M. François Bonhomme. Le retour en arrière a déjà eu lieu !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est maintenant notre tour d’interrompre l’orateur, chers collègues !
M. Éric Doligé. Vous ne vous en êtes pas privé cet après-midi…
Mme Catherine Troendlé. Cela ne me pose aucun problème, monsieur Carrère !
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant tout, permettez-moi de rendre hommage à cet enseignant qui, hier au soir, a été roué de coups devant ses élèves. Quoiqu’il ait dû être hospitalisé à la suite de cette agression, ce professeur a refusé de baisser les bras et il a eu la force d’être devant ses élèves ce matin même. Cet acte courageux mérite d’être salué. Les enseignants exercent un magnifique métier, et ils doivent être respectés ! (Applaudissements.)
La réforme des rythmes scolaires est un thème récurrent de discussions au sein de cette assemblée. Plusieurs questions au Gouvernement, débats et missions d’information lui ont été consacrés. J’ai personnellement présidé une mission commune d’information dédiée à ce sujet. Les travaux de cette instance se sont soldés par le rejet d’un rapport dont Mme Cartron était déjà l’auteur.
Chargé de complaisance à l’égard du Gouvernement,…
Mme Catherine Troendlé. … ce document éludait complètement la réalité des faits.
M. François Bonhomme. Mais aujourd’hui, où est Vincent Peillon ?...
Mme Catherine Troendlé. Madame Cartron, ce soir, nous sommes de nouveau réunis pour traiter de ce sujet. Or votre nouveau rapport est lui aussi dithyrambique pour le Gouvernement.
Mme Françoise Cartron. Non, pour les enfants !
Mme Catherine Troendlé. Mon devoir est pourtant de vous ramener, ainsi que Mme la ministre, à la réalité des chiffres et des faits. En effet, depuis la mise en place de cette réforme,…
M. Jean-Louis Carrère. Allez, c’est reparti !
Mme Catherine Troendlé. … pas un mois ne s’écoule sans qu’un article souligne la fatigue des élèves ; leur manque de concentration ; le défaut de pertinence des activités proposées ; les problèmes de financement que les nouvelles activités périscolaires, les NAP, posent aux collectivités, en particulier aux petites communes rurales – et j’en passe !
M. Jean-Louis Carrère. Mais non, au contraire, rajoutez-en un peu plus !
Mme Françoise Cartron. Allez sur le terrain !
Mme Catherine Troendlé. Ainsi, en mai dernier, l’Association des maires de France a présenté lors du Congrès des maires son enquête sur les rythmes scolaires.
Dans ce cadre, notre collègue François Baroin, président de l’AMF, a évalué à 640 millions d’euros le reste à charge de la réforme des rythmes scolaires pour les collectivités territoriales. Mes chers collègues, je ne fais là que citer des chiffres ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Françoise Cartron. On ne sait seulement pas d’où ils sortent !
Mme Catherine Troendlé. M. Baroin a demandé que l’État compense totalement le coût de la réforme.
Mme Françoise Cartron. Bien sûr, comme c’est toujours le cas !
M. Jean-Louis Carrère. Ça, c’est le programme des candidats à la primaire de la droite…
Mme Catherine Troendlé. L’aide actuelle versée à ce titre n’est que de l’ordre de 440 millions d’euros. Aussi, le président de l’AMF a précisé à juste titre : « On ne peut pas demander à des petites communes rurales de porter à bout de bras un aménagement de cette nature, sans accepter son prix réel. » (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
En effet, l’enquête menée a confirmé les charges importantes que représente la réforme des rythmes scolaires. Le coût annuel brut moyen par enfant inscrit aux NAP est évalué à 231 euros pour les communes et à 243 euros pour les intercommunalités. Pis, quelque 36 % des communes interrogées estiment cette charge supérieure à 250 euros par enfant et par an.
En tenant compte des aides versées via le fonds de soutien et par la CAF au titre de l’accueil de loisirs sans hébergement, l’ALSH, le reste à charge moyen s’élève à 70 % pour les communes et à 66 % pour les intercommunalités.
En outre, c’est pour les communes rurales que la facture est la plus élevée : le reste à charge moyen que ces dernières doivent assumer est de l’ordre de 73 % du coût annuel par enfant.
Mme Françoise Cartron. C’est faux ! Allez voir les budgets !
M. François Bonhomme. Il faut surtout consulter les maires !
Mme Françoise Cartron. C’est ce que j’ai fait, précisément, monsieur Bonhomme !
Mme Catherine Troendlé. De plus, quelque 70 % des communes font encore part d’obstacles persistants dans la mise en place de la réforme, et 62 % de celles-ci jugent que ces difficultés restent importantes, voire très importantes.
Les principaux problèmes sont liés, tout d’abord au financement des activités, puis au recrutement d’un personnel qualifié et disponible. En particulier, les communes rurales ont du mal à recruter des intervenants extérieurs disponibles et qualifiés pour l’encadrement des NAP.
Mme Élisabeth Doineau. Tout à fait !
Mme Catherine Troendlé. En la matière, la principale difficulté résulte du schéma recommandé par l’éducation nationale, à savoir des activités divisées en quatre séquences de quarante-cinq minutes par semaine. C’est là le dispositif qu’ont choisi la moitié des communes.
Mme Françoise Férat. C’est inadapté !
Mme Catherine Troendlé. Enfin, vient la question des locaux partagés avec les enseignants, qui elle aussi se révèle problématique.
M. Jean-Louis Carrère. Quand on veut tuer son chien…
Mme Catherine Troendlé. Bref, que de problèmes, que de difficultés ! Et, en définitive, à quoi servent ces efforts ?
On nous promettait une meilleure prise en compte des rythmes biologiques des enfants et des rythmes d’apprentissage. Mais les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous.
D’après une enquête réalisée en 2015 par le syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC, le SNIUPP, auprès de 16 764 enseignants – rien de moins ! –,…
Mme Françoise Cartron. Ce sont les seuls enseignants de Paris !
Mme Catherine Troendlé. … quelque 74 % des professeurs estiment que le temps périscolaire a un impact négatif sur le temps scolaire. À leurs yeux, cette réforme nuit à l’organisation et au fonctionnement de l’école. En outre, elle a des effets négatifs sur l’attention des enfants, dont elle accuse la fatigue. (M. Alain Néri lève les bras au ciel.)
J’ajoute que 73 % de ces enseignants ont même noté une baisse de concentration et d’attention chez certains de leurs élèves au cours du temps passé en classe. Au total, 79 % d’entre eux demandent une autre organisation horaire de l’école. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Chers collègues, je constate que vous faites bien peu de cas de cette enquête menée auprès des enseignants. Ces derniers méritent pourtant d’être respectés ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est cela, continuez, continuez !
M. Alain Néri. Comme le disait Talleyrand, tout ce qui est excessif est insignifiant !
Mme Catherine Troendlé. Du côté des parents, ce n’est pas mieux. D’après un autre sondage datant de 2015, réalisé auprès de 1 000 personnes par le Journal des Femmes, 69 % des parents considèrent que cette nouvelle organisation a un impact négatif ; quelque 80 % d’’entre eux jugent même leur enfant plus fatigué depuis sa mise en œuvre.
C’est là le comble de l’ironie pour une réforme qui se voulait à l’écoute des rythmes d’apprentissage et de repos des enfants. Comme quoi, il n’y a qu’au sommet de l’État que le désormais fameux « Oui, ça va mieux ! », complètement déconnecté de la réalité, parvient à faire des émules !
M. Jean-Louis Carrère. C’est fini ! Plus de temps de parole !
Mme Catherine Troendlé. Madame la ministre, quand disposerons-nous, de la part du ministère de l’éducation nationale, d’une évaluation complète de l’application de la réforme des rythmes scolaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Jean-François Husson. Cette réforme est déjà aux oubliettes !
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant tout, et sans fioritures particulières, je tiens à saluer très sincèrement Mme Cartron : l’élégance l’impose, dans la mesure où je suis le seul homme à m’adresser ce soir, du haut de cette tribune, à notre noble assemblée… (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Jean-François Husson. Vous n’êtes pas le seul ! M. Daniel Laurent parlera ensuite !
M. Patrick Abate. Bon sang, j’ai raté mon effet ! Cela ne fait rien, je poursuis. (Sourires.)
Je tiens, disais-je, à saluer Mme Cartron, qui a accompli un excellent travail. Le rapport qu’elle a rédigé consacre un bilan positif. Souvenons-nous pourtant des difficultés que cette réforme a soulevées, notamment en termes de méthode. Gardons de surcroît à l’esprit l’instrumentalisation politique à laquelle elle a donné lieu, non seulement de la part de certains maires, mais aussi à la droite de cet hémicycle.
Un tel climat n’a pas été propice à une mise en place sereine.
M. Jean-Louis Carrère. En effet, que de polémiques !
M. Patrick Abate. Or ce sujet ne méritait pas une telle approche.
Les enseignants, comme les parents, ont toujours été sensibles à la nécessité de réformer le temps scolaire. Rappelons en outre que l’objectif était la réduction des inégalités. Nous y étions attachés sur le fond, même si l’on peut discuter des moyens mis en œuvre et des méthodes choisies. Il s’agissait également d’articuler des activités scolaires et périscolaires afin d’améliorer l’apprentissage.
Deux ans après, où en sommes-nous ? Je répondrais à cette question en suivant trois axes : l’apprentissage, le problème de l’égalité ou des inégalités, enfin la coopération.
Concernant l’apprentissage, sans remettre en cause l’idée qu’une organisation permettant plus de jours de classe dont chacun est moins chargé constitue un progrès incontestable et une amélioration pour les plus jeunes, la fatigue des élèves est souvent évoquée. Celle-ci s’explique peut-être, effectivement, par ces cinq jours de classe par semaine, mais elle est surtout due – c’est ce que je constate – à la multiplication des activités des enfants : celles qui relèvent du périscolaire et celles que les parents n’ont pas encore – c’est légitime – décidé d’arrêter.
Les associations culturelles et sportives proposent des activités, et les enfants passent en effet beaucoup de temps en dehors de chez eux, plutôt que d’y rester à lire tranquillement ou, malheureusement, à regarder la télévision.
Mme Blondin le disait, se pose un problème de responsabilité familiale, mais également sociale. (Mme Maryvonne Blondin acquiesce.) Nous savons bien, en effet, que cette situation est utilisée comme solution du problème de la garde des enfants.
Sur le terrain, trop souvent, les activités de type périscolaire relèvent encore de la garderie, ce qui pose le problème des moyens, plutôt que de véritables activités de loisirs éducatifs susceptibles de compléter efficacement l’enseignement. À ce sujet, il faut noter les difficultés constatées en matière de recherche de cohérence avec le projet pédagogique, malgré la signature, dans 97 % des communes, de projets éducatifs territoriaux ou PEDT.
Concernant les inégalités, les aides de l’État indispensables en la matière ont été mises en œuvre. Le fonds d’amorçage est important à ce titre. Il n’en reste pas moins que l’offre est plus ou moins séduisante selon la situation des communes, les plus riches parvenant à mettre en œuvre des activités bien plus intéressantes, il faut le dire, que les plus pauvres. C’est un élément perfectible, mais qui ne remet pas en cause la réforme dans son ensemble.
M. Alain Néri. Très bien !
M. Patrick Abate. En outre, ces communes les plus pauvres rassemblent les populations les plus défavorisées et les moins mobiles, lesquelles, très souvent, paient le plus d’impôts sans pouvoir y échapper.
Mme Françoise Cartron. Ce sont elles qui ont le plus besoin de cette réforme !
M. Patrick Abate. Le dernier rapport du Conseil national d’évaluation du système scolaire, le CNESCO, montre que l’école n’est pas suffisamment égalitaire. Les origines de ce constat ne datent pas d’hier : elles doivent beaucoup à la révision générale des politiques publiques, la RGPP, entre autres politiques dont on ne saurait vous faire grief, madame la ministre !
Je m’adresse ici à ceux qui font de la surenchère sur les réductions de la dépense publique et du nombre de fonctionnaires. Qui dit 100 000 ? Qui dit 200 000 ? Qui dit 300 000 ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Alain Néri. Parfait !
Mme Catherine Troendlé. Qu’avez-vous fait en cinq ans ?
M. Alain Néri. Ouvrez vos oreilles, madame !
M. Patrick Abate. Il faut tout de même être cohérent !
Se pose toutefois le problème de la pérennité de cette aide. Je suis très inquiet à ce sujet lorsque j’entends ces discours, alors que nous savons que les difficultés que connaissent les communes ne sont pas près de s’arranger.
Sur le plan de la coopération, enfin, il est vrai qu’il était sympathique pour les parents de rencontrer tranquillement les enseignants le samedi matin. On nous le dit souvent.
Les relations entre enseignants, parents, acteurs du périscolaire, mouvements d’éducation populaire et autres associations fonctionnent pourtant. Les PEDT en sont les moyens. Toutefois, les enseignants doivent pouvoir dégager du temps et les directeurs être plus facilement déchargés de leurs classes.
Pour conclure, à la suite du travail engagé par notre collègue Françoise Cartron, il me semble absolument nécessaire, madame la ministre, de se saisir de ce rapport de ce comité de suivi de la réforme, deux ans après, pour améliorer le dispositif, mettre en commun les bonnes pratiques et garantir la pérennité des aides.
Le bilan est donc positif, même si le problème des moyens alloués à l’école se pose toujours. Pour nous, l’école est non pas une dépense, mais un investissement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
M. Alain Néri. Bravo !
M. Patrick Abate. D'ailleurs, ceux qui nous donnent des leçons d’économie devraient plutôt revoir la manière dont ils prennent en compte ce sujet dans les grands indicateurs macro-économiques. Si l’on sortait les crédits engagés pour l’école et pour l’université des dépenses de fonctionnement pour les considérer, au même titre qu’une machine à faire du bois, comme de véritables investissements, nous pourrions peut-être faire évoluer les perspectives à l’échelle européenne.
En matière d’apprentissage, d’égalité comme de coopération, l’amélioration nécessite des moyens mis en œuvre par les collectivités, bien sûr, mais aussi par l’État, ainsi qu’une meilleure répartition des richesses sur l’ensemble du territoire national. Ce dernier point dépasse toutefois le cadre de la question des rythmes de scolaires et ne doit donc pas nous conduire à jeter le bébé avec l’eau du bain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier Françoise Cartron de son très bon rapport. Il permet à la maire de petite commune que je suis de constater que certains collègues, partout en France, ont également rencontré des difficultés dans la mise en place du projet éducatif territorial, le PEDT. Il permet également de puiser dans un éventail très riche d’exemples d’activités ou d’idées d’aménagement du temps à proposer aux enfants. Ce n’est pas la moindre de ses qualités.
L’objectif de cette réforme des temps de l’enfant à l’école était d’améliorer la réussite de tous les élèves tout en se rapprochant de certains standards internationaux : des journées allégées, des semaines mieux rythmées, donc des années un peu moins resserrées. N’oublions pas, en effet, que les élèves français connaissaient le nombre de jours d’école le plus faible des pays de l’OCDE, tout en présentant, dans le même temps, un volume horaire annuel très important. Cette anomalie se ressentait dans les apprentissages des élèves, notamment chez les enfants en difficulté. L’allégement de la concentration du temps scolaire à l’école primaire était donc, de l’avis de tous, une nécessité.
Ainsi, le retour de la cinquième matinée de classe, supprimée en 2008, offre davantage de temps pour traiter et approfondir le programme comme pour mener des projets éducatifs. Il permet également d’apporter une aide supplémentaire aux élèves en difficulté.
En complément, les élus ont été appelés à mettre en place, à travers les temps d’activités périscolaires, les TAP, devenues les nouvelles activités périscolaires, ou NAP, des propositions d’accueil des enfants. L’ensemble du dispositif devait concourir à l’amélioration des performances du système éducatif français en partant de son premier niveau, c’est-à-dire de l’école primaire.
Tout le monde s’accorde à considérer que la mise en œuvre de cette réforme a été difficile. Elle a imposé certaines adaptations auxquelles de nombreuses communes n’étaient pas préparées. Le Gouvernement a répondu aux appels à l’aide des collectivités, notamment en matière d’aides techniques et, surtout, financières, pour la mise en place des projets éducatifs territoriaux. Ce faisant, il a également créé, ainsi que vous le faites remarquer dans votre rapport, madame Cartron, des incertitudes quant à la pérennité de ces aides, notamment financières, dans les années à venir.
Ces difficultés initiales dans l’application de la réforme ont donné lieu à une perception tronquée du dispositif. Dans l’esprit de nombreux parents, cette réforme des temps de l’enfant à l’école s’est ainsi très vite résumée à une réforme du périscolaire, ce qui a polarisé les crispations.
Sur cette question, ce sont surtout les petites communes qui ont été en première ligne. Peu d’entre elles, en effet, étaient pourvues de structures d’accueil et d’un réseau suffisamment développé d’animateurs prêts à encadrer des écoliers en dehors des heures d’enseignement. Les aides proposées, 50 euros par enfant et par an, majorés à 90 euros en zone urbaine sensible ou en zone rurale revitalisée, n’étaient pas toujours suffisantes pour des communes qui partaient de zéro – je parle en connaissance de cause.
Plusieurs interrogations sont alors apparues : comment fait-on si aucun bénévole n’est disponible pour assurer l’accueil des enfants ? Faut-il sacrifier la gratuité, comme plusieurs communes ont dû s’y résoudre, incapables sinon d’être en mesure de proposer des activités pour les enfants ?
Pis encore, comment éviter la concurrence entre communes pour essayer d’attirer les rares animateurs disponibles dans certaines zones ? La question des locaux à disposition pour accueillir les enfants, dès lors qu’on souhaite sortir les élèves de leur salle de classe pour justement mieux segmenter, dans leur esprit, les temps à l’école, s’est également révélée un casse-tête.
Concernant la qualité des offres, une métropole ou une grande intercommunalité peut compter sur un tissu associatif dense et des professionnels aguerris lui permettant de proposer des activités variées et originales. Les petites communes ne peuvent pas à tous coups à s’appuyer sur de tels relais, ni sur des animateurs toujours formés.
Enfin, je ne peux éluder la question de l’absentéisme, en particulier lorsque la demi-journée est fixée au samedi matin et non au mercredi, tant elle touche de plein fouet le département des Bouches-du-Rhône, par exemple.
Dans mon département, près de 50 % des effectifs peuvent manquer à l’appel en maternelle et 20 % en élémentaire, selon un rapport de l’Inspection générale. C’est inquiétant, mais cela n’exonère pas les parents de leur responsabilité. Comme l’indique le rapport de l’Inspection générale, c’est le profit même de la réforme qui est en jeu : « Une augmentation de l’absentéisme, si elle se confirmait, serait de nature à remettre en question l’intérêt pédagogique de la réforme ».
Rassurez-vous, madame Cartron, je n’insiste pas à dessein sur ce qui ne fonctionne pas, ou qui fonctionne mal, je profite seulement de la tribune qui m’est offerte pour relayer les difficultés et les inquiétudes des maires des petites communes face à ce qui est, tout de même, une réforme d’ampleur.
Je ne néglige cependant pas la coopération renforcée entre les acteurs locaux de l’éducation – école, associations, parents, élus – engendrée par cette réforme. Je n’oublie pas non plus que, désormais, près de trois enfants sur quatre prennent part à des activités sportives ou culturelles, dont beaucoup d’entre eux étaient exclus jusqu’alors. Cela constitue un réel progrès et contribue à réduire certaines inégalités dans la vie des élèves en dehors de l’école.
Je conclus mon propos par une résolution : je souhaite que cette réforme essentielle et salutaire des temps de l’école ne conduise pas à renforcer certaines inégalités entre les communes qui ont les moyens et celles pour qui tout est toujours un peu plus compliqué. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste. – M. René Danesi applaudit également.)
Mme Françoise Férat. C’est tout le problème !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons de nouveau de la réforme des rythmes scolaires et plus spécifiquement aujourd’hui de sa mise en œuvre dans les petites communes.
Cette réforme connaîtrait-elle donc quelques difficultés de mise en œuvre, pour que nous éprouvions aujourd’hui le besoin d’en débattre ? Que dire sur cette réforme qui ne l’ait déjà été ?
Le premier décret est paru en janvier 2013, sans aucune concertation avec les élus, alors même que pour eux, je tiens à le rappeler ce soir, l’éducation est la priorité des priorités.
Mme Françoise Gatel. C’est vrai. !
Mme Françoise Férat. Je ne veux pas laisser croire que les élus ne se sont pas mobilisés, même s’ils ont été mis devant le fait accompli. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.) En conséquence, ni les professeurs ni les parents d’élèves ni les élus et encore moins les enfants n’ont pu tirer le moindre bénéfice de cette situation.
Finalement, le temps de présence des élèves au sein de l’école est beaucoup plus important, alors que moins de projets pédagogiques intéressants pour eux leur sont proposés. Voilà ce qui suscite l’incompréhension ! En effet, lors des heures consacrées aux nouvelles activités, dans certains ateliers, il leur est proposé, faute d’intervenants – j’ose à peine vous le dire, mes chers collègues ! –, de faire du coloriage. Je vous assure, hélas, que je ne caricature pas !
Pardonnez-moi, mes chers collègues, de ne pas considérer que cette activité puisse bénéficier à leur ouverture d’esprit.
Mme Françoise Cartron. Le coloriage, c’est très bien pour lutter contre le stress. Vous devriez essayer.
Mme Françoise Férat. Ils seraient donc stressés ?
N’oublions pas la fatigue ressentie en fin de semaine, puisque, en effet, en milieu rural, les amplitudes horaires restant liées au transport scolaire, les journées n’ont pas été allégées.
Une annualisation des vacances scolaires dans l’intérêt des enfants avait été évoquée. Où en sommes-nous aujourd’hui, madame la ministre ? À l’heure actuelle, rien n’a été établi. Il s’agissait sans doute d’un effet d’annonce, alors même que cela me semble essentiel.
Mes chers collègues, je vous exonère du couplet sur les congés de la Toussaint qui débutent demain mercredi,…
Mme Françoise Cartron. Et alors ?
Mme Françoise Férat. … sur les conséquences de cette situation en matière d’organisation pour les familles et sur les répercussions de tout cela sur les enfants, ce qui est le plus important.
J’en viens plus précisément à l’organisation des rythmes scolaires. J’entends certains affirmer que tout se passe bien. Il est vrai que, dans certaines situations, le bilan est positif. Lorsque ce n’est pas le cas, certains prétendent que cela résulte de mauvaises volontés locales. Je leur réponds : allez-vous réellement sur le terrain ?
Mme Françoise Cartron. Ah ça, oui !
Mme Françoise Férat. Je vous ai invitée, madame Cartron !
Mme Françoise Cartron. Je viens demain !
Mme Françoise Férat. Une fois encore, permettez-moi, au nom des élus locaux et des responsables que nous représentons, de tirer la sonnette d’alarme. Connaissant l’inégalité de moyens financiers et humains entre nos collectivités, comment a-t-on pu penser qu’un tel système pourrait être appliqué sur des espaces aussi différents ?
Les disparités entre les agglomérations urbaines, les bourgs centres et les différentes zones rurales sont une réalité, et non une simple vue de l’esprit.
Les écoles ont dû gérer la désorganisation de leur structure, en termes d’horaires, d’encadrement, voire d’enseignement, la réforme se traduisant par un désordre anxiogène pour tous.
Les petites collectivités rurales situées à trente minutes ou plus des centres urbains ne disposent pas toujours, quant à elles, du personnel nécessaire, certains intervenants refusant de se déplacer dans les territoires les plus éloignés.
J’entends que les intercommunalités doivent prendre le relais. C’est leur rôle, en effet. Néanmoins, je citerai l’exemple de mon département, la Marne.
M. René-Paul Savary. Très bien !
Mme Françoise Férat. Que dire aux élus, aux enseignants, aux parents d’élèves et à leurs enfants habitant une intercommunalité rurale de vingt-six communes, celle où je réside, regroupant 5 000 habitants – vous imaginez la densité de la population ! – et où il est impossible de trouver des intervenants ? C’est une réalité !
Mme Catherine Troendlé. Oui !
Mme Françoise Férat. En outre, l’éducation nationale ne valide ni les personnes qui se retrouvent face aux élèves ni les projets. N’est-ce pas un peu risqué ? Si les textes d’application laissent la possibilité de faire intervenir des personnes non qualifiées pour s’occuper de nos enfants, c’est bien parce que les auteurs de ce projet avaient déjà une certaine conscience de ces limites.
Que peut-on alors offrir aux enfants ? Malheureusement, des activités périscolaires au rabais ou, tout simplement, des heures de garderie. Il est aisé de trouver des exemples de réussites dans les collectivités comptant de nombreuses associations, nombre d’intervenants, avec notamment des ateliers photo, de musique, de théâtre, etc. Dans mon groupe scolaire, ces activités existaient déjà, car elles étaient pratiquées par nos enseignants pendant les heures de classe. Aujourd’hui, faute de temps dans l’agenda de l’enfant, il n’est plus possible de les organiser. Quel gâchis !
Que proposez-vous à nos communes n’ayant pas les mêmes possibilités financières ? Je vous rappelle, après Catherine Troendlé, que 70 % de ces dépenses sont financées par les collectivités territoriales. Malgré la participation financière de l’État, certaines de nos collectivités sont dans l’obligation de faire participer les familles, lesquelles sont contraintes de payer afin que leur enfant puisse être gardé au nom des rythmes scolaires. J’utilise le terme « gardé » très justement, puisque, dans ma commune, les NAP ont été regroupées sur une seule après-midi.
La réforme était financée, nous disait-on. J’apprécierais dès lors que l’on m’explique pourquoi, depuis deux ans, le Gouvernement vient ponctionner le budget de l’enseignement agricole, par voie d’amendement, pendant le débat sur le projet de loi de finances, pour financer les rythmes scolaires.