M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. … et qui savent les difficultés que l’on peut rencontrer en la matière. En pareil cas, on s’ajuste. Mais, je le répète, il faut à tout le moins une trajectoire.
Pour ce qui concerne le numérique, la plateforme IF 360 jouera effectivement un rôle d’agrégateur. Elle sera mise en service au premier semestre de 2018 : c’est donc une question de mois, voire de semaines. D’ailleurs, il serait possible de convier à ce lancement les sénateurs et les députés qui suivent tout particulièrement ce sujet. Sachez que les équipes sont très mobilisées : aujourd’hui, à l’heure d’internet, il s’agit naturellement d’un chantier essentiel.
Madame la présidente, pardonnez-moi, je constate que mon temps de parole est épuisé. Je précise simplement que le numérique est aussi utilisé pour la formation à distance. L’Institut français permet, en effet, de former des professeurs de français langue étrangère, ou de compléter les compétences d’un certain nombre de personnels, travaillant, notamment, sous des contrats locaux. Ainsi, il joue un rôle en matière de ressources humaines, pour la valorisation des talents.
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous invite tous à respecter votre temps de parole, faute de quoi notre ordre du jour sera fortement décalé.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le secrétaire d’État, pour ce qui concerne les moyens, je tiens à vous remercier de votre honnêteté. Il est vrai que les ajustements ne sont pas toujours évidents et que, pour écrire un contrat d’objectifs et de moyens sans disposer de grandes ressources en face, il faut faire preuve d’équilibrisme.
Quant au lancement de la plateforme IR 360, nous serons ravis d’y participer. J’en suis persuadée, les parlementaires ne manqueront pas de communiquer à son sujet pour la porter haut et fort.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République En Marche.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à formuler quelques remarques au sujet de l’Institut français.
En 2010, nous avons consacré un long débat au statut de cet organisme. En définitive, nous avons échoué, tel Roland à Roncevaux ! (Sourires.) Privé de son réseau, l’Institut français a pour ainsi dire perdu ses jambes. Ainsi, on dispose d’une centrale à Paris, qui fait de la programmation, qui formule des propositions et, plus largement, accomplit un excellent travail. Ensuite, que se passe-t-il ? L’action ne suit pas.
M. Didier Guillaume. Exactement !
M. Richard Yung. C’est un problème. Le Quai d’Orsay a résisté avec la plus grande énergie au rattachement des instituts français à l’AEFE. Ils ne voulaient pas de ce modèle. Dont acte : nous n’allons pas revenir sur cette discussion.
Cela étant, l’Institut français subit deux problèmes.
Premièrement, il s'agit bien sûr de la dotation budgétaire. En 2012, celle-ci s’élevait à 49 millions d’euros ; en 2018, elle ne sera plus que de 28 millions d’euros. En six ans, c’est presque la moitié des crédits qui ont disparu, tout simplement ! Nous devons mettre nos discours en accord avec la réalité. Je sais que c’est difficile, mais on ne peut pas faire autrement.
Deuxièmement, le Gouvernement doit se pencher sur le statut dont disposent les instituts français à l’étranger, à savoir celui d’établissements à autonomie financière. Sans insister davantage, je signale que le problème est, en l’occurrence, la coordination de ce statut avec la LOLF.
Troisièmement, et enfin, monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur les alliances françaises.
Je comprends bien les difficultés qu’éprouve la Fondation Alliance française. Cette dernière peine à se positionner, et elle a du mal à trouver de l’argent. Au fond, peut-être n’est-ce pas une mauvaise idée de la rapprocher de l’Institut français.
En la matière, comme toujours en France, une multitude d’agences s’occupent de tout : du cinéma, du livre, de la musique, etc. Certes, je ne suis pas sûr qu’en rapprochant deux pauvretés on obtienne grand-chose de solide… Mais, comme l’a souligné Mme la présidente de la commission, il faut étudier cette piste.
Quoi qu’il en soit, je défendrai mordicus l’indépendance des alliances françaises locales. Ces dernières sont toutes des associations de droit local, et ce statut leur permet de traverser les différentes tempêtes que nous essuyons en France ! (Marques d’approbation.)
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de nouveau, je vous invite vivement à respecter vos temps de parole : chacun des orateurs dépasse de beaucoup les deux minutes qui lui sont imparties.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, pour ce qui concerne les moyens, il me semble que nous avons peu ou prou fait le tour du sujet.
M. Robert del Picchia. En effet !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Toutefois, les voix qui s’expriment dans ce débat me permettront de porter le message d’une ambition réaffirmée à l’échelon interministériel.
Pour ce qui concerne le statut des établissements locaux, vous avez raison : peut-être devons-nous prévoir une légère modification de la LOLF pour garantir l’autonomie financière de ces structures et pour qu’elles puissent continuer à recourir à un certain nombre de financements locaux, à commencer par le mécénat. On ne peut pas, d’un côté, les inciter à conclure des partenariats et, de l’autre, leur refuser l’assurance que l’argent ainsi dégagé soit dédié à des actions culturelles sur le terrain. Aux yeux des acteurs locaux, si ces fonds remontent jusqu’à Paris, ils risquent, pour ainsi dire, de finir dans le tonneau des Danaïdes…
Ce sujet figure, très clairement, dans la seconde série d’actions qui doivent être conduites avec le ministère de l’action et des comptes publics.
Dès l’été dernier, un groupe de travail conjoint a été constitué pour réfléchir au statut des établissements à autonomie financière, les EAF. Pour sa part, le ministère des affaires étrangères considère qu’il faut avant tout modifier la LOLF.
Peut-être faudrait-il évoquer la question avec les présidents, les rapporteurs généraux et les membres des deux commissions des finances, car cette réforme pourrait se traduire par une proposition de loi organique. Peut-être serait-il bon d’en parler également aux deux pères de la LOLF, Didier Migaud et Alain Lambert ; à mon sens, il serait utile de recueillir leur opinion sur ces sujets.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour le groupe Union Centriste.
Mme Sonia de la Provôté. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, ce constat a été rappelé à plusieurs reprises : la contrainte budgétaire a été particulièrement lourde pour l’Institut français au cours des dernières années. Les établissements ont donc dû développer et diversifier leurs ressources en assurant des prestations de services payantes, telles que l’organisation de sessions d’examens, la location d’espaces, l’apport d’outils et d’expertise aux réseaux culturels et surtout la mise en place de cours de français.
Le travail a été accompli, et, par leur ampleur, ces ressources extrabudgétaires ont permis aux établissements d’obtenir un taux d’autofinancement très élevé.
Toutefois, en dépit de ces ressources complémentaires, la diminution continue des ressources budgétaires a forcé certains instituts et certaines antennes à fermer.
La contrainte budgétaire imposée à l’Institut français pèse donc fortement sur les objectifs de notre politique d’influence culturelle. Or de nombreux organismes thématiques placés sous la tutelle du ministère de la culture, comme le Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC, le Centre national des arts plastiques, le CNAP, ou l’Office national de diffusion artistique, l’ONDA, disposent d’un département « Affaires internationales » dont les actions peuvent se révéler redondantes par rapport à celles de l’Institut français, voire entrer en concurrence avec elles.
Dans ces conditions, n’est-il pas envisageable de desserrer l’étau budgétaire appliqué à l’Institut français en coordonnant mieux l’intervention de tous ces acteurs ? Monsieur le secrétaire d’État, y travaillez-vous ? Dans l’affirmative, pouvez-vous nous dire quelles sont les pistes à l’étude ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, en moyenne, sur le terrain, les instituts français parviennent à collecter environ 67 % de leurs ressources grâce aux prestations qu’elles proposent et grâce au mécénat. Il faut s’en réjouir. C’est bien la preuve que, pour employer une expression familière, ils ne restent pas les deux pieds dans le même sabot.
Pour ce qui concerne les autres opérateurs, notamment le CNC, un travail est bel et bien mené conjointement, et c’est heureux : les différents orateurs l’ont rappelé, les montants des crédits ont eu tendance à baisser au cours des cinq dernières années. Il est d’autant plus nécessaire que chaque euro dépensé soit utilement employé. Voilà pourquoi une coordination est nécessaire.
Je citerai, comme exemple, la fabrique des cinémas du monde. Cette action qui, pendant le festival de Cannes, permet de mettre en avant les cinémas du Sud, est conduite en commun par l’Institut français et par le CNC.
Le budget cinéma de l’Institut français représente 11 % de son budget total. Naturellement, ces fonds doivent être examinés au regard du budget international dévolu au CNC.
Au total, en 2015, grâce à ces actions conjointes, près de 25 000 supports cinématographiques en langue française ont circulé dans le monde et plus de 40 000 projections publiques de films en français ont été organisées à l’étranger. Il faut s’en féliciter.
Au-delà du cinéma, si on examine le livre, et si on observe d’autres organismes placés sous la tutelle des ministères partenaires, on aboutit à ce constat : une trentaine de conventions régissent les relations entre l’Institut français, Unifrance, le Centre national du livre ou encore le CNAP. Ainsi, l’Institut français manifeste son désir de ne pas rester un acteur isolé. Bien au contraire, il est appelé à prendre sa place dans un écosystème plus vaste, tout en conservant un cadre et une cohérence propres.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour la réplique.
Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le secrétaire d’État, votre propos conforte ma question. Nous ne doutons pas que des actions sont accomplies en commun, mais une vision et une programmation globales mériteraient d’être précisées, pour tous les domaines que nous avons évoqués.
Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite moi aussi vous interroger sur le rapprochement entre l’Institut français et l’Alliance française qu’a évoqué le Président de la République.
Nous avons, d’un côté, l’Institut français, créé par la loi du 27 juillet 2010. Il s’agit d’un établissement public à caractère industriel et commercial, un EPIC, dont la mission est de promouvoir et de diffuser la langue et la culture françaises. C’est un opérateur placé sous la tutelle conjointe du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et du ministère de la culture. Le réseau de coopération et d’action culturelle, qui, comme Richard Yung l’a rappelé, n’est pas rattaché à l’Institut français, compte quant à lui 124 établissements à autonomie financière, ou EAF, dont 98 pluridisciplinaires.
Nous avons, de l’autre côté, l’association Alliance française, fondée en 1883. Celle-ci accorde un label à ses différentes antennes, qui sont généralement nées d’initiatives locales émanant de francophones et de francophiles. Régies par le droit local, indépendantes tant financièrement que statutairement, elles revêtent le plus souvent la forme d’associations à but non lucratif.
L’Alliance française doit notamment la richesse de son action à la diversité des profils de ses antennes et à la souplesse du système associatif, tandis que l’une des forces des instituts français réside dans le pilotage de politiques culturelles. Si les instituts français et les alliances françaises sont considérés comme des réseaux complémentaires, leurs règles de fonctionnement sont donc très différentes.
J’en arrive à ma question : le rapprochement concerne-t-il uniquement la Fondation Alliance française et l’Institut français à Paris, comme l’a suggéré André Vallini, travail qui créerait indéniablement des synergies ? Ou bien a-t-il vocation à se décliner localement dans toutes les antennes de ces deux structures ? Comment ce rapprochement pourrait-il prendre une telle forme, compte tenu des statuts si différents ? Dans ce cas, le rapprochement ne risque-t-il pas de brouiller la lisibilité et partant la visibilité du dispositif engagé ?
M. Richard Yung. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, entendons-nous bien : le Président de la République a déclaré qu’il fallait travailler au rapprochement entre, d’une part, l’Institut français de Paris, de l’autre, la Fondation Alliance française. En effet, les alliances françaises existant sur le terrain ont leur propre statut juridique, qui varie selon les pays.
M. Robert del Picchia. Tout à fait, elles sont indépendantes !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Sur ce point, je n’ai pas eu le temps de répondre à Richard Yung, mais, en définitive, vous relayez le même message que lui : on ne saurait menacer la vitalité de ce tissu en mettant sous une même toise l’ensemble des structures concernées. Il faut donc veiller, autant que nécessaire, à la situation de chacune des alliances françaises ; nous devons faire le plus grand cas de cette décentralisation internationale.
Aujourd’hui, il s’agit de réfléchir au rapprochement des structures parisiennes pour mieux appuyer les réseaux.
Localement, misons sur l’intelligence collective. Ce n’est peut-être pas une règle générale, mais, la plupart du temps, la réflexion entre, d’une part, les services diplomatiques chargés des questions culturelles et, de l’autre, le monde associatif, notamment les alliances françaises, aboutit à un modus vivendi, voire à des synergies.
Certes, le monde est vaste, et on peut trouver des contre-exemples. Mais, je le répète, on ne saurait appliquer une règle unique, une seule et même toise partout dans le monde : il faut tenir compte des réalités du terrain. C’est ce qui nous caractérise, vous, sénateurs, et moi, ancien sénateur : nous faisons du sur-mesure.
Tel est le réflexe qui doit nous guider dans l’appréciation locale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour le groupe Les Républicains.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le secrétaire d’État, j’éprouve bien sûr les inquiétudes exprimées par mes collègues quant au sous-financement chronique que subit l’Institut français. J’ajoute que, au titre du projet de loi de finances pour 2018, la subvention aux alliances françaises chute de 11,3 %.
Cet assèchement budgétaire est encore aggravé par la suppression de la réserve parlementaire, qu’il me semble indispensable de remplacer par un fonds de dotation spécifiquement dévolu à la présence française à l’étranger. Je rappelle que, via la réserve parlementaire, quelque 425 000 euros ont été attribués l’an dernier aux alliances françaises !
L’une des pistes envisagées est le rapprochement entre l’Institut français et le réseau des 840 alliances françaises, grâce à la création d’un groupement d’intérêt économique, ou GIE. C’est une solution que j’approuve.
Créer des synergies et développer des complémentarités est toujours une bonne idée – c’était déjà le but lors de la création de l’Institut français –, mais il faut aussi veiller à éviter la présence concomitante d’un institut français et d’une alliance française dans une même ville. Cette situation, qui s’observe encore trop souvent, entraîne des rivalités, en particulier dans la course aux financements extérieurs. L’enseignement français était traditionnellement réservé aux alliances ; mais beaucoup d’instituts français essayent désormais de s’approprier cette compétence du fait des contraintes d’autofinancement.
Pour les instituts français qui souhaiteraient poursuivre une mission d’enseignement en lien avec les alliances françaises, j’attire votre attention sur une synergie possible et concrète : la création d’un volontariat international d’enseignement francophone, ou VIEF. Force est de constater la disparition progressive des postes de lecteurs français à l’étranger. Cette évolution a pénalisé notre présence, tant dans les universités locales que dans nos écoles. Il faut trouver des solutions.
Ce VIEF serait une formidable occasion de séjour à l’étranger pour nos jeunes, au terme d’une brève formation pédagogique. De plus, il permettrait à des retraités de déployer leurs compétences en vivant une compétence internationale. Aussi, il s’agirait là, à mon sens, d’une proposition concrète susceptible de combler un tant soit peu le terrible sous-financement observé.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, votre propos était si dense que je ne pourrai y répondre intégralement ! Mais j’irai consulter le Journal officiel, notamment pour retrouver votre dernière suggestion in extenso.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je vous renvoie à notre proposition de loi !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Pour ce qui concerne les chiffres des subventions accordées aux alliances françaises, je n’aboutis pas à une réduction de 11 %. Nous pourrons y revenir au cours du débat budgétaire. En exécution, au titre de l’année 2016, je dispose du chiffre de 5,6 millions d’euros de subventions pour les alliances françaises. L’exécution 2017 n’est pas achevée : je ne dispose donc pas des données correspondantes. Mais, au sein du projet de loi de finances pour 2018, je constate que les crédits inscrits à cet égard s’élèvent à 6,5 millions d’euros.
Pour ma part, j’observe donc une progression. S’y ajoutent 28 millions d’euros de coûts paramétriques par an, lesquels correspondent aux agents payés par le ministère et travaillant au sein des alliances dans des fonctions diverses et variées, notamment en tant que directeurs.
Il me semble donc que, budgétairement, la situation ne correspond pas au drame qui a été décrit. Mais, je le répète, nous aurons l’occasion d’en débattre plus longuement.
J’en viens à la réserve parlementaire.
Le Président de la République l’a rappelé lors de sa venue devant l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE : nombre de parlementaires aidaient des actions associatives, qui relevaient des domaines tant éducatif et social que culturel. Un certain nombre de structures bénéficiaient de ce concours, et il faut effectivement trouver un dispositif de substitution. J’y travaille avec ardeur, de concert avec Jean-Yves Le Drian. Dans les toutes prochaines semaines, nous devrions être en mesure de proposer un moyen d’accompagner ces associations au titre de l’année 2018. Un appel à projets pourrait être lancé par le ministère.
Dans ce cadre, l’avis des conseils consulaires pourrait être sollicité. On pourrait également consulter les parlementaires et de membres de l’AFE, qui seraient réunis au sein d’une commission dédiée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le ministère disposerait de vos avis, instruits de la connaissance que vous avez du terrain. Dès lors, il pourrait sélectionner à bon escient les actions dignes d’être soutenues.
M. Robert del Picchia. Très bonne proposition !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un rapport dont je souligne, à mon tour, la grande qualité, et qui a été déposé en février dernier, nos deux collègues Jacques Legendre et Hélène Conway-Mouret soulignaient avec une certaine gravité le décalage structurel existant entre, d’une part, les missions généreuses de l’Institut français, et, d’autre part, la disparition rapide et considérable des moyens dont il disposait pour les satisfaire.
Le projet de budget pour l’exercice 2018 ne corrigera ni n’atténuera ce décalage, qui pose le problème de la sincérité du contrat d’objectifs et de moyens. Notre débat d’aujourd’hui est sans doute destiné à sanctionner sa nature chimérique.
Il faut rappeler que la loi de juillet 2010 consacrait l’Institut français comme « l’opérateur pivot de l’action culturelle de la France à l’étranger » et que la loi de juillet 2016 le plaçait sous la double tutelle des ministères chargés des affaires étrangères et de la culture. Dans la pratique, les moyens réduits du second ministère cité ne lui ont jamais permis d’assurer pleinement cette tutelle. L’apport budgétaire modeste prévu par le ministère de la culture pour l’exercice 2018 ne réduira pas son exercice déséquilibré.
Il faut donc le reconnaître aujourd’hui, moins de dix ans après la création de l’Institut français : compte tenu de ses capacités budgétaires réduites, cette instance n’a jamais pu jouer le rôle de coordinateur de l’action culturelle et scientifique de l’État à l’étranger qui lui était dévolu.
Avec le projet de budget pour 2018, c’est une bonne partie des activités culturelles de la France à l’étranger qui sont considérablement réduites : j’en veux pour exemple la suppression de cinquante-deux emplois au sein de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE.
Monsieur le secrétaire d’État, il y a quelques instants, vous nous disiez que nous étions à l’os : en l’occurrence, nous attaquons la moelle ! (Sourires.)
La disette favorise rarement l’échange et la collaboration. Elle pousse au contraire les survivants à défendre ce qui leur reste !
Plus généralement, et en conclusion, je m’interroge sur la volonté politique de notre pays de développer et, pis encore, de maintenir le rayonnement de sa culture et de sa langue à l’étranger.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous parlez d’un contrat d’objectifs et de moyens « chimérique » – c’est le qualificatif que vous avez employé. Le Gouvernement n’en a pas moins l’envie d’agir, et de faire au mieux.
Le jugement que vous portez est très sévère. Pour ma part, je me réfère aux bons auteurs et aux bonnes sources : dans leur rapport, Jacques Legendre et Hélène Conway-Mouret ont effectivement tiré la sonnette d’alarme. Mais ils ont reconnu que, depuis sa création, l’opérateur avait imposé sa marque.
Certes, comme Mme la présidente de la commission l’a souligné, les moyens de l’Institut français ont été réduits, en l’espace de quelques années, dans des proportions significatives. Dès lors, une stratégie de ciblage des actions a été menée.
Il y a donc bien une stratégie. En particulier, l’action de l’Institut a été déployée en priorité vers des pays identifiés en vertu de leur fort potentiel, que ce soit en Afrique francophone, aux Caraïbes ou sur les rives sud et est de la Méditerranée. S’y ajoute un certain nombre de pays prescripteurs ou émergents en Europe.
Sur cette base, on a établi une cartographie de trente-neuf pays à fort potentiel, sur lesquels il conviendrait de concentrer davantage les moyens. En parallèle, on peut prévoir des actions complémentaires vers des zones auxquelles la France a peut-être moins de moyens à consacrer. Il faut notamment faire en sorte que le tissu associatif des alliances françaises garantisse des relais efficaces et utiles.
Quoi qu’il en soit, je récuse le terme « chimérique » : avec les moyens mis à leur disposition, les agents de l’Institut français font des trésors ! Leur travail porte ses fruits, à preuve le classement que j’ai précédemment évoqué : selon une récente étude universitaire, la France est placée en tête du classement pour ce qui est du rayonnement dans le monde.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste.
M. Olivier Cadic. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, seulement près d’un quart des enfants français vivant à l’étranger sont scolarisés dans notre réseau d’enseignement. Les autres enfants inscrits dans les consulats français – 300 000 à 400 000 en tout –, suivent un enseignement local.
À la faveur de mes déplacements à l’étranger, j’ai observé que nombre d’entre eux ne parlent pas français : 15 % environ en Europe du Nord, 50 % en Australie, les deux tiers en Amérique latine et jusqu’à 80 % – le record constaté – à Annaba, en Algérie. Pourtant, l’article 2 de notre Constitution énonce que la langue de la République est le français. Voilà pourquoi j’aspire à ce que tous les enfants français à l’étranger puissent apprendre à parler français.
Pour y parvenir, nous pourrions créer un « chèque éducation » à l’étranger. Ce « chèque éducation », destiné à 100 % de nos jeunes compatriotes vivant à l’étranger, permettrait à tous d’accéder à un apprentissage du français non seulement dans nos écoles, mais aussi au travers des instituts français, des alliances françaises ou bien du Centre national d’enseignement à distance. Sans oublier la solution des associations Français langue maternelle, ou FLAM, dites « les petites écoles du samedi », créées par des parents.
Un contrôle régulier grâce au passage du diplôme d’études en langue française, le DELF, nous permettrait d’évaluer leur maîtrise de notre langue.
Ces dispositions solidifieraient les finances des instituts français et des alliances françaises, en leur permettant d’apporter un service au public.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous envisager de créer une nouvelle priorité au sein du programme 185, en fixant pour objectif d’apprendre notre langue à tous les enfants français à l’étranger ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme la présidente de la commission de la culture, ainsi que Mme Nicole Duranton, applaudissent également.)