M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte examiné aujourd’hui est auréolé d’une unanimité assez rare pour être soulignée. En effet, peu d’entre nous trouveront des objections à formuler contre la proposition de faciliter la vérification du consentement des candidats au dépôt de leur candidature à une élection.
Pour nous qui sommes tous des élus de la République et qui avons choisi de le devenir, l’existence de « candidats malgré eux » est révoltante. Mes mots ne sont pas assez durs pour condamner les agissements de ceux qui, entravés dans l’établissement de listes de candidats par la faible qualité fédératrice des idées qu’ils répandent, usurpent l’identité politique de malheureux concitoyens afin de satisfaire leurs desseins stratégiques.
Cette pratique dénote un mépris des institutions démocratiques qui fondent notre contrat social et altère la sincérité des scrutins. Elle affecte donc chaque citoyen de ce pays. C’est également une injure jetée au visage de l’ensemble des élus, qui consiste à minorer la sincérité de leur engagement et à sous-estimer la charge des responsabilités leur incombant quotidiennement, en laissant croire que ceux-ci procèdent du hasard ou du concours de circonstances.
Comme le rappelle M. Marie dans son rapport, cette pratique reste heureusement exceptionnelle au regard des milliers de candidatures que rassemblent la totalité des élections régulièrement organisées dans notre pays. Plusieurs condamnations sont intervenues a posteriori, une fois ces usurpations dénoncées. Nous ne sommes donc pas totalement démunis face à de tels agissements, mais les sanctions interviennent trop tard.
Les auteurs de ce texte proposent d’allonger la liste des pièces nécessaires au dépôt de candidature et d’accroître le formalisme. Cela devrait permettre de renforcer le contrôle a priori, lors du dépôt, sans représenter une charge excessive ni pour les candidats ni pour les préfectures.
Les améliorations apportées par la suite par notre rapporteur contribuent utilement à uniformiser les exigences applicables aux différentes élections et comblent les lacunes du texte issu de l’Assemblée nationale.
Pour autant, les textes en vigueur contiennent d’autres défauts. M. Grand a très justement mis en lumière un certain nombre de problèmes auxquels des solutions devront rapidement être apportées. Je pense notamment à la question de l’étiquetage politique par les préfectures. Nous avons pour notre part concentré nos réflexions sur la question précise du contrôle de la validité des candidatures déposées et sur l’étude des sanctions du responsable de liste en cas de manquement.
Les faits divers évoqués permettent de mettre en évidence au moins deux lacunes de notre droit et de nos usages.
J’évoquerai en premier lieu l’insuffisante responsabilisation des candidats têtes de liste. Selon les élections, les dispositions sont plus ou moins claires à ce sujet. C’est pourquoi nous souhaiterions clarifier et uniformiser les pratiques, en prévoyant que, pour les scrutins de liste, chaque tête de liste soit entièrement responsable du dépôt des candidatures de l’ensemble des membres de la liste et d’un premier contrôle des conditions d’éligibilité. Cela implique de les priver de leur faculté de déléguer juridiquement cette mission, ce qui ne paraît pas être une charge excessive dans des circonscriptions au périmètre géographique restreint. Il n’est pas question de les empêcher de se faire assister dans la pratique, mais eux seuls devraient en porter la responsabilité juridique.
Dans le cas des scrutins de liste, il est nécessaire de revivifier l’esprit de démarche collective, comme l’a également souligné la députée Laurence Dumont dans son rapport. La suppression des intermédiaires que sont les délégataires et les mandataires permettrait de créer du liant avec les autres membres de la liste et pourrait contribuer à réhabiliter le candidat en tête de liste.
En second lieu, j’évoquerai le problème lié à la situation particulière de certains de nos concitoyens plus vulnérables en raison de leur état de santé fragile. Le cas de « candidats malgré eux » très âgés a également été évoqué. Bien que la question de la santé des femmes et des hommes politiques soit encore taboue, il est important de s’assurer que ces vulnérabilités ne se trouvent pas exploitées alors même que des jugements les identifient objectivement. À l’heure actuelle, rien ne permet aux services de l’État en charge du contrôle d’éligibilité des candidats de vérifier s’ils ne font pas l’objet de mesures de tutelle ou de curatelle.
Des interrogations subsistent également sur la capacité de ces services à contrôler a priori le respect des peines d’inéligibilité, bien que ce sujet nous éloigne des « candidats malgré eux ».
Nous considérons enfin que le renforcement du contrôle a priori de la validité des candidatures devrait pallier en partie les limites du contrôle a posteriori exercé par le juge des élections. Il est regrettable que des élections puissent être annulées pour des motifs tenant à la personne du candidat qui auraient pu faire l’objet de vérifications en amont. L’annulation, et plus encore la rectification d’un scrutin par un juge, parfois assimilée à une tentative de sauvetage des apparences, contribue à alimenter les discours démagogiques destinés à fragiliser nos institutions démocratiques. Le cas des « candidats malgré eux », où la fraude électorale se double d’actes pénalement répréhensibles, ravive également immanquablement la question de la coopération entre le juge administratif, juge de l’élection, et les juridictions pénales.
En définitive, nous considérons que ce texte est un premier jalon utile, mais qu’un débat plus vaste sur la rénovation de nos règles électorales doit avoir lieu. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Christophe Priou. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Christophe Priou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, même si comparaison ne vaut pas raison, ce texte ayant été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, nous aurions voulu que le texte sur l’eau et l’assainissement, qui a lui aussi été adopté à l’unanimité par le Sénat sous l’ancienne mandature, connaisse le même sort à l’Assemblée nationale et qu’il soit repris intégralement. Or il semble qu’il nous reviendra par d’autres canaux…
La proposition de loi relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections prévoit surtout une sécurisation des scrutins. Nous saluons le travail de la commission des lois qui a enrichi le texte.
L’exemplarité, la sincérité et l’honnêteté sont des préalables à la conduite de l’action publique. Le renforcement ces dernières années de l’arsenal législatif traduit cette nécessaire évolution : création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et publication obligatoire des déclarations d’intérêts et de patrimoine des élus ; adoption de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II ; sécurisation aujourd’hui des dépôts de candidatures aux élections afin de vérifier le caractère réellement personnel et volontaire de la démarche.
Cependant, ce texte ne règle pas tout et des questions restent en suspens. À l’heure où la taxe d’habitation suscite tant de débats, nous pourrions aller plus loin en contraignant le candidat à résider dans la circonscription électorale où il sollicite les suffrages des électeurs. Nous connaissons de nombreux exemples d’élus de la Nation déconnectés de leur territoire électif. Cela a été encore le cas dans ma région des Pays de la Loire lors des élections législatives de juin 2017. (M. François Grosdidier s’exclame.)
Dans un amendement ayant, hélas ! été rejeté, notre collègue Jean-Pierre Grand proposait aussi de sécuriser les modalités d’élection du maire dans les communes de plus de 1 000 habitants afin d’éviter dans certains cas une nouvelle élection intégrale. Mme la ministre a évoqué une évolution positive, pour ne pas dire « constructive », pour reprendre un mot à la mode.
Dans le texte qui nous est soumis, le consentement clair et précis des candidats à une élection est une garantie supplémentaire pour se prémunir contre les irrégularités qui ont pu empoisonner le bon déroulement des scrutins, notamment lors des élections municipales, régionales et européennes. Tous les élus locaux gardent en mémoire des anecdotes liées aux abus constatés lors de la constitution de certaines listes.
Même si le phénomène reste marginal, il tend à se multiplier et peut jeter le discrédit sur les élus locaux, dont l’immense majorité est pourtant dévouée et disponible pour l’organisation des scrutins. C’est d’ailleurs un lourd engagement, qui permet à la démocratie de vivre et protège la République.
Je veux d’ailleurs saluer ici, à l’occasion du congrès des maires de France, les maires, les conseillers municipaux et les fonctionnaires territoriaux, et les remercier du service qu’ils rendent à la Nation pour que la République soit présente à chaque rendez-vous démocratique. Ils perpétuent la liberté de choisir un destin commun.
Malgré la solidité de notre système électif, pour quelques cas frauduleux, la suspicion gagne du terrain, ce qui n’est acceptable ni pour le pays ni pour les personnes abusées, candidates malgré elles.
Le consentement est la base irréductible d’un engagement public. Les convictions et le programme ne peuvent être portés que par consentement. C’est bien le minimum pour s’assurer de la sincérité de la démarche d’un candidat.
Le plus grave, au-delà de l’atteinte aux personnes abusées, c’est le risque d’amplifier l’abstention si nous ne sommes pas capables de garantir la sincérité absolue de tous les scrutins.
Selon une récente étude de l’INSEE, les élections présidentielles et législatives de cette année ont connu des taux d’abstention records. Ainsi, seuls quatre inscrits sur dix ont participé à tous les tours de ces élections, contre cinq sur dix aux élections de 2002, de 2007 et de 2012.
L’INSEE souligne également que de plus en plus de Français ne votent plus désormais que pour élire le Président de la République. Ainsi, 21 % des inscrits n’ont voté qu’aux deux tours de l’élection présidentielle de 2017, contre 9 % en 2002. L’abstention a touché toutes les classes d’âge en 2017, contrairement aux élections passées.
Ce phénomène est inquiétant, car il fragilise l’action des élus, qui sont portés aux responsabilités par un socle électoral de plus en plus restreint.
Le présent texte doit donc impérativement permettre d’éviter que la situation ne s’aggrave.
Alors, oui, avec pragmatisme, nous sommes favorables sur le principe aux dispositions contenues dans le présent texte, pourvu qu’elles constituent une garantie suffisante pour annihiler toutes les tentatives de fraudes et d’abus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires)
M. François Grosdidier. Très bonne intervention !
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me propose, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, de ne pas réitérer les propos tenus tant par vous, madame la ministre, que par nos collègues Josiane Costes et Christophe Priou, auxquels j’adhère. Vous me permettrez simplement de saluer le travail effectué par notre rapporteur, qui, après l’unanimité à l’Assemblée nationale, après un accord en commission des lois, a fédéré également l’Association des départements de France, l’ADF, et Régions de France. La réponse qu’apporte ce texte suscite plus qu’un consensus, elle fait l’unanimité.
Le groupe La République en marche est favorable aux huit amendements adoptés par la commission des lois, ainsi qu’à celui du Gouvernement, qui tend à prévoir l’ajout facultatif de deux candidats en surnombre.
Permettez-moi maintenant de vous livrer quelques compléments factuels sur la thématique de l’étiquetage des listes. Il est vrai que, si cette étiquette n’est pas portée à la connaissance du grand public, elle figure en revanche dans tous les actes publiés à l’issue des élections et qu’elle peut marquer un élu local, parfois contre son gré. Selon certains élus locaux, il faut donc prévoir l’absence d’étiquette. Peut-être les services de l’État dans les départements pourraient-ils prévoir la possibilité pour un élu, notamment pour un élu rural, de choisir d’être sans étiquette, ou peut-être pourrions-nous en décider lors d’une prochaine discussion sur un autre texte. Certains élus souhaitent en effet protéger leur activité professionnelle ou leur famille. Il s’agirait en outre de ne pas dissuader les vocations, notamment dans les petites communes.
Le groupe La République en marche adhérera donc à la dynamique qui semble unanime ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, être élu sans avoir fait acte de candidature ? On croit rêver ! Si c’est ainsi que sont élus les papes, personne n’étant officiellement candidat à ce poste,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il y a des précédents !
Mme Éliane Assassi. … les candidats aux fonctions électives locales ou nationales ne bénéficient pas des mêmes recours spirituels ! Déposer la candidature de quelqu’un à son insu revient à contourner la règle commune et à fausser les résultats des scrutins.
Les élections municipales de mars 2014 ont permis de mettre en lumière cette pratique, qui est principalement le fait d’un parti dont les élus au Sénat ne sont pas souvent présents.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ni très nombreux !
Mme Éliane Assassi. En mal de candidates et de candidats dans plusieurs communes, il n’a pas hésité à recourir à la tromperie pour pouvoir déposer des listes complètes.
Aussi cette proposition de loi a-t-elle pour objet de mettre fin aux manœuvres auxquelles peuvent se livrer des responsables politiques afin d’enrôler contre leur gré des candidats pour les présenter à différents scrutins locaux. Profitant de la crédulité, et souvent de l’état de faiblesse, de certaines personnes, ils parviennent en effet à leur faire signer des déclarations de candidature au prix de manipulations totalement frauduleuses.
Il n’y a pas matière à épiloguer sur ce texte. Je déplore même qu’il soit nécessaire de légiférer sur un tel sujet, le temps parlementaire étant si précieux. Cependant, il convient de le faire, car, en altérant les résultats du scrutin et en trompant les électeurs, ce parti porte atteinte au bon fonctionnement de notre démocratie et affecte la confiance de nos concitoyens dans leurs institutions.
Deux formalités supplémentaires sont ainsi proposées afin que le consentement des candidats aux élections soit exprimé de la manière la plus claire possible : d’une part, un justificatif d’identité sera désormais exigé ; d’autre part, le formulaire de candidature CERFA du ministère de l’intérieur devra désormais être assorti non plus d’une simple signature, mais d’une mention manuscrite par laquelle la personne manifestera son engagement à se porter candidate sur la liste menée par un responsable nommément désigné.
Ces nouvelles modalités de recueil du consentement nous semblent pertinentes, car elles permettront de s’assurer du caractère personnel, volontaire et éclairé de la démarche.
Pour ces raisons, notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, éviter les « candidats malgré eux » relève du bon sens. L’expérience a montré que des personnes avaient été candidates sans en avoir conscience. Cette situation plutôt exceptionnelle a connu une accélération en 2014 et en 2015.
Je reconnais volontiers à la proposition de loi le mérite d’introduire un mécanisme proportionnel au phénomène dénoncé. Le fait de demander aux candidats de fournir un justificatif d’identité et de rédiger une mention manuscrite portant candidature aux élections concernées, en citant nommément le responsable de la liste, me semble proportionné aux enjeux. Je n’y verrai pas une forme de suradministration.
En prenant connaissance du texte, je me suis demandé s’il s’agissait ou non d’une loi de circonstance. Les différents exemples géographiques et chronologiques donnés par M. le rapporteur permettent d’écarter cette critique.
Un peu plus délicate est probablement la critique concernant la répartition entre domaine législatif et réglementaire. J’ai été attentif, madame la ministre, aux explications que vous nous avez données il y a quelques minutes, ainsi qu’à l’analyse de vos services sur l’essence législative de la démarche proposée au regard de la difficulté démocratique à résoudre.
La liberté de candidature étant préservée et le dispositif bien calibré, le groupe Union Centriste votera ce texte.
La discussion en commission a eu l’avantage de faire émerger deux questions complémentaires et pratiques.
La première concerne le problème des conseils municipaux de plus de 1 000 habitants qui pourraient se révéler non complets en raison de difficultés politiques internes ou, le plus souvent, à la suite d’un décès, d’incidents de vie divers, de mutations professionnelles, voire du fait de l’application de la loi sur le non-cumul des mandats.
Le mandat 2014-2020 est de ce point de vue atypique, le nombre de démissions semblant important à ce jour. Il ne serait pas dénué d’intérêt d’essayer de comprendre les raisons pour lesquelles autant de démissions ont eu lieu au cours de ce mandat. Il a été fait référence tout à l’heure à la Seine-Maritime. Pour ma part, j’ai été surpris par le nombre de dissolutions de conseils municipaux dans mon département, le Tarn, les conseils concernés étant devenus incomplets pour des raisons très variées.
L’idée de l’un de nos collègues d’ajouter deux candidats supplémentaires sur les listes des communes de plus de 1 000 habitants me semble justifiée, la question ne se posant pas, par définition, pour les communes de moins de 1 000 habitants, où les listes peuvent être incomplètes.
Entre la volonté de corriger cette imperfection pour l’avenir et le souhait largement débattu devant notre commission de ne pas compliquer à l’excès la constitution des listes – en passant par exemple de onze à treize candidats dans les communes de 1 000 à 1 500 habitants –, l’amendement du Gouvernement me semble utile, madame la ministre. Il vise à retenir le principe selon lequel les listes pourraient comporter deux candidats supplémentaires, tout en gardant un caractère facultatif.
Une deuxième question n’a pas trouvé sa réponse complète à l’issue du débat en commission : l’obligation faite aux têtes de listes au moment du dépôt en préfecture, soit directement, soit par l’intermédiaire de leurs mandataires, de choisir un rattachement politique.
Je sais bien que, pour le ministère – vous vous en êtes fait l’interprète tout à l’heure, madame la ministre –, il s’agit d’une donnée interne, destinée uniquement à ses analyses, et que le rattachement choisi par la liste n’a pas vocation à être communiqué à l’extérieur. Il n’en demeure pas moins que cette modalité porte atteinte à une certaine forme de liberté, qu’il ne faut pas, me semble-t-il, sous-estimer.
À titre personnel, je suis favorable à ce que, par voie réglementaire, le ministère de l’intérieur rende à nouveau possible pour une liste d’être sans étiquette, ce qui est aussi une manière d’exprimer une opinion. Ce serait humainement et politiquement plus correct vis-à-vis des bonnes volontés locales, dans un texte qui, plus généralement, mérite le plus vif soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi ne pose pas de problème en elle-même. Elle a pour objet d’empêcher que des partis et groupements politiques puissent profiter de l’inattention, voire de l’état de faiblesse, de certains citoyens pour les inscrire, à leur insu, sur une liste de candidats et en faire des « candidats malgré eux ».
Les modalités de dépôt des candidatures aux différentes élections locales, municipales et régionales, sont aujourd’hui des démarches collectives, qui ne prémunissent pas contre des tentatives de manœuvre. Ces démarches sont accomplies par les responsables de liste pour l’ensemble des candidats. Or ces responsables usent parfois de subterfuges pour recueillir le consentement de certaines personnes contre leur gré, profitant ainsi de leur crédulité, et souvent de leur état de faiblesse.
De nombreuses manœuvres ont été ainsi signalées, non seulement lors des élections municipales de 2014, mais aussi, ce qui est encore plus inquiétant, en 2015, lors des élections départementales et régionales.
Ainsi, en ayant signé de fausses pétitions ou, pis, de faux recours devant le Conseil constitutionnel, des électeurs ont en réalité signé des formulaires de candidature et se sont retrouvés candidats malgré eux, avec toutes les conséquences que l’on connaît.
Ces manipulations frauduleuses ainsi organisées sont lourdes de conséquences : elles dupent les électeurs, ruinent la confiance qu’ils peuvent avoir dans les institutions et pénalisent l’ensemble des listes. Elles peuvent en outre engendrer des dépenses publiques nouvelles lorsqu’elles rendent nécessaire l’organisation de nouvelles élections.
Ces manœuvres touchent donc au fondement même de notre démocratie, dont elles remettent en cause le bon fonctionnement.
Il faut également prêter attention au préjudice subi par ces « candidats malgré eux », qui ont vu leur nom associé à un parti politique dont ils ne partagent pas forcément les valeurs.
À cet égard, je partage totalement le point de vue de Philippe Bonnecarrère et d’Arnaud de Belenet : il faudrait sans doute, par voie réglementaire, permettre aux candidats de cocher une case « sans étiquette », ce qui n’est pas possible aujourd’hui.
Enfin, les sanctions prévues par le droit en vigueur ne semblent pas suffisantes pour lutter contre ce type de fraude. Elles induisent même certains effets pervers. Ces sanctions administratives ou pénales sont en effet prononcées après l’élection et n’empêchent donc pas de mentionner ces « candidats malgré eux » dans les actes de propagande électorale et sur les bulletins de vote.
L’annulation du scrutin porte par ailleurs préjudice aux vainqueurs, qui doivent se soumettre à une élection partielle alors même qu’ils ne sont pas responsables des fraudes constatées.
Pour lutter contre ce type de manœuvre, le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit deux nouvelles formalités lors du dépôt de candidature et de l’enregistrement des déclarations de candidature : l’apposition d’une mention manuscrite des colistiers ou suppléants confirmant leur volonté de se présenter à l’élection et la transmission d’une copie du justificatif d’identité des candidats et de leurs suppléants.
La commission des lois a approuvé les objectifs de la proposition de loi, l’inscription de « candidats malgré eux » constituant un problème qui doit être combattu avec fermeté et sans plus attendre, même si certains voient parfois dans ce texte un excès de formalisme.
Il est vrai que la proposition de loi imposerait deux nouvelles formalités aux candidats et rendrait leur démarche un peu plus complexe. De même, les services de l’État auraient de nouveaux documents à vérifier. Mais, au fond, que représente un peu plus de formalisme s’il permet de se prémunir contre tous les types de détournement, toutes les fraudes et de s’assurer du consentement des candidats ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, un dépôt de candidature aux élections n’est pas un acte anodin. Il doit s’agir d’une démarche personnelle et volontaire du candidat, résultant d’un choix éclairé.
La proposition de loi de la députée socialiste Laurence Dumont et de plusieurs de ses collègues a pour objet de mettre fin aux manœuvres auxquelles peuvent se livrer des responsables politiques afin d’enrôler contre leur gré des candidats pour les présenter à différents scrutins. Profitant de la crédulité, et souvent de l’état de faiblesse, de certaines personnes, ils parviennent en effet à leur faire signer des déclarations de candidature au prix de manipulations totalement frauduleuses.
Les scrutins locaux de 2014 et de 2015 ont tout particulièrement mis en lumière ce triste phénomène, la presse ayant parlé de « candidats malgré eux ». On a dénombré de tels candidats au Grand-Quevilly et à Lillebonne en Seine-Maritime, à Orléans dans le Loiret, à Mérignac en Gironde, à Vénissieux dans le Rhône, mais aussi dans le Var…
Le cas des élections municipales de la commune de Giberville, dans mon département, le Calvados, est emblématique. Un responsable local du Front national, qui n’arrivait pas à réunir les candidats nécessaires pour déposer une liste, a fait signer à huit personnes un formulaire de candidature présenté comme une pétition, un parrainage ou une inscription sur les listes électorales. Lorsque les personnes concernées ont pris conscience de la supercherie, une fois le délai de dépôt des candidatures dépassé, il était trop tard : il leur était impossible de demander le retrait de leur candidature. Il ne leur restait alors qu’une seule voie : aller en justice.
Saisi par le maire de la commune, M. Leneveu, le tribunal administratif de Caen a ensuite constaté les irrégularités et annulé l’élection des deux conseillers municipaux qui étaient à l’origine de la fraude, laissant ainsi deux sièges vacants jusqu’aux prochaines élections.
À Giberville comme ailleurs, toutes ces manœuvres sont lourdes de conséquences : elles dupent les électeurs, pénalisent l’ensemble des listes et peuvent engendrer des dépenses publiques, lorsque de nouvelles élections sont nécessaires. Elles touchent au fondement même de notre démocratie, dont elles remettent en cause le fonctionnement.
Nous ne pouvons pas non plus ignorer le préjudice moral subi par ces « candidats malgré eux » et leur famille, qui ont vu leur nom associé à un parti politique, en l’espèce le Front national, dont ils ne partagent pas les valeurs. Le traumatisme – le mot n’est pas trop fort – est particulièrement important dans certaines petites communes.
À la lumière de mon exemple calvadosien, on voit bien qu’il convient d’agir en amont, bien avant que le juge de l’élection ne soit contraint d’intervenir. C’est ainsi que nous pourrons renforcer l’expression de la démocratie et, par là même, la confiance de nos concitoyens.
La proposition de loi que nous examinons ce soir se veut simple et efficace. Elle vise à compléter les formalités de dépôt des candidatures en exigeant deux choses : tout d’abord, une mention manuscrite de chaque candidat, par laquelle celui-ci ou celle-ci s’engage à se porter candidat aux élections concernées, en citant nommément le responsable de la liste ou le candidat titulaire, de manière à s’assurer de la réalité de la volonté du candidat.
Elle impose désormais aussi un justificatif d’identité de chaque candidat pour les scrutins de liste. Ainsi, sans revenir sur le caractère collectif du dépôt des candidatures aux scrutins de liste, qui permet à la tête de liste de déposer pour l’ensemble de la liste, le texte entend s’assurer du caractère personnel de la candidature de chacun des candidats.
Si ces nouvelles modalités de recueil du consentement semblent pertinentes pour s’assurer du caractère personnel, volontaire et éclairé de la démarche, elles doivent néanmoins être complétées.
Je tiens à remercier notre rapporteur, Didier Marie, ainsi que l’ensemble des membres de la commission des lois, pour leur précieux travail qui va permettre à ce texte d’être applicable à l’ensemble des élections.
En effet, le dispositif est désormais étendu aux communes de moins de 1 000 habitants pour les municipales, à l’élection des conseillers de la métropole de Lyon, aux instances représentatives des Français de l’étranger et à l’ensemble des scrutins organisés dans les outre-mer. L’exigence d’un justificatif d’identité est également étendue aux élections législatives, départementales et aux sénatoriales au scrutin majoritaire, ce que ne prévoyait pas le texte issu de l’Assemblée nationale.
Mes chers collègues, cette proposition de loi est à présent complète, simple et claire.
Elle permettra de garantir la sincérité du scrutin et d’éviter que des partis politiques malveillants ne continuent à faire illusion et à recueillir, lors des élections, des sièges fantômes qu’ils sont finalement incapables de pourvoir.
Au nom de l’amélioration que cette proposition de loi apporte au fonctionnement de la démocratie, je la voterai tout naturellement, comme l’ensemble de mes collègues du groupe socialiste et républicain, et plus globalement, j’en suis certaine, comme tous ceux qui sont attachés à ce bien si précieux qu’est le suffrage universel libre et sincère. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)