M. Pierre-Yves Collombat. Je ne suis pas étonné que vous souteniez ces trois amendements, monsieur le ministre : la spécialité du Gouvernement, c’est de faire payer ses bonnes intentions par les communes ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Ça commence fort !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est la vérité !
M. Jean Desessard. Vous n’avez encore rien vu ! Moi, j’ai regardé hier soir le débat télévisé de la primaire de la droite, et je ne sais pas où ils vont trouver l’argent !
M. Pierre-Yves Collombat. Vous décidez de faire ceci, cela, avec plein de bons sentiments, mais qui paie ? Les communes bien sûr ! Les communes qui, en plus, lèvent des impôts ! Tout cela n’est-il pas beau ?
On a tous eu, ou presque, l’expérience d’avoir dirigé une mairie. Moi, je ne connais pas de maire qui ait refusé à une famille rencontrant tel ou tel problème de trouver une solution, ou alors on ne fréquente pas les mêmes !
De vrais problèmes peuvent se poser. Si vous êtes à saturation dans votre cantine et qu’il faut en construire une autre, comment faites-vous ? Vous essayez précisément de faire en sorte que ce soit surtout ceux qui en ont besoin qui en profitent. Vous, vous campez sur vos principes !
Mme Évelyne Didier. Mais non !
M. Pierre-Yves Collombat. Ils sont tellement beaux, ces principes !
M. Jean Desessard. C’est quand même quelque chose !
M. Pierre-Yves Collombat. Alors, payez ! Mais je ne pense pas que vous ayez ce problème à Paris, cher collègue ! Il suffit de comparer la fiscalité et les recettes de la Ville de Paris et celles de la plupart des communes de France…
J’ai aussi connu des gens qui demandaient l’accès à la cantine parce que ça les arrangeait. Parfois, il peut être absolument indispensable d’inscrire à la cantine l’enfant d’une femme seule qui ne travaille pas,…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Absolument !
M. Pierre-Yves Collombat. … pour les raisons indiquées précédemment et pour lui permettre de s’aérer – même cet aspect des choses, il faut l’intégrer.
Au regard de la jurisprudence, qui permet d’éviter les mésusages, les discriminations dans un sens ou dans un autre, et eu égard aux principes édictés, en rester là serait la meilleure des choses. (Mme Françoise Gatel, rapporteur, et Mme Sophie Primas applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Notre collègue Collombat a quasiment tout dit. Moi, je vous incite à aller encore plus loin : pourquoi ne pas rendre obligatoirement accessibles à tous les centres de loisirs et les crèches ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Absolument !
M. Philippe Dallier. Après tout, c’est la même chose.
Mme Sophie Primas. Effectivement !
M. Philippe Dallier. Quand les parents sont en recherche d’emploi, ils ont aussi besoin de se libérer le matin, l’après-midi, et pas seulement à l’heure du repas.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Philippe Dallier. Allez-y, rendez les centres de loisirs et les crèches obligatoires ! Franchement, jusqu’où ira-t-on ? C’est vraiment la bonne question.
Mme Evelyne Yonnet. C’est un service public !
M. Philippe Dallier. Je ne veux pas croire que, dans notre pays, une majorité de maires refusent à des gamins socialement en difficulté l’accès à la cantine ; je ne veux pas le croire !
Mme Evelyne Yonnet. Si, ça existe !
M. Philippe Dallier. Il y a peut-être quelques cas, c’est possible. Pour autant, faut-il inscrire dans la loi que l’inscription à la cantine est ouverte à tous, y compris à ceux dont l’un des deux parents ne travaille pas et qui ne sont absolument pas en difficulté financière. Se rend-on bien compte de ce qu’on est en train de faire ?
Dans ma commune, il y a deux écoles, qui proposent trois services de restauration, parce qu’on ne peut pas pousser les murs : le service commence à onze heures trente pour finir à treize heures quarante-cinq, me semble-t-il. Mais si l’inscription à la cantine est rendue obligatoire pour tous les enfants, qu’est-ce que je vais faire ? Il s’agit non pas de savoir si cela coûte plus cher de fabriquer vingt ou trente repas de plus, mais de savoir où l’on va asseoir les gamins, sauf à les faire manger en quinze minutes avec un lance-pierres.
Franchement, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Je vois bien qu’il faut régler quelques cas. Trouvons alors une disposition adaptée : si le maire refuse d’inscrire l’enfant d’une famille socialement en difficulté – je pense vraiment que ce cas est rarissime –, on lui impose de l’accepter. Mais là, vous nous proposez une mesure à caractère général. Je vous le dis, demain, seront concernés les centres de loisirs, puis les crèches ! Dans ce cas, je ne sais pas comment on fera. (M. René Danesi et Mme Sophie Primas applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Ces trois amendements identiques n’ont pas du tout l’objectif que vous avez dit, madame la rapporteur : il ne faut pas transformer le débat.
Je vois les choses venir : à l’extérieur, on va dire aux maires que les communistes, les socialistes et les écologistes veulent imposer la création d’un service de restauration scolaire dans toutes les communes.
Mme Evelyne Yonnet. Mais ce n’est pas ça !
M. Jacques Bigot. Soyons clairs : la création d’un service de restauration scolaire est et restera un choix laissé au conseil municipal. Ce choix répond aux besoins de nos administrés.
M. Pierre-Yves Collombat. Si le maire a les moyens de le faire !
M. Jacques Bigot. Mais, dès lors que ce service est créé, il doit, comme tout service, être égalitaire.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Jacques Bigot. Il ne saurait donc être question de faire des discriminations en fonction de la situation des parents.
M. Jean Desessard. Tout à fait !
M. Jacques Bigot. Oui, bien sûr, le maire que je suis sait que l’augmentation du nombre de demandes d’inscription peut poser des problèmes. D’ailleurs, cette demande sera de plus en plus forte. Mais quand on crée un service de restauration scolaire, on a aussi conscience que celui-ci peut représenter un volet éducatif, non négligeable.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas le problème !
M. Jacques Bigot. Je le répète, le choix de créer ou pas ce service appartient aux communes. Mais, dès lors qu’il existe, la discrimination n’est pas possible. Dans nos communes, nous trouverons les solutions pour ne pas tomber sous le coup de la loi, comme nous évitons aujourd'hui de tomber sous le coup de la jurisprudence administrative.
La réalité des doléances exprimées auprès du Défenseur des droits ne peut être ignorée du Parlement ; c’est le sens de nos amendements identiques et des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. On le sait, cette question n’est pas simple. Bien sûr, il ne faut laisser personne au bord du chemin et, sur le fond, on ne peut qu’être d’accord sur le rôle social des cantines. Tout responsable d’une collectivité, quel qu’il soit, est là pour essayer de trouver des solutions adaptées aux situations familiales.
Mais se pose le problème du financement des charges scolaires. Je suis maire d’une petite commune qui n’a plus d’école depuis très longtemps, mais nous participons, au titre des dépenses de fonctionnement obligatoires, à hauteur de 800 ou 900 euros par élève.
Se pose aussi le problème du fonctionnement des cantines. Philippe Dallier a rappelé des vérités : la situation est de plus en plus compliquée pour les organisateurs et les personnels des cantines scolaires. S’y ajoute la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires, qui n’est pas simple. On se retrouve donc confronté à des dilemmes permanents.
Les tarifications des cantines sont ce qu’elles sont, mais certains présidents de SIVOM ou des maires sont confrontés à des problèmes d’impayés. C’est un autre sujet, mais il existe.
Il ne faut laisser personne au bord du chemin, en particulier les enfants, je le répète. Il faut essayer de répondre à toutes les sollicitations, toutes les attentes et trouver des solutions.
Même si, sur le fond, je respecte vraiment ces amendements, je me rallierai à la position de Mme la rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je serai très brève après l’argumentation de notre collègue Bigot.
Au-delà de nos engagements partisans, nous sommes tous républicains. Mais, sur le territoire français, je considère que certains maires ne sont pas républicains. Je peux vous citer le cas d’un maire d’une commune du sud-est de la France qui ne donne plus accès à la cantine aux enfants de chômeurs. Cela existe !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est illégal !
Mme Catherine Génisson. Il est bien évidemment de la responsabilité du maire de choisir d’ouvrir une cantine ou pas. Mais quand un service de restauration est proposé, il ne peut y avoir de discrimination sociale, et cette question mérite que l’on y porte attention.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la rapporteur, vous en avez trop fait. Vous avez commencé par vous demander pourquoi le préfet n’intervenait pas si la loi n’était pas appliquée. Aussi, j’ai cru que vous étiez d’accord avec notre proposition d’accueillir tout enfant à la cantine, à égalité. Vous avez simplement souligné qu’on pointait des choses qui n’existaient pas. Mais, comme M. le ministre a rappelé que ces situations existent bel et bien et sont relevées dans un rapport du Défenseur des droits, je m’attendais à ce que vous fassiez machine arrière, prétendant que vous n’étiez pas au courant, que vous n’aviez pas assez travaillé la question.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. C’est malvenu !
M. Jean Desessard. Mais, après, vous avez tout mélangé, affirmant qu’il n’y avait pas de cantine partout.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est vrai !
M. Jean Desessard. Je me suis alors dit que c’était sur le fond que vous n’étiez pas d’accord. Vous n’êtes pas d’accord avec la loi ! (Mme François Gatel, rapporteur, proteste.) Et c’est pour cette raison que vous n’avez pas envie de l’appliquer !
Vous avez montré – cela a été relevé par nos collègues – que l’acceptation de certains enfants à la cantine devait relever de l’appréciation du maire. Mais nous, nous vous disons : non, il y a égalité devant la loi ! Le maire ne doit pas choisir en fonction de la situation des parents. Vous rendez-vous compte de ce que ça signifie pour les enfants de chômeurs de ne pas avoir le droit d’aller à la cantine ?
Mme Evelyne Yonnet. Absolument !
M. Jean Desessard. Les autres y ont droit, ceux dont les parents ont un boulot ! Et vous, vous avez l’air de trouver ça normal !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. N’allez pas trop loin ! Il ne faut pas exagérer !
M. Jean Desessard. C’est absolument scandaleux !
Je maintiens donc l’amendement, parce que, comme la loi n’est pas appliquée, il est souhaitable d’inscrire l’obligation d’accueillir tous les élèves dans les cantines scolaires. Monsieur Dallier, on verra plus tard pour les centres de loisirs et les crèches…
M. Philippe Dallier. C’est la même chose !
M. Jean Desessard. Pour aujourd'hui, nous nous en tenons aux cantines scolaires. La loi doit s’appliquer partout, y compris dans les cantines scolaires. Et le rôle du rapporteur, c’est de faire appliquer la loi !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. De rapporter l’opinion de la commission !
M. Jean Desessard. Quand c’est une bonne opinion !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. M. Desessard est toujours un peu excessif !
M. Pierre-Yves Collombat. Pas toujours !
M. Jean Desessard. Je suis excessif, parce que vous êtes en train de dire qu’il ne faut pas appliquer la loi !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Revenons à un peu de calme sur ce sujet.
Nous avons déposé notre amendement, parce que nous sommes vraiment convaincus qu’il y a un problème. Je ne peux donc pas accepter que vous nous renvoyiez dans les cordes en disant que cela dégouline de bons sentiments. Nous avons une conviction, et nous la défendons au travers de cet amendement.
Je suis d’accord avec notre collègue qui a précisé que tout n’est pas simple dans les communes et qui se demande comment faire quand les cantines manquent de place. C’est un vrai problème pour les élus ; nous l’avons tous vécu dans nos secteurs.
M. Pierre-Yves Collombat. Je l’ai connu !
Mme Évelyne Didier. Au travers de notre amendement, nous cherchons à attirer l’attention sur le fait que ce sont toujours les gosses de chômeurs qui ne sont pas pris quand il n’y a pas de place. Voilà ce qui n’est pas acceptable ! Pour les raisons que nous avons très bien développées les uns et les autres : il s’agit d’une discrimination de plus.
Mme Evelyne Yonnet. Voilà !
M. Pierre-Yves Collombat. Il ne faut pas le dire comme cela dans l’amendement !
Mme Évelyne Didier. J’attends éventuellement une proposition…
Dans le secteur où je suis, le taux de chômage est très élevé. La discrimination est réelle. Les gens ne savent plus où se mettre ; ils ont toujours l’impression qu’on les montre du doigt, parce que ce sont souvent les mêmes qui vont aux Restos du cœur. Ils vivent une espèce de discrimination permanente. Imaginez la manière dont cette situation est vécue par les gosses ! S’il vous plaît, revenons à la raison ! Ne stigmatisons pas les positions des uns et des autres ! Les problèmes sont certes à prendre en considération, mais, franchement, sur le fond, on a raison. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
Mme Evelyne Yonnet. Absolument !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je regrette un peu le ton de notre débat, comme notre collègue. Mais, monsieur le ministre, vos propos caricaturaux ont peut-être lancé le débat sur de mauvaises pistes. Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui sont pour une discrimination dans les cantines, ceux qui veulent empêcher les pauvres de manger et les enfermer chez eux à midi, et, de l’autre, ceux qui sont hyper-généreux.
M. Philippe Dallier. Mais non !
Mme Sophie Primas. On n’est pas dans ce schéma. Vos propos témoignent d’une grande défiance à l’égard des maires, qui font preuve de bon sens de façon générale. Il existe certes quelques cas, mais j’ai l’impression que l’on prend une enclume pour écraser une mini-mouche.
Aujourd'hui, les maires font preuve d’un grand discernement. Évidemment, quand nous sommes confrontés à un problème de places, le nombre de services dans les cantines étant pléthorique – je rencontre dans ma commune les mêmes problèmes que Philippe Dallier –, nous devons quelquefois faire des choix. Mais les maires ne font pas le choix de refuser les plus pauvres. Nous connaissons la situation sociale des familles, nous discutons avec le corps professoral ; nous avons des ATSEM, du personnel dans les écoles. Il ne faut évidemment pas discriminer des personnes qui se trouvent dans une situation sociale difficile.
Dieu me préserve, je n’ai pas eu à faire de choix à ce jour ! Mais, dans les communes alentour, les maires qui doivent faire des choix demandent aux mamans qui ne travaillent pas parce qu’elles n’en ont pas envie…
Mme Évelyne Didier. C’est différent !
Mme Sophie Primas. … si elles peuvent garder leurs enfants ces jours-là. Toutes les personnes qui ne travaillent pas ne sont pas nécessairement des chômeurs et ne sont pas non plus nécessairement pauvres.
M. Jean Desessard. Pourquoi n’êtes-vous pas pour l’amendement, alors ?
M. Philippe Dallier. Parce qu’il généralise !
Mme Sophie Primas. Et parce que je ne veux pas en faire une obligation.
Faites confiance aux élus locaux ! Certes, certains d’entre eux ne respectent pas les règles de la République, mais j’espère que ceux-là ne seront pas réélus. Les élus locaux, dans leur très large majorité, sont des Républicains, attentifs aux conditions sociales de leurs concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Très bien !
Mme Catherine Di Folco. Bravo !
M. Jean Desessard. Cela n’enlève rien au fait que vous ne votiez pas l’amendement !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Notre collègue Desessard est meilleur sénateur qu’interprète de ma pensée… Avec la franchise qui me caractérise et le calme qui me distingue dans ce débat, je lui demande de ne pas donner aux mots un sens qu’ils n’ont pas.
Je veux répondre de manière précise aux différents propos.
Monsieur le ministre, je le répète, ce texte est un cabinet de curiosités, mais il est aussi un cabinet d’accusations. Je vous le dis très calmement, mes chers amis, cette horrible majorité sénatoriale, qui serait conservatrice, analphabète – chez moi, on parlerait de « ploucs », pour reprendre un mot employé précédemment –, c'est-à-dire qui ne comprend rien à rien, aurait adopté des dispositions contre l’IVG, contre la presse…
M. Jean Desessard. Pas nous !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. … – j’imagine d’ici le sujet du week-end pour les ministres et les médias ! – et, maintenant, contre la cantine ! Ces horribles sénateurs de droite empêcheraient les enfants de pauvres…
Mme Evelyne Yonnet. Pas de pauvres !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. … de manger à la cantine !
Mes chers amis, je reprends votre propos, et je vais vous proposer la solution. Car j’ai la solution !
Moi, je refuse sincèrement qu’il y ait, d’un côté, des législateurs qui soient la bonne conscience de la Nation et, de l’autre, des mécréants, des sénateurs ou d’autres élus, qui empêcheraient des enfants de déjeuner à la cantine. La réalité est plus compliquée que cela.
Mon cher collègue, indignons-nous ! Quelquefois, on se demande ce que fait la police. Mais, monsieur le ministre, je vous le demande : que font les préfets ? Il n’appartient pas à une famille qui s’est vu opposer un refus d’accès à la cantine d’aller au tribunal administratif ! Le préfet a l’obligation de faire respecter la loi et, dans la loi actuellement en vigueur, il est écrit textuellement qu’il ne peut pas y avoir de discrimination à l’accès à la cantine.
M. Jean Desessard. Voilà !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mais, alors, que font vos préfets ? Et que fait le Gouvernement ? Qu’est-ce que cela signifie ? Que vous ne savez pas vous faire obéir de vos préfets ? Ou que vous fermez les yeux ? Et vous venez ici nous taxer aujourd'hui de personnes dépourvues de tout sens social.
Pour ma part, pour être maire et présidente de l’association des maires d’Ille-et-Vilaine, je n’ai jamais entendu dans un département un maire dire à un enfant : « Toi, tu es pauvre, tu es fils de chômeur, tu ne mangeras pas. » C’est insupportable de laisser entendre cela !
Monsieur le ministre, j’ai votre solution.
M. le président. Madame la rapporteur, je vous prie de bien vouloir vous acheminer vers votre conclusion.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je vais m’acheminer vers ma conclusion, monsieur le président, mais les propos ont été suffisamment nombreux pour que je m’explique.
M. le président. Je vous ai accordé le double du temps dont vous disposiez pour donner l’avis de la commission !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur le ministre, tenez vos préfets ! Déclarez donc la cantine service obligatoire, comme vous l’avez fait pour les collèges et les lycées, et financez-la, au lieu d’accabler les maires de tous les maux, car cela n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Nous pourrons saisir les préfets, comme vous le souhaitez, madame la rapporteur, quand cette possibilité sera inscrite dans la loi.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est déjà dans la loi !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est illégal !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Et la jurisprudence, c’est quoi ? Elle sanctionne !
M. Patrick Kanner, ministre. Nous voulons conforter la jurisprudence en l’inscrivant dans la loi. Cela ne se fera peut-être pas aujourd'hui au Sénat, mais peut-être demain à l'Assemblée nationale. Nous voulons donner les moyens aux préfets de pouvoir agir, en vue d’éviter ainsi des recours abusifs.
Ce sont 400 dossiers qui ont été recensés.
Mme Sophie Primas. Sur combien de milliers d’enfants ?
M. Patrick Kanner, ministre. Peut-être y en a-t-il des centaines de plus qui n’ont pas été relevés dans les 36 500 communes françaises.
En aucun cas, monsieur Dallier, nous ne voulons rendre obligatoire la création d’une cantine scolaire. Nous ne visons que les cas dans les cantines qui existent aujourd'hui. Qu’un maire, pour des raisons d’opportunité, des raisons financières ou politiques, ne veuille pas créer de service public de restauration scolaire, de garderie ou de crèche, c’est son droit le plus strict. C’est la libre administration des collectivités territoriales. Mais, lorsqu’une commune a décidé de créer une cantine, il faut en permettre le libre accès.
M. Pierre-Yves Collombat. Mais s’il n’y a plus de place, il faut en créer une autre !
M. Patrick Kanner, ministre. Monsieur le sénateur, je me permets de vous le rappeler avec beaucoup de respect et de manière sympathique, je ne fais que défendre une proposition de loi portée par vos amis politiques à l'Assemblée nationale.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne dépends de personne, que de moi-même !
M. Patrick Kanner, ministre. Laissez-moi m’exprimer, monsieur le sénateur ! En tout cas, je demande au président de séance de veiller à ce que je puisse parler dans de bonnes conditions…
Permettez-moi de vous donner lecture de la phrase non pas qui tue, madame la rapporteur, mais de la phrase du Défenseur des droits, qui, me semble-t-il, résume toute la philosophie de ces amendements ; je vous y rends attentive, comme vous l’êtes d’habitude, naturellement : « Si le principe de libre administration des communes donne au maire toute liberté de créer un service public à caractère facultatif, comme celui de la restauration scolaire, en revanche, il ne lui donne pas, une fois le service créé, un pouvoir souverain d’appréciation quant au droit d’y accéder. »
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme Evelyne Yonnet. C’est un service public !
M. Patrick Kanner, ministre. Voilà le résumé de la philosophie qui sous-tend ces amendements identiques, que je soutiens.
M. Jean Desessard. Très bien ! C’est clair !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Permettez-moi de formuler rapidement trois observations.
Monsieur le ministre, voilà deux jours, vous nous expliquiez que la jurisprudence suffisait pour que la loi s’applique. M. Mézard vous avait répondu d’une façon qui avait été particulièrement entendue par les membres de la Haute Assemblée. Aujourd'hui, vous êtes en train de nous dire l’inverse.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Il faut savoir ! En l’occurrence, le préfet a tous les moyens de déférer de telles décisions devant la juridiction administrative.
J’en viens à ma deuxième observation. Françoise Gatel n’a pas besoin de défenseur, mais je tiens à dire que je trouve excessifs les propos tenus il y a quelques instants par l’un de nos collègues – je ne vais pas le citer, mais il siège au sein du groupe écologiste.
M. Jean Desessard. C’est donc moi !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Il s’est dénoncé lui-même.
Il a gravement mis en cause Mme Gatel, qui a rapporté l’avis de la commission.
M. Jean Desessard. Oh !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. La façon dont son opinion a été travestie…
M. Jean Desessard. Non !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. … est tout à fait inacceptable. Cela a été fait en méconnaissance des propos tenus et même, je crois l’avoir deviné, dans le but de nuire. Je veux vraiment dire ici que Françoise Gatel a défendu une position raisonnable, qui sera, j’en suis persuadé, partagée.
Ma troisième observation est un témoignage de l’élu local que je suis aussi. Nous voyons parfois inscrit, à l’ordre du jour de nos assemblées locales, « Créances irrécouvrables ». Qui sont les débiteurs visés ? Toujours des mauvais payeurs, c’est-à-dire des personnes de mauvaise foi. Je n’ai jamais vu que l’on ait cherché à enfoncer une personne en difficulté, et je suis persuadé de pouvoir affirmer qu’aucun élu de la République ne l’a jamais fait.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Les personnes visées ne sont pas celles dont nous avons parlé tout à l’heure : ce ne sont pas des chômeurs ou des mères seules, mais, je le répète, des personnes de mauvaise foi. (Mme Françoise Gatel, rapporteur, opine.) Quand des personnes ont des difficultés, elles se présentent devant les élus et ceux-ci assument leurs responsabilités. Nous n’avons donc pas besoin d’entendre des propos comme ceux qui ont été tenus.
M. Jean Desessard. Lisez donc le rapport du Défenseur des droits ! À quoi sert-il que des rapports soient faits si personne n’en tient compte ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 252, 431 rectifié bis et 546.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 47 demeure supprimé.