M. Loïc Hervé. Je tiens à dire mon attachement à l’article 5, se fondant sur les expériences de terrain vécues par les maires à propos des sauts de puce.
Sont constatés de nombreux stationnements illicites, qui donnent lieu à une mise en demeure administrative de quitter les lieux. Effectivement, comme on le dit, les gendarmes ou les policiers poussent les gens du voyage en infraction à quitter le terrain en question, mais ceux-ci vont dans la même commune sur un autre terrain, sur un autre tènement cadastral où ils s’installent de nouveau ou bien ils changent de commune, mais restent dans le même EPCI.
Il s’agit d’une question extrêmement concrète à laquelle j’ai été confrontée cette année, avec quatre stationnements consécutifs sur le territoire communal. Ce principe des sauts de puce est une stratégie utilisée par les groupes qui pratiquent l’installation illicite sur des fonciers publics ou privés. Cette question est donc, à mes yeux, extrêmement importante.
Concernant le volet de la durée de validité de la mise en demeure administrative du préfet de quitter les lieux, il faut être cohérent entre la volonté du législateur et les moyens mis en œuvre.
En effet, nous sommes dans une période de lutte contre le terrorisme : l’été, la plupart des forces mobiles de police ou de gendarmerie sont occupées à d’autres fonctions que la fonction de lutte contre les stationnements illicites des gens du voyage et, parfois, il faut attendre la disponibilité des forces de l’ordre afin de pouvoir faire appliquer concrètement la décision du préfet. Passer de sept à quinze jours permettrait de rendre plus effectives les décisions des préfets. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé ces dispositions dans cette proposition de loi.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 23, présenté par MM. Fichet, Leconte et Sueur, Mmes Harribey et G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Rossignol, M. J. Bigot, Mme Cartron, M. Courteau, Mme Lubin, M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. L’article 5 vise à « garantir l’évacuation rapide » des résidences mobiles des gens du voyage en cas de stationnement illicite. Il modifie la procédure administrative d’évacuation d’office et prévoit d’assouplir les procédures du référé administratif, du référé civil et de la requête civile.
La loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a déjà renforcé la procédure administrative de mise en demeure et d’évacuation forcée.
Elle a également pris en considération le cas d’occupation de terrains affectés à une activité économique parmi lesquels figurent les terrains agricoles, lorsque cette occupation est de nature à entraver ladite activité.
Ainsi, le droit en vigueur offre déjà toute une palette d’interventions.
Indépendamment de la procédure spéciale d’évacuation d’office et de la procédure civile spéciale applicable au stationnement illicite de résidences mobiles sur un terrain affecté à une activité économique, le maire de toute commune conserve la possibilité de faire évacuer d’office un campement sur le fondement de son pouvoir de police générale, en cas de risque grave pour l’ordre public et si l’urgence le justifie.
En outre, ces possibilités d’évacuation d’office coexistent avec les procédures juridictionnelles administratives et civiles d’expulsion de droit commun ainsi qu’avec la procédure pénale.
Certes, le législateur peut toujours s’employer à rechercher les voies et moyens pour rendre les procédures plus opérantes et plus rapides. Mais est-ce bien fondé quand cette démarche hypothétique revient à défaire une réforme qui a moins d’un an d’existence et qui n’a pu déployer la totalité de ses effets en raison de l’absence de publication des décrets d’application ?
Surtout, est-ce réaliste lorsque l’ensemble des observateurs et notre rapporteur conviennent que les difficultés pour faire évacuer les campements illicites tiennent moins à la nature des procédures existantes qu’à l’insuffisance des moyens nécessaires à leur mise en œuvre ?
Vous reconnaissez vous-même que « les préfets ne mobilisent qu’avec parcimonie la force publique pour faire évacuer d’office des campements ou faire exécuter une décision de justice, à l’heure où policiers et gendarmes sont fortement sollicités sur d’autres terrains ».
Ainsi, la limitation à quarante-huit heures du délai de recours contre la mise en demeure d’évacuer les lieux délivrée par le préfet ne changera rien, comme il serait illusoire de croire qu’il suffit de porter de sept à quinze jours la durée d’applicabilité de la mise en demeure en cas de nouveau stationnement illicite sur le territoire de la même commune ou du même EPCI pour réaliser l’évacuation des campements illicites.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Luc Fichet. Il existe même une forme de démagogie à fixer à vingt-quatre heures le délai d’exécution par le préfet en cas de récidive au cours de l’année écoulée, car cette mesure n’est assortie d’aucune sanction en cas de défaut d’intervention de la force publique. Vous pouvez donc toujours en exprimer le souhait et même l’écrire, assouplir les procédures du référé administratif, du référé civil et de la requête civile, cela n’en fera pas une disposition législative effective pour autant.
Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Guidez, MM. Delahaye, Moga et Longeot, Mme Gruny, MM. Janssens, Morisset, Louault et Kern et Mme Lopez, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et les mots : « de la commune ou de tout ou partie du territoire de l’intercommunalité concernée en violation du même arrêté du nombre ou, s’il est compétent, du président de l’établissement public de coopération intercommunale » sont remplacés par les mots : « du département concerné en violation de l’arrêté » ;
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Cet amendement tend à modifier le périmètre d’application du maintien de la mise en demeure du préfet prévu à l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000.
En effet, à ce jour, ce dispositif vise uniquement le territoire de la commune ou de l’intercommunalité concernée par le stationnement illicite. Or cette mesure n’est pas adaptée au regard de la situation et ne prend pas en compte la réalité du terrain.
Il y a quelques jours, j’étais encore maire et présidente d’une communauté de communes, et, comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, j’ai été confrontée à ce problème majeur.
Aujourd'hui – c’est notamment vrai dans l’Essonne –, une fois l’ordre donné de quitter les lieux, on observe régulièrement un déplacement de ces installations sur des communes voisines. Aussi, je tiens à souligner que les collectivités territoriales, pour la plupart d’entre elles, ont fait des efforts considérables dans la construction d’aires d’accueil pour les gens du voyage,…
M. Loïc Hervé. Absolument !
Mme Jocelyne Guidez. … très souvent sous-occupées. Tout au moins, c’est le cas dans le sud de l’Essonne.
D’ailleurs, il faut préciser qu’elles ont investi énormément d’argent pour se doter de structures modernes et être, par conséquent, en conformité avec la loi et les schémas départementaux.
Dans ces conditions, on ne peut pas accepter de telles occupations illicites.
En outre, je puis vous assurer, madame la ministre, mes chers collègues, que cet amendement est à la hauteur de l’exaspération, pour ne pas dire de la colère des élus locaux, qui n’en peuvent plus de subir fréquemment de telles occupations illicites. Ces derniers attendent des solutions concrètes. Il est donc indispensable d’améliorer cette mesure en élargissant l’échelon territorial actuellement visé dans la loi, afin d’éviter l’engagement de nouvelles procédures auprès du préfet et de mieux lutter contre ces agissements qui, je vous l’assure, épuisent les maires.
Enfin, cet amendement s’inscrit pleinement dans l’esprit de cette proposition de loi, à savoir plus de clarté et de justice pour nos territoires. Voilà pourquoi je propose d’étendre les effets de cette mise en demeure au niveau départemental.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. L’amendement n° 23 tend à supprimer la plus grande partie de l’article 5 relatif au renforcement des procédures d’évacuation des résidences mobiles irrégulièrement stationnées.
Il est vrai que les difficultés rencontrées sur le terrain tiennent avant tout à l’insuffisance des moyens dont disposent les préfectures pour faire évacuer les campements, d’office ou en exécution d’une décision de justice. Policiers et gendarmes sont, aujourd’hui, fortement sollicités sur d’autres terrains.
Il n’en reste pas moins que les procédures elles-mêmes méritent d’être précisées et renforcées.
À titre d’exemple, dans le cadre de la procédure administrative d’évacuation d’office, aucun délai de recours contre la mise en demeure du préfet n’est actuellement prévu par la loi. Il semble parfaitement légitime de limiter ce délai de recours à quarante-huit heures au maximum.
De même, la durée d’applicabilité de la mise en demeure prévue par le droit en vigueur, à savoir sept jours, est nettement insuffisante ; j’ai déjà développé ce point précédemment lors de l’examen d’un amendement.
Enfin, la commission a également revu les procédures juridictionnelles applicables en la matière. Elle s’est attachée à faciliter le recours à la procédure sur requête, une procédure non contradictoire admise par le juge lorsqu’il est impossible d’assigner en justice l’auteur d’un trouble dont on demande la cessation.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Concernant l’amendement n° 6 rectifié, je comprends bien la question qui vous préoccupe, madame Guidez, et le souci qui anime beaucoup d’élus locaux.
Cet amendement concerne le périmètre d’application de la mise en demeure du préfet : la mise en demeure resterait applicable dans un délai de quinze jours, comme le prévoit la proposition de loi, si la résidence mobile concernée se retrouvait de nouveau en stationnement illicite, en violation du même arrêté, sur le territoire du département, et non plus seulement sur le territoire de la commune ou de l’EPCI.
Cette proposition se heurte à une impossibilité juridique, puisque l’arrêté dont il est question est un arrêté du maire ou du président de l’EPCI compétent, applicable sur le territoire de la commune ou de l’EPCI, et pas au-delà. C’est la violation de son arrêté qui permet au maire ou au président de l’EPCI de saisir le préfet et de mettre ainsi en mouvement la procédure d’évacuation d’office. Si les contrevenants se retrouvent de nouveau, dans un délai de quinze jours, en stationnement illicite sur le territoire d’une autre intercommunalité, c’est nécessairement en violation d’un autre arrêté, et cela nécessite que le maire ou le président de l’EPCI concerné prenne à son tour l’initiative d’une demande au préfet de mise en demeure.
En outre, le périmètre proposé, qui couvrirait l’ensemble du territoire départemental, paraît excessif. Un nouveau stationnement irrégulier dans un autre EPCI, en violation d’un autre arrêté municipal ou intercommunal, constitue un trouble à l’ordre public distinct, qui justifie qu’une nouvelle mise en demeure soit adressée par le préfet avant l’évacuation forcée.
Enfin, l’amendement n’aurait qu’une portée pratique limitée. Certes, la seconde mise en demeure est assortie d’un nouveau délai d’exécution, mais celui-ci peut être limité à vingt-quatre heures. Compte tenu de la difficulté rencontrée par les préfectures à mobiliser les forces de l’ordre pour de telles opérations, la mesure proposée permettrait, tout au plus, d’évacuer les campements illicites quelques heures plus tôt.
Vous l’avez compris, on se heurte à un écueil juridique. C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement, ma chère collègue.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Dans la logique de l’amendement du Gouvernement que j’ai présenté, je suis favorable à l’amendement n° 23.
Concernant l’amendement n° 6 rectifié, je reprendrai l’argumentation au fond de Mme le rapporteur. Comme pour toute mesure de police administrative, la validité juridique du dispositif de la mise en demeure n’est garantie que si elle est adaptée et proportionnée au but visé.
Dans une décision en date du 9 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a rappelé que les mesures de police administrative susceptibles d’affecter l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté d’aller et venir, doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l’ordre public et proportionnées à cet objectif.
Dans le cas présent, l’extension de l’applicabilité de la mise en demeure aux autres communes du département est manifestement excessive. Cette mise en demeure intervient notamment en cas de violation du même arrêté du maire ou, s’il est compétent, du président de l’établissement public. L’interdiction de stationner en dehors des aires d’accueil aménagées ne saurait donc concerner l’ensemble du département.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
Mme Jocelyne Guidez. Je retire l’amendement n° 6 rectifié, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié est retiré.
M. François Pillet, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Section 2
(Division et intitulé supprimés)
Chapitre III
Renforcer les sanctions pénales
(Division et intitulé nouveaux)
Article 6
L’article 322-4-1 du code pénal est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « de six mois » sont remplacés par les mots : « d’un an » et le montant : « 3 750 euros » est remplacé par le montant : « 7 500 euros » ;
2° (nouveau) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les conditions prévues à l’article 495-17 du code de procédure pénale, l’action publique peut être éteinte par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 1 000 euros. » ;
3° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « , à l’exception des véhicules destinés à l’habitation, » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les véhicules peuvent être transférés sur une aire ou un terrain mentionnés aux 1° à 3° du II de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage et situés sur le territoire du département. »
Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par MM. Fichet, Leconte et Sueur, Mmes Harribey et G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Rossignol, M. J. Bigot, Mme Cartron, M. Courteau, Mme Lubin, M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. L’article 6 renforce les sanctions pénales en cas d’occupation en réunion sans titre d’un terrain en vue d’y établir une habitation. Il double les peines prévues à l’article 322-4-1 du code pénal, avec une peine d’emprisonnement d’un an et une amende de 7 500 euros. En outre, il applique à cette infraction la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle fixée à 500 euros, 400 euros lorsqu’elle est minorée et 1 000 euros lorsqu’elle est majorée. Enfin, il supprime la protection accordée aux véhicules destinés à l’habitation contre les saisies et confiscation.
Le doublement des peines proposé à l’article 6 ne permettra pas de mieux prévenir les occupations illicites de terrains puisque les sanctions en vigueur s’avèrent déjà faiblement prononcées par les juges. Se poserait de plus un problème de nécessité et de proportionnalité.
La procédure de l’amende forfaitaire délictuelle sera inopérante dès lors qu’elle s’appliquera pour sanctionner l’infraction d’occupation illicite en réunion et non individuelle. Il en est de même de l’assouplissement des conditions de saisie et de confiscation des véhicules, en raison des frais de justice liés tant à l’évacuation qu’au gardiennage qu’il faudra engager et des capacités réduites de mobilisation des forces de l’ordre sur ces questions.
Enfin, la faculté de saisir des véhicules destinés à l’habitation ne respecte probablement pas l’équilibre nécessaire entre la sauvegarde de l’ordre public et la garantie liée à l’inviolabilité du domicile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je le répète, la commission est favorable au renforcement des sanctions encourues : comme cela a été expliqué au cours de la discussion générale, cette évolution législative sera un signal envoyé tant aux délinquants qu’aux juridictions. La commission est donc évidemment favorable à l’application de l’amende forfaitaire au délit d’occupation sans titre en réunion.
L’argument selon lequel cette amende serait inopérante est faux. Certes, le délit n’est constitué qu’à partir de deux caravanes ; mais cela n’empêche nullement de dresser des procès-verbaux pour chaque caravane qui participe à l’infraction. En effet, chaque participant individuel à l’infraction est susceptible d’être condamné pour ce délit ou de faire l’objet d’une amende forfaitaire délictuelle.
Les auteurs du présent amendement considèrent que la saisie des véhicules destinés à l’habitation n’est pas équilibrée. Je rappelle que le code pénal et le code de procédure pénale permettent déjà de saisir des domiciles. Tout bien susceptible d’être confisqué peut être saisi et, en application d’une disposition générale du code pénal, tout bien ayant servi à commettre une infraction peut être confisqué. Or il est évident que les résidences mobiles, en cas d’occupation illicite, participent à la commission d’une infraction.
La suppression de la protection accordée aux véhicules d’habitation n’est pas dérogatoire ; elle permet simplement de revenir à l’application normale des règles en matière de saisie et de confiscation.
Au surplus, je rappelle que, pour un certain nombre de délits, la confiscation peut porter sur tout bien appartenant au patrimoine du délinquant. Dans ces cas-là, le lieu d’habitation peut être saisi, puis confisqué.
Certes, la confiscation du domicile constitue une atteinte au droit de propriété – davantage qu’à l’inviolabilité du domicile, dont la protection est inopérante s’agissant d’une décision juridictionnelle contradictoire relevant des juridictions judiciaires ; mais cette atteinte est conforme à la Constitution, ainsi que le Conseil constitutionnel l’a maintes fois rappelé.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Sagesse.
Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Patriat, de Belenet et Yung, Mme Schillinger, MM. Marchand et Lévrier, Mme Rauscent et MM. Hassani et Navarro, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsque l’installation s’accompagne de la commission de l’infraction définie au premier alinéa de l’article 322-1. »
La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Il s’agit d’un amendement de cohérence, visant à simplifier le texte de la commission en substituant une aggravation des peines applicables au dispositif prévu à l’article 7, lequel deviendrait ainsi sans objet si cet amendement était adopté.
Plutôt que de faire de l’installation illicite un motif d’aggravation de la dégradation d’un bien appartenant à autrui, nous proposons de faire de la dégradation d’un bien appartenant à autrui une circonstance aggravante de l’installation illicite, ce qui paraît plus logique.
Cet amendement embrasse davantage les objectifs de la proposition de loi, en se focalisant sur les mécanismes de répression pénale envisagés pour juguler le stationnement illicite des gens du voyage, qu’un dispositif fondé sur la définition de différentes circonstances aggravantes de la dégradation d’un bien appartenant à autrui.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Le texte de la commission aggrave les sanctions applicables en cas de destructions, détériorations ou dégradations d’un bien d’autrui commises au cours d’une occupation illicite.
Les auteurs du présent amendement proposent, à l’inverse, d’aggraver les sanctions applicables au délit d’occupation illicite quand celui-ci s’accompagne de destructions, détériorations ou dégradations d’un bien d’autrui et, en conséquence, de supprimer la circonstance aggravante prévue à l’article 7 du texte de la commission.
Cette proposition de M. Patriat aurait pu être un choix pertinent, mais elle présente un inconvénient majeur : elle ne permet pas d’aggraver les peines en cas de commission de deux circonstances aggravantes.
Or le dispositif répressif des destructions, détériorations ou dégradations d’un bien d’autrui est construit de manière graduée dans le code pénal : il permet des sanctions de plus en plus fortes en cas de circonstance aggravante, voire de pluralité de circonstances aggravantes. Les peines peuvent être portées jusqu’à sept ans d’emprisonnement si deux circonstances aggravantes sont réunies : par exemple, lorsqu’une dégradation a été commise au cours d’une occupation illicite et que le bien dégradé est destiné à l’utilité publique et appartient à une personne publique.
Ainsi, parce que son adoption reviendrait à affaiblir la réponse répressive prévue par son propre texte, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis favorable à cet amendement, qui vise à aggraver les peines encourues pour le délit d’installation illicite en réunion lorsque cette installation s’accompagne de destructions, détériorations ou dégradations du terrain occupé. En effet, le préjudice subi par la victime du fait de l’installation est alors plus important.
Néanmoins, l’amendement soulève une légère difficulté : les peines proposées – cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende – sont disproportionnées par rapport aux peines encourues initialement prévues par la commission – un an d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. Il conviendrait donc, par cohérence avec ces dernières peines, de fixer les peines aggravées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
De plus, la rédaction de l’amendement serait plus cohérente si elle était calquée sur la rédaction habituelle en matière de circonstance aggravante : l’aggravation devrait être prévue lorsque l’installation est précédée, accompagnée ou suivie d’un acte de destruction, dégradation ou détérioration.
Il serait donc opportun de rédiger l’amendement en ces termes : « Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende lorsque l’installation est précédée, accompagnée ou suivie de l’infraction définie au premier alinéa de l’article 322-1. »
Mme la présidente. Monsieur Patriat, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme la ministre ?
M. François Patriat. Tout à fait, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Patriat, de Belenet et Yung, Mme Schillinger, MM. Marchand et Lévrier, Mme Rauscent et MM. Hassani et Navarro, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende lorsque l’installation est précédée, accompagnée ou suivie de l’infraction définie au premier alinéa de l’article 322-1. »
Madame la rapporteur, la commission maintient-elle son avis défavorable ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. Nous débattons de l’aggravation des peines d’emprisonnement ou d’amende, mais la réalité du problème est que, plus on laisse les gens se maintenir de manière illicite sur un terrain, plus, malheureusement, des dégradations ont lieu. L’enjeu aujourd’hui n’est pas tant d’augmenter les peines que, tout simplement, de permettre une activation plus rapide des services de police et de justice pour éviter les dégradations !
Je suis donc contre ce qui est proposé. Pour moi, c’est un serpent qui se mord la queue : de cette façon, on n’est pas près d’en sortir !
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je rappelle que les peines prévues sont des peines maximales : c’est au juge qu’il appartient de fixer librement les peines.
M. Jean-Yves Leconte. Il n’utilise déjà pas toute l’étendue des peines prévues aujourd’hui…
M. Loïc Hervé. Donnons-lui donc encore plus la possibilité de le faire !
J’ajoute qu’un niveau de peines plus élevé augmente les chances que des poursuites soient lancées par les tribunaux contre les auteurs de ces délits.
M. Jean-Yves Leconte. Et l’échelle des peines, qu’en faites-vous ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement tend à supprimer tout d’abord la possibilité, prévue par le texte de la commission, de saisir tous les véhicules ayant servi à l’installation illicite, y compris ceux qui sont destinés à l’habitation.
En effet, la saisie et la confiscation de véhicule ne peuvent concerner un véhicule servant de lieu d’habitation. Une telle mesure, qui aurait pour effet de priver de toit l’auteur des faits, contrevient au principe de l’inviolabilité du domicile qui est protégé constitutionnellement.
Au reste, l’exclusion de la confiscation des véhicules destinés à l’habitation a été voulue par le gouvernement de l’époque lors de l’examen du projet de loi dont est issue la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, afin d’éviter la confiscation de la caravane constituant le domicile des gens du voyage.
Le présent amendement vise à supprimer également la possibilité donnée au juge de transférer les véhicules sur une aire ou un terrain d’accueil situé sur le territoire du département.
En effet, cette disposition ne paraît pas conforme au principe constitutionnel d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi : elle est insuffisamment précise, dans la mesure où elle ne prévoit pas les modalités de son application. Une application qui, au surplus, s’annonce délicate sur le plan opérationnel, s’agissant d’une mesure innovante en matière pénale de déplacement d’un objet appartenant à autrui, qui s’apparente à une saisie.
En outre, cette mesure appelle les mêmes remarques qu’en matière de saisie concernant les véhicules destinés à l’habitation et porte atteinte au principe d’inviolabilité du domicile.