Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, cette première mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » du quinquennat tient la double promesse du Gouvernement de maîtriser les finances publiques tout en renforçant les dispositifs et les projets de cette mission, avec un budget de 2,46 milliards d’euros.
Des trois programmes qui composent la mission, le troisième, le programme 158, relève de la responsabilité du secrétaire général du Gouvernement et rassemble trois dispositifs en faveur des victimes de la Seconde Guerre mondiale ou de leurs ayants cause. Son budget de 100,8 millions d’euros, inchangé par rapport à 2017, est consacré, pour 46,4 millions d’euros, à l’indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes spoliées par les législations antisémites de l’Occupation et, pour 54,3 millions d’euros, à l’indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale.
Le programme 169, quant à lui, concentre la quasi-totalité des crédits de la mission, avec 2,32 milliards d’euros. La baisse de 3,3 % en autorisations d’engagement pour 2018 est le reflet d’une diminution progressive du nombre des bénéficiaires des différents dispositifs, malgré l’arrivée de la quatrième génération du feu, avec les combattants des opérations extérieures.
Pour autant, plusieurs des prestations ont été ou vont être revalorisées au profit des anciens combattants.
Tout d’abord, la hausse de deux points de la retraite du combattant est entrée en vigueur le 1er septembre 2017. En 2018, pour porter la retraite annuelle à 750 euros, 30 millions d’euros seront consacrés à cette fin.
Le présent projet de loi de finances contient également une nouvelle mesure de calcul des pensions de réversion des conjoints de militaires rayés des contrôles avant le 3 août 1962. Le calcul se fera désormais sur la base du grade, pour un coût de 6 millions d’euros.
Enfin, une mesure spécifique du budget pour 2018 revalorise de 100 euros les deux allocations versées aux anciens membres des formations supplétives, allocations qui progresseront respectivement de 4,2 % et 5,5 %. Cette mesure est un renforcement bienvenu de la reconnaissance de la Nation à l’égard des harkis et de leurs familles.
Le programme 167, « Liens entre la Nation et son armée », rassemble les crédits consacrés à la mémoire combattante et ceux qui sont dédiés au lien entre l’armée et la Nation.
La forte progression des crédits de ce programme correspond à la dernière année du cycle mémoriel du centenaire de la Première Guerre mondiale, notamment la commémoration du 11 Novembre, qui donnera lieu à une cérémonie internationale : 8 millions d’euros seront versés à la Mission du centenaire.
De plus, une enveloppe de 12,4 millions d’euros sera consacrée à la valorisation du patrimoine de mémoire, des sépultures et hauts lieux de la mémoire nationale. Le développement du tourisme de mémoire, qui connaît un regain avec le centenaire, doit bien entendu être poursuivi, notamment avec l’implication des collectivités locales.
L’année 2018 sera également une année importante pour la stratégie ministérielle globale en direction des jeunes. La direction du service national et de la jeunesse est désormais chargée de coordonner l’ensemble des actions du ministère liées à la politique du service national, à l’insertion et à la lutte contre les exclusions. Elle disposera d’un budget de 14,6 millions d’euros.
Chaque année, 800 000 jeunes participent à la journée défense et citoyenneté, ou JDC, un jalon essentiel de leur parcours citoyen. La JDC leur apporte une information sur les enjeux de la sécurité nationale, mais représente également une opportunité de prolonger cette prise de conscience par diverses formes d’engagement, de la réserve opérationnelle au service civique. Fidèle à sa mission de cohésion sociale, la JDC permet aussi de repérer et d’apporter un soutien ciblé aux jeunes décrocheurs, qui peuvent se voir proposer de rejoindre un centre de l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi, l’EPIDE, ou le service militaire volontaire, dont les premiers résultats prometteurs justifient pleinement la reconduction jusqu’au 31 décembre 2018.
Pour approfondir et renforcer encore le lien entre les jeunes Français et les armées, le Président de la République souhaite la création d’un service national universel. La réflexion en cours permettra d’associer toutes les parties prenantes de la communauté nationale, tant il est vrai que le ministre des armées ne peut, seul, porter ce projet structurant.
Madame la secrétaire d’État, les crédits de cette mission montrent que 2018 sera une année charnière, avec de nombreux projets en cours que vous nous avez exposés avec beaucoup de clarté lors de votre audition par la commission des affaires sociales. Je vous remercie sincèrement de la qualité de votre écoute.
C’est là une heureuse marque de fabrique de l’action conduite par le Gouvernement et sa majorité, sous l’impulsion du chef de l’État.
Le groupe La République En Marche votera ces crédits, bien entendu, et vous accompagnera sur le chemin des réformes à venir, madame la secrétaire d’État. À titre plus personnel, je vous remercie d’être venue à la commémoration au Hartmannswillerkopf, par un grand froid, et espère vous accueillir de nouveau l’année prochaine, mais cette fois sous un beau soleil… (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant toutes choses, je souhaite dénoncer les pratiques déshonorantes des différents gouvernements, y compris de celui qui est en place actuellement, qui visent à spéculer sur la baisse démographique, et donc sur la mort de ceux qui ont combattu pour la France, de ces femmes et de ces hommes à qui nous devons beaucoup.
Nous ne pouvons parler des anciens combattants sans regretter la suppression du secrétariat d’État qui leur était dédié. Cette décision en dit long sur la place qu’occupent ces femmes et ces hommes dans l’esprit du Gouvernement et du Président de la République.
Aujourd’hui, la réalité est là : les anciens combattants ne sont plus qu’un dossier parmi d’autres au ministère des armées, et l’on continue de faire des économies sur le dos de personnes qui ont tant donné !
La baisse constante du budget depuis plus de dix ans ne permet pas de répondre aux demandes récurrentes et au droit à réparation du monde combattant.
Les iniquités et les frustrations persistent, mais nous considérons, au groupe communiste républicain citoyen et écologiste, qu’elles peuvent être résolues par des chiffrages actualisés et précis, surtout s’ils sont suivis d’une concertation tripartite entre le Gouvernement, les parlementaires et les associations d’anciens combattants, concertation ardemment demandée par ces associations.
Évidemment, nous pouvons nous féliciter de la revalorisation de la pension versée aux harkis, forces supplétives de l’armée française lors de la guerre d’Algérie. Cette revalorisation ne peut toutefois cacher les manques de ce budget.
On relève ainsi des injustices entre les différentes générations d’anciens combattants. Pourtant, comme l’a très bien souligné mon collègue André Chassaigne à l’Assemblée nationale, « celui qui a combattu a combattu, celui qui est mort est mort, et l’on ne doit pas faire de différence ». Or, aujourd’hui, les coupes budgétaires de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » s’expliquent par une différenciation entre ces derniers.
Pouvons-nous évoquer l’urgence d’une concertation sur la prise en charge des pupilles de la Nation dont les parents sont morts pour la France, sur la revalorisation de la pension de base des conjoints survivants des grands invalides de guerre, ou encore sur la demande des harkis de souche européenne de bénéficier de l’allocation de reconnaissance, en dépit du refus réitéré opposé par le Conseil constitutionnel ?
Pouvons-nous également évoquer l’inquiétude qui plane sur le budget de l’ONAC, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre ? Cet organisme conserve un budget semblable aux années précédentes, alors qu’il se voit confier de plus en plus de missions, notamment celle de l’assistance aux victimes de terrorisme.
Pouvons-nous aussi évoquer le fait que le statut d’ancien combattant ne soit toujours pas accordé aux militaires français déployés en Algérie entre 1962 et 1964 ? Ceux qui ont perdu la vie pendant cette période ont droit à l’appellation « mort pour la France », les autres à un titre de reconnaissance de la Nation, et si l’État français accorde ce titre, c’est bien qu’il reconnaît le climat de dangerosité qui régnait en ces temps en ce lieu.
Comment peut-on imaginer que celui qui est arrivé sur place le 1er juillet 1962 obtienne la carte du combattant, mais pas celui qui est arrivé le 3 juillet 1962, alors que ces deux militaires se trouvaient dans le même peloton et y ont effectué, ensemble, les mêmes missions, les mêmes jours, aux mêmes horaires ?
L’excuse selon laquelle la guerre a pris fin le 2 juillet 1962 n’est pas justifiable.
Aussi, je veux maintenant aborder le sujet des psychotraumatismes, notamment des troubles différés, dont souffrent des milliers de combattants et d’anciens combattants qui ont survécu, et qui vivent dans une insupportable détresse. Aujourd’hui, rien n’est prévu pour prendre en charge ces blessures morales. Il n’existe aucune structure de proximité, aucun expert… Nous devons donc travailler à l’élaboration d’une loi qui permette réparation, mais qui permette aussi d’éviter que de tels troubles et de tels désordres ne puissent se reproduire.
Enfin, j’aurai un mot pour les veuves, des femmes qui ont eu la douleur, mais apparemment aussi le tort de perdre leur mari avant que ce dernier atteigne l’âge de 74 ans, puisqu’elles sont privées de la demi-part fiscale… Sommes-nous conscients que cette décision est une double peine ?
Je pense aussi aux veuves de grands invalides qui, du fait de l’état de dépendance de leur époux, se sont consacrées à lui en permanence au détriment d’une carrière professionnelle et qui, au décès de ce dernier, n’ont pu bénéficier que d’une très modeste pension de réversion. Nous devons agir à leur égard.
Vous le savez, madame la secrétaire d’État, la liste des inquiétudes est encore longue…
Face à cette situation, l’État a le devoir de ne pas se défiler, car il est de son ressort qu’il n’y ait aucun oublié de la République.
Je terminerai mon intervention en disant que le présent projet de loi de finances va creuser davantage les inégalités, car la baisse du budget des anciens combattants accompagne aussi la baisse des APL et la hausse brutale de la CSG, des dispositions qui vont impacter durement nos retraités dans les années à venir, y compris les retraités victimes de guerre. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Jocelyne Guidez. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, j’ai en cet instant une pensée particulière pour M. le rapporteur pour avis, Bruno Gilles.
Cela dit, ce débat est un moment fort de nos discussions sur le projet de loi de finances et présente, en somme, des enjeux majeurs. En effet, il constitue une étape importante qui traduit l’engagement de la France vis-à-vis de son passé, mais aussi, dans un certain sens, de son avenir.
Car, au fond, c’est bien de cela qu’il est question aujourd’hui : la reconnaissance de la Nation pour ses combattants, toutes générations confondues, et la transmission de ce témoin de l’Histoire aux générations futures.
Comme le dit si bien cette formule faisant référence à Simone Veil, à qui je veux rendre hommage : « Transmettre la mémoire de l’Histoire, c’est apprendre à se forger un esprit critique et une conscience ».
Alors, tout d’abord, je ne vous cacherai pas notre déception concernant ce texte. La volonté est là, mais les moyens déployés demeurent en deçà des objectifs fixés.
Année après année, majorité après majorité, les gouvernements successifs s’entêtent dans la baisse des crédits alloués à cette mission, pourtant si fondamentale.
Ainsi, le budget pour 2018 s’établit à 2,46 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 3,1 %. Si l’on en croit la loi de programmation des finances publiques, la baisse cumulée sera de 11,4 % en 2020.
Cette situation est inacceptable pour nos combattants d’hier et d’aujourd’hui, leurs conjoints et leurs descendants. Ces soldats ont participé à l’effort de guerre en payant parfois un lourd tribut. Ils méritent donc plus de considération et ne doivent pas être une simple variable d’ajustement des comptes publics.
Alors, si cette baisse dégage des économies pour l’État, elle n’en est pas moins ressentie comme un renoncement, voire une résignation.
C’est notamment le cas pour le programme 169, destiné à la reconnaissance et à la réparation en faveur du monde combattant. Ses crédits diminuent eux aussi de 3,4 %.
Cette évolution peut s’expliquer par la réduction du nombre de bénéficiaires. Nous entendons et comprenons cet argument. Toutefois, la dynamique démographique ne justifie pas tout.
En effet, les défis à relever sont multiples, et les demandes nombreuses.
Conscients de ce changement, nous vous demandons, non pas d’augmenter ces crédits, mais de les maintenir à leur niveau actuel.
Pour ainsi dire, nous regrettons l’absence de mesures fortes.
Comme l’indique le rapporteur pour avis dans son rapport, ce budget « ne corrige en aucun cas les insuffisances du droit à réparation et les inégalités que son application engendre. » Nous aurions aimé que des solutions soient apportées aux pertes de pouvoir d’achat.
Si l’extension en année pleine de la revalorisation de la retraite du combattant s’inscrit dans le bon sens – nous tenons à le souligner –, les mesures demeurent encore trop insuffisantes.
Par ailleurs, je veux attirer votre attention sur deux sujets importants, relayés par de nombreuses associations.
Le premier concerne l’attribution du titre de reconnaissance de la Nation pour les personnels engagés dans l’opération Sentinelle. Ces femmes et ces hommes exercent leur devoir dans des conditions difficiles, parfois même déplorables : temps de repos, hébergement, logistique, problèmes de matériel, etc. Nous ne pouvons pas rester insensibles à cette situation.
Ces héros de la République risquent chaque jour leur vie et sont régulièrement la cible de fanatiques. Par conséquent, il serait souhaitable de les considérer comme des combattants à part entière et, de manière générale, de revoir ce dispositif pour les missions intérieures.
Le second sujet concerne l’octroi de la carte du combattant au titre d’une OPEX pour les opérations de sécurité conduites sur le territoire algérien après le 2 juillet 1962, en application des accords d’Évian. Il s’agit non pas de travestir l’Histoire, mais de rétablir des faits.
Une proposition de loi a d’ailleurs été déposée en ce sens à l’Assemblée nationale, en 2012, par… M. Gérald Darmanin. Nous comptons donc sur le Gouvernement pour pallier cette injustice.
N’attendons pas qu’il n’y ait plus d’anciens combattants pour prendre en considération ce qu’ils demandent depuis tant d’années !
Aussi, nous saluons le choix fait d’augmenter les crédits pour la politique de mémoire.
Les différentes commémorations prévues, notamment celles qui sont liées à la Première Guerre mondiale, témoignent de cette volonté forte de nos institutions de renforcer les liens entre les citoyens et les armées. Nous nous en réjouissons.
La quatrième génération du feu sera également mise à l’honneur, notamment lors du quarantième anniversaire de la force intérimaire des Nations unies au Liban.
L’actualité au Proche-Orient nous rappelle l’importance de l’amitié franco-libanaise, mais aussi le rôle déterminant de notre pays dans le concert des nations.
Par ailleurs, nous rejoignons l’avis du rapporteur spécial sur l’indemnisation des victimes de persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle mérite en effet de « recevoir un nouvel élan ».
Concernant la journée défense et citoyenneté, il paraît nécessaire de la recentrer sur sa vocation première : l’esprit de défense.
L’impact financier du service national universel changera considérablement les choses. C’est une mesure attendue, qui, j’en suis sûre, fera l’objet d’un débat parlementaire à la fois riche et constructif. J’aurai d’ailleurs l’occasion d’intervenir sur ce sujet dès le mois de janvier 2018.
Pour terminer, nous soutenons le Gouvernement s’agissant des deux articles rattachés.
La revalorisation de 100 euros des deux allocations versées aux anciens membres des formations supplétives et l’harmonisation des pensions militaires d’invalidité versées aux ayants droit des militaires rayés des contrôles avant le 3 août 1962 constituent une évolution positive.
À ce propos, le temps est venu d’ouvrir un débat apaisé, de mettre enfin des mots sur une période difficile, complexe et si douloureuse pour nos compatriotes harkis. Ils ont connu les pires atrocités ; nous aspirons pour eux à plus de justice et de reconnaissance.
Par conséquent, le groupe Union Centriste votera en faveur des crédits de la présente mission. En effet, voter contre consisterait à s’opposer aux avancées contenues dans ce projet de loi de finances. Nous refusons cette hypothèse.
En revanche, nous rappelons au Gouvernement la nécessité d’aller plus loin, et nous l’invitons à ne pas relâcher les efforts.
Surtout, derrière les chiffres et les discussions budgétaires se cachent avant tout des noms, des visages et des vies consacrées. Ne les oublions pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Morisset.
M. Jean-Marie Morisset. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, honorer nos combattants, honorer leur engagement, honorer leur mémoire, nous le faisons lors des différentes manifestations patriotiques et des remises de décorations. Mais nous ne devons surtout pas oublier de le faire aussi chaque année à l’occasion de l’examen du budget des anciens combattants, pour respecter le droit à la reconnaissance et à la réparation.
Madame la secrétaire d’État, les budgets des anciens combattants se suivent et se ressemblent. Ils sont en baisse régulière. La diminution pour 2018, de l’ordre de 3 %, est une nouvelle fois justifiée par la baisse naturelle des bénéficiaires, mais surtout par la rigueur budgétaire. Nos anciens combattants doivent-ils subir et être l’otage de la rigueur budgétaire ? Personnellement, je ne le pense pas.
Il est vrai que, une fois de plus, vous n’avez pu obtenir de Bercy le bénéfice d’un budget constant. Si tel avait été le cas, cela vous aurait permis de prendre en compte les principales revendications maintes fois soulevées depuis plusieurs années par le monde des anciens combattants.
Dans ce contexte budgétaire difficile, vous avez tenu à maintenir l’ensemble des dispositifs de reconnaissance et de réparation.
Vous avez également tenu à honorer les engagements pris par le précédent gouvernement en finançant, en année pleine, l’augmentation de la retraite décidée l’année dernière.
Vous avez aussi tenu à prévoir dans le budget les crédits nécessaires pour marquer les événements qui vont clore le cycle mémoriel du centenaire.
Vous avez enfin tenu à mettre en œuvre plusieurs mesures nouvelles : l’harmonisation des pensions de réversion des conjoints de militaires, la revalorisation des droits des anciens membres des forces supplétives, l’amélioration des dispositifs de réparation en faveur des harkis.
Malgré ces mesures appréciées du monde des anciens combattants, il reste encore plusieurs dossiers qui sont souvent évoqués lors des rencontres avec les représentants de ces derniers.
Ce fut le cas récemment lorsque les membres de l’Union départementale des associations de combattants, l’UDAC, des Deux-Sèvres a réuni les parlementaires du département. Philippe Mouiller et moi-même avons entendu leurs requêtes maintes fois réitérées depuis plusieurs décennies.
M. Philippe Mouiller. C’est vrai !
M. Jean-Marie Morisset. Ils demandent depuis longtemps que la valeur du point servant de calcul à plusieurs dispositifs, et déterminée selon le rapport constant, puisse être actualisée.
Ils demandent que le bénéfice de la campagne double soit attribué en fonction du temps passé sur un territoire de guerre, et non plus des actes de feu.
Ils demandent le bénéfice de la demi-part fiscale supplémentaire pour les veuves dont le mari est décédé avant 74 ans.
Ils demandent l’extension de la carte du combattant aux militaires engagés et déployés en Algérie du 2 juillet 1962 au 1er juillet 1964 – nous aurons l’occasion de revenir sur ce point à travers un amendement. S’opposer à cette requête pour des raisons financières n’est moralement plus acceptable à mes yeux. Convenons ensemble de rendre hommage à ces anciens combattants et ne les frappons pas chaque année d’un peu plus d’indignité.
Ils demandent le droit à l’indemnisation pour les pupilles de la Nation dont les parents ont été reconnus morts pour la France.
Ils demandent une harmonisation des procédures pour les aides sociales. Le dispositif qui a remplacé l’aide différentielle est appliqué de manière différente selon les départements. En conséquence, certaines personnes en difficulté restent en dessous du seuil de pauvreté.
Ils demandent enfin le maintien des offices départementaux en tant qu’échelon de proximité. Vous nous avez rassurés sur ce point, madame la secrétaire d’État, mais veillons à ce que les services ne soient pas réorganisés à partir des périmètres des nouvelles grandes régions. Gardons la proximité pour nos anciens combattants.
Je sais que toutes ces demandes ne pourront être prises en considération dans les prochaines années. À l’occasion de votre audition du mercredi 8 novembre, vous nous avez proposé une démarche réaliste nous permettant d’avoir une visibilité sur le quinquennat. C’est, me semble-t-il, une bonne chose.
Vous nous avez proposé d’évaluer l’impact budgétaire de toutes les mesures que nous avançons année après année, d’engager une démarche permettant d’avoir une visibilité sur l’ensemble des demandes et de lancer, avec le monde combattant et la représentation nationale, un plan sur quatre ans tenant compte des problèmes juridiques et de la question budgétaire.
À titre personnel, je vous suivrai sur cette proposition et cette démarche.
La discussion du prochain projet de loi de finances sera l’occasion de faire le point sur cette feuille de route. D’ici là, je souhaite que vous puissiez convaincre Bercy de vous octroyer des moyens supplémentaires pour financer, dès l’année prochaine, l’une ou l’autre des mesures prioritaires.
En conclusion, madame la secrétaire d’État, vous le savez, le monde des anciens combattants ne demande pas de récompense ; il demande simplement un droit à la reconnaissance et une juste réparation. Nous comptons sur vous pour ne pas le décevoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Madame la présidente, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer le travail réalisé par M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
J’ai une amicale pensée pour Bruno Gilles, mon collègue des Bouches-du-Rhône actuellement hospitalisé, à qui nous souhaitons un prompt rétablissement et que nous espérons retrouver très vite dans cet hémicycle.
En ma qualité de membre du groupe d’études des sénateurs anciens combattants et de la mémoire combattante, j’avais exprimé dès le mois de mai le malaise de bon nombre d’associations qui avaient fait part, dans nos territoires, de leurs interrogations en l’absence d’un ministère de plein droit qui leur soit dédié.
Aussi, madame la secrétaire d’État, si votre nomination auprès du ministre des armées est une bonne chose, des signes de reconnaissance doivent être envoyés par le Gouvernement et ceux qui sont transmis par le budget 2018 sont en demi-teinte.
C’est d’autant plus regrettable que l’année 2018 viendra clore le cycle mémoriel consacré à la Grande Guerre. Et vous savez combien les symboles sont importants en matière de lien entre la Nation et son armée à l’heure où la République doit promouvoir les valeurs de la citoyenneté.
Il y a beaucoup à dire sur un budget en perpétuelle diminution – la baisse est de 3 % par rapport à 2017 –, dans lequel, malheureusement, les injustices perdurent et les prestations à caractère universel sont dévalorisées au profit d’avantages plus sélectifs.
Bien sûr, le nombre de bénéficiaires est à la baisse. Pour autant, de nombreux points restent encore en suspens : la revalorisation significative de la retraite, la demi-part part fiscale pour les veuves ayant perdu leur conjoint avant 74 ans, l’octroi de la carte du combattant aux militaires déployés en Algérie entre le 3 juillet 1962 et le 1er juillet 1964, la reconnaissance de la Nation envers les pupilles, la situation des conjoints survivants des grands invalides, les supplétifs de statut de droit commun.
Je tiens à souligner le travail effectué sur les territoires par les associations, ainsi que par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui tisse des liens et des passerelles.
Dans un contexte qui s’est beaucoup modifié ces dernières années, je m’interroge toutefois sur notre organisation actuelle.
En effet, avec la prise en charge, d’une part, des opérations extérieures et de la quatrième génération du feu et, d’autre part, des victimes d’actes de terrorisme, les missions et les besoins ont considérablement évolué.
Pour m’être rendue, voilà quelques jours, au 4e régiment de chasseurs de Gap à l’occasion de la dissolution du Groupement tactique blindé Edelweiss, je sais combien certaines situations sont préoccupantes et combien elles nécessitent attention, bienveillance et accompagnement.
C’est pourquoi nous devons veiller à prendre en compte la situation des blessés, qu’ils le soient physiquement ou psychologiquement. Ces hommes et ces femmes doivent être accompagnés sur le chemin de la guérison, mais aussi sur celui de la réinsertion professionnelle.
Un effort doit également être fait en direction des aidants, notamment des grands invalides de guerre.
J’espère que nos discussions nous permettront d’avancer sur tous ces sujets, même si nous savons que certains points font actuellement l’objet de rapports qui devront être étudiés ultérieurement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai toutes et tous écoutés avec attention et je tiens, tout d’abord, à vous remercier sincèrement.
Vous portez au monde combattant le respect et la reconnaissance que nous devons tous collectivement lui témoigner.
Je veux tout d’abord vous rassurer, mesdames, messieurs les sénateurs : je suis pleinement chargée de ce dossier. Mon secrétariat d’État a certes la charge du monde combattant, de la mémoire et de la jeunesse, et plus particulièrement du lien entre l’armée et la Nation. Mais le monde combattant est bien sûr prioritaire dans les missions qui m’ont été confiées par Florence Parly et par le Premier ministre.
J’ai bien entendu les arguments que vous avez développés sur ce budget. Certes, il s’inscrit en baisse de 3 %, ce qui équivaut à 76 millions d’euros sur 2,5 milliards d’euros de crédits. Je rappelle toutefois que, sur ces dix dernières années, ce budget a baissé en moyenne de plus de 100 millions d’euros par an.
C’est pourquoi il me semble que la baisse de cette année correspond tout de même à un budget dynamique. En effet, en accord avec Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, je propose un certain nombre de mesures nouvelles, qui me paraissent importantes pour les anciens combattants. Il s’agit de mesures d’équité, que vous avez été nombreux à relever.
Tout d’abord, la pension militaire d’invalidité sera calculée de manière unique, qu’elle ait été attribuée avant 1962 ou après. Les veuves seront très concernées par ce dispositif. Il est évident que le mode de calcul qui perdurait depuis toujours n’avait aucun sens.
Ensuite, nous améliorons l’allocation de reconnaissance en faveur des harkis. Ces combattants, qui ont tant donné pour la France, ont été accueillis dans des conditions difficiles, voire indignes, et cette situation a duré de très nombreuses années. C’est pourquoi nous souhaitons poursuivre le plan Harkis, décidé en 2014 par le gouvernement précédent.
Par ailleurs, nous connaissons tous les demandes des associations – vous les avez relayées : la carte 1962-1964, le rapport constant, la demi-part fiscale, la situation des conjoints survivants des grands invalides de guerre…
Toutes ces demandes, à la fois récurrentes et importantes pour le monde combattant, sont régulièrement reprises par les députés et les sénateurs qui sont quotidiennement au contact des associations sur leur territoire.
J’étais moi-même une élue locale et je connais très bien la relation de proximité des élus avec le monde combattant – elle est essentielle.
Je constate aussi que ces différentes demandes sont anciennes, puisqu’elles datent souvent de plusieurs dizaines d’années. Vous voudrez bien me faire grâce du fait que je ne peux pas régler tous ces problèmes en un seul exercice budgétaire.