M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Le rôle du CSA est précisément de faire ce travail. M. Gattolin, qui lui reproche de ne pas être suffisamment vigilant, plaide pour inscrire cette disposition dans la loi. Mais que le CSA fasse son travail, que le Gouvernement lui renvoie quelques lettres de mission au besoin, que les parlementaires qui siègent dans cette instance s’activent, voilà ce qui serait plus pertinent !

Par ailleurs, je m’interroge sur la rédaction proposée : « notamment à l’image des femmes qui apparaît dans ces émissions publicitaires ». Cela vise certainement les femmes nues ; mais il arrive aussi que des hommes soient habillés en lapin ou que des enfants soient placés dans des situations ridicules. Cela nuit aussi à leur image.

M. Jean Desessard. Un homme n’est jamais ridicule, voyons ! (Sourires.)

Mme Sophie Primas. Si nous voulons que les femmes soient traitées comme les hommes, commençons par ne pas les traiter différemment, y compris dans la loi. (Mme Françoise Gatel, rapporteur, opine.) Je suivrai donc l’avis de Mme le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Pour ma part, je ne suivrai pas l’avis de Mme la rapporteur.

Je remercie notre collègue Gattolin pour les arguments techniques qu’il vient de développer ainsi que M. le ministre de soutenir avec force cet amendement.

J’ai envie de dire que ça continue, dans la publicité, comme pour le reste ! Il y a encore des publicités qui sont extrêmement dégradantes pour les femmes et qui portent atteinte à leur dignité. C’est pourquoi il me semble important de mettre le focus sur les femmes dans ce projet de loi, qui, je le rappelle, est relatif à l’égalité et à la citoyenneté.

Si les femmes étaient déguisées en lapin, on ne dirait rien ! Il y a les piles Duracell pour ça…

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Chez moi, on dirait de cet amendement qu’il ne mange pas de pain. Je vais donc le soutenir.

M. Pierre-Yves Collombat. Mais, chers collègues, si cette disposition était appliquée – elle ne le sera pas ; donc, elle ne sert à rien –, il n’y aurait quasiment plus de publicité à la télévision. Pourquoi croyez-vous qu’il y ait des femmes dans les publicités ? Je ne vais pas vous faire un dessin… Le CSA veillera donc comme le chat qui dort.

Mme Sophie Primas. Quel sexisme !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est la vérité !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je suis d’accord avec notre rapporteur et en désaccord avec ce que l’on vient d’entendre.

C’est vrai que les publicités sont sexistes et visent particulièrement les femmes. Montrer une femme dénudée pour vendre une voiture ou un yaourt, c’est dégradant. En plus, ces images sont diffusées à longueur de journée. Toutefois, si je partage la philosophie de l’amendement, je trouve sa rédaction maladroite et contre-productive. Son adoption aurait pour effet d’amoindrir la portée de ce que nous défendons. Il me semble en effet beaucoup plus fort d’écrire « Il veille au respect de la dignité des personnes » que d’écrire « Il veille notamment à l’image des femmes qui apparaît ».

Même si nos raisons sont différentes de celles qui ont été développées sur les travées d’en face, notre groupe ne soutiendra pas cet amendement. À vouloir trop bien faire, on aboutit parfois au résultat inverse de celui qui est recherché.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Kanner, ministre. Je suis un peu étonné par la position de votre groupe, madame Cohen. Il y a quand même bien un problème spécifique de l’image des femmes dans la publicité à la télévision. Certes, vous ne le niez pas, mais vous estimez que la réponse juridique proposée n’est pas adaptée à cette préoccupation.

Le CSA a effectivement une obligation générale de contrôle du respect de la dignité, mais nous voulons l’amener à être encore plus vigilant sur la situation particulière des femmes et sur l’image qu’on donne d’elles dans la publicité française. Pour ma part, je ne crois pas que les conséquences seront celles que vous redoutez. C’est pourquoi je réitère mon soutien à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 32 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 323
Pour l’adoption 137
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 44 B.

(L'article 44 B est adopté.)

Article 44 B
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Articles 44 et 45

Article additionnel après l’article 44 B

M. le président. L'amendement n° 393, présenté par M. Gattolin, est ainsi libellé :

Après l’article 44 B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 13 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel communique chaque mois au président du Parlement européen et aux responsables des différents partis politiques qui y sont représentés ainsi qu’aux personnes mentionnées au deuxième alinéa le relevé des temps d’intervention des personnalités politiques sur des sujets ayant trait à l’action de l’Union européenne dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes. »

La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Qu’on le veuille ou non, le destin de la France est aujourd'hui indissolublement lié à celui de l’Europe. Indissolublement, car celles et ceux qui croient que l’herbe est plus verte ailleurs feraient bien de suivre ce qui se passe au Royaume-Uni depuis quelques jours. Du fait des conséquences économiques du Brexit, des voix s’élèvent maintenant au sein même du gouvernement britannique pour renoncer à sortir de l’Union européenne dans le cas où le traité qui succéderait à la présence dans l’Union ne serait pas aussi favorable qu’espéré pour le Royaume-Uni.

Qu’on en parle en bien ou en mal, l’Europe est le fantôme de l’opéra politique et médiatique dans lequel nous baignons !

L’amendement que je propose s’inscrit dans le même esprit que la proposition de résolution européenne que nous avions adoptée en 2013 sur l’initiative de notre ex-collègue et très cher ami Pierre Bernard-Reymond, qui visait à créer une station de radio publique consacrée à l’actualité quotidienne de l’Europe et de nos partenaires de l’Union. Il vise à assurer une prise en compte réelle de la sphère publique européenne eu égard à l’équilibre et au pluralisme des courants de pensée.

Ma demande repose notamment sur l’article 16 du décret fixant le cahier des charges de France Télévisions, intitulé « L’Europe », qui dispose que « France Télévisions s’attache à intégrer la dimension européenne dans l’ensemble de ses programmes », afin d’accorder une large place à la connaissance des enjeux communautaires et à l’expression d’une identité européenne.

Ma demande s’appuie également sur le travail mené récemment par le mouvement des Jeunes Européens, qui ont comptabilisé sur le site de France Info TV tous les sujets relatifs à l’Europe pendant onze jours, du vendredi 16 septembre au mardi 27 septembre dernier. Le résultat est sans appel : huit sujets seulement ont été dédiés à l’actualité européenne, soit quinze minutes en onze jours, ou encore quatre-vingts secondes par jour. C’est peu, très peu, trop peu ! Il y avait pourtant de la matière : tenue du premier sommet à vingt-sept sans le Royaume-Uni à Bratislava, discours annuel sur l’état de l’Union de M. Juncker, président de la Commission européenne, affaire de l’ancienne commissaire européenne à la concurrence, Mme Neelie Kroes, suite du Brexit, et je ne cite là que les faits les plus saillants.

Nous devons montrer que l’espace public européen existe. Cet amendement participe de cet objectif, puisqu’il tend à confier au Conseil supérieur de l’audiovisuel la mission de relever le temps d’intervention des personnalités politiques sur des sujets européens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. La centriste que je suis ne peut être que sensible à la cause européenne. Toutefois, je vous rappelle, mon cher collègue, nos principes de rigueur et la volonté de la commission de centrer le texte sur ses objectifs initiaux que sont l’égalité et la citoyenneté. Votre amendement tendant à inclure la sphère publique européenne dans la mission du Conseil supérieur de l’audiovisuel, il me semble un peu éloigné de cet objectif.

Le respect du pluralisme au niveau européen, c’est-à-dire des équilibres entre partis politiques supranationaux, nécessiterait de repenser des règles conçues au niveau national. Il convient cependant de rappeler que, en période électorale, ces règles nationales sont appliquées à l’occasion des élections européennes.

En outre, une instance purement nationale telle que le CSA n’a pas à rendre de compte au président du Parlement européen ni aux dirigeants des différents partis qui y sont représentés.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, à moins que vous n’ayez la pertinence de le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre. Aux arguments de fond qui viennent d’être développés par Mme la rapporteur, j’ajouterai simplement un argument technique : du fait de la multiplication des médias audiovisuels, le CSA n’aura pas les moyens d’assumer cette responsabilité. Je le dis avec tristesse mais avec réalisme, car je partage votre ambition tout en regrettant qu’elle ne puisse pas se traduire dans les faits à la hauteur de ce que vous espérez.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Durant la campagne pour le référendum sur le traité de Maastricht, M. Kouchner a eu cette phrase célèbre : « Après Maastricht, on rira beaucoup plus. » Ce que je constate, c’est qu’on rit plutôt jaune ces temps-ci.

Personnellement, je trouve qu’il y a suffisamment de propagande européiste à la télévision. Je souhaiterais plutôt qu’ait lieu un débat de fond sur les raisons pour lesquelles l’espoir mis en l’Europe, et le départ des Britanniques en est l’un des signes nombreux, est loin d’être satisfait. Je ne voterai donc pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. Il me semble que Mme la rapporteur a mal lu mon amendement. Il s’agit non pas d’assurer l’équilibre, mais de communiquer le temps de parole des personnalités politiques européennes. Nous pouvons discuter de la liste de ces personnalités, qui inclura sans doute le président du Parlement européen et les responsables de partis politiques, mais nous sommes quand même dans une forme d’intégration, ou alors je n’ai pas bien compris où en est l’Europe. Il ne s’agit pas de créer une telle mesure puisque celle-ci existe déjà.

Je dirai à M. le ministre qu’il semble malheureusement bien mal connaître le CSA. En effet, ce n’est pas le CSA qui assure cette tâche, mais chacune des chaînes qui communique ces informations. Il s’agit donc simplement de distinguer, parmi les personnalités politiques qui se partagent le temps d’antenne, les eurodéputés et les personnalités politiques qui s’expriment sur l’Europe. Cela n’engendrera aucun coût, aucun travail en plus, sinon pour les médias, qui font déjà cette mesure.

Il s’agit certes d’une mesure symbolique, mais je pense que l’Europe a besoin de symboles pour avancer. En l’absence d’éléments statistiques, on nous renvoie à des réalités fantasmatiques, comme pour la question du suivi de la publicité ou de la représentation des femmes.

Monsieur Collombat, je me fiche totalement qu’on parle de l’Europe en bien ou en mal. Ce que je veux, c’est qu’on en parle.

Permettez-moi de rappeler que j’avais saisi le CSA au moment de l’élection européenne, car il m’avait alors semblé proprement scandaleux que le service public français soit le seul en Europe qui ne diffuse pas le débat des candidats à la présidence de la Commission européenne. Le CSA avait appuyé ma demande, mais France Télévisions n’y a pas satisfait, et c’est bien regrettable.

Mes chers collègues, je maintiens mon amendement et, que vous soyez un tant soit peu Européen dans l’âme ou que vous ayez envie de critiquer l’Europe, je vous demande de l’adopter.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 393.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l’article 44 B
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Article 46

Articles 44 et 45

(Supprimés)

Articles 44 et 45
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Article 47 (début)

Article 46

(Non modifié)

La quatrième phrase du deuxième alinéa de l’article 43-11 de la même loi est complétée par les mots : « ainsi qu’à assurer une meilleure représentation de la diversité de la société française, notamment d’outre-mer ». – (Adopté.)

Section 4

Dispositions relatives à l’éducation

Article 46
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Article 47 (interruption de la discussion)

Article 47

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 252 est présenté par Mme Prunaud, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 431 rectifié bis est présenté par MM. Vaugrenard, Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur et Courteau, Mmes Yonnet, D. Gillot, Campion et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 546 est présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la première partie du code de l’éducation est complété par un article L. 131-13 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-13 – L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille. »

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 252.

Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à rétablir cette disposition issue d’une proposition de loi de M. Schwartzenberg retranscrivant dans la loi la jurisprudence actuelle.

Les auteurs de cet amendement ont bien conscience des difficultés budgétaires que pourrait occasionner cette mesure, mais l’obligation d’égalité de traitement devant le service public doit s’imposer. En outre, on ne saurait faire peser sur des enfants déjà fragilisés socialement la baisse des dotations aux collectivités territoriales, alors même que la cantine se retrouve souvent être le seul lieu où ces enfants ont accès à une alimentation saine et équilibrée, un lieu qui constitue un espace utile de socialisation.

Par ailleurs, il s’agit ici de prendre en compte la réalité de ce qu’est une recherche d’emploi. Il s’agit bien souvent d’un travail à temps plein. De fait, une interdiction de cantine pour les enfants dont les parents sont à la recherche d’un emploi est une difficulté supplémentaire qui leur est imposée.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° 431 rectifié bis.

Mme Evelyne Yonnet. Il vient d’être très bien défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 546.

M. Jean Desessard. Le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale inscrivait dans la loi le principe de non-discrimination dans l’accès à la cantine scolaire. Ce sujet est loin d’être anodin. Les témoignages de parents qui ont vu leurs enfants se voir refuser l’accès à la cantine de leur école sont nombreux. Très souvent, ce refus est motivé par des règles instaurées au niveau de la commune et qui vont à l’encontre de la loi.

L’accès aux services publics est un droit qui répond au principe d’égalité. Ce principe est inscrit dans le droit administratif, qui dit bien qu’il est illégal de soumettre l’accès à un service public à des critères, quelle qu’en soit la nature. Pourtant, beaucoup de mairies continuent de refuser l’accès à la cantine, par exemple aux enfants de parents chômeurs au motif qu’ils auraient plus de temps que d’autres pour faire déjeuner leurs enfants à la maison. Outre que cette pratique est complètement illégale, elle repose sur une image erronée de l’emploi du temps d’une personne qui recherche un emploi. C’est une activité quasiment à plein temps, qui nécessite de la mobilité et de la flexibilité.

La cantine est un lieu de socialisation très important pour les enfants, où l’on apprend à vivre en groupe et où l’on découvre l’alimentation dans toute sa diversité. Il est donc aberrant de refuser la cantine aux enfants dont les parents sont chômeurs et de les renvoyer dans un milieu qui subit du stress.

La cantine n’est pas seulement un sujet d’étude pour les sociologues français. Des organisations internationales qui travaillent sur l’éducation, par exemple l’OCDE, considèrent depuis des années la cantine scolaire comme un cadre parfait pour permettre aux enfants d’adopter des habitudes de vie saines venant en complément d’autres pratiques pédagogiques.

Mes chers collègues, il me semble très important que le principe d’égalité d’accès à la cantine pour tous les enfants soit inscrit en toutes lettres dans la loi pour ne plus laisser de place à des interprétations allant contre l’intérêt des enfants et des parents.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je vais prendre un peu de temps pour donner l’avis de la commission, car il s’agit, là aussi, d’un sujet important.

Je ne souhaite énerver personne, mais ces amendements sont l’exemple même de dispositions qui ont déjà fait l’objet d’un examen au Sénat et qui ont été rejetées. Il s’agissait de la proposition de loi de M. Schwartzenberg visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire, qui a été rejetée par le Sénat le 9 décembre 2015. Le résultat du vote ne convenant pas, on soumet de nouveau ces dispositions à l’occasion de l’examen de ce projet de loi…

Vous voulez instaurer un droit d’inscription à la cantine dans la mesure où il y aurait une discrimination qui toucherait des enfants de demandeurs d’emploi. Je ne mets pas en doute ce que vous dites, mais personne ne m’a cité le nombre de cas qui relèveraient de cette situation, qui constitue par ailleurs une infraction. En effet, un maire ne peut pas faire de discrimination dans l’accueil des populations. Vous laissez donc entendre que des préfets ne feraient pas leur travail, en ne sanctionnant pas les maires qui auraient de tels comportements délictueux.

Par ailleurs, il me semble important de mesurer l’impact des dispositions que nous votons. Le droit que vous souhaitez instaurer dissuaderait les communes de mettre en œuvre un service de restauration lorsqu’elles en sont dépourvues. Or si, au nom de l’égalité, vous instaurez pour tous les enfants un droit de déjeuner à la cantine dans les communes proposant ce service, vous créez une nouvelle discrimination pour les enfants scolarisés dans des communes où il n’y a pas de cantine.

M. Jean Desessard. Elle est bonne, celle-là !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Pour en avoir discuté avec de nombreux maires de mon département, je peux vous affirmer que plusieurs réfléchiront à deux fois avant d’ouvrir un service de cantine qui deviendrait une forme de service « obligatoire », alors qu’il s’agit aujourd'hui d’un service facultatif pour les communes, dont, à ce titre, l’État ne compense pas du tout les frais.

En outre, je rappelle que la mise en place des nouveaux rythmes scolaires a introduit un service supplémentaire par semaine. Or le service de restauration scolaire est largement à la charge des collectivités, les familles ne payant souvent qu’un quart du prix de revient du repas.

Je vous pose également une question : l’école n’étant obligatoire qu’à partir de la primaire, qu’allez-vous faire pour l’école maternelle ? L’État est-il prêt à transformer ce service de restauration scolaire en service obligatoire et, dans ce cas, à en financer le coût ?

Enfin, j’y reviens, pourquoi ne pas élargir le débat à la question des nouveaux rythmes scolaires ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ces derniers, nous a-t-on expliqué, doivent permettre à tous les enfants de bénéficier des mêmes conditions d’éveil et de découverte de nouvelles activités, mais, comme ils ne sont pas obligatoires, l’État ne les finance pas.

Je comprends votre préoccupation, mais il s’agit d’un problème non quantifié et qui pose de nombreuses difficultés. Vous ne pouvez pas imposer aux communes des charges nouvelles, à moins que M. le ministre n’annonce dans quelques instants que la cantine est devenue un service obligatoire et qu’elle sera gratuite pour les communes.

M. André Gattolin. Ce n’est pas le ministre du budget !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Chers collègues, en cohérence avec la position du Sénat sur la proposition de loi de M. Schwartzenberg, la commission a émis un avis extrêmement défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre. Ces trois amendements identiques ne visent pas à traiter la question du financement des cantines scolaires ou de n’importe quel autre service public. Ils posent la question de la discrimination à l’accès à des services publics existants – je dis bien : existants.

M. Jean Desessard. Exactement !

M. Patrick Kanner, ministre. L’argumentaire budgétaire manifeste peut-être chez vous une forme de désarroi, madame la rapporteur,…

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je ne suis jamais dans le désarroi !

M. Patrick Kanner, ministre. … face à la qualité de ces amendements, que je soutiens naturellement. Ils font écho à l’excellent rapport de 2013 concernant l’égal accès des enfants à la cantine de l’école primaire, non pas de M. Schwartzenberg, mais du Défenseur des droits.

Intéressons-nous plutôt à la réalité de ces amendements, qui visent à améliorer l’accès au service des cantines, ce qui est extrêmement symbolique. En effet, il s’agit de permettre à des enfants de pauvres,…

Mme Évelyne Didier. Eh oui, c’est comme ça que ça s’appelle !

M. Patrick Kanner, ministre. … – c’est souvent le cas –…

M. Patrick Kanner, ministre. … de pouvoir manger correctement une fois par jour. Je ne verse pas dans le misérabilisme en disant cela ; il suffit de connaître la situation d’une partie de notre population. C’est à l’honneur d’un maire, dirai-je, d’avoir une cantine scolaire ouverte pour ces enfants en difficulté.

M. Jean Desessard. Exactement !

M. Patrick Kanner, ministre. Quoi qu’il en soit, ces trois amendements identiques visent à rétablir l’article 47 issu, comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteur, d’une proposition de loi déposée par M. Schwartzenberg, qui impose aux communes dotées d’une cantine – toutes n’en sont pas dotées, je le constate –…

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il y en aura de moins en moins !

M. Patrick Kanner, ministre. … d’accueillir tous les élèves scolarisés.

Le Gouvernement adhère pleinement aux objectifs, à savoir garantir l’égal accès de tous les enfants à la restauration scolaire, un principe clairement affirmé par la jurisprudence.

Ces amendements identiques ne partent pas de rien : ils sont issus, je le répète, d’une proposition de loi, qui, elle-même, s’appuie sur des travaux très sérieux – j’ai évoqué le rapport du Défenseur des droits –, lesquels démontrent que cette question n’est pas marginale. Ainsi, ce sont près de 400 dossiers qui ont été traités par les services du Défenseur des droits : la moitié d’entre eux concerne des règlements intérieurs qui donnent priorité aux enfants dont les deux parents travaillent, ce qui crée de fait une discrimination.

Tout règlement contenant une clause sur l’activité professionnelle des parents est systématiquement censuré. Pourtant, malgré une jurisprudence constante, des communes continuent de faire valoir ce type de clause, parfaitement illégale. Mais un parent chômeur n’est pas un parent inactif ;…

M. Patrick Kanner, ministre. … chacun voudra bien l’accepter : il cherche du travail, il effectue des démarches, il passe des heures à candidater à des postes, sans obtenir nécessairement de réponses, il s’occupe aussi de tâches ménagères.

Conférons plus de force encore à la jurisprudence, en la gravant dans le marbre, même si je sais que vous êtes soucieuse du stock des carrières, madame la rapporteur…

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Vous les videz, monsieur le ministre !

M. Patrick Kanner, ministre. Nous le faisons avec entrain, parce que les victimes de telles pratiques sont toujours les mêmes enfants issus des mêmes familles. Ils sont victimes d’une forme de double peine.

M. Jean Desessard. Exactement !

M. Patrick Kanner, ministre. Sortir du périmètre familial constitue aussi une chance pour eux, une chance pour leur santé, je l’ai évoqué, parce que les menus sont équilibrés. En outre, vivre en commun l’expérience de la cantine – nous en sommes tous témoins – est un plus pour les enfants qui peuvent se sentir isolés.

Il convient donc de consacrer la jurisprudence et de clamer haut et fort le principe de non-discrimination. Certes, on peut attaquer les règlements intérieurs, mais ils ne sont que manifestement illégaux. Cela suppose de rassembler un faisceau d’indices. Or, madame la rapporteur, vous en serez d’accord avec moi, je pense, ce n’est pas la même chose d’aller devant le juge administratif quand on a des difficultés sociales, financières, quand on est pauvre, ou quand on est riche. La loi est, dans notre République, facteur d’égalité ; nous voulons qu’elle le soit encore plus grâce à l’adoption de ces trois amendements identiques, que je soutiens avec beaucoup de force. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.