M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà quelques semaines, l’INSEE confirmait les effets de la reprise économique en cours, avec 240 900 emplois salariés créés en un an, malgré un léger ralentissement au troisième trimestre de 2017.
Cependant notre pays connaît encore un taux de chômage de 9,7 %, avec 3 400 000 chômeurs inscrits à Pôle emploi en octobre dernier.
C’est la raison pour laquelle le Président de la République, le Gouvernement et sa majorité sont engagés dans une politique de réforme structurelle majeure de l’assurance chômage, de la formation professionnelle et de l’apprentissage, avec pour objectif de réduire le taux de chômage à 7 % en 2022.
Les crédits de la mission « Travail et emploi » que nous examinons aujourd’hui sont indissociables de ces réformes, ainsi que des mesures générales de réduction du coût du travail inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ce nouveau contexte justifie les orientations du budget de l’emploi pour 2018 dont les crédits seront de 15,2 milliards d’euros en crédits de paiement, et de 13,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement.
Il s’agit d’abord de recentrer l’intervention et le soutien de l’État sur les publics et territoires qui en ont le plus besoin.
Ensuite, et surtout, il faut agir sur l’emploi durable en investissant dans les compétences, en priorité pour les personnes peu qualifiées. Le plan d’investissement dans les compétences sera ainsi doté de 15 milliards d’euros sur cinq ans. Dès 2018, 500 millions d’euros sont consacrés au démarrage de ce plan, en particulier pour la montée en charge de la garantie jeunes.
Enfin, il faut accompagner les acteurs économiques dans l’anticipation et la gestion des transitions économiques.
Le groupe La République en Marche partage entièrement ces priorités et orientations, ainsi que leur traduction dans les quatre programmes composant la mission dont il votera les crédits.
Sans entrer dans le détail de chacun de ces programmes, quelques points méritent d’être soulignés.
S’agissant du programme 102 « Accès et retour à l’emploi », le choix assumé par le Gouvernement sera de recentrer les outils d’insertion professionnelle au bénéfice des personnes les plus éloignées du marché du travail ou qui rencontrent des difficultés spécifiques, tels les travailleurs handicapés.
Ainsi, à la différence des contrats de génération, les emplois aidés seront maintenus à hauteur de 200 000 contrats dans le secteur non marchand en 2018, pour 1,46 milliard d’euros.
Priorité sera donnée aux jeunes en insertion et aux chômeurs de longue durée, aux territoires ultra-marins et ruraux, ainsi qu’aux secteurs de l’urgence sanitaire et sociale et à l’accompagnement des enfants handicapés en milieu scolaire.
Cet été, le choc a été d’autant plus difficile à surmonter que nombre de collectivités et d’associations, peut-être ingénument, n’avaient pas anticipé que seuls 280 000 contrats aidés avaient été budgétés en 2017, contre 459 000 en 2016.
La diminution programmée des emplois aidés pour donner la priorité à la formation professionnelle est une stratégie que nous soutenons. Pour autant, convenons qu’une décrue plus progressive et laissant du temps à la pédagogie n’aurait rien gâché.
S’agissant toujours du programme 102, nous tenons à souligner les efforts budgétaires réalisés pour la garantie jeunes, pour l’insertion par l’activité économique avec 5 000 nouveaux postes conventionnés, pour les entreprises adaptées avec 1 000 nouvelles aides au poste pour les travailleurs handicapés.
Les crédits des écoles de la deuxième chance et des établissements publics d’insertion de la défense, les EPIDE, dont je tiens à saluer le remarquable travail auprès des jeunes, seront stables en 2018.
Enfin, ce programme intègre la nouvelle action n° 03, Plan d’investissement des compétences, axée sur la garantie jeunes pour 2018, avant de monter en charge au fur et à mesure du déploiement du PIC.
Il y a en effet urgence à insérer les 1,8 million de jeunes en situation de grande précarité qui ne sont ni étudiants, ni en emploi, ni en formation. Le coût total du dispositif pour 2018 est de 514,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 503,27 millions d’euros en crédits de paiement.
S’agissant du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi », je souhaite insister sur l’importance de l’action n° 02, qui vise principalement à soutenir le développement de l’alternance, des contrats d’apprentissage et de professionnalisation.
Ces crédits sont stables en 2018 et ceux du compte d’affectation spéciale progressent de 59 millions d’euros en 2018, dans l’attente de la réforme de l’apprentissage et de l’alternance, dont je ne saurais trop souligner l’importance fondamentale : il faut simplifier, dynamiser, disons-le, il faut rendre « sexy » cette voie d’accès à la vie active qui est aussi une voie d’excellence. J’attends donc avec impatience les crédits pour 2019 et pour les années suivantes.
Madame la ministre, moi qui suis Européenne convaincue et élue du Haut-Rhin, je ne peux que conclure par un plaidoyer pour les échanges européens et la mobilité des apprentis. Le programme Erasmus est, à juste titre, un trentenaire acclamé. Son petit frère, « Erasmus plus », ne demande qu’à connaître la même destinée, pourvu que la volonté politique lui donne des ailes.
Mme Nathalie Goulet. Jean Arthuis s’en occupe !
Mme Patricia Schillinger. Il y faudra beaucoup de ténacité, car les législations du travail sur les apprentis diffèrent grandement au sein de l’Union.
Notre jeunesse européenne mérite un tel effort, car elle a besoin du ciment qui la tiendra « unie dans la diversité », comme le proclame la devise de l’Union. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une contraction drastique des crédits de la mission « Travail et emploi » puisque, à périmètre constant, les crédits de paiement, comme les autorisations d’engagement, diminueront de 1,5 milliard d’euros.
Vous avez indiqué, madame la ministre, que ce budget marquait votre volonté de rénover profondément le modèle social. Il s’inscrit effectivement dans une logique globale de transformation du modèle social, dans le droit fil des contre-réformes du code du travail que nous avons combattues et de celles annoncées sur l’assurance chômage, sur les retraites et sur l’apprentissage.
La baisse des crédits de la mission « Travail et emploi » est essentiellement due à la réduction de moitié du nombre de contrats aidés, pour une économie de 1,4 milliard d’euros environ.
Je m’attarderai, comme plusieurs de mes collègues, sur ce point. La décision brutale, annoncée durant l’été, de ne pas renouveler nombre de ces contrats a entraîné d’importantes difficultés pour les collectivités territoriales et les associations, à quelques semaines de la rentrée scolaire, et jeté dans la détresse les bénéficiaires non reconduits.
Certes, la baisse du nombre de contrats aidés avait été engagée dans la loi de finances précédente, mais vous la poursuivez, alors que les effets négatifs commencent à se faire sentir sur le terrain. Le sentiment d’incompréhension des associations, fortement impactées, est grandissant. De nombreux parents d’élèves, comme à Lens, dans ma circonscription, se mobilisent contre la suppression des adjoints administratifs de directeurs d’école et dénoncent les risques que font courir ces disparitions d’emplois en matière de sécurité.
Mais il faut parler aussi de la colère légitime des maires, placés brutalement devant le fait accompli, cet été. Le Président de la République a reconnu lui-même, devant le congrès des maires, que les collectivités n’avaient pas été « dûment concertées ». Il avait ajouté vouloir maintenant qu’elles le soient pleinement. Je vous pose la question, madame la ministre : où en est la concertation avec les collectivités et les représentants des associations ? Quelles solutions de fond et quelles alternatives proposez-vous si vous persistez dans votre intention de supprimer ou de diminuer fortement les contrats aidés ?
Entendons-nous bien, je ne défends pas ici le statu quo ni la généralisation de l’emploi précaire – ce ne serait pas dans les gènes des communistes. Des abus ont pu être commis, les résultats en termes d’insertion durable dans l’emploi étaient peut-être insuffisants, encore qu’il faille les moduler quelque peu eu égard au public concerné.
Toujours est-il que ces résultats existent. Je vous renvoie d’ailleurs à l’étude de la DARES selon laquelle, en 2015, si 67 % des contrats aidés du secteur marchand ont débouché sur un emploi au bout de six mois, ce taux atteint tout de même 41 % pour le secteur non marchand. Nous savons combien ces possibilités d’insertion étaient vécues comme une nouvelle chance par bon nombre de bénéficiaires, qui trouvaient souvent la réussite au bout.
Le système devrait donc être amélioré et non supprimé, surtout que vous ne proposez pas d’alternative pour ces centaines de milliers de bénéficiaires exclus sans ménagement de ce dispositif d’insertion, après avoir souvent donné, pour beaucoup d’entre eux, le meilleur d’eux-mêmes. Il y a là une forme d’injustice.
Vous nous direz peut-être que cette mesure coûtait trop cher. Mais combien coûte le crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, le CICE, et pour quels résultats en termes d’emplois ? Il serait intéressant de comparer les deux dispositifs. J’ai vu que les objets de certains amendements, que je soutiendrai, se risquaient à cette comparaison…
Alors que vous supprimez des moyens d’insertion existants, la concrétisation du plan d’investissement dans les compétences, pourtant largement médiatisé, se traduit à peine dans ce projet de loi de finances pour 2018 par rapport à l’enveloppe budgétaire. La réalité, c’est que dans un contexte de chômage de masse, au milieu de réformes plus globales visant à flexibiliser encore le marché du travail, le Gouvernement s’attaque aux publics les plus fragiles.
Ainsi, alors que vous annonciez la création de 1 000 emplois supplémentaires pour les entreprises adaptées, ce projet de loi de finances acte la baisse de 6 % en moyenne des aides attribuées à ces mêmes entreprises. Cette réduction est un mauvais signal, à l’heure où le taux de chômage des personnes concernées s’élève à 22 %.
Vous avez également choisi de ne pas reconduire l’aide financière en faveur des jeunes apprentis, alors qu’il s’agissait d’un complément utile. Je croyais pourtant que vous souhaitiez développer l’apprentissage…
Lorsque vous décidez de réduire leur subvention aux maisons de l’emploi, c’est la politique de l’emploi dans les territoires qui est aussi mise à mal.
De même, vous stabilisez les crédits de fonctionnement des missions locales, alors que vous prévoyez, plus de 15 000 entrées nouvelles dans le dispositif garantie jeunes.
L’austérité dans les ministères touche aussi maintenant les opérateurs de l’État. Je pense au service public de Pôle emploi dont la subvention pour charges de service public diminue de 50 millions d’euros. Que dire du redéploiement d’agents vers des services aux employeurs, ce qui pose la question de l’accueil et de l’accompagnement des privés d’emploi, notamment les plus en difficulté ? Comment ne pas s’interroger si l’on prend d’un côté pour ne pas donner de l’autre ?
Enfin, les moyens consacrés à la santé au travail, en particulier les services de l’inspection du travail, sont encore une fois ciblés. Dans un cadre budgétaire aussi contraint, comment les inspecteurs pourront-ils réaliser leur mission de contrôle de l’application du droit du travail, alors que vos ordonnances sur le code du travail entraîneront l’application de règles spécifiques dans chaque entreprise ?
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits insuffisants de cette mission.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je citerai trois chiffres : 9,4 ; 6 623 100 ; 1,5.
Le premier de ces trois chiffres – 9,4 – correspond au taux de chômage de la métropole, selon la publication de l’INSEE du 16 novembre dernier. Le deuxième – 6 623 100 – est le nombre de chômeurs en octobre, pour l’ensemble des catégories dans la France entière. Le dernier chiffre – 1,5 milliard d’euros – correspond à la diminution, à périmètre constant, des crédits de paiement de la mission « Travail et emploi » pour 2018.
Personne ne doutera de l’ambition du Président de la République de ramener le taux de chômage à 7,5 % en 2022 ; personne ne niera les autres chantiers déjà ouverts ou à venir. Quel étonnant paradoxe tout de même, au cœur des priorités de notre pays, de constater cette diminution de crédits accompagnée d’une chute majeure des autorisations d’engagement, en recul de 2,7 milliards d’euros, à 13,7 milliards d’euros.
Paradoxe plus inquiétant encore quand la programmation triennale prévoit une réduction de budget à 12,89 milliards d’euros en 2019, puis à 12,57 milliards en 2020. Le budget pour 2018, quant à lui, s’élève donc à 16,4 milliards d’euros, en incluant les crédits de l’allocation de solidarité spécifique.
Le projet de loi de finances pour 2018 affirme une mobilisation en faveur du déploiement de la garantie jeunes, ce dont nous nous réjouissons, pour permettre à 100 000 jeunes d’y accéder. Ce dispositif, qui ouvre la voie à une intégration sociale et professionnelle grâce à un parcours intensif et personnalisé, apprécié dans ses objectifs comme dans sa mise en œuvre par les missions locales, est programmé à 514,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 503,27 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui semble sous-estimé.
Les montants débloqués en 2017 sont à l’origine de notre première interrogation. N’y a-t-il pas, madame la ministre, contradiction entre une hausse de plus de 17 % des bénéficiaires et une baisse de 9 % des crédits ? Nous serons attentifs à votre réponse.
Dans notre pays, 780 entreprises adaptées apportent une réponse efficiente au chômage des personnes en situation de handicap, employant 27 000 d’entre elles, sur un total de 35 000 salariés.
Elles bénéficient de deux aides : une aide au poste compensatoire du handicap du salarié et une subvention spécifique destinée au suivi social, à l’accompagnement et à la formation spécifique de la personne handicapée.
Si le projet de loi de finances pour 2018 prévoit d’augmenter le nombre d’aides au poste de 23 036 à 24 036 équivalents temps plein, ou ETP, il introduit aussi une dégressivité, après le mois de juillet 2018, induisant une baisse de 8 millions d’euros du montant global de l’aide, accompagnée d’une autre baisse de la subvention spécifique estimée à 9 millions d’euros.
Ces propositions non seulement méconnaissent la réalité de l’entreprise adaptée, mais vont fragiliser un certain nombre de structures et sont contraires aux engagements de l’État et aux propos tenus par le Président de la République. Madame la ministre, ces propositions financières sont-elles définitives ou seront-elles corrigées, améliorées, en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale ?
Vive interrogation, encore, sur la création de 10 000 emplois francs dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville, par une aide différenciée suivant le type de contrat, avec une période expérimentale en 2018 et en 2019.
Comment un dispositif non ciblé en termes d’âge ou de niveau de qualification pourrait-il ne pas entraîner un fort effet d’aubaine ? France Stratégie recommandait en 2015 « de restreindre le dispositif aux habitants les moins qualifiés pour éviter les effets de dépréciation des plus diplômés ». Pourquoi une telle précipitation quand, dans le même temps, les contrats uniques d’insertion-contrats initiative emploi, les CUI-CIE, sont supprimés dans le secteur marchand ?
Je veux enfin vous dire, madame la ministre, notre opposition totale à votre approche du dossier des contrats aidés, leur diminution ou suppression pour 2018 et la chute de 70 % à 50 % du taux de prise en charge par l’État.
Je l’illustrerai en parlant du ressenti de la situation dans mon département, l’Aisne, parmi les plus foncés – hélas ! – sur les cartes du chômage, mais où la détermination des élus, acteurs associatifs ou économiques est totale pour rapprocher de l’emploi les habitants les plus en difficulté.
Nous nous souvenons de cette annonce, au cœur de l’été, comme d’un coup de poignard. Les municipalités, les associations, les maisons de retraite, les centres culturels, les centres sociaux ont appris avec stupéfaction qu’ils ne bénéficieraient plus des contrats aidés dans les semaines à venir.
Non, ce ne sont pas de faux emplois ! Ce sont des emplois socialement, économiquement, humainement indispensables quand, ici, leur disparition met en danger un organisme caritatif qui rayonne dans tout le département et distribue chaque année l’équivalent de plus de trois millions de repas et quand, là, elle met en danger des services de restauration ou de transport scolaires.
L’annonce de l’été, c’est aussi un coup de massue, l’opprobre jeté sur des personnes souvent inscrites depuis plus de douze mois à Pôle emploi, allocataires de minimas sociaux, confrontées à divers handicaps de la vie et pour lesquelles l’emploi aidé représentait un rôle dans la société, une dignité retrouvée, plus d’estime de soi.
Cette dimension humaine est sans commune mesure avec les statistiques. D’autant plus quand la DARES, en novembre dernier, indique que 43 % des personnes sorties d’un contrat initiative emploi et 66 % des personnes sorties d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi sont en emploi six mois après la fin de l’aide.
Cet aspect du projet de loi est non seulement humiliant pour des personnes humbles, courageuses, devenues un jour d’été des coûts pour la société, mais aussi destructeur d’activité et de lien social dans les territoires les plus fragiles de notre République.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Yves Daudigny. Les membres du groupe socialiste et républicain, vous l’avez compris, voteront contre l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le taux de chômage dans la zone euro a poursuivi sa baisse en octobre 2017 pour atteindre 8,8 %, mais il est encore de 9,5 % en France.
Malgré la reprise de l’activité, nous sommes donc encore loin de la moyenne européenne. Derrière ces chiffres, ce sont des millions de Françaises et de Français qui souffrent au quotidien et qui réclament des solutions concrètes à ce mal français.
L’examen des crédits de cette mission doit donc être pour nous l’occasion de réviser, sans tabou, des dispositifs dont l’échec est avéré et dont le coût pour les finances publiques est trop élevé.
Dans ce contexte, un effort important sera consenti sur les crédits de la mission « Travail et emploi » en 2018. Un effort, cela a été dit, de plus de 4 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 2 milliards d’euros en crédits de paiement.
Malgré cette importante diminution, les crédits de la mission « Travail et emploi » seront maintenus à un niveau élevé. Je salue les efforts de pédagogie du rapporteur spécial, Emmanuel Capus, qui nous a démontré que les efforts consentis s’accompagnaient d’un redéploiement bienvenu de crédits vers les dispositifs qui fonctionnent.
Je voudrais d’abord revenir sur la baisse de l’enveloppe consacrée aux contrats aidés : 200 000 contrats dans le secteur non marchand seront conclus en 2018, entraînant une baisse de plus de 1 milliard d’euros par rapport à 2017.
Ces emplois peuvent s’avérer utiles dans l’instant pour certaines collectivités territoriales et pour le secteur associatif. Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’ils sont par nature des contrats précaires, subventionnés, et donc une réponse de court terme à la catastrophe nationale que constitue le chômage de masse. C’est aussi une réponse qui, parce qu’elle est payée par le contribuable, sacrifie la croissance à long terme, et donc l’emploi.
Nous déplorons ainsi que, pour les raisons politiciennes que nous connaissons, le précédent gouvernement ait tout fait pour droguer les collectivités aux contrats aidés. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Laurence Rossignol. Les mots ont un sens !
M. Claude Malhuret. Dans ma mairie, j’ai toujours refusé de céder à cette ivresse encouragée par l’État, sachant pertinemment que le retour au réel n’en serait que plus douloureux pour les personnes concernées, les collectivités, les associations et le pays tout entier.
Nous y sommes aujourd’hui. Malheureusement pour lui, madame la ministre, le gouvernement actuel paie, parce qu’il commence à les réparer, les erreurs du gouvernement précédent. Quoi qu’il en soit, le temps est venu de trouver des solutions durables pour l’emploi de nos concitoyens.
Par ailleurs, nous approuvons le choix du Gouvernement de se tenir à l’enveloppe votée par le Parlement. Jusqu’alors, l’enveloppe consacrée aux contrats aidés était systématiquement dépassée. Il faut saluer une décision courageuse qui participe de la sincérité globale de ce projet de loi de finances.
J’en viens à l’autre point important de cette mission : la diminution de la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi. Celle-ci devrait passer de 1 507 millions d’euros en 2017 à 1 457 millions d’euros en 2018. Néanmoins, comme l’a montré le rapporteur spécial, cette diminution devrait être compensée par une hausse plus que proportionnelle de la contribution de l’UNEDIC. Cette baisse ne devrait donc pas avoir d’impact significatif sur l’activité de Pôle emploi.
Je passerai sur la suppression de dispositifs dont l’échec était patent, tels que le contrat de génération ou l’aide à l’embauche à destination des PME. Ils illustrent une fâcheuse habitude de nos politiques de l’emploi de privilégier des dispositifs coûteux et qui échouent à trouver leur public.
Il nous semble, au contraire, que l’accent mis sur la formation dans ce projet de loi de finances est une bonne orientation. Ce plan se décline en deux volets principaux : tout d’abord, le renforcement de la garantie jeunes, avec un soutien accru aux missions locales pour assurer l’accompagnement de 100 000 jeunes ; ensuite, la mise en place d’un plan de formation à destination des demandeurs d’emploi peu qualifiés et des jeunes en décrochage scolaire.
Ces actions vont dans le bon sens et seront complétées avec profit, nous l’espérons, par les grandes réformes de la formation professionnelle et de l’apprentissage qui arriveront dans quelques semaines.
Notre groupe et cette assemblée seront au rendez-vous d’un tournant nécessaire pour faire face aux mutations du monde du travail. Nous regarderons d’un œil favorable une politique qui favorise la montée en compétence de l’ensemble des travailleurs tout au long de leur carrière, l’adaptation rapide aux transformations technologiques et la revalorisation de l’apprentissage.
En attendant les débats sur ces questions fondamentales, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ces crédits en l’état. Ils annoncent un redéploiement pertinent des efforts financiers de l’État vers les dispositifs les plus efficaces et un changement de logique bienvenu vers la formation et l’insertion, plutôt que vers la précarité subventionnée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », je souhaite, comme d’autres avant moi, évoquer la situation des maisons de l’emploi et de la formation.
Le projet de loi de finances pour 2018 envisage de supprimer 10,5 millions d’euros de crédit aux 116 maisons de l’emploi présentes sur notre territoire, soit la moitié de leur dotation, avant d’en supprimer la totalité en 2019.
Ce projet de réduction des aides aux maisons de l’emploi est une catastrophe qui va amener ces structures à des fermetures définitives. Elles réalisent pourtant un travail qu’aucun autre acteur du service public de l’emploi n’effectue, comme l’a souligné M. Vanlerenberghe.
Leurs missions ne sont pas redondantes, bien au contraire. Elles apportent un éclairage supplémentaire, tant d’un point de vue économique – accompagnement des entreprises sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, remontées des besoins locaux pour bâtir le programme régional de formation, création d’entreprises, clauses d’insertion – que d’un point de vue d’ensemblier territorial. Les maisons de l’emploi animent, coordonnent, supervisent, sont des acteurs centraux avec une bonne connaissance du terrain.
Cette baisse, suivie d’un arrêt total, va entraîner, je l’ai dit, la fermeture de nombreuses maisons de l’emploi, dont l’objet social est unique.
En 2005, date de la création de ce guichet unique par Jean-Louis Borloo, 100 millions d’euros étaient inscrits par l’État, dans son budget, au titre de la dotation de ces structures ; ces crédits sont passés à 20 millions d’euros pour 2017, et à 10,5 millions d’euros pour 2018. L’État a lancé le dispositif des maisons de l’emploi ; il doit donc assurer, a minima, leur fonctionnement.
On veut nous faire croire qu’elles font le même travail que Pôle emploi, alors qu’il n’en est rien – notre collègue Nathalie Delattre l’a très justement rappelé.
Elles sont complémentaires de Pôle Emploi et lui apportent de réelles solutions. En particulier, leur raison d’être est dans l’initiative locale ; elles sont généralement bien pilotées, au même titre que les missions locales, par les élus locaux. Elles déclinent donc des actions qui collent au plus près des problématiques de notre territoire, ce que, précisément, l’établissement public Pôle Emploi ne sait pas toujours faire.
Pour illustrer mon propos, je voudrais évoquer la maison de l’emploi et de la formation de Laon, la ville dont j’ai été maire jusqu’à récemment, et ce durant plus de seize ans.
Elle a été créée en 2008, sa subvention annuelle s’élevant alors à 485 000 euros. En 2017, cette même subvention fut de 89 500 euros ; en 2018, elle sera de 45 000 euros. La baisse est vertigineuse, donc mortifère !
Si l’État campe sur sa position, plus de 50 % des maisons de l’emploi, au niveau national, devraient disparaître ; les capacités de toutes les autres à remplir leurs missions vont être lourdement affectées.
L’année dernière, j’avais plaidé, à cette même tribune, par souci d’une meilleure efficacité, pour une mutualisation des bases de données entre les opérateurs du champ de l’emploi.
Les MEF et Pôle Emploi agissent en parallèle sur le même segment d’activité, mais sans avoir toujours développé de véritables synergies.
L’échange de bases de données aurait été un levier d’amélioration : Pôle emploi possède une meilleure base de données, mais souffre, comparé aux MEF, d’une moindre efficacité opérationnelle. Il aurait été utile de se pencher sur cette question et d’améliorer les partenariats, au lieu de casser cet outil de proximité.
Rappelons que les MEF réussissent à réunir autour de la même table préfets, élus, syndicats, chambres de métiers et Pôle Emploi, et peuvent ainsi proposer des solutions « sur mesure » au bassin d’emploi.
Madame la ministre, que sont ces 10 millions d’euros au regard des presque 6 milliards d’euros de budget de Pôle emploi ? Cette mesure ne signe-t-elle pas la disparition programmée de la quasi-totalité des maisons de l’emploi, à laquelle il faudrait donc se préparer ?
J’en viens maintenant aux contrats aidés – certains de mes collègues les ont déjà évoqués. C’est un sujet important !
Leur suppression, brutale et sans concertation aucune – vous ne pouvez le nier, madame la ministre ; le président Macron l’a d’ailleurs confessé récemment, devant le congrès des maires –, a mis sens dessus dessous les collectivités locales, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, les associations familiales, bref, tout un tissu local d’intervenants qui utilisent ces contrats aidés afin de maintenir un niveau d’insertion économique et social en faveur de personnes souvent peu qualifiées et/ou éloignées du marché du travail.
Les remettre en cause si brutalement, c’est prendre le risque de mettre fin à ces missions, ainsi qu’à des projets de cohésion sociale, sans les remplacer. L’effet est encore plus catastrophique en milieu rural.
Cette annonce en cours d’année, au milieu du mois d’août, a mis le feu aux poudres. Mon collègue de l’Aisne, Yves Daudigny, a très bien décrit la situation dans notre département.
Madame la ministre, vous n’aviez pas d’autre choix – c’est une bien mince consolation – que d’annoncer, en octobre, les domaines ciblés où ce qui reste de ces emplois serait désormais déployé, à savoir l’accompagnement des élèves en situation de handicap, l’urgence en matière sociale et de santé, notamment l’hébergement social et l’aide alimentaire, ceci en outre-mer et dans les communes rurales.
Le paradoxe, madame la ministre, c’est que vous annoncez simultanément avoir confié à M. Jean-Marc Borello une mission relative à l’innovation sociale au service de la lutte contre les exclusions du marché du travail, lutte dont les contrats aidés sont justement le vecteur !
Pourquoi, madame la ministre, n’avez-vous pas décidé de reporter cette baisse drastique des contrats aidés à l’année prochaine, soit après les conclusions de cette mission, qui sont attendues pour la fin de cette année, au lieu de nous proposer un texte qui les supprime, ou presque ? Vous procédez à l’envers, et c’est bien dommage !
Concernant les orientations en faveur d’un véritable soutien à l’apprentissage, je veux, à titre personnel, souligner que les propositions du Gouvernement vont dans le bon sens. Je laisserai ma collègue Nicole Duranton développer ce point. Il était temps d’agir pour la formation de nos jeunes, afin de les insérer durablement dans l’emploi et il sera indispensable d’inscrire ces efforts, précisément, dans la durée.
Concernant la mission « Travail et emploi », notre groupe suivra la commission des finances et ne votera pas les crédits présentés par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)