M. Antoine Lefèvre. Quel fayot ! On ne l’aurait jamais coiffé d’un bonnet d’âne, lui… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Je ne sais pas pourquoi il évoque l’année 1986… Ce que je sais, c’est que l’avenir nous dira si cette affirmation est vraie et que je vous connais pour un homme pragmatique, réaliste et compétent.
Votre budget représente le premier budget de la Nation : 50 milliards d’euros ! Il doit être orienté vers la réussite de nos enfants, de tous nos enfants. Vous possédiez une expérience professionnelle avant ce parcours politique, contrairement peut-être aux ministres qui vous ont précédé, dont certains avaient pour seule ambition de laisser leur nom à une loi finalement vite oubliée, inefficace et insatisfaisante.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Jacques Grosperrin. Nous serons à vos côtés dans la mesure de nos moyens.
Néanmoins, vous devrez lever tous les tabous et votre stylo ne devra pas trembler. Il faudra ainsi mettre en place la réforme des programmes, peut-être réfléchir sur les méthodes d’enseignement, et revoir le statut des enseignants et leur classement, qui a été toiletté en 2015, alors qu’il n’avait pas évolué depuis 1950.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Oui, c’est un sujet important !
M. Jacques Grosperrin. Il vous faudra également revoir la place et le statut des directeurs d’école au travers de l’école du socle commun, engager la réforme du baccalauréat, qui est fondamentale, parce que les économies ainsi obtenues pourraient alors porter sur le primaire, et que l’on sait que tout est déjà joué à six ans. Vous aurez aussi à lancer la réforme des ESPE, les écoles supérieures du professorat et de l'éducation, car les résultats ne changeront pas si l’on conserve les mêmes enseignants au sein de structures identiques.
Je veux néanmoins insister sur quatre points : le dispositif « Devoirs faits », le dédoublement des classes, l’assouplissement de la réforme du collège et les rythmes scolaires.
Le programme « Devoirs faits » constitue une belle initiative. Dans mon département, il est proposé dans vingt à deux cents établissements ; en revanche, il concerne beaucoup trop de classes de sixième et une majorité de filles. Il faudra informer et cibler les élèves qui en ont besoin avec l’aide des professeurs principaux. Une réflexion spécifique s’impose toutefois pour les établissements ruraux, car ceux-ci dépendent des transports scolaires. En outre, la pause méridienne doit rester un temps de pause.
En ce qui concerne les missions de service civique, les candidatures sont en nombre moins important que dans les autres administrations, car les contrats sont de trente heures contre vingt-quatre heures ailleurs.
S’agissant du dédoublement des classes, la mise en place des classes de cours préparatoire à douze élèves est efficace. Elle a cependant un coût pour les communes. En outre, comment faire lorsque l’établissement ne dispose pas des locaux pour mettre en place ce dispositif ? En tout cas, cette mesure a suscité une grande motivation chez les enseignants.
Pourriez-vous également nous indiquer comment vous prévoyez de financer le dispositif « plus de maîtres que de classes » ? Même si ce projet est jugé très positif par la communauté éducative, il engage la responsabilité de tous les enseignants de l’enseignement primaire pour atteindre 100 % de réussite.
En ce qui concerne l’assouplissement de la réforme du collège, quid des enseignements pratiques interdisciplinaires, les EPI ? Les corps d’inspection prônaient leur continuité et les équipes s’étaient largement engagées autour de leur réussite.
Enfin, je veux évoquer les rythmes scolaires. Je sais que les demandes sont variées en matière d’évolution du temps scolaire. Tendance générale dans mon département, plus de quatre-vingt-quatre communes sont entrées dans ce système, essentiellement dans le Haut-Doubs.
J’ai deux remarques à formuler sur le sujet : la première concerne le refus opposé par les directeurs académiques de modifier le temps scolaire en raison des conséquences que ce changement entraîne sur les transports scolaires ; la seconde reflète une inquiétude : une consultation générale sur les rythmes scolaires, lancée à Besançon, a été adressée à l’ensemble des habitants : quid alors des décisions des conseils d’école en la matière ?
En conclusion, monsieur le ministre, je tiens à souligner que nous avons confiance en vous et en vos services. L’avenir et le déroulement de votre politique nous prouveront, je l’espère, le bien-fondé de cette confiance que nous espérons partagée.
Comme d’autres collègues ici sur toutes les travées, je souhaite que les clivages politiques s’effacent autour de ce projet commun à destination de notre jeunesse, comme c’est le cas dans d’autres pays.
Monsieur le ministre, je formule enfin le vœu que vous ne soyez pas l’homme d’un grand soir, comme certains qui ont en fait obscurci l’avenir de nos élèves, mais plutôt l’homme des petits matins qui réveillera et enchantera nos élèves ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget de l’éducation nationale figurant dans le projet de loi de finances pour 2018 est un budget de confiance, qui met en œuvre les engagements du Président de la République.
Il s’agit encore et bien naturellement du premier budget de la Nation en valeur. Pour la première fois, la dotation de l’enseignement scolaire dépasse le seuil des 50 milliards d’euros. Il convient d’y ajouter le budget consacré à la jeunesse et à la vie associative pour plus de 500 millions d’euros, ce qui représente un budget total de 50,6 milliards d’euros. Cette dynamique va se poursuivre, puisque les crédits de la mission « Enseignement scolaire » atteindront 52 milliards d’euros en 2019 et 52,6 milliards d’euros en 2020.
Évidemment, il ne s’agit pas simplement de dépenser de l’argent pour en dépenser. Encore faut-il avoir des objectifs et mettre des moyens à leur service. La priorité sur l’école primaire, le dédoublement des classes de cours préparatoire dans les zones d’éducation prioritaire, le programme « Devoirs faits », les stages de réussite sont autant d’actions mises en place, dont nous pouvons être fiers.
Je tiens à saluer la volonté du Gouvernement d’honorer ses engagements et de tracer un cap vers une école de la confiance, inspirée par trois mots : République, excellence et bienveillance.
Nous devons garantir la réussite de 100 % des élèves à l’école primaire. En effet, aujourd’hui, plus de 20 % des élèves sortent de l’école primaire sans savoir correctement lire, écrire ou compter, et ces difficultés concernent plus particulièrement les enfants issus de milieux défavorisés.
La situation actuelle s’accompagne d’un sous-investissement chronique dans le premier degré. Le projet de loi de finances pour 2018 renverse significativement cette tendance. Nous devons faire en sorte que chaque élève quitte l’école primaire en maîtrisant la lecture, l’écriture et les chiffres, et qu’à cette période de sa scolarité, il ait acquis la compétence indispensable qu’est le respect. Cette lutte se fera à la racine de la difficulté scolaire, dès les premières années de la scolarité donc.
Nous devions agir tout de suite. Aussi, depuis le mois de septembre, le nombre d’élèves en cours préparatoire en réseau d’éducation prioritaire renforcée, REP+, a été limité à douze. Une fois de plus, l’action a succédé à l’engagement du Président de la République.
Le projet de loi de finances pour 2018 poursuit cette action et, à terme, plus de 11 000 classes de CP et de CE1 seront concernées. Dans une note de septembre 2017, l’institut des politiques publiques relevait que les effets d’une telle mesure « sont élevés, si on les compare à d’autres politiques scolaires menées à grande échelle et rigoureusement évaluées. » Les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain. Sans l’acquisition de ces fondamentaux, comment construire sa vie professionnelle, comment vivre pleinement sa citoyenneté ?
Par ailleurs, l’école est un incubateur, un révélateur de talents. Elle doit permettre à chaque élève de déceler et cultiver celui qui est le sien. C’est ainsi que l’on atteint sa propre excellence. Pour ce faire, des réponses éducatives adaptées aux réalités du terrain et aux besoins des élèves doivent être apportées.
Des moyens sont dégagés dans le projet de loi de finances pour 2018 pour donner davantage de libertés aux communautés éducatives, pour que les acteurs de terrain disposent de leviers plus nombreux pour innover et répondre le mieux possible aux besoins des élèves, notamment sur les rythmes scolaires.
Cette liberté donnée et cette confiance témoignée envers les professeurs et les personnels se traduiront également par un soutien constant de l’institution dans l’exercice de leurs missions et dans leurs initiatives. Depuis la rentrée 2017, les établissements et les enseignants bénéficient de marges de manœuvre accrues, en échange desquelles ils font l’objet d’une évaluation et auront à se responsabiliser dans le cadre de contrats d’objectifs liant les établissements publics locaux d’enseignement et les autorités académiques.
C’est dans cet esprit que la réforme du collège a été assouplie à la rentrée 2017. Les parents doivent avoir confiance dans les communautés éducatives, dans les formations qu’elles dispensent et, bien sûr, dans les formations dont elles disposent.
Je me permets de mettre l’accent sur la formation qui est, selon moi, la clef de voûte de tout bon système éducatif. La formation des professeurs joue un rôle crucial pour relever le défi auquel la France fait face. Elle doit se caractériser par une entrée plus progressive dans le métier, grâce notamment au développement des formules de prérecrutement. Par ailleurs, la formation initiale et la formation continue ont vocation à se nourrir davantage des apports de la recherche de haut niveau reconnue internationalement et de l’expérience des praticiens. Le projet de loi de finances pour 2018 y contribue.
Enfin, l’école doit être bienveillante et personnaliser le parcours de chaque élève. Le programme « Devoirs faits » en est un exemple. Il permettra aux collégiens de trouver un accompagnement et une aide face aux difficultés rencontrées durant les révisions et des exercices d’approfondissement.
Pour conclure, le présent projet de budget traduit l’engagement du Président de la République et de la majorité en faveur de la jeunesse de notre pays. Surtout, et c’est essentiel, il est destiné à lutter concrètement contre l’échec scolaire. Il engage les transformations indispensables pour faire émerger l’école de la confiance qui construira l’avenir de notre pays. C’est le cœur de notre redressement et de notre rayonnement.
Bien entendu, le groupe La République En Marche soutient totalement votre action, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord vous remercier de tous les propos que je viens d’entendre.
Vos interventions montrent bien, je crois, la passion qui existe dans notre pays pour l’éducation. Vous avez d'ailleurs été nombreux à rappeler que l’éducation était le premier sujet, non seulement d’un point de vue budgétaire, mais aussi du point de vue de la société dans son ensemble.
En vous écoutant, j’ai également eu le sentiment, partagé par plusieurs de ceux qui sont intervenus à la tribune, qu’il était possible de trouver un consensus national, une unité nationale autour de l’école. En disant cela, je n’essaie pas de gommer certaines des différences exprimées ici ou là. J’essaie simplement de faire référence aux pays qui vont bien en ce moment, aux pays dont les systèmes scolaires connaissent la réussite et qui ont réussi à bâtir une « école de la confiance », expression que vous avez été plusieurs à reprendre et qui représente en effet la clef de la réussite d’un système.
Une école fonctionne lorsque la société a confiance en elle et lorsque l’école à son tour produit de la confiance. Pour produire de la confiance, il faut évidemment un budget solide – je crois que ce budget est solide et vais essayer de le montrer –, mais il faut aussi que ce budget corresponde à des objectifs qualitatifs. Le premier de ces objectifs qualitatifs, vous le savez, c’est de donner les savoirs fondamentaux à tous les élèves à la sortie de l’école primaire. Si nous n’atteignons pas cet objectif, nous ne réussirons pas le reste.
Cette après-midi, j’assistais en Sorbonne à une conférence appelée « Les Controverses de Descartes », où il était justement question de cet accès aux savoirs fondamentaux et de la qualité des apprentissages. Devant une assemblée qui était cette fois-ci davantage scientifique, j’ai été frappé de voir que, là encore, de nouveaux consensus étaient envisageables, tout simplement parce que nous continuons d’apprendre avec le temps sur ces sujets.
En France, nous sommes déjà passés par nombre de batailles, de disputes, de querelles sur l’école. Aujourd’hui, il est possible d’espérer, non pas la fin des débats, car il en faudra toujours, mais, en tout cas, le franchissement d’un seuil, grâce à l’identification des leviers de la réussite.
Pendant la conférence dont je viens de parler, Érik Orsenna a déclaré que les savoirs fondamentaux, c’était « l’accès à l’accès ». Il s’agit de l’une des meilleures synthèses que j’ai entendues sur cette question ! Cet accès à l’accès constitue en effet la condition même de la réussite de la République. Les citoyens de notre pays auront besoin d’avoir accès à l’accès, et ce tout au long de leur vie, qui sera toujours plus longue et qui se caractérisera toujours plus par la formation tout au long de la vie. Or, fondamentalement, cet accès à l’accès se crée au cours des premières années de la vie.
C’est pourquoi la première caractéristique de ce budget est la priorité donnée à l’école primaire : lire, écrire, compter et respecter autrui sont les quatre piliers du primaire. Derrière cette priorité budgétaire, il existe un volontarisme pédagogique. L’objectif est d’attaquer la difficulté scolaire à la racine.
Vous êtes plusieurs à l’avoir rappelé : c’est le sens du dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les zones d’éducation prioritaire. Après 2 500 classes dédoublées cette année, nous souhaitons en dédoubler 6 000 autres au cours de la rentrée scolaire 2018. Ce sera l’année la plus importante pour l’accomplissement de cet engagement présidentiel.
En 2019, nous continuerons cette politique, avec le dédoublement des CE1 en REP. En réponse à certains orateurs, je tiens d'ailleurs à souligner que cette mesure sera mise en œuvre. Je ne sais pas ce qui laisse imaginer qu’il pourrait en être autrement !
Nous sommes au mois de novembre 2017 et nous évoquons une mesure qui doit entrer en vigueur au début du mois de septembre 2018. Nous travaillons avec les communes pour que la dimension physique de cette mesure de dédoublement des classes puisse se concrétiser. Cela ne va pas de soi et demande évidemment du travail, dans la mesure où nous rencontrons quelques difficultés dans un certain nombre de cas.
Toutefois, je me souviens que le scepticisme était également de mise au mois de juin dernier, lorsque nous déclarions que nous réussirions à mettre en œuvre la mesure pour les CP en REP+. Ce scepticisme a duré jusqu’au 4 septembre dernier, date à laquelle nous étions en mesure de dédoubler physiquement les classes dans 85 % des cas, et d’accomplir la mesure dans 100 % des cas, c’est-à-dire de disposer de deux maîtres.
Nous sommes donc tout à fait sereins et optimistes sur le fait que nous atteindrons cet objectif. Je note avec grand plaisir qu’il s’agit précisément d’une mesure socle, qui a reçu, me semble-t-il, un assentiment général à cette tribune.
Cette disposition est d’autant plus fondamentale qu’elle ne concerne pas que les élèves directement visés, qui sont plusieurs dizaines de milliers. Elle joue aussi un rôle, celui d’être la pointe avancée de notre politique de l’école primaire, qui se caractérise autant par ses aspects pratiques et pédagogiques que par son aspect psychologique.
Nous allons à la racine même des difficultés et des inégalités sociales, puisque l’objectif est réellement de faire le maximum pour compenser les difficultés qui apparaissent au cours des premières années de la vie, dans les territoires les plus défavorisés. En effet, nous savons que c’est là que se concentre, non pas la totalité, mais une bonne partie de la difficulté scolaire.
À ce moment de mon intervention sur l’enseignement primaire, je voudrais insister sur les effets de la politique qui est conduite sur la ruralité.
Notre action dans les réseaux de l’éducation prioritaire renforcée touche beaucoup les milieux urbains, et seulement en partie les milieux ruraux. Toutefois, elle s’accompagne d’une action attentive et qualitative vis-à-vis des écoles rurales. Avec le sénateur Alain Duran, qui s’est impliqué dans l’analyse des contrats départementaux que nous signons en la matière, je me suis engagé à poursuivre cette politique, mais surtout à l’approfondir.
Nous ne voulons plus nous trouver sur la défensive en matière de politique scolaire rurale. Et pour être à l’offensive dans les années à venir et contribuer à un renouveau rural, il faudra être capable de conduire des projets qualitatifs pour les écoles et pour les collèges ruraux, lesquels contribueront à leur rendre leur attractivité, à restaurer toute leur qualité pédagogique et à leur donner toute leur pertinence sur le plan budgétaire, ainsi que toute leur efficacité.
Nous voulons accompagner les élèves vers la réussite dans tous les territoires, qu’il s’agisse des territoires urbains, des territoires dits « périphériques » ou des territoires ruraux.
Le projet de loi de finances pour 2018 traduira cette ambition. Il le fera également au travers de l’accomplissement de l’engagement présidentiel en matière de rémunération des personnels en réseau d’éducation prioritaire renforcée : nous travaillons au versement d’une prime dont le montant pourrait s’élever jusqu’à 3 000 euros. Cette mesure est évidemment prévue dans le budget à partir du mois de septembre. Je discuterai avec les organisations syndicales au cours des prochains mois pour déterminer les conditions exactes de la mise en œuvre de cette disposition.
Accompagner les élèves vers la réussite passe d’abord par l’école primaire, mais cet objectif se poursuit évidemment avec le collège.
C’est tout le sens du programme « Devoirs faits », et je remercie les uns et les autres de l’avoir souligné à cette tribune. Nous sommes là aussi devant une mesure qui fait consensus, tout simplement parce que chacun voit bien l’intérêt d’encourager le travail individuel et collectif des élèves, leur travail personnel, et cela sur une base qui permette d’atténuer, voire de diminuer de façon décisive les inégalités liées au milieu familial. C’est pourquoi une enveloppe budgétaire considérable de l’ordre de 220 millions d’euros est consacrée à ce dispositif.
Le soutien des élèves les plus en difficulté va de pair avec une logique de l’excellence.
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité le rétablissement des classes bilangues, ainsi que celui des classes de latin et de grec là où elles avaient été supprimées. C’est également la raison pour laquelle nous encourageons les sections européennes et les sections internationales. Sur ce sujet, j’ai également entendu les raisonnements des différents intervenants. J’aimerais que nous parvenions, là encore, à des convergences sur cette question, parce qu’il est démontré que l’existence de ces sections ne profite pas seulement aux élèves concernés ; elle contribue aussi à la requalification des collèges qui les proposent.
Aujourd’hui, si l’on veut de la mixité sociale, si l’on veut que les collèges ruraux et les collèges de banlieue attirent de nouveau les élèves, il convient de prendre des initiatives de ce type. J’ai fréquemment visité des collèges qui avaient réussi dans cette voie. Dans le passé, nous avons su prendre des mesures spécifiques. C’est par la différenciation, grâce au projet éducatif de chaque établissement, et par notre capacité à donner davantage aux établissements les plus fragiles, que nous réussirons à diminuer les inégalités sociales et à tendre concrètement vers davantage d’égalité. Ce n’est certainement pas par une politique d’uniformité.
La difficulté scolaire est donc prise en compte dans ce budget. Cette prise en considération se traduit notamment par le dispositif « Devoirs faits ». Elle se concrétise également par les stages de réussite pendant les vacances, qui auront beaucoup d’importance : les crédits alloués passent ainsi de 15 millions d’euros à 35 millions d’euros. Elle se manifeste enfin par une évolution sur la question du redoublement, mesure dont je tiens à dire qu’elle est au cœur de l’actualité aujourd'hui, parce que nous venons de transmettre un projet de décret aux organisations syndicales sur le sujet.
Pour être tout à fait clairs, nous ne souhaitons pas qu’il y ait davantage de redoublements à l’avenir – cela n’a jamais été l’objectif ; nous voulons seulement prévenir le redoublement de façon efficace grâce à ces mesures de soutien scolaire.
Prévenir le redoublement, c’est justement le rendre crédible et faire en sorte que les professeurs, comme les parents et les chefs d’établissement, soient placés dans une situation qui leur permette de prendre des décisions rationnelles, en sachant que ces situations sont différentes d’un enfant à l’autre, d’un élève à l’autre.
La question des difficultés scolaires sera traitée, non pas en cassant les thermomètres ou en en finissant avec ce qui permet de mesurer les difficultés et d’en tirer les conséquences, mais en prenant cette difficulté en amont, notamment par le soutien scolaire, au travers – je le répète – du dispositif « Devoirs faits » et des stages de réussite pendant les vacances.
Il faut également traiter les difficultés sociales, la pauvreté et la grande pauvreté, qui touchent évidemment le système scolaire. Environ un élève sur dix peut être touché par cette grande pauvreté. Aussi devons-nous la regarder en face si nous voulons être efficaces à l’avenir.
C’est pourquoi nous revalorisons de 25 % les bourses de collège attribuées sur critères sociaux, disposition qui est effective depuis la rentrée scolaire 2017 et qui représente 43 millions d’euros supplémentaires dans le budget qui vous est soumis.
Derrière ces difficultés sociales, il y a évidemment des enjeux de santé, qui ont été évoqués tout à l’heure. Sur ce point également, je tiens à dire que l’enjeu est davantage qualitatif que quantitatif : nous ne manquons pas de postes de médecins scolaires, mais l’école manque d’attractivité pour les médecins.
Après s’être réunis dans un cadre interministériel, les ministères de la santé et de l’éducation nationale ont décidé de faire évoluer cette politique, en rendant les postes plus attractifs et, surtout, en tentant de mobiliser des médecins non scolaires. L’objectif est de faire en sorte que la visite médicale prévue pour tous les élèves français de moins de six ans puisse avoir lieu dans les faits. Nous savons que cette mesure sociale, cette mesure sanitaire, aura des effets pédagogiques et éducatifs à terme.
Il s’agit d’un travail en profondeur qui, là encore, est novateur. Même s’il ne se traduit pas dans ce budget par une hausse de crédits, il y a bien là une politique, clairement conduite.
De même, l’école inclusive va évidemment faire des progrès à la faveur de ce budget. L’accueil des élèves en situation de handicap est une priorité, partagée par les différentes majorités. Il nous faut mener des actions de long terme sur cette question.
Pour ce faire, nous devons d’abord être attentifs aux contrats aidés consacrés à cette politique. Vous le savez, quelles que soient les difficultés dans ce domaine, nous avons maintenu pour la rentrée le nombre de contrats aidés pour l’accueil des élèves en situation de handicap : ils sont désormais au nombre de 50 000. Nous avons également maintenu le nombre d’AESH, c'est-à-dire d’accompagnants des élèves en situation de handicap, qui étaient 11 200. Nous en avons même accru les effectifs, puisque nous en avons embauché 8 000 de plus pour cette rentrée. Il y en a donc désormais 20 000.
À la rentrée prochaine, nous créerons de nouveaux postes d’AESH, dont certains se substitueront aux contrats aidés. Cet engagement est cohérent avec notre politique en matière de contrats aidés : nous cherchons en effet à accroître le nombre des contrats les plus robustes.
Je le répète, l’enjeu quantitatif ne doit pas gommer l’enjeu qualitatif qui est encore plus important. Ce qui sera efficace en la matière, c’est la formation des professeurs et des personnels dédiés à cette problématique. La secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, et moi-même y travaillons actuellement. De nombreuses évolutions sont donc à attendre en la matière.
Nous allons vers une école plus inclusive, mais également vers une école capable de travailler davantage avec les collectivités locales. Sur ce point, il est très important de le souligner, nous allons conduire avec les départements la politique rurale dont j’ai parlé tout à l’heure, mais aussi travailler sur les enjeux sociaux et les enjeux pédagogiques qui concernent parfois les collectivités. En disant cela, je fais référence à la fois au plan numérique, puisqu’il en a été question, et à tout ce qui concerne les manuels scolaires.
En ce qui concerne le plan numérique, nous considérons que des investissements ont été engagés. Nous les honorerons. Toutefois, une fois encore, l’objectif n’est pas seulement quantitatif, il est qualitatif. Nous avons davantage besoin de former les professeurs dans ce domaine que de tablettes numériques déversées sans discernement dans les collèges. Nous poursuivrons donc les politiques d’équipement, mais nous donnerons la priorité aux politiques pédagogiques et de formation.
S’agissant des manuels scolaires, je sais que certains d’entre vous ont déposé des amendements sur cette question. C’est pourquoi je tiens à préciser à cette tribune que je n’ai jamais dit qu’il y aurait un transfert de charges vers les départements. Je souhaite que le débat puisse s’engager sur cette question, sans qu’il y ait de préjugés en la matière. Je me suis contenté de souligner qu’il y avait quelque chose d’irrationnel à faire peser cette charge sur l’État quand il s’agit des manuels du collège, alors que la charge incombe aux communes quand il s’agit des manuels du primaire et sur les régions quand ce sont ceux du lycée.
Je n’ai donc jamais dit qu’il fallait transférer cette charge aux départements. On pourrait même imaginer l’inverse (M. Claude Raynal s’exclame.) et interpréter mes propos comme exprimant la volonté de faire supporter le coût des manuels, du primaire au lycée, à l’État !
En réalité, je n’ai affirmé ni l’un ni l’autre. (Sourires.) J’ai simplement invité à une réflexion sur le sujet. Sur ces questions, il est important de pouvoir lancer des débats sans crier au procès d’intention. Aucun changement sur le plan budgétaire ni aucun transfert de charge vers les départements ne sont prévus en matière de manuels scolaires.
En revanche, les crédits pour le renouvellement des manuels scolaires sont en baisse par rapport à l’année dernière, ce que nous assumons pleinement.
En effet, comme vous le savez, le Gouvernement a décidé de modifier les programmes du collège il y a deux ans, ce qui a induit, comme il est d’usage, une augmentation des crédits pour équiper les établissements en manuels scolaires. Cette hausse est intervenue durant les deux dernières années. Il faut donc comparer le montant des crédits prévus cette année à ceux d’il y a trois ans, comparaison qui ne révèle finalement aucune baisse.
Lorsque des changements de ce type sont programmés, un certain nombre de pressions s’exercent sur le ministère pour maintenir le niveau des crédits destinés à l’achat des livres. Ces pressions existent, je les connais, mais nous ne sommes pas obligés de nous y soumettre. Et, pour ma part, je ne m’y soumettrai pas !
Dans les années à venir, un partenariat solide sera conclu avec les départements, parce que les enjeux liés au collège sont très importants et dépassent évidemment les quelques sujets que je viens d’aborder.
Pour terminer, je voudrais dire deux mots du lycée, enjeu d’une réforme systémique. Sur le plan comptable, le budget 2018 ne se traduit pas par une hausse ou une baisse particulière des crédits.
En revanche, nous engageons une réforme du baccalauréat. Comme vous le savez, cette réforme donnera ses pleins effets en 2021. Il est donc normal que vous ne voyiez rien de spécial sur le plan budgétaire cette année. Néanmoins, comme vous l’avez mentionné, je tiens à vous répondre que, après la réforme du baccalauréat, nous projetons en effet une réforme systémique du lycée, qui doit nous permettre d’avancer qualitativement.
Sur le plan budgétaire, nous donnons la priorité à l’école primaire. En effet, aujourd’hui, c’est une caractéristique française que de ne pas consacrer assez de moyens à ce niveau d’enseignement. Aussi existe-t-il une certaine rationalité à mettre l’accent sur le primaire dans le budget qui vous est soumis.
Cela ne signifie absolument pas qu’aucune évolution qualitative importante ne sera mise en œuvre pour le collège et le lycée, mais on peut, dans ce domaine, formuler un souhait : que les débats ne se cantonnent pas à l’augmentation ou à la réduction du nombre de postes.
En réalité, nous travaillons plutôt sur une perspective de stabilité des effectifs. Mais avec le nombre de postes dont nous disposons, qui est largement suffisant pour assurer la qualité du service public – je rappelle que nous comptons 850 000 professeurs en France pour environ 12 millions d'élèves, des chiffres comparables à ceux de nos voisins –, nous pouvons faire aussi bien, voire mieux qu’eux, en déployant des politiques qualitatives.
C’est la voie dans laquelle nous sommes engagés, mesdames, messieurs les sénateurs, au travers des réformes que vous avez appelées de vos vœux dans vos interventions.
Je pense à la formation des professeurs, au rapprochement entre les familles et l’école, qui est un facteur décisif de réussite du système scolaire. Je pense évidemment à la cohérence entre ce que nous faisons en matière de savoirs fondamentaux et ce que nous faisons en matière d'ouverture vers d’autres disciplines, notamment par l'éducation artistique et culturelle, par le déploiement à venir des activités périscolaires et grâce au plan « mercredi », que nous préparons avec le ministère de la culture et le ministère des sports.
Derrière cette approche globale se trouve une vision qualitative du temps scolaire. Le budget 2018 en est la traduction, puisqu’il est lui-même, évidemment, l'amorce d'évolutions systémiques pour les prochaines années. Pour ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l'approuver. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)