M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Par conséquent, ainsi que le Premier ministre s’y est engagé lors du Conseil national de la montagne qui s’est tenu à Chamonix, nous proposerons d’introduire par la voie législative une dérogation spécifique au transfert de la compétence « promotion du tourisme dont la création d’offices du tourisme » prévu par l’article 68 de la loi NOTRe.

Ainsi, si cette disposition est adoptée, les communes situées dans une zone de montagne et classées, au 1er janvier 2017, comme station de tourisme pourront délibérer pour décider de conserver leur office de tourisme communal.

M. Loïc Hervé. Parfait !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Dans nos massifs, l’importance du tourisme revêt une acuité plus grande encore, car il constitue souvent leur première source de revenus et permet le maintien de l’emploi local. Certains orateurs l’ont rappelé.

Certes, les enjeux ne sont pas les mêmes selon l’importance des stations, mais, comme l’indiquait le rapport de Mmes les députés Laclais et Genevard, « le modèle économique fondé sur la construction continue de nouveaux mètres carrés résidentiels ne peut plus être considéré comme le modèle unique ni souhaitable de développement touristique ».

J’y souscris pleinement et je tiens à vous confirmer qu’un projet de loi « montagne », consacré à tous ces sujets, sera déposé par le Gouvernement à l’automne prochain, comme je l’ai annoncé ici même hier, en répondant à une question d’actualité.

Ce texte abordera également la nécessaire réforme de la procédure d’unité touristique nouvelle, qu’évoque d'ailleurs le rapport de Mmes Genevard et Laclais.

Comme d’autres, celui-ci relève le caractère ancien, pour ne pas dire désuet, de cette procédure dérogatoire au droit commun, qui permet à l’État de délivrer des autorisations ponctuelles pour la réalisation d’infrastructures de tourisme en dehors des espaces déjà urbanisés.

Je vous confirme donc, monsieur Bouvard, que le projet d’ordonnance a été retiré et que le projet de loi « montagne » prévoira d’inscrire les UTN envisagées dans les documents d’urbanisme et dans une vision globale d’un aménagement durable du territoire.

D’ailleurs, comme je l’ai déjà dit aux responsables de l’Association nationale des élus de la montagne, l’ANEM, notamment à son président, avec qui j’ai échangé sur ce sujet à plusieurs occasions, et comme je l’ai déjà indiqué tant ici même qu’à l’Assemblée nationale, je souhaite que, par la concertation, nous parvenions à un texte de consensus qui puisse être adopté le plus rapidement possible, dans l’intérêt de la montagne.

Cela passe, bien sûr, par l’évaluation des besoins nouveaux, de l’offre existante ou à réhabiliter. Cette réforme permettra aux collectivités d’inscrire ces opérations dans le cadre d’une stratégie plus large de développement et d’aménagement.

Pour ce qui concerne la procédure de classement des stations de montagne, que vous avez également évoquée, monsieur Bouvard, je partage votre constat : les critères en vigueur ne conviennent plus. La réforme de cette procédure a été annoncée par le ministère chargé du tourisme. Des réunions préparatoires seront organisées prochainement pour définir de nouveaux critères avec les représentants du secteur et ceux des élus.

Bien sûr, une telle stratégie va de pair avec les mesures en faveur de la structuration des équipements touristiques, laquelle est tout à fait indispensable, comme M. Arnell le rappelait en ce qui concerne Saint-Martin.

En effet, la mondialisation du secteur du tourisme a affecté et transformé son offre et sa demande.

Les Assises du tourisme, qui avaient été lancées par Sylvia Pinel (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), alors ministre chargée du tourisme, ont permis de dégager un certain nombre de mesures attendues par les acteurs du secteur. Je pense notamment aux vingt contrats de destination. Signés entre les acteurs locaux et l’État, ils visent à valoriser l’offre touristique française afin de conquérir de nouveaux visiteurs, notamment à l’international.

Je veux aussi citer les cinq pôles d’excellence –œnotourisme, tourisme nocturne, tourisme de savoir-faire, tourisme de montagne l’été et écotourisme –, qui participent également de l’ambition de valoriser certains de nos atouts, à travers des actions très concrètes.

Pour adapter l’offre, notamment en matière d’hébergement, le fonds d’investissement géré par Bpifrance est désormais opérationnel. Il est doté d’un montant consolidé de 1 milliard d’euros, ce qui, vous en conviendrez, est très significatif.

À ce fonds s’ajoute celui qui est consacré à l’investissement et à la réhabilitation des centres-bourgs et qui abonde la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR. Ce fonds, géré par mon ministère, est lui aussi doté de 1 milliard d’euros.

Cela fait tout de même de belles sommes à la disposition des collectivités, notamment des collectivités montagnardes !

M. Hervé a déclaré redouter les conséquences de la réforme de la dotation globale de fonctionnement. Attendons de voir ce que sera celle-ci. Je discute actuellement de cette réforme avec les représentants de l’ensemble des associations d’élus et avec les groupes de travail constitués au Sénat et à l’Assemblée nationale. Je dois dire que, pour l’heure, je n’ai pas encore une vision très claire des contours qu’elle prendra, tellement les positions sont divergentes et les volontés contradictoires.

MM. Michel Bouvard et Loïc Hervé. Tout à fait !

M. Jean-François Husson. Nous prenons exemple sur le Gouvernement !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. En tout état de cause, s’ajoutera aux deux fonds que je viens d’évoquer une enveloppe dédiée au tourisme dans le cadre du troisième programme d’investissements d’avenir, le PIA 3, en cours d’élaboration.

Je suis d’accord avec vous, monsieur Lenoir : il est absolument indispensable que la couverture en téléphonie mobile et la couverture numérique soient améliorées. Nous y œuvrons ! L’État y a encore consacré une somme de 3 milliards d’euros sur les 20 milliards d’euros d’investissements prévus dans le cadre du plan France très haut débit et nous avons pris des engagements, par la voix d’Emmanuel Macron, en termes de calendrier et de délais.

Pour ce qui concerne les panneaux indicateurs, vous avez tout à fait raison. Sachez cependant que cette affaire est en voie d’être réglée, par le biais de dérogations demandées aux préfets de département.

M. Jean-Claude Lenoir. J’en accepte l’augure !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Enfin, M. Favier a abordé le sujet important de l’accès de tous aux vacances.

Quatre-vingts ans après l’adoption de la loi du 20 juin 1936 instituant les congés payés, qui a permis de démocratiser l’accès au tourisme, le conseil départemental du Val-de-Marne met en œuvre une politique volontariste, qui repose notamment sur deux villages vacances, situés en Savoie et en Haute-Savoie.

Cela complète harmonieusement les actions engagées par l’État en la matière, au travers de la diffusion des chèques-vacances ou des dispositifs en faveur des jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans.

En outre, le fonds « tourisme social investissement », aujourd’hui opérationnel, permet d’accompagner les opérateurs dans leurs projets de rénovation de centres de vacances. Ce fonds est doté de 300 millions d’euros sur dix ans.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le tourisme, dans toutes ses dimensions, qu’il s’agisse du tourisme patrimonial, vert, culturel, industriel, de plein air ou sportif, est une formidable chance pour le développement de tous nos territoires, urbains comme ruraux. À cet égard, je veux souligner le talent avec lequel vous avez parlé de la ruralité, monsieur Lenoir !

J’en veux pour preuve la façon dont certains grands équipements ont changé l’image de plusieurs territoires en restructuration et contribué à leur développement, voire à leur renaissance. Je pense au Louvre-Lens, cette magnifique réalisation dont je sais, monsieur Percheron, que vous avez été l’un des grands artisans. On pourrait également citer le Centre Pompidou-Metz, La Piscine, à Roubaix, ou la Cité du design, à Saint-Étienne.

Les collectivités ont un rôle essentiel à jouer pour valoriser les atouts, du plus modeste au plus important, en s’appuyant sur les labels de qualité, comme les villes et pays d’art et d’histoire ou les plus beaux villages de France, ou bien encore sur les contrats de destination.

Le fait que le tourisme demeure une compétence partagée entre les différents niveaux de collectivités constitue une vraie opportunité : cela permet de jouer sur toutes les dimensions et de construire une offre diversifiée de promotion touristique qui prenne en compte les touristes tant étrangers que français, le tourisme social comme le tourisme haut de gamme, le tourisme de court séjour comme celui de long séjour.

Les outils existent ; il suffit de s’en emparer et de les mettre en œuvre, autour de véritables projets de territoire dont la dimension touristique doit être, partout, l’un des fers de lance. Pour ce faire, je fais bien évidemment confiance aux élus qui dirigent nos collectivités ! (Applaudissements.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le rôle et l’action des collectivités territoriales dans la politique du tourisme.

Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

8

Stratégie nationale de l’enseignement supérieur

Débat organisé à la demande du groupe socialiste et républicain

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la stratégie nationale de l’enseignement supérieur, organisé à la demande du groupe socialiste et républicain.

La parole est Mme Dominique Gillot, oratrice du groupe auteur de la demande.

Mme Dominique Gillot, au nom du groupe socialiste et républicain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, précisant l’autonomie des universités et affirmant le rôle de l’État stratège, la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013, loi d’ouverture et de transformation, s’est déjà traduite par des avancées réelles, en matière tant de réussite de tous les étudiants, dont le nombre a fortement augmenté, pour atteindre 2,5 millions à la dernière rentrée, que de nouvelles ambitions pour la recherche, facteur déterminant pour l’avenir et le progrès de la France.

Cette loi prévoyait la définition d’une stratégie nationale de la recherche et d’une stratégie nationale de l’enseignement supérieur, ou STRANES, afin de rendre explicites les choix de la Nation.

Un comité indépendant, riche de sa diversité, à la parole libre et à la réflexion féconde, a été mis en place par votre prédécesseur Geneviève Fioraso, monsieur le secrétaire d’État.

Ce comité s’est réussi assidûment pendant plus d’un an avant de livrer au Président de la République sa vision de l’avenir et les orientations retenues, dessinant une vraie stratégie nationale pour l’enseignement supérieur pour les dix ans à venir et prévoyant sa mise en œuvre en prise directe avec les enjeux sociétaux et économiques auxquels nous devons faire face.

Considérant la qualité de ce travail collaboratif, documenté et validant la méthode de diagnostic partagé, le Président de la République a souhaité que les propositions du rapport deviennent la feuille de route du Gouvernement pour l’instauration d’une société apprenante.

De séminaires en colloques, la présidente du comité et son rapporteur font vivre ce travail collectif, entraînant, après le vote positif du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, l’adhésion et le soutien des acteurs de l’enseignement supérieur.

Depuis septembre 2015, monsieur le secrétaire d’État, vous avez ouvert plusieurs chantiers de mise en œuvre de la STRANES.

Les objectifs ambitieux, partagés et validés pour 2025 imposent, en effet, d’agir dès maintenant. Au reste, il faut s’appuyer sur la dynamique amorcée par la communauté universitaire, porteuse d’espoir pour la jeunesse.

Même si la reproduction sociale et les inégalités se construisent bien avant le stade de l’enseignement supérieur, celui-ci ne peut se contenter de continuer à former une élite issue de l’élite.

L’université est au cœur de la société et de sa transformation. Elle se doit d’ouvrir ses portes et de répondre à plusieurs défis.

Le premier défi est celui d’une nouvelle étape, massive, de la démocratisation. En cinquante ans, le nombre d’étudiants a été multiplié par huit – il faudra en accueillir 300 000 supplémentaires d’ici à 2024 –, pour plusieurs raisons incontestées.

La première raison de l’augmentation de la population estudiantine tient au désir de plus en plus de jeunes de poursuivre des études supérieures, conjugué à l’ambition nationale que 60 % d’une classe d’âge soit diplômée du supérieur.

Le corollaire du refus de la sélection, laquelle serait en rupture avec le modèle français, c’est une information adaptée, accessible, dès le lycée, l’accompagnement d’une orientation choisie, soutenue, quel que soit le baccalauréat obtenu. Le droit de réussir se cultive avec méthode, avant et pendant les premières années du premier cycle – c’est le fameux « moins trois, plus trois ». C’est aussi un mentorat bienveillant pour mettre l’étudiant en situation de construire sa réussite.

La seconde raison de la hausse du nombre d’étudiants est la promesse républicaine du progrès partagé, pour engager la France dans la construction de son avenir, dans la modernisation nécessitée par les évolutions de l’information continue, la multidisciplinarité, la polarisation.

Le second défi que l’université doit relever est celui de l’élévation des qualifications de l’ensemble de la population, du développement des compétences transférables, pour répondre, par l’innovation, la transversalité et la culture de nos capacités d’adaptation, aux exigences du monde économique et des nouveaux métiers et préparer l’inévitable mobilité professionnelle.

En cela, les universités sont des laboratoires de la société de demain et des leviers de la construction d’un nouveau lien social.

L’hétérogénéité de la population étudiante, tout comme les nouveaux modes de socialisation et d’apprentissage –numérique, à distance, pragmatique… –, la vitesse exponentielle des avancées technologiques obligent à envisager l’évolution des métiers de l’enseignement supérieur.

La conception de l’enseignant qui dispense son savoir ex cathedra est dépassée dans une université libre d’accès, où les étudiants et les adultes sont libres d’apprendre, de faire de la recherche, de coopérer, de coconstruire une connaissance en mouvement. Les professeurs sont amenés à changer de position.

Dans ce cadre, des questions se posent avec acuité, notamment celle de la reconnaissance et de l’évaluation du travail en équipe, qu’il s’agisse d’équipes pluridisciplinaires d’enseignants ou d’équipes collaboratives d’étudiants.

Se pose aussi la question de la coopération de nouveaux métiers, à imaginer, au sein de l’université : ceux de l’enseignement, qui construit les esprits, ceux de la recherche, qui explore et nourrit la connaissance, ceux de l’administration, qui sécurise le cadre, et ceux de la logistique, qui organise l’écosystème.

Reste la question de la qualification. Les tenants de la carrière fondée sur les seules publications entravent la reconnaissance de ceux qui s’investissent dans la pédagogie, notamment grâce au numérique, qui accélère le partage des données, change le rapport sachant-apprenant et apprivoise l’intelligence artificielle, au bénéfice de la recherche de solutions innovantes. Ces nouvelles méthodes de transmission du savoir développent une capacité réflexive et permettent d’explorer la complexité, pour inventer le futur et reformuler les questions. Elles demandent que les enseignants fassent de la recherche sur leur pédagogie, afin de l’améliorer.

Cette évolution ne peut être l’apanage de généreux précurseurs. Il faut accompagner les enseignants, partager les bonnes pratiques et les diffuser, construire des formations.

L’interdisciplinarité des apprentissages collectifs permet l’émergence d’intelligences de formes différentes, ouvre l’université à une logique de communauté réelle.

Progressivement, le modèle de savoirs dominants et incontestés est remis en cause par la pertinence du savoir-faire et l’exigence du savoir-être. La volonté d’augmenter la liberté des enseignants et des étudiants doit guider les arbitrages du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Le troisième défi est celui de l’évolution de l’enseignement supérieur préconisée par la STRANES, qui s’envisage autant pour les enseignants, en termes de carrière, de liberté pédagogique et de reconnaissance de l’engagement, que pour les étudiants, en termes d’égalité des possibles et de garantie de résultats en matière d’insertion professionnelle.

Dans cette perspective, il faut admettre que l’étudiant puisse être acteur de sa formation, choisir plusieurs disciplines, réussir, se tromper, recommencer, reprendre des études après une plus ou moins longue césure.

L’évolution de l’enseignement supérieur doit se faire en lien avec les acteurs économiques et sociaux, en pensant à l’internationalisation et à la visibilité des établissements, à leur rôle dans la dynamique des territoires, à la mobilité des étudiants, au partage de la connaissance pour éclairer les choix citoyens.

Le droit à une formation tout au long de la vie, dont l’université entend être l’un des acteurs, oblige au rapprochement des opérateurs de la formation – initiale, continue ou tout au long de la vie – et du monde économique.

C’est un enrichissement mutuel, qui favorise l’évolution des pratiques, antérieurement fondées sur la délivrance des diplômes sur la base de la connaissance, vers une analyse des compétences nécessaires pour exercer les missions visées par les diplômés.

Il me semble que ce droit devrait aussi amener une redistribution de la contribution à la formation professionnelle continue vers les universités, qui assument cette responsabilité sociale. Le projet de loi sur le travail, qui est actuellement débattu à l’Assemblée nationale et que nous examinerons bientôt, pourrait en être le vecteur.

La structuration des sites universitaires, soutenue par une politique d’investissements d’avenir, moteur puissant de transformation, l’inscription de l’enseignement supérieur privé à but non lucratif dans une relation nouvelle, prenant en compte sa contribution aux objectifs stratégiques d’intérêt général, le rapprochement entre universités et écoles, qui fait émerger des sites forts, attractifs et reconnus, contribuent à construire l’université fédérale de demain, capable de se mesurer aux grands standards internationaux, et sont autant de défis à moyen terme prévus par le texte. La signature de contrats de site accompagne et favorise le dialogue renouvelé avec l’État stratège.

L’ambition de la STRANES porte également sur l’amélioration des conditions de vie et d’études.

Bien sûr, l’augmentation continue du montant des bourses et du nombre d’étudiants et la nouvelle « garantie jeunes » y participent, de même que les trente-cinq mesures du plan national de vie étudiante, le PNVE, qui aborde la vie étudiante dans toutes ses dimensions : logement, santé et soins, droits pour les étudiants salariés, adaptation des horaires des bibliothèques, des laboratoires et des lieux collaboratifs ouverts sur l’extérieur, dématérialisation, reconnaissance de l’engagement citoyen…

Il faudrait cependant, au titre de la responsabilité sociale des universités, encourager les établissements à mieux organiser les emplois du temps, au bénéfice des étudiants.

Dans certains pays, la semaine se divise en trois journées d’études continues et en quatre journées libres pour des recherches personnelles, du travail salarié, des activités culturelles… Par ailleurs, les semestres s’y enchaînent sans coupure inutile.

Cette organisation présente l’avantage d’optimiser l’utilisation des locaux. Conjuguée au développement des cours en ligne et à distance, une telle optimisation permettrait de faire face à l’augmentation attendue de la démographie étudiante et de bannir la pratique détestable du tirage au sort à laquelle il est recouru lorsque les capacités d’accueil sont saturées.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez présenté cinquante mesures de simplification, qui confortent la STRANES et répondent aux attentes de la communauté universitaire.

L’adoption récente par le Sénat, à l’unanimité moins une voix, du projet de loi pour une République numérique va contribuer à accélérer les processus de simplification et de partage des données.

Toutefois, je regrette la frilosité de la majorité sénatoriale, qui n’a pas permis la libéralisation du TDM – le text and data mining. Cela nous vaut le ressentiment des chercheurs, qui réclament ce soutien à la souveraineté scientifique de la France.

Heureusement, les amendements visant à actualiser la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche que j’avais déposés sur ce texte en vue d’accorder aux enseignements numériques et à distance une reconnaissance égale à celle dont bénéficient les enseignements en présence ont été adoptés.

L’offre numérique des établissements est en plein essor et les professeurs s’inscrivent en nombre pour utiliser les studios mis à leur disposition, où ils numérisent leurs cours, voire enregistrent des MOOC. Ces derniers, de plus en plus nombreux, enrichissent la formation des étudiants et la médiation pédagogique.

Grâce au numérique et aux sciences digitales, c’est toute la chaîne d’éducation et de formation qui bouge, de la maternelle à l’enseignement supérieur.

Reste tout de même une question essentielle : celle du modèle économique de cette stratégie porteuse.

Une fois l’augmentation des droits d’inscription rejetée – comme je l’ai dit tout à l’heure, celle-ci serait en rupture avec le modèle français –, le développement des ressources propres des universités ne suffira pas.

Dans son rapport, le comité STRANES propose que l’Europe se dote d’un objectif ambitieux pour l’enseignement supérieur, de la même manière qu’elle l’a fait pour la recherche.

La France doit obtenir que les dépenses d’enseignement supérieur, qui engendrent des effets positifs en termes de développement, ne soient plus considérées comme des charges alourdissant le déficit budgétaire, mais bien comme des investissements. Un euro dépensé dans l’enseignement supérieur, ce sont six euros de profit ultérieur pour la société !

Monsieur le secrétaire d’État, le temps me manque pour inventorier ce qui est en marche ou ce qui justifie de nouvelles évolutions institutionnelles.

Je veux conclure en soulignant l’intérêt de la STRANES, qui a permis d’évoquer, dans un même document, les enjeux de clarification et de simplification de notre système d’enseignement supérieur, qui doit être rendu plus accessible et plus efficace pour le plus grand nombre, l’ambition académique et l’acceptation de la révolution scientifique, qui doit profiter à tous.

La STRANES, c’est le projet de réussite de tous, au service de notre pays. C’est un message de confiance à la fois concret et puissamment symbolique adressé à notre enseignement supérieur. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin.

M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, conformément à ce que prévoyait la loi du 22 juillet 2013, le comité pour la stratégie nationale de l’enseignement supérieur a remis, en septembre dernier, un rapport – volumineux, puisqu’il compte près de deux cent cinquante pages – destiné à fixer les orientations de la politique de la Nation pour cinq ans.

Si l’on peut saluer le travail accompli, il faut aussi savoir identifier les grandes faiblesses de ce rapport, fondé sur des erreurs d’approche et empreint, sur de nombreux sujets, d’une idéologie trop souvent égalitariste, idéologie qui est malheureusement la marque de l’ensemble des réformes conduites par le Gouvernement en matière d’éducation.

La première faiblesse du rapport tient à ses auteurs. Le comité dont ce rapport est le fruit est, en effet, constitué de vingt-cinq personnes, très certainement estimables, mais au sein desquelles les universitaires sont très minoritaires. On peut au moins s’interroger sur une telle composition et sur le manque de considération à l’égard des acteurs essentiels du secteur qu’elle révèle.

La seconde faiblesse est systémique, puisque le rapport entend fixer un cadre national contraignant pour les cinq années à venir, alors que les universités sont censées être autonomes.

Comment concilier l’autonomie, qui devrait permettre à chaque université d’élaborer et de mettre en œuvre sa propre stratégie en matière de recherche, de pédagogie, de recrutement ou encore d’attractivité, avec la détermination d’objectifs et de contraintes par un comité au sein duquel les universitaires, j’y insiste, sont très minoritaires ?

Enfin, le titre même donné à ce rapport, écrit dans une novlangue que ne renierait pas Orwell, Pour une société apprenante, révèle que la plus grande de ses faiblesses tient probablement au fait que ses auteurs ont cédé au pédagogisme qui ruine, lentement mais sûrement, le système éducatif français.

Venons-en maintenant au contenu. Sans surprise, je relève que l’essentiel des propositions a un caractère démagogique.

C’est d’abord le cas des objectifs quantitatifs fixés par les propositions nos 1 et 23 : la première annonce un taux de 60 % de diplômés du supérieur par classe d’âge, tandis que la seconde prévoit que 50 % des étudiants devront être boursiers d’ici à 2025.

C’est surtout le cas des préconisations faites pour flatter certains syndicats étudiants : par exemple, la proposition n° 17 prévoit l’accès à internet lors des examens, et la proposition n° 15 la suppression de la sélection entre les deux années de master.

Cette dernière proposition est vraiment le signe d’une incompréhension totale des enjeux concrets. Comment imaginer que les étudiants puissent participer à des séminaires ou réaliser le stage obligatoire en entreprise si les promotions en master 2 sont aussi nombreuses qu’en master 1 ? Ce serait complètement impossible ! Sur cette question, il serait temps de sortir de la confusion et d’écouter, pour une fois, les universitaires, qui sont vent debout contre cette tendance délétère !

Les universitaires, parlons-en justement ! Ce sont les grands absents d’une stratégie qui ne consacre pas une réflexion suffisante au renforcement de leur statut ou à la lutte contre leur paupérisation.

Épuisés par une bureaucratisation croissante, les enseignants-chercheurs sont détournés de leurs missions fondamentales. À rebours de ce qu’il faudrait faire, le rapport préconise d’écorner davantage encore leurs libertés constitutionnelles, en proposant la constitution d’équipes pédagogiques « plurimétiers » dans lesquelles leur seraient associés les personnels de bibliothèque, ingénieurs, administratifs, techniciens, de service et de santé : c’est la proposition n° 31.

De telles préconisations traduisent à l’évidence un manque de confiance à l’égard des universitaires. Comme souvent avec les réformes en matière d’enseignement, les résultats obtenus seront à l’opposé des résultats promis. La bureaucratisation croissante de l’enseignement supérieur public dissuade déjà les meilleurs chercheurs, qui préfèrent se tourner vers des carrières privées, plus rémunératrices, ou rejoindre les universités étrangères.

La stratégie proposée consiste à distribuer les diplômes à tour de bras ! Il s’agit d’une mauvaise stratégie parce que, en procédant de la sorte, on dévalue les diplômes et l’on ruine toute possibilité d’ascension sociale pour ceux qui n’ont que leurs diplômes pour progresser. On aurait vraiment souhaité autre chose que le délitement des exigences : disons le mot, une stratégie d’excellence pour l’enseignement supérieur.

Au bout du compte, c’est une université de masse que ce gouvernement entend réellement promouvoir. Cette stratégie est la sienne ; ce n’est, fort heureusement, pas celle de ma famille politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Léonce Dupont applaudit également.)