M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de repli : si vous considérez que le statut de métropole est trop important pour un territoire comme le nôtre, accordez-lui le statut de communauté urbaine. Pourquoi Aurillac serait-il moins bien traité qu’Alençon ?
M. Jean-Pierre Sueur. C’est vieux !
M. Jacques Mézard. Je n’ai pas la mémoire parlementaire que vous avez, cher président Sueur : par rapport à vous, je suis un très jeune sénateur. (Sourires.)
C’est un amendement de repli, mais il serait juste, profondément juste, d’y faire droit.
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Le président Mézard a oublié un autre argument qui plaiderait en sa faveur, à savoir la desserte aérienne. Il conviendrait d'ailleurs, parmi les corrections à apporter à la loi NOTRe, de donner la possibilité aux départements de venir en appui sur ce type d’infrastructure. Il va de soi que, au-delà de la question de l’enclavement, en ce qui concerne le développement notamment économique d’un territoire comme Aurillac, il est nécessaire, compte tenu de la distance qui sépare celui-ci de Paris, de disposer d’une infrastructure aérienne.
Mais j’en reviens aux deux amendements en discussion commune.
À l’évidence, au regard de la discussion que nous avons eue cet après-midi, en particulier sur l’article 41, la question est clairement posée, et je le dis de la manière la plus sérieuse qui soit.
Pourquoi avons-nous demandé que le statut de métropole soit clairement défini ? On pourrait d'ailleurs dire la même chose des communautés urbaines. Le président Mézard l’a rappelé, nous avons abaissé à plusieurs reprises le seuil de ce type d’intercommunalité ; nous l’avons ramené en 2013 à 250 000 habitants, ce qui a permis à Dijon de devenir une communauté urbaine. Il convient donc de définir clairement ce que nous entendons par métropole.
Pour ne pas opposer le rural et l’urbain, cher président Sueur, parce que ce n’est absolument pas mon propos, encore faut-il dire ce que l’on attend en termes d’aménagement du territoire. Pourquoi ne pas abaisser définitivement les seuils - c’est de toute façon ce qui est en train de se passer - pour permettre à terme à Aurillac de devenir une métropole ?
Par souci de cohérence, je maintiens la position adoptée par la commission à l’article 41. Néanmoins, de façon sincère et raisonnée, à titre personnel, sans ironie aucune, j’approuve clairement ces amendements. Je pense sérieusement qu’il convient de prendre la dimension de la nécessaire réforme qui nous attend en matière d’aménagement du territoire, un texte qui définira – enfin ! – ce que nous souhaitons pour notre pays, ce que nous entendons par métropole et déterminera les outils de nature à créer, au-delà des appellations, de la péréquation et de la solidarité dans les territoires, car c’est bien de cela qu’il est question !
Je demande donc le retrait de ces deux amendements, tout en y adhérant sur le fond.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué de beaux poèmes, mais je vous répondrai par un proverbe : ne vendez pas la peau de l’ours…
Vous n’en êtes pas encore à définir des politiques d’aménagement du territoire. Pour l’instant, c’est le Gouvernement et l’actuelle majorité qui sont chargés de les déterminer.
M. Alain Vasselle. Pas pour longtemps ! Profitez-en pendant qu’il en est encore temps !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Ensuite, nous verrons ceux que les Français choisiront lors des prochaines élections démocratiques. Il y a parfois des surprises : regardez ce qui s’est passé cette nuit aux États-Unis !
M. Alain Vasselle. Voilà ce qui nous pend au nez avec votre politique !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Après avoir invité le rapporteur à ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, je voudrais lui recommander amicalement de travailler un peu mieux ses fiches : je le répète, les métropoles sont définies par la loi.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Vous y dérogez, monsieur le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Non !
Une métropole, c’est 400 000 habitants, une zone d’emplois, une capitale régionale. Quant aux communautés urbaines, elles sont également définies par la loi : elles doivent compter 250 000 habitants.
Nous connaissions les amendements d’appel de notre excellent ami Jacques Mézard, mais là il nous présente des amendements que je qualifierai de provocation – je reconnais bien là son tempérament. Il sait très bien que la communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac, la CABA, n’entre dans aucune de ces catégories. D'ailleurs, celle-ci n’a pas envie de se transformer en métropole ou en communauté urbaine, pas plus que Guéret ou Mende.
Compte tenu du cartésianisme qui vous caractérise, monsieur le président Mézard, par cohérence avec les propos que vous avez tenus tout au long de ce débat concernant le nombre de métropoles, vous n’allez tout de même pas nous proposer d’en créer de nouvelles !
Dans ces conditions, je vous recommande de retirer ces amendements. Si tel n’était pas le cas, le Gouvernement émettrait bien sûr un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Mézard, les amendements nos 82 rectifié et 83 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Jacques Mézard. Tout à fait, monsieur le président !
Permettez-moi de remercier le rapporteur, qui connaît, comme le ministre, nos territoires. Pour ma part, je n’oppose pas systématiquement le rural et l’urbain. Comme cela a été très justement relevé par le président Guillaume, il existe des territoires ruraux riches et des territoires urbains pauvres ; il faut donc être très prudent par rapport à ces notions.
Cela étant, il est des territoires en déprise démographique et des territoires éloignés des métropoles. Le problème, c’est que l’on multiplie le nombre de métropoles sans s’occuper des territoires interstitiels. Les gouvernements – le Gouvernement actuel n’est pas seul visé ; c’est une succession de gouvernements qui ont œuvré ainsi – disent agir pour la ruralité en donnant de l’argent pour créer des maisons de santé ou des maisons de services au public. Mais cela ne résout pas les problèmes, parce que cela ne contrebalance pas le fait métropolitain.
J’ai en mémoire le récent rapport de France Stratégie sur les métropoles et les territoires ruraux, qui préconise de favoriser le fait métropolitain au détriment des autres, quelles qu’en soient les conséquences. Je vous le dis très clairement, il faut penser aux territoires interstitiels. Nos concitoyens vivent au quotidien des situations d’une injustice profonde. Pour ma part, je ne crois pas à l’égalité territoriale ; je demande l’équité, ce qui est tout à fait différent. Et nous ne sommes plus dans l’équité territoriale. Voilà la réalité !
Je ne vais pas épiloguer sur la DGF, monsieur le ministre : pour 2016, elle n’est pas en hausse, ni équivalente, elle reste toujours en baisse. Mais ce sont là d’autres débats financiers, sur lesquels nous reviendrons à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances.
Aujourd'hui, la réalité, c’est que la fracture est considérable, et elle est aggravée par les réformes territoriales qui ont été faites n’importe comment, je l’ai dit ici pendant des années ! Le rapporteur a eu raison de rappeler la question de la ligne aérienne. Quand je pense que c’est par une circulaire du 22 décembre 2015 que Mme Lebranchu a décidé certains transferts de compétences, c’est tout de même un comble ! Je regrette d'ailleurs qu’aucun recours n’ait été formé contre cette instruction profondément scandaleuse.
La loi NOTRe a déjà subi sept modifications législatives, et ce n’est pas fini ! Ce travail n’est ni fait ni à faire et a été mortifère pour certains territoires comme celui que je représente. Ceux qui l’ont fait, monsieur Sueur, en portent la responsabilité devant nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je l’avais dit en commission des lois, je soutiendrai les amendements de M. Mézard, qui sont, comme l’a dit M. le ministre, des amendements de provocation par rapport à la proposition du Gouvernement de déroger aux dispositions législatives antérieures concernant les métropoles.
M. Mézard maintient ses amendements, sans doute pour que nous ayons un débat sur ce sujet – il est souhaitable que nous en discutions. Je souscris totalement à la dernière intervention de notre collègue, qui traduit ce qui est ressenti par une très grande majorité des maires ruraux concernant les espaces interstitiels auxquels il fait référence.
Je remercie le rapporteur d’avoir rappelé que nous avons fait évoluer les seuils pour accéder au statut de communauté urbaine et que nous voulions le faire aujourd'hui pour le statut de métropole. Mais où allons-nous ? C’est l’inverse de ce qui s’est produit pour les territoires ruraux, puisque l’on a incité les communautés de communes rurales de proximité à passer de 5 000, 7 000, 8 000 habitants à 15 000 habitants – et encore, le Gouvernement voulait définir un seuil beaucoup plus élevé !
On assiste ainsi à deux mouvements contraires. L’un consiste à abaisser les seuils pour permettre à des collectivités à caractère urbain de devenir des communautés urbaines et de bénéficier des avantages financiers attachés à ce statut. Certains maires, présidents de communautés urbaines ou de métropoles incitent les espaces ruraux à fusionner avec eux pour profiter de la manne financière. Cela reste cependant à démontrer sur le long terme, car, lorsque ces communautés urbaines investiront dans des équipements structurants lourds, les petites communes n’auront plus que leurs yeux pour pleurer et constater qu’en définitive leur situation n’est pas réellement prise en considération.
Plutôt que d’aller à l’inverse du mouvement qui serait souhaitable, il est urgent d’attendre dans tous ces domaines. Le rapporteur appelle, à juste raison, à procéder d’abord à une évaluation de la loi NOTRe. Il faudra certainement y revenir, parce qu’il ne se passe pas un jour, M. Mézard l’a souligné, sans que les parlementaires ou le Gouvernement le proposent.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. On nous dit, la main sur le cœur, qu’il ne faut pas opposer les territoires ruraux et les territoires urbains. Certes, mais il est facile de constater l’inégalité de traitement entre les uns et les autres.
Pour l’instant, aucune étude d’impact n’a été réalisée sur quoi que ce soit. L’argent est censé ruisseler des métropoles ou des grandes unités urbaines vers les territoires ruraux, selon une théorie déjà ancienne, sauf qu’aucune étude ne met précisément en évidence les flux entrants et sortants.
Quel argent extérieur ces unités urbaines reçoivent-elles ? Que rapporte, par exemple, pour les communes environnantes, le fait de loger leurs habitants et de scolariser leurs enfants ? Nous n’en savons absolument rien. Simplement, par définition, les grandes unités urbaines seraient les seules productrices de richesse, les « locomotives » qui vont entraîner les wagons. Je demande à voir…
De même, j’attends de voir les 20 milliards d’économies que l’on nous annonce depuis 2010 à la suite de ces évolutions.
Nous constatons, pour notre part, que les inégalités existent, et que les réformes proposées vont les aggraver. Maintenant, si vous avez des chiffres contraires, des études approfondies qui montrent que je me trompe, donnez-les ! (M. Jacques Mézard applaudit.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voudrais tout d’abord revenir sur le vote de la loi NOTRe après l’intervention de notre excellent collègue Jacques Mézard.
À la suite de l’accord trouvé en commission mixte paritaire – j’y ai pour ma part participé -…
M. Jacques Mézard. Pas moi !
M. Jean-Pierre Sueur. Je le sais bien !
À la suite de l’accord trouvé en commission mixte paritaire, disais-je, la loi NOTRe a été adoptée par une majorité de députés et de sénateurs.
M. Alain Vasselle. Vous savez pourquoi ! Elle a été votée pour sauver les meubles !
M. Jean-Pierre Sueur. Cet accord a, me semble-t-il, été bénéfique. Vous n’êtes pas d’accord avec moi sur ce point, mais je constate – et je l’ai dit dans mon département –, qu’une majorité d’élus de droite et de gauche ont adopté cette loi.
Je rappelle que l’Assemblée nationale souhaitait fixer un seuil obligatoire de 20 000 habitants pour les communautés de communes et que, grâce au Sénat, la commission mixte paritaire a réduit ce seuil à 15 000, avec un nombre important de dérogations justifiées.
Si M. le ministre Jean-Michel Baylet a pu dire que les choses s’étaient globalement bien passées, c’est, me semble-t-il, parce que le Sénat a joué son rôle, la réduction du seuil à 15 000 habitants et les dérogations prévues relevant du réalisme appliqué au terrain.
De même, lorsque nos chers députés ont décrété qu’il fallait unifier dès 2017 le régime de l’eau et de l’assainissement dans les agglomérations, nous avons expliqué que c’était absolument irréaliste. C’est même tellement irréaliste que je parie qu’on nous demandera, un jour, de reporter de nouveau la date limite.
La question du suffrage universel est un autre débat, certes légitime – aucun débat n’est illégitime ! –, mais que nous ne voulons pas aborder dans le cadre de ce texte. Si nous avons voté, les uns et les autres, la loi NOTRe, c’est parce que nous avons considéré qu’elle constituait un compromis acceptable. Certes, tout le monde ne partage pas cette position, j’en donne acte à nos amis Jacques Mézard et Pierre-Yves Collombat, mais je tenais à faire cette mise au point.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le ministre, puisque vous vous êtes inquiété d’avoir pris le risque de froisser la commission des lois et son rapporteur, je voudrais vous rassurer. Votre rappel à l’humilité nous va droit au cœur, et c’est un exercice toujours utile quand il s’agit de délibérer de textes importants. Si nous avons parfois du mal à maîtriser le contenu de nos fiches – je le reconnais bien volontiers –, nous nous trouvons néanmoins quelques excuses lorsque le législateur, par le désordre de ses interventions à la suite des multiples initiatives du Gouvernement, crée lui-même une certaine confusion…
Vous vous en souvenez sans doute : en 2010 a été créée la métropole de Nice et, en 2014, ont été créées les métropoles, de nature différente, de Paris, d’Aix-Marseille et de Lyon. Des critères ont été posés à cette occasion pour permettre de reconnaître d’autres métropoles, si bien que douze métropoles ont pu être constituées sur le fondement de la loi de 2014.
Vous avez pris le temps de la réflexion et vous avez considéré que cette loi, déjà ancienne (Sourires.), n’avait pas suffisamment précisé les choses et que d’autres métropoles méritaient d’être créées. Vous êtes donc venu devant le Parlement en nous proposant de créer quatre métropoles supplémentaires, qui répondaient à de nouveaux critères. Puis, au cours du débat, vous avez considéré que cela n’était pas encore suffisant et vous avez accepté la création, par voie d’amendement, de quatre métropoles supplémentaires. Vous comprendrez donc que nous puissions parfois être saisis d’un léger tournis…
Les deux amendements présentés par notre collègue Jacques Mézard visent, d’une part, à souligner la force d’attractivité de l’agglomération d’Aurillac et son dynamisme – ils sont bien connus sur les travées de cette assemblée, pour être souvent défendus, et je sais que les prises de position de notre collègue ont une source d’inspiration locale –, et, d’autre part, à souligner une certaine absurdité du processus de création des métropoles que le Gouvernement anime depuis plusieurs années.
Certaines métropoles s’imposent par la géographie et la réalité : ce sont des capitales, elles en ont les attributs et ont effectivement besoin qu’un statut juridique particulier vienne organiser leur travail au service des habitants. D’autres agglomérations sont des métropoles par détermination de la loi. Et là, le processus peut être sans fin.
Vous avez vous-même voulu faire barrage à l’extension infinie du nombre de métropoles en élaborant des critères en 2014. Mais vous vous êtes rendu compte que vos propres critères ne permettaient pas de donner satisfaction à suffisamment de villes… Et, en cette période marquée par l’approche de grandes échéances, vous voulez faire plaisir ! Dites-le franchement ! Nous aussi, nous aimerions faire plaisir, mais pas au détriment de la qualité de notre organisation territoriale.
C’est tout le sens de la position de la commission sur les différents amendements que nous avons examinés, et je vous prie de nous excuser si, malgré tous nos efforts, nous n’avons pas atteint, sur le plan intellectuel, le niveau que vous pouviez en attendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 127, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 41
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article 54 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, l'année : « 2017 » est remplacée par l'année : « 2019 ».
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement a souhaité déposer cet amendement, car l’application de la loi MAPTAM donne lieu à une situation qui mérite des précisions et des décisions.
Aux termes de cette loi, les conseillers métropolitains – j’entends être aussi précis que le souhaite le président de la commission des lois ! – seront élus en 2020 au suffrage universel et, pour préparer cette échéance, deux rapports, l’un émanant du Parlement, l’autre du Gouvernement, seront remis en 2015, au vu desquels le Parlement fixera avant le 1er janvier 2017 le régime électoral des conseillers métropolitains.
Or il se trouve qu’aucun de ces deux rapports n’a été déposé. Si certains députés ont commencé à travailler sur le sujet, aucun rapport n’a été déposé par le Sénat ou l’Assemblée nationale ni par le Gouvernement.
L’échéance du 1er janvier 2017 approchant, il me semble difficile de ne pas évoquer ici cette élection au suffrage universel – nous parlons en effet de métropoles, et Mme Benbassa a, de surcroît, déposé un amendement sur le sujet –, et encore plus difficile de définir, d’ici à la fin de l’année, un mode de scrutin, lequel exige une réflexion très scrupuleuse. Faut-il copier le mode de scrutin régional, s’inspirer du mode de scrutin lyonnais ou choisir un autre mode de scrutin ? Des problèmes très importants se posent en outre à propos de la représentation des communes. Tout cela mérite discussion, et celle-ci ne peut se mener que sur la base d’éléments objectifs dont nous ne disposons pas aujourd’hui.
M. Alain Vasselle. C’est tout vu !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. En conséquence, le Gouvernement s’engage, d’ici au mois de janvier, à déposer son rapport sur l’élection au suffrage universel des conseillers métropolitains en 2020.
Quant à l’obligation faite par la loi MAPTAM d’arrêter le mode de scrutin d’ici à la fin de l’année – disons-le clairement, c’est aujourd’hui le dernier débat au cours duquel nous pourrions le faire ! –, le Gouvernement propose que l’on prenne le temps de la réflexion et de la concertation et que nous remettions à 2019 la date couperet initialement fixée au 1er janvier 2017.
M. Alain Vasselle. C’est tout réfléchi !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je ne vous le cache pas, mon intention était plutôt de fixer cette échéance à 2018, mais je me suis finalement inspiré de l’amendement d’origine sénatoriale qui prévoyait la date de 2019, d’autant que je connais l’attachement du groupe écologiste à l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel.
M. Michel Vaspart. Pas nous !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. D’ores et déjà, j’ai engagé la concertation avec France urbaine et les présidents de métropole eux-mêmes. Le président de France urbaine, Jean-Luc Moudenc, a procédé à des consultations et j’ai moi-même reçu la semaine dernière tous les présidents de métropole ou leurs représentants pour leur demander s’ils souhaitaient que les conseillers métropolitains soient élus au suffrage universel en 2020 et, si oui, selon quel mode de scrutin.
Onze présidents sur quinze, soit une large majorité, m’ont fait connaître leur souhait que les conseillers métropolitains soient élus en 2020 au suffrage universel. Dès lors, nous avons ouvert le débat sur le mode de scrutin, qui, naturellement, ne pouvait pas être tranché dès la première réunion de concertation. Les présidents de métropole eux-mêmes souhaitent un report, non pas de l’élection en 2020, mais de cette décision. C’est, me semble-t-il, une sage position.
Je vous le confirme, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui n’a pas été fait en 2015 sera fait d’ici au mois de janvier 2017. Le rapport sera déposé, et nous lancerons alors la concertation.
Le Gouvernement vous propose donc l’année 2019 comme date limite pour arrêter le mode électoral, avec cette précision importante, je le répète : onze présidents de métropole sur quinze, certains de gauche, d’autres de droite, souhaitent cette élection au suffrage universel. Parmi les présidents qui y sont opposés, il en est aussi de droite et de gauche.
M. le président. L’amendement n° 94, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Après l’article 41
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les membres des conseils des métropoles, créés en application des articles L. 5217-1, L. 5218-1 et L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales, sont élus au suffrage universel direct selon des modalités particulières fixées par la loi avant le 1er janvier 2019.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 54 de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM, prévoit la mise en place d’un scrutin universel pour la désignation des conseillers métropolitains à compter de 2020.
Cette mesure, pour laquelle les parlementaires écologistes ont beaucoup œuvré, est tout à fait essentielle à la vitalité de la démocratie, notamment parce que les métropoles assurent des compétences majeures en matière de politique publique.
Rappelons que, à l’heure actuelle, le mode de désignation des conseillers métropolitains ne permet ni une représentativité de l’ensemble des sensibilités politiques ni une représentation paritaire. À titre d’exemple, le conseil de la métropole du Grand Paris est composé de 149 hommes et de 60 femmes. Son exécutif comprend plus de 85 % d’hommes. Il en est de même dans d’autres métropoles, comme celle d’Aix-Marseille-Provence, par exemple, composée de 163 hommes contre 77 femmes.
Le présent amendement a alors pour vocation de rappeler que les modalités du scrutin universel doivent être mises en place au plus vite et, en tout état de cause, avant le 1er janvier 2019.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Certains sujets ne souffrent pas la contestation et nécessitent d’avoir une position claire et tranchée. S’il en est un, celui-ci en fait partie, à l’évidence.
L’amendement de report, contrairement à ce qu’affirmait Jean-Pierre Sueur ce matin en commission, vise non pas à différer le débat sur le suffrage universel, mais à reporter du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2019 la détermination des modalités du scrutin au suffrage universel direct.
Nous avons longuement débattu de cette question au Sénat, en commission comme en séance, et nous avons constamment réaffirmé la volonté de ne pas ériger les métropoles en collectivités territoriales.
Contrairement à la position de certains de vos collègues, monsieur Sueur, en particulier votre collègue Maurice Vincent, la métropole ne se limite pas à l’exercice de quelques compétences supplémentaires. Au contraire, il me semble évident que, si l’on admet le suffrage universel direct, cela implique, premièrement, la mort des communes…
M. Michel Vaspart. C’est vrai !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. … et, deuxièmement, la transformation des métropoles en collectivités territoriales. Assurément, on quitte alors le cadre de l’intercommunalité conçue comme une émanation des communes ayant vocation à mutualiser des compétences et à rester une intercommunalité de projets.
Il faut dire les choses clairement !
M. Jean-Paul Émorine. Tout à fait !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Pour la commission, il ne sera pas plus question de suffrage universel en 2017 qu’en 2019, 2020 ou 2025, parce que la question du suffrage universel appelle inévitablement la disparition des communes dans ces aires métropolitaines…
M. Charles Revet. Exactement !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. … et, plus encore, la création de nouvelles collectivités territoriales, à l’heure où l’on nous invite à en supprimer.
La commission s’oppose, en l’état, à l’instauration d’un mode de scrutin au suffrage universel dans les métropoles et émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 94 ?
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’amendement n° 94.
M. Pierre-Yves Collombat. J’adhère totalement à l’argumentation de M. le rapporteur, mais je fais simplement remarquer que le suffrage universel direct existe déjà.
M. Charles Revet. Oui !
M. Pierre-Yves Collombat. En réalité, nous discutons d’un scrutin distinct de celui qui tend à désigner les élus municipaux. Or l’unité de scrutin est une condition indispensable pour que l’intercommunalité reste une intercommunalité, et ne devienne pas une collectivité territoriale spécifique. Dès lors que l’on instaure un scrutin distinct – à ce titre, les métropoles servent de galop d’essai pour les intercommunalités ! –, on ne voit pas très bien à quoi servent les communes.