M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous procéderons tout à l’heure au vote solennel du projet de loi nouvellement dénommé au Sénat « renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public ».
Je pense que chacun, dans cet hémicycle, s’accorde sur la volonté de placer la confiance au cœur des rapports entre l’administration et les Français.
M. François Pillet. Oui !
M. Jean-François Husson. Au sein du texte déposé devant le Parlement, deux mesures devaient tout particulièrement y contribuer : la généralisation d’un droit à l’erreur et la création d’un droit au contrôle.
Le droit à l’erreur, mesure centrale de ce texte de loi, au point de lui avoir donné son premier intitulé, permettra à l’administré de ne pas souffrir des conséquences d’une erreur commise de bonne foi et pour la première fois.
Ce nouveau droit, déjà mis en œuvre par l’administration fiscale, viendra s’appliquer à de nombreux domaines du quotidien des citoyens, apaisant et facilitant ainsi leurs rapports avec l’administration.
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Jean-François Husson. Au cours des débats, nous avons discuté à plusieurs reprises de la place du conseil dans les missions des administrations. Nous sommes bien d’accord pour dire que le développement de relations de confiance, permettant d’informer, d’orienter et de conseiller le public n’exclut pas le contrôle.
L’extension du rescrit administratif, la création de certificats d’information et surtout la consécration d’un droit au contrôle découlent de cet impératif. Ces mesures servent toutes à fixer les bornes claires et nécessaires de la confiance.
Mais, dans les faits, l’essentiel de nos débats n’a pas porté sur ces nouveaux droits et sur leur application. En effet, ceux-ci ne représentent qu’un quart environ du texte qui nous a été soumis. Le reste est constitué d’un ensemble de mesures couvrant des domaines très variés. Elles visent à simplifier et à modifier le droit existant, mais aussi à accompagner la dématérialisation de l’administration, ou encore, et surtout, à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance.
C’est la raison pour laquelle ce texte a été qualifié de « fourre-tout » assemblant des mesures hétéroclites placées à la remorque de deux droits innovants.
C’est aussi la raison de nos critiques portant sur la forme et sur la méthode. Le Président de la République lui-même affirmait, lors de son discours devant le Congrès, en juillet 2017, qu’il fallait « une activité parlementaire revivifiée par un cap clair [et] des débats mieux construits. »
Le présent texte, convenons-en, n’illustre pas ces beaux principes. Était-il nécessaire d’y inclure tant de recours à la législation par ordonnance ? Alors que souffle le vent de l’antiparlementarisme, ne pouvait-on pas accorder davantage de confiance au Parlement ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Cornu. Très bien !
M. Gérard Longuet. Tout à fait !
M. Jean-François Husson. N’était-ce pas une bonne occasion de confier aux députés et aux sénateurs la mission d’enrichir ce texte ?
Pourquoi, d’ailleurs, diluer autant l’impact et la clarté de ce projet de loi ? Était-il nécessaire, pour légiférer sur la confiance, d’inclure des dispositions sur la géothermie,…
M. Martial Bourquin. Oui !
M. Jean-François Husson. … sur les modalités de recouvrement des indus des prestations sociales, ou encore sur les modes de garde de la petite enfance ? La clarté et l’intelligibilité de la norme, qui sont des objectifs à valeur constitutionnelle, en souffrent grandement !
Et pourquoi attendre le dernier moment pour déposer certains amendements sur des sujets importants,…
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Jean-François Husson. … qu’il s’agisse d’engager une nouvelle expérimentation – la dix-huitième, excusez du peu ! – ou de revenir sur la décision d’attribution d’appels d’offres pour la réalisation de champs éoliens en mer ?
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Jean-François Husson. Ce n’est manifestement pas là une marque de confiance. C’est un manque de respect et une très mauvaise manière faite au Sénat, que nous ne pouvons accepter. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mettre en œuvre la confiance, c’est savoir laisser au Parlement la possibilité et le temps de préparer autant que de discuter la loi. C’est son rôle. Le recours aux ordonnances ne doit pas être systématique : c’est essentiel à la séparation des pouvoirs. Mais, à observer les textes qui nous sont soumis, ce gouvernement me semble avoir la maladie des ordonnances.
Contourner le Parlement pour mieux le contraindre, cela ne me semble pas porter le symbole d’un monde nouveau…
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Jean-François Husson. En voulant faire voter à la hâte des mesures aussi nombreuses qu’hétéroclites, on retire au Parlement la possibilité d’avoir un débat clair et mieux construit sur chacune d’entre elles.
Ces mesures ne méritent-elles pas leur propre texte, qu’il s’agisse de l’enseignement supérieur, des énergies renouvelables, des agences de notation ou de bien d’autres sujets encore ? Le chef de l’État n’était-il pas celui qui affirmait vouloir « une société de confiance », en précisant que, pour cela, une seule loi ne saurait suffire ?
Toutefois, mes chers collègues, malgré cette déception, la commission spéciale et le Sénat dans son ensemble ont fait preuve de leur capacité à rebondir, pour créer les conditions d’un travail législatif fructueux en enrichissant, en précisant et, là où c’était nécessaire, en élaguant le présent projet de loi.
Nous nous sommes réapproprié ce texte sur la confiance et nous avons fourni un travail considérable.
M. Jacques Grosperrin. Bien sûr !
M. Jean-François Husson. À ce titre, permettez-moi d’abord de remercier tout particulièrement les rapporteurs, Pascale Gruny et Jean-Claude Luche, et tous les membres de la commission spéciale de leur contribution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe Union Centriste. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Antoine Lefèvre. Travail remarquable !
Mme Françoise Gatel. Tout à fait !
M. Jean-François Husson. En perfectionnant les dispositifs, en améliorant des rédactions souvent complexes et en retirant certains des éléments les moins pertinents, nous avons contribué à produire un texte de loi meilleur.
Je citerai, à cet égard, quatre apports importants du Sénat : la reconnaissance, au bénéfice des collectivités locales, dans leurs relations avec l’État, d’un droit à l’erreur ; la possibilité d’une validation expresse des points examinés lors d’un contrôle fiscal ; la limitation de la durée cumulée des contrôles administratifs sur les très petites entreprises à six mois sur une période de trois ans ; et enfin le maintien du recours à l’enquête publique plutôt qu’une simple procédure de consultation par voie électronique préalablement à l’autorisation d’un certain nombre de projets agricoles.
L’examen de ce texte a également été l’occasion de recourir pour la première fois à la procédure de législation en commission. Celle-ci nous aura permis d’accélérer significativement nos travaux en séance publique sans que le débat perde en qualité. Plusieurs d’entre vous, initialement sceptiques quant au recours à cette procédure, l’ont saluée à l’issue de nos travaux.
M. Jérôme Durain. C’est vrai !
M. Jean-François Husson. Avec cette nouvelle procédure, le Sénat est pionnier, et c’est tant mieux : pour ceux qui pensent que le bicamérisme serait d’un autre temps ou que le Sénat est la maison des conservatismes, il faudra repasser ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. François Patriat. C’est pourtant vrai ! La maison du conservatisme !
M. Jean-François Husson. Avec cette innovation, nous affirmons la capacité du Sénat à s’adapter, à légiférer sur des sujets plus techniques, avec un vrai travail de fond en commission, un travail de qualité bien sûr.
Ce travail obéit néanmoins à un préalable : le pacte de confiance et d’intelligence partagées, contrepartie du droit de veto.
Mes chers collègues, je vous invite à voter ce projet de loi qui, malgré ses défauts, contribuera à moderniser les rapports des Français avec leurs administrations, qui doit permettre de rendre ces dernières plus performantes et plus efficaces. (Marques d’impatience sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe La République En Marche.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-François Husson. Bien sûr, nous formons le vœu que la commission mixte paritaire soit conclusive, et nous serons attentifs à l’évaluation qui sera faite par et avec le Gouvernement ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. François Patriat. Enfin un progressiste !
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je ne ferai pas durer le suspense, le groupe La République En Marche s’abstiendra sur le présent projet de loi. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous espérons néanmoins, en ce jour de printemps – certes un peu froid –, qu’un accord sera trouvé à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Pourquoi cette position d’abstention sur un texte qui, pour faire écho à la discussion générale, vise à faciliter la vie de nos concitoyens, de nos entreprises et de nos administrations ?
Nous avons posé un certain nombre de balises avec les dispositifs principaux du texte – le droit à l’erreur, le droit au contrôle, la médiation, la transaction –, mais il est vrai que c’est une impression un peu plus complexe qui domine à ce stade de la procédure.
J’ai suivi l’intégralité des débats, et force est de constater que ce qui en ressort peut parfois donner le tournis. Nous avons débattu longuement et précisément d’un certain nombre de sujets, si bien que le débat n’a pas du tout été occulté. Le syndrome du concours Lépine que je relevais à la tribune la semaine dernière ne nous a, hélas, pas totalement épargnés, avec une série d’amendements sectoriels adoptés parfois contre l’avis du Gouvernement – après tout, nous sommes au Sénat –…
M. Alain Joyandet. Cela arrive aussi à l’Assemblée nationale !
M. Julien Bargeton. …, mais aussi contre l’avis de la commission spéciale. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le groupe La République En Marche a fait notamment adopter un amendement particulièrement bienvenu proposé par Patricia Schillinger visant à étendre le droit à l’erreur au code de la sécurité sociale.
Il est toujours curieux d’assister à l’embolie progressive de certains textes, a fortiori d’un texte dont la raison d’être est de promouvoir et de permettre une plus grande simplicité, une plus grande sérénité des relations administratives.
La fameuse formule de Michel Crozier « on ne change pas la société par décret » s’applique aussi au législateur. (Protestations.) Dit autrement, l’excès de règles est parfois autant à craindre que l’absence de règles. Il est inutile d’empiler la norme sur la norme. C’est d’ailleurs l’un des grands mérites de ce projet de loi que de reconnaître que d’autres outils juridiques sont disponibles pour faire face à telle ou telle situation entre les administrés et l’administration.
Ce texte s’articule avec la transformation de l’action publique. C’est en effet demain aux agents publics qu’il reviendra de l’appliquer. Il reviendra notamment aux managers et aux gestionnaires des ressources humaines de permettre au droit à l’erreur de pleinement se déployer. Car derrière la législation, il y a des agents publics qui ne demandent qu’à pouvoir accomplir sereinement un service public de qualité. Ce sont les agents publics qui feront vivre au quotidien cette administration qui conseille, cette administration qui dialogue !
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a prévu de flécher 700 millions d’euros vers la formation des agents publics, notamment aux enjeux du numérique dont la connaissance est indispensable pour pouvoir appliquer concrètement les transformations de l’administration.
Longtemps la confiance a été la grande absente des relations entre l’État et celles et ceux qui le font fonctionner. Ce texte pose un jalon, il envoie un signal. Il montre aux agents publics du terrain que leurs retours, leurs initiatives, leurs difficultés sont des leviers d’amélioration du service public.
On ne révolutionne pas cent ans en cent pages ou deux cents ans en deux cents pages, mais vous pourrez compter sur nous, monsieur le secrétaire d’État, pour appuyer et enrichir vos actions de modernisation de l’administration qui ont pour ambition de tracer des perspectives d’avenir pour la fonction publique.
Le groupe La République En Marche espère que le texte sera peut-être moins corpulent, et donc plus cohérent à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Cela étant, nous nous félicitons de la mise en œuvre de la procédure de législation en commission qui est une innovation à préserver, et qui a permis de conserver la discussion en séance publique des principaux articles du projet de loi.
Malgré les divergences d’appréciation importantes qui subsistent à ce stade, je salue la commission spéciale, les rapporteurs et leur travail.
Ce texte est un appel à une société plus confiante, plus sereine, qui offre de nouvelles respirations aux relations entre les administrations et l’usager. Puisse cette sérénité inspirer les travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Pierre-Yves Collombat, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Selon la légende, avant la visite de Catherine II en Crimée, le Premier ministre d’alors, Grigori Potemkine, aurait donné l’ordre de cacher la misère des villages traversés par l’impératrice derrière des façades de carton-pâte.
M. Roger Karoutchi. Il n’était pas Premier ministre !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce texte est un projet de loi Potemkine (Sourires.) : côté façade, on institue rien de moins qu’une société de confiance en mettant l’État à son service ; côté arrière-cour, on entasse un bric-à-brac de dispositions disparates, sans lien entre elles, voire sans lien avec l’objectif.
Jusqu’à présent, les sommets de l’État avaient pensé soigner la sécession civique des Français par la transparence. On expérimente donc une nouvelle médecine : la confiance.
« Rien ne sera possible sans cette relation de confiance et de responsabilité » déclinait il y a déjà quelques mois Emmanuel Macron dans son discours-fleuve du congrès de l’Association des maires de France. La transparence s’était faite sur le dos des élus ; la société de confiance sera réalisée sur celui de l’administration.
Curieux mélange de théorie du care, du soin, chère aux sociaux libéraux du New Labour, et de populisme chic : calmer la défiance des citoyens en transformant une administration jugée soupçonneuse, tatillonne, voire hostile en administration de l’accueil.
L’administration publique n’administre plus, elle donne des conseils et rend des services. Son objectif est non plus de concilier l’efficacité et l’équité de traitement des citoyens, mais de leur donner confiance dans leur administration, donc en eux-mêmes.
C’est d’abord un service social. C’est une administration qui accompagne, qui reconnaît le droit à l’erreur et qui prévient celle-ci, le tout, bien sûr, avec des moyens en voie de réduction.
Côté contenu, on est loin du compte. Le produit phare, le droit à l’erreur pour les personnes de bonne foi ayant méconnu pour la première fois une règle, se borne largement à inscrire dans la loi des pratiques existantes qu’un décret, voire quelques circulaires, aurait suffi à généraliser.
En revanche, ce texte laisse intacts les dilemmes de la vie réelle : la preuve de la mauvaise foi incombe à l’administration qui doit démontrer une volonté de méconnaître délibérément la règle. Mais comment démontrer une intention ? Être contrôlé devient un droit, mais un droit que l’administration peut refuser s’il a pour effet de « compromettre le bon fonctionnement du service ou de mettre l’administration dans l’impossibilité de mener à bien son programme de contrôle. »
Quant à la limitation expérimentale des contrôles des petites et moyennes entreprises, les PME, elle ne concerne ni les contrôles relatifs au respect des règles européennes, à la préservation de la santé, à la sécurité des personnes et des biens ou à l’environnement ni les contrôles résultant de l’exécution d’un contrat ou effectués par une autorité de régulation. Elle n’est pas non plus opposable quand existent « des indices précis et concordants de manquement à une obligation légale ou réglementaire. »
On se demande d’autant plus qui sera réellement concerné qu’actuellement l’objectif d’un vérificateur de la Direction générale des finances publiques, la DGFiP, se limite à une procédure achevée par mois. Qu’importe d’ailleurs, puisqu’il s’agit seulement de montrer à l’électorat visé qu’on prend soin de lui ?
Même perplexité quant au certificat d’information et au référent unique. Le certificat d’information engage la responsabilité de l’administration : clair et précis, il sera la source de multiples plaintes et contentieux ; se limitant à des généralités, il sera inutile. Quant au référent unique, où trouvera-t-on ces encyclopédies vivantes ? Mystère !
L’autre moitié du texte se partage entre la reprise de vieilles lunes et celle des habituelles propositions de loi portant diverses dispositions de modernisation et de simplification de ceci ou de cela.
Au chapitre des vieilles lunes, on trouve la réduction des effectifs de la fonction publique d’État par la dématérialisation, sans souci pour les treize millions de laissés-pour-compte du numérique, ce chiffre émanant du rapport du CREDOC sur la diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française, et l’appel aux collectivités locales.
Autre vieille lune, la stimulation de la construction par l’innovation, sans trop se soucier des conséquences en termes de sécurité publique, de sécurité tout court et de protection de l’environnement. On fait, puis on voit ! C’est ce qu’on appelle remplacer une logique de moyens par une logique d’objectifs.
Pour les résultats et les contentieux, comme pour la revalorisation des retraites agricoles, il faudra attendre.
Pour le reste, au détour des articles, on ne révise rien de moins que la loi de 1905 sur la séparation des Églises et l’État, le code minier, le code de l’action sociale et des familles, le code de la consommation, le code monétaire et financier pour protéger les banques des recours de leurs emprunteurs, le code de l’éducation et la réglementation des cirques – j’ai dû en oublier.
Que penser d’un tel projet de loi, sinon que l’on se moque du Parlement ? La mission de ce dernier n’est ni de participer aux campagnes promotionnelles de l’exécutif, ni de se dessaisir, sauf exception, de son pouvoir de légiférer au profit de celui-ci, ni, inversement, de diriger l’administration. Sa mission est de faire des lois qu’on n’aura pas à réviser dès que votées – à l’inverse de celle-ci.
Mes chers collègues, vous aurez compris que mon groupe ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Sylvie Vermeillet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame, monsieur les rapporteurs, chers collègues, avant d’évoquer le texte en lui-même, permettez-moi de revenir sur la procédure qui a permis son élaboration – je veux parler de la législation en commission.
Procédure nouvelle, innovante, et finalement concluante, cette méthode, sur les sujets techniques qui nous intéressaient, a fait ses preuves. Offrant un gain de temps indéniable en séance publique, elle aura permis d’approfondir le débat sur d’autres points qui, sans être dépourvus de toute technicité, présentaient une plus grande acuité.
Hasard du calendrier, le texte pour lequel cette procédure fut inaugurée porte sur la confiance. Or cette procédure est un pacte de confiance du Parlement envers ses membres et de ses membres envers leurs commissions.
Après ce premier succès, elle a vocation à prospérer. Il s’agit là d’un utile renouveau de la procédure législative, et force est de constater que c’est du Sénat que cette innovation émane. Nous pouvons en être fiers.
Sur le présent projet de loi aussi complet que complexe, et avec l’utilisation donc d’une procédure nouvelle, nous devons saluer la sagacité de la commission spéciale, de son président et de ses deux rapporteurs, qui ont su habilement trouver un équilibre quand la complexité et la pluralité des sujets auraient pu nous perdre.
Certaines dispositions demeuraient en effet imprécises, et conséquemment délicates à mettre en œuvre. Ce n’est plus le cas.
Les douze articles examinés via la procédure de législation en commission, ainsi que les nombreux articles seulement modifiés par les amendements de la commission spéciale ont été substantiellement améliorés. Cet important travail de la commission spéciale, sur le plan tant quantitatif que qualitatif, est à souligner.
Le travail en commission fut important, le travail en séance publique le fut tout autant, et le texte – à présent renommé « projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public » – comporte treize nouveaux articles, preuve que le Sénat est plus que jamais nécessaire à la bonne conduite des travaux législatifs et à la vitalité du débat démocratique.
M. Charles Revet. Tout à fait !
Mme Sylvie Vermeillet. Si la densification du projet de loi – il compte désormais quatre-vingt-quatre articles – peut, sinon effrayer, à tout le moins étonner, elle n’en demeure pas moins nécessaire. La taille du texte se justifie en effet par son objet même et par la transversalité qu’il implique. L’administration est au cœur du fonctionnement de notre société ; en renforcer l’efficacité impliquait nécessairement une multiplicité de sujets de débat.
Je veux à présent évoquer le fond du projet de loi.
Tout d’abord, le droit à l’erreur, qui est l’un des fondements de ce texte. Son champ d’application a été étendu aux collectivités territoriales par la commission spéciale sénatoriale. En tant que représentants des collectivités territoriales, nous devons nous réjouir de cette extension. Comme j’ai déjà pu le dire, la confiance réciproque entre l’État et les collectivités territoriales est plus que nécessaire. Avec l’extension du droit à l’erreur, cette mesure revêt une importance plus grande encore.
Mais ce droit à l’erreur a également été étendu, en séance publique, à certaines règles issues du droit européen, notamment la politique agricole commune, la PAC, et à l’environnement. Ainsi, nos agriculteurs, qui travaillent dur, mais se retrouvent parfois englués dans des démarches administratives complexes, n’auront plus à craindre d’être sanctionnés alors qu’ils étaient de bonne foi. Quant à l’environnement, cette extension procède du bon sens en cette période de prise de conscience générale.
Je profite également du temps qui m’est accordé pour saluer Hervé Maurey, grâce à qui a été accrue la traçabilité des flux financiers pour ce qui concerne la construction des lieux de cultes. La mesure adoptée par le Sénat permet en effet de soumettre à l’élaboration d’un plan de financement prévisionnel certifié par un commissaire aux comptes tout projet de construction d’un édifice du culte. La confiance devant en ce domaine passer par le contrôle et la transparence, nous nous félicitons de l’adoption de l’amendement à l’origine de cette disposition.
Enfin, je reviendrai brièvement sur la renégociation des tarifs de rachat de l’électricité produite en mer souhaitée par le Gouvernement. Ce sujet a provoqué de vifs débats au sein de la Haute Assemblée, chaque option présentant ses avantages et ses inconvénients. Au sein même de mon groupe, des désaccords existaient, mais parce que rien ne sert plus la démocratie que le débat d’idées, je me réjouis de l’existence de ces discussions. Conformément à l’avis de la commission spéciale, la sagesse du Sénat a tranché et l’amendement en cause a été rejeté.
Pour conclure, le texte dont nous débattons porte sur la confiance. La confiance se construit, elle ne se décrète pas et les propos incantatoires sont vains.
Ce projet de loi fait preuve de bon sens ; nous nous rangerons donc à la majorité en le votant. Les idées qu’il véhicule sont les bonnes. Toutefois, nous ne nous reposerons pas sur cet acquis, car si l’ambition est grande, nous ne sommes pas encore à son niveau.
Ce jalon, aussi nécessaire soit-il, n’est jamais que la première étape vers la restauration du lien de confiance qui doit exister entre l’administration et ses interlocuteurs. Aussi veillerons-nous à ce que les décrets d’application soient bien pris et à ce que les expérimentations fassent l’objet des évaluations prévues, afin que notre engagement ne soit pas vain. L’amélioration générale de notre administration doit être effective. Ce sera le sens de notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le présent projet de loi, que le Gouvernement avait baptisé « pour un État au service d’une société de confiance », partait d’un bon sentiment, même si son intitulé était un peu pompeux. Je me félicite d’ailleurs que le Sénat donne à ce texte un nom plus conforme à la modestie qui est la sienne en l’intitulant projet de loi « renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public ».
Ce projet de loi, le groupe socialiste et républicain l’a abordé avec enthousiasme. C’était pour nous l’occasion d’aller plus loin dans le travail de simplification législative et de modernisation de l’État amorcé par MM. Warsmann et Mandon, pour ne citer qu’eux. Mais c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses, comme vous le savez.
À l’heure du bilan, je constate que des mesures intéressantes nous sont effectivement soumises aujourd’hui. Je pense bien évidemment à l’article 2, qui instaure un droit à l’erreur qui devra permettre à nos concitoyens, sous réserve qu’ils soient de bonne foi, d’éviter des sanctions de l’administration au premier manquement. Nous nous félicitons que le travail sénatorial ait permis l’élargissement de ce droit aux collectivités locales.
Au travers de l’adoption d’amendements présentés par des sénateurs socialistes, nous avons également obtenu le report de la fin des déclarations d’impôt sur papier à 2025, afin que nos concitoyens éloignés du numérique ne soient pas pénalisés.
Le Sénat a apporté de nombreuses contributions à ce texte, ce qui constitue une belle illustration des vertus du bicamérisme.
Ma collègue Michelle Meunier et la rapporteur ont ainsi dénoncé l’habilitation à prendre par ordonnance toute mesure facilitant l’implantation, le développement et le maintien de modes d’accueil de la petite enfance. La vie quotidienne de près de 900 000 enfants accueillis, de leurs parents et des professionnels qui travaillent dans ces structures mérite mieux que le recours aux ordonnances, et la commission spéciale a eu raison de supprimer l’article 26 bis.
Mon groupe se félicite également du renforcement des modalités de consultation du public lors de la création d’installations classées pour la protection de l’environnement.
La navette parlementaire n’a cependant pas réussi à gommer certains aspects plus gênants de ce texte qui tiennent pour beaucoup à sa conception. Comme d’autres avant moi, je qualifierai ce projet de loi de fourre-tout. Ce texte comporte de trop nombreuses habilitations, procédure dont le Gouvernement abuse par un goût excessif pour le contournement du Parlement.
Concernant le numérique, l’article relatif à la dématérialisation permet aux administrés de faire des démarches depuis leur domicile, ce qui leur fera gagner beaucoup de temps. Cependant, en refusant notre amendement qui visait à un accompagnement numérique des personnes les plus vulnérables, vous niez, monsieur le secrétaire d’État, la fracture numérique qui peut exister. En ne reversant pas les économies réalisées par la dématérialisation au profit d’un accompagnement des plus vulnérables, vous passez à côté d’une amélioration qui aurait rassemblé largement.
Par ailleurs, comment passer sous silence l’incontournable question des moyens ? Ce texte, ce n’est pas le conseil à la place du contrôle, c’est le conseil et le contrôle. L’un ne remplace pas l’autre. C’est donc davantage de travail pour les services de l’État, dans un contexte de réduction drastique des effectifs de fonctionnaires.
Bien qu’il y soit peu fait mention des agents de l’État, ce projet de loi va profondément changer leurs conditions de travail. La numérisation du travail ne fera pas disparaître le travail par miracle, et vous allez par conséquent leur demander de faire toujours plus. Après le rétablissement du jour de carence, la hausse de la contribution sociale généralisée, la CSG, et le gel du point d’indice pour 2018, nos fonctionnaires témoigneront d’ailleurs de leur perte de confiance dans la rue dès jeudi, soutenus massivement par la gauche dans toutes ses composantes.
Enfin, le groupe socialiste et républicain signifie son opposition à l’exclusion des associations cultuelles des registres de la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique. Cette décision n’a aucun sens quand on se rappelle le poids des cultes lors du débat sur le mariage pour tous ou quand on observe la préparation des débats sur la bioéthique. Nous respectons les religions, mais nous attendons qu’elles participent au débat public dans la plus grande transparence.
Je tiens en dernier lieu à saluer l’excellent climat dans lequel se sont déroulés les travaux de notre commission spéciale. J’en remercie son président et ses rapporteurs.
Je veux aussi redire tout l’intérêt que nous avons trouvé à la procédure de législation en commission, sous réserve, et c’était le cas, d’un travail précis de définition de son périmètre. Cette PLEC démontre la capacité d’adaptation du Sénat, qui n’attend pas le Gouvernement pour réinventer le travail parlementaire.
Partis enthousiastes, mais rapidement devenus timorés, les sénateurs socialistes s’abstiendront donc lors du vote final sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Ouverture du scrutin public solennel