M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite avant tout remercier vivement les membres de la délégation aux droits des femmes, en particulier sa présidente et ses rapporteurs, pour l’immense travail effectué sur un sujet particulièrement complexe et douloureux, une synthèse du rapport ayant même été traduite en anglais.
Beaucoup de choses ont déjà été dites par les collègues qui m’ont précédé à la tribune ; je me contenterai donc de revenir sur les quelques points qui me semblent les plus importants.
Les femmes et les mineurs sont les premières victimes de la traite des êtres humains, qu’on appelait il y a fort longtemps la « traite des blanches ».
Les chiffres des Nations unies sont édifiants et inquiétants ; ils nous interpellent et doivent nous amener à nous remettre en question, afin de tenter de trouver des solutions.
Le chiffre d’affaires mondial du trafic d’êtres humains, qui est lié à la criminalité internationale, est estimé à plusieurs milliards de dollars. Force est de constater que la traite des êtres humains prend plusieurs formes : il peut s’agir d’exploitation par le travail, de prostitution, mais aussi de prélèvement illégal d’organes.
Il y a encore quelques jours, nous apprenions la sinistre découverte, en Inde, d’une « usine » à bébés. Mais il n’est pas besoin d’aller aussi loin : en 2010, au Kosovo et en Moldavie, la mission européenne EULEX, avait mis au jour un trafic d’êtres humains et d’organes.
Les collègues qui se sont exprimés avant moi ont très bien exposé les enjeux et les difficultés rencontrées par les États pour lutter, au plus haut niveau, contre la traite des êtres humains. Le combat contre cet esclavage moderne mérite de faire l’objet d’une très forte mobilisation et surtout d’une véritable coopération entre tous les États.
Concernant la prostitution, par exemple, nul ne peut ignorer le rôle joué par les mafias qui sévissent en Albanie, mais dont les ramifications dépassent les frontières de cet État et se prolongent en Hongrie ou au Kosovo. En la matière, la coopération policière et judiciaire européenne est primordiale.
Il ne faut d’ailleurs pas minorer le rôle d’internet : si la lutte contre la cyberprostitution pose des difficultés juridiques et techniques, l’exploitation des femmes concernées n’est pas virtuelle.
Enfin, il est impossible d’aborder ce sujet, aujourd’hui, sans évoquer le trafic illicite de migrants. Les passeurs s’organisent de mieux en mieux, à mesure notamment que les États rencontrent des problèmes de gouvernance.
Je pense à cet instant aux jeunes filles enlevées par Boko Haram – peu d’entre elles ont retrouvé leur foyer –, ainsi qu’aux femmes yézidis enlevées et torturées par Daech. Je veux dire ici combien nous devons nous mobiliser contre ces crimes, et contre toutes les formes de barbarie que les femmes esclaves de Daech subissent.
Certes, il s’agit d’un combat de longue haleine ; quoi qu’il en soit, madame la ministre, il faut y consacrer tous les moyens nécessaires, financiers et humains. Une première étape a été franchie, incontestablement, avec la création, en 2013, de la MIPROF, la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains. Ce problème concerne en effet les administrations de la santé, de l’intérieur, des affaires sociales, de la justice, de l’éducation nationale, les collectivités territoriales, les associations, les bénévoles, les professionnels de santé et, au-delà, l’ensemble de la population. La mobilisation de tous les acteurs est nécessaire.
Certes, la tâche reste immense, mais il ne faut surtout pas baisser les bras. Ce combat passe par l’affirmation sans relâche de l’égalité entre les hommes et les femmes. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes. Monsieur le président, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je souhaite d’abord vous remercier de m’avoir invitée à débattre des conclusions et recommandations de ce rapport sur la traite des êtres humains, à la rédaction duquel ont été associés tous les groupes politiques représentés au Sénat.
Je salue l’esprit de consensus qui a guidé vos réflexions communes sur cet enjeu qui requiert la mobilisation de toutes et de tous. Je tiens à remercier Mmes Jouanno, Garriaud-Maylam, Doineau, Gonthier-Maurin, Blondin, Bouchoux, Jouve, Estrosi Sassone et M. Laménie de leurs interventions convergentes, tant dans l’ambition que dans la qualité des propos.
Quant au sénateur Masson, il a déjà quitté l’hémicycle après avoir passé trois minutes à y jeter quelques boules puantes… Son comportement m’évoque avant tout ces enfants qui, ne sachant pas comment attirer l’attention des adultes, profitent d’un moment de silence pour égrener les quelques gros mots qu’ils connaissent. (Rires.) Les parents expérimentés que nous sommes savent comment traiter ces provocations puériles… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit également.)
Nos échanges attestent de la richesse du travail accompli, mais aussi de l’immensité du défi que nous avons collectivement à relever pour faire reculer cette barbarie ô combien moderne du XXIe siècle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez évoqué les jeunes femmes yézidis vendues comme esclaves, sexuelles ou non, par les assassins de l’État islamique, et victimes d’un véritable féminicide, ou encore les jeunes filles enlevées par Boko Haram. Je propose que nous leur dédiions ce débat. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin approuve.)
En France, ce combat est l’affaire de tous : travailleurs sociaux, personnels soignants, forces de police et de gendarmerie, magistrats, associations et élus, bien sûr, comme en témoignent vos travaux et ce débat.
C’est aussi la responsabilité de chaque citoyen qui est engagée face à cette négation organisée de l’humanité, qui humilie, torture et parfois tue. Le ministère dont j’ai la charge est évidemment en première ligne pour combattre cette violence de l’esclavage dit « moderne », auquel la France est de plus en plus exposée, en tant que pays de destination, mais aussi de transit, de ces trafics.
Le nombre des victimes de la traite des êtres humains augmente à proportion des profits engendrés par cette forme de criminalité, qui ne cessent de croître. Comme le confirme votre rapport, les femmes et les mineurs sont les premières cibles et les premières victimes de ces trafics, qui visent très majoritairement l’exploitation sexuelle.
Ce n’est pas un hasard si c’est la délégation aux droits des femmes qui a donné de la visibilité à ce sujet, dans la continuité du travail déjà effectué sur la prostitution, en dialogue permanent avec le Gouvernement.
De 85 % à 90 % des personnes prostituées identifiées en France sont d’origine étrangère et victimes des réseaux de proxénétisme. Nous assistons aussi à une inquiétante augmentation du nombre de mineurs exploités, contraints à la mendicité forcée, à la commission de délits et à l’exploitation sexuelle.
Dans le droit fil de ses engagements européens et internationaux, la France est pleinement mobilisée pour combattre, par tous les moyens, cette forme d’esclavage. C’est à cette fin que le Gouvernement a adopté, en 2014, un plan triennal d’action national contre la traite des êtres humains, fondé sur un triple objectif de prévention, de protection des victimes et de répression des trafiquants. Ce plan a commencé à porter ses fruits ; j’y reviendrai.
Toutefois, nos efforts, consentis à l’unisson de la communauté internationale, se heurtent aux bouleversements auxquels l’Europe fait face à l’occasion de la crise des réfugiés et des migrants. Votre rapport et vos interventions l’ont parfaitement mis en lumière : les déplacements massifs de populations liés à la multiplication des conflits ont une incidence avérée sur l’évolution du phénomène de la traite.
Bien entendu, les femmes et les enfants qui fuient leur pays sont particulièrement exposés à l’exploitation, notamment à des fins sexuelles, puisqu’on observe un véritable continuum entre traite, prostitution et violences. Surtout, avec l’afflux massif de migrants plongés dans une situation de vulnérabilité extrême, la traite change non seulement d’échelle, mais aussi de nature.
C’est donc un double objectif qui nous est assigné : anticiper la menace d’une expansion des réseaux, favorisée par la présence de migrants, et mettre la traite des êtres humains au centre de notre réflexion sur la régulation de ces flux migratoires.
Nous disposons aujourd’hui d’outils efficaces, qui ont permis des avancées tangibles dans la lutte contre la traite des êtres humains. Pour la première fois, en effet, notre pays dispose en la matière d’une véritable politique publique interministérielle, que le Gouvernement s’est attaché à développer depuis 2012.
Ce volontarisme inédit s’est exprimé selon trois axes majeurs : le renforcement de l’arsenal législatif, la création, en 2013, de la MIPROF, qui assure la coordination nationale de notre politique, et l’adoption du premier plan d’action national contre la traite des êtres humains, pour la période 2014-2016.
Nous entrons dans la dernière année de mise en œuvre de ce plan. La publication de votre rapport nous donne l’occasion d’en tirer un premier bilan et de tracer quelques perspectives pour l’avenir.
Tout d’abord, je tiens à revenir brièvement sur les avancées législatives qui ont contribué à étendre et à renforcer l’efficacité de notre action.
La loi du 5 août 2013, vous le savez, a permis de compléter le droit pénal et de le rendre pleinement conforme aux textes internationaux, en étendant notamment la définition de la traite des êtres humains à différentes formes d’exploitation : la réduction en esclavage, la soumission à du travail ou à des services forcés, la réduction en servitude, le prélèvement d’organes.
Vous recommandez, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette définition intègre les cas de mariages forcés. Je tiens à vous rappeler que la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée ne définit pas explicitement le mariage forcé comme une forme d’exploitation. Pour autant, un mariage forcé qui n’aurait pas pour but l’exploitation de l’épouse peut-il réellement ne pas être considéré comme relevant de la traite des êtres humains ?
Mme Maryvonne Blondin. Bonne question !
Mme Laurence Rossignol, ministre. La législation française est aujourd’hui en parfaite conformité avec les standards internationaux, notamment européens. Pour autant, s’agissant du mariage forcé, vous connaissez mon combat contre cette pratique, qui est en totale contradiction avec l’esprit et la lettre de nos lois.
J’ai la même responsabilité à l’égard des jeunes filles ou des femmes exposées à la menace d’un mariage forcé qu’à l’égard des victimes de la traite. L’exploitation de l’épouse victime d’un mariage forcé – au moins au sens commun, à défaut de sens juridique – ne fait aucun doute.
En matière de protection et d’accompagnement des victimes, la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a permis des progrès notables : le renouvellement automatique de la carte de séjour pendant toute la durée de la procédure pénale, l’obtention d’une carte de résident délivrée de plein droit en cas de condamnation définitive des auteurs, l’exonération de la perception des taxes et droit de timbre sur les titres de séjour.
Enfin, la loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, promulguée le 13 avril dernier, a complété utilement cet arsenal sur les deux fronts du combat contre la traite : renforcer l’accompagnement et la protection des personnes prostituées et victimes de la traite ; mieux lutter contre les réseaux.
J’espère que la sanction pénale désormais prévue pour réprimer l’achat d’actes sexuels contribuera à une prise de conscience salutaire pour les clients complices de cet esclavage. En accompagnant cette proposition de loi exceptionnelle et inédite, le Gouvernement a pris une mesure de lutte contre la traite. Voilà pourquoi je me permets de l’évoquer au titre des avancées législatives de ces dernières années.
Comme vous le savez, conformément à vos recommandations, la loi du 30 mars 2016 autorise désormais la ratification du protocole relatif à la convention n° 29 de l’Organisation internationale du travail sur le travail forcé, datant de 1930. Ce protocole complétera utilement les différents instruments internationaux dont nous disposons.
C’est dans ce cadre juridique renouvelé et renforcé que se décline notre plan triennal d’action national, selon une approche globale, pluridisciplinaire et concertée. La protection et l’accompagnement des victimes de la traite sont naturellement au cœur de notre ambition. Il s’agit non seulement de garantir leur sécurité et leur intégrité physique, mais aussi et surtout de leur permettre de jouir de nouveau de leurs droits et d’accéder à l’autonomie.
En d’autres termes, il s’agit de leur rendre cette dignité qui a été bafouée et cette humanité que l’on a niée en elles. Il s’agit également de leur permettre de reprendre leur vie en main et leur donner l’espoir d’un avenir : voilà l’enjeu qui mobilise notre quotidien.
Vous le savez, ce plan d’action interministériel se compose de vingt-trois mesures concrètes, qui s’articulent autour de trois priorités.
La première priorité est d’identifier et d’accompagner les victimes de la traite. L’objectif est de renforcer leurs droits en matière d’accès au séjour, d’accompagnement, d’hébergement et de protection. Plusieurs actions ont déjà été menées pour l’atteindre : le déploiement de référents « traite des êtres humains » au sein des préfectures pour les titres de séjour ; le renforcement de la formation des professionnels susceptibles d’identifier les victimes, grâce à des outils pédagogiques ; la promotion du dispositif ACSÉ – accueil sécurisant –, fondé sur l’éloignement géographique des victimes de réseaux de proxénétisme et de traite.
Une attention particulière est portée à l’accompagnement spécifique dont doivent bénéficier les victimes qui parviennent à s’arracher à l’enfer de l’esclavage.
Il s’agit naturellement de rendre leur situation administrative plus sûre, grâce à un véritable statut juridique, mais aussi d’agir pour qu’elles puissent retrouver des conditions de vie décentes : outre les soins médicaux et le soutien psychologique dont elles doivent bénéficier, l’aide que nous devons leur apporter passe aussi par l’accès au logement, à l’emploi, à l’éducation, pour elles et leurs enfants.
Le parcours de sortie de la prostitution prévu par l’article 5 de la loi constitue un vecteur essentiel de la réalisation de cet objectif. Cette mesure fait écho au parcours d’insertion sociale proposé pour les victimes d’autres formes d’exploitation, afin qu’elles puissent aussi bénéficier de droits élargis en matière de droit au séjour, d’aides sociales et d’hébergement.
Une expérimentation est en cours à Paris. Elle vise à protéger et à accompagner les mineurs victimes de traite des êtres humains, en partenariat avec les autorités locales, les professionnels de la protection de l’enfance et les associations, au bénéfice des victimes qui coopèrent avec les autorités judiciaires.
Je soutiens évidemment le projet de généraliser ce dispositif d’accueil, comme vous le suggérez, si l’expérimentation parisienne s’avère réussie, ce que je souhaite vivement.
La deuxième priorité est de poursuivre et de démanteler les réseaux de la traite.
Au volet « protection et prévention » du plan national d’action s’ajoute évidemment celui de la sanction et de la répression. La circulaire de politique pénale en matière de lutte contre la traite des êtres humains, diffusée le 22 janvier 2015, donne ainsi des orientations claires.
Nous disposons désormais d’outils adaptés en matière de poursuite des auteurs et de confiscation des biens et avoirs criminels. Je citerai deux exemples emblématiques à cet égard.
Premièrement, les compétences des inspecteurs du travail ont été élargies à la constatation et à l’établissement de procès-verbaux pour les délits caractérisés de traite des êtres humains, comme prévu à l’article 4 de la loi sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel.
Deuxièmement, en matière de coopération internationale, l’accent est mis sur le développement de l’entraide pénale et des équipes communes d’enquête. Un réseau de points de contact a également été créé le 20 juillet 2014, regroupant les postes diplomatiques de dix-sept pays d’origine particulièrement touchés par la traite des êtres humains, en vue de développer la coopération et l’échange d’informations. De nombreuses initiatives sont menées en ce sens par les ministères de l’intérieur et de la justice.
Chacun, ici, pourra se réjouir des premiers résultats observés : le nombre d’infractions pour traite des êtres humains a plus que doublé depuis 2012 et celui des condamnations a été multiplié par quatre depuis 2014.
Bien sûr, d’immenses progrès restent à accomplir. J’y vois pourtant la preuve de l’efficacité des outils que nous avons mis en place, ainsi que le signe encourageant d’un changement de culture profond, lié à la mise en œuvre d’une politique publique à part entière, qui tient « tous les bouts de la chaîne » grâce à la mobilisation d’une structure dédiée, la MIPROF, qui garantit la cohérence et la pertinence de l’action de l’État, en lien avec toutes les administrations concernées.
La mission que conduit la MIPROF est, par essence, interministérielle. Néanmoins, cela ne justifie pas, à mon sens, qu’elle soit rattachée au Premier ministre, comme vous le proposez, à l’instar d’une autre instance. Ce débat a été l’occasion de le rappeler : 80 % des victimes de traite sont des femmes et des jeunes filles mineures et neuf victimes d’exploitation sexuelle sur dix sont des femmes. Vous le savez, cette forme d’esclavage constitue l’une des innombrables expressions de la domination masculine qui s’exerce sur le corps des femmes et des violences qu’elles subissent.
Ignorer la dimension sexuée de la traite, c’est se priver de l’un des principaux outils de compréhension de ce phénomène.
Le titre de votre rapport l’illustre parfaitement : les femmes et les mineures sont les premières victimes de la traite. C’est la raison pour laquelle je juge, pour l’heure, plus pertinent que la MIPROF reste rattachée au ministère des droits des femmes. Néanmoins, je comprends le sens de votre réflexion et je souhaite que la MIPROF puisse associer, plus largement encore, toutes celles et tous ceux qui contribuent à l’accomplissement de sa mission.
Le secteur associatif est évidemment un partenaire essentiel de la mise en œuvre du plan d’action national. Comme vous, je souhaite que nous puissions davantage nous appuyer sur son expertise et son expérience, qui doivent être valorisées. À cette fin, un comité de coordination réunissant les administrations et des représentants de la société civile et des associations sera prochainement installé auprès de la MIPROF.
Cela me semble d’autant plus légitime que la MIPROF a su insuffler une véritable dynamique interministérielle, fondée sur une démarche partenariale et pluridisciplinaire. Cette démarche est évidemment soutenue par un effort budgétaire important. Comme vous le savez, les mesures du plan d’action national seront financées notamment par un fonds dédié aux victimes de la traite et à l’insertion des personnes prostituées, dont les crédits ont déjà été doublés cette année.
Cette montée en puissance se poursuivra par la mise en œuvre des mesures prévues à l’article 7, qui dispose que le fonds pourra bénéficier du produit des cessions de biens mobiliers ou immobiliers confisqués aux proxénètes ou aux auteurs de traite, ainsi que du produit des amendes forfaitaires pour l’achat d’actes sexuels.
Comme vous le rappelez très justement dans votre rapport, nous devons aller plus loin, plus vite, plus fort. Je pense, notamment, au volet « sensibilisation et formation » de notre action, qui constitue un enjeu central et doit, à ce titre, être amplifié. Plusieurs initiatives ont déjà été engagées, conformément aux recommandations que vous formulez.
La formation est évidemment notre priorité. Les groupes de travail pilotés par la MIPROF œuvrent actuellement à l’élaboration d’outils pédagogiques sur la traite des mineurs, destinés aux professionnels de la protection de l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse.
Les inspecteurs du travail bénéficieront aussi de formations adaptées au repérage et à l’identification des situations de traite, afin de pouvoir exercer les nouvelles compétences qui leur ont été confiées. Dans le même esprit, la formation des magistrats, des parquetiers et des forces de sécurité sera renforcée.
Soyez aussi assurés de notre souci de sensibiliser le grand public. Comme vous le préconisez, une campagne de communication sera lancée le 18 octobre prochain, à l’occasion de la journée européenne de lutte contre la traite des êtres humains.
Enfin, la MIPROF, en partenariat avec l’ONDRP, travaille à la création d’outils statistiques et à la réalisation d’une cartographie répertoriant les organismes et les associations qui accompagnent les victimes, ainsi que les actions engagées par les différents acteurs sur le territoire national.
Comme vous le constatez, nombre de nos préoccupations et de nos objectifs se rejoignent. Je n’en doutais pas, mais je m’en félicite, car les recommandations que vous avez formulées continueront à nourrir notre réflexion et notre action. Je pense tout particulièrement à votre analyse des défis auxquels nous confronte la crise migratoire.
La situation des femmes, des enfants et des mineurs isolés sur la lande de Calais nous préoccupe particulièrement. Chacun sait qu’ils constituent la proie des réseaux. Les témoignages des associations humanitaires en attestent, puisqu’ils évoquent de nombreux cas d’exploitation sexuelle.
Les services de l’État sont donc pleinement mobilisés aux côtés des associations qui vont à la rencontre des femmes migrantes sur la lande pour assurer leur suivi médical, comme Gynécologie sans frontières, ou prendre en charge celles qui sont victimes de traite. Je pense ici au remarquable travail effectué par l’Amicale du nid.
Nous travaillons aussi très étroitement avec le conseil départemental pour soustraire les mineurs isolés à la traque des trafiquants et assurer leur mise en sécurité. Les associations spécialisées, comme France Terre d’asile, jouent là encore un rôle essentiel dans le repérage et l’identification de ces jeunes en danger, dont le nombre a littéralement explosé dans les bidonvilles du Calaisis depuis trois ans. Les mettre à l’abri est une exigence autant qu’une urgence. J’espère donc que le projet d’ouvrir un nouveau centre agréé « aide sociale à l’enfance » à proximité de Calais, avec l’aide de l’État, se concrétisera très prochainement.
Enfin, pour répondre à Mme Bouchoux, qui faisait le lien entre le nécessaire travail de mise en lumière de la pédophilie et la traite, je redirai ici ce que j’ai déjà eu l’occasion d’exprimer ailleurs : les institutions dont sont issus les auteurs d’actes pédophiles doivent faire preuve du même courage que celui dont font preuve les victimes pour parler !
Le Gouvernement s’est engagé avec une détermination absolue tant dans la lutte contre la pédophilie que dans celle contre la traite des êtres humains. Nos échanges montrent que, si nous sommes passés de la fatalité à la responsabilité, le chemin sera encore long avant que ces crimes n’appartiennent définitivement au passé ou qu’ils soient marginalisés. C’est en conjuguant nos efforts, en France, en Europe et dans le monde entier, que nous pourrons continuer à avancer. C’est également le sens de mon action à l’ONU. Je vous remercie d’y contribuer et de me soutenir ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur les femmes et les mineur-e-s victimes de la traite des êtres humains.
Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.