Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Mme la ministre de l’éducation nationale, qui m’a chargée de vous répondre.
Le Gouvernement s’attache à favoriser la réussite de tous les élèves. Ainsi, au titre de la réaffirmation de la priorité donnée au premier degré, et à rebours des suppressions de postes décidées par la précédente majorité, des emplois ont pu être créés dans les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, et la récente circulaire de rentrée 2016 a une nouvelle fois souligné tout l’intérêt de l’action des personnels exerçant au sein de ces réseaux.
S’agissant plus particulièrement du département des Bouches-du-Rhône, je tiens tout d’abord à vous rappeler que la hausse de la démographie scolaire a été plus qu’accompagnée : la création de 215 emplois de professeur des écoles a permis de faire passer le taux d’encadrement de 5,08 à 5,14 professeurs pour 100 élèves. En outre, dans la ville de Marseille, ce ne sont pas moins de soixante-dix classes qui seront ouvertes au 1er septembre prochain. Jamais le territoire marseillais n’avait observé un tel engagement de l’État pour une rentrée scolaire.
En cohérence avec cette politique volontariste, six postes en RASED seront créés dans ce département à la rentrée 2016, dont un poste de psychologue et cinq postes d’enseignant spécialisé.
Le nombre de psychologues scolaires a connu au cours de la période 2000-2016 une légère progression, traduisant une volonté régulière de renforcer leur présence sur le terrain. Toutefois, pour pallier une insuffisance persistante des ressources en personnel, six psychologues contractuels ont été recrutés.
Sur la même période, cependant, le nombre d’enseignants spécialisés a significativement diminué, à la suite des suppressions de postes décidées entre 2009 et 2012. Depuis, la réimplantation des maîtres spécialisés est engagée, comme en témoigne la création de cinq postes dès cette année.
Selon cette même dynamique, la ministre de l’éducation nationale a demandé au recteur et à l’inspecteur d’académie-directeur académique des services de l’éducation nationale des Bouches-du-Rhône de prêter leur pleine à cette situation. Dans ce cadre, ce dernier s’est engagé à se concentrer, tout au long de l’année scolaire en cours, sur le projet des trente-cinq circonscriptions, notamment en termes de structuration des équipes des RASED qui travaillent auprès des inspecteurs de l’éducation nationale, afin de consolider ces réseaux lors de la préparation de la carte 2017.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre. Il ne faut surtout pas baisser les bras et être toujours plus attentifs aux élèves en difficulté.
situation des mineurs isolés étrangers et non scolarisés
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 1466, adressée à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Yannick Vaugrenard. Je souhaite alerter le Gouvernement sur la situation d’injustice et d’extrême urgence humanitaire dans laquelle se trouvent un certain nombre de mineurs étrangers isolés actuellement présents sur notre territoire.
En effet, à l’instar des autres pays européens, la France se trouve confrontée depuis des années à un phénomène migratoire qui se caractérise par l’arrivée de mineurs isolés étrangers.
Selon l’association GASPROM, en Loire-Atlantique, certains de ces mineurs étrangers âgés de quatorze à dix-huit ans vivent dans des conditions particulièrement difficiles. La plupart trouvent refuge dans des « squats » de centre-ville, tandis que d’autres, faute d’autre solution, se sont résignés à vivre dans la rue.
À cette injustice s’en ajoute une autre, celle du refus de les scolariser. En effet, en dépit de plusieurs tentatives menées depuis septembre 2015, l’association que j’ai citée se heurterait à un refus catégorique des services de l’éducation nationale de prendre en charge ces mineurs.
Or l’accès à l’éducation est d’autant plus important que la formation est l’un des critères pris en compte, à la majorité de ces mineurs étrangers, pour le traitement de leur demande de régularisation. Une circulaire ministérielle précise en outre que l’école constitue un droit pour tous les enfants résidant sur le territoire national, sans distinction de nationalité, de statut migratoire ou de parcours antérieur. Je rappellerai également que la Commission nationale consultative des droits de l’homme recommande aux pouvoirs publics, dans son avis, de mettre un terme aux difficultés pratiques entravant l’accès des mineurs isolés étrangers à la scolarité, à une formation ou à un apprentissage de droit commun.
Je conclurai par deux citations.
Selon Emmanuel Kant, « on ne doit pas seulement éduquer des enfants d’après l’état présent de l’espèce humaine, mais d’après son état futur, possible et meilleur, c’est-à-dire conformément à l’idée de l’humanité et à sa destination totale ».
Par ailleurs, Nelson Mandela disait que « l’État se doit d’assumer ses responsabilités et de prendre en charge les enfants, parce que l’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde ».
Madame la ministre, quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre afin de lutter efficacement contre cette injustice et de permettre à ces enfants de jouir du droit à la scolarité, à l’apprentissage et au développement de leur personnalité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Monsieur le sénateur, votre question sur la situation des mineurs étrangers isolés et leur scolarisation est tout à fait légitime et pertinente.
Permettez-moi tout d’abord de vous assurer de l’engagement très ferme du Gouvernement à faire respecter le droit à l’éducation pour toutes et tous, quelle que soit la situation sociale des jeunes concernés, et d’autant plus lorsque ceux-ci se trouvent en grande difficulté, comme c’est le cas des mineurs étrangers isolés.
Mme la ministre de l’éducation nationale est extrêmement attentive à la situation de ces jeunes et elle a demandé à ses services de se montrer très vigilants quant à leur scolarisation, notamment quand ils ne sont plus soumis, du fait de leur âge, à l’obligation scolaire. Soyez assuré, dans cette perspective, qu’aucune demande de scolarisation ne sera laissée sans suite.
Visant le même objectif, l’ensemble des services de l’éducation nationale ont immédiatement été mobilisés après l’annonce, à l’été 2015, de l’accord de l’Union européenne sur l’accueil des migrants. Un premier plan a ainsi pu être mis en œuvre dès la dernière rentrée scolaire, ce qui a permis à la fois le recensement des capacités d’accueil en établissement scolaire et la mise en place d’un pilotage académique en lien avec les préfectures.
Les instances de coordination interministérielle dans le domaine de l’accueil des migrants ont souligné l’efficacité du dispositif ainsi mis en œuvre. Il sera prolongé par un nouveau plan élaboré ces dernières semaines, dans le cadre duquel les moyens de l’éducation nationale, ainsi que la coordination des services à l’échelon local et national, seront renforcés. Ce plan permettra de mettre en valeur les actions d’ores et déjà engagées par le ministère en faveur de la scolarisation des enfants migrants, notamment celle des mineurs étrangers isolés.
En outre, aujourd’hui, des enfants sont scolarisés, à Calais, grâce à l’action de professeurs présents sur leurs lieux de vie, ou, à Grande-Synthe, grâce à la volonté du maire de les scolariser dans les écoles de sa ville.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous menons notre action en étant conscients de la situation extraordinaire des mineurs étrangers isolés et animés par la volonté que le droit à l’éducation que nous nous attelons à défendre prenne toute son ampleur.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Je vous remercie de cette réponse incontestablement humaniste, madame la ministre.
La question qui se pose parfois est celle de l’application des règles que le Gouvernement a fixées. Dans cette perspective, je souhaiterais que le ministère de l’éducation nationale se mette en relation avec le recteur de l’académie dont relève mon département de Loire-Atlantique pour vérifier que les règles relatives à la scolarisation de ces mineurs étrangers isolés sont bien appliquées. De mon côté, je me mettrai également en rapport avec le recteur et le préfet à cette fin. La vigilance, dans ce domaine, s’impose à tous, pour faire en sorte que le droit et la volonté du législateur soient respectés dans le pays des droits de l’homme !
fermeture d'une classe moins d'un an après son ouverture
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, auteur de la question n° 1431, adressée à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Élisabeth Lamure. Ma question porte sur la gestion des ouvertures et fermetures de classes dans l’enseignement primaire.
Selon le site du ministère de l’éducation nationale, « l’ouverture et la fermeture d’une classe, dès lors qu’elles n’entraînent pas la création ni la suppression d’une école, ne nécessitent pas de décision du conseil municipal ».
Pourtant, dans les faits, les communes sont les premières à supporter les conséquences matérielles de ces fermetures, qui sont désastreuses compte tenu des dépenses engagées pour permettre une ouverture décidée une ou deux années auparavant.
En effet, les décisions d’ouverture de classe conduisent régulièrement les communes à engager des investissements lourds pour la construction, l’agrandissement ou l’aménagement des locaux destinés à recevoir la nouvelle classe.
À l’heure où les finances des collectivités sont fragilisées par la réduction drastique des dotations de l’État, de nombreux maires émettent le souhait qu’aucune fermeture de classe n’intervienne moins de trois ans après l’ouverture de celle-ci.
La ministre de l’éducation nationale pense-t-elle que le Gouvernement puisse répondre positivement à cette demande légitime des élus locaux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du logement et de l'habitat durable.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. Madame la sénatrice Lamure, présenter les projets d’ouverture et de fermeture de classes comme étant presque exclusivement conditionnés aux inscriptions enregistrées dans chaque établissement scolaire est réducteur au regard des réalités du terrain et de l’action promue par le ministère.
Au niveau local, la préparation de la carte scolaire du premier degré donne lieu à une concertation étroite entre les représentants de la commune et l’inspecteur d’académie chargé d’implanter et de retirer les emplois d’enseignant, après avis du conseil départemental de l’éducation nationale.
S’agissant des seuils de nombre d’élèves retenus pour ouvrir ou fermer une classe, leur définition relève de la compétence de l’inspecteur d’académie. Elle est établie en fonction des caractéristiques des classes, des effectifs et des postes budgétaires qui lui sont délégués, après avis du comité technique paritaire départemental.
Toutefois, les inspecteurs d’académie sont incités, depuis la circulaire du 3 juillet 2003, à réunir les partenaires concernés, en sus des procédures de consultation réglementaires, afin de mettre en place des modalités de concertation et d’information plus informelles. Ainsi, tous les acteurs du premier degré sont normalement avisés bien en amont du projet de l’inspecteur d’académie et peuvent faire valoir les variables socio-économiques qui seraient de nature à modifier les prévisions.
Par ailleurs, cette même circulaire prescrit de tenir compte des perspectives pluriannuelles des situations locales.
Dans le cadre des conventions ruralité récemment signées, le Gouvernement a prévu de rappeler l’importance du contexte socio-économique pour la prise des décisions concernant la carte scolaire et entend attirer l’attention des services déconcentrés sur la nécessité d’inscrire leur action dans le cadre de schémas territoriaux pluriannuels prenant en compte ces données socio-économiques.
Vous le voyez, madame la sénatrice, bien qu’aucune règle de durée stricte d’établissement d’une classe ne soit envisagée, règle qui ne serait pas, au demeurant, adaptée au caractère évolutif des territoires, les perspectives des collectivités sont étudiées avec attention et les décisions d’ouverture et de fermeture de classes prévues au plus près des réalités du terrain.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Certes, des concertations sont menées, notamment pour l’établissement de la carte scolaire, mais vous savez bien, madame la ministre, que les maires n’ont qu’un pouvoir très limité dans ce cadre. Je regrette l’attitude trop bureaucratique de l’éducation nationale, qui ne tient pas toujours compte des réalités, en particulier celles du milieu rural. Il faut, me semble-t-il, éviter le gaspillage des deniers publics.
évolution des chiffres du chômage en haute-saône
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, auteur de la question n° 1434, adressée à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Michel Raison. Ma question se veut pédagogique, et non polémique, car les statistiques cachent des situations réelles de difficulté, parfois de désespoir et parfois aussi, heureusement, d’espoir. Ces réalités m’ont motivé à siéger au sein de la commission d’enquête sénatoriale sur ce sujet.
Au cours des douze derniers mois, en Haute-Saône, on a relevé une très légère baisse du taux de chômage. Aussitôt, certains commentateurs en ont tiré la conclusion, que je juge hâtive, que la Haute-Saône irait mieux…
Quand j’analyse les chiffres, je note un écart positif entre les entrées et les sorties du chômage de trente personnes sur un an.
Au cours de l’année écoulée, les cessations d’inscription pour défaut d’actualisation ont représenté 36 % des sorties, et leur nombre a augmenté de 18 %.
Dans le même temps, les reprises d’emploi n’ont progressé que de 13,8 %, les entrées en stage ont constitué 17 % des sorties – soit une hausse de 78 % – et la mise en place du plan « 500 000 formations supplémentaires » risque de fausser encore un peu plus les chiffres retraçant la réalité douloureuse du chômage.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous, pour le département de la Haute-Saône, me détailler la catégorie des cessations d’inscription par motif ? Pouvez-vous me donner les chiffres concernant cette catégorie et leur évolution depuis quatre ans ? Pouvez-vous me dire si la légère évolution positive de la situation de l’emploi est due à des reprises d’emploi ou simplement à des départs à la retraite ou, plus grave encore, à la fuite d’actifs vers d’autres bassins ?
Brandir des chiffres sans les accompagner d’une analyse peut permettre un affichage qui ne reflète pas forcément la réalité de la situation de l’emploi. Quel que soit le gouvernement en place, les Français ont besoin de vérité, de transparence. Les dirigeants, les services de l’État et des collectivités ont besoin d’analyses précises, en phase avec la vraie vie, afin de pouvoir apporter de vraies solutions.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Pour vous répondre, monsieur le sénateur Michel Raison, je vais donc expliciter les chiffres que vous avez cités, montrant une réduction du nombre de demandeurs d’emploi dans le département de la Haute-Saône.
La baisse atteint 5,2 % sur un an pour les demandeurs d’emploi sans activité inscrits en catégorie A, alors qu’elle s’établit à 1 % au niveau national. Si l’on prend également en compte l’évolution du nombre de demandeurs d’emploi en activité réduite, la baisse est de 3,4 % en Haute-Saône sur un an, contre 0,4 % au niveau national.
Votre département, monsieur le sénateur, affiche donc, au regard des indicateurs nationaux, des résultats traduisant une situation plus favorable.
Vous avez mentionné le plan « 500 000 formations supplémentaires ». Celui-ci se décline dans les territoires, l’objectif étant d’adapter la formation aux profils réclamés par les entreprises qui créent de l’activité et des emplois. Il s’agit d’un élément positif, mais sa mise en place ne peut avoir eu d’incidence sur les chiffres que vous avez cités, dans la mesure où il vient d’être lancé et commence seulement à produire ses premiers résultats.
La création au niveau national de 110 000 emplois salariés marchands en 2015, après trois années de destruction nette d’emplois, témoigne d’une reprise de l’activité économique, y compris en Haute-Saône.
On constate aussi, dans votre département, que le nombre de demandeurs d’emploi de longue durée, inscrits depuis un an ou plus, a baissé de près de 4 % sur un an. Cela montre bien que des facteurs structurels sont en action, permettant à des personnes depuis longtemps éloignées de l’emploi de reprendre une activité.
Enfin, s’agissant des sorties des statistiques liées à une « cessation d’inscription pour défaut d’actualisation », nous ne disposons pas de données détaillées par territoire.
Toutefois, les résultats d’une enquête menée à l’échelle nationale montrent que 45 % des cessations d’inscription pour défaut d’actualisation correspondent en fait à des reprises d’activité non signalées à Pôle emploi. Le taux que vous mentionnez pour votre département, à savoir 36 %, est inférieur à ce chiffre national.
J’espère que ces éléments auront permis de répondre à votre question. Ils font notamment apparaître que la situation, dans votre département, est meilleure que celle que nous constatons sur l’ensemble du territoire national.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Je ne suis pas complètement convaincu par votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Je souhaite que mon département aille mieux, mais, à l’examen, on constate que la baisse de 5,2 % du nombre des demandeurs d’emploi masque un certain nombre de réalités.
À vous entendre, à l’échelle nationale, 45 % des personnes n’étant plus inscrites à Pôle emploi pour défaut d’actualisation auraient en fait retrouvé un emploi et omis de le signaler. Cela signifie qu’il en reste tout de même encore 55 % qui se trouvent toujours sans emploi ! À cela, il faudrait ajouter les fuites d’actifs ou les départs à la retraite.
Je conserve donc des doutes quant au nombre réel de nouveaux emplois créés dans le département. Je vous remercie néanmoins, madame la secrétaire d’État, d’avoir pris la peine d’essayer de décortiquer certains chiffres…
simplifier et accélérer les procédures d'asile
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 1421, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Vial. La situation des réfugiés en provenance de la Méditerranée et du Moyen-Orient est devenue un sujet d’actualité européen majeur, avec un accroissement de son intensité ces deux dernières années, lié à l’aggravation du conflit syrien et des conditions de vie et de sécurité des réfugiés dans les pays d’accueil limitrophes : Jordanie, Liban et Turquie.
En réalité, on peut parler de deux flux de réfugiés : celui, régulier, lié au processus traditionnel des procédures d’asile, et celui des personnes qui, du fait des circonstances de guerre, rejoignent l’Europe dans des conditions humanitaires et de sécurité fortement dépendantes des réseaux de passeurs se nourrissant du chaos et – pourquoi ne pas le dire ? – du laisser-faire de certains États, voire de l’inertie des instances internationales.
Les récents accords passés entre l’Union européenne et la Turquie ont contribué, au moins dans un premier temps, à réduire fortement le flux des réfugiés. Ils devraient permettre de mieux contrôler et accompagner ce dernier, même si leur succès dépendra des moyens et de la détermination des pays concernés, l’attitude de certains d’entre eux soulevant, aujourd'hui, de réelles interrogations.
En revanche, restent entières les difficultés, qui n’ont cessé d’augmenter avec le temps, liées à la régularisation de la situation des réfugiés, notamment syriens. En effet, si la procédure d’asile leur est largement ouverte, elle est, compte tenu du contexte, de plus en plus difficile à mettre en œuvre.
La complexité et la lourdeur des procédures, ainsi que les conditions d’instruction des dossiers, du fait de la fermeture de la représentation française en Syrie, accroissent les difficultés et les dangers pour les personnes demandant l’asile.
Conscient de ces difficultés, M. le ministre de l’intérieur, lors de son audition au Sénat au mois d’octobre dernier, s’était engagé à améliorer le traitement des demandes en prenant les dispositions réglementaires nécessaires.
Compte tenu de l’aggravation de la situation des réfugiés se trouvant en Jordanie, au Liban et en Turquie, le Gouvernement peut-il confirmer sa volonté de faciliter la régularisation de l’instruction des demandes de droit d’asile, notamment pour les Syriens, en s’engageant à prendre les mesures réglementaires nécessaires à la simplification des démarches, sans oublier le nécessaire renforcement des moyens humains des consulats, à hauteur d’au moins quinze agents selon le ministre des affaires étrangères lui-même ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Je vous prie tout d’abord, monsieur le sénateur Vial, de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur.
Comme vous l’avez indiqué, le conflit syrien a provoqué des déplacements importants de population : 4 millions de personnes sont concernées.
Devant cet afflux de réfugiés, la France s’est mobilisée.
Nous apportons tout d’abord notre soutien aux organisations internationales, aux agences de l’Organisation des Nations unies et aux pays voisins : Jordanie, Liban et Turquie.
Cet engagement s’exprime aussi au travers des mesures prises pour accueillir les réfugiés sur le territoire national. Si elle est convaincue de la nécessité de contrôler rigoureusement les frontières extérieures, la France est néanmoins impliquée dans des programmes de réinstallation et d’admission humanitaire.
Nous nous sommes ainsi engagés, à la fin de l’année 2013, à mettre en œuvre un programme d’accueil de 500 Syriens en 2014, engagement qui a été renouvelé en 2015.
Aujourd’hui, ces efforts sont amplifiés. Plus de 10 000 Syriens seront accueillis d’ici à la fin de 2017. Il s’agit de tirer les conséquences, à la fois, des conclusions du Conseil européen de juillet 2015 avec l’accueil de 2 375 réfugiés syriens, de l’application de la déclaration entre l’Union européenne et la Turquie, qui pourra conduire à réinstaller 6 000 Syriens, et d’un engagement national envers le Liban, portant sur 2 000 Syriens.
Toutes les personnes admises dans le cadre de cette opération bénéficieront de la protection internationale, d’un titre de séjour durable et d’un accompagnement social personnalisé destiné à faciliter leur intégration.
Parallèlement, la France entend maintenir ce qui constitue une de ses spécificités, à savoir le visa au titre de l’asile. Celui-ci permet de prendre en compte la situation de personnes ayant besoin de protection, qui soit ont témoigné d’un engagement en faveur de la liberté, soit sont particulièrement menacées.
Depuis 2013, près de 2 900 visas au titre de l’asile ont été délivrés à des ressortissants syriens, et 1 500 devraient l’être en 2016. Un effort particulier sera également consenti, en 2016, en faveur des étudiants syriens.
Ce même dispositif de visas au titre de l’asile est appliqué depuis l’été 2014 au bénéfice de ressortissants irakiens ayant subi, notamment, des violences perpétrées par les groupes djihadistes, les ayant contraints à l’exode vers le Kurdistan irakien. Il a permis l’accueil en France de près de 3 800 personnes et sera maintenu.
Les préoccupations que votre assemblée avait exprimées, lors de l’audition du ministre de l’intérieur, le 13 octobre 2015, concernant les procédures de délivrance des visas ont été entendues. Les effectifs des postes consulaires en Irak, en Jordanie, au Liban et en Turquie sont renforcés pour permettre un traitement plus rapide des demandes et les critères de délivrance des visas ont été clarifiés.
Dans le contexte migratoire difficile que nous connaissons aujourd’hui, qui appelle à la plus grande vigilance, ces mesures témoignent de la fidélité de notre pays à l’exigence de protection des personnes fuyant les violences et les persécutions.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Je vous remercie de ces éléments de réponse, madame la secrétaire d’État.
Il convient de saluer les efforts faits par la France dans le cadre du programme de réinstallation.
Concernant l’accord passé entre l’Union européenne et la Turquie, nous sommes plutôt dans l’expectative, même si l’on nous affirme que sa mise en œuvre se passe bien.
S’agissant du dispositif de visas au titre de l’asile, vous m’avez apporté une réponse partielle, madame la secrétaire d’État. Je connais et salue le travail réalisé par les services du ministère de l’intérieur, mais 2 900 régularisations dans le cadre de cette procédure, c’est relativement peu au regard de l’ampleur de la situation. Je me permets d’insister sur le fait que la procédure d’asile offre à notre pays, pour l’examen des dossiers, une bien plus grande sécurité que les autres voies, notamment le programme de réinstallation.
avenir des migrants accueillis dans les communes
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, auteur de la question n° 1433, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Mme Christine Prunaud. J’attire l’attention du Gouvernement, madame la secrétaire d’État, sur les conditions d’accueil des migrants en provenance de Calais dans les communes de nos territoires.
En novembre 2015, la commune de Langueux, dans les Côtes-d’Armor, a accueilli, à la demande du préfet, des migrants d’origine afghane.
À ces migrants, à qui avait été promis un accueil, une « mise à l’abri », la commune entendait bien assurer des conditions de vie construites sur l’humanité et le respect, malgré les contestations répétées et tenaces du Front national départemental.
Ces personnes ont été très bien accueillies dans un centre de formation dépendant de l’Association pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, mais assurer la gestion administrative, le gîte et le couvert semblait être le seul objectif des services de l’État. Cette ambition est jugée insuffisante par la municipalité, aidée et soutenue par un collectif constitué de nombreux bénévoles et d’associations caritatives.
Ceux-ci ont donc dû trouver seuls, par exemple, un médecin prêt à intervenir à titre gracieux et deux infirmières, faute de soutien appuyé de l’agence régionale de santé. Ils ont proposé des cours de français et la participation à des initiatives sportives et culturelles, qui furent autant d’occasions d’échanges fructueux avec la population.
Loin de regretter cet investissement humain, la municipalité souhaite pouvoir élargir encore les possibilités en matière de logement ou de formation et assurer une assistance médicale réelle, afin de permettre un accompagnement sur la durée, ouvrant des perspectives à ces migrants.
Poursuivre ces actions avec davantage de moyens et de soutien de l’État, tel est le souhait de la municipalité et des bénévoles.
Mme la maire de Langueux voudrait donc savoir dans quelle mesure il serait possible – même à titre expérimental, dit-elle – de permettre à ce projet véritablement humain, concernant de sept à quinze jeunes célibataires afghans, de se poursuivre. Ce serait une façon, pour notre pays, de mettre davantage en pratique cette valeur fondamentale de la République qu’est la fraternité.