M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Roger Madec. Vous assumez là une grande responsabilité.
Dois-je aussi vous rappeler que ce projet de loi, du moins son esprit, a fait l’objet d’un large consensus au sein du Conseil de Paris, qui est le premier concerné ?
Dois-je vous rappeler aussi que pour la première fois nous abordons un texte qui répond au vœu des élus parisiens d’entamer une nouvelle étape dans l’organisation décentralisée de la ville de Paris ? Le rôle du Sénat est, à mes yeux, d’accompagner ce mouvement de l’histoire.
Puisque la majorité sénatoriale envisage de ne pas examiner les amendements, je souhaite revenir brièvement sur l’économie générale de ce projet de loi, qui comporte deux axes : quarante articles qui réforment le statut de Paris et l’aménagement métropolitain et un quarante et unième article qui assouplit les critères d’accès au statut de métropole afin de transformer quatre établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
La réforme du statut de Paris poursuit trois objectifs. Tout d’abord, la fusion des deux collectivités territoriales en une collectivité unique à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution, collectivité appelée « Ville de Paris ». Cette fusion a fait l’objet d’un consensus des deux assemblées.
Ensuite, le deuxième objectif est de renforcer la démocratie locale en transférant aux maires d’arrondissement de nouvelles compétences de proximité. Aujourd’hui, les enjeux locaux doivent être pris en compte et le rôle des conseils d’arrondissement doit être accru dans le processus de décision afin d’associer davantage les citoyens à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques, tout en respectant l’unité de Paris. Les amendements que vous avez fait adopter mettaient fin au statut de la ville-capitale.
Enfin, le texte prévoyait le regroupement des quatre premiers arrondissements de Paris en un secteur unique, avec une mairie unique, pour assurer une meilleure représentativité des conseillers de Paris tout en mutualisant les services publics de proximité. Ce regroupement d’arrondissements dans un seul secteur, comme c’est déjà le cas à Marseille, par exemple, est apparu nécessaire au regard des déséquilibres démographiques et des écarts importants entre les arrondissements. Ces écarts avaient d'ailleurs amené le Conseil constitutionnel, avant les élections municipales de 2014, à censurer le tableau fixant la répartition du nombre de conseillers de Paris par arrondissement. Ils avaient contraint notre assemblée à délibérer dans l’urgence quelques mois avant le renouvellement municipal.
Vous vous étiez opposés à la création de ce secteur à Paris, situation qui, je le rappelle, existe déjà à Marseille, qualifiant d’« opération électorale » ce regroupement. Cela n’a pas de sens : en effet, comme M. le ministre vous l’avait expliqué en se référant aux résultats des élections municipales de 2014, il n’y avait aucune différence de répartition des sièges.
Ce texte tend aussi à approfondir les transferts de pouvoirs de police entre le préfet de police et la maire de Paris au profit de cette dernière. La poursuite de ces transferts paraît aujourd’hui nécessaire, d’une part, dans un souci de simplification administrative et d’une meilleure prise en compte des attentes des Parisiennes et des Parisiens par les élus municipaux, d’autre part, afin de permettre aux services de la préfecture de police de se recentrer sur leurs missions de sécurité et de lutte contre le terrorisme.
La maire de Paris assumerait des pouvoirs de police spéciale de proximité, tels que la police des baignades, la réglementation des manifestations sur la voie publique à caractère festif, sportif ou culturel, ou la police de la salubrité des habitations et hébergements.
Cette réforme s’inscrit dans un grand mouvement de reconquête par Paris de la plénitude de ses compétences. En effet, le maintien du traitement dérogatoire de Paris n’a plus lieu d’être et nuit à l’efficacité de politiques de proximité.
Comme tous les autres maires de France, le – ou la – maire de Paris doit disposer des pouvoirs nécessaires pour faire face aux questions essentielles de la vie quotidienne des Parisiennes et des Parisiens. Paris doit redevenir une commune de plein exercice sans lui faire perdre pour autant son statut de ville-capitale, siège des institutions de la République, qui justifie notamment un statut particulier en matière de sécurité.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, avec ce projet de loi, il s’agissait de tenir compte des profondes mutations qui ont traversé Paris ces dernières années et de répondre à l’aspiration des Parisiennes et des Parisiens à une meilleure répartition et une gestion plus efficace des moyens dans le territoire parisien. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous revenons en nouvelle lecture sur ce projet de loi relatif au statut de paris et à l’aménagement métropolitain.
Il était grand temps de voter un tel texte et de rendre à notre capitale les prérogatives démocratiques qui lui reviennent de droit.
À Paris, comme ailleurs, c’est un combat historique des forces de progrès que de faire des communes le pivot de la démocratie. C’est un combat permanent d’en faire l’outil le mieux à même de répondre aux aspirations des citoyens sur leur territoire.
C’est pourquoi un tel projet de loi était tant attendu. C’est aussi pourquoi nous avions travaillé de longue date à l’idée originelle d’un renforcement du pouvoir local à Paris, faire de la capitale une collectivité unique.
Force est pourtant de constater que cette idée a été détournée par un projet de loi désormais « fourre-tout », dans lequel l’insertion de cavaliers législatifs pose un véritable problème démocratique mais aussi constitutionnel.
Nous déplorons d’abord qu’au travers d’une série d’amendements et en poursuivant des fins partisanes, la droite parisienne ait tenté au Sénat de casser ce qui caractérisait les éléments fondamentaux de l’unicité de Paris. Je parle notamment des politiques scolaires, du logement, de l’urbanisme concerté, éléments socles d’une solidarité moteur de progrès sociaux qui ont toujours constitué l’âme de la ville-capitale depuis 2001. Nous regrettons aussi la méthode utilisée par le Gouvernement, lequel s’est refusé à organiser une consultation locale pour un projet qui, on le sait, modifiera pourtant en profondeur la vie quotidienne des Parisiens.
Surtout, en ce qui concerne le titre II, nous dénonçons la création de sept nouvelles métropoles.
Ces créations s’inscrivent dans la continuité d’un processus de démantèlement des institutions républicaines qui renforce les inégalités territoriales et qui affaiblit la démocratie locale. Loin d’être un élément de simplification administrative, ces métropoles vont venir complexifier encore un peu plus notre architecture institutionnelle en créant un développement à deux vitesses des territoires.
La manière dont ces métropoles ont été glissées dans ce projet de loi est consternante : elle a eu lieu sans aucune discussion préalable avec les élus locaux, sans aucune consultation locale des électeurs. Les citoyens sont mis devant le fait accompli et constatent, sans comprendre, ni comment ni pourquoi d’abord quatre puis sept nouvelles métropoles surgissent brutalement.
Et pour couronner le tout, le Gouvernement a inséré à l’Assemblée nationale deux articles engageant un processus de fusion entre le département des Bouches-du-Rhône et la métropole d’Aix-Marseille-Provence.
Partageant à titre exceptionnel la nécessité de la fusion du département et de la ville de Paris, qui recouvrent le même espace, nous craignions, en revanche, que celle-ci ne s’exporte via des amendements cavaliers, susceptibles de mettre, ailleurs, en danger la commune ou le département. Malheureusement, nos craintes étaient fondées.
Comment les citoyens des Bouches-du-Rhône pourraient-ils comprendre que, sans les avoir consultés, vous liquidiez leur département, pourtant pilier de nos institutions républicaines, dans un texte dont le sujet était le statut de Paris ? Ce texte, au départ honorable, se transforme en une mauvaise bouillabaisse !
Cela dit, et pour en venir au fond du sujet, c’est dans l’idée de renforcer les éléments positifs de ce projet de loi que les sénateurs, comme les députés communistes et Front de gauche, avaient abordé les premières discussions. À l’écoute des habitants de l’agglomération parisienne, nous avions l’ambition de l’améliorer autour de trois objectifs de progrès sociaux.
D’abord, veiller à ce que les transferts de compétences prévus à Paris respectent bien les droits des agents concernés, à la mairie comme à la préfecture. Et nous avons pu obtenir des avancées à ce sujet.
Ensuite, rendre au peuple de Paris les pouvoirs qui lui reviennent de droit. Là aussi, en ce qui concerne notamment les compétences et les pouvoirs de police du maire, nous avons obtenu satisfaction.
Enfin, notre ambition était de travailler à une agglomération parisienne plus coopérative, plus solidaire, au service de l’emploi et de la réduction des inégalités.
Et je me félicite du fait que, là aussi, nous ayons pu trouver un terrain d’entente en ce qui concerne la mutualisation des différents outils d’aménagements métropolitains. Nous avons en effet fait le choix de construire un modèle fédératif, alliant tous les acteurs concernés. C’est tout à fait essentiel pour la relance économique et le développement de nos territoires.
Et je ne peux que me réjouir que nos collègues députés à l’Assemblée nationale aient fait le choix de maintenir le consensus que nous avons construit ici sur ce point.
C’est avec ce même esprit constructif, loin des vieilles querelles de chapelles, que nous voulions aborder la nouvelle lecture de ce projet de loi.
Nous avons ainsi déposé un certain nombre d’amendements qui, dans l’intérêt des Franciliens, auraient pu faire consensus. Je parle, d’abord, de l’amélioration de la conduite des opérations d’aménagements du Grand Paris, afin que celles-ci profitent toujours mieux à l’emploi et aux PME. Je parle aussi du développement et de la démocratisation de la gestion du quartier d’affaires de La Défense, ou même du renforcement de la libre administration des communes.
Malheureusement, la droite sénatoriale a fait le choix de déposer une motion s’opposant par une question préalable à ce texte. Celle-ci sera très certainement adoptée, et nous n’aurons donc pas la possibilité de travailler en commun sur des sujets qui sont primordiaux pour le quotidien des habitants de notre région. Je regrette profondément ce choix guidé, on le sait, par des considérations purement politiciennes.
Le Sénat est l’assemblée des collectivités territoriales. Notre responsabilité, c’est de faire entendre la voix de nos territoires. En empêchant le débat, vous coupez les élus locaux de leurs représentants. Contrairement aux vœux du président du Sénat, vous abaissez par là même la fonction de la Haute Assemblée en laissant à l’Assemblée nationale le choix de décider seule à notre place et cela, sans débat.
À l’issue d’une séance consacrée au dernier grand texte institutionnel de ce quinquennat, on peut le dire, la démocratie et la République n’en sortent pas grandies !
Pour notre part, nous ne nous résoudrons pas à cette mascarade et nous rejetterons unanimement cette question préalable.
Au moment où nos concitoyens vont être appelés à se prononcer sur l’avenir de notre pays, notre groupe réaffirme la nécessité d’engager une véritable décentralisation fondée sur le respect des communes, des départements et des régions, une nouvelle République qui redonne réellement le pouvoir aux citoyens et aux territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans une étude consacrée à l’agglomération lyonnaise, Jacques Caillosse, professeur émérite de droit public, avait écrit que « les métropoles projettent sur l’espace européen, en voie de redistribution, un désir exacerbé de compétition, afin d’occuper des positions plus fortes dans l’économie, mais aussi dans l’imaginaire social ». Les luttes de pouvoirs pour accéder au statut de métropole et les débats parlementaires afférents expriment nettement cette quête de prestige et de financements, qui laisse malheureusement en retrait les difficultés d’exclusion que cette compétition exacerbée peut produire sur les zones interstitielles de notre République.
Nous regrettions déjà, en première lecture, d’avoir à examiner en procédure accélérée un texte aux dispositions aussi diverses, allant du régime des cercles de jeux aux nouvelles conditions d’accès au statut de métropole, en passant par le statut de Paris !
Par ailleurs, le calendrier induit par la procédure accélérée complique la conciliation des divergences d’opinions entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Cette nouvelle réforme de l’aménagement métropolitain aurait pourtant nécessité l’entière expertise et le travail de concert de nos deux assemblées !
Malgré le refus du Sénat d’assouplir les conditions d’accès au statut de métropole, un amendement adopté à l’Assemblée nationale mi-décembre en a rajouté trois. Les députés ont ainsi rétabli et amplifié la disposition, supprimée par le Sénat, élargissant les critères de création des métropoles à non pas quatre nouvelles métropoles, comme prévu initialement, mais sept !
En réalité, le Sénat, chambre qui a reçu de l’article 24 de la Constitution, la mission spécifique d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République, n’a pas pu apporter sa pierre à cette réforme de l’aménagement métropolitain, nous le regrettons vivement !
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Jean-Claude Requier. Initialement, le Gouvernement était pourtant assez réticent à l’idée de démultiplier le nombre de métropoles.
« Nous avons déjà plus de communes que l’Europe réunie, on va finir par avoir plus de métropoles que le monde entier. Ça finit par ne plus avoir aucun sens », aviez-vous confié, monsieur le ministre, dans une interview au Monde, le 12 août dernier.
M. Pierre Charon. Bravo !
M. Jean-Claude Requier. Puis, lors de la discussion de l’article 41 à l’Assemblée nationale le 15 décembre 2016, vous avez défendu que « voir des parlementaires, de droite et de gauche, la main dans la main, venir plaider avec talent, avec conviction, avec flamme, le dossier de leur territoire vous avait fait changer d’avis et prendre conscience qu’il fallait, pour aménager harmonieusement le territoire, avoir un maillage convenable des métropoles. »
Monsieur le ministre, ce maillage territorial à plusieurs vitesses, qui nécessairement handicape les territoires ruraux, ne nous paraît pas souhaitable.
Il est urgent de penser l’aménagement de tous les territoires, notamment des zones rurales enclavées. Et nous avons salué les contrats de ruralité que vous avez initiés, monsieur le ministre. En somme, il faut avoir une vision d’ensemble et équilibrée de notre territoire.
La métropole étant destinée à devenir l’un des pôles de la décentralisation, il importait plutôt de « repenser » le statut juridique des grandes zones urbaines en reconsidérant leur articulation avec les autres collectivités rurales et enclavées et en resituant ces réflexions à l’échelon européen, marqué par une forte concurrence entre les grandes agglomérations. Je souscris à l’idée que la France doit se doter des structures adaptées, car elle a du retard dans ce domaine, mais c’est sans oublier les zones interstitielles de notre territoire !
Par ailleurs, ces métropoles risqueront d’entrer en compétition directe avec les départements dont vous avez toujours été, monsieur le ministre, un ardent défenseur, tout comme le Sénat, qui a lutté pour leur préservation, en supprimant les transferts obligatoires de certaines compétences départementales aux métropoles contenus dans le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, ou MAPTAM. Aujourd’hui, dessaisis peu à peu des missions justifiant leur existence et étranglés financièrement, leur avenir est plus que jamais compromis.
L’article 48 du projet de loi prévoit un rapport sur une éventuelle fusion du conseil départemental des Bouches-du-Rhône et de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Cet article envoie un signal préjudiciable aux élus locaux : alors que les compétences de chacun viennent d’être remaniées par application de la loi NOTRe, le projet d’effacer le département au profit de la métropole crée à nouveau le désordre !
Enfin, la réussite de ces nouvelles métropoles aurait impliqué un financement adapté pour les territoires ruraux, qui ne peuvent bénéficier, en l’état actuel du droit, des effets positifs du rayonnement des métropoles existantes. Les dotations des communautés d’agglomération mais aussi, à un degré moindre, celles des communautés de communes ont été réduites à la suite de l’appel d’air produit par l’opportunisme financier suscité par le passage à la strate intercommunale supérieure. Il est important que les financements ne soient pas captés par les seules métropoles et communautés urbaines, sous peine d’asphyxie de nos territoires.
La question de l’élargissement des critères d’accès au statut de métropole cristallise majoritairement, dans notre groupe, une opposition à ce texte qui contient par ailleurs des avancées, notamment sur le statut de Paris. C’est pourquoi, si à une très large majorité nous n’approuverons pas le texte qui nous est proposé ce soir, nous nous abstiendrons, à quelques exceptions près, sur la motion tendant à opposer la question préalable qui nous sera présentée à l’issue de cette discussion générale. (Mme Françoise Laborde applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en décembre dernier, nos deux assemblées parlementaires n’ont pu s’entendre sur un texte de compromis, et la commission mixte paritaire a échoué.
Le Sénat avait pourtant permis d’amorcer une vraie réforme du statut de Paris, notamment par un renforcement de la décentralisation et des pouvoirs des maires d’arrondissement. Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le ministre, que les vingt mairies d’arrondissement disposent, pour elles toutes, d’un budget de 140 millions d’euros, alors que la Ville de Paris dispose de 8,5 milliards d’euros. Il est humiliant pour la démocratie locale à Paris de ne pas avoir changé tout cela ! Néanmoins, l’Assemblée nationale a conservé un texte proche de la version initiale, dont on perçoit mal le fondement et les objectifs, et qui est surtout dépourvu de toute vision.
Ce projet de loi, monsieur le ministre, est le dernier chapitre dans la succession de textes sans cohérence sur les collectivités territoriales que nous propose votre gouvernement depuis cinq ans.
Nous examinons, trois ans après la loi sur les métropoles, dite « loi MAPTAM », ce projet de loi relatif au statut de Paris. Il concerne essentiellement les 2,2 millions de Parisiens, alors même que la métropole du Grand Paris compte 6,5 millions d’habitants, et la région capitale, 12,3 millions. Comment imaginer que, après avoir réformé la métropole du Grand Paris, l’on modifie, deux ans plus tard, dans un autre texte, le statut et l’organisation de la principale ville de cette métropole, la capitale de la France ?
M. Philippe Dallier. Bien dit !
M. Yves Pozzo di Borgo. Cela est d’autant plus incompréhensible que la situation est grave. Lisez le rapport consacré au Grand Paris : déclin démographique, déclin économique et déclin financier ! En effet, Paris figure désormais au trente-septième rang mondial, derrière Johannesburg, et les investissements étrangers sont à l’arrêt alors qu’ils progressent de 14 % en Europe. Paris figure-t-elle encore parmi les villes-monde ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui !
M. Yves Pozzo di Borgo. Alors, pourquoi ce choix, dans un contexte de mondialisation effrénée, de compétition et de déclenchement du Brexit, et alors que le développement économique passe avant tout par les grands centres urbains ?
Mes chers collègues, c’est de l’Île-de-France tout entière que nous devons parler si nous voulons faire de Paris une grande ville du monde. Je n’ai cessé de le rappeler lors de l’examen en première lecture de ce texte.
Savez-vous, monsieur le ministre, que l’agglomération parisienne, l’agglomération Île-de-France, en dépit de ses 12,3 millions d’habitants, n’est que la vingt-huitième agglomération du monde ? Tokyo a 42,5 millions d’habitants. Or votre gouvernement se contente d’un petit texte pour 2,2 millions d’habitants, soit un grand village de Chine ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pour parler franchement, monsieur le ministre, ce projet de loi n’était pas vraiment à faire. On est très loin du Grand Paris que nous appelons de nos vœux et dont la France a besoin pour sa compétitivité économique. Nous sommes, encore par votre faute, face à une occasion manquée.
Ce projet de loi n’entérine que de timides évolutions : fusion de la commune et du département, ainsi que des quatre premiers arrondissements, et renforcement limité du pouvoir de police du maire de Paris – surtout, pas d’excès ! – et des pouvoirs des maires d’arrondissement, qui n’en ont pas à l’heure actuelle.
Sur chacun de ces points, le Sénat avait fait des propositions pour essayer de faire évoluer ce texte qui n’aurait jamais dû voir le jour.
Sur le pouvoir de police, nous avons repris des éléments de la proposition de loi Charon-Dominati-Pozzo di Borgo, adoptée par le Sénat dès 2015, visant à mettre fin au statut dérogatoire de Paris et à confier la compétence de police générale au maire de Paris, comme dans toutes les autres communes de France.
Sur les compétences des conseils et des maires d’arrondissement, nous avons proposé plusieurs renforcements substantiels en matière de sécurité ou d’urbanisme.
Comment, monsieur le ministre, alors que vous êtes président d’un parti qui défend les communes, pouvez-vous accepter de défendre devant le Parlement un tel texte, qui est humiliant pour les mairies d’arrondissement et les habitants de Paris ?
Toutes ces propositions ont été supprimées sans autre forme de procès par l’Assemblée nationale.
Pour être honnête, je pense même que nous aurions pu être encore plus ambitieux dans nos propositions, notamment concernant les mairies d’arrondissement. Dans le cadre d’une architecture moderne et ambitieuse du Grand Paris, il apparaîtrait logique de les rapprocher d’une mairie de plein exercice. Nous aurions ainsi une forme de continuité entre les mairies d’arrondissement, les communes de la petite couronne et celles de l’Île-de-France entière, alors qu’aujourd’hui le périphérique constitue une véritable frontière institutionnelle.
Je terminerai en évoquant l’article 41 du projet de loi, qui assouplit les critères de création des métropoles.
Sept métropoles pourraient alors s’ajouter aux quinze existantes. Or, à l’aune des grandes agglomérations mondiales, nous créerions de bien petites métropoles, toutes riquiqui ou, comme on dit chez vous, dans le Midi, monsieur le ministre, des métropoles « pitchounettes » !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est insultant !
M. Yves Pozzo di Borgo. Certains se réjouissent de la possible création de ces métropoles. D’autres, dont je partage l’avis, sont plus réservés quant à l’opportunité de multiplier ainsi les métropoles dans notre pays : si elles passent de quinze à vingt-trois, resteront-elles des métropoles demain ? Alors, il y aura besoin d’une grande métropole française, qui devra être Paris.
En conclusion, ce texte manque manifestement d’ambition ; il est dénué de toute vision globale de la métropole francilienne. Les statistiques relatives à la compétition mondiale sont constantes – elles sont à votre disposition, si vous ne les avez pas lues – : selon elles, Paris est trop petit face à la compétition mondiale ; même la métropole du Grand Paris est trop petite ; de fait, pour prendre part à cette compétition, il faut que le Grand Paris soit l’Île-de-France. Je sais bien que cela ne vous intéresse pas trop,…
M. Roger Karoutchi. Si !
M. Yves Pozzo di Borgo. … mais c’est toute l’économie du pays qui est concernée.
M. Roger Karoutchi. Vous avez raison !
M. Yves Pozzo di Borgo. Le dialogue étant impossible, il faut être pragmatique et tirer les conséquences de l’attitude de l’Assemblée nationale. C’est pourquoi la motion tendant à opposer la question préalable qui nous est proposée par la commission des lois me semble la bonne option (Ah ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) : le groupe de l’UDI-UC la votera ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire et la nouvelle lecture de ce texte à l’Assemblée nationale, nous voici à nouveau réunis autour du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain.
Malheureusement, ce nouvel examen par la Haute Assemblée n’ira pas plus loin que la discussion générale. Nous n’aurons donc pas l’occasion de débattre d’un texte largement enrichi par nos collègues députés.
Le rapporteur, M. Darnaud, nous présentera en effet une motion tendant à opposer la question préalable qui sera, selon toute vraisemblance, adoptée.
Les arguments invoqués à l’appui de cette motion sont de plusieurs ordres : contestation du recours à la procédure accélérée sur un texte d’une telle importance, désaccord profond avec le texte du Gouvernement et rejet des modifications opérées à l’Assemblée nationale qui « n’a tenu aucun compte de la position du Sénat ni en première ni en nouvelle lecture ».
Nous ne sommes pas en désaccord avec tous ces motifs ; le groupe écologiste a d’ailleurs souvent déploré le recours quasi systématique à la procédure accélérée, qui ne permet pas un débat approfondi et serein.
Toutefois, une telle motion revient tout simplement à refuser le débat. Elle dégage le Sénat de sa responsabilité de légiférer dans un contexte où nos concitoyens réclament légitimement des garanties sur le travail parlementaire.
Alors que ce projet de loi contient de réelles avancées, cela est tout à fait regrettable et envoie un signal désastreux alors que nous solliciterons bientôt de nos électeurs qu’ils nous renouvellent leur confiance.
Comme je l’ai dit lors de la première lecture, les écologistes sont convaincus de la nécessité d’un projet de loi ambitieux qui fasse progresser la démocratie locale, l’égalité entre les Parisiennes et les Parisiens, et l’efficacité des services publics.
À ce titre, la fusion de la commune et du département de Paris en une seule collectivité est une mesure de bon sens qui améliorera la lisibilité et engendrera des économies de fonctionnement.
Nous soutenons également la fusion des quatre premiers arrondissements de Paris, qui permettra sans doute un rééquilibrage et des améliorations concrètes pour l’accès au service public et la démocratie participative.
Les écologistes sont aussi favorables à la modification de la répartition des compétences entre la collectivité et l’État dans le sens d’une plus grande décentralisation.
Rapprocher Paris du droit commun, telle est l’ambition du présent projet de loi. Cette démarche s’inscrit dans le prolongement des lois du 29 décembre 1986 et du 27 février 2002, qui ont déjà transféré au maire de Paris certaines compétences en matière de police municipale.
Ainsi la présente réforme permettra-t-elle à la maire de Paris d’exercer des compétences de proximité, comme la circulation, le stationnement payant et gênant, incluant la gestion des fourrières, la police des baignades, la réglementation des manifestations de voie publique à caractère festif, sportif ou culturel, la salubrité des bâtiments à usage principal d’habitation ou à usage partiel ou total d’hébergement, ou encore la délivrance des cartes nationales d’identité et des passeports.
Cette réforme aura pour conséquence notable de recentrer l’activité de la préfecture de police sur son cœur de métier : la protection des personnes. Dans le contexte de menace terroriste que nous connaissons depuis plusieurs années, il ne fait nul doute que cette nouvelle organisation permettra plus de cohérence dans l’action menée par les services de l’État dans le domaine de la sécurité.
Mes chers collègues, comme vous l’aurez compris, malgré les nombreux bavardages (L’oratrice regarde les travées du groupe Les Républicains.), le groupe écologiste s’opposera à la motion présentée par M. le rapporteur. Nous regrettons que la majorité sénatoriale refuse, une fois de plus et comme elle l’a fait récemment lors de l’examen de la loi de finances pour 2017, de remplir sa mission parlementaire. (MM. Jean-Pierre Sueur et Roger Madec applaudissent.)