M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, il y a eu en effet une petite confusion dans la présentation de nos amendements, et nous avons présenté l’amendement n° 688 au lieu de l’amendement n° 698.
À l’heure où le taux de chômage est important, de nombreux jeunes diplômés doivent accepter de postuler à des emplois qui ne correspondent pas forcément à leur niveau de qualification.
Pour faire face à ce déclassement de plus en plus palpable chez les jeunes, nous proposons d’inscrire dans la loi le fait que la rémunération doit être à la hauteur de la qualification. Cette disposition serait instituée dans le compte personnel de formation pour une déclinaison rapide et concrète, couplée avec la fiche de paie. Il est important de prendre en compte une telle problématique.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 688, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Compléter cet alinéa par les mots :
comprenant le calcul des années d’études dans les annuités retraite
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Sur le plan juridique, cet amendement est absolument inopérant. Le compte personnel de formation n’a aucun lien ni aucune influence sur les droits à la retraite des salariés. Il semblerait que ce soit plutôt un débat qui devrait avoir lieu dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il faudrait donc indiquer au syndicat étudiant mentionné dans l’objet de l’amendement de proposer ce dernier de nouveau à cette date.
La commission émet par conséquent un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 81 rectifié, présenté par MM. Husson, Houel, Bonhomme, César et Karoutchi, Mme Canayer, M. Vaspart, Mme Imbert, MM. B. Fournier et Commeinhes, Mmes Lamure et Deromedi et MM. Vasselle, Revet, Longuet, P. Leroy, Doligé et Laménie, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. La création du compte personnel d'activité répond à un objectif louable, dont nous avons largement débattu dans le cadre de cette discussion.
C'est un dispositif ambitieux, qui mérite d'être construit de façon réfléchie et progressive. Par conséquent, l'intégration du compte personnel de prévention de la pénibilité, le C3P, dans le CPA paraît prématurée. Un tel compte reste difficilement praticable dans les entreprises, notamment à l'échelle d'une TPE. Construire le CPA avec pour socle le C3P semble aujourd'hui inadapté et très précoce.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Aujourd'hui, le compte pénibilité se limite à quatre critères opérants. Le dispositif se met d’ailleurs en place avec difficulté. La commission propose de s’en tenir aux quatre facteurs actuellement en vigueur et de ne pas y rattacher pour l’instant les six autres critères.
Je vous rappelle que le dispositif a été voté il y a deux ans. Aujourd'hui, la principale difficulté de mise en place concerne les six critères qui auraient dû entrer en application au 1er janvier 2016. On parle dorénavant du 1er janvier 2017. Je doute fort que l’on y arrive !
Vous connaissez tous mon métier de tailleur de pierres. Je sais ce qu’est la pénibilité et je n’ignore pas toute la difficulté de l’appréhender. Il faudrait notamment disposer d’une médecine du travail plus opérante, qui puisse établir des expertises et réaliser une évaluation physique pour savoir si les personnes sont aptes ou non au poste avant de les embaucher. Dans l’apprentissage, il est possible de tester les individus et de les mettre en condition réelle, pour éventuellement les réorienter vers d’autres formations. Dans d’autres secteurs, c’est plus difficile.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Comme l’a souligné M. le rapporteur, le compte prévention pénibilité a été mis en place au moment de la loi de 2014. Nul ne peut en effet nier que certaines conditions de travail pénibles, subies durablement, ont un impact sur la santé des travailleurs. À titre d’exemple, un cadre vit en moyenne aujourd'hui sept ans de plus qu’un ouvrier. Une telle inégalité doit être combattue.
Nous avons retenu quatre facteurs de pénibilité, qui sont entrés en vigueur dès le 1er janvier 2015 : le travail de nuit, le travail en milieu hyperbare, le travail répétitif et le travail en équipes successives alternantes. Six autres facteurs entreront en application : le port de charges lourdes, les postures pénibles – un rapport, dont je reparlerai, nous a d'ailleurs aidés dans l’élaboration des référentiels –, les vibrations mécaniques, les agents chimiques dangereux, les températures extrêmes et le bruit.
Au titre des quatre premiers facteurs, quelque 500 000 salariés ont été crédités de points pénibilité pour l’année 2015 dans 26 000 entreprises. Celles-ci ont donc joué le jeu et tout a plutôt bien fonctionné, même s’il existe parfois un décalage entre la position des organisations patronales et les entreprises.
La commission des affaires sociales du Sénat a supprimé les six derniers facteurs de pénibilité. Nous ne pouvons absolument pas en rester là : cela créerait une inégalité insupportable entre les salariés, certains d’entre eux exerçant des métiers pénibles.
Depuis le début, le Gouvernement a consenti, notamment en lien avec les organisations patronales, énormément d’efforts de simplification. Nous avons rencontré un problème avec la fiche individuelle : nous l’avons supprimée et nous avons offert la possibilité aux branches professionnelles d’établir des référentiels de branche, pour ne pas faire peser sur les chefs d’entreprise une contrainte administrative trop lourde, voire une contrainte administrative tout court. Avec des référentiels de branche, la procédure devient beaucoup plus facile pour eux. Voilà où nous en sommes aujourd'hui.
Le Gouvernement, au-delà des simplifications adoptées dans le cadre de la loi du 17 août 2015 – suppression de la fiche individuelle et création des référentiels de branche –, soutient actuellement les branches professionnelles en difficulté pour mettre en œuvre ces référentiels. Ces derniers sont essentiels : s’ils sont correctement réalisés, la tâche des chefs d’entreprise s’en trouvera facilitée d’autant.
Pour ne pas creuser l’inégalité entre ceux qui bénéficient des quatre premiers facteurs et ceux qui auraient droit aux six derniers, le Gouvernement émet un avis défavorable, d’autant que nous avons pris un engagement sur la santé des salariés de notre pays.
M. le président. Madame Canayer, l'amendement n° 81 rectifié est-il maintenu ?
Mme Agnès Canayer. La commission des affaires sociales souhaite rendre le compte pénibilité opérationnel et le recentrer sur les quatre critères aujourd'hui effectifs.
Je m’en remets donc à la sagesse du rapporteur et je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 81 rectifié est retiré.
L'amendement n° 313, présenté par M. Botrel, Mme Bricq, M. Jeansannetas, Mme Féret, MM. Tourenne, Durain et Godefroy, Mmes Yonnet et S. Robert, MM. Vincent et Vaugrenard, Mmes Blondin et Herviaux, MM. F. Marc, Courteau et M. Bourquin, Mme Jourda, M. Rome, Mmes Bataille et Bonnefoy, MM. Lalande, Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Daudigny, Mmes Emery-Dumas et Génisson, M. Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, M. Vergoz et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Du compte épargne-temps dans une limite fixée par décret.
La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Le présent amendement a pour objet d’ajouter la possibilité d’inclure dans le compte personnel d’activité le compte épargne-temps, afin de mobiliser des périodes de congés non utilisées issues de la réduction du temps de travail et de les consommer si nécessaire dans un cadre différent.
Déjà déposé lors de l’examen en commission du projet de loi, cet amendement a fait l’objet d’un avis défavorable des rapporteurs, sans que les raisons invoquées ne soient pleinement satisfaisantes selon nous. En effet, si la logique des rapporteurs était la mise en place d’un compte personnel d’activité au périmètre limité, cela afin d’en assurer le caractère opérationnel, cela pourrait être envisageable. Toutefois, dans le même temps sont intervenues au Sénat des modifications substantielles et nettement excessives du texte transmis par l’Assemblée nationale.
Au surplus, en ce qui concerne le compte épargne-temps, un décret d’application est indispensable, afin d’éviter toute dérive potentielle. En ce sens, l’intégration dès ce stade du compte épargne-temps au CPA n’apparaît donc pas problématique, d’une part, et permettrait d’acter une avancée intéressante pour les publics concernés, d’autre part.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. L’idée est certes séduisante. Sur le principe, je n’y vois aucune opposition, mais il y a un « mais » !
La ministre elle-même l’a déclaré lors de son audition par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale : l’intégration du CET dans le CPA soulève « de très nombreuses questions en termes d’opérationnalité ». Il s’agit pour nous non d’un abandon, mais d’un phasage, car la mesure nous paraît prématurée.
Surtout, elle rompt avec l’universalité du CPA : moins de 15 % des salariés disposent aujourd’hui d’un compte épargne-temps. C’est non pas un dispositif mutualisé, mais un mécanisme propre à chaque entreprise qui le met en œuvre. Comment assurer le financement de sa transférabilité, son portage ? Comment éviter qu’un salarié fraîchement embauché par une entreprise ne fasse valoir ses droits à congé qui ont été accumulés chez de précédents employeurs ?
La mise en œuvre du CPA dans son périmètre actuel devrait déjà susciter suffisamment de difficultés pour que nous n’en rajoutions pas davantage aujourd’hui. Une fois que son fonctionnement régulier sera bien établi, une réflexion avec les partenaires sociaux – pour moi, tout part de là – pourra être engagée pour en étendre le périmètre. Il est à ce stade prématuré de l’inscrire dans le marbre de la loi.
Prévoir le portage de l’ensemble des droits des actifs dans un seul dispositif est selon moi une idée séduisante, je tiens à le redire. Cependant, cela nécessite une montée en puissance progressive. Mes chers collègues, ne brûlons pas les étapes ! Mieux vaut déjà faire fonctionner l’existant.
Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. J’ai effectivement tenu les propos cités par M. le rapporteur devant la commission de l’Assemblée nationale.
J’en suis convaincue, l’inclusion du compte épargne-temps fera partie de l’évolution du compte personnel d’activité. L’enjeu est de donner la capacité aux individus de mieux organiser leur temps entre le travail et la vie personnelle. C’est une aspiration forte parmi les jeunes générations, ce qui explique l’émergence de statuts choisis visant à davantage d’indépendance et d’autonomie. Derrière tous ces statuts, s’exprime une forte attente.
La généralisation du compte épargne-temps soulève de multiples questions, sur des sujets très concrets. J’ai interrogé durant la concertation toutes les organisations syndicales et patronales. Sur la nature des congés pouvant être épargnés, une organisation syndicale a évoqué la cinquième semaine de congés payés ; une autre qui s’y est complètement opposée !
Que dire par ailleurs à une PME sur les conséquences en termes de gestion au moment d’un recrutement ? Quels jours de congé épargne-t-on ? Bref, de multiples questions se posent. Aller à marche forcée vers la mise en œuvre du dispositif pour le 1er janvier 2017 serait une erreur.
Le Gouvernement entend privilégier la voie de la concertation. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons rétablir l’article 21 bis, qui prévoit, avant le 1er octobre 2016, une concertation avec les partenaires sociaux sur les dispositifs pouvant être intégrés dans le compte personnel d’activité, y compris le compte épargne-temps. C’est selon moi la bonne méthode : il serait erroné de procéder autrement au moment de la mise en place du CPA.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Botrel, l'amendement n° 313 est-il maintenu ?
M. Yannick Botrel. Notre collègue Agnès Canayer, du groupe Les Républicains, a retiré précédemment son amendement à la demande de M. le rapporteur.
Pour ce qui me concerne, je retire le mien à la demande de Mme la ministre, monsieur le président. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Il s’agissait d’une forme d’appel.
M. le président. L'amendement n° 313 est retiré.
L'amendement n° 314, présenté par M. Rome, Mme Bataille, MM. Cabanel, Courteau, Daunis, Duran, Montaugé et Vaugrenard, Mmes Bricq et Yonnet, MM. Vergoz et Tourenne, Mmes Schillinger, Riocreux et Meunier, MM. Labazée, Jeansannetas et Godefroy, Mmes Génisson, Féret et Emery-Dumas, MM. Durain et Daudigny, Mmes Claireaux et Campion, MM. Caffet, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que d’autres informations et simulations relatives à la mobilité géographique et professionnelle.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. L’objectif de cet amendement est de proposer des services en ligne supplémentaires aux titulaires du compte personnel d’activité.
Ces services, qui peuvent être, par exemple, des outils d’information sur le loyer moyen dans une zone donnée ou le salaire moyen dans une profession, offrent des données utiles aux salariés en période de reconversion.
Une plateforme de gestion du CPA a été mise en place par la Caisse des dépôts et consignations, la CDC. Il serait possible d’y adjoindre un site d’information fiable à partir de données collectées auprès d’organismes officiels ou professionnels : organismes consulaires, chambres de notaires, etc. Il favoriserait, par une information plus riche, la mobilité géographique et professionnelle, qui est un élément de lutte contre le chômage et pour la compétitivité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Il s’agit ici des informations relatives à la mobilité géographique et professionnelle dans le CPA.
Si les auteurs de l’amendement soulignent que 300 000 postes ne seraient pas pourvus aujourd’hui en France, ils savent sans doute également que le taux de mobilité géographique dans notre pays, c'est-à-dire la proportion de ménages ayant changé de résidence en un an, est l’un des plus faibles d’Europe : à peine 1,5 % à l’échelle supérieure à la région. J’ai bien peur que ce qu’ils proposent ne soit un vœu pieux. Néanmoins, si une meilleure information dans le CPA peut permettre d’améliorer la situation, je dis : chiche !
La commission émet donc un avis de sagesse sur cet amendement.
Mme Catherine Génisson. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je souscris totalement à cette intention : les informations sur la mobilité doivent être accessibles. Les services de Pôle emploi sont d’ailleurs en train de prendre un virage numérique avec l’emploi-store. Nous travaillons également à la mise en place d’une nouvelle plateforme afin d’améliorer la visibilité. Il s’agit de faire figurer la bonne formation et la bonne boîte. Bref, nous étudions de nouvelles applications en ce qui concerne les aides à la mobilité.
De nombreux projets issus de l’« hackathon » organisé par l’école 42 portaient d’ailleurs sur la mobilité géographique et sur la possibilité de rechercher dans un autre département ou dans une autre région, selon son profil, un organisme de formation.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 353 est présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 953 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 31 à 33
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° 353.
Mme Evelyne Yonnet. Cet amendement vise à rétablir le compte personnel de prévention de la pénibilité, ou C3P, dans sa totalité. Nous sommes sur ce point en plein accord avec le Gouvernement.
Quatre facteurs de risque sont aujourd’hui en application, et les six autres doivent entrer en vigueur dans les prochains jours.
Trois missions ont eu lieu, à la demande de la partie patronale sur ce dispositif. Elles ont permis d’aboutir à un système déclaratif simplifié, via le logiciel de paie au lieu de la déclaration personnelle.
Des référentiels types ont été établis selon les postes de travail afin de faciliter la tâche des employeurs de PME et de TPE. On nous tient aujourd’hui le même discours que lorsque les quatre premiers critères ont été mis en œuvre, alors que 88 % des entreprises concernées ont mis en place le dispositif sans que l’on en entende parler davantage !
S’adapter est toujours un moment un peu difficile et inquiétant. Les travailleurs s’adaptent énormément depuis plusieurs décennies déjà à de nouvelles conditions de travail et à de nouvelles technologies.
Il est très exagéré de prétendre que la mise en œuvre complète du C3P serait un obstacle insurmontable alors que tout a été fait pour la faciliter. Il faut rappeler que, en amont des possibilités de formation et de départ anticipé prévues par le texte, le C3P a une fonction de prévention, d’alerte et de dissuasion.
Le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles est reparti à la hausse en 2014, rompant avec la tendance baissière des dernières années. Les troubles musculo-squelettiques, ou TMS, constituent 87 % des maladies professionnelles. On peut raisonnablement penser qu’il y a un lien entre le port de charges lourdes ou l’exposition à des vibrations et l’apparition de ces TMS. Il est inutile de préciser que, outre les souffrances et les dégâts parfois irréversibles sur les articulations, le coût pour la branche AT-MP et la branche maladie, qui paie indûment, est élevé.
Réduire le déficit est l’affaire de la prévention, plutôt que du rationnement des soins. Il est donc indispensable de prévenir ce retour de la sinistralité.
Le C3P est un élément majeur de la prise de conscience, au niveau tant des employeurs que des salariés, de l’utilité de mettre en place des processus de production ergonomiques, qui épargnent autant qu’il est possible la fatigue et la souffrance.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 953.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Après l’exposé de Mme Evelyne Yonnet, le Gouvernement retire son amendement au profit de celui, identique, qui vient d’être présenté.
M. le président. L'amendement n° 953 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 353 ?
M. Michel Forissier, rapporteur. J’ai écouté avec attention la présentation de cet amendement. Or les entreprises ne rencontrent pas un problème de logiciel. Elles rencontrent plutôt un problème d’évaluation !
La prévention dans le monde du travail nous renvoie à la médecine du travail. Ce n’est pas le C3P qui résoudra les problèmes de prévention, qui sont liés à l’absence cruelle de médecins du travail, notamment pour les évaluations de postes et autres sujets très pragmatiques. Aujourd'hui, si Mme la ministre avait eu une solution, elle n’aurait pas manqué de nous le faire savoir.
Cet amendement tend à envoyer un mauvais message aux petites et moyennes entreprises. Dans la taille de pierre, j’ai bien connu le problème : ce n’est pas dans les métiers où il y a le plus de risques que l’on est le plus mauvais. En effet, comme dans les industries classées « Seveso », on y prend les précautions nécessaires.
C’est plutôt les métiers anodins qui présentent des risques. Le monde dans lequel nous vivons est dangereux, l’entreprise est dangereuse, la maison est dangereuse. Il y a d'ailleurs beaucoup plus d’accidents domestiques que d’accidents dans les entreprises. Loin de moi l’idée qu’il ne faudrait rien faire, mais je le répète : laissons du temps aux entreprises, surtout à la multitude des petites entreprises, qui n’arrivent pas à s’adapter.
Je doute de la fiabilité des dossiers remplis quelquefois par certaines d’entre elles : l’absence de médecins du travail se fait de plus en plus sentir dans ces métiers pénibles et dangereux.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Le compte pénibilité a été introduit en 2010 par la loi Woerth. Toutefois, c’est une autre logique qui prévalait à cette époque : il s’agissait de prévoir une réparation supplémentaire pour les accidents du travail et de reconnaître les maladies professionnelles.
Monsieur le rapporteur, je ne suis pas complètement d’accord avec vous. Certes, des accidents ou des maladies peuvent survenir dans le cadre de métiers peu pénibles. Il n’en reste pas moins que des postes à risques sont clairement identifiés. Nous en reparlerons lors de l’examen de l’article 44, qui concerne la médecine du travail.
Les troubles musculo-squelettiques sont une réalité objective. Ils sont dus à des conditions de travail ou à des postes à risques. Quelles que soient les dispositions prises en termes de prévention, nous savons tous pertinemment que ces travailleurs présenteront des troubles liés à la pénibilité de leur activité. Il existe, par exemple, des postes inévitablement pénibles dans le bâtiment.
Je suis d’accord avec vous, ce n’est pas l’existence du logiciel qui pose problème, c’est son alimentation, à savoir l’évaluation des conséquences médicales de la pénibilité. À l’article 44, le Gouvernement avance des propositions très précises en matière de postes à risques et de pénibilité.
Monsieur le rapporteur, cet amendement mérite tout à fait d’être adopté.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 353.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 366 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 188 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger nos travaux jusqu’à une heure du matin, afin que nous avancions l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
L’amendement n° 316, présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 52
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Je prends un risque, car je ne suis pas certaine que le Gouvernement soit d’accord avec cet amendement visant à supprimer l’alinéa 52, mais je voulais poser le problème.
Cet alinéa prévoit que les actions d’accompagnement, d’information et de conseil pour les créateurs ou repreneurs d’entreprises soient financées sur les fonds du compte personnel de formation, le CPF. Cela nous ennuie, car il existe d’ores et déjà une aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise : l’aide à la création ou à la reprise d’entreprise, l’ACCRE, qui consiste en une exonération partielle de cotisations sociales pendant une année et un accompagnement pendant les premières années d’activité. Elle permet aussi à certains bénéficiaires de prétendre à d’autres formes d’aides.
Le CPF, quant à lui, concerne les formations qualifiantes, la validation des acquis de l’expérience, le socle de compétences, ainsi que le bilan de compétences, qui a été ajouté par voie d’amendement à l’Assemblée nationale.
Il s’agit donc bien, avec le CPF, de formations qualifiantes et de reconnaissance des compétences. Intégrer à ce compte et financer sur ses fonds des actions qui ne correspondent pas à ces objectifs, c’est confondre le financement d’actions de formation et les exonérations de cotisations sociales.
C’est la difficulté : nous ne sommes pas d’accord pour que l’on prenne dans la poche du CPF, afin de financer les actions que je viens de mentionner.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. J’espère que les explications que je vais apporter permettront à Mme Bricq de retirer son amendement. Celui-ci vise à supprimer la possibilité de financer des actions d’accompagnement, d’information et de conseil pour les créateurs ou repreneurs d’entreprises sur les fonds du compte personnel de formation. De votre part, ma chère collègue, un tel amendement m’étonne.
J’avais proposé voilà quinze jours à la commission de rétablir la possibilité de cette prise en charge d’actions de formation à la création d’entreprise, en plein accord avec le Gouvernement. Mme la ministre présentera sûrement mieux que moi l’intérêt de cette mesure, qui suscite, il est vrai, des craintes dans le monde consulaire.
Prétendre que l’ACCRE rend inutile la disposition prévue à l’alinéa 52, c’est passer sous silence le fait que cette aide est réservée aux demandeurs d’emploi. Or, avec le CPF, nous parlons de salariés en activité.
Un salarié en activité peut décider de mobiliser son CPF en dehors de ses heures de travail pour suivre une formation à la création d’entreprise. Après tout, il s’agit d’un droit personnel ; on peut donc le laisser à la discrétion de l’intéressé.
Selon moi, et je sais que vous partagez mon point de vue, madame Bricq, créer une entreprise, c’est créer aussi de l’emploi. Dans la mesure où il s’agit de droits acquis portés par un actif, il est normal que celui-ci puisse en disposer à sa guise. Encore une fois une fois, le créateur d’entreprise est selon moi créateur d’emploi et de richesses.
Pour ces raisons, et parce que je ne veux pas émettre un avis défavorable, je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.