Mme Évelyne Didier. Quel est le rapport ?

M. Jean Bizet. N’oubliez pas, chers collègues, d’’examiner la question aussi sous cet angle : la culture céréalière compte bien parmi les alliés de la protection de l’environnement ! Évidemment, peut-être ne voulez-vous pas adopter ce regard… (Mêmes mouvements, sur les mêmes travées.)

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean Bizet. Je fus rapporteur pour avis, voilà douze ans, de la loi constitutionnelle relative à la Charte de l’environnement, qui a introduit le principe de précaution dans la Constitution. Croyez-moi, chers collègues, il faut désormais équilibrer cette approche par un principe d’innovation !

M. le président. Il faut vraiment conclure, monsieur Bizet !

M. Jean Bizet. Je ne puis donc retenir de positif dans l’intervention de Mme la secrétaire d’État que la référence faite à l’ANSES. Évitons donc de casser les fondamentaux que nous avons construits ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 115 rectifié, présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Bertrand et Guérini, Mme Malherbe et M. Vall, n’est pas soutenu.

L’amendement n° 57 rectifié, présenté par MM. Labbé et Dantec, Mme Blandin, M. Poher et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – La section 1 du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 253-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 253-1- – L’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, y compris les semences traitées avec ces produits, est interdite à partir du 1er septembre 2018.

« Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé définit, après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, de l’Institut national de la recherche agronomique, et de l’Institut technique de l’agriculture biologique, les solutions de substitution suivantes à l’utilisation des produits mentionnés au premier alinéa :

« 1° Les produits phytopharmaceutiques alternatifs aux produits mentionnés au premier alinéa, adaptés à chaque usage ;

« 2° Les pratiques culturales durables permettant de limiter le recours aux produits phytopharmaceutiques, qu’il s’agisse de solutions de substitution biologiques ou physiques ou de pratiques agronomiques qu’il est souhaitable de développer à long terme, telles que la rotation des cultures ou la plantation de cultures pièges. »

II. – L’arrêté prévu à l’article L. 253-1-… du code rural et de la pêche maritime est pris dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.

III. – À la seconde phrase du second alinéa du I de l’article L. 254-7 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « 91/414/CE du Conseil » sont insérés les mots : « et des produits dont l’usage est autorisé dans le cadre de l’agriculture biologique ».

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Nous proposons par cet amendement de revenir à la rédaction de l’article issue des travaux de l’Assemblée nationale, qui prévoit l’interdiction des néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018. Cela se justifie par tous les arguments que nous avons déjà mis en avant.

Cela dit, j’ai bien entendu Mme la secrétaire d’État. L’important est qu’il y ait une date butoir. On a compris qui sont ceux qui souhaitent la poursuite de cette agriculture agro-chimique, qui emmène l’ensemble de la filière dans le mur. On connaît aussi les logiques sous-jacentes et, notamment, le poids des firmes ; je tiens à cet égard à pointer du doigt le rôle de ces dernières dans tout ce système, orchestré également par le président de la FNSEA. (M. Jean Bizet s’exclame.)

La logique de ces acteurs est tout autre que la nôtre : ils tiennent évidemment plus à leur compétitivité à l’échelle mondiale qu’à la santé humaine ou à la préservation de la biodiversité, qui ne sont, pour ainsi dire, pas leur sujet ! Je tiens à les en accuser publiquement !

Il est en effet un moment où, comme nous parlons de biodiversité, il faut véritablement dire les choses telles qu’elles sont, entendre les aspirations de la population française et nous montrer lucide sur le fait que des solutions de rechange existent.

On nous dira que l’on attend de trouver une solution de substitution à tel produit chimique. La vraie solution n’est pourtant pas là ; elle est globale et consiste en une modification générale des pratiques agricoles, non pas par un retour à une agriculture ancienne, mais bien par le développement, fondé sur un véritable travail de recherche, d’une agriculture extrêmement moderne.

Je défendrai d’ailleurs tout à l’heure sur ce sujet un sous-amendement aux amendements identiques de Mme Bonnefoy et du Gouvernement, visant à intégrer l’INRA et l’Institut national des techniques d’agriculture biologique, l’INTAB, parmi les institutions de recherche entendues sur ce sujet. Ce n’est en effet pas l’affaire de la seule ANSES : ce n’est pas qu’une affaire de molécules, c’est une affaire d’évolution globale !

Il faut travailler sur les variétés résistantes, sur les cultures associées et sur les rotations longues de cultures ; il nous faut en somme revenir aux fondamentaux.

Voilà la raison pour laquelle, si je propose par cet amendement, dans un premier temps, l’interdiction de ces produits à compter de 2018, je déterminerai ma position finale en fonction de l’évolution des débats. Je tiens en tout cas absolument, au nom des écologistes, mais aussi d’une partie importante de la population française,…

M. Jean Bizet. Fantasme !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Joël Labbé. … qui nous attend et qui nous observe, à ce que l’on fixe véritablement une date butoir ; sinon, notre action n’aurait pas de sens.

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 53 est présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L’amendement n° 170 rectifié est présenté par Mme Jouanno et MM. Cigolotti, Cadic, Gabouty, Roche, Médevielle, Delcros et Guerriau.

L’amendement n° 256 rectifié bis est présenté par MM. Bouvard et Grand et Mme Micouleau.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

I. – La section 1 du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 253-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 253-1-1. – L’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, y compris les semences traitées avec ces produits, est interdite à partir du 1er septembre 2018.

« Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé définit, après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, les solutions de substitution suivantes à l’utilisation des produits mentionnés au premier alinéa :

« 1° Les produits phytopharmaceutiques alternatifs aux produits mentionnés au premier alinéa, adaptés à chaque usage ;

« 2° Les pratiques culturales durables permettant de limiter le recours aux produits phytopharmaceutiques, qu’il s’agisse de solutions de substitution biologiques ou physiques ou de pratiques agronomiques qu’il est souhaitable de développer à long terme, telles que la rotation des cultures ou la plantation de cultures pièges. »

II. – L’arrêté prévu à l’article L. 253-1-1 du code rural et de la pêche maritime est pris dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 53.

Mme Évelyne Didier. À ce moment du débat, après avoir écouté toutes les interventions précédentes, j’ai décidé de ne pas lire l’intervention que j’avais préparée, mais plutôt d’énumérer les éléments qui importent à mes yeux.

Premièrement, nous étions parvenus à un compromis en première lecture, autour de l’interdiction des néonicotinoïdes en 2018. Cela nous semblait un recul par rapport à ce que nous avions souhaité initialement, mais nous avions donné notre accord à ce compromis, qui avait le mérite d’exister.

Deuxièmement, il y a donc bien eu recul depuis lors.

Troisièmement, à écouter les propos de notre éminent collègue Jean Bizet, qui, contrairement à moi, est scientifique, je ne peux manquer d’y déceler une forme de déni des conclusions de tout un ensemble d’études produites tant par l’ANSES que par d’autres scientifiques issus d’horizons très variés. Tous ne travaillent pas dans des agences gouvernementales ; je n’ai aucune raison de les suspecter de vouloir tromper leur monde. Il y a certes une variété de conclusions, qu’il faut soigneusement étudier, mais un tel déni n’est pas acceptable.

Quatrièmement, les citoyens sont légitimement fondés à avoir un avis sur la question, quand bien même ils ne sont pas scientifiques.

Cinquièmement, enfin, si j’attends l’avis argumenté des scientifiques, ce que j’ai vu et lu jusqu’à présent me laisse à penser que nous devons appliquer un principe de précaution en la matière ou, à tout le moins, aller petit à petit vers un modèle qui utilise de moins en moins ce type de produits.

Voilà l’état de ma réflexion aujourd’hui. Je souhaiterais que cet amendement soit soumis au vote, après quoi nous aviserons.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 170 rectifié.

Mme Chantal Jouanno. Nous avons déjà eu ce débat plusieurs fois. Je rejoins M. Bizet sur un point : nous sommes tous deux opposés à la logique qui voudrait que le législateur décide une interdiction générale des produits néfastes pour les pollinisateurs avant de demander l’avis des scientifiques. Toutefois, personne n’a encore proposé une telle démarche. En outre, quand bien même nous l’aurions fait, je doute fortement qu’il se serait trouvé un consensus autour de telles dispositions. De fait, il nous faut trancher cette question, qui est aujourd’hui sur la table.

Quant aux effets négatifs des néonicotinoïdes, ils sont scientifiquement prouvés. L’ANSES a demandé en 2012 à l’Union européenne d’évaluer à nouveau ces molécules. L’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, a donc publié en 2013 une réévaluation de trois de ces substances, réévaluation qui a conduit à un moratoire. L’ANSES confirme d’ailleurs que ce moratoire doit être maintenu ; quant aux autres substances, elle déclare très clairement qu’elles ont de sévères effets négatifs sur les espèces pollinisatrices, notamment en raison de leurs effets sublétaux.

Certes, elle conclut aussi que ces risques pourraient être considérés comme faibles sous certaines conditions d’utilisation, dans le cas par exemple d’usages sous serres permanentes ou sur des cultures non attractives pour les pollinisateurs. Soumettre leur emploi à de telles conditions supposerait néanmoins des mesures de contrôle dont je doute fortement qu’elles soient possibles, ne serait-ce que parce que nous ne disposons pas des effectifs requis pour effectuer ces contrôles et que bien des récriminations seraient émises à l’égard des agents qui en seraient chargés.

Telle est donc la question que nous devons nous poser aujourd’hui : en restons-nous à la conception actuelle, selon laquelle l’autorisation est la règle et l’interdiction l’exception, ou bien décidons-nous que l’interdiction, à terme, doit être la règle et l’autorisation – notamment en attendant la découverte de produits de substitution moins néfastes – l’exception ?

Je choisis la seconde solution, qui est également celle que M. le rapporteur a proposée en commission comme principe de compromis. Nous sommes toujours en quête de ce compromis, même si, à ce qu’il me semble, tout le monde reconnaît la nécessité de faire évoluer la réglementation applicable aux néonicotinoïdes.

Je vais retirer cet amendement, car je n’ai pas la même capacité, aujourd’hui, que les services du ministère pour trouver la formulation adéquate afin de satisfaire tous les intérêts. Il me semble que ce compromis fait aujourd’hui l’objet d’une vraie recherche, avant même l’étape de la commission mixte paritaire, au cours de laquelle tout peut arriver.

Néanmoins, je souhaite faire comprendre à mes collègues, quels qu’ils soient, que nous ne pouvons pas rester inactifs sur ce sujet. En effet, ce n’est pas s’opposer à l’agriculture que de défendre les polinisateurs : ces derniers, qu’ils soient domestiques ou sauvages – cette distinction que l’on a pu entendre en première lecture n’a aucun sens –, contribuent à l’agriculture. Or nous disposons dans cette filière d’une entreprise leader mondial par ses exportations et son chiffre d’affaires.

Cela dit, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 170 rectifié est retiré.

L’amendement n° 256 rectifié bis n’est pas soutenu.

Les deux amendements suivants sont également identiques.

L’amendement n° 104 rectifié quater est présenté par Mme Bonnefoy, MM. Filleul, Madrelle, Guillaume, Bérit-Débat, Camani et Cornano, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Miquel et Roux, Mmes Tocqueville et Claireaux, M. Lalande, Mme Espagnac, M. Courteau, Mme Campion, M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 299 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Au plus tard le 31 décembre 2016, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail établit le bilan bénéfice-risque des usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes autorisés en France, par rapport aux produits de substitution ou aux méthodes disponibles.

Ce bilan porte sur les impacts sur l’environnement, notamment sur les pollinisateurs, sur la santé publique, sur l’activité agricole et sur les risques d’apparition de résistance dans l’organisme cible.

II. – Au plus tard le 1er juillet 2018, sur la base du bilan mentionné au I, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail interdit les usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes pour lesquels les méthodes ou produits de substitution ainsi identifiés présentent un bilan plus favorable.

III. – Après le 1er juillet 2018, dès lors que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a connaissance ou est saisie d’une nouvelle méthode ou d’un nouveau produit de substitution à un produit phytopharmaceutique contenant une substance active de la famille des néonicotinoïdes, elle conduit un bilan bénéfice-risque dans les conditions mentionnées au I. Dans un délai maximal de quatre mois, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail interdit les usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes pour lesquels les méthodes ou produits de substitution ainsi identifiés présentent un bilan plus favorable.

IV. – Au plus tard le 1er juillet 2020, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes est interdite. Dans cette perspective, le programme mentionné au V de l’article L. 213-10-8 du code de l’environnement peut être mobilisé pour l’accompagnement des exploitations agricoles.

V. – Au dernier alinéa du II de l’article L. 254-7 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « 91/414/CE du Conseil » sont insérés les mots : « et des produits dont l’usage est autorisé dans le cadre de l’agriculture biologique ».

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour présenter l’amendement n° 104 rectifié quater.

Mme Nicole Bonnefoy. À l’instar de ce que j’avais fait en première lecture, je vous soumets là un amendement de compromis sur le sujet sensible des néonicotinoïdes.

Pour rappel, le groupe socialiste du Sénat n’a jamais été favorable à une interdiction brutale de cette substance active. Nous considérons en effet qu’une telle démarche serait contre-productive, pour de multiples raisons, qui ont été évoquées à de nombreuses reprises.

Au contraire, nous souhaitons respecter le droit communautaire en interdisant les usages de cette substance sur la base d’études scientifiques qui le préconisent. Le Gouvernement a déjà employé cette méthode lors de l’interdiction du Cruiser, dès 2012, ou encore en restreignant déjà fortement l’usage de trois des cinq substances actives de la famille des néonicotinoïdes.

C’est dans ce sens que nous devons travailler ; je suis d’autant plus libre de le dire que chacun connait mon engagement sur la question des pesticides. C’est pourquoi, en première lecture, nous avions proposé un premier compromis qui avait été accepté par notre Haute Assemblée.

L’amendement que je vous propose aujourd’hui, qui a été élaboré en concertation avec le Gouvernement, comme en atteste le dépôt d’un amendement identique par Mme la secrétaire d'État, tend à s’inscrire dans la même démarche.

Afin d’être la plus compréhensible possible, je l’apparenterai à une fusée à trois étages.

Le premier étage vise à demander à l’ANSES un rapport avant la fin de l’année 2016, rapport qui dresserait un bilan bénéfice-risque de l’usage des néonicotinoïdes par rapport aux produits ou méthodes de substitution disponibles.

À partir de ce bilan, l’ANSES devrait interdire, dès le 1er juillet 2018, l’usage des néonicotinoïdes pour lequel un produit présentant un bilan plus favorable existe.

Le second étage, s’appliquant à compter du 1er juillet 2018, vise à donner une mission pérenne de vigilance à l’ANSES en matière de néonicotinoïdes en lui demandant d’interdire, dès qu’elle en a connaissance ou dès qu’elle en est saisie, tout usage de cette substance dès lors qu’une nouvelle méthode ou qu’un nouveau produit de substitution présente un bilan plus favorable. Cette interdiction devrait intervenir dans un délai de quatre mois.

Finalement, le troisième étage de la fusée vise à poser le principe d’une interdiction, à compter du 1er juillet 2020, de cette famille de pesticides. Ce délai de trois ans permet ainsi aux différents acteurs d’anticiper et de s’organiser en conséquence.

Notre démarche est équilibrée et pragmatique. Elle montre notre volonté en matière de substitution des néonicotinoïdes ; nous la jugeons en effet nécessaire. Toutefois, elle prend également en compte un principe de réalité : aujourd’hui, les substituts existants sont autrement plus dangereux pour l’environnement et les pollinisateurs que les néonicotinoïdes. Il faut donc donner un peu de temps à la recherche pour trouver des produits de remplacement plus efficients.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 299.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. J’ai déjà présenté cet amendement, monsieur le président, lors de mon intervention sur l’article. Mme Bonnefoy a en outre très bien défendu son amendement identique : effectivement, nous avons travaillé ensemble, parce que nous avons considéré qu’il était important de rechercher un compromis qui prenne en compte les tenants et aboutissants de cette affaire délicate et complexe, à laquelle on ne peut apporter une réponse simpliste.

Je ne défendrai pas l’amendement une nouvelle fois, mais je vous avouerai que parvenir à ce compromis n’a pas été simple : voilà pourquoi je suis assez fière que le Gouvernement et sa majorité soient capables de présenter un front uni dans cette affaire.

M. le président. Le sous-amendement n° 321, présenté par MM. Labbé et Dantec, Mme Blandin, M. Poher et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Amendements nos 104 rectifié quater et 299

1° Alinéa 2

Remplacer le mot :

établit

par les mots :

, l’Institut national de la recherche agronomique et l’Institut technique de l'agriculture biologique établissent conjointement

2° Alinéa 5, première phrase

Après les mots :

elle conduit

insérer les mots :

, conjointement avec l’Institut national de la recherche agronomique et l’Institut technique de l'agriculture biologique,

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. J’ai déjà évoqué tout à l’heure la logique qui préside à ce sous-amendement. Si nous reconnaissons explicitement le rôle essentiel de l’ANSES pour l’évaluation des molécules de substitution, lorsqu’elles existent, nous estimons que l’enjeu crucial est bien plus global : la transition de l’agriculture, un réel changement de système agricole sont nécessaires.

Or, pour ce faire, l’INRA et l’ITAB ont un rôle essentiel à jouer : ils mènent d’ores et déjà des recherches sur ce thème. D’ailleurs, à ma demande, M. le ministre de l’agriculture a commandé une évaluation des externalités négatives de l’agriculture productiviste et, en particulier, des cultures où sont employés les néonicotinoïdes. Parmi ces externalités, on peut citer l’impact de ces cultures sur la qualité de l’eau – sa réhabilitation a un coût –, la perte des pollinisateurs – cela aussi a un coût énorme – ou encore leur effet sur la santé humaine. Cette évaluation doit nous permettre de débattre de cette question en toute connaissance de cause.

Ce sous-amendement vise donc à ce que l’INRA et l’ITAB participent, en plus de l’ANSES, à l’établissement du bilan bénéfice-risque des néonicotinoïdes, afin que ce bilan soit, comme il se doit, vraiment global.

M. le président. Le sous-amendement n° 317 rectifié bis, présenté par Mme Primas, MM. Gremillet, Allizard, G. Bailly, Bas, Bizet, Bonhomme et Bouchet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cornu, Darnaud et de Nicolaÿ, Mme Debré, M. Delattre, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, MM. Doligé, Gournac et Grand, Mme Gruny, MM. Houel et Kennel, Mme Lamure, MM. Lefèvre et P. Leroy, Mme Lopez, M. Mandelli, Mme Mélot, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Panunzi, Pierre, Pillet, Pinton, Pointereau, Raison, Rapin, Savary et Savin, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et César, est ainsi libellé :

Amendements nos 104 rectifié quater et 299

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Sophie Primas.

Mme Sophie Primas. Sans vouloir paraphraser ma collègue Nicole Bonnefoy, notre groupe aussi a travaillé, afin de trouver une solution de compromis et de progrès quant aux dangers, souvent décriés dans la presse, des néonicotinoïdes.

M. Jean Bizet. Très bien !

Mme Sophie Primas. Nous touchons ici à un article très sensible, qui mérite à mes yeux beaucoup de sérieux et une attention particulière.

Je voudrais d’abord mettre en garde contre la tentation de faire des caricatures : il n’y a pas ici, d’un côté, ceux qui sont contre les abeilles et, de l’autre, ceux qui sont pour ces insectes. Nous sommes tous sensibilisés, bien évidemment, à l’importance et à la valeur des pollinisateurs.

À vrai dire, je me place sur la même ligne que celle qui a été défendue par Nicole Bonnefoy : je défends un mécanisme essentiellement fondé sur une approche scientifique et qui s’en remet, par conséquent, à l’ANSES, seule institution capable à mes yeux de rendre des expertises pertinentes à ce sujet.

Je suis sensible au sous-amendement que vient de défendre Joël Labbé. On pourrait en effet élargir le champ des experts scientifiques impliqués dans ce processus, non pas selon moi à l’ITAB, mais bien à l’INRA et, peut-être, à l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture, l’IRSTEA. Ces instituts peuvent en effet apporter une vision un peu plus large que l’approche chimique de l’ANSES.

Néanmoins, l’alinéa 6 de l’amendement de Nicole Bonnefoy me semble quelque peu paradoxal. En effet, puisque nous nous reposons sur l’expertise des instituts de recherche, que ce soit l’ANSES ou, peut-être, l’INRA et l’INSTEA, nous devons leur faire confiance. Dès lors que ces agences nous déclarent qu’elles évaluent régulièrement les solutions de rechange aux néonicotinoïdes et qu’elles sont à l’affût des nouvelles méthodes et des nouvelles molécules qui sont mises sur le marché, c’est donc bien à elles, à ce moment-là, d’indiquer que l’interdiction est devenue nécessaire.

Le fait d’imposer dès aujourd’hui une date butoir non seulement n’a aucun sens, mais n’est en outre pas solide au regard du droit européen.

Nous sommes donc prêts à considérer l’adoption de l’amendement de Mme Bonnefoy à condition que soit adopté ce sous-amendement, ce qui nous permettrait de laisser l’ANSES et la science au centre de la décision.

En effet, si nous devions décider aujourd’hui, mes chers collègues, de l’intérêt d’enlever une molécule du marché ou de l’y laisser, alors faisons 500 millions d’économies par an et fermons l’ANSES ! Nous prendrons dans ce cas nous-mêmes toutes les décisions d’autorisation pour les molécules, pour l’agriculture ou pour nos médicaments, puisque, à en croire certains, c’est à peu près la même chose ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Le sous-amendement n° 318, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

Amendements nos 104 rectifié quater et 299

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

IV. – Au plus tard le 1er juillet 2022, l'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes est interdite, si une nouvelle molécule de substitution aussi efficiente est mise sur le marché aux mêmes conditions économiques.

La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Il s’agit là d’un sous-amendement de repli. J’ai en effet cosigné le sous-amendement que Sophie Primas a défendu à l’instant, qui me convient bien entendu beaucoup plus.

Qu’est-ce qui m’a amené à déposer ce sous-amendement ? J’ai voulu entrer, en définitive, dans la logique qui a été suivie à la fois par le Gouvernement et par la commission en charge de ce projet de loi.

Cet article illustre une fois de plus une volonté d’affichage de la part du Gouvernement : comme l’a dit très justement celui qui fut rapporteur pour avis de la loi constitutionnelle qui intégra dans notre Constitution le principe de précaution, Jean Bizet, et comme vient de le rappeler à l’instant Sophie Primas, la seule institution compétente pour décider de la pertinence, pour ce qui concerne la protection des végétaux, de la mise sur le marché d’une molécule à utiliser en agriculture ou dans les activités qui s’en approchent, c’est bien l’ANSES, qui a été créée à cette fin même !

Il n’est pas de la compétence du Parlement et des parlementaires d’apprécier si, scientifiquement, telle molécule peut ou non être utilisée. Si l’on a créé cette agence, c’est bien pour pouvoir s’appuyer sur ses compétences et ses avis scientifiques.

Je suis donc assez surpris de cette initiative, sinon du fait que le Gouvernement affiche sa volonté d’interdire des substances dont on pense qu’elles ont une incidence non négligeable sur la santé humaine et un impact sur l’environnement.

Ce projet de loi sur la biodiversité vise un équilibre entre, d’une part, les conséquences de l’utilisation d’une telle molécule sur l’environnement et la santé humaine et, d’autre part, l’impact économique d’une telle mesure pour l’activité agricole. Or j’estime que ce dernier élément n’est pas suffisamment pris en considération, ce qui justifiera pour ma part le dépôt d’un autre amendement.

Voilà ce qui m’a amené à déposer ce sous-amendement, qui vise à préciser que l’interdiction de ces produits ne pourrait être effective qu’à partir de 2022, et ce à la seule condition qu’une nouvelle molécule de substitution aussi efficiente soit mise sur le marché, aux mêmes conditions économiques.