Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre cette motion. Tous les arguments ont déjà été échangés.
Ce projet de loi montre qu’il existe encore une gauche et une droite dans ce pays et dans cet hémicycle ! Personnellement, je ne regrette pas nos débats, les arguments ont été échangés et nous ne sommes pas d’accord. Je tiens d’ailleurs à saluer l’important travail réalisé, dans un temps contraint, par la rapporteur.
Mais au fond, nous n’étions pas d’accord sur les trois premiers articles et nous n’arriverons pas à trouver une position commune. Tout le monde parle de l’urgence environnementale, mais nous considérons – et nous ne sommes pas nécessairement majoritaires à gauche – que 2040 est déjà une date tardive.
Certains estiment, ce qu’on peut entendre, qu’il y a trop d’inconnues et qu’il faut se laisser du temps. Il est vrai que les énergies renouvelables ne peuvent pas fournir seules, aujourd’hui, l’électricité nécessaire à notre consommation, mais si nous mobilisons massivement l’argent public et privé au profit des investissements nécessaires, nous ne subirons plus la transition écologique.
En tant que nouveau sénateur, je souhaite ajouter un point à propos de la motion qui nous est soumise. Sans esprit polémique, je constate que la droite est physiquement minoritaire dans l’hémicycle à cet instant, mais que grâce à la magie du scrutin public, la motion va être adoptée. Cette situation pour le moins bizarre doit nous faire réfléchir, en particulier dans le cadre des travaux qui sont actuellement menés pour réformer nos institutions.
En conclusion, nous devons être bien conscients que les questions de long terme ont absolument besoin de débats. Ne nous en privons pas et tenons-en plutôt plus que moins ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour explication de vote.
M. Frédéric Marchand. Bien évidemment, le groupe La République En Marche ne votera pas cette motion. Sans vouloir être plus long, je vous invite, mes chers collègues, à méditer cette phrase d’un glorieux sénateur qui a contribué à l’histoire de notre pays, Édouard Herriot : « La persévérance dans une idée juste en amène le succès tôt ou tard. » (M. Joël Labbé applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Pour que tout le monde puisse réfléchir et décider en toute connaissance de cause, je crois que nous devons nous atteler à la question des connaissances et des savoirs. Je suis professeur de physique-chimie et il me semble par exemple important, quand on discute de sujets comme celui des énergies, que chacun comprenne ce qu’est une combustion.
La culture scientifique est indispensable pour que nos concitoyens soient à même de prendre des décisions sur des enjeux de société, qu’ils soient liés à l’économie ou à l’environnement.
Alors, certes, il y a urgence, mais je plaide pour que chacun soit en mesure de faire un choix. Or c’est toute la difficulté : sur ces sujets, tout le monde n’a pas les connaissances suffisantes pour faire un choix. C’est pourquoi j’appelle au développement de la culture scientifique, qui est largement déficitaire actuellement dans notre pays.
Nous sommes devant des enjeux vitaux : c’est non pas la vie de la planète – elle sera toujours là –, mais la vie des êtres humains qui est en jeu ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 47 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 192 |
Contre | 145 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement est rejeté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur la proposition de loi relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
7
Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (proposition n° 123, texte de la commission n° 164, rapport n° 163).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des lois, la proposition de loi en discussion aujourd’hui s’inscrit dans la continuité d’un travail législatif qui a considérablement occupé le Parlement ces dernières années – tous les sénateurs, que je salue, ici présents le savent –, celui de la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités.
Ce chantier a, pour ainsi dire, occupé le Parlement de manière quasi continue durant la précédente législature, accompagnant les mutations très profondes de l’organisation, des ressources et des missions des collectivités locales : mutations institutionnelles, évidemment, chacun le sait, avec la création des grandes régions, la naissance de métropoles, l’émergence de communes nouvelles, l’affirmation de collectivités à statut particulier, telles que la métropole de Lyon, la Ville de Paris ou la collectivité de Corse, la rationalisation de la carte intercommunale ; mutations également des compétences exercées par les différents niveaux de collectivités. La simplification de la répartition des compétences a été de pair avec la révision de nos architectures institutionnelles. Pas un territoire n’a été exempt de ces évolutions. Tous ont été et sont encore concernés par cette question de la distribution des compétences entre les différents niveaux de collectivités.
Comme beaucoup de membres du Gouvernement, j’ai multiplié les consultations avec les élus. Nous avons entendu les demandes des uns et des autres – parfois contradictoires, d’ailleurs –, à savoir la stabilité, et nous en avons mesuré la portée. Il en résulte un constat très fort : l’équilibre qui a été trouvé par le Parlement doit maintenant s’appliquer.
Cette demande, le Gouvernement l’a entendue, comprise et faite sienne. Voilà les raisons pour lesquelles, comme le Président de la République l’a confirmé au congrès des maires le 23 novembre dernier, il n’y aura pas de nouvelle grande transformation institutionnelle pour les collectivités territoriales.
Stabilité et continuité n’excluent cependant pas de procéder à des améliorations. Mettre en œuvre la loi n’interdit pas non plus de l’accompagner, non seulement pour l’expliquer, mais aussi pour en corriger les imperfections, en résoudre les difficultés d’application.
Le Gouvernement s’est donc engagé à accueillir favorablement de telles initiatives et à mettre à l’étude les améliorations qui paraîtraient possibles dans la répartition des compétences entre collectivités, après avoir pris le temps de la concertation. À la demande du Premier ministre, j’ai d’ailleurs été mandatée pour organiser ces concertations et en tirer, au nom du Gouvernement, les conclusions utiles.
Avant d’évoquer la présente proposition de loi, qui concerne la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, je voudrais revenir sur le deuxième domaine où des travaux ont été engagés, celui de l’eau et de l’assainissement.
Comme vous le savez, une initiative parlementaire va se concrétiser dès le début de l’année 2018. Comme vous le savez également, j’ai animé un groupe de travail composé de huit députés et de huit sénateurs. Ce groupe a procédé à de nombreuses auditions et examiné la nature des difficultés posées par la loi NOTRe, telle qu’elle existe actuellement. Je réunirai de nouveau ce groupe cette semaine pour examiner comment nos conclusions, qui sont unanimes, peuvent être transcrites dans un texte de loi.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas vraiment notre sujet !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ai dit qu’avant d’évoquer la présente proposition de loi j’abordais un autre sujet. Il concerne aussi l’eau et l’assainissement.
Cette initiative procédera à deux modifications très importantes, qui ont d’ailleurs été discutées et rediscutées à Cahors.
Premièrement, nous introduirons une clause de sauvegarde des libertés communales, c’est-à-dire une faculté, pour une minorité de communes, de s’opposer au transfert de ces compétences à l’intercommunalité. Cette faculté sera ouverte pour le mandat en cours et pour le suivant.
Deuxièmement, nous reviendrons sur les dispositions de la loi NOTRe qui avaient pour effet de procéder, trop fortement et de manière trop automatique, à la dissolution de syndicats de plein droit, en généralisant le principe de représentation-substitution des communes par les intercommunalités, y compris lorsque les syndicats regroupent deux EPCI seulement.
Voilà ce que nous proposerons. Vous le voyez, nous n’avons pas hésité à rouvrir le débat de manière constructive pour trouver une solution qui satisfasse tout le monde, comme l’a indiqué le Premier ministre à Cahors. Je m’étais engagée à ce que ces travaux se fassent. Ils se font ! C’était un engagement du Gouvernement, confirmé par le Président de la République et décliné dans la Conférence nationale des territoires.
J’en viens maintenant au texte inscrit à l’ordre du jour, monsieur Collombat.
La logique de la GEMAPI est une logique forte et solidaire, mais il nous est remonté des difficultés d’application du terrain.
La création de la compétence GEMAPI par la loi MAPTAM du 27 janvier 2014, via l’adoption d’un amendement déposé par d’éminents sénateurs, dévolue aux intercommunalités à fiscalité propre à compter du 1er janvier 2018, était une réponse à un constat simple : la gestion des cours d’eau et celle du risque d’inondation sont intimement liées. Telle est la raison pour laquelle le législateur a souhaité réunir dans une même compétence ces deux aspects.
En outre, les risques d’inondation, comme les effets d’une dégradation des milieux aquatiques, ne connaissent pas de frontières. Ils menacent tous les territoires riverains des fleuves et cours d’eau, ceux situés en aval étant souvent plus exposés que ceux à l’amont. Voilà pourquoi le législateur a choisi d’organiser la solidarité territoriale en ces domaines, en confiant aux intercommunalités le soin d’exercer cette compétence. Il est évidemment question, en matière de GEMAPI, de solidarité entre les territoires.
Comme je l’ai dit, la logique de la GEMAPI est donc une logique forte et de solidarité, mais sa mise en œuvre s’est heurtée à quelques difficultés.
Nos fleuves, rivières et ruisseaux ne sont pas toujours entretenus comme il le faudrait.
De plus, la gestion des digues est assurément une compétence dispersée et pas toujours bien exercée. Ici, des digues appartiennent à des associations de propriétaires fragiles, qui n’assurent pas bien leurs obligations d’entretien. Ailleurs, la propriété d’ouvrages anciens n’est pas bien définie. Là-bas, les collectivités n’ont pas su s’entendre et s’organiser pour mettre en place un système d’endiguement approprié. En d’autres endroits, l’État n’a pas toujours été un propriétaire prévoyant et diligent.
Enfin, le législateur de 2014 n’a sans doute pas suffisamment pris le temps d’examiner ce qui pouvait déjà exister dans les territoires, avant même que la compétence GEMAPI ne voie le jour. En effet, il est des territoires où des initiatives s’étaient structurées, parfois depuis longtemps, pour assurer l’entretien mutualisé des cours d’eau, au contraire d’autres territoires, où rien ne s’était fait.
Dans des territoires très exposés à de violents risques d’inondations – je pense, par exemple, aux épisodes cévenols dans le Sud-Est –, des collectivités avaient pris des initiatives pour éviter que l’inertie ne cause, chaque année ou presque, des morts. Par ailleurs, à la suite de crises majeures de submersion marine, certaines collectivités s’étaient engagées dans des travaux ambitieux et au long cours, pour mieux protéger habitations et activités humaines. Or l’uniformité prévue par la loi MAPTAM avait pour effet d’empêcher ce type d’initiative, obligeant même à les déconstruire, dès lors qu’étaient concernées des collectivités autres que communales. C’était, chacun le sait et le mesure, une véritable difficulté pour ces territoires.
Nous avons donc souhaité revisiter la compétence GEMAPI à l’aune de la philosophie de la Conférence nationale des territoires. Cette philosophie est simple, et le Premier ministre l’a parfaitement exprimée en ouvrant les discussions lors de la première réunion de la Conférence nationale des territoires au Sénat, le 17 juillet dernier : « En termes de compétences, nous voulons à la fois permettre aux libertés locales de s’exprimer, tout en conservant l’idée d’une stabilité globale du dispositif. »
« Stabilité globale du dispositif », car il n’est pas question de remettre en chantier les équilibres qui viennent d’être trouvés. Je peux ainsi vous confirmer que le Gouvernement ne reviendra pas sur les grandes caractéristiques de la GEMAPI. Nous assumons cette part d’héritage, qui vient de la législature précédente, et nous mettrons cette réforme en œuvre.
Les intercommunalités exerceront donc la compétence GEMAPI à compter du 1er janvier 2018, une compétence qu’elles pourront, si elles le souhaitent, transférer à des syndicats d’un genre particulier : les EPTB et les EPAGE. Elles bénéficieront par ailleurs d’une nouvelle ressource fiscale pour leur permettre d’exercer cette compétence.
Mais cette stabilité doit être assortie de conditions de mise en œuvre de la loi qui permettent aux libertés locales de s’exprimer pleinement. Il apparaît en effet, dans le domaine de la GEMAPI, que la loi a conduit à certaines difficultés, parce que les règles qu’elle définit s’accommodent mal de la réalité et de la très grande diversité de nos territoires.
Le Gouvernement a donc soutenu les propositions des députés visant à permettre aux départements, notamment littoraux, de continuer à porter les stratégies et politiques qu’ils ont su mettre au point, à étendre aux régions qui exerçaient des attributions dans ce domaine et souhaitent continuer – certaines se sont manifestées, et nous avons, là aussi, souhaité les entendre – cette faculté – car il s’agit bien d’une faculté et non d’une obligation – et à affirmer clairement un principe de sécabilité des différentes composantes de la compétence GEMAPI, qui seul garantit aux collectivités territoriales leur libre organisation dans l’exercice de cette compétence.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi va donc très loin dans la confiance accordée aux collectivités territoriales : elle leur donne toute latitude pour s’organiser.
La dernière évolution d’importance concerne la création, nécessaire, d’un régime de responsabilité adapté aux transferts d’ouvrages aux intercommunalités. Des réponses devaient en effet être apportées à l’inquiétude des élus, qui se voient transférer des ouvrages et craignaient d’être immédiatement tenus responsables de leurs imperfections, de leurs fragilités, voire de leurs défaillances. Grâce à cette proposition de loi, une réponse claire et opérationnelle pourra être inscrite dans la loi, le temps que les décisions soient prises en matière de stratégie d’endiguement.
Je voudrais, pour conclure, insister encore sur le signal très positif que constitue cette proposition de loi, à laquelle le Gouvernement est dans son ensemble très favorable. Ce texte matérialise en effet notre souhait d’adapter la loi, lorsque cela est nécessaire, pour permettre aux libertés locales de s’exprimer et pour tenir compte des initiatives prises par les collectivités territoriales et qui fonctionnent déjà, comme celles prises par les départements. Il vient concrétiser les premiers engagements pris dans le cadre de la Conférence nationale des territoires et confirme que cet état d’esprit n’est pas que de façade : les engagements pris ont été tenus, et l’ont été rapidement.
Je salue le travail législatif à la fois rapide et efficace qui a permis de susciter cette proposition de loi, ainsi que le vote des députés, qui, unanimes sur tous les bancs, ont approuvé le texte qui vous est soumis cet après-midi. Je sais combien le Sénat est sensible à ces préoccupations. Je pense que cette proposition de loi répond à nombre d’entre elles en matière de GEMAPI. J’espère donc que vous suivrez la voie tracée par l’Assemblée nationale…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Jamais ! (Sourires.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … et que vous permettrez que la loi évolue, dans le sens d’une amélioration et d’une prise en compte des difficultés qu’elle pouvait poser pour nombre de collectivités territoriales. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai parfaitement entendu la philosophie du Gouvernement : il ne veut pas d’un nouveau big-bang territorial. Nous pouvons largement y souscrire, d’autant que c’était l’une de nos affirmations. Pour autant, force est de constater que nombre de textes ont besoin d’être à tout le moins explicités, peut-être même précisés, parce que c’est une demande des élus de nos territoires. Celui-ci n’y échappe pas.
Je commencerai par remercier notre collègue Pierre-Yves Collombat, qui a beaucoup travaillé sur ce texte. À l’évidence, ces questions, celles liées à la GEMA, la gestion des milieux aquatiques, comme celles liées au fameux PI, la prévention des inondations, nécessitaient nombre de clarifications, à commencer par celle de l’attribution du chef de filat. C’est la question centrale, et nous y reviendrons lors de l’examen des amendements, qui portent essentiellement sur ce sujet.
J’ai malgré tout un regret à formuler, un regret relativement collectif et qui est davantage un enseignement qu’il nous faut tirer de cette proposition de loi et de la façon dont elle nous est parvenue, à quelque quinze jours de la prise de compétence des établissements publics de coopération intercommunale en matière de GEMAPI. Il a été difficile pour la commission des lois, et plus généralement pour le Sénat, d’expertiser le travail d’amendement réalisé à l’Assemblée nationale, ce qui nous a parfois un peu heurtés en ne nous permettant pas de formuler certaines propositions, de les rendre cohérentes et, surtout, de faire en sorte qu’elles répondent aux problématiques qui se posent actuellement. Par exemple, la commission a souhaité poser avec force la question du ruissellement, mais s’est heurtée au peu de temps que nous avions pour trouver une solution – même si nous vous ferons clairement des propositions – sur cette question majeure pour nombre de territoires, notamment du quart sud-est, comme mon propre département, l’Ardèche.
Par ailleurs, nous touchons du doigt une problématique majeure, dont il a été beaucoup question lors de la Conférence nationale des territoires, à laquelle, madame la ministre, vous avez fait référence : la différenciation territoriale.
À cet égard, si je continue de penser que cette proposition de loi est pertinente et répond à la problématique du chef de filat en prenant en compte la réalité des besoins, les perceptions des élus, comme nous l’ont confirmé les nombreuses auditions que nous avons tenues, sont largement différentes selon qu’ils sont du littoral, d’une région fluviale ou d’un territoire de montagne.
C’est, je crois, un sujet majeur, qu’il faut savoir prendre en compte, dans tous les sens : en écoutant les élus des territoires qui peuvent rencontrer des difficultés dans ce domaine comme dans d’autres – Mme la ministre a évoqué l’eau et l’assainissement, où se posent des problématiques à peu près communes – et en réaffirmant la philosophie de ce texte, qui consiste à désigner un référent, en l’occurrence l’intercommunalité, qui puisse faire œuvre utile en assumant le chef de filat sur ces sujets.
Forts de ces constatations, nous avons essayé de porter un regard attentif sur les propositions qui ont été faites sur ce texte issu de l’Assemblée nationale, en nous efforçant d’y apporter quelques corrections.
Ainsi, nous avons complété l’article 1er de la proposition de loi, qui permet aux départements et aux régions de poursuivre leur action en matière de GEMAPI au-delà du 1er janvier 2020, en autorisant les régions à financer des projets dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par le bloc communal.
De plus, la commission des lois a souhaité prendre en compte le cas des communes isolées, avec lesquelles les départements ou les régions devront passer contrat ; je sais que c’est un sujet sur lequel nous avons une lecture un peu différente.
L’Assemblée nationale a entendu assouplir les modalités de transfert et de délégation de la compétence GEMAPI à un syndicat mixte, en prévoyant notamment la sécabilité interne des quatre missions constitutives de cette compétence, aux articles 1er, 3 et 4. Si la commission des lois a émis de fortes réserves sur ce point, elle en a pour autant admis le principe, tout en clarifiant la rédaction proposée. Encore une fois, nous avons voulu veiller à ce que le portage de la compétence ne soit pas dilué.
La commission a également maintenu la faculté dont disposent actuellement les EPCI à fiscalité propre de transférer leurs compétences à un syndicat sur une partie seulement de leur territoire, ou à plusieurs syndicats sur des parties distinctes de leur territoire, dans l’ensemble du champ de la politique de l’eau, et pas seulement en matière de GEMAPI.
Par ailleurs, elle a précisé et complété le régime de responsabilité limitée des gestionnaires d’ouvrages de protection contre les inondations prévu à l’article 1er, au cas où un sinistre surviendrait pendant la période transitoire entre le moment de leur mise à disposition et celui de leur autorisation par le préfet. Elle a notamment étendu le bénéfice de ce régime de responsabilité limitée à l’ensemble des ouvrages de protection, et non aux seules digues, qui seraient mis à disposition du bloc communal par toute personne publique, et non par les seuls départements et régions.
La commission des lois s’est également penchée sur la prévention des inondations et la maîtrise des eaux de ruissellement. Observant que de nombreuses et graves inondations étaient dues au ruissellement des eaux plutôt qu’à la crue d’un cours d’eau ou à une submersion, elle s’est interrogée sur l’opportunité d’élargir le périmètre de la compétence GEMAPI à la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement, ainsi qu’à la lutte contre l’érosion des sols. Pour l’heure, elle a souhaité autoriser l’affectation à de tels projets de tout ou partie du produit de la taxe GEMAPI. Nous vous ferons des propositions par voie d’amendement en vue d’intégrer cette compétence à moyen terme.
Moyennant ces modifications qui enrichissent le texte, la commission des lois a adopté cette proposition de loi.
Pour conclure, je me permettrai de rappeler le regret que j’ai formulé en préambule : l’examen par trop tardif de ce texte n’a pas permis à la Haute Assemblée d’en avoir une lecture exhaustive et, surtout, d’en reformuler certaines dispositions. Nous avons déjà évoqué ces sujets, notamment lors de la Conférence nationale des territoires, au cours de laquelle nous nous sommes collectivement interrogés sur la nécessité d’anticiper ce type de sujets : parce que, à l’évidence, les législateurs que nous sommes sont observés par les élus de l’ensemble des territoires.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Nous avons l’ardente obligation, à défaut de provoquer un nouveau big-bang territorial, d’être au rendez-vous de leurs attentes en ce qui concerne la clarification de certains textes, pour les adapter aux différentes problématiques territoriales. Je forme donc à nouveau le vœu que, dans l’esprit des engagements pris jeudi dernier par le Premier ministre, nous puissions réellement prendre en compte les aspirations des acteurs des collectivités territoriales – et même, pourquoi pas, écouter la voix du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, des enjeux de sécurité et de santé considérables ont conduit le législateur à mettre fin à l’émiettement existant dans la gouvernance de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations. C’est ainsi que, en 2014, la loi MAPTAM a confié aux EPCI à fiscalité propre l’exercice de la compétence GEMAPI à compter du 1er janvier 2016. Cette loi avait pour ambition, simplement, de mieux structurer la maîtrise d’ouvrage à l’échelle nationale et de rationaliser l’organisation territoriale, marquée par l’enchevêtrement et la dispersion des pouvoirs locaux.
Cette mesure fut à l’époque sans aucun doute trop hâtivement votée, sans aucune étude d’impact préalable sur les conséquences considérables qu’elle engendrerait. Aussi, sous la pression des élus locaux, la loi NOTRe a-t-elle repoussé de deux ans, au 1er janvier 2018, l’entrée en vigueur de la GEMAPI, faisant ainsi la preuve de l’imperfection de la loi de 2014.
Aujourd’hui, force est de constater que, à quelques jours de son transfert programmé au bloc local, la compétence a bien du mal à se déployer sur le terrain : à ce jour, seulement 15 % environ des EPCI, en tout cas moins de 20 %, ont pris cette compétence. Comment pourrait-il en être autrement au regard des bouleversements techniques et administratifs que ce transfert entraîne, mais aussi des responsabilités afférentes, très importantes, et de son coût financier ?
Face aux inquiétudes légitimes et aux obstacles réels rencontrés sur le terrain, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi vient très utilement répondre aux interrogations pratiques des élus locaux en clarifiant certains points et, en même temps, en assouplissant le dispositif. Ainsi, elle réaffirme le rôle des départements et des régions et précise le cadre de responsabilité des élus, même si nombre d’interrogations subsistent sur la capacité des maires à répondre de leur pouvoir de police. Elle assouplit aussi les modalités de transfert et de délégation de la compétence en élargissant la concertation entre les acteurs. Toutefois, certains élus regrettent qu’elle ne permette pas une discussion globale, appréhendant des missions connexes telles que les compétences « eau et assainissement », traitées dans le cadre d’une proposition de loi sénatoriale qui, bien que votée à la quasi-unanimité de notre assemblée, n’a pas été reprise à l’Assemblée nationale.
Je salue, madame la ministre, votre volonté et celle du Gouvernement de trouver une issue positive à cette impasse. Vous le savez, nous serons très attentifs à vos propositions.
Pour autant, la présente proposition de loi, améliorée par l’excellent travail de notre rapporteur,…