M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Frédéric Marchand. En matière de changement climatique, vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, le temps n’est plus aux débats, il est à l’action. Le cap de la neutralité carbone doit être notre dénominateur commun, comme cela a été rappelé lors du sommet qui s’est tenu hier.
Neutralité carbone et développement économique font bon ménage. L’engagement du monde économique est à cet égard significatif et enthousiasmant, car, en réintroduisant de la vision et du sens dans les décisions de court terme, il pose de nouvelles fondations pour notre avenir économique collectif. Il crée un cadre pour l’innovation et pour des ruptures technologiques qui participeront à la construction d’un monde sans pollution. Ce cadre est non plus une contrainte, mais une émancipation.
Cette émancipation impose que nous remettions au cœur du projet économique de notre pays, de l’Europe et du monde, les principes de l’économie sociale et solidaire, car l’entreprise, si elle joue un rôle majeur dans nos sociétés, parce qu’elle crée des emplois et produit de la richesse, ne peut s’extraire des travers de la mondialisation, de certains égoïsmes qui conduisent au creusement des inégalités.
Il semble que le Gouvernement veuille faire évoluer l’objet social des entreprises, qui ne peut plus être le simple profit, sans considération aucune pour les femmes et les hommes qui travaillent, sans regard sur les désordres environnementaux.
Cette réforme devrait vraisemblablement conduire à modifier le code civil, afin que les principes et les valeurs de l’économie sociale et solidaire, cette économie pionnière, qui tend la main, qui partage, qui préfère la coopération à la compétition, deviennent la norme et non plus l’exception.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser quels seront les contours de cette réforme ? Ce qui se joue, en effet, c’est non seulement notre avenir collectif et notre capacité à développer un capitalisme raisonné et une croissance durable de nos activités, mais aussi, et surtout, l’attractivité même de nos entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, l’économie sociale et solidaire représente déjà près de 12,5 % des activités économiques de la France, soit un pan essentiel de l’économie française.
Cette forme d’économie, dont vous avez souligné l’importance, doit se généraliser. C’est exactement ce que le ministère de la transition écologique et solidaire s’efforce de faire. Nous nous y attachons à tel point que le terme « solidaire » figure dans l’intitulé du ministère… La transition ne pourra pas être écologique si elle n’est pas solidaire ! Si elle n’est pas solidaire, il sera plus difficile encore d’atteindre nos objectifs en matière de lutte contre le changement climatique.
C’est pour cette raison, notamment, que nous avons lancé un grand chantier en matière d’économie circulaire. Nous voulons que, à terme, l’économie circulaire devienne plus qu’un objet de conversation dans tous les foyers français, l’enjeu étant d’éveiller les consciences et de changer les comportements.
L’économie circulaire représente aujourd’hui près de 800 000 emplois. Si nous respectons les objectifs que nous nous sommes fixés, notamment celui de recycler 100 % des plastiques et de réduire la mise en décharge de moitié d’ici à 2025, ce sont plus de 25 000 emplois supplémentaires non délocalisables qui pourraient être créés. De tels emplois seront bénéfiques à la fois pour la planète et pour la société.
Tel est le projet de société que nous portons. Nous devons transformer notre économie, pour la rendre mieux adaptée aux défis de demain.
Vous savez également que le Haut-Commissaire à l’économie sociale et solidaire et à l’innovation sociale, qui a rejoint le ministère en septembre dernier, travaille lui aussi sur un projet de loi, qu’il vous présentera bientôt, visant à réformer, à restructurer et à rendre encore plus ambitieuse cette économie sociale et solidaire.
Soyez donc assuré, monsieur le sénateur, que cette question est essentielle pour nous.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, s’il est nécessaire de mobiliser l’ensemble des acteurs, y compris la finance, autour de l’impératif climatique, comme l’a fait hier le One Planet Summit, il est fondamental que les États se dotent eux-mêmes des lois leur permettant de respecter l’accord de Paris et de contenir le réchauffement climatique.
Or la France porte comme un boulet le CETA, l’accord économique et commercial global, entré provisoirement en vigueur le 21 septembre dernier.
Certes, à la suite du rapport très critique de la commission Schubert, le Gouvernement a mis en place un plan d’action. Cependant, l’ensemble des ONG estime qu’il est vide et qu’il s’agit d’une simple tentative de désamorcer la large opposition que suscite ce traité. En octobre dernier, un sondage publié dans un journal national – Le Figaro, et non l’Humanité ! – a révélé que 64 % des Français sont opposés à cet accord.
Ce plan d’action repose uniquement sur la capacité de la France à persuader ses partenaires. C’est très hypothétique.
Le CETA, comme tout accord commercial, fait passer le commerce et les profits avant la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement. Non seulement il ignore cette urgence, mais il aggrave le phénomène. En effet, selon la Commission européenne, le CETA accroît les émissions de gaz à effet de serre, du fait notamment du développement des échanges commerciaux.
Le CETA organise la libéralisation tous azimuts. Il ne prévoit aucune exception dans le secteur de l’énergie. Bien au contraire, il privilégie le commerce traditionnel des matières premières, notamment des sables bitumineux, au détriment du déploiement des énergies renouvelables, lesquelles ne sont même pas mentionnées dans l’accord.
Le CETA est en totale contradiction avec l’article 2 de l’accord de Paris, qui prévoit de restreindre l’exploration, la production et le commerce international des énergies fossiles.
Madame la secrétaire d’État, ma question est simple : êtes-vous d’accord pour soumettre le CETA à referendum et ainsi donner la parole au peuple ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, à question directe, réponse directe : non, nous ne soumettrons pas le CETA à referendum !
En revanche, la commission Schubert, que le Président de la République et le Premier ministre ont chargée d’évaluer les effets potentiels de ce traité sur le climat et sur les aspects environnementaux, sanitaires et sociaux, a conclu à une occasion manquée en matière de développement durable. Pour cette raison, le Gouvernement a lancé un plan d’action visant à placer cet accord sous surveillance. Ce n’est qu’une fois qu’il aura été mis en place que nous soumettrons le CETA à ratification.
En outre, sachez que nous avons déjà commencé à dialoguer et à travailler de façon étroite avec nos partenaires canadiens. Comme je l’ai déjà dit, le ministre d’État et moi-même avons rencontré hier nos homologues canadiens respectifs, afin d’accroître et d’accélérer notre coopération en matière climatique.
Je rappelle que ce plan d’action prévoit un veto climatique. Il s’agit de faire en sorte qu’un investisseur ne puisse attaquer la France dans le cas où elle mettrait en place des régulations climatiques.
Par ailleurs, nous travaillons avec le Canada, notamment avec l’Organisation maritime internationale, afin de limiter les émissions de CO2 résultant du commerce entre l’Union européenne et le Canada.
Enfin, Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, s’est rendu au Canada avec des entreprises françaises pour dialoguer avec les Canadiens et mettre en œuvre ce plan d’action.
N’oublions pas que les accords de libre-échange sont aussi une source de développement économique pour nombre de nos petites et moyennes entreprises, qui sont une part essentielle du tissu économique de la France. (M. Fabien Gay s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’euphorie de la COP21 et la signature par 195 États d’engagements historiques, il semblerait que, au lendemain de la COP23, l’enthousiasme, lui, ait bien refroidi, contrairement au climat.
L’affaire était pourtant bien engagée puisque la tenue de la COP21 officialisait la reconnaissance mondiale des dangers et des conséquences irrémédiables du réchauffement climatique. Mais nous le savons, les prévisions les plus pessimistes des climatologues ont d’ores et déjà été atteintes. Nous sommes à l’aube d’une crise majeure, notamment en ce qui concerne l’eau.
Entre impératifs climatiques et tiraillements politiques, la COP23 est revenue sur les enjeux essentiels que sont le financement des aides aux pays en développement, les gaz à effet de serre, la pollution des eaux, ou encore les défis énergétiques.
Cependant, la question pourtant centrale et fondamentale de la croissance ininterrompue de la population mondiale n’est toujours pas évoquée directement.
Lundi 13 novembre 2017, plus de 15 000 scientifiques de 184 pays ont publié dans la revue BioScience une tribune intitulée « Avertissement à l’humanité ».
Ces scientifiques recommandent entre autres des mesures démographiques comme la réduction du taux de fécondité et la détermination d’une taille de population humaine soutenable. En effet, la population continue d’augmenter, et le scénario moyen prévoit que nous serons près de 10 milliards en 2050, soit une augmentation de près de 30 % par rapport aux 7,5 milliards actuels.
Ma question est la suivante : la COP23 a mis en lumière le travail qu’il reste à fournir pour appliquer l’accord de Paris. Comment parviendrons-nous à réduire les émissions de gaz à effet de serre, conformément aux objectifs de la COP21, alors qu’augmente, dans le même temps, le nombre des consommateurs dont les besoins vitaux et secondaires requièrent les activités industrielles qui provoquent ces émissions ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous posez la question difficile et essentielle du lien entre développement économique et lutte contre le changement climatique.
Le Gouvernement, comme d’ailleurs nombre de pays européens et de nos partenaires internationaux, ne pense plus qu’il y ait une opposition entre les deux, bien au contraire. Nous devons faire en sorte que développement économique et lutte contre le changement climatique aillent de pair. Le changement climatique doit aussi être une chance en matière de développement économique. Tel est en tout cas le défi que la France s’attache à relever.
Le ministre d’État Nicolas Hulot a annoncé le lancement d’une initiative majeure, le Green New Deal, qui visera à fédérer l’ensemble des énergies et à mobiliser en particulier le secteur économique, afin d’accélérer la transition écologique, de développer les emplois verts et de flécher les investissements privés vers des projets bas carbone.
Il en va de même à l’échelle de la planète. J’ai récemment accompagné le Président de la République au Burkina Faso à l’occasion de l’inauguration d’une centrale solaire. Dans des pays tels que celui-là, le développement ne passe pas par la case pollution et par le recours excessif aux énergies fossiles. Il est possible d’utiliser directement les énergies renouvelables, qui sont tout à fait abordables.
De telles initiatives doivent se multiplier à l’échelle de la planète, afin d’accélérer la transition écologique et énergétique.
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.
M. le président. Je crains que vous n’obteniez pas de réponse ce soir, cher collègue, le temps de parole de Mme la secrétaire d’État étant épuisé.
La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré le cri d’alarme lancé par la communauté scientifique mondiale durant la Conférence des Parties réunie à Bonn, ce que l’on retiendra de la COP23, c’est la chaise vide du président des États-Unis. Le retrait unilatéral décidé par Donald Trump semble en effet avoir enrayé le processus lancé par la France en 2015.
À l’inverse, il semble que le Président de la République soit fermement engagé à mener tous azimuts la lutte contre le réchauffement climatique. À bien des égards, le One Planet Summit pour le climat d’hier ressemble à une séance de rattrapage de la COP21, qui, mis à part quelques engagements sur le charbon, est restée en deçà de ses promesses.
Toutefois, quelles sont les avancées concrètes de ces cérémonies riches en déclarations d’intention ? Il semble que la Banque mondiale ait promis hier d’arrêter de financer l’exploitation et la recherche du pétrole et du gaz, autrement dit des énergies fossiles. C’est un pas important, qui atteste que la prise de conscience s’amplifie.
Le Fonds vert pour le climat, dont vous avez parlé, madame la secrétaire d’État, est doté de 4 000 milliards de dollars. Des questions de gouvernance se posent, mais, pour ma part, je souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur le fléchage de l’aide publique au développement, notamment vers les aides agricoles pour les pays du Sud.
Pour la première fois, la COP, et c’est un point positif, reconnaît l’importance de la transition des systèmes agricoles vers l’agroécologie. Cette question était l’un des grands tabous des précédentes rencontres internationales sur le climat, alors que l’agriculture et l’élevage sont responsables de 18 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Le soutien international à une agriculture respectueuse de son environnement pourrait constituer l’une des mesures les plus efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique, tout en répondant à des enjeux sociaux, économiques et alimentaires de premier plan. De l’aveu même de la Banque mondiale, les investissements dans l’agriculture sont plus efficaces que tout autre.
Madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour réorienter les aides au développement vers une transition agroécologique mondiale ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, le One Planet Summit vise à mettre en œuvre concrètement l’accord de Paris. Que vous le trouviez satisfaisant ou non, il a le mérite de poser un cadre clair et ambitieux, compte tenu du nombre d’États qui ont signé cet accord. Il faut maintenant mettre en œuvre ce dernier, et c’est tout l’objet du One Planet Summit du 12 décembre, organisé sur l’initiative du Président de la République.
Douze chantiers ambitieux ont été annoncés et seront suivis et évalués, dans les domaines des transports, de l’énergie, de la prévention des risques, mais également de l’agriculture, de la lutte contre la désertification, de l’eau et des financements.
Nous avons également annoncé un grand projet visant à limiter la dégradation des terres agricole, le Land Degradation Neutrality fund, qui vise, par des financements très innovants, à contenir la désertification et à promouvoir un nouveau type d’agriculture.
Par ailleurs, l’Agence française de développement est extrêmement mobilisée sur cette question. Je rappelle que la France s’est engagée à porter de son financement de trois milliards d’euros par an en 2015 à cinq milliards d’euros par an en 2020, dont un milliard d’euros seront consacrés directement à l’adaptation au changement climatique.
L’agriculture est un axe absolument essentiel de la politique de lutte contre le changement climatique, mais aussi d’une politique de solidarité et d’amélioration des conditions de vie des plus vulnérables. Ce sont en effet souvent les populations agricoles qui sont les plus durement et les plus directement affectées par le changement climatique.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, hier, la France a reçu de nombreux chefs d’État afin de se pencher au chevet de la planète Terre et de constater l’étendue des dégâts. Les grands pollueurs ne sont pas venus à Paris, le changement climatique étant sans doute jugé comme secondaire par leurs dirigeants…
Comme par le passé – je me souviens des déclarations de Jacques Chirac en 2002 à Johannesburg : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » –, notre pays veut prendre la main sur la scène internationale et montrer l’exemple en matière de transition écologique et énergétique.
En France, l’espace montagnard couvre environ un cinquième du territoire national, soit 124 000 kilomètres carrés d’espaces préservés, de réservoirs d’eau, de réserves de biodiversité, que certains, surtout ceux qui n’y vivent pas, sont tentés de transformer en véritables sanctuaires.
Or les montagnes françaises, et les Alpes en particulier, sont aussi des espaces de vie, où il existe une activité économique, fondée essentiellement sur le tourisme. Qu’il soit estival ou hivernal, le tourisme nécessite des aménagements indispensables. En 2016, la France a totalisé 55,3 millions de journées-skieurs, soit 15 % du chiffre d’affaires.
Les habitants de la montagne sont bien conscients du patrimoine naturel et environnemental qu’ils ont entre les mains. C’est pourquoi il est inutile de multiplier les interdictions, les restrictions et les surréglementations à la montagne.
Nous n’avons pas vocation à devenir des réserves d’Indiens, au motif que, ailleurs, on laisse tout faire, pour ne pas dire qu’on laisse faire n’importe quoi. Au regard du nombre d’habitants, notre empreinte carbone est somme toute plutôt maîtrisée.
Les montagnards sont sensibilisés aux changements climatiques, car ses effets chez eux sont trois fois supérieurs à la moyenne mondiale. En outre, les projections font état de changements encore plus sensibles dans les décennies à venir.
Madame la secrétaire d’État, il ne doit pas y avoir en France deux poids deux mesures. Nous devons tous être sur un pied d’égalité, où que nous nous trouvions.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, vous posez la question importante de la solidarité.
Il est vrai que nous n’émettons pas tous les mêmes niveaux de CO2, alors que nous vivons sur la même planète, dans le même pays. Il est donc essentiel que la dimension solidaire soit prise en compte dans la transition écologique. Le ministère s’attache à mettre en œuvre cette solidarité dans chaque territoire.
Notre plan Climat vise la neutralité carbone d’ici à 2050. Cela suppose de changer nos modes de production, nos modes de consommation, mais aussi nos modes de déplacement. Élisabeth Borne, ministre des transports, y travaille activement, notamment dans le cadre des Assises de la mobilité, qui doivent nous permettre de repenser nos modes de transport, y compris dans les zones de France les plus reculées.
Venant également d’une circonscription rurale, je ne suis pas sans savoir que se pose également un enjeu de solidarité et de respect de l’environnement.
Madame la sénatrice, je vous remercie de m’avoir interrogée sur les liens indispensables entre solidarité et transition climatique. Sachez que nous sommes mobilisés sur cette question. Mon collègue Sébastien Lecornu travaille au contrat de transition écologique, qui vise aussi à trouver des solutions spécifiques pour chaque territoire, car nous ne pouvons pas nous satisfaire de règles impératives qui viendraient du sommet et s’appliqueraient partout uniformément. Il faut que la transition colle au plus près des réalités locales, quelles qu’elles soient.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche.
M. Jean-Claude Luche. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la COP21, organisée à Paris voilà deux ans, a joué un rôle significatif dans la prise de conscience française de la responsabilité écologique de chacun.
La COP23 a poursuivi la mise en œuvre des dispositions actées lors de cet événement. Pourtant, la France n’est responsable que de 1 % des gaz à effet de serre sur la planète. On peut par ailleurs s’interroger sur le fait que l’accord de Paris ait exclu au dernier moment les compagnies aériennes et maritimes. Or, vous le savez certainement, mes chers collègues, un cargo pollue autant qu’un million de voitures individuelles.
Le transport de marchandises est très polluant, tout comme certains produits importés, qui sont fabriqués avec des normes environnementales beaucoup moins contraignantes que celles imposées à nos entreprises.
Aussi, nous subissons en quelque sorte une double peine : une peine économique, puisqu’il existe une distorsion de concurrence ; une peine écologique, puisque nous allons favoriser une production polluante et l’importer par des transports énergivores. Vous conviendrez donc que notre volonté de nous montrer exemplaires dans la lutte contre le réchauffement climatique en prend un sacré coup ! Pourtant, cet effort est nécessaire.
À l’heure où les échanges et les transports de marchandises très polluants vont s’intensifier, notamment avec le traité CETA et les discussions à venir avec les pays du MERCOSUR, nous sommes en droit de nous inquiéter, surtout pour notre santé.
Ainsi, à l’échelle de nos territoires et de la France, il faut que nous puissions privilégier les initiatives locales et consommer les produits qui en sont issus, pour moins polluer. Avec du chauvinisme, et pour plaisanter un peu, je vous incite toutes et tous, mes chers collègues, à acheter nos produits estampillés « Fabriqué en Aveyron », qui, en plus de réduire l’impact écologique, favorisent l’emploi.
Cela dit, madame la secrétaire d’État, comment comptez-vous prendre en compte cette augmentation des échanges polluants dans notre lutte commune contre le réchauffement climatique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, contrairement aux accords passés, qui ne traitaient que des droits de douane, les accords « nouvelle génération » que négocie l’Union européenne comportent des dispositions sur les barrières non tarifaires, c’est-à-dire les normes, les standards et la coopération réglementaire, y compris dans le domaine environnemental.
Le premier accord de ce type signé par l’Union européenne est le CETA. Nous avons mis en place, comme je l’ai souligné précédemment, un plan d’action et surveillance sur la mise en œuvre de ce traité.
Ce plan est structuré autour de trois axes forts.
Il s’agit d’abord de l’enrichissement des chapitres de développement durable, dont nous faisons par ailleurs la promotion dans d’autres accords commerciaux, notamment celui entre l’Union européenne et le MERCOSUR. Nous voulons par exemple promouvoir le respect effectif du principe de précaution, tel qu’il est prévu au sein des traités européens. Nous souhaitons aussi que soit préservée la capacité des États à réguler pour des objectifs légitimes de politique publique, notamment en matière environnementale. Nous prônons d’ailleurs une mention explicite de l’accord de Paris.
Nous encourageons ensuite les engagements à réduire les émissions du transport maritime et aérien et soutenons les initiatives multilatérales en la matière.
Nous plaidons enfin en faveur de la soumission des chapitres de développement durable des accords en cours de négociation au mécanisme générique de règlement des différends de l’accord, comme c’est le cas pour tous les autres chapitres.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que nous poussons et faisons la promotion de ces mesures dans les accords que l’Union européenne est actuellement en train de négocier dans d’autres parties du monde, notamment avec le MERCOSUR.
M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme Nelly Tocqueville. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans son discours à Bonn le 17 novembre dernier, le Président de la République a redit son attachement à ce que l’accord de Paris ne soit pas l’accord des mots, mais bien celui des faits.
Voilà deux ans, le 16 novembre 2015, nous votions ici, dans cet hémicycle, à l’unanimité, une proposition de résolution visant à réaffirmer le rôle déterminant des territoires pour la réussite d’un accord mondial ambitieux pour le climat. Avec ce texte, les sénateurs ont délivré deux messages : premièrement, les territoires sont prêts à assumer leur part d’universalité ; deuxièmement, les solutions de préservation de nos ressources naturelles existent aussi à l’échelon local. C’est toujours d’actualité.
Membres du groupe socialiste et républicain du Sénat, nous avons répondu présent pour soutenir toutes les initiatives, elles aussi concrètes, visant à promouvoir la sobriété énergétique et la transformation des modes de production.
Puisque nous sommes à l’heure de la concrétisation et de la responsabilisation de tous les acteurs, je crois particulièrement indispensable que nous transformions aussi les modes de déplacement quotidien et que soit menée une politique d’aménagement du territoire qui prenne en compte en permanence cette exigence universelle de lutte contre l’élévation mondiale de la température terrestre, la cohérence étant un gage d’efficacité dont nous avons besoin.
À ce titre, la préservation des sites d’équipement et de service public de proximité, notamment en milieu rural, me paraît une vraie nécessité, qu’il s’agisse des établissements scolaires, des services de médecine de proximité, ou, plus largement, des services au public. Il nous faut promouvoir un effort et un engagement conjoint et cohérent.
Comment envisagez-vous, madame la secrétaire d’État, de mettre en œuvre, de concert avec le ministère de la cohésion des territoires, une politique efficace d’aménagement des services publics à la hauteur des enjeux climatiques ? (M. Joël Labbé applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, dans les territoires ruraux, compte tenu de l’offre réduite en transports en commun, la dépendance à la voiture individuelle reste très forte pour la mobilité quotidienne.
Je le disais tout à l’heure, pour venir d’une circonscription rurale et avoir grandi dans une zone rurale, je sais combien nous sommes dépendants de la voiture et combien la question des transports est absolument cruciale pour notre développement économique à tous.
De fait, les transports du quotidien en zone rurale émettent bien de CO2 que la moyenne nationale. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite apporter des solutions aux populations vivant dans ces zones.
Ainsi, la prime de conversion des véhicules sera élargie début 2018, la prime de 1 000 euros étant doublée à 2 000 euros pour les ménages non imposables ; elle permettra de remplacer les vieilles voitures polluantes, à essence ou diesel, par des véhicules plus récents. Cette prime sera particulièrement adaptée pour les habitants des zones rurales, qui n’ont souvent d’autres choix que la voiture.
Le développement des mobilités partagées sous diverses formes est également encouragé, car il s’agit d’une piste intéressante pour les zones rurales. Cela a fait l’objet de discussions particulièrement approfondies dans le cadre des assises de la mobilité. Il faut maintenant trouver les bons leviers pour lever les freins économiques, juridiques, mais aussi tout simplement pratiques, pour mobiliser les acteurs, les collectivités et les entreprises.
Des outils existent déjà, comme les plans de mobilité, depuis la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, mais il faut passer à la vitesse supérieure.
Sur le plan international également, nous avons uni nos forces en lançant une coalition pour les transports décarbonés aux côtés d’États tels que les Pays-Bas, le Costa Rica, le Portugal, mais également d’acteurs privés comme Alsthom et Michelin, ou de villes comme Paris.