M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser la ministre de la culture et de la communication, qui m’a chargé de vous transmettre les éléments de réponse suivants.
Vous l’avez souligné, depuis le 17 octobre dernier, les équipes d’i-Télé sont en grève pour protester contre les décisions prises par leur direction qu’elles jugent contraires à l’indépendance de leur rédaction, au respect des engagements de la chaîne à l’égard du CSA et au droit du travail.
Le Gouvernement est intervenu la semaine dernière encore pour aider à trouver une issue à cette crise qui, comme vous l’avez exprimé, fragilise le pluralisme de l’information.
Vous le savez, nous avons renforcé l’indépendance des rédactions par rapport aux intérêts des annonceurs et des actionnaires. Nous devons ces garanties aux journalistes pour renforcer un droit fondamental de nos concitoyens.
La loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias entrera prochainement en vigueur. Elle imposera à i-Télé, comme à chaque chaîne de télévision, de radio et à chaque journal, d’élaborer et de respecter une charte de déontologie négociée avec les journalistes.
Par ailleurs, le CSA a été saisi par les salariés d’i-Télé ; il donnera sa réponse cet après-midi. Je ne peux évidemment présumer de ce qu’elle sera. Quoi qu’il en soit, il a procédé à l’instruction du dossier.
En ce qui concerne les problèmes de droit du travail que pose ce conflit, les représentants du personnel ont actionné des voies de recours. Le tribunal de grande instance a été saisi en référé. Il devrait rendre sa décision le 16 novembre prochain.
Sur l’ensemble des questions sociales, la ministre de la culture et la ministre du travail ont veillé à ce que les voies normales du dialogue puissent être rétablies. La direction régionale du travail d’Île-de-France joue pleinement son rôle d’intermédiation sociale depuis qu’elle a été saisie.
Tous ces éléments témoignent de l’activité du Gouvernement dans tous les domaines de régulation et d’intervention, dans le cadre de la loi. (M. Didier Guillaume applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour la réplique.
M. Patrick Abate. Monsieur le secrétaire d'État, j’ai bien noté la préoccupation du Gouvernement en la matière. Vous faites état de la loi Bloche visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias. En l’espèce, ce texte n’aurait rien réglé du tout : le problème aurait été exactement le même !
Vous affirmez ensuite que cette loi renforcera le pouvoir des rédactions. De toute évidence, ce sera insuffisant. Il s’agit là d’une piste qu’il nous faudra encore creuser.
Cela étant, votre réponse n’aborde pas le point essentiel. Il me semble que vous passez à côté du véritable enjeu : dix grands financiers ou industriels contrôlent la quasi-totalité des médias, pas par intérêt pour l’information et la diffusion du savoir, mais pour gagner en influence au profit de leur stratégie financière ou industrielle. Nous voilà bien loin des textes de 1881 et de 1945 ! Il ne s’agit pas là de nostalgie de ma part ; il s’agit de rappeler les fondements de notre démocratie. Depuis de nombreuses années, notre groupe demande un cadre législatif renouvelé et fondé sur ces principes pour limiter cette concentration.
Pour conclure, je dirai que c’est un beau clin d’œil de voir aujourd'hui Aude Lancelin recevoir le prix Renaudot « essai » après avoir été licenciée de l’Obs, malgré une motion de confiance, alors que Michel Field est à l’inverse maintenu à France Télévisions, malgré une motion de défiance !
Il importe, selon nous, de renforcer le pouvoir des rédactions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
redistribution fiscale
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour le groupe socialiste et républicain.
M. François Marc. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances et porte sur la justice fiscale dans notre pays. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Dans une étude récente de septembre 2016, l’INSEE indique que, « depuis le début de la crise économique, les inégalités se sont un peu plus réduites en France que dans le reste de l’Union européenne à Vingt-Sept ». On ne peut que se réjouir de cette information.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. François Marc. Il est raisonnable de penser que ces résultats ne sont pas dus au hasard. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. C’est pourtant bien le cas !
M. François Marc. Dès 2012, le Gouvernement a décidé d’avoir recours au levier fiscal pour mieux équilibrer la répartition des efforts et contribuer ainsi à réduire les inégalités entre nos concitoyens.
M. Philippe Dallier. Ils ne s’en sont pas aperçus !
M. François Marc. Contrairement à ce qui est affirmé ici ou là, cela n’a pas abouti à une augmentation du taux des prélèvements obligatoires (M. Philippe Dallier s’esclaffe.), puisque ceux-ci ont baissé de 0,3 % en quatre ans, alors qu’ils avaient augmenté de 2 points durant le quinquennat précédent. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Guillaume. Les chiffres sont têtus !
M. François Marc. En réalité, mes chers collègues, la politique fiscale conduite ces dernières années a avant tout permis d’améliorer la progressivité de l’impôt. Les hausses d’impôt du début du quinquennat se sont concentrées sur les 10 % des ménages les plus aisés, tandis que les baisses qui ont suivi ont concerné les classes moyennes et les ménages modestes.
M. Jean-Claude Lenoir. Arrêtez les violons !
M. François Marc. La politique fiscale mise en œuvre a donc contribué à faire vivre le grand principe républicain selon lequel « chacun doit contribuer selon ses moyens ». (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Guillaume. Atelier mémoire !
M. François Marc. Mais qu’en sera-t-il demain ? Beaucoup de nos concitoyens sont inquiets aujourd'hui en entendant certains candidats évoquer la suppression de l’ISF s’ils accédaient au pouvoir. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Charon. C’est une question téléphonée !
M. François Marc. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer en quoi les dispositions du projet de loi de finances pour 2017 viendront renforcer la progressivité de l’impôt ? Quelle serait la perte de recettes engendrée par une suppression de l’ISF ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances. Regardons avec le respect qu’on leur doit les chiffres établis par l’INSEE.
M. Jean-Louis Carrère. Ce sont des littéraires, ils ne savent pas compter !
M. Michel Sapin, ministre. Au cours de ces dernières années, les inégalités se sont effectivement légèrement réduites en France entre nos concitoyens.
Les dispositions que nous avons prises, qu’il s’agisse des prestations sociales qui ont augmenté – je pense, par exemple, à la hausse de 10 % du RSA – ou des mesures adoptées en matière d’impôt sur le revenu, ont contribué à réduire les disparités. Je rappelle que la majorité des Français ont vu leur impôt baisser, alors que les 10 % des Français les plus aisés ont vu leur impôt augmenter.
Le projet de loi de finances pour 2017, qui vous sera présenté dans quelques semaines, mesdames, messieurs les sénateurs, après son adoption à l’Assemblée nationale, comprendra deux nouvelles mesures de baisse d’impôt au profit des catégories moyennes : d’abord, 1 milliard d’euros pour 4 millions de foyers ; ensuite, mesure très importante, 1 milliard d’euros pour les retraités aux revenus modestes, grâce à la prise en charge d’une partie des dépenses du service à domicile. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
La comparaison – la période s’y prête – avec les propositions qui sont faites aujourd'hui par certains candidats de droite est éclairante. En cumulant la suppression de l’ISF, soit 5 milliards d’euros, la remise au niveau précédent de la fiscalité sur le capital, actuellement alignée sur celle du travail, soit 2 milliards d’euros,…
M. le président. Il faut penser à conclure !
M. Michel Sapin, ministre. … et la baisse de l’IS, on arrive à 15 milliards d’euros au profit des 10 % des Français les plus aisés !
M. Didier Guillaume. Les chiffres sont têtus !
M. Michel Sapin, ministre. On voit la différence entre la politique que nous avons menée et celle que d’autres veulent mener ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
manifestations des policiers
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Gérard Roche. Ma question, qui s'adressait à M. le ministre de l’intérieur, porte sur les manifestations de policiers.
Depuis les incidents de Viry-Châtillon, le mouvement ne faiblit pas. Le malaise est profond : un manque de moyens financiers et humains, un ressenti de désamour de la part de certains de nos concitoyens, des décisions judiciaires incomprises, une défiance à l’égard de leurs syndicats… La police est à bout de souffle.
Les revendications des manifestants sont connues : ils souhaitent plus de moyens, bien sûr, mais aussi des peines plus sévères envers leurs agresseurs et une révision des règles de la légitime défense.
Or ces revendications semblent déjà satisfaites. M. le ministre de l’intérieur a annoncé une enveloppe de 250 millions d’euros pour un renouvellement de matériel. Il a également promis l’alignement des sanctions pour « outrage » à l’encontre des forces de l’ordre sur celles des magistrats et s’est aussi engagé à réformer les conditions de légitime défense d’ici à la fin du mois. Pourtant, malgré ces annonces, les manifestations de policiers se poursuivent. Cette mobilisation ravive le sentiment d’insécurité éprouvé par nos concitoyens.
Alors que la menace terroriste est plus que jamais présente, les forces de l’ordre semblent crier leur impuissance. Cette situation nous angoisse tous. L’histoire montre que, lorsqu’un fossé se creuse entre ceux qui nous protègent et ceux qui les dirigent, l’État peut vaciller.
Nous connaissons le poids de la responsabilité qui pèse sur les épaules du Gouvernement, mais nous avons besoin de savoir comment il compte sortir de cette situation afin de préserver l’ordre républicain auquel nous sommes tous attachés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Bernard Cazeneuve, actuellement en déplacement à Marseille.
Vous avez raison, les policiers ont exprimé leur inquiétude et leurs fortes attentes. Le Gouvernement les entend, les comprend et s’emploie à répondre à leurs demandes. Le Président de la République a reçu les organisations syndicales ainsi que le Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie.
Vous l’avez souligné, Bernard Cazeneuve a annoncé un plan de sécurité publique à hauteur de 250 millions d’euros, en plus des sommes qui ont déjà été dégagées.
Le premier volet de ce plan répond à l’exigence des forces de l’ordre et se traduit par des engagements concrets : rehaussement de leurs équipements personnels, amélioration de leur protection, de leurs habits, de leurs voitures, renouvellement du parc automobile avec 6 380 véhicules neufs livrés en 2017.
Le deuxième volet de ce plan permet de recentrer les missions des forces de l’ordre sur leur cœur de métier en les débarrassant enfin des tâches administratives et, de façon plus générale, des tâches indues. De nombreuses gardes statiques seront remplacées par des gardes mobiles, assurées par des sociétés de sécurité, pour un montant de plus de 4 millions d’euros. Nous poursuivrons l’allégement des procédures administratives et pénales. Nous supprimerons les tâches indues, comme les transferts de détenus ou le transport des personnes interpellées aux urgences hospitalières. Nous veillerons également à une meilleure information des policiers sur les suites judiciaires données à leurs actions.
Enfin, le troisième volet du plan vise à répondre à l’exigence de respect auquel ont droit les policiers. Les conditions d’évolution de la légitime défense seront réexaminées.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Le régime juridique des outrages à policier sera rehaussé au niveau des outrages à magistrat.
Bref, il s’agit d’un plan global et volontaire que les policiers entendent aujourd'hui. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour la réplique.
M. Gérard Roche. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez énoncé une série de médicaments, mais vous n’avez pas dit comment le Gouvernement comptait guérir en profondeur la maladie dont souffre à l’heure actuelle le monde de la police. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
malaise des policiers
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour le groupe Les Républicains.
M. François Grosdidier. J’ai discuté avec les policiers en colère manifestant place d’Armes à Metz, comme partout en France ; non pas des militants d’extrême droite, comme l’a dit M. Cambadélis, mais des serviteurs de la République, des enfants de la République, souvent de l’âge des voyous qu’ils affrontent. Ils sont désabusés. Ils se sentent abandonnés. Ce n’est pas une réaction épidermique ; c’est l’expression d’un malaise profond. Nous devons y répondre : c’est votre responsabilité première !
M. Jean-Louis Carrère. Combien de postes avez-vous supprimés quand vous étiez au gouvernement ?
M. François Grosdidier. Depuis une semaine, vous découvrez la vétusté des locaux, l’obsolescence des véhicules, la lourdeur des charges indues. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Dont acte !
Le vrai problème, c’est une politique pénale laxiste pour les délinquants et sévère pour les policiers (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), au point que ceux-ci préfèrent se faire lyncher à coup de barre de fer ou être incendiés dans leur voiture plutôt que d’utiliser leurs armes pour se défendre tant est grand le risque pour eux de voir basculer leur vie !
M. Didier Guillaume. C’est une honte !
M. François Grosdidier. Le problème, c’est une dispersion de leur emploi en plein état d’urgence : « fans zones » pendant l’Euro, manifestations anti-loi Travail…
Mme Éliane Assassi. On a le droit de manifester !
M. François Grosdidier. Il fallait l’éviter. On vous l’avait dit, vous n’avez pas écouté !
Ça s’est bien passé, mais à quel prix pour les policiers, les gendarmes et les militaires ? Ce sont des hommes et des femmes méritoires, mais à l’impossible nul n’est tenu. Vous tirez sur la corde : elle craque. Comment comptez-vous la renouer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je pensais sincèrement que, après les événements que notre pays a connus en 2015 et en 2016 et après le message de soutien, de solidarité, de confiance et d’affection de nos compatriotes à l’égard des forces de l’ordre, vous seriez capables de vous comporter à la hauteur des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Les polémiques sur ces sujets, vous le savez parfaitement, sont totalement inutiles. À ce moment-là, je pourrais vous rappeler (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) la situation que j’ai trouvée en arrivant au ministère de l’intérieur, les choix que nous avons dû opérer et les efforts que nous avons dû accomplir en faveur des forces de l’ordre tout au long de ce quinquennat, malgré les difficultés budgétaires.
M. Didier Guillaume. Atelier mémoire !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avons créé 9 000 postes de policiers et de gendarmes, alors que 13 000 postes avaient été supprimés. Pour ce qui concerne le fonctionnement comme l’investissement, c'est-à-dire les moyens alloués au quotidien à la police et à la gendarmerie, les budgets avaient également baissé ; nous les avons remis à la hausse.
Vous évoquez le maintien de l’ordre au printemps dernier. Quand j’étais ministre de l’intérieur, j’ai dû assurer le maintien de l’ordre lors des manifestations contre le mariage pour tous. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Colette Mélot. Quel rapport ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le maintien de l’ordre a toujours été une mission des forces de l’ordre. Mais, aux missions permanentes des forces de l’ordre, se sont ajoutées d’autres missions. Je pense évidemment à la question du défi posé par l’accueil des réfugiés, à la protection de nos frontières après les attentats, à la menace terroriste et à l’engagement de nos forces armées dans l’opération Sentinelle.
Nous nous sommes engagés en termes de moyens – c’est vrai pour les créations de postes, c’est vrai pour nos services de renseignement, c’est vrai pour le fonctionnement et c’est vrai aussi pour le renforcement de leur propre protection, qu’ils attendent –, mais nous nous sommes aussi engagés en matière de revalorisation du régime indemnitaire.
La conviction que je veux vous faire partager, c’est qu’il faudra, dans les années qui viennent, poursuivre cet effort pour notre défense nationale, pour la justice, pour la police, pour la gendarmerie et pour nos services de renseignement, en partenariat avec les collectivités territoriales. Cependant, il faudra le poursuivre dans le dialogue, en étant à l’écoute de ces policiers. C’est fondamental !
Je veux leur rendre devant vous un hommage solennel et dire que les attaques, les insultes, l’agression à Viry-Châtillon, en lisière de la Grande Borne de Grigny, les tracts honteux d’il y a quelques mois nécessitent de l’exécutif comme du Parlement des réponses fortes. Nous devons être aux côtés des forces de l’ordre pour leur donner les moyens, dans la durée, le rassemblement et l’unité, de relever le grand défi sécuritaire du pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour la réplique.
M. François Grosdidier. Monsieur le Premier ministre, vous avez répondu aux attentes des policiers, mais en partie seulement. (Plusieurs membres du groupe socialiste et républicain ironisent sur le fait que l’orateur lise sa réplique.) Comment pourrait-il en être autrement avec un Président de la République qui, dans tous les domaines, fait toujours une chose et son contraire ? (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. David Assouline. Temps de parole écoulé !
M. François Grosdidier. Le changement de politique pénale vient trop tard, et il est insuffisant. (Les marques d’impatience s’amplifient.)
M. le président. Il faut conclure !
M. François Grosdidier. Il faut sortir du droit commun de la légitime défense pour les policiers et introduire la notion de péril imminent. (Les membres du groupe socialiste et républicain protestent.)
M. le président. Il faut conclure !
M. François Grosdidier. Vous n’avez pas retenu nos propositions au Sénat contre le terrorisme. (Les protestations se font de plus en plus vives.)
M. le président. Il faut conclure !
M. François Grosdidier. Vous n’avez même pas retenu notre proposition de permettre l’accès des polices municipales aux fichiers minéralogiques, pour éviter les charges indues.
M. David Assouline. Vingt secondes de plus !
M. François Grosdidier. Vous restez à la moitié…
M. le président. Merci !
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas possible ! Il faut mettre fin à ce dévoiement des questions d’actualité au Gouvernement ! Nous vous l’avons déjà dit, monsieur le président !
M. le président. Je vous remercie de vos conseils, mais c’est moi qui préside ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation des mineurs isolés dans la lande de calais
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Ma question s’adresse à Mme la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes.
Madame la ministre, la semaine dernière, le Gouvernement a fait évacuer le camp de la Lande à Calais, un démantèlement sans précédent qui s’est effectué dans les meilleures conditions possible au regard du contexte. Dès lors, cette semaine, avec les ministres de l’intérieur et de la justice, vous vous êtes attachée à apporter des solutions à la situation des mineurs isolés qui restaient à Calais, tant ceux-ci ne pouvaient être laissés sur place, livrés à eux-mêmes, sans protection.
Leur proposer une situation d’accueil digne, sur le modèle de ce qui s’est fait la semaine dernière pour les autres migrants, honore notre pays. Ce sont ainsi plus de 1 600 mineurs sans famille qui ont été mis à l’abri hier, une opération réussie, grâce à l’efficacité des services de l’État et de ses agents.
Cette première étape provisoire était un devoir humanitaire envers tous ces jeunes que notre pays ne pouvait abandonner sur son propre sol et qui, selon leurs propos mêmes, vont enfin, entre autres choses, pouvoir dormir dans des conditions décentes. Désormais, il faut leur apporter des réponses pérennes. La première solution passe par le respect du regroupement familial et l’accueil en Grande-Bretagne pour tous ceux qui y ont de la famille.
Ma première question porte donc sur l’organisation du départ de ces jeunes, qui peuvent légitimement prétendre à un accueil outre-Manche.
Ensuite, pour les autres, ceux qui n’ont pas de famille en Europe, quelles solutions seront mises en place ? La seule réponse ne peut être l’application abrupte du dispositif de droit commun, à savoir l’aide sociale à l’enfance, qui relève des départements. En effet, si les conseils départementaux disposent bien des outils et du savoir-faire indispensables pour assumer cette mission, ils ne pourront faire face à cette situation totalement exceptionnelle qu’avec un soutien financier significatif de l’État.
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Madame la ministre, comment le Gouvernement envisage-t-il d’accompagner les collectivités dans la mise en œuvre de cette mission de protection de l’enfance et de solidarité, qui s’inscrit pleinement dans les valeurs que nous défendons ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Bruno Sido applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.
Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes. La protection des mineurs est, pour le Gouvernement, une exigence à la fois humaine, morale et légale. C’est ainsi que nous avons ces derniers temps accompagné les mineurs de Calais. La première urgence était de les mettre à l’abri. Voilà qui est fait.
Votre question, madame la sénatrice, me permet d’être plus précise.
La question des mineurs qui ont vocation à rejoindre la Grande-Bretagne, soit parce qu’ils y ont de la famille, soit parce que c’est leur meilleur intérêt, a fait l’objet de négociations serrées avec le Gouvernement britannique, d’une attention spécifique et d’une coopération étroite entre nos deux gouvernements. Depuis le 17 octobre dernier, 274 mineurs dont les attaches familiales outre-Manche ont pu être vérifiées ont quitté Calais pour rejoindre le Royaume-Uni.
Les mineurs présumés, qui avaient quant à eux rejoint le centre d’accueil provisoire, sont accompagnés depuis hier dans cinquante-sept centres d’accueil dédiés aux mineurs, intégralement financés par l’État. Leur demande de transfert vers le Royaume-Uni sera dorénavant étudiée dans ces centres.
Pour ceux qui ont vocation à rester en France, ils seront intégrés progressivement au dispositif de droit commun de répartition des mineurs non accompagnés, conforté par la loi du 14 mars 2016. Les modalités de cette prise en charge par l’aide sociale à l’enfance sont en cours de discussion avec l’Assemblée des départements de France. Le Premier ministre a reçu hier l’ensemble des associations d’élus pour engager les discussions avec eux et les remercier de leur mobilisation.
Hier, ce sont 1 616 mineurs qui ont pris la route vers les CAOMI, les centres d’accueil et d’orientation pour les mineurs isolés, où ils ont été accueillis dans des conditions d’encadrement adaptées à leur minorité.
Je veux saisir cette occasion pour remercier à la fois les élus locaux, les équipes éducatives, les associations, qui apportent cet accompagnement indispensable aux mineurs, ainsi que les services de l’État.
Je salue également la bienveillance, l’humanisme, le sens de l’accueil dont font preuve les Français dans les communes qui reçoivent des migrants de Calais ou des mineurs non accompagnés. Ce sont eux qui font la France grande, belle et généreuse, et non ceux qui pétitionnent ou qui se vantent de ne pas accueillir de mineurs dans leur département. Ce sont eux qui sont fidèles à la France et à ses valeurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
mauvais fonctionnement des logiciels de gestion financière
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe UDI-UC.
Mme Anne-Catherine Loisier. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification et porte sur les surcoûts des grands projets informatiques publics. Elle fait suite au rapport de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France consacré à la gestion de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris qui pointe la facture exorbitante du bug informatique survenu en 2011 lors du basculement vers un nouveau logiciel de gestion financière. Un changement de système qui, au final, a entraîné une perte réelle de 80 millions d’euros pour l’établissement.
En termes de fiasco informatique administratif, ce n’est malheureusement pas une première. Lors du projet de loi de finances pour 2016, le Sénat avait déjà souligné « la folle spirale des surcoûts » s’agissant du logiciel SIRHEN de l’éducation nationale.
Ces « logiciels fous » ayant occasionné des désastres s’empilent, et les pertes se chiffrent en centaines de millions d’euros. Ils s’appellent Orbis, Louvois, ONP, Chorus, SIRHEN ou encore SIRHIUS. Certains, je cite le référé de la Cour des comptes publié en juin dernier, restent « inaboutis dix ans après leur lancement ». Sur le dossier SIRHIUS, la Cour des comptes note « un système de gouvernance inadapté à la conduite efficace du projet » et des « coûts significatifs pour un retour sur investissement quasi inexistant ».
Tout cela fait désordre, monsieur le secrétaire d’État, alors que l’État affiche sa volonté de réduire les dépenses publiques et de maîtriser les dérives des grands projets. Comment, demain, nos administrations vont-elles pouvoir envisager sereinement le passage au prélèvement à la source ?
À l’heure où l’État demande à tous de faire des économies, comment comptez-vous endiguer cette gabegie de fonds publics ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)