M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un rapport de 2014 intitulé Tourisme et développement durable en France, le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, affirmait que la très grande diversité de richesses en France contribuait à faire de notre pays la première destination au monde pour les touristes, avec 84,7 millions d’arrivées en 2013. Son poids économique représente 7,3 % de notre PI, avec plus de 230 000 entreprises travaillant dans ce secteur, pour un effectif salarié de plus de 1 million d’emplois en équivalent temps plein. C’est dire à quel point le tourisme connaît aujourd’hui un essor continu dans la croissance mondiale, jusqu’à se substituer parfois aux secteurs d’activités traditionnels et à prendre la place de moteur de l’économie.
C’est le cas dans certaines économies ultramarines où le secteur touristique représente un levier important de croissance et une source déterminante d’activité. Dans mon territoire, à Saint-Martin, il mobilise près de 30 % des effectifs salariés déclarés. Pour autant, ce secteur décisif est confronté au dynamisme croissant des destinations concurrentes, par exemple Cuba ou la République dominicaine.
Alors que le secteur touristique est en léger recul dans nos territoires, il progresse dans les îles alentour, principalement du fait de nombreux avantages de compétitivité.
L’exemple de Saint-Martin est symptomatique de ce phénomène : l’absence d’infrastructures portuaires et aéroportuaires adaptées à l’accueil des touristes limite les capacités d’accueil des visiteurs dans la partie française de Saint-Martin, au profit de la partie néerlandaise. Je citerai un seul chiffre : nous accueillons quelques dizaines de milliers de visiteurs seulement, contre 2 millions pour les seuls croisiéristes.
Ce déficit d’infrastructures, s’il n’explique pas à lui seul notre faible compétitivité, en est cependant un facteur aggravant. Dans les territoires français, s’y ajoutent des charges d’exploitation plus élevées dues au coût du travail, à une législation complexe et contraignante pour les investisseurs potentiels ou encore, dans notre région, à une parité de change euro-dollar souvent défavorable.
Dans ce contexte économique difficile, les pouvoirs publics ont pour rôle – voire, de mon point de vue, pour obligation – d’assurer un environnement propice au développement touristique de leur territoire. Cette mission peut se décliner sous plusieurs formes. En matière d’aménagement du territoire, il s’agit d’abord de mettre en œuvre des politiques d’infrastructures et de transports en phase avec nos ambitions en matière de tourisme. Il est également du rôle des pouvoirs locaux de s’assurer que le système normatif soit favorable aux investissements privés.
Ces missions fondamentales des collectivités participent à l’attractivité du territoire et constituent ainsi une condition préalable à la définition d’une politique touristique performante.
Depuis notre accession au statut de collectivité d’outre-mer, en 2007, la collectivité territoriale de Saint-Martin est pleinement compétente en la matière. Nos interventions s’organisent autour d’une volonté de soutien aux entreprises et d’orientation du tourisme de demain, notamment au travers du document de planification stratégique du tourisme de Saint-Martin, élaboré par la direction de la stratégie et mis en œuvre par l’office du tourisme.
L’action de la collectivité se décline donc sous plusieurs formes.
La promotion du patrimoine et de l’offre touristique est assurée internationalement sur l’ensemble des salons spécialisés, avec une présence permanente à Paris et à New York, et souvent en collaboration avec des acteurs privés locaux, tels que les associations des hôteliers, des restaurateurs, des chauffeurs de taxi ou les acteurs du nautisme.
La mise en place d’un module « tourisme » dans les collèges et lycées est une démarche novatrice visant à impliquer les enseignants dans la promotion du tourisme local. Nous avons mis en place et organisé, en partenariat avec l’éducation nationale, une formation intitulée « Enseigner le tourisme à Saint-Martin ». Au vu de l’enthousiasme manifesté par les enseignants de l’île, l’initiative mériterait, monsieur le ministre, d’être reproduite dans d’autres territoires.
En matière de fiscalité, la collectivité de Saint-Martin a déployé de multiples avantages destinés à inciter à l’investissement productif dans le secteur du tourisme. Des dispositifs de défiscalisation et d’exonération de charges ont également été instaurés au niveau national.
De même, au niveau local, des aides à la rénovation et à la mise aux normes pour les petites structures et les guest houses ont été introduites. La collectivité s’est également attachée à personnaliser sa communication à l’égard des investisseurs, notamment au travers de la brochure « Investir à Saint-Martin ». La recherche de solutions fiscales innovantes vise à ne pas reproduire les erreurs des politiques de défiscalisation amorcées dans les années quatre-vingt, qui ont mené à une privatisation de la quasi-totalité du parc hôtelier et ont rendu difficile l’accès à certaines plages.
En outre, l’action publique en matière sociale constitue, bien qu’indirectement, un levier des politiques de soutien au secteur touristique. Je le rappelle, nos outre-mer doivent régulièrement faire face à divers défis liés au coût de la vie, aux aléas climatiques, à l’insécurité ou encore à des épidémies telles que le chikungunya, le virus zika ou la dengue. Ces défis sociaux ont une incidence forte sur le dynamisme touristique et appellent à une réactivité immédiate de l’État et des collectivités.
Malgré toutes les difficultés énumérées, les chiffres montrent que le secteur touristique a connu une embellie importante en 2015. Pour autant, de nouvelles initiatives des pouvoirs locaux sont toujours souhaitables, en particulier pour l’amélioration du réseau routier, du cadre de vie ou de la desserte.
Plus encore, il est de notre responsabilité d’orienter notre politique touristique vers des activités de niche qui augmenteraient notre compétitivité.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Guillaume Arnell. Saint-Martin se distingue ainsi de plus en plus par la promotion d’un tourisme écoresponsable.
Mes chers collègues, au travers de ces quelques exemples, vous comprendrez que la politique touristique relève avant tout d’une action conjuguée des acteurs publics et privés locaux, tant ce secteur occupe une part croissante dans nos économies. Le moment n’est-il pas enfin venu, pour reprendre le titre du rapport sénatorial de 2009, de « faire confiance à l’intelligence territoriale » ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en écoutant les orateurs qui m’ont précédé, j’ai eu le sentiment que nous étions des touristes faisant, au fil des interventions, le tour de la France.
Le temps me manque pour feuilleter avec vous les brochures riches en textes et illustrations consacrées au beau département de l’Orne, que je représente ici et où je suis né : nous sommes au moins deux Percherons dans cette assemblée ! (Sourires.)
Je voudrais souligner, comme plusieurs orateurs l’ont déjà fait avant moi, l’attractivité du monde rural, d’abord pour les touristes de proximité. Ainsi, dans ma région, qui est relativement proche de l’Île-de-France, viennent régulièrement des Franciliens attachés à notre beau territoire, qui offre tant de chemins de randonnée, de forêts, d’auberges où l’on se régale, de lieux d’hébergement où l’on peut bavarder avec les habitants, de richesses patrimoniales telles qu’églises, manoirs, châteaux et beaux villages.
Cette attractivité est illustrée dans le poème Qu’il vive, de René Char : « Dans mon pays, les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés sont préférés aux buts lointains. » Qu’un Francilien ait seulement quelques dizaines de kilomètres à parcourir pour rejoindre ces lieux où l’on peut se reposer et vivre en paix, où le lien social existe, représente un atout considérable pour notre territoire. C’est à nous de l’organiser et de le vivifier.
On lit, dans le même poème de René Char : « Bonjour à peine, est inconnu dans mon pays. […] Dans mon pays, on remercie. » Ce lien social, beaucoup de personnes qui visitent nos territoires y sont attachées. Encore faut-il l’organiser. Nous l’avons fait au travers de la loi NOTRe, et je suis de ceux qui ont soutenu l’idée que le tourisme puisse être organisé au niveau des communautés de communes.
En effet, le tourisme est un levier considérable pour l’économie locale. Il permet aussi de renforcer la cohésion territoriale et sociale à l’intérieur de ces communautés de communes, puisque c’est ensemble que nous bâtissons.
Une commune, fût-elle petite, peut mettre en valeur un élément de son patrimoine, des productions locales, des lieux à visiter. Une fédération de communes organisée autour d’offices de tourisme permet de promouvoir un territoire beaucoup plus large. Encore faut-il que nous ayons au plan national une politique de promotion de nos territoires tournée vers l’étranger, pour assurer la diffusion de toutes ces belles images que nous avons à l’esprit.
Monsieur le ministre, deux conditions supplémentaires sont nécessaires pour mener à bien nos actions dans le domaine touristique.
Il faut, tout d’abord, un accès aux réseaux, qu’il s’agisse du haut débit ou du téléphone.
De nombreux gîtes ruraux et fermes isolées n’ont pas accès aux possibilités qu’offre internet pour réserver ou connaître les disponibilités d’un lieu d’hébergement. En outre, avant de choisir un lieu de villégiature, certaines personnes se préoccupent de savoir si elles seront connectées au réseau téléphonique.
La seconde condition vous apparaîtra peut-être secondaire, monsieur le ministre, mais je la crois pour ma part importante : en raison d’une réglementation trop stricte, il n’est aujourd’hui plus possible de flécher la direction d’un lieu. On a éliminé, de façon parfois brutale, les pré-enseignes, les enseignes, tous ces panneaux indicateurs qui, lorsqu’ils sont bien faits – c'est souvent le cas –, s’intègrent dans l’environnement.
Trop d’acteurs du tourisme local sont aujourd’hui privés de l’usage de ces moyens, pourtant bien utiles au conducteur d’une voiture pour s’orienter.
M. Jean-Claude Requier. Tout à fait !
M. Jean-Claude Lenoir. Je souhaite monsieur le ministre, que cette remarque puisse être relayée auprès de celles et de ceux qui mettent en application cette réglementation ô combien restrictive. Il faut permettre, avec souplesse et intelligence, à ces territoires d’être irrigués et de vivre. C’est un souhait qui peut tous nous rassembler. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Gérard Détraigne et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’autres ont rappelé avant moi l’importance du secteur touristique dans l’économie de notre pays. Je soulignerai, de façon moins poétique que Jean-Claude Lenoir, que le tourisme représente 7 % du produit intérieur brut. Dans mon département, la Haute-Savoie, 34 millions de nuitées génèrent 23 000 emplois non délocalisables.
Avec plus de 84 millions de visiteurs étrangers, la France est toujours la première destination touristique au monde. Néanmoins, la clientèle évolue très vite et très régulièrement. Les acteurs du tourisme doivent sans cesse s’adapter aux nouvelles manières de consommer, aux nouvelles habitudes. Les collectivités jouent un rôle majeur d’organisation du secteur touristique et d’impulsion.
Je ne reviendrai pas sur la question de la répartition des compétences, qui a été abordée par Jean-Jacques Lasserre, et m’attacherai plutôt aux problématiques relatives au bloc communal, en commençant par les difficultés liées aux .investissements.
Ces problématiques sont la conséquence directe des baisses des dotations aux collectivités, qui, pour deux raisons, touchent particulièrement nos communes de montagne,…
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Loïc Hervé. … dont les territoires accueillent, notamment, des stations de ski.
La première raison tient au fait que la contribution au redressement des finances publiques est assortie de critères de péréquation négatifs pour ces communes : considérées comme riches du fait de l’importance de leurs recettes économiques, elles sont pénalisées par leur faible population permanente. (M. Michel Bouvard opine.) On pourrait également évoquer l’évolution des finances communales.
La seconde raison tient aux craintes qui entourent la réforme de la DGF, très défavorable aux communes touristiques de montagne, dont les spécificités ne sont pas prises en considération.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Loïc Hervé. Ces difficultés posent la question du financement des investissements nécessaires supportés par les communes et les intercommunalités qui s’engagent dans la voie du développement touristique.
Pour mieux atteindre leur objectif, les élus de ces territoires demandent que soient prises en compte leurs spécificités, en insistant sur quelques points : la compensation des « surcoûts montagne » via une fraction ou une majoration de la dotation de ruralité ; l’intégration de la disparition de la dotation touristique et de la population prise en compte au titre de la DGF dans le calcul de toute péréquation budgétaire.
De manière générale, je crois que les problématiques propres aux communes touristiques seraient sans doute mieux traitées dans le cadre d’une enveloppe d’investissement spécifique.
Au-delà de cet aspect financier, la loi NOTRe a introduit des incertitudes concernant la gestion des offices de tourisme. J’ai déjà saisi le Gouvernement de cette question. J’attends de votre part, monsieur le ministre, des réponses claires lorsque vous interviendrez en clôture de ce débat.
La loi NOTRe prévoit une spécificité concernant le bloc communal, puisqu’elle confie aux intercommunalités « la promotion touristique, dont la création d’office de tourisme ». En conséquence, les offices de tourisme devront avoir une vocation intercommunale. Cette mesure a engendré une série d’interrogations.
La logique intercommunale en matière de promotion touristique n’a que peu de sens. Il est nécessaire de raisonner par destination. C’est le bon sens économique qui doit primer.
Les élus des communes touristiques ne sont pas opposés par principe au transfert de la compétence touristique à l’intercommunalité, mais ils soulignent que ce modèle, aussi vertueux soit-il, ne peut s’appliquer indifféremment dans tous les territoires, notamment à certaines communes supports de stations de sports d’hiver.
Ces dernières, bien que membres d’une même intercommunalité, constituent des destinations touristiques spécifiques, voire concurrentes, et ont besoin d’un outil qui leur soit propre pour assurer elles-mêmes leur promotion de manière efficace.
De même, les charges reportées au niveau intercommunal de la « promotion du tourisme » affecteront lourdement les budgets des communautés de communes. Ainsi, cette compétence pèsera excessivement sur des contribuables peu ou pas concernés par l’activité touristique.
Je souhaite que les communes possédant une marque de territoire, ainsi que les stations classées de tourisme, puissent conserver leur office de tourisme, en assumer la gouvernance et le financement. Lors du dernier Conseil national de la montagne, en septembre 2015, à Chamonix, au pied du Mont-Blanc, le Premier ministre s’était montré sensible à cette demande. Votre prédécesseur avait d’ailleurs tracé des pistes d’évolutions législatives. Pourriez-vous, monsieur le ministre, prendre des engagements en la matière, nous donner un calendrier et une perspective législative, afin de rassurer les élus des territoires concernés et les responsables d’offices de tourisme ?
En conclusion, je dirai simplement que, pour bien développer notre tourisme, nous devons accompagner et favoriser les initiatives qui naissent localement. En la matière, chaque territoire nécessite une attention spécifique. Ne contraignons donc pas trop ce secteur par des règles imposées d’en haut et trop générales ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la même cordée qui va s’exprimer ! (Sourires.)
Je tiens d’emblée à remercier le groupe du RDSE d’avoir provoqué ce débat très utile. L’ensemble des parlementaires souscrivent à l’objectif fixé par le Gouvernement de 100 millions de touristes, en soulignant qu’il s’agit d’un secteur concurrentiel.
Tout d’abord, je voudrais rappeler le rôle des collectivités locales, qui interviennent dans l’élaboration des schémas d’urbanisme, l’aménagement, la définition des stratégies locales, la promotion et l’investissement, directement ou indirectement. En effet, les collectivités locales – c'est singulièrement le cas pour les stations de sports d’hiver, les deux départements savoyards représentant 60 % de l’économie des sports d’hiver de notre pays – investissent, indirectement et directement, dans les domaines skiables au travers de leur rôle d’autorité organisatrice.
Ce que nous attendons aujourd’hui du Gouvernement, c’est une clarification et une simplification en matière de compétences. La loi NOTRe a maintenu les compétences partagées, ce dont il faut se réjouir, même s’il faudra gérer intelligemment les coordinations entre les différents niveaux de collectivités, mais elle a transféré les offices de tourisme aux EPCI, comme l’a rappelé Loïc Hervé. Certes, une dérogation a été prévue pour permettre aux stations classées ou à celles qui ont une marque de conserver leurs offices de tourisme, mais la compétence a néanmoins été transférée.
Or la compétence, c’est la capacité de promouvoir un site, une destination.
M. Loïc Hervé. Exactement !
M. Michel Bouvard. Dans la vallée des Belleville, le territoire d’une seule commune accueille trois stations et près de 70 000 lits touristiques, c’est-à-dire plus que certains départements français ! Dans ce cas, la question de la promotion ne se pose pas de la même manière qu’ailleurs.
Monsieur le ministre, nous souhaitons que, au-delà du maintien du seul office du tourisme, les communes, lorsqu’elles pèsent un certain poids touristique, puissent conserver en gestion directe cette compétence.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Michel Bouvard. Cette logique des stations de sports d’hiver s’impose lorsqu’on a plusieurs stations de marque. Selon moi, il faudrait même aller au-delà de l’engagement pris, avec beaucoup de sagesse, par André Vallini devant le Sénat, car le sujet n’intéresse pas seulement les stations classées.
En effet, j’ai découvert avec surprise que, dans la vallée de la Tarentaise, laquelle est aujourd’hui la principale destination de sports d’hiver du pays, il n’y avait que cinq stations classées, et que, dans la vallée voisine de la Maurienne, qui représente l’équivalent de la destination pyrénéenne, il n’y en avait que trois ! La procédure de classement est extrêmement lourde. J’ai ici le dossier de la procédure de classement en station de tourisme des Arcs, engagée il y a plus de deux ans par la municipalité de Bourg-Saint-Maurice. On ne cesse de lui demander des choses invraisemblables : pour déterminer si les Arcs sont une station de tourisme, il faut notamment indiquer l’emplacement des bacs à ordures ! Il a fallu refaire une démarche complète, alors que la ville a été classée en commune touristique le 3 octobre 2013…
Combien de fonctionnaires sont occupés à cette tâche dans les préfectures, au ministère ? Combien d’économies pourrons-nous réaliser avec le choc de simplification que nous attendons là aussi ?
Je terminerai en évoquant la procédure de création des unités touristiques nouvelles.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Michel Bouvard. Aujourd’hui, l’économie française des sports d’hiver n’investit pas assez par rapport à ses concurrentes suisse, autrichienne et italienne.
Le Sénat avait pris l’initiative d’introduire dans le collectif budgétaire de fin d’année une très bonne mesure, consistant, dans le prolongement de la loi Macron, à généraliser le suramortissement pour les sociétés de remontées mécaniques. Fort bien, mais cela suppose aussi que nous puissions engager des procédures d’aménagement des domaines skiables et de rénovation de constructions dans les stations, avec des démarches simplifiées.
Or ces démarches simplifiées figurent dans la loi Macron du 6 août 2015, visant à accélérer l’instruction et la prise de décision relatives aux projets de construction, d’aménagement, notamment ceux qui favorisent la transition écologique. Cette loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance.
Nous avons découvert ce projet d’ordonnance avec surprise au Conseil national de la transition écologique. On notera au passage que ce projet n’a pas été présenté au préalable au Conseil national de la montagne,…
M. Loïc Hervé. Il aurait dû l’être !
M. Michel Bouvard. … ce qui aurait été logique s’agissant d’une procédure d’exception en matière d’urbanisme pour les territoires de montagne.
Le projet d’ordonnance prévoit d’étendre cette procédure à la totalité des projets d’aménagement. Il n’y a plus de limites ! Demain, pour un simple dépôt d’explosifs servant à déclencher des avalanches, nous pourrons nous voir imposer une procédure d’unité touristique, puisqu’il n’y aura plus d’unités touristiques nouvelles.
Ce projet d’ordonnance a été unanimement rejeté par les élus et par la profession. Alors que la procédure en question a vocation à s’éteindre, puisqu’il n’y aura plus d’unités touristiques nouvelles une fois les SCOT mis en place,…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Bouvard. … nous attendons que l’ordonnance soit conforme aux engagements pris par le Gouvernement devant le Parlement.
Quant aux problèmes budgétaires, Loïc Hervé en a excellemment parlé ; je n’y reviens donc pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du RDSE. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais à mon tour souligner combien le tourisme représente un enjeu important des politiques et des dynamiques de développement local, en termes d’attractivité, d’aménagement des territoires et de richesse économique.
Si le tourisme est indéniablement un facteur de dynamisme, il est aussi source de difficultés dans la mesure où le partage des compétences en la matière est insatisfaisant pour nos collectivités.
La loi MAPTAM et la loi NOTRe ont maintenu le partage de la compétence « tourisme » entre l’État et les différents échelons de collectivités : l’État conduit la stratégie nationale de promotion touristique, ce qui est compréhensible ; la région définit les objectifs régionaux et coordonne les initiatives ; le département garde la main sur les agences départementales du tourisme, les plans des itinéraires de promenade et de randonnée, et élabore les schémas d’aménagement touristique départementaux, qui doivent s’intégrer dans les dispositifs de la région ; quant à la commune ou à l’intercommunalité, elles gèrent et promeuvent le tourisme, chacune à son échelle.
On perçoit la complexité du dispositif : le choc de simplification, évoqué il y a quelques instants par Michel Bouvard, n’a pas encore pleinement produit ses effets… Je crois pourtant nécessaire que l’État revoie le dispositif et y apporte des aménagements.
Les textes législatifs sont parfois sources de conflits au sein des intercommunalités : les offices de tourisme restent de la responsabilité de la commune s’ils ont été mis en place antérieurement à l’adoption de la loi.
Il faut revoir la situation pour permettre aux intercommunalités d’agir en lien avec les communes : certaines stations balnéaires ou de montagne ont une attractivité touristique de premier plan.
L’action des collectivités locales ne peut se penser que si elle est au cœur des dispositifs. Malheureusement, la multitude des acteurs, privés ou publics, rend relativement difficile l’appréhension des choses.
Dans mon département, la Meurthe-et-Moselle, on exerce des métiers d’art, avec la porcelaine à Lunéville, les émaux à Longwy, les arts verriers autour de l’école de Nancy, à Baccarat et le Centre européen de recherche et de formation aux arts verriers de Vannes-le-Châtel, où était fabriqué le cristal de Sèvres. À cela s’ajoute le patrimoine bâti, qui relève tantôt d’une commune, tantôt d’une intercommunalité, tantôt du département, tantôt de la région. Par exemple, le château de Lunéville, qui relevait de la commune, est aujourd’hui sous la responsabilité du département et dépendra peut-être demain d’un syndicat mixte, lié à un pôle métropolitain…
On voit que la coordination est difficile. Pourtant, l’ensemble des acteurs demandent, comme l’État, une professionnalisation du dispositif, eu égard à l’importance économique du tourisme. Il faut le rappeler, entre 2000 et 2010, le nombre d’emplois salariés dans ce secteur a crû de 15 %. Cette progression continue depuis, même si nous ne disposons pas encore de chiffres.
Le Gouvernement a donc raison de s’intéresser de près à la question. Il faut mettre l’ingénierie au service d’un travail collectif. À cette fin, nous disposons des agences départementales, mais l’État intervient aussi, au travers du dispositif Atout France. Je vous invite, monsieur le ministre, à travailler également avec les agences de développement économique, car le tourisme est à la fois un facteur d’attractivité, avec ses métiers spécifiques, et un levier de croissance économique exceptionnel.
Enfin, au-delà des chiffres, le tourisme est une activité d’une richesse exceptionnelle : il est sous-tendu non seulement par une envie de découvrir et d’apprendre, mais aussi par une envie de vendre son territoire, de redonner de la fierté à ses habitants, de travailler sur une identité valorisée à son plus haut niveau.
Le tourisme est un levier de croissance. Il nourrit le sentiment d’appartenance à la Nation,…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-François Husson. … la fierté et les identités culturelles, gastronomiques et territoriales. Nous devons plus que jamais travailler en faveur de ce secteur d’avenir, source de prospérité et de croissance pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tous les orateurs ont souligné l’importance du secteur touristique pour le développement économique de nos territoires.
Je tiens à remercier mes amis du groupe du RDSE d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de cette semaine de contrôle.
Tout cela me rajeunit et me remémore les discussions sur la loi du 23 décembre 1992 portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme, issue d’une proposition de loi dont le premier signataire était Georges Mouly, sénateur de la Corrèze et membre d’un groupe qui s’appelait alors le RDE, le Rassemblement démocratique et européen. J’étais alors présent au banc du Gouvernement, en tant que ministre du tourisme.
Ce texte important reconnaissait pour la première fois la compétence « tourisme » comme étant partagée et exercée de façon coordonnée par l’État et les collectivités territoriales. Cette loi a, depuis, fait la preuve de sa pertinence.
Vous l’avez tous souligné, le tourisme est aujourd’hui un secteur en pleine mutation, avec l’apparition de nouvelles destinations et de nouveaux acteurs, et en très forte expansion, au regard de l’augmentation du nombre de visiteurs. Mme Malherbe a rappelé des chiffres qui montrent l’importance de ce secteur, ainsi que les grands indicateurs en termes de fréquentation et d’emploi.
Il n’est pas exagéré d’affirmer que ce secteur contribue à la vitalité et à l’attractivité de nos territoires ; il en est l’un des éléments majeurs, un levier pour l’économie locale, et constitue un complément d’activité, voire la première source de revenus et d’emplois.
Mais le tourisme est beaucoup plus que cela. Il renvoie à l’histoire, à la culture, à l’identité, à l’urbanisme et aux paysages d’un territoire. Définir une politique de promotion du tourisme, c’est donc réfléchir à la représentation de celui-ci, à l’image que nous voulons donner.
Étant donné l’importance de ce secteur, les politiques sont définies et portées de manière multiple par l’État, les collectivités et le secteur privé, que nous ne devons bien sûr pas oublier.
Je veux également souligner le caractère transversal de cette compétence. Elle fait appel aux différents outils dont disposent les collectivités en matière de dynamisme économique, d’aménagement du territoire, de transports, d’hôtellerie, d’urbanisme, de développement des activités sportives et de loisirs, de préservation de l’environnement, tous sujets qui ont été évoqués par les différents intervenants.
Le département de Mme Malherbe en est un parfait exemple, lui qui offre une grande variété de formes de tourisme : tourisme de montagne, du littoral, de mémoire, industriel, ou encore œnotourisme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la loi NOTRe n’a pas bouleversé notre organisation en matière de tourisme. C'est une bonne chose. Elle vient simplement consacrer une évolution engagée il y a déjà plusieurs années.
En effet, la disposition initiale visant à établir un « chef de filat » ayant été écartée, le tourisme reste une compétence partagée. Vous avez raison de vous en féliciter.
Toutefois, les collectivités demeurent libres de coordonner leur action au niveau régional dans le cadre de la conférence territoriale de l’action publique, qui pourra être organisée avec un certain nombre de sections et de groupes afin d’impliquer tout le monde. Elles y sont même incitées si elles veulent maximiser les cofinancements.
Vous le savez, c’est cette position d’équilibre qui, en définitive, a été retenue, fruit d’un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat, à l’issue de la commission mixte paritaire. Comme nombre d’entre vous, je m’en réjouis.
Une évolution a cependant été opérée à l’article 68 ; un certain nombre d’entre vous ont souhaité évoquer ce point.
Au plus tard le 1er janvier 2017, la compétence « promotion du tourisme », et donc la création d’offices de tourisme, deviendra une compétence obligatoire des communautés de communes et d’agglomération. Elle l’est déjà d’ailleurs, depuis la loi MAPTAM, pour les communautés urbaines, les métropoles et la métropole de Lyon, qui l’exercent, de plein exercice, en lieu et place des communes membres.
Le constat qui a amené cette orientation est que, notamment dans certains territoires à fort potentiel touristique, il existe une multitude de structures de promotion, lesquelles entretiennent parfois une concurrence féroce, négative. Ce grand nombre d’acteurs aboutit souvent à une dispersion des moyens et à un manque de lisibilité de l’offre de destination.
Il est bon de rappeler que le transfert obligatoire concerne les actions de promotion du tourisme.
Pour la gestion des stations de ski, en revanche, cette compétence reste du ressort des communes, sauf évidemment dans le cas où les élus décident le transfert dans les conditions du droit commun. Les communes peuvent donc, le cas échéant, rester membres de syndicats, dans les mêmes conditions qu’auparavant.
Cette évolution ne concerne pas non plus le transfert de la gestion des équipements touristiques et de la fiscalité – je pense à la taxe de séjour, évoquée par M. Favier.
Plusieurs options sont, de plus, prévues dans le cadre de la loi. Le maintien d’offices de tourisme spécifiques est ainsi possible dans trois cas : le maintien d’un office distinct sur les sites faisant l’objet d’une marque territoriale protégée, même si la compétence reste communautaire ; le maintien d’un office distinct dans les stations classées – il est vrai que la procédure de classement est, pour dire les choses aimablement, longue et compliquée –, à la condition d’engager une démarche de mutualisation ; le maintien d’un bureau de tourisme, dans les communes touristiques et les stations classées.
Cependant, dans ces trois cas, le principe du rattachement intercommunal de l’office, même si celui-ci est distinct, demeure.
Malgré l’accord trouvé au Parlement, à l’issue d’une commission mixte paritaire, certains élus de territoires de montagne considèrent que le transfert de la compétence « promotion du tourisme » ne peut s’appliquer pour leurs communes, supports de stations de ski, et souhaitent donc le maintien d’offices municipaux.
S’il existe des problèmes bien identifiés, le Gouvernement est prêt à les régler. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)