M. Jean Bizet. Très juste !
Mme Françoise Gatel. Excellents propos !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Si je ne partage pas certaines positions de la commission, il ne me semblerait pas satisfaisant, pour autant, de supprimer purement et simplement l’article.
Beaucoup d’entre vous ont déploré un calendrier d’examen accéléré, l’absence d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État, mais je rappelle qu’il s’agit d’une proposition de loi, c’est-à-dire d’un texte d’initiative parlementaire.
J’ai lancé voilà neuf mois, à la demande de nombreux sénateurs et députés, une réflexion sur les moyens d’assurer une plus grande sécurité juridique aux élus. Cette proposition de loi peut permettre des progrès, mais elle ne réglera pas toutes les questions qui se posent au sujet de l’application de la loi Littoral. Ce n’est d’ailleurs pas son objet.
Si l’application de la loi Littoral suscite aujourd’hui nombre de critiques, c’est surtout, selon moi, parce qu’elle est devenue plus effective qu’elle ne l’était auparavant, grâce en particulier à l’implication croissante des services de l’État et des élus. Ses effets prescriptifs sont sans doute plus importants que ce qui avait été imaginé au départ.
Lorsqu’ils élaborent leurs documents d’urbanisme, les élus demandent aux services de l’État de les accompagner dans cette démarche en leur apportant un soutien et des conseils. Or, certains documents d’urbanisme élaborés en suivant les prescriptions de l’État ont été annulés… Je ne suis pas d’une région littorale, mais, pour avoir beaucoup travaillé sur ces questions, je puis vous dire que cela tenait parfois au fait qu’ils ne respectaient pas du tout l’esprit de la loi Littoral en matière d’urbanisation.
La notion de dent creuse n’est pas juridique et peut être appréciée diversement. La principale difficulté est en réalité de définir ce qu’il y a entre le hameau et le village, de distinguer entre les zones qui ne doivent plus être urbanisées et celles qui devraient l’être, en raison par exemple de l’existence de réseaux, le cas des agglomérations et des villages étant quant à lui réglé par la loi.
Nous souhaitions, avant même que cette proposition de loi ne soit déposée, stabiliser la doctrine, la jurisprudence étant parfois contradictoire. C’est dans cette perspective que j’organise, depuis près d’un an, des ateliers juridiques en région et des échanges avec les magistrats de l’ordre administratif et les associations d’élus.
Dans ce contexte, si certaines propositions de la commission me paraissent aller trop loin, je ne crois pas pour autant souhaitable de supprimer purement et simplement l’article. C’est pourquoi je demande le retrait de l’amendement n° 20, au profit de celui que je présenterai dans un instant.
Mme la présidente. Monsieur Dantec, l’amendement n° 20 est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Les explications de Mme la ministre montrent bien que la question n’est pas simple. Nous avons besoin de temps et d’une étude d’impact. Je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Il peut parfois y avoir des avis divergents au sein d’un même groupe… (Sourires.) Initialement, je comptais voter cet amendement. En effet, il ne me semblait pas judicieux d’aborder ce sujet au détour de l’examen d’une proposition de loi relative aux conséquences du changement climatique et au trait de côte, sans l’appréhender dans sa globalité. Les mots n’ont pas le même sens selon les régions, et les situations sont très diverses.
Ma collègue Odette Herviaux m’a expliqué certaines choses, qui m’ont été exposées différemment par un autre collègue : mon information n’est décidément pas complète, et c’est la raison pour laquelle j’étais encline à voter cet amendement de suppression, afin de nous donner le temps de la réflexion. Même si nous vivons actuellement une période de forte incertitude politique, le monde ne va pas s’arrêter, le Parlement retravaillera après les élections. Réglons maintenant la question du recul du trait de côte, pensais-je, et remettons à plus tard l’examen de celle de l’urbanisation des dents creuses.
Cependant, à écouter certains de mes collègues, j’ai bien compris que l’exaspération commençait à monter en Bretagne. Dont acte. Je n’aime guère prendre une décision sans être parfaitement informée, mais je vais faire confiance à Mme la ministre, qui nous a indiqué avoir beaucoup travaillé sur le sujet et fait réaliser des études de cas approfondies et dont je ne me permettrais pas de remettre en cause les convictions en matière de défense de l’environnement.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 36, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° L’article L. 121-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 121-8. – L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages et, à titre exceptionnel, en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement.
« En dehors des espaces proches du rivage, le plan local d’urbanisme peut également identifier des secteurs comprenant un nombre et une densité de construction significatifs ne constituant pas un village ou une agglomération, dans lesquels les constructions et installations sont autorisées.
« Un décret en Conseil d’État précise les critères de définition des agglomérations, villages, secteurs comprenant un nombre et une densité de construction significatifs ne constituant pas un village ou une agglomération et hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. » ;
2° L’article L. 121-10 est ainsi rédigé :
« Art. L. 121-10. – Par dérogation à l’article L. 121-8, le plan local d’urbanisme peut délimiter des zones dans lesquelles la relocalisation des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations mentionnés au 1° bis de l’article L. 562-1 du code de l’environnement peut être autorisée, en dehors des espaces proches du rivage.
« Le plan local d’urbanisme est soumis à l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord fixe les modalités de démantèlement et de remise en état des terrains d’assiette libérés. Il est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages. » ;
3° L’article L. 121-11 est ainsi rédigé :
« Art. L. 121-11. – Par dérogation à l’article L. 121-8, les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles, forestières ou aux cultures marines peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages. Le changement de destination de ces constructions et installations est interdit.
« L’article L. 121-8 ne fait pas obstacle à la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, à condition que les effluents d’origine animale ne soient pas accrus. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. La commission a souhaité créer des dérogations, pour permettre notamment la relocalisation des installations agricoles. Nous partageons son analyse, mais souhaitons préciser, au travers de cet amendement, de nouvelles possibilités d’urbanisation dans les communes littorales introduites par l’article et, surtout, organiser leur mise en œuvre, de sorte qu’elles ne conduisent pas à un développement non maîtrisé de l’urbanisation de territoires à forts enjeux environnementaux et économiques.
Le 1° de l’amendement vise à assouplir les conditions dans lesquelles la densification par comblement de dents creuses est rendue possible dans des espaces qui ne peuvent être qualifiés de villages ou d’agglomérations.
Aujourd’hui, le cas des villages et agglomérations et celui des espaces qui en sont très éloignés sont réglés. Le gros des contentieux porte sur les espaces intermédiaires. Soit on persiste à ne pas sécuriser juridiquement la situation de ces espaces, en estimant qu’il suffit de s’en remettre aux documents d’urbanisme, quitte à ce que le juge prononce des annulations ; soit on décide de préciser les choses dans la loi, pour permettre une densification intelligente de zones délimitées par les PLU qui ne sont pas considérées comme des villages ou des agglomérations, faute de disposer des services et équipements correspondants et de répondre à la définition juridique, mais qui comportent un certain nombre de constructions et dont l’urbanisation permettrait notamment de limiter la consommation foncière, les zones qui ne sont plus urbanisables au titre de la loi Littoral étant sanctuarisées.
Le 2° de l’amendement répond directement à la problématique de la relocalisation des activités et des biens immobiliers à la suite du recul du trait de côte. Il reprend la rédaction introduite en commission, en précisant que l’autorité administrative de l’État devra donner son accord, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, au plan local d’urbanisme, et non projet par projet. Nous craignons en effet que la rédaction actuelle de l’article 9 A ne laisse planer un doute sur ce point.
Enfin, le 3° reprend la possibilité introduite par la commission pour les constructions et installations nécessaires aux activités agricoles, forestières et de cultures marines et l’insère à l’article L. 121-11 du code de l’urbanisme, qui traite spécifiquement de la problématique agricole. La possibilité d’édifier des annexes en dehors des agglomérations, des villages et des secteurs qu’il serait désormais possible de densifier est supprimée, car il nous semble qu’y recourir contribuerait de manière substantielle au mitage des territoires littoraux.
S’agissant de la procédure à suivre pour l’évolution correspondante des documents d’urbanisme, c’est le droit commun qui doit s’appliquer. Je rappelle que le recours à la procédure de révision à modalités allégées, d’une durée moyenne d’un an, sera possible dans un grand nombre de situations.
Ces propositions sont le fruit du travail fait en commission, ainsi que de celui que nous menons depuis neuf mois, après avoir été saisis par un grand nombre de parlementaires et d’élus locaux. Nous avons analysé les jurisprudences et les plans locaux d’urbanisme en cours d’élaboration. Nous avons également eu des échanges avec les magistrats des juridictions administratives sur leur propre compréhension des documents d’urbanisme actuels. Nous pensons que ces propositions assureront davantage de sécurité juridique aux territoires concernés et permettront des avancées très concrètes.
Si l’on veut ouvrir un débat global sur la loi Littoral, cela suppose d’engager une concertation beaucoup plus large, sur la base des travaux de l’ANEL et de l’Association des maires de France.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 44, présenté par M. Le Scouarnec, est ainsi libellé :
Amendement n° 36, alinéas 4 et 5
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 121-8. – L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages.
« En dehors des espaces proches du rivage, le plan local d’urbanisme peut également identifier des secteurs comprenant un nombre et une densité de construction significatifs ne constituant pas un village ou une agglomération, dans lesquels les constructions et installations sont autorisées si elles n’ont pas pour effet d’étendre ou de modifier les caractéristiques des espaces bâtis.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. S’il va dans le bon sens, l’amendement du Gouvernement ne nous satisfait pas pleinement. Il n’apporte pas suffisamment de précisions, notamment, sur la notion de hameau ni sur celle de hameau nouveau.
Nous sommes convaincus de la nécessité de préserver les terres agricoles et de lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols. Le présent sous-amendement a pour objet de supprimer la notion de hameau nouveau, qui suppose la création de nouveaux foyers d’urbanisation mal définis, afin de favoriser la densification des hameaux existants, en permettant le comblement des dents creuses dans le cadre des PLU ou des PLUI. Cela répond à une demande très largement exprimée par les élus locaux : ils souhaitent non pas qu’on les autorise à créer de nouvelles zones d’habitation, mais que les dents creuses des hameaux existants puissent devenir ou de redevenir constructibles. Parallèlement, il me paraît essentiel de poursuivre les efforts pour réduire la taille des parcelles, afin de préserver les paysages.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par M. F. Marc, Mmes Blondin et Herviaux, M. Botrel et Mme Claireaux, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 121-10 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 121-10. – Par dérogation à l’article L. 121-8, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières, aux activités économiques et aux services publics présentant un intérêt général peuvent être autorisées en dehors des espaces proches du rivage avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Je tiens tout d’abord à saluer le volontarisme de Mme la ministre sur ce sujet sensible pour nos communes littorales. J’espère que nos débats déboucheront in fine sur des avancées concrètes.
L’amendement n° 4 rectifié bis, qui reprend des propositions de l’AMF, concerne les entreprises et les artisans. C’est un sujet majeur, car nos communes côtières perdent beaucoup d’emplois, la loi Littoral empêchant certaines entreprises de s’y développer comme elles le souhaiteraient.
Je ne saurais manquer de citer l’exemple de la commune de Plouvien, dans le Finistère, qui, pour contourner la loi Littoral et permettre le développement d’une entreprise agroalimentaire de 400 salariés, a cédé gratuitement à la commune voisine, après deux années de procédure, les 200 mètres de bande littorale qu’elle possédait …
Que des communes soient contraintes de recourir à ce genre d’artifice pour permettre aux entreprises de maintenir leurs emplois sur place ou aux artisans de créer les locaux nécessaires à leur activité est difficilement acceptable. Nous souhaitons attirer l’attention sur cette situation. Je sais que Jean Bizet présentera des amendements relevant du même esprit. (M. Jean Bizet et Mme Maryvonne Blondin applaudissent.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Vaspart, rapporteur. L’amendement n° 36 du Gouvernement revient sur des dérogations au principe de continuité de la loi Littoral adoptées par notre commission avec l’appui de la commission des lois. Vous comprendrez donc, madame la ministre, que je ne puisse émettre un avis favorable.
Je tiens néanmoins à saluer publiquement votre esprit d’ouverture, car, jusqu’à présent, nous nous voyions plutôt opposer une fin de non-recevoir par les services de l’État dès lors que nous commencions à évoquer les difficultés posées par l’application de la loi Littoral…
S’agissant du comblement des dents creuses dans les hameaux, le Gouvernement propose de s’en tenir aux critères fixés par la jurisprudence du Conseil d’État, tout en la sécurisant au moyen de zonages dans les PLU. Il s’agit d’un petit pas en avant, mais qui ne permettrait en rien de résoudre les problèmes rencontrés actuellement par les élus locaux.
L’amendement n° 36 tend également à supprimer la dérogation pour la construction de petites annexes, que la commission a introduite par parallélisme avec la mesure adoptée pour les communes de montagne dans le cadre de l’examen du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, en décembre 2016.
Seul point positif, je me félicite de ce que cet amendement ne touche pas à la dérogation pour les activités agricoles et retienne les propositions que j’ai formulées s’agissant du recul des biens menacés par la montée des eaux, notamment pour les ZART. La précision relative aux modalités de démantèlement et de remise en état des terrains d’assiette libérés figure d’ailleurs dans l’amendement n° 31 de la commission.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 44, j’émets également un avis défavorable, même si je suis bien évidemment favorable à la suppression du dispositif relatif aux hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. En effet, ce dispositif ne peut fonctionner, compte tenu notamment de l’attitude adoptée par les architectes des bâtiments de France sur ce type de dossiers. J’observe que l’amendement n° 3 rectifié bis de M. François Marc prévoit également la suppression de cette notion.
Quant à l’amendement n° 4 rectifié bis, il est satisfait par la rédaction de l’article 9 A adoptée par la commission en ce qui concerne les activités agricoles, forestières et les cultures marines.
S’agissant des activités économiques et des services publics présentant un intérêt général, je partage la volonté exprimée d’assouplir le mécanisme de la loi Littoral, mais la rédaction proposée n’est pas satisfaisante sur le plan juridique. Sur le fond, elle permettrait également de construire des centres commerciaux en covisibilité avec la mer, ce qui est peut-être un peu excessif…
Je propose aux auteurs de cet amendement de le retirer au profit de l’amendement n° 16 de Jean Bizet, qui tend à instaurer une dérogation pour la création de zones d’activités économiques et dont la rédaction, plus satisfaisante, s’inscrit dans le cadre du dispositif dérogatoire de l’article 9 A.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Si nous avons manifestement un désaccord, monsieur le rapporteur, je ne pense cependant pas qu’il porte sur le fond ; nous cherchons tous des solutions qui soient satisfaisantes.
La rédaction proposée par la commission pour l’article 9 A permet la densification sans réserve de tous les hameaux. Or il me semble qu’il faut établir une distinction entre les hameaux les plus importants, qui ne sont pas considérés comme des villages parce qu’ils ne remplissent pas les critères retenus par la jurisprudence en termes d’offre de services, et les autres. Ce sujet n’est pas spécifique à la loi Littoral ou à la loi Montagne : il intéresse l’urbanisation d’une manière générale.
C’est pourquoi nous avons présenté une autre rédaction, de nature à régler les problèmes de sécurisation juridique tout en limitant les dérogations. Je ne suis pas en mesure de vous livrer aujourd’hui les éléments chiffrés que vous m’avez demandés parce qu’aucune étude d’impact n’a été réalisée, ce texte étant une proposition de loi.
Je remercie M. Le Scouarnec d’avoir voulu sous-amender l’amendement du Gouvernement, ce qui tendrait à prouver que sa rédaction n’est pas entièrement mauvaise… Je ne peux être favorable à la suppression de cet outil que constituent les hameaux nouveaux intégrés à l’environnement, les HNIE, même si son utilisation n’est pas pleinement satisfaisante aujourd’hui. La loi prévoit d’ailleurs que le recours à ce dispositif a vocation à rester exceptionnel, le PLU devant en préciser les conditions. J’émets donc un avis défavorable sur ce sous-amendement, même si je reconnais qu’il respecte largement l’esprit de l’amendement du Gouvernement.
Quant à l’amendement n° 4 rectifié bis, ses auteurs soulèvent des questions très importantes.
En ce qui concerne les activités économiques, l’outil des STECAL, les secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, doit être utilisé pour « pastiller » les objectifs de relocalisation. Du débat que nous avons eu avec les élus du littoral, il ressort que cet outil est le plus adapté. La relocalisation de certaines activités, notamment agricoles, est déjà prévue par la loi. Les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui sont, me semble-t-il, plus techniques que législatives : je pense notamment aux déchetteries, incinérateurs et installations de traitement des eaux usées, pour lesquels il n’existe pas actuellement de dérogation générale. Sur le terrain, on a pu observer des différences d’appréciation très difficiles à comprendre. Il faudra que nous parvenions à une rédaction satisfaisante en deuxième lecture. Pour les éoliennes, je crois que nous sommes parvenus à élaborer des solutions. La question des stations d’épuration, soulevée par plusieurs députés, devra trouver également des réponses, même si le sujet est extrêmement complexe.
Enfin, pour les autres activités, je rappelle que la logique de la loi et des politiques d’aménagement tend à une mutualisation et à une prise des décisions au niveau de l’intercommunalité.
En conclusion, les propositions des auteurs de l’amendement n° 4 rectifié bis me semblent intéressantes, mais celui-ci est déjà en partie satisfait. Sur les aspects plus techniques, nous devrons trouver une rédaction plus précise. J’émets donc un avis défavorable, mais pas trop… (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour explication de vote.
Mme Nelly Tocqueville. L’amendement du Gouvernement nous paraît très intéressant. Comme vient de le reconnaître M. le rapporteur, il témoigne d’un véritable esprit d’ouverture. Il faut certes trouver des solutions aux problèmes posés par les dents creuses, mais nous ne sommes pas favorables à l’introduction de dérogations trop larges, qui reviendraient à remettre en cause les fondements mêmes de la loi Littoral. Les principes de continuité du bâti et de préservation de nos espaces littoraux doivent demeurer. Nous ne souhaitons pas ouvrir une boîte de Pandore qu’il serait peut-être bien difficile de refermer ensuite.
L’amendement du Gouvernement constitue un compromis. Concernant la dérogation en matière de constructions ou installations liées aux activités agricoles, sa rédaction est plus encadrante. Quant à la dérogation pour la construction d’annexes de taille limitée à proximité des bâtiments existants, il ne nous semble pas justifié de l’intégrer dans ce texte. Il nous paraîtrait intéressant d’aborder ce sujet au travers d’une proposition de loi spécifique, en mesurant les éventuels impacts de telles dispositions, ainsi que les effets d’aubaine pouvant en résulter.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Ce débat me conforte dans l’idée que j’ai eu raison de proposer la suppression de l’article…
Je voterai contre ces amendements, même si celui du Gouvernement traduit un effort pour parvenir à un compromis. Construire en certains endroits éloignés du bord de mer ou jouxtant une zone urbanisée peut se justifier, mais, en tout état de cause, on ne saurait traiter tous les espaces de la même manière. S’agissant des territoires très mités, le concept de dent creuse n’est pas très clair : autoriser le comblement partout pourrait mener à l’apparition d’un cordon d’urbanisation dans l’arrière-pays. La proposition du Gouvernement devrait au moins permettre d’éviter une telle dérive, sous réserve du contenu du décret en Conseil d’État auquel renvoie l’amendement. Ajoutons que les juristes apprécieront l’emploi de l’adjectif « significatif »…
Bref, la réflexion n’est pas mûre. Fondamentalement, la loi Littoral pose le principe selon lequel le paysage est un bien commun. Cela signifie que sa préservation doit prévaloir sur les éventuels projets de construction et s’impose aux élus. Ce bien commun ne peut pas être géré à l’échelon communal ; il faut des règles extrêmement strictes, qui n’existent pas encore.
En outre, l’habitat doit aussi faire l’objet d’une approche intercommunale, qui manque beaucoup à notre réflexion. L’amendement du Gouvernement est tout de même meilleur que le texte de la commission, mais la réflexion ne me semble pas suffisamment aboutie.
Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que cette proposition de loi est examinée dans le cadre d’un espace réservé au groupe socialiste et républicain qui s’achève en principe à minuit. Compte tenu du fait que la discussion a commencé avec quelque retard, je peux accepter que nous dépassions légèrement cet horaire, mais je lèverai en tout état de cause la séance au plus tard à zéro heure vingt. Je vous prie donc de prendre cet élément en compte si vous souhaitez vraiment que nous achevions ce soir l’examen en première lecture de ce texte.
La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.
M. Yannick Botrel. Je souhaite réagir aux propos de Mme la ministre. Comme tous mes collègues, je ne conteste pas le bien-fondé de la loi Littoral, mais, en présentant leurs vœux pour la nouvelle année, de nombreux maires de communes littorales des Côtes-d’Armor m’ont fait part de leur préoccupation. La question du comblement des dents creuses suscite l’incompréhension de nos concitoyens et, souvent, des polémiques et des contestations.
Vous avez évoqué les PLU et le pastillage, madame la ministre. Dans une commune que M. le rapporteur connaît bien, Trébeurden, un pastillage a été mis en place dans le cadre de l’élaboration du PLU en accord avec les services de l’État : cela n’a pas empêché des associations de le contester, et le PLU a finalement été annulé…
Concernant les STECAL, l’administration oppose que l’utilisation de ce dispositif doit rester exceptionnelle. Dès lors, on ne peut guère envisager de recourir à cette possibilité.
Enfin, vous avez évoqué la nécessité de mieux définir la doctrine. En 2010, lorsque j’ai accompagné un maire du Trégor au ministère de l’environnement, il était déjà question d’établir une doctrine commune entre les départements de la région Bretagne, qui ne pratiquaient pas tous la même politique. Ce problème ancien empoisonne la vie des communes et des élus. Les PLU sont attaqués, comme à Pleslin, par toutes sortes de gens dont les recours sont parfois assez peu fondés, si ce n’est par la volonté de ne pas avoir de voisins…
M. Jean Bizet. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Ma voix sera quelque peu dissonante par rapport à celle de mon collègue Ronan Dantec. Je tiens cependant moi aussi à saluer les efforts accomplis par Mme la ministre pour essayer de donner une réponse maintenant l’encadrement le plus précis possible. Le recours à un décret en Conseil d’État devrait apporter une sécurité juridique réelle. La rédaction n’est peut-être pas encore aboutie, mais je voterai l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.