Mme la présidente. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
6
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je salue la présence en tribune d’une délégation de la commission des affaires européennes du Bundesrat, conduite par son président, M. Guido Wolf, à laquelle je souhaite la bienvenue.
J’en profite pour saluer en mon nom personnel la délégation de la Chambre des Conseillers du Maroc. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement.)
7
Questions d’actualité au gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Chacun veillera à respecter son temps de parole, encore mieux que la dernière fois, et à respecter les uns et les autres.
situation à notre-dame-des-landes
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Monsieur le Premier ministre, le sujet est très sérieux, mais votre légèreté à le traiter m’amène à vous proposer une charade. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mon premier est une commune de Loire-Atlantique.
Mon deuxième est le résultat d’un fiasco politique du quinquennat précédent. (Oh ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mon troisième est une zone de 1 600 hectares où les forces de l’ordre républicaines ont été interdites de circuler. Et pourtant, le facteur y portait le courrier des zadistes en droit de toucher les aides sociales !
Mon quatrième est une zone où le droit de propriété est bafoué par des zadistes construisant des abris en toute illégalité.
Mon tout est une zone de non-droit où nos forces de l’ordre sont attaquées alors qu’elles accomplissent avec courage leur mission au nom de l’État.
Les Français sont choqués ; les Français sont exaspérés !
Monsieur le Premier ministre, je pense que vous avez compris de quoi je parle !
Comptez-vous réellement rétablir l’ordre public à Notre-Dame-des-Landes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je vous félicite pour votre formidable charade, et vous confirme que j’avais bien compris de quoi il s’agissait.
C’est un sujet important. C’est surtout un sujet ancien, monsieur le sénateur, et même très ancien ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Il date de 2013 !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Comme vous le savez, ce sujet date non pas de plusieurs mois, non pas de plusieurs années, mais, d’une certaine façon, de plusieurs décennies.
Les occupations illégales auxquelles nous mettons un terme en ce moment n’ont pas commencé avec la nomination de ce gouvernement. Elles n’ont pas commencé, monsieur le sénateur – puisque vous avez procédé par charade, permettez-moi d’inverser le questionnement –, avec le quinquennat précédent : il y avait déjà, dès 2010, des occupations illégales. Dès 2010 ! Vous le savez, monsieur le sénateur : vous connaissez formidablement bien cet endroit. Les premières occupations illégales datent du début des années 2000.
Le 17 janvier dernier, après avoir beaucoup consulté, beaucoup réfléchi aussi, j’ai dit, au nom du Gouvernement, que nous prenions trois décisions : mettre un terme à ce projet d’aéroport ; confirmer la vocation agricole des terrains qui avaient été réservés pour la construction de cet aéroport ; mettre un terme à l’occupation illégale de parcelles par des occupants sans titre, cette occupation durant depuis très longtemps, sans qu’aucun gouvernement ait jusqu’ici souhaité ou réussi à les déloger – « souhaité » ou « réussi », monsieur le sénateur : vous pouvez choisir le terme que vous préférez.
C’est ce qui s’est passé et c’est ce qui va se passer !
Notre objectif, depuis le début de l’opération – celle-ci est placée sous le commandement du directeur général de la gendarmerie nationale et de la préfète, et suivie quotidiennement par le ministre d’État, ministre de l’intérieur, et par moi-même –, est bien de faire en sorte que la liberté de circulation soit rétablie sur les axes qui traversent la zone, et que l’ensemble de ceux qui occupent sans titre et de façon illégale puissent quitter les lieux.
Nous ne pouvions pas légalement atteindre ce dernier objectif avant la fin de la trêve hivernale, comme vous le savez, monsieur le sénateur – peut-être souhaitez-vous ignorer cette contrainte juridique ; il se trouve qu’à ma place, sans doute un peu plus qu’à la vôtre, je suis obligé de la prendre en compte.
Notre objectif est de faire respecter le droit. Et c’est ce que nous faisons ! Vingt-neuf constructions illégales ont été détruites ; elles sont en voie de déblaiement. Nous sommes en train de retirer, benne après benne – elles sont plusieurs dizaines, ces bennes –, des matériaux de construction illégalement installés, stockés et utilisés sur les zones.
Vendredi dernier, avec le ministre d’État, ministre de l’intérieur, je me suis rendu sur la commune de Saint-Étienne-de-Montluc pour rencontrer les gendarmes, les pompiers, les membres du parquet de Nantes et de Saint-Nazaire, qui concourent aux opérations avec un professionnalisme et un calme exemplaires, face à des provocations que vous connaissez – je le pense – parfaitement. Face aux pressions, ils gardent leur calme. Ils ont subi beaucoup d’assauts. Un certain nombre d’entre eux ont été blessés. Je les ai rencontrés, avec le ministre d’État, ministre de l’intérieur, pour leur apporter notre soutien total et entier.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Hier, le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, s’est rendu sur place pour rappeler ce qui a été la position constante du Gouvernement, à ceux des occupants illégaux qui, peut-être, n’auraient pas compris la détermination dudit gouvernement : soit ils entraient dans un processus de respect de la loi, soit ils en tireraient les conséquences et seraient exclus des parcelles qu’ils occupent illégalement.
C’est très exactement ce que nous avons dit, monsieur le sénateur, et c’est très exactement ce que nous allons faire. Nous allons le faire avec le souci d’éviter les incidents. Nous allons le faire avec le souci de permettre aux gendarmes de remplir leur mission dans des conditions de sécurité maximale. Mais nous allons le faire, monsieur le sénateur, sans charade, sans légèreté, avec une immense détermination, avec une force tranquille (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) dont je ne voudrais pas que vous puissiez douter le début du commencement d’une seconde. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour la réplique.
M. Laurent Duplomb. Monsieur le Premier ministre, nous n’avons pas la même vision de la situation.
L’image que vous donnez d’un État de droit bafoué est insupportable.
Insupportable est votre incapacité à mettre fin à l’occupation illégale, incapacité assortie, de surcroît, d’un passe-droit jusqu’au 31 mars dernier ; insupportable aussi, votre façon de gérer l’évacuation, avec 2 500 gendarmes bridés face à 150 zadistes. Vous vous félicitez du démantèlement de 29 squats ; 29 sur 99 au total… Cela revient à féliciter un élève avec une note de 7 sur 20 !
Insupportable, enfin, est votre pratique du deux poids, deux mesures : d’un côté, les Français obligés tous les jours de respecter les règles, sous la menace de sanctions – je pense aux pertes de points sur leur permis de conduire ; de l’autre côté, les zadistes, obligés à rien ! (Exclamations sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
M. David Assouline. Démago !
M. Laurent Duplomb. Vous les autorisez même, jusqu’au 23 avril, à régulariser une hypothétique installation agricole via un dossier de deux pages,…
M. le président. Il faut conclure.
M. Laurent Duplomb. … alors que, partout ailleurs, une installation agricole nécessite un dossier de plus de cinquante pages…
M. le président. Il faut conclure !
M. Laurent Duplomb. … et plus de huit mois de délai. (Brouhaha sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Monsieur le Premier ministre, Montesquieu…
M. le président. C’est terminé !
M. Laurent Duplomb. Monsieur le Premier ministre… (Hourvari sur les mêmes travées. – Mme Patricia Schillinger frappe sur son pupitre. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
projets de relance de la construction européenne
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Capo-Canellas. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, M. le Président de la République s’est adressé mardi aux députés européens. Dans la lignée des discours d’Athènes et de La Sorbonne, il a réaffirmé son engagement et sa foi en l’Europe, une Europe démocratique, souveraine, protectrice.
Cette Europe renouvelée, une « Europe-puissance » que nous appelons de nos vœux, est aussi confrontée aux replis démocratiques et aux égoïsmes nationaux. Nous pensons que c’est précisément la souveraineté européenne qui doit nous permettre de défendre notre singularité culturelle, nos libertés, notre protection sociale, en même temps que la paix et la stabilité internationale.
Pour autant, aujourd’hui, l’Europe politique semble figée. Le dernier Conseil européen l’a montré. Elle a du mal à décider. Les élections se succèdent, à l’issue desquelles les coalitions contraignent, les extrêmes empêchent et un grand nombre de partis traditionnels hésitent.
Chacun en convient : l’immobilisme n’est plus une option. Les événements s’accélèrent, le monde change. La France est dans son rôle d’initiatrice de l’intégration européenne. Elle avance des idées nouvelles.
Nous voulons améliorer la zone euro, mettre en commun nos moyens financiers, réagir aux pulsions protectionnistes, protéger nos pépites technologiques, bâtir une politique d’immigration commune, nous doter de moyens militaires crédibilisant une posture diplomatique commune.
L’heure n’est plus au repli ni au sommeil. Les Européens doivent maintenant démontrer qu’ils sont capables d’affronter ensemble les vrais défis du présent qui conditionnent l’Europe de demain : immigration, sécurité, gouvernance démocratique.
Le Président de la République rencontre aujourd’hui la chancelière Merkel. La France et l’Allemagne doivent montrer l’exemple et annoncer une feuille de route commune.
Il existe, vous le savez, quelques interrogations sur cette volonté commune de progresser. Quels moyens la France se donne-t-elle pour convaincre ses partenaires européens de la suivre dans ses projets de refondation de l’Europe ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – MM. Julien Bargeton et Didier Rambaud applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous l’avez dit à votre manière, l’Europe est à l’arrêt depuis de trop nombreuses années. Les peuples européens s’en sont éloignés. Un symptôme de cet éloignement ? On le remarque à chaque élection européenne : l’abstention va croissant.
Mais les racines du mal sont plus profondes – vous en avez évoqué quelques-unes dans votre propos –, et elles sont mêlées.
Ce mal est lié notamment à l’incapacité chronique des États membres à s’entendre pour garantir aux peuples européens un haut niveau de protection.
Il est aussi lié – disons-le –, parfois, à une bureaucratie européenne très éloignée de la réalité des peuples et des territoires, qui empêche d’avancer plutôt qu’elle n’aide à le faire.
Il est encore lié – reconnaissons-le collectivement – à une facilité de langage : depuis vingt ou trente ans, dans notre pays, lorsque les choses vont bien, c’est grâce au Gouvernement ; lorsqu’elles vont mal, c’est la faute de Bruxelles.
C’est sur ces sujets qu’il va falloir se battre pour lutter contre les vents mauvais du populisme : …
Mme Esther Benbassa. Oh !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. … des populismes de tout poil, de l’extrême gauche à l’extrême droite,…
Mme Éliane Assassi et M. Pierre Laurent. À l’extrême centre !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. … dont la victoire aux élections européennes de 2019 marquerait la fin du rêve européen, rêve européen que, je le sais, vous partagez.
Le meilleur moyen de mettre un terme à ces vents mauvais est de repartir des fondations de la maison commune. Or les fondations de la maison commune, ce sont les peuples d’Europe ! C’est le sens des consultations citoyennes lancées par le Président de la République à Épinal.
Mme Éliane Assassi. Il fait sa campagne électorale !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Elles ont été et seront organisées dans les vingt-sept États membres, grâce au travail remarquable réalisé par Nathalie Loiseau.
L’objectif est de permettre à la France de construire une nouvelle souveraineté européenne, en particulier avec nos partenaires. Je le dis devant vos homologues du Bundesrat allemand. Le Président de la République s’entretient en ce moment même avec Mme Merkel.
Les sujets sont nombreux. Ils ont trop longtemps été délaissés. Je pense à la question migratoire, à la sécurité, à la zone euro et à l’Union économique et monétaire, ou au numérique.
Il y a au moins une certitude : des désaccords s’exprimeront. J’invite chacun des parlementaires présents sur ces travées à participer aux consultations citoyennes.
Mme Éliane Assassi. Vous n’imaginez quand même pas que nous allons faire la campagne du Président de la République ?
M. le président. Il faut conclure.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. … nous sortirons grandis. Nous le ferons pour les générations à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
seconde journée de solidarité
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe La République En Marche. (M. Frédéric Marchand applaudit.)
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre des solidarités et de la santé, mes chers collègues, depuis près de vingt ans, la problématique de la dépendance liée à l’âge est apparue dans notre pays. Si des progrès ont été réalisés, ils sont insuffisants, comme le révèle la crise récente des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD. Ils seront d’autant plus insuffisants à l’avenir que le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans atteindra 5 millions en 2050, contre 1,5 million aujourd’hui. Le coût suivra évidemment un tel rythme.
À l’heure où le débat sur la fin de vie et l’euthanasie refait surface, ne serait-il pas essentiel de s’intéresser au bien-vieillir en France ?
Madame la ministre, le Président de la République et vous-même avez repris l’idée d’un cinquième risque couvert par la sécurité sociale venant compléter les quatre autres risques qui existent déjà, c’est-à-dire la maladie, les accidents du travail-maladies professionnelles, la retraite et la famille.
Il faudra financer ce cinquième risque. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés ! Seule la solidarité collective peut y pourvoir.
Pour appréhender l’enjeu financier des décennies à venir, vous avez évoqué, madame la ministre, l’instauration d’un deuxième jour travaillé non payé, sur le modèle du lundi de Pentecôte. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Pour chacun, cela représenterait par jour travaillé un effort de deux minutes.
Une telle mesure apporterait près de 3 milliards d’euros de recettes et contribuerait ainsi à résoudre la crise actuelle. Elle permettrait un accueil dans la dignité des personnes dépendantes.
Madame la ministre, ma question est la suivante : cette contribution de solidarité collective, qui résoudra dans un premier temps la crise actuelle, consacrera-t-elle de manière définitive le cinquième risque ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Martin Lévrier, comme vous l’avez rappelé, nous devons faire face à une augmentation du nombre de personnes âgées et de personnes âgées dépendantes. De plus, il convient d’améliorer les conditions actuelles de prise en charge, que ce soit en EHPAD ou à domicile.
Nous avons déjà eu de nombreux débats sur le sujet. Nous savons qu’il nous faut trouver de nouvelles pistes pour l’avenir. C’est un impératif de solidarité vis-à-vis non seulement des personnes âgées, mais également des familles. Nous serons tous amenés à profiter de cette solidarité.
J’ai effectivement évoqué différentes pistes. Le Président de la République a repris celle de la journée de solidarité ; c’en est une parmi d’autres. Je pense qu’il faudra un large débat sur le sujet.
La première étape est d’abord de savoir quel projet de société nous faisons pour accompagner les personnes âgées dépendantes à l’avenir. Aujourd’hui, le modèle domicile-EHPAD est probablement insuffisant et réducteur. Une fois que nous connaîtrons les moyens, nous devrons discuter du financement.
Je le rappelle, la journée de solidarité a été voulue par Jean-Pierre Raffarin, et mise en place en 2004. Elle a donné des moyens aux établissements comme à la prise en charge à domicile. Ce sont quelque 2,3 milliards d’euros qui ont ainsi été affectés aux établissements, soit 0,3 % de la masse salariale versée par les employeurs publics et privés. En contrepartie, les salariés travaillent une journée ou donnent une journée de réduction du temps de travail, RTT.
Nous avons effectivement à discuter tous ensemble de l’opportunité de poursuivre dans une telle voie. Je souhaite ouvrir toutes les pistes.
M. Roland Courteau. Et l’ISF ?
Mme Laurence Cohen. Pourquoi avez-vous supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. … nous y avons pensé aussi pour les aidants. Si nous y pensons pour les aidants, cela peut aussi se justifier pour les personnes âgées dépendantes : ce sont les mêmes fondements.
Nous aurons à y travailler tous ensemble dans les mois qui viennent. Le sujet doit être examiné. Il nécessite un temps de concertation. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
carte des zones défavorisées simples
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, au mois de février dernier, nous avions été nombreux à vous interpeller au sujet de la révision de la carte des zones défavorisées simples, ou ZDS. La carte est aujourd’hui connue ; elle a même été envoyée à Bruxelles par vos soins.
Pourtant, nous connaissons encore tous des communes que vous n’avez pas retenues alors qu’elles sont les seules au milieu d’autres communes classées. C’est le cas de Saint-Christophe-de-Double en Gironde.
Vous indiquiez ici que cette carte était « la base de travail pour entamer les discussions avec la Commission européenne », notamment en ce qui concerne « l’application d’un critère de continuité territoriale qui pourrait permettre à certaines communes de réintégrer le zonage ». Mais la Commission européenne est-elle vraiment ouverte à la discussion ? Merci de nous le dire !
Faisons par ailleurs le calcul. À l’échelon national, force est de constater que les communes classées et les éleveurs bénéficiaires sont en hausse. Ce n’est pas le cas dans certains départements. Ainsi, en Gironde, 241 éleveurs répartis dans 165 communes étaient classés en ZDS. Avec la nouvelle carte – elle a, certes, des mérites, notamment celui d’introduire des territoires comme le Bazadais, le Coutradais, la pointe du Médoc ou le Blanquefortais –, ce sont seulement 183 éleveurs qui bénéficieront de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels. Il s’agit donc d’acter le retrait de ces aides à 58 éleveurs.
Que sera l’avenir de ces exploitations ? Ce sont en moyenne 5 800 euros par an que ne percevront plus ces agriculteurs ; pour certains, cela ira jusqu’à 10 000 euros !
Vous vous êtes engagé ici à lancer un grand plan d’investissement et à définir de nouvelles mesures avec les professionnels et les collectivités, en particulier les conseils régionaux. Mais ces derniers n’ont plus les moyens d’assumer des compétences nouvelles sans compensation de la part de l’État !
Alors, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser de manière détaillée les mesures que vous allez mettre en œuvre pour ces « déclassés », qui ne doivent pas devenir des « délaissés » ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – MM. Pierre Louault et Jackie Pierre applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, vous appelez à juste titre une nouvelle fois l’attention du Gouvernement sur l’évolution de la cartographie des zones défavorisées simples, avec des exemples très concrets et vivants. Effectivement, derrière ces évolutions, il y a des femmes et des hommes, des agricultrices et des agriculteurs.
Je rappelle d’abord que la cartographie des ZDS en France, notamment des indemnités compensatoires de handicaps naturels, ou ICHN – l’élu alpin que je suis connaît l’importance de ces dispositifs d’aide –, date de quarante ans.
Depuis quinze ans, nous savions – c’était une demande expresse de la Cour des comptes européenne – qu’il nous fallait modifier cette cartographie pour prendre en compte des évolutions réglementaires, statistiques ou géographiques, c’est-à-dire, au fond, mettre à niveau la cartographie.
Or, depuis quinze ans, nous avons un peu fui le problème ; nous ne l’avons pas traité. Résultat : de très nombreux bénéficiaires potentiels n’ont pas touché les aides auxquelles ils pouvaient prétendre depuis cette époque.
Ainsi que vous l’avez souligné, en macro, ce sont 14 133 communes, et donc autant d’agriculteurs dans chacune de ces communes, qui vont pouvoir bénéficier dorénavant du dispositif des ICHN et de tous les dispositifs d’aides territorialisées, alors qu’il n’y avait que 10 429 communes.
Mais vous avez raison d’évoquer la situation particulière de celles et ceux qui sortent de la cartographie. S’il y a effectivement près d’un tiers de bénéficiaires supplémentaires, des communes en sortent.
Vous m’interrogez tout particulièrement sur Saint-Christophe-de-Double, en évoquant aussi ces 58 agriculteurs.
Sachez qu’il y a eu une demande particulière du ministre de l’agriculture pour que chaque agriculteur et chaque exploitation fassent l’objet d’un accompagnement spécifique de la part des autorités de son ministère. Il faut que la sortie se fasse en tuilage et que nous puissions mettre en parallèle des dispositifs pour éviter une rupture brutale.
M. le président. Il faut conclure.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. La rupture doit être conforme à notre droit. Elle doit permettre d’améliorer la situation pour beaucoup, et ne pas être trop brutale et pénalisante pour ceux qui sortent de ce système.
dimension écologique de la future proposition de résolution de la france sur la pac
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, pour deux minutes. Que chacun respecte son temps de parole !
M. Guillaume Gontard. Permettez-moi d’abord d’apporter, au nom du groupe CRCE, notre soutien plein et entier aux cheminots, aux étudiants (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et à tous ceux qui défilent cet après-midi (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.) pour défendre l’idée qu’ils se font du service public, patrimoine de ceux qui n’en ont pas.
Ma question s’adresse conjointement au ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre d’État, j’imagine votre désarroi en constatant le faible intérêt du Président de la République pour l’agriculture et l’écologie.
Curieusement, lors de ses interventions récentes, il a essentiellement évoqué le sujet pour discréditer l’idée d’un nouveau mode de production alternatif et collectif…
M. Philippe Dallier. Oh !
M. Guillaume Gontard. … qui germe notamment sur les terres préservées de Notre-Dame-des-Landes.
M. Philippe Dallier. C’est le comble !
M. Guillaume Gontard. Nous ne pouvons plus nous permettre de mépriser les tentatives de ceux qui osent un changement radical. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
La renégociation de la PAC 2021–2027 est une occasion pour le Gouvernement de prendre ce virage. Le calendrier s’accélère. Lundi, à l’occasion du conseil des ministres européens de l’agriculture, la plateforme « Pour une autre PAC » et ses partenaires d’outre-Rhin ont remis leurs propositions communes aux ministres français et allemands de l’agriculture et de l’environnement.
Dans six semaines, les grandes lignes de la PAC qui engageront l’Union européenne jusqu’en 2027 seront fixées. Or nous n’avons à ce jour que peu d’informations, même sur la position française, si ce n’est le bruit d’une baisse impensable des crédits de 3 milliards d’euros. (Mme Sophie Primas s’exclame.)
Le Sénat s’en est ému le 12 avril en adoptant une proposition de résolution européenne demandant au Gouvernement de défendre une PAC plus ambitieuse que le dernier exercice. Ce dernier a largement favorisé l’agrobusiness au détriment des petits paysans et de la transition vers une agriculture durable.
Comme la plateforme, nous invitons le Gouvernement à faire de la PAC une véritable politique agricole et alimentaire commune. C’est l’occasion de réinsuffler des perspectives pour le secteur agricole français, tout en répondant aux fortes attentes de nos concitoyens, que ce soit en matière d’alimentation, d’environnement, de santé ou de lutte contre le changement climatique !
Monsieur le ministre d’État, merci d’avance de rassurer la représentation nationale quant à la triple ambition européenne, agricole et écologique de la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Joël Labbé applaudit également.)