M. Roger Karoutchi. Encore !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … vous admettez dès maintenant que vos cadeaux fiscaux feraient augmenter le déficit. (M. Éric Doligé sourit.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En effet, avec vous, c’est le grand retour des cadeaux fiscaux. Tout votre programme fiscal est organisé autour d’une idée : payer à certains le prix du soutien qu’ils vous apportent. Comment comprendre autrement la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, la baisse des droits de succession pour les plus riches ou la baisse proportionnelle de 10 % de l’impôt sur le revenu ? À qui profitera cette dernière baisse ?
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain. Aux riches !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certainement pas à ceux qui n’y sont pas assujettis ! Je rappelle, en effet, que 10 % de zéro égale zéro…
MM. Philippe Dominati, Roger Karoutchi et Francis Delattre. Bravo ! (Sourires.)
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain. Les riches !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certainement ceux qui en paient le plus ! Et cette diminution se traduira par un déficit accru, ainsi que vous l’envisagez, mais aussi, parce que cela ne suffira pas, par des économies sur les retraites, l’éducation, les fonctionnaires, les minima sociaux, la santé et sans doute également sur la sécurité, à laquelle le Gouvernement a rendu les moyens que vous aviez supprimés.
Certains prétendent que la droite et la gauche n’existent plus.
M. Philippe Dallier. La gauche surtout !
M. Roger Karoutchi. La gauche, c’est sûr !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ceux-là n’ont pas lu le programme de vos candidats, qui consiste à donner plus à ceux qui ont beaucoup et à demander des économies à ceux qui n’ont rien. Voilà le programme de la droite, et c’est tout le contraire de ce que nous avons fait.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est absolument pas caricatural …
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous vouliez supprimer 600 000 emplois de fonctionnaires. Un premier tour de primaires et ce chiffre est devenu « jusqu’à 500 000 ». Pourquoi ne pas nous donner la liste des postes concernés ?
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pas d’impatience, cela viendra…
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Où les prendrez-vous ? Vous dites que ce ne sera ni dans la défense, ni dans la police, ni dans la gendarmerie, ni dans les hôpitaux.
Je vous rappelle que, chaque année, le nombre de départs à la retraite, dans les trois fonctions publiques, est légèrement supérieur à 100 000. Vouloir supprimer 500 000 emplois en cinq ans, c’est tout simplement arrêter tout recrutement durant la même période !
M. Jacques Chiron. Exactement !
M. Didier Guillaume. C’est logique !
M. Éric Doligé. Non !
M. Charles Guené. C’est possible, avec les trente-neuf heures !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quel programme ! Tenir de tels propos, c’est conduire le pays dans une impasse et décrédibiliser la parole politique.
M. Ladislas Poniatowski. Je croyais qu’on parlait du budget !
M. Didier Guillaume. Il n’y a plus de budget !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Depuis cinq ans, nous avons mené une politique dont nous pouvons être fiers. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Francis Delattre. Parlez-nous des trous du budget !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette politique a conduit à tout mettre en œuvre pour préserver notre modèle social.
M. Francis Delattre. Parlez-nous des impasses !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Or vous ne trouvez rien de mieux, si j’ai bien compris les intentions de la majorité sénatoriale, que d’opposer une question préalable à ce projet de loi de finances.
Cela dit, vous nous y aviez habitués ! L’an dernier, vous aviez in fine adopté un budget qui présentait un excédent massif.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’était bien ! On avait résorbé le déficit…
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En effet, vous n’aviez pas voté la plupart des crédits, sans d’ailleurs trop dire si vous vouliez plus ou moins de dépenses… Vous n’aviez pas adopté l’article liminaire. Vous aviez voté un texte absolument inapplicable et même totalement inconstitutionnel !
Cette année, vous vous défaussez encore, mais vous ne dites rien de votre stratégie globale.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous en dirons plus bientôt !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Faut-il plus ou moins de dépenses ? Faut-il revenir à l’équilibre et, si oui, comment ? Vous ne répondez jamais à ces interrogations.
M. Roger Karoutchi. Regardez le débat de ce soir !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce que vous prenez pour un baroud d’honneur vous détourne du devoir qui est le vôtre : celui de débattre des textes et de légiférer au nom de la Nation et de toutes ses composantes, que vous êtes censés représenter. Quelle perte pour le débat démocratique ! Quelle piètre image de l’institution qui se voudrait sage, et qui se montre lâche… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Croyez-le bien : à gauche, nous demeurons fidèles aux principes démocratiques et aux valeurs républicaines. Nous nous battrons pour que vivent ces principes et ces valeurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, je n’ai pas été convaincu… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Nous non plus !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État, que, sous la précédente majorité, une question préalable avait été adoptée sur un projet de loi de finances rectificative et deux PLF avaient été rejetés. Ce n’est donc pas une première !
Voilà un peu moins de cinq ans, le 16 juillet 2012, en séance publique, à l’Assemblée nationale, le ministre de l’économie et des finances de l’époque, Pierre Moscovici, qui a été cité, pour des propos tenus au titre d’autres fonctions, déclarait ceci :…
M. Didier Guillaume. Le bal des citations commence…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … « Pour 2012, notre objectif – vous le connaissez – est de ramener le déficit à un niveau plus soutenable. […] Cela s’inscrit dans une trajectoire désormais bien identifiée : 3 % en 2013 et l’équilibre des finances publiques en fin de mandat. »
M. Éric Doligé. Et alors ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Aujourd’hui, nous sommes en fin de législature et la même majorité gouvernementale nous promet non plus d’équilibrer les comptes publics, mais d’atteindre un déficit légèrement inférieur à 3 % du PIB en 2017. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire que, si le commissaire européen aux affaires économiques et financières Pierre Moscovici qualifie de « jouable » l’atteinte de cet objectif pour l’année prochaine, nous n’y croyons pas plus aujourd’hui qu’hier.
Tout d’abord, nous n’y croyons pas, parce que le Haut Conseil des finances publiques, qui ne peut être taxé de partialité, a rendu, en septembre dernier, un avis sur le présent projet de loi de finances et sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui démontre que l’hypothèse de croissance de 1,5 % sur laquelle ce budget est bâti est « optimiste », en ce qu’elle excède les prévisions des économistes comme des organisations internationales. Le Haut Conseil a également déclaré que certaines économies, comme celles qui résultent de la conclusion d’une nouvelle convention d’assurance chômage, sont « irréalistes » et, enfin, que la réduction du déficit public telle qu’annoncée est « improbable ». Le Haut Conseil relève également nombre de risques en dépenses, qu’il s’agisse de l’évolution des dépenses d’assurance maladie ou des recapitalisations attendues pour le secteur énergétique, qui rendent la sincérité de ce budget contestable.
Le Haut Conseil a encore confirmé son appréciation vendredi dernier – vous n’avez pas été tout à fait complet sur l’avis qu’il a alors rendu, monsieur le secrétaire d’État –, en examinant le collectif de fin d’année, qui ramène la prévision de croissance de 1,5 % à 1,4 % pour 2016, tout en soulignant que cette première révision ne sera peut-être pas suffisante.
Ce projet de loi de finances ne fait donc l’objet d’aucune prudence dans ses évaluations de recettes et se trouve malheureusement à la merci de toute mauvaise nouvelle, qu’il s’agisse de la remontée des taux d’intérêt, qui a un peu commencé, ou de performances économiques moins bonnes qu’anticipé.
Nous ne croyons pas à ce budget. En effet, la commission des finances, munie de son expérience – elle examine en cours d’année nombre de projets de décrets d’avance, par exemple celui de septembre dernier, qui a ouvert 1,4 milliard d’euros de crédits pour financer 150 000 contrats aidés non budgétés –, a elle-même évalué l’ampleur des surestimations de recettes et des sous-estimations de dépenses pour 2017. Nous considérons, sans retenir les hypothèses les plus défavorables, que l’impasse budgétaire pourrait atteindre 12 milliards d’euros, ce qui conduirait notre pays à un déficit de l’ordre de 3,2 % du PIB l’an prochain. On est bien loin des 2,7 % annoncés !
Bien sûr, on constate des sous-budgétisations récurrentes. Celles-ci ont atteint, en moyenne, 2,5 milliards d’euros sur la période 2011-2015. Pour 2017, ce phénomène concerne une nouvelle fois les OPEX et les opérations de sécurité intérieure, l’hébergement d’urgence, les contrats aidés, l’aide médicale d’État et les contentieux communautaires. Doivent y être ajoutées, cette année, les participations financières de l’État. Comme vous le savez, mes chers collègues, cette liste n’est malheureusement pas exhaustive.
Cependant, notre appréciation de ce projet de loi de finances ne se fonde évidemment pas sur la seule estimation des dérapages prévisibles sur l’année 2017. Elle résulte de l’analyse très détaillée de l’ensemble de ses dispositions.
À l’Assemblée nationale, vous avez déclaré, monsieur le secrétaire d’État, qu’« il semblerait que [le Sénat] refuse de faire son travail ». Vous n’êtes pourtant pas sans savoir que nous avons publié de nombreux rapports, que la commission des finances a consacré quarante-trois heures à l’examen de ce budget…
M. Didier Guillaume. Pour amuser la galerie !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … et que s’y ajoutent, bien évidemment, les heures qu’y ont consacrées les commissions saisies pour avis, qui ont multiplié les auditions ministérielles et conduit leurs propres travaux. Sans compter la présente discussion générale, que la conférence des présidents a choisi de rallonger, afin précisément que chacun puisse s’exprimer.
M. Roger Karoutchi. Exactement !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Faire son travail ne consiste pas, pour la commission des finances, à approuver les choix du Gouvernement.
M. Didier Guillaume. Ni à voter le budget, apparemment !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons très précisément examiné l’ensemble des articles et des missions budgétaires et pris en compte non seulement le texte proposé par le Gouvernement, mais aussi les modifications introduites par l’Assemblée nationale, bien évidemment.
À l’issue de cet examen très approfondi, que peut-on retenir ? Après un quinquennat marqué par un choc fiscal en direction des ménages tout particulièrement, dont l’imposition – je vous invite à lire le rapport qui a été publié ce matin – est de 31 milliards d’euros plus élevée en 2016 qu’en 2012, on peut retenir que ce projet de loi de finances ne contient qu’une nouvelle mesure ponctuelle : la réduction proportionnelle en faveur des foyers fiscaux, pour un coût de 1 milliard d’euros, soit un gain moyen de 154 euros par foyer fiscal. S’il est vrai qu’il y a « un geste du côté des ménages », pour reprendre les termes du Président de la République, ce dernier se justifie sans doute par l’approche des échéances électorales et a été défini en fonction des faibles marges de manœuvre en recettes.
Il faut préciser que l’inscription, dans le code général des impôts, de cette nouvelle réduction sui generis vient encore complexifier l’impôt et brouiller la lisibilité du barème. Les dispositifs s’empilent – la décote simple, la décote conjugale, la réduction d’impôt proportionnelle –, témoignant de la vaine tentative du Gouvernement d’annuler les effets du choc fiscal du début du quinquennat et de faire oublier son absence de stratégie en matière fiscale.
En définitive, seuls 43,8 % des foyers fiscaux acquittent l’impôt sur le revenu aujourd’hui, contre 50 % en 2012. L’impôt se trouve ainsi concentré sur un nombre toujours plus réduit de contribuables, qui payent toujours davantage.
Au reste, le renforcement de la concentration de l’impôt sur les ménages les plus aisés ou sur la classe moyenne n’est pas tout. À cet égard, j’ai procédé à une évaluation – la plus précise possible – des effets des autres impositions, dont la TVA et la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, sur le budget des ménages. Cette analyse montre une augmentation de près de 6 % du poids des prélèvements indirects entre 2011 et 2015. Cette hausse aura davantage pesé sur les ménages modestes, du fait du caractère dégressif de la fiscalité indirecte. Par ailleurs, les mesures en prélèvements obligatoires adoptées depuis 2012 ont largement défavorisé les actifs et les familles, comme en témoigne une étude menée par la direction générale du Trésor. C’est la raison pour laquelle nous avions souhaité, l’an passé, relever le plafond du quotient familial et alléger l’imposition des classes moyennes, mais, chacun le sait, nos propositions n’ont pas été retenues.
Mme Catherine Troendlé. Absolument !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce projet de loi de finances ne comporte pas de mesure susceptible d’alléger, en 2017, la charge fiscale sur l’ensemble des ménages, alors que celle-ci est passée de 14,5 % à 16 % du PIB entre 2011 et 2016, ce que tout le monde reconnaît désormais.
Comme vous le savez, la mesure emblématique de ce projet de loi de finances est relative non pas au montant de l’impôt, mais à son mode de recouvrement : il s’agit de l’instauration du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, l’un des soixante engagements du candidat François Hollande en 2012, qu’il fallait sans doute honorer en toute fin de mandat…
J’ai souligné, dans un rapport d’information fait au nom de la commission des finances, le « choc de complexité » créé par ce nouveau dispositif. J’en ai noté de nombreux inconvénients. Je note d’ailleurs que l’Assemblée nationale a adopté un certain nombre d’amendements sur des points que nous avions soulevés : la naissance d’un enfant serait finalement prise en compte, la pénalité pour modulation excessive du taux de prélèvement serait assouplie, la grille de taux par défaut serait affinée et un acompte de 30 % serait introduit pour les crédits d’impôt pour services à la personne et garde d’enfants. Enfin, divers ajustements ont été apportés, liés notamment à la définition des revenus exceptionnels de l’année de transition.
Ces retouches sont sans doute utiles, mais elles sont très clairement insuffisantes pour répondre aux très nombreuses critiques formulées par les participants à nos tables rondes. Vous avez, monsieur le secrétaire d’État, rappelé la longue liste des personnes que vous avez auditionnées. Sachez que celles que nous avons entendues ou qui ont fourni des contributions écrites sont toutes défavorables au prélèvement à la source, comme l’indique le rapport de 244 pages de la commission des finances du Sénat.
L’Assemblée nationale, en adoptant le prélèvement à la source, a choisi un mode de recouvrement qui crée des charges et des responsabilités nouvelles.
M. Claude Bérit-Débat. Il existe partout ailleurs !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez cité d’autres prélèvements, mais le prélèvement à la source s’en distingue en ce que son taux est individualisé, à la différence du taux de la CSG. Ce taux n’est d’ailleurs pas si neutre, puisque vous avez même fait peser une responsabilité pénale sur les entreprises qui le dévoileraient. Il pose des problèmes de confidentialité.
Ce dispositif est donc clairement de nature à complexifier la vie des contribuables, alors même que le taux actuel de recouvrement de l’impôt est excellent.
Pourquoi votre projet de prélèvement à la source ne fonctionne-t-il pas ? Tout simplement parce que notre impôt, qui est « familialisé », qui est, certes, complexe, mais qui repose sur le prélèvement par foyer fiscal, n’est évidemment pas compatible avec un prélèvement à la source assis sur l’individu.
Je regrette que nos collègues députés n’aient pas retenu, dans le texte qu’ils ont finalement adopté, la proposition du Sénat, qui a été supprimée en deuxième délibération.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est faux ! Tel n’était pas l’objet de l’amendement qui a été voté à l’Assemblée nationale !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Notre proposition était plus simple. Elle prévoyait un prélèvement mensuel et contemporain, qui permettait de garder un lien exclusif entre le contribuable et l’administration fiscale, sans besoin d’introduire un tiers ni de complexifier le système.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’en viens maintenant à la fiscalité des entreprises.
Le Gouvernement a malheureusement annulé, pour l’an prochain, les 5 milliards d’euros de baisses d’impôt qui étaient prévues pour les entreprises.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Si ! Vous avez notamment renoncé à un certain nombre d’engagements pris dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. Seule subsiste la création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur les bénéfices.
M. Didier Guillaume. C’est une blague !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les PME seront imposées à 28 %, ce qui se traduira, d’ailleurs, par une perte de recettes de 330 millions d’euros.
À côté, les entreprises accorderont, en 2017, de très nombreuses avances à l’État, qu’il s’agisse de l’acompte d’impôt sur les sociétés ou de l’acompte de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, en attendant l’acompte sur la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, qui est inscrit dans le collectif budgétaire. Un certain nombre de mesures – prétendument « de trésorerie » – permettent donc d’améliorer le solde, mais ce sont des avances de recettes prélevées sur les entreprises.
Ainsi, concrètement, les entreprises devront verser par anticipation près de 1 milliard d’euros d’impôts dont elles ne sont redevables qu’au 1er janvier 2018 ou au titre d’un bénéfice qui n’est pas encore réalisé. Ces deux dispositions, de même que celle qui crée un nouvel acompte de prélèvement forfaitaire sur les revenus mobiliers, sont bien, qu’on le veuille ou non, des prélèvements supplémentaires en 2017, dont le seul motif est de gonfler artificiellement les recettes budgétaires de l’année, puisque leur effet sera neutralisé dès 2018. Nous ne pouvons évidemment pas accepter ces artifices budgétaires.
Plus généralement, et c’est sans doute là le point majeur, ce projet de loi de finances porte atteinte à notre compétitivité, du fait notamment de dispositions introduites par l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, les députés ont remis en cause, de manière particulièrement inopportune, le régime fiscal et social des actions qui résultait de la loi Macron, même si l’appellation de ce texte ne plaît plus aujourd’hui. La constitutionnalité de cette disposition, partiellement rétroactive, sera sans doute discutée. Enfin, les députés ont élargi l’assiette de la taxe sur les transactions financières, notamment aux opérations intrajournalières, et augmenté son taux. C’est regrettable à un moment où la place de Paris cherche à attirer les investisseurs, en particulier du fait du Brexit ! Là aussi, de nombreux risques constitutionnels existent. Ces dispositions, qui sont prises totalement à contretemps, ne peuvent évidemment être acceptées. Elles envoient des signaux négatifs, notamment pour ce qui concerne le dispositif en faveur des impatriés, qui témoigne d’ailleurs, en creux, de la lourdeur de notre système fiscal.
Je n’insisterai pas non plus sur d’autres dispositions introduites par nos collègues députés, particulièrement pénalisantes pour nos concitoyens. Je pense en particulier à la suppression de l’exonération de la plus-value sur la vente d’un premier logement en cas de réinvestissement dans l’achat d’une résidence principale ou encore à la possibilité, pour les communes situées en zone tendue, de porter à 60 % la majoration de taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Il y a fort à parier, hélas, que les augmentations d’impôts soient réelles, en 2017, pour de nombreux contribuables.
D’ailleurs, le Gouvernement reconnaît lui-même que le taux de prélèvements obligatoires ne diminuera pas l’an prochain. (Exclamations sur les travées de l’UDI-UC.) Ce taux s’établira à 44,5 % du PIB, au lieu des 44 % encore prévus en avril dernier, dans le pacte de stabilité. Le Gouvernement a donc fait le choix de modifier très profondément l’équilibre en recettes et en dépenses pour 2017, en renonçant aux baisses de fiscalité pourtant promises, afin de pouvoir relâcher de manière significative les efforts sur la dépense publique. De fait, les baisses d’impôt attendront 2018…
Si l’on examine plus précisément les dépenses de l’État, le plafond prescrit en loi de programmation des finances publiques est dépassé de 9,1 milliards d’euros dès le projet de loi de finances. Le Gouvernement a fait des fameux 50 milliards d’euros d’économies l’alpha et l’oméga de sa politique. Cet objectif avait été l’un des leitmotive de sa communication. Il est aujourd’hui oublié. Le quantum d’économies prévu en 2017 dans le cadre de ce plan d’économies – certes, officiellement abandonné – est revu de 19 milliards d’euros à 12 milliards d’euros, dont seulement 1,5 milliard d’euros pour le budget de l’État. Encore ce chiffre fort modeste traduit-il une hausse réelle des dépenses, atténuée par des économies de pure constatation, qui ne dépendent aucunement des choix du Gouvernement… Ainsi, la charge de la dette est revue très nettement à la baisse, de 7,7 milliards d’euros, même si ce chiffre appelle la prudence. Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne devrait lui aussi être inférieur de 2,4 milliards d’euros à la prévision de la loi de programmation, ce qui permet d’afficher une économie à moindres frais.
J’ajoute, concernant les dépenses, que plus de 40 % de la hausse des dépenses de l’État est due, en 2017, à la masse salariale, pour un montant de 3,2 milliards d’euros. Cela se traduira, à un moment où il n’y a pas d’inflation et quasiment pas de croissance, par une progression de 4 % de la masse salariale. Il faut remonter quinze ans en arrière, en 2002, pour retrouver une hausse aussi importante des dépenses du titre 2 – l’inflation n’était sans doute pas la même ! Ainsi, l’augmentation totale des dépenses de personnel sur l’ensemble du quinquennat s’élèvera à 5,1 %. À titre de comparaison, puisque certains ici aiment se comparer à ce qui a été fait durant la période précédente, la masse salariale avait décru de 6,6 % de 2007 à 2012, et était restée stable de 2002 à 2007.
Concrètement, cette hausse des dépenses de personnel annule presque l’intégralité des efforts de maîtrise réalisés depuis dix ans. Elle entraînera bien évidemment des conséquences budgétaires pérennes, bien au-delà du seul exercice 2017, puisque les fonctionnaires engagés devront être payés tous les ans.
On pourrait nous dire que cette évolution est justifiée notamment par le plan de lutte contre le terrorisme et l’actualisation de la loi de programmation militaire, mais ces mesures n’en expliquent qu’une faible partie : l’augmentation provient d’abord des recrutements dans d’autres ministères, tout particulièrement à l’éducation nationale.
M. Didier Guillaume. Nous le revendiquons !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Surtout, elle résulte de l’effet de mesures catégorielles, du glissement vieillesse-technicité, du dégel du point d’indice et du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » – le fameux « protocole Lebranchu » –, qui, d’ailleurs, coûte non seulement au budget de l’État, mais également à celui des collectivités territoriales.
MM. Philippe Dallier et Éric Doligé. Eh oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce protocole ne représente que 1,2 milliard d’euros en 2017. Cependant, nous mesurons déjà, en 2016, les effets budgétaires de cette politique, puisque nous venons d’être saisis d’un projet de décret d’avance, que nous examinerons la semaine prochaine, qui entérine un dérapage de rien de moins que 887 millions d’euros de la masse salariale de l’État en 2016, soit sept fois plus que le dépassement constaté en 2015, mes chers collègues.
Or, comme le Sénat l’a démontré lors de la discussion des précédents PLF, la maîtrise de la masse salariale de l’État est possible. Les outils sont nombreux. Ils peuvent être articulés autour de plusieurs axes. L’enquête que nous avions commandée à la Cour des comptes au titre du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances nous a d’ailleurs suggéré des pistes : une réduction des effectifs résultant d’une rationalisation des missions de l’État ; un accroissement du temps de travail dans la fonction publique ; un effort supplémentaire demandé aux opérateurs de l’État ; un développement de la mobilité dans l’intérêt du service.
Je rappelle simplement un chiffre de ce rapport sur la masse salariale de l’État que nous avions mis en avant : si le temps de travail des salariés du public était porté à 37,5 heures par semaine, ce qui correspond à la durée hebdomadaire de travail habituellement déclarée par les salariés du secteur privé, l’économie réalisée s’élèverait tout simplement à 5 milliards d’euros par an pour les trois fonctions publiques, dont 2,2 milliards d’euros pour la seule fonction publique de l’État. Vous voyez, mes chers collègues, que les pistes ne manquent pas !
À cet égard, l’année dernière, comme les années précédentes, le Sénat avait formulé des propositions très précises. Malheureusement, celles-ci n’ont fait l’objet d’aucune prise en considération de la part du Gouvernement.