre de cette année, 274 autocars assuraient chaque jour 104 lignes nationales et internationales. D’ores et déjà, plus de 10 départs par jour s’effectuent dans les métropoles. Lyon et Bordeaux accueillent 40 départs par jour ; Paris, environ 200 départs. Le nombre de passagers transportés s’élève à près de 250 000 dans toute la France. D’ici à la fin de 2016, l’ouverture de plus de 100 lignes supplémentaires est prévue.
Je rappelle en outre que cette loi instaure un mécanisme de protection des services publics de transport, en permettant notamment aux autorités organisatrices de s’opposer à la création de dessertes par autocar sur des liaisons inférieures à cent kilomètres, dès lors que ces services créent une atteinte substantielle à l’équilibre des lignes de transport public concernées, notamment de transport ferroviaire. L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, dont les compétences ont été renforcées, est chargée de vérifier l’articulation des offres.
Enfin, je veux revenir sur la question du financement, soulevée par cette proposition de loi, et en particulier sur la proposition de créer un versement transport régional.
L’objectif d’une telle mesure serait de permettre aux régions de prélever un versement transport, ou VT, additionnel sur les entreprises situées dans le ressort territorial d’une autorité organisatrice de la mobilité, ou AOM, ainsi qu’un versement transport interstitiel sur les entreprises situées en dehors du ressort territorial d’une AOM. Dans ce cas, des entreprises situées dans une zone qui ne bénéficie pas de transports collectifs seraient mises à contribution au titre du VT, ce qui paraît fortement contestable.
Je veux souligner que la mise en place d’un versement transport, qu’il soit additionnel ou interstitiel, ne pourrait qu’être assimilé à une nouvelle charge pesant sur la masse salariale, et donc sur l’emploi. Par ailleurs, le versement pourrait également constituer un frein à l’embauche, en dissuadant certaines entreprises situées au-dessous du seuil du nombre de salariés de recruter un salarié supplémentaire qui les soumettrait à ce versement.
J’ajoute qu’une baisse du taux de TVA aurait un effet limité pour les usagers défavorisés, qui bénéficient d’ores et déjà soit de la gratuité des transports ferroviaires, soit de réductions tarifaires importantes. Dans un contexte où tout doit être mis en œuvre pour favoriser l’emploi et lutter contre le chômage, une telle mesure n’est donc pas opportune.
C’est d’ailleurs dans cette optique, et plus précisément pour encourager le développement des TPE et des PME, que le Gouvernement a choisi de relever le seuil à partir duquel les entreprises doivent payer le versement transport. Il est ainsi passé de 9 salariés à 11 salariés. Le manque à gagner pour les collectivités sera compensé par l’État. Comme l’a annoncé le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2016 comporte une disposition en ce sens.
Je précise, à ce titre, que le relèvement du seuil à 11 salariés devrait entraîner un manque à gagner, pour les autorités organisatrices, de l’ordre d’une centaine de millions d’euros avant compensation, selon les chiffres de la direction de la sécurité sociale et de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, et non de 500 millions d’euros, comme cela a pu être annoncé un peu hâtivement.
M. Louis Nègre. À vérifier !
M. André Vallini, secrétaire d’État. Bien sûr, monsieur le sénateur. Ce montant serait réparti à peu près à égalité entre l’Île-de-France et la province.
D’ailleurs, afin d’apporter, monsieur le sénateur Nègre, toutes les garanties de transparence aux autorités organisatrices de la mobilité, Marisol Touraine, Christian Eckert et Alain Vidalies ont confié une mission d’accompagnement à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et au Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD.
Enfin, s’agissant de la TVA applicable au transport et de la proposition visant à l’abaisser au taux de 5,5 %, taux spécifique aux services de première nécessité, il convient de rappeler que la refonte, au 1er janvier 2014, des taux de la TVA a conduit à fixer le taux normal de TVA à 20 % et le taux réduit à 10 %. Le transport public de voyageurs est ainsi soumis au taux de TVA de 10 % depuis bientôt deux ans. Cette refonte des taux de TVA concourt au financement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
À l’opposé, l’impact sur les finances publiques d’une baisse au taux de 5,5 % de la TVA applicable au transport public de voyageurs est évalué à près de 1 milliard d’euros, dans la mesure où le droit communautaire n’autorise pas de traitement différencié entre les modes de transport. En effet, il conviendrait dans cette hypothèse de faire bénéficier de cette baisse tous les opérateurs, publics ou privés, de transport de passagers – aérien, ferroviaire, routier, etc. –, car il n’est pas possible de déterminer des critères objectifs et socialement acceptables pour cantonner cette baisse aux seuls transports collectifs de proximité.
M. Louis Nègre. Nous allons vous aider à définir des critères !
Mme Évelyne Didier, rapporteur. Il en existe, comme le taux d’émission de CO2 !
M. André Vallini, secrétaire d’État. Pour l’ensemble des raisons que je viens d’évoquer, le Gouvernement ne soutient pas la proposition de loi présentée ce soir.
Le maintien et le développement d’une offre de transport ferroviaire régional de qualité font déjà partie intégrante de la politique que nous menons en matière de transport, mais aussi en matière de maîtrise de la dépense publique, de préservation de la compétitivité des entreprises et de lutte contre le chômage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux féliciter notre rapporteur pour cette proposition de loi qui nous permet de discuter de sujets sur lesquels nous sommes souvent mobilisés. Les engagements d’Évelyne Didier sont bien connus, et nous apprécions toujours de débattre avec elle, même si je suis désolé de ne pas pouvoir la suivre dans la défense de ce texte.
La proposition de loi que nous examinons cet après-midi comporte quatre articles et vise trois objectifs.
Du rapport de la commission sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire, les TET, présidée par notre collègue député Philippe Duron, à la libéralisation des lignes d’autocars issue de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, en passant par le versement transport et la réduction de la TVA sur les transports publics urbains et interurbains de voyageurs, l’exposé des motifs couvre un large champ de propositions, qui ont été avancées avec plus ou moins de succès ces dernières années.
Malheureusement, cette proposition de loi, quelque peu opportuniste,… (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Évelyne Didier, rapporteur. Elle n’est pas du tout opportuniste !
M. Jean-Jacques Filleul. … part d’un constat erroné, à la fois quant au rapport de la commission TET et quant aux conséquences de l’ouverture des lignes nouvelles d’autocars. Si bien que nous pourrions, si nous avions mauvais esprit – mais ce n’est pas le cas ! –, considérer que les auteurs de la proposition de loi, qui présentent le droit à la mobilité comme la pierre angulaire de leur texte, ne le favorisent guère !
S’agissant de ce droit, en effet, il est essentiel, afin qu’il s’exerce, de mettre en œuvre une complémentarité entre les modes de transports. C’est précisément ce que fait la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, en permettant de développer une offre de mobilité là où il n’en existait pas.
L’article 1er revient sur les dispositions relatives à l’ouverture à la concurrence des lignes d’autocars figurant dans la loi Macron.
Nous avions voté ce texte avec beaucoup enthousiasme puisque, justement, les besoins et les aspirations à la mobilité n’ont sans doute jamais été aussi prégnants dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Personne n’ignore ici, d’ailleurs, que le manque de moyens collectifs de transports participe grandement au mécontentement de nos concitoyens vivant en secteur rural ou interurbain, en particulier.
La réforme du transport par autocar est entrée en vigueur le 6 août dernier. L’éventualité d’un développement de l’autocar comme alternative pertinente au train n’est pas une idée nouvelle. Elle fut évoquée, dans un premier temps, aux Assises du ferroviaire en 2011, puis par le rapport Duron dans les attendus de la commission Mobilité 21 en 2013, par l’avis de l’Autorité de la concurrence de 2014 relatif au fonctionnement concurrentiel du marché du transport interrégional régulier par autocar, et, enfin, par la Cour des comptes, dans son rapport intitulé La grande vitesse ferroviaire : un modèle porté au-delà de sa pertinence.
Je complète ces éléments en soulignant qu’il est illusoire de penser que le ferroviaire peut répondre à l’intégralité des besoins de transport collectif. Le développement de l’autocar, pour de multiples raisons, permet de remplacer l’usage du véhicule individuel par l’utilisation d’un transport collectif, à l’heure où 83 % de la mobilité des Français est assurée par la voiture individuelle.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Filleul. Cette réforme est bienvenue, d’autant qu’elle est d’application directe et rapide pour les liaisons de plus de cent kilomètres. La loi prévoit, fort heureusement, un encadrement de l’ouverture des liaisons inférieures ou égales à cent kilomètres.
Je rappelle, et cela est une protection importante pour les trains régionaux, que l’ouverture d’une liaison d’autocar doit être notifiée par l’autorité organisatrice de transports, le plus souvent la région, dans un délai de deux mois. C’est l’ARAFER qui, après analyse, émet un avis conforme ou non en tenant compte des équilibres entre le ferroviaire et la route, afin d’éviter une concurrence nuisible au mode ferroviaire régional.
Comme cela a été dit récemment par M. le ministre de l’économie, plus de 250 000 passagers ont été transportés, deux fois plus qu’au cours de toute l’année 2014 ; 75 villes sont nouvellement desservies ; 275 autocars assurent des liaisons quotidiennes. En outre, 20 emplois en moyenne sont créés chaque jour.
J’ajoute deux points supplémentaires à mon argumentation : cette évolution a été bien reçue par l’opinion ; chez nos voisins, en Allemagne, en Espagne, en Angleterre, ces services d’autocars permettent à 8 à 10 millions de voyageurs d’exercer ce droit à la mobilité sans mettre en cause le ferroviaire.
Par ailleurs, il n’est pas interdit d’imaginer qu’une filière industrielle de construction d’autocars propres s’ouvre dans notre pays.