Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier la commission d’avoir soutenu l’amendement que j’ai déposé. Je voudrais vous dire, en quelques mots, pourquoi cet amendement me paraît important.
Vous savez que cette réforme a été engagée pour préfigurer la suppression des départements. C’est ainsi que nous avons assisté à la mise en place de chambres régionales de commerce qui ont privé les chambres départementales de leurs ressources. Nous voyons d’ores et déjà la traduction concrète de cette volonté délibérée.
Dans mon département, la chambre de commerce joue un rôle essentiel : c’est elle qui est chargée du développement économique du département, car celui-ci n’a pas créé d’agence. La chambre de commerce a ainsi créé l’école supérieure de commerce. Aujourd’hui, elle ne peut plus la financer, parce que les recettes remontent à la chambre régionale. Si nous voulons conserver des instruments permettant une action de proximité dans les départements qui n’accueillent pas un chef-lieu, il est essentiel d’être attentif à créer les conditions qui permettent à ces instruments d’exister.
La volonté du Gouvernement et des grandes chambres régionales de commerce est de faire en sorte que ne subsistent plus qu’une chambre régionale au chef-lieu de la grande région et les anciennes chambres régionales, toutes les autres chambres étant supprimées. Cette démarche est contraire à l’efficacité économique, puisque nous aurons ainsi un niveau de plus. Nous acceptons, quant à nous, qu’une chambre régionale soit créée dans la grande région et que les chambres départementales continuent de travailler auprès du terrain, afin que les entreprises et le commerce trouvent des interlocuteurs de proximité, gages d’efficacité administrative et économique.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement afin que, dans chaque département, une chambre de commerce puisse continuer à exister. Je dispose déjà d’exemples de départements qui risquent de ne plus avoir de chambre consulaire, parce que le pouvoir de décision va être concentré dans les anciennes capitales régionales, à l’encontre des intérêts du territoire et de la proximité. Une telle évolution me paraît assez grave. C’est pourquoi j’espère que vous pourrez soutenir mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens ce soir au nom de notre collègue Élisabeth Lamure, présidente de la délégation aux entreprises.
Le texte qui nous est soumis aujourd’hui reprend les dispositions adoptées par le Parlement, dans le cadre de l’examen du projet de loi dit « Macron », et censurées par le Conseil constitutionnel, qui y a vu des cavaliers législatifs. Le Gouvernement soumet donc de nouveau ces mesures au Parlement.
Dans son article 1er, relatif aux chambres de commerce, le texte rend opposable les schémas directeurs élaborés par les chambres de région. Il crée un nouveau schéma régional d’organisation de missions, également opposable, et il étend les possibilités de fusion entre les CCI départementales.
Dans son article 2, relatif aux chambres de métiers et de l’artisanat, il autorise la fusion de chambres départementales et précise les modalités de regroupement des chambres de niveau infrarégional en chambres de région.
Enfin, dans son article 3, le texte ratifie une ordonnance prise en application de la loi NOTRe. Pour les CCI, cette ordonnance prévoit les modalités de fusion des CCIR pour mettre ce réseau en conformité avec la nouvelle carte des régions, sans attendre les élections consulaires prévues à la fin de 2016. Pour les chambres de métiers, elle adapte leur réseau à la nouvelle carte territoriale, le choix de la forme juridique de la nouvelle chambre de niveau régional devant être arrêté avant le 31 janvier 2016.
L’objectif global de ce texte est donc d’adapter les deux réseaux consulaires à la nouvelle carte des régions, entrée en vigueur depuis le début de cette année, et de renforcer le mouvement de régionalisation de ces réseaux, entamé avec la loi du 23 juillet 2010. Comme le soulignait le rapport de nos collègues Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat, la loi de 2010 a enclenché un mouvement de « régionalisation à la carte ». Il s’agit aujourd’hui de faire un pas supplémentaire et de passer de la régionalisation à la « rationalisation » du réseau.
À ce stade, je veux saluer l’action des réseaux consulaires : chambres de commerce et d’industrie, chambres de métiers et de l’artisanat, sans oublier les chambres d’agriculture, que M. le rapporteur a d’ailleurs auditionnées pour établir son rapport. Ces trois réseaux forment un maillage territorial dense et jouent un rôle important dans l’accompagnement des entreprises, la formation et l’apprentissage.
En ce qui concerne l’apprentissage, en particulier, ces réseaux consulaires sont, à l’évidence, très performants, malgré une conjoncture peu favorable depuis le début de ce quinquennat – il faut le dire ! Les choix opérés en début de mandat par le Gouvernement ont en effet provoqué une baisse significative du nombre d’apprentis, de 8 % en 2013 et de 3,2 % en 2014. Parallèlement, le taux de chômage des jeunes n’a cessé d’augmenter, et le nombre d’emplois non pourvus s’élève toujours à plus de 300 000. Cette situation est ubuesque ! C’est la raison pour laquelle la délégation aux entreprises présentera très prochainement une proposition de loi portant sur ce sujet, à l’élaboration de laquelle le réseau consulaire sera naturellement associé.
Quoi qu’il en soit, nous devons veiller à ce que les réseaux consulaires, en tant qu’acteurs importants de la formation professionnelle et de l’apprentissage, puissent poursuivre leur mission dans de bonnes conditions.
Il s’agit de trouver un juste équilibre entre une dispersion des chambres consulaires, qui peut rendre leurs actions parfois illisibles, et une organisation qui soit suffisamment proche des acteurs de terrain – je pense notamment au milieu rural. En effet, depuis quelques décennies, le processus de « métropolisation » a vu les grandes villes se tourner vers des activités à fort potentiel de valeur ajoutée, comme la conception, la recherche, la gestion, la finance, le commerce interentreprises, tant et si bien que les grandes métropoles concentrent désormais les meilleurs PIB de notre pays, avec un tiers du PIB français pour la seule région parisienne, par exemple.
Cette concentration, si elle permet de tirer l’économie de la France vers le haut, est parfois intervenue au détriment des territoires éloignés des grandes métropoles, des territoires ruraux, qui se sentent aujourd’hui délaissés, avec une activité économique qui peut être à la peine et des Français qui tendent à se paupériser. Le réseau consulaire, dans sa réorganisation, doit ainsi particulièrement veiller à sa proximité avec les entreprises de ces territoires, des TPE, PME ou ETI, qui y maintiennent une activité et des emplois.
À cet égard, les choix de réorganisation basés uniquement sur des chiffres bruts et décontextualisés ne sont pas les bons : en imposant un seuil de 10 000 ressortissants pour le maintien d’une CCI, le Gouvernement a commis la même erreur que pour la taille des EPCI dans la loi NOTRe, c’est-à-dire qu’il n’a pas tenu compte des situations locales, où, d’ailleurs, les petites CCI n’ont pas de technostructure coûteuse, mais où elles ont, en revanche, de vraies valeurs de proximité. C’est pourquoi je défendrai le texte de la commission, qui prévoit le principe d’une CCI par département ou, éventuellement, d’une CCI interdépartementale, au cas où quelques réseaux départementaux le souhaiteraient. À défaut d’être examiné ce soir, ce point devra probablement être abordé en CMP. Le bon dosage entre régionalisation, rationalisation et proximité nous semble essentiel.
Les chambres consulaires doivent rester des interlocuteurs attentifs ayant les moyens financiers et territoriaux d’accompagner au plus près les entreprises et le commerce. Notons qu’au lieu d’être soutenues dans leurs missions, les CCI ont vu leurs moyens drastiquement réduits ces dernières années, avec près de 400 millions d’euros en moins en raison du plafonnement des taxes affectées, combiné au prélèvement sur leurs fonds de roulement.
Voilà quelques mois, en déplacement avec la délégation aux entreprises, nous avons été accueillis par un président de CCI par ces mots : « Bienvenue dans une chambre de commerce et d’industrie qui va mourir ! » Vous le voyez, la situation de certaines chambres est désormais très fragile. Ainsi, vous vous souvenez que nous avons été contraints de créer un fonds de péréquation entre les CCI, doté de 18 millions d’euros, qui a notamment pour objectif de venir en aide aux CCI les plus en difficulté financièrement.
Pour conclure, je voudrais insister sur ce qui doit être notre objectif commun, à savoir le développement de l’activité économique, car c’est bien sûr de là que viendra la création d’emplois durables. À cet effet, écoutons ce que les chefs d’entreprise, que nous les rencontrons régulièrement avec la délégation aux entreprises, nous disent. Le constat est le même partout sur le territoire : ils demandent moins de contraintes réglementaires étouffant leur activité, moins d’impôts et de charges finançant les dépenses publiques et un système de formation davantage en adéquation avec les besoins réels du marché. Sur tous ces points, je le répète, l’action et le soutien des réseaux consulaires sont absolument cruciaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Bataille.
Mme Delphine Bataille. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les chambres consulaires, partenaires essentiels de la concertation entre la sphère économique et les pouvoirs publics, jouent un rôle stratégique dans chacun de nos territoires pour l’accompagnement des petites et moyennes entreprises et assurent une part importante de la formation. Ce texte, qui s’inscrit dans le prolongement des dernières évolutions des réseaux consulaires, consacre leur rôle central pour notre économie.
Le projet de loi apporte des précisions à la loi de 2010, qui avait réorganisé ces réseaux autour de l’échelon régional, et permet les mutations nécessaires à la nouvelle organisation territoriale, caractérisée notamment par une nouvelle délimitation des régions. Avec ses compétences économiques renforcées par la loi NOTRe, la région constitue, pour les réseaux consulaires, non seulement le principal partenaire financier direct, mais aussi l’échelon le plus pertinent de la coopération.
La loi de 2010 n’a pas mis fin à la coûteuse dispersion des structures consulaires, car elle a autorisé une régionalisation à la carte. De cette dispersion des réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat résulte une mauvaise articulation entre leur action et les politiques économiques menées par les collectivités régionales.
Très peu de CCI ou de CMA ont fait le choix opéré par le Nord-Pas-de-Calais, qui avait entrepris dès 2006, comme Mme la secrétaire d’État l’a rappelé, une démarche de regroupement des chambres en fonction des flux économiques et non des bassins de vie. Ainsi, la CCI de région Nord-de-France avait fusionné avec les autres chambres de sa circonscription dans un même établissement public et avait signé avec la région Nord-Pas-de-Calais une délégation de service public pour l’action à l’international, qui, nous l’espérons, sera pérennisée. Cette régionalisation a également permis de favoriser la contractualisation entre la CRMA et la région portant sur un programme de développement de l’artisanat, qui se poursuivra jusqu’en 2020.
Toutefois, il faut noter que, pour la région Nord-Pas-de-Calais, les regroupements ont entraîné la suppression de 130 postes. Il nous faudra donc être extrêmement vigilants sur l’impact social et être attentifs au devenir des agents de ces chambres consulaires, qui ont acquis des connaissances essentielles des territoires et de leurs entreprises.
Ce projet de loi, par la rationalisation des réseaux et le renforcement de l’échelon régional qu’il annonce, est d’abord gage d’efficacité et d’une meilleure lisibilité. Il facilitera ainsi la coopération avec les collectivités. De même, la mutualisation des fonctions administratives doit favoriser la réalisation d’économies et, in fine, améliorer les services rendus aux commerçants et artisans. Ces mesures, voulues par une grande majorité de chambres, permettront des fusions et des rationalisations, qui ne remettront pas en cause les services publics de proximité.
Si certaines de ces dispositions avaient fait l’unanimité lors de leur adoption dans le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, elles avaient été déclarées inconstitutionnelles pour des raisons de forme.
Les professionnels, qui ont besoin aujourd’hui de ce texte pour poursuivre leur rationalisation et réaliser des économies d’échelle, ont accueilli d’autant plus favorablement le projet de loi que le schéma proposé respecte la liberté de choix de gouvernance régionale. Ils espèrent que le texte pourra être voté rapidement, car les futures élections consulaires prévues en novembre 2016 supposent une fixation des règles au plus tard au printemps prochain. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement, comme le Gouvernement et d’autres collègues, visant à revenir sur la disposition adoptée par la commission privant les chambres consulaires de la souplesse qu’elles souhaitent conserver dans leurs possibilités d’organisation. Nous invitons donc le Sénat à voter ces amendements et ce projet de loi très attendu. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat
Titre Ier
CHAMBRES DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE
Article 1er
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 711-1 est ainsi rédigé :
« À l’initiative de la chambre de commerce et d’industrie de région ou à leur propre initiative, des chambres de commerce et d’industrie territoriales peuvent être réunies en une seule chambre territoriale dans le cadre des schémas directeurs mentionnés au 2° de l’article L. 711-8. Elles disparaissent au sein de la nouvelle chambre territoriale ou peuvent devenir des délégations de la chambre territoriale nouvellement formée et ne disposent plus dans ce cas du statut d’établissement public. » ;
2° L’article L. 711-1-1 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, le mot : « Les » est remplacé par les mots : « À l’initiative de la chambre de commerce et d’industrie de région ou à leur propre initiative, des » ;
b) Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de fusion de l’ensemble des chambres de commerce et d’industrie territoriales d’une région en une chambre de commerce et d’industrie de région, il y a au moins une délégation de la chambre régionale nouvellement formée dans chaque département. Ces délégations ne sont pas dotées de la personnalité morale.
« En l’absence de fusion mentionnée à l’alinéa précédent, il y a au moins une chambre de commerce et d’industrie territoriale dans chaque département. »
3° L’article L. 711-8 est ainsi modifié :
a) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Élaborent et votent, à la majorité des deux tiers des membres présents ou représentés, la stratégie régionale et le schéma régional d’organisation des missions opposable aux chambres de commerce et d’industrie de leur circonscription ainsi que, chaque année, à la majorité des membres présents ou représentés, le budget nécessaire à la mise en œuvre de cette stratégie et de ce schéma ; »
b) Au 2°, après le mot : « directeur », il est inséré le mot : « opposable » et, après la première occurrence du mot : « territoriales », il est inséré le mot : « , locales » ;
c) Au 4°, après le mot : « sectoriels », sont insérés les mots : « et avec le schéma régional mentionné au 1° » ;
d) Le 6° est ainsi rédigé :
« 6° Assurent, au bénéfice des chambres de commerce et d’industrie territoriales qui leur sont rattachées, des fonctions d’appui et de soutien ainsi que toute autre mission pouvant faire l’objet d’une mutualisation et figurant dans le schéma régional d’organisation des missions, dans des conditions et des domaines précisés par décret en Conseil d’État ; »
4° À la fin du dernier alinéa du I de l’article L. 711-10, les mots : « une partie des fonctions de soutien mentionnées au 6° de l’article L. 711-8 » sont remplacés par les mots : « tout ou partie des fonctions mentionnées au 6° de l’article L. 711-8, à l’exception de la gestion des agents de droit public sous statut » ;
5° À la seconde phrase de l’article L. 711-13, les mots : « et vice-présidents » sont supprimés ;
6° L’article L. 711-22 est ainsi modifié :
a) Au début, sont ajoutés les mots : « À l’initiative de la chambre de commerce et d’industrie de région ou à sa propre initiative, » ;
b) Les mots : « à sa demande et en conformité avec le » sont remplacés par les mots : « dans le cadre du » ;
7° L’article L. 712-4 est abrogé ;
8° L’article L. 713-12 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du II, le mot : « soixante » est remplacé par le mot : « cent » ;
b) Le second alinéa du même II est supprimé ;
c) Au premier alinéa du III, le mot : « cent » est remplacé par les mots : « cent vingt » ;
d) Les trois premières phrases du second alinéa du même III sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées :
« Chaque chambre de commerce et d’industrie territoriale, locale ou départementale d’Île-de-France est représentée au sein de la chambre de commerce et d’industrie de région à laquelle elle est rattachée à due proportion de son poids économique. Lorsque le nombre de chambres de commerce et d’industrie territoriales, locales ou départementales d’Île-de-France rattachées à une même chambre de commerce et d’industrie de région est égal à deux, il peut être dérogé à cette règle dans des conditions fixées par décret. » ;
9° Au 4° de l’article L. 920-1, les mots : « les articles L. 712-2, L. 712-4 ainsi que » sont remplacés par la référence : « l’article L. 712-2, ».
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. Je ne souhaite pas allonger le débat, mais, même si un certain nombre de choses ont déjà été dites dans la discussion générale, l’article 1er, qui a pour objet de rationaliser le réseau des CCI, mérite qu’on en dise quelques mots.
Rationalisation, modernisation, simplification, mutualisation… Derrière ces mots, qui ne cessent d’être employés, se cache une autre réalité : toujours moins de proximité et toujours plus d’austérité ! Nous considérons qu’il est dangereux de poursuivre dans cette voie.
Cette recentralisation régionale ignore complètement les territoires et leurs spécificités. En commission, deux amendements identiques ont cependant été adoptés afin de maintenir la présence d’une CCI dans chaque département. Il s’agit d’une bonne mesure, mais elle ne règle pas tout. Régionaliser les CCI permettra certainement de réaliser quelques économies, mais, dans le même temps, remettra en cause tout un pan de l’aménagement du territoire.
Dépouiller les départements de leurs acteurs économiques pour renforcer l’échelon régional est, de notre point de vue, une erreur, compte tenu de l’étendue des nouvelles régions. Par exemple, ma région, Nord-Pas-de-Calais-Picardie, en plus d’être vaste – le bassin creillois est à 200 kilomètres de Lille ! –, est très diverse : grands ports internationaux, terres agricoles, zones désindustrialisées, pôles urbains…
Nous le savons, la proximité est un gage d’efficacité et, à ce titre, elle ne doit pas être bradée. Les CCI sont des relais sur les territoires et portent un effort particulier en faveur du développement économique, qui ne pourra pas être aussi pertinent si elles sont éloignées des lieux d’activité.
Pour notre part, nous n’acceptons pas d’organiser la casse de ce service public pour répondre à la demande d’économies budgétaires.
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements, présentés par MM. Delahaye et Dassault.
L'amendement n° 10 rectifié est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
région
insérer les mots :
autre que la région Île-de-France
L'amendement n° 11 rectifié est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
région
insérer les mots :
autre que la région Île-de-France
La parole est à M. Serge Dassault, pour présenter ces deux amendements.
M. Serge Dassault. Je défends ces amendements à la demande de notre collègue Vincent Delahaye.
En l’état actuel, le projet de loi aura de graves répercussions pour les CCI de l’Essonne et de la Seine-et-Marne : elles seront amenées à disparaître. Or pourquoi changer ce qui marche ? Ce texte revient en effet sur des dispositions dérogatoires adoptées en 2010, que j’avais moi-même défendues dans cet hémicycle devant Hervé Novelli, alors secrétaire d’État au commerce. Celui-ci avait accepté de conserver deux chambres de commerce et d’industrie autonomes, à la grande satisfaction de tous leurs adhérents.
Rien ne justifie aujourd’hui de remettre en cause le statut d’établissement public de ces deux CCI. Leur force réside dans leur capacité à rendre des services qui répondent aux attentes de toutes les entreprises de leur territoire. Leur statut actuel est un gage de proximité, de qualité et d’efficacité. Il leur offre la possibilité de proposer des accompagnements et des conseils, en cohérence avec les besoins du tissu économique et social.
Revenir sur cette exception francilienne reconnue en 2010 aura des conséquences néfastes pour l’Essonne et la Seine-et-Marne, ainsi que pour le service de leurs adhérents : l’assemblée générale ne sera plus une instance décisionnelle au plan local, l’action territoriale sera limitée et nécessitera de s’en remettre à un arbitrage régional – or les intérêts de la petite et de la grande couronne divergent – ; il sera également impossible de contractualiser localement et librement avec des partenaires ou encore de percevoir directement des ressources propres provenant de subventions ou de la vente de prestations.
Mes chers collègues, depuis de nombreuses années, l’Essonne est un exemple de collaboration entre l’ensemble des acteurs économiques locaux, qui travaillent en bonne intelligence dans l’intérêt des entreprises du département. Il est primordial de conserver le statut actuel de sa CCI. Nous ne pouvons pas accepter un retour en arrière, qui reviendrait à supprimer la liberté totale de développement économique, à nuire à son efficacité et, finalement, à entraîner une réduction globale de l’activité.
Le MEDEF, avec son président Christian Thérond, et la CGPME, avec son président Olivier Boudon, sont également opposés à ce projet de réorganisation, de même que Philippe Lavialle, président de la CCI de l’Essonne, qui fait un travail remarquable.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de soutenir avec moi ces amendements, pour le développement économique de l’Essonne et de la Seine-et-Marne. S’ils sont adoptés, ils permettront aux CCI de conserver leur personnalité juridique et une liberté d’action indispensable pour continuer à offrir aux entreprises de l’Essonne et de la Seine-et-Marne des services spécifiques adaptés à leurs besoins.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Houel, rapporteur. Il s’agit d’amendements très particuliers pour moi, puisqu’ils me rappellent que nous avons lutté avec succès, à une certaine époque, madame Bricq, pour défendre les intérêts des Seine-et-Marnais.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Michel Houel, rapporteur. Raison de plus pour ne pas changer d’avis maintenant… (Sourires.)
Le texte du projet de loi recèle une certaine ambiguïté sur la question de savoir si une évolution du statut des chambres territoriales de Seine-et-Marne et de l’Essonne peut être imposée à celles-ci contre leur gré. Les auteurs de ces amendements entendent la lever totalement en garantissant l’autonomie de ces deux chambres au regard d’une évolution institutionnelle future, ce qui conforterait la volonté du législateur de 2005 d’assurer un traitement particulier en Île-de-France, dérogatoire à celui qui s’applique au reste des CCI. L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Je tiens à vous rassurer, monsieur Dassault : la spécificité francilienne est déjà inscrite dans le code de commerce. Le projet de loi n’a pas pour objet de revenir sur cette disposition. Les CCI de l’Essonne et de la Seine-et-Marne conserveront donc leur statut d’établissement public.
Vos amendements étant satisfaits, je vous invite à les retirer.
Mme la présidente. Monsieur Dassault, les amendements nos 10 rectifié et 11 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Serge Dassault. Il n’est pas question de les retirer ! Ces CCI marchent bien, elles font bien leur travail de développement économique dans les deux départements de l’Essonne et de la Seine-et-Marne. Pourquoi voulez-vous mettre fin à ce système ? Pour empêcher le développement économique ? C’est complètement idiot !
Il faut que ces deux CCI continuent à travailler comme elles le font depuis 2010, comme l’avait accepté Hervé Novelli. Je ne vois pas pourquoi on changerait quelque chose qui marche !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Il est vrai qu’avec nos collègues de la Seine-et-Marne et de l’Essonne, notamment avec Claire-Lise Campion, sénatrice de l’Essonne, nous avions bataillé pour garder la spécificité de nos chambres de commerce et d’industrie. La singularité de l’Île-de-France, c’est que le regroupement des CCI avait déjà eu lieu. Ainsi, la CCI de Paris, qui est très puissante, on le sait, avait été rejointe par celles des Yvelines, du Val-d’Oise et des Hauts-de-Seine, qui est très importante. Restaient donc en grande couronne la Seine-et-Marne et l’Essonne.
Monsieur Dassault, vous avez raison, il ne faut pas tuer ce qui marche. Ce qu’il faut, c’est garder ce que nous avions obtenu dans le code de commerce. J’ai d’ailleurs sous les yeux le troisième alinéa de l’article L. 711-11 du code de commerce : « Toutefois, par dérogation aux dispositions prévues au deuxième alinéa, les chambres de commerce et d’industrie de la Seine-et-Marne et de l’Essonne peuvent décider de conserver le statut juridique d’établissement public dans des conditions définies par décret. ». C’était ce qui était en question quand nous avons bataillé, et nous avons eu gain de cause.
Mme la secrétaire d'État vient de nous dire que le projet de loi ne change rien au code de commerce. Or j’ai la même volonté que vous, mon cher collègue : garder cet outil performant et utile. En effet, ces deux départements sont à la fois urbains – pour le mien, toute la frange ouest est très urbaine –, périurbains et ruraux. Il faut d’autant plus garder cette entité juridique que la remontée du financement aux chambres régionales était déjà actée dans la loi qui avait été présentée par l’ancienne majorité. Je vous rappelle que cela n’avait pas été facile, le gouvernement de l’époque – nous étions dans l’opposition – avait dû s’y reprendre à trois fois pour faire passer son texte !
Comme Mme la secrétaire d'État vous a clairement dit que le projet de loi ne changeait rien à ce que nous avions voté, il me semble que vous pourriez retirer votre amendement.