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Revalorisation des pensions de retraite agricoles
Suite de la discussion et rejet d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons les prises de parole sur l’article 1er.
Article 1er (suite)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. La situation extrêmement difficile des retraités agricoles exige une mesure d’urgence, les parlementaires l’ont bien compris. Cela mérite d’être souligné, car cette unanimité est rare !
Le déclassement social de la paysannerie n’est pas une vue de l’esprit. Aujourd’hui les retraites agricoles demeurent très faibles, en comparaison de celles des autres régimes. Cela a maintes fois été rappelé aujourd’hui, mais aussi lors de nombreux travaux ici, au Sénat, ou à l’Assemblée nationale.
Comment peut-on laisser vivre les agriculteurs sous le seuil de pauvreté, alors qu’ils sont la richesse de nos territoires et de nos terroirs ?
Comment peut-on prétendre qu’ils peuvent encore attendre, alors que l’urgence sociale est là, sous nos yeux ?
Comment pouvez-vous leur dire qu’ils peuvent attendre 2020, alors que vous vous êtes empressés, lors de votre premier budget, de rendre 3 milliards d’euros aux ultra-riches de ce pays ?
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Fabien Gay. Vous n’êtes pas le gouvernement des riches, vous êtes le gouvernement des nantis !
Nous avons la possibilité de changer le quotidien des agriculteurs immédiatement, sans contradiction avec la future réforme des retraites.
Nous avons la possibilité d’augmenter d’un peu plus de 100 euros par mois le pouvoir d’achat des 230 000 bénéficiaires actuels du dispositif. Mais pour des raisons obscures, vous refusez tout simplement cette avancée que de nombreux retraités attendent.
Alors que la France vient de se voir une nouvelle fois reconnaître le titre de « championne de monde du reversement des dividendes aux actionnaires » par l’ONG OXFAM, et que les « premiers de cordée français sont les champions toutes catégories de la spéculation financière », il ne serait donc pas possible de prélever le minimum indispensable à la vie digne de nos retraités de l’agriculture.
Vous avez soulevé bien des arguments techniques contre ce texte, qui ont tous été contredits.
Vous avez mis en avant la précipitation avec laquelle les parlementaires auraient agi. C’est oublier que cette proposition de loi est le fruit d’un travail de terrain, d’auditions multiples, du travail des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Ces propos sont l’illustration du mépris de l’exécutif à l’égard du Parlement. Recours systématique aux ordonnances, à la procédure accélérée, au vote bloqué, au temps programmé, à l’utilisation détournée des armes du parlementarisme rationalisé : ce n’est pas seulement l’opposition qui est muselée, mais tout le pouvoir législatif que l’on tente de bâillonner.
Le pseudo-renforcement de l’efficacité du travail parlementaire et de la productivité législative, ce ne sont que des mots creux ; le sort de notre proposition de loi le démontre.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Fabien Gay. Loin de revitaliser notre démocratie, vous continuez à creuser le fossé entre les citoyens et les élus. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, sur l’article.
Mme Gisèle Jourda. « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » C’est là le message aussi affligeant que navrant et inacceptable que vous adressez, avec votre gouvernement, madame la ministre, aux agricultrices et agriculteurs retraités, qui n’en peuvent plus d’attendre et qui ont assez vu le soleil poudroyer et l’herbe verdoyer. C’est un véritable SOS qu’ils nous adressent et que nous devons entendre dans cet hémicycle.
En France continentale et en outre-mer, les pensions de retraite agricoles sont parmi les plus petites pensions de toutes les catégories socioprofessionnelles. En 2015, la moyenne était de 790 euros bruts par mois pour un ancien exploitant, certaines n’atteignant même pas 500 euros.
Les fédérations départementales d’exploitants agricoles ont rempli leur office. Mes chers collègues, comme moi vous avez reçu des dizaines et des dizaines de courriers d’agriculteurs et d’agricultrices, accompagnés des justificatifs de la MSA, indiquant la pension de retraite qu’ils perçoivent. Et comme moi dans l’Aude, vous avez pu prendre connaissance de ces montants. Combien sont en dessous du seuil de pauvreté ? C’est intolérable !
Véritable serpent de mer, ce problème a assez duré. Il faut agir ici et maintenant. J’aimerais pouvoir dire « avant qu’il ne soit trop tard ». Mais, malheureusement pour beaucoup d’entre eux et d’entre elles, il est déjà trop tard.
Madame la ministre, vous avez pleinement conscience des embouteillages que connaît notre calendrier parlementaire, avec tous les textes qui sont en attente d’examen. Nous ne pouvons attendre que soit discutée une future réforme des retraites.
Comment pouvez-vous d’ailleurs invoquer cet argument pour reporter l’application de cette loi, alors que nous ne connaissons pas les contours de cette future réforme ?
On nous répond par de belles paroles, qui consistent à nous dire que « c’est une bonne idée mais, promis, on le fera plus tard et dans le cadre d’une grande réforme ». Croyez-moi, ces trois ans et demi de mandat sénatorial m’ont bien fait comprendre qu’il ne faut pas remettre au lendemain ce que l’on peut faire le jour même !
Mes chers collègues, il est vital d’adopter ce texte aujourd’hui, et nous devons le voter conforme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mon intervention portera sur trois points.
Premier point : madame la ministre, les agricultrices et les agriculteurs, ces femmes et ces hommes dont nous débattons de la retraite, sont pour beaucoup, comme bien d’autres après la guerre, ceux qui ont remis notre pays sur un chemin, ceux qui ont créé des richesses, ceux qui ont fait que notre système social est ce qu’il est aujourd’hui.
Lors de la « première lecture », vous nous aviez expliqué que l’on aurait pu faire cette réforme avant.
Mme Françoise Laborde. Eh oui !
M. Daniel Gremillet. Mais il est rare dans notre pays que l’expression du peuple à l’Assemblée nationale soit unanime, toutes sensibilités confondues, et que l’expression des territoires et du peuple au Sénat, quelles que soient nos tendances politiques, se fasse entendre de façon aussi claire et clairvoyante sur la nécessité d’apporter de la reconnaissance à ces femmes et ces hommes, et de leur accorder ce niveau de retraite tant espéré.
Deuxième point, et c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles j’interviens sur l’article, notre pays ne sait pas reconnaître le travail de ces populations, ce qui a été fait par elles. Or le niveau de retraite proposé dans ce texte, sur lequel nous sommes tous d’accord – et c’est pourquoi nous souhaitons ce vote conforme – ne permet pas de dépasser le seuil de pauvreté. Nous sommes encore en deçà, madame la ministre !
Troisième point : vous proposez que l’on se projette en 2020 et que l’on reporte la mesure.
Mais, en 2020, il faudra encore faire un effort ! Il est nécessaire que s’exerce la solidarité nationale pour revaloriser le niveau de ces faibles retraites et pour apporter cette reconnaissance à nos anciens.
J’espère, madame la ministre, que durant les quelques minutes qui nous restent pour ce débat, vous voudrez bien revenir sur votre amendement et votre demande de vote bloqué qui bafoue la démocratie et supprime le pouvoir d’expression du Parlement, du peuple et des territoires, et reconnaître ce qu’il est nécessaire d’apporter à ces agricultrices et agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, sur l’article.
Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au nom du groupe Union Centriste, je voudrais déplorer cette occasion manquée, l’occasion de gommer ce que j’avais qualifié lors de la première lecture de « honte nationale » : le montant des retraites agricoles.
Cette honte, nous la partageons en conscience.
Disons-le, la situation du monde agricole n’a jamais été aussi difficile, notamment pour les conjointes d’exploitants agricoles, dont nous avons parlé dans cet hémicycle, ainsi que pour les agriculteurs retraités des territoires d’outre-mer, qui touchent des pensions encore plus faibles.
À cette situation exceptionnelle, il faut une réponse exceptionnelle : une manière concrète de manifester solidarité et justice envers le monde agricole en général, parce qu’il est en difficulté, de dire notre reconnaissance à celles et ceux qui produisent notre alimentation, de redonner dignité et fierté à l’ensemble de ces femmes et de ces hommes qui cultivent et entretiennent nos paysages.
Le Président de la République nous a annoncé un monde nouveau. N’était-ce pas là l’occasion de passer des promesses aux réalités ?
Certes, vous annoncez une réforme systémique des retraites, et le temps ne serait pas aux exceptions. Je comprends ces scrupules respectables, mais ce texte n’est pas en contradiction avec de tels principes. Il prévoit simplement une anticipation.
Parce que la situation des retraités agricoles est extrêmement difficile et que ceux-ci ne peuvent plus compter sur la solidarité familiale qui a pu souvent, dans le passé, apporter un petit complément au quotidien, c’est aujourd’hui la solidarité nationale qui doit prendre le relais.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Élisabeth Doineau. Gouverner, c’est renoncer, disent certains. Gouverner, c’est aussi choisir, diront d’autres. Le groupe Union Centriste choisit d’apporter une solidarité morale et matérielle au monde agricole. En ce jour, nous pensons que la France entière doit se retrouver, à l’image des travées du Sénat, dans ce soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, sur l’article.
M. Henri Cabanel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis ce soir un sénateur déçu, et je pense que nous sommes nombreux à l’être.
En début d’après-midi, nous avons débattu de la proposition de loi visant à instaurer un régime transitoire d’indemnisation pour les interdictions d’habitation résultant d’un risque de recul du trait de côte, qui a fait l’unanimité sur toutes les travées, y compris celles de La République En Marche. Ce débat s’est soldé par un refus de la secrétaire d’État de nous écouter.
Ce soir, nous retrouvons la même large majorité et toujours le même entêtement du représentant du Gouvernement.
Le Gouvernement persiste et signe. À travers nous, il dédaigne les territoires. Car nous les représentons !
Madame la ministre, quelle est votre vision de la démocratie ?
On a bien compris que tout se décide dans ce microcosme parisien, loin des territoires. Cela nous touche et nous déçoit. Il vous faudra bien plus qu’un direct avec Jean-Pierre Pernaut pour vous réconcilier avec la ruralité et l’agriculture ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.)
Aucun corps de métier n’est aussi injustement traité que l’agriculture : toute une vie de labeur, loin de la durée légale des 35 heures de travail hebdomadaire, pour un revenu qui fait pleurer et, souvent, se suicider. On relève en effet deux suicides d’agriculteurs par semaine.
Après tant d’années de labeur, les agriculteurs touchent une retraite de misère, indigne de notre République.
Chez moi, on dit en patois « Val mai tener qu’esperar », il vaut mieux tenir qu’espérer. Nous avons ce soir l’occasion de revaloriser les retraites des agriculteurs, qui le méritent amplement. Il ne faut pas la rater !
Je voudrais m’adresser à mes collègues qui souhaitent amender cette proposition de loi.
Vous savez très bien, mes chers collègues, que ce texte, s’il est amendé, finira dans les oubliettes. Je vous recommande donc de le voter conforme. Pour ma part, c’est ce que je ferai. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, sur l’article.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les enfants et les petits-enfants d’agriculteurs parsèment cet hémicycle. Ils ont écouté ce que portent de juste et de digne revendication ces femmes et ces hommes du XXe siècle qui ont pris de la peine sans s’enrichir et qui aujourd’hui ne sont pas reconnus pour ce que la Nation leur doit.
Ces agriculteurs retraités, en tout cas leurs représentants, sont là ce soir, avec nous, et je veux avec vous tous les saluer pour leur combat, leur opiniâtreté à se faire entendre et reconnaître. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Madame la ministre, il ne faudra pas nous dire, comme ce fut le cas le 7 mars dernier, qu’il fallait le faire avant. Parce que cette question du progrès des retraites s’inscrit dans un long processus que la famille politique qui est la mienne a impulsé, sous la gouverne de Lionel Jospin et de François Hollande. Pourquoi les progrès réalisés de 1997 à 2002, et de 2012 à 2017, ne pourraient-ils pas être poursuivis avec le texte porté par André Chassaigne ?
Comment comprendre les arguments que vous avez développés le 7 mars ? Vous nous aviez expliqué que vous souhaitiez que ce sujet soit intégré dans la réforme des retraites que vous projetez, réforme construite sur le principe annoncé par le Président de la République du « 1 euro de capitalisation pour 1 euro de revenu » ?
Que donneront les retraites des agriculteurs qui aspirent légitimement aux 85 % du SMIC avec la mise en œuvre de ce principe ? Ce qu’elles donneront, c’est une régression !
Depuis quelque temps, à grand renfort d’assises, d’états généraux divers et variés, la Nation se porte, à juste titre, au chevet de son agriculture, de ses producteurs qui se voient dérober la juste valeur de leur travail.
Plus de 160 suicides en 2016, des histoires familiales marquées tragiquement pour des générations, des vies vidées de sens et de toute espérance, des conditions de vie précaires et parfois, trop souvent, indignes d’un pays développé : cette situation est intenable et ne peut plus durer !
Avec mes collègues du groupe socialiste et républicain, je plaide pour que nous ouvrions de nouvelles perspectives aux actifs, et je suis convaincu que la revalorisation des retraites agricoles doit et peut en faire partie, en complément de la reconnaissance de la juste valeur du travail de production.
Le progrès c’est maintenant… à moins que le caractère dilatoire de l’utilisation de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution ne signifie, en réalité et avec grand cynisme, que le problème se réglera par la nature et le temps qui passe. La dimension morale d’une telle posture serait proprement abjecte, et elle est inconcevable dans le cadre des valeurs de la République.
Pour ce que la Nation leur doit, les plus modestes des retraités agricoles de France méritent autre chose qu’un traitement politique « à la Queuille », pour lequel, vous le savez, « il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne finisse pas résoudre ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l’article.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne peux que rejoindre les propos tenus par les orateurs, de toutes tendances politiques, qui sont intervenus.
Tout a été dit sur l’injustice flagrante que représente le montant des retraites agricoles, en deçà du seuil de pauvreté : 766 euros pour les hommes, 500 euros pour les femmes.
Tout a été dit aussi sur les procédures que vous avez utilisées pour éviter que se tienne un véritable débat de fond sur ce sujet.
Je voudrais, en tant que sénateur de la Dordogne, dire que ces femmes et ces hommes ont un visage. Nous les connaissons.
Franck Montaugé l’a dit, nous sommes, pour la plupart d’entre nous, des fils, des petits-fils ou des parents d’agriculteurs.
Je le répète, ils ont un visage ! Derrière moi, dans les tribunes, se trouve Pierre Esquerré, président de l’Association nationale des retraités agricoles de France, l’ANRAF, qui est accompagné de ses deux vice-présidents. L’un d’eux, Roger Tréneule, est aussi président de l’association départementale des retraités agricoles de Dordogne, l’ADRAD.
Si je parle de la Dordogne, c’est parce que ce mouvement y est né en 1973, lorsque Maurice Bouyou a fondé l’Association nationale des retraités agricoles !
Et ce n’est peut-être pas l’effet du hasard si Jacquou le Croquant a aussi vécu en Dordogne, en d’autres temps…
Franck Montaugé l’a dit, nous, socialistes, avons pris ce problème à bras-le-corps. À la demande de Maurice Bouyou, Lionel Jospin a mis en place la loi dite Germinal Peiro, un enfant de la Dordogne.
Cette initiative a été reprise par François Hollande qui a promis, lorsqu’il était candidat, de remonter les pensions agricoles à 75 % du SMIC ; en effet, du fait d’une erreur de calcul, la promesse faite par Lionel Jospin ne pouvait pas être tenue.
Pourquoi ne pas augmenter aujourd’hui ces pensions à 85 % du SMIC ? Il suffisait de dire qu’on allait le faire sur cinq ans !
Ces personnes qui sont dans les tribunes, derrière moi, et qui représentent des milliers de retraités agricoles – 6 000 en Dordogne –, savent ce qu’il faudra faire demain.
J’espère donc que le vote sera unanime, ce soir, sur les travées du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas tous les arguments invoqués par mes collègues, mais je les partage pour la plupart.
Mon propos sera rapide et clair : le simple fait, madame la ministre, de reporter par une manipulation réglementaire cette possibilité d’augmentation démontre, à mon sens, le mépris que vous avez pour le peuple des travailleurs de la terre, peuple dont je fais partie puisque je suis paysan.
Une seule question : quelle est pour vous la définition des mots « justice sociale » ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, même si je ne suis pas personnellement agriculteur, je suis tout à fait solidaire du monde agricole.
Les agriculteurs travaillent très dur, sept jours sur sept, et prennent très peu de repos. Leur activité est fondamentale pour l’aménagement de nos territoires et la sauvegarde du monde rural, que notre institution défend.
J’ai fait partie entre 2007 et 2014 de la commission des affaires sociales, présidée par Alain Milon. Or lorsque l’on parle des retraites, on pense à la loi de financement de la sécurité sociale, et notamment à la branche retraite.
Le monde agricole souffre depuis de nombreuses années et il y a, malheureusement, de moins en moins d’agriculteurs. Nous devons faire preuve de respect et de reconnaissance à leur égard. Lorsque nous considérons le montant des retraites agricoles, que plusieurs de nos collègues ont rappelé, nous devons être conscients de son insuffisance.
Nous resterons solidaires. Cette proposition de loi a au moins le mérite de poser les problèmes essentiels de la ruralité et de la défense du monde rural.
Respectons le monde agricole et soyons solidaires avec lui, voilà ce que, modestement, je voulais dire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, sur l’article.
M. Daniel Laurent. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il n’était pas prévu que j’intervienne, mais j’ai voulu le faire à la suite de ce que j’ai entendu ce soir sur la retraite des agriculteurs.
Je suis viticulteur, et je connais le montant de la retraite que je vais toucher : elle ne sera pas très élevée. Je sais aussi combien toucheront mes collègues et amis viticulteurs et agriculteurs : ce sont des retraites de misère, et ils travaillent beaucoup pour essayer de se constituer une autre pension.
Je souhaite vous faire une proposition, madame la ministre.
Avec le Président de la République et le Gouvernement, vous avez décidé de diminuer la vitesse limite sur les routes de 90 kilomètres à l’heure à 80 kilomètres à l’heure. Qui sera pénalisée ? La ruralité, et non pas les métropoles, qui bénéficient de services de proximité et de nombreux aménagements.
Une nouvelle fois, les ruraux seront pénalisés et paieront les amendes !
Le montant estimé de cette opération est de 400 millions d’euros, pour le seul changement des panneaux de limitation de vitesse. C’est aussi ce que coûtera cette proposition de loi, que nous soutenons unanimement !
Pourquoi ne pas proposer, intelligemment, au Président de la République et au Gouvernement, au lieu de pénaliser les territoires et d’enquiquiner les Français, qui en ont marre des contraintes, de maintenir la vitesse limite à 90 kilomètres à l’heure et, surtout, d’augmenter les retraites agricoles pour lesquelles nous sommes, ce soir, tous solidaires ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’ont rappelé de nombreux collègues, la séance du 7 mars dernier s’est achevée par un chaos comme on en a rarement vu dans l’hémicycle de la Haute Assemblée.
La faute en revient à un gouvernement qui a annoncé vouloir utiliser – il le confirme ce soir – la procédure du vote bloqué, mais surtout qui n’a strictement rien à faire de ces femmes et de ces hommes qui vivent aujourd’hui bien en deçà du seuil de pauvreté.
La question n’est pas de renvoyer la faute sur ce qui s’est passé voilà cinq ou dix ans ! Aujourd’hui, la possibilité est ouverte, collectivement, au Parlement et au Gouvernement, d’inverser cette tendance.
Je me souviens encore du 7 mars dernier, au matin, lorsque nous avons reçu une trentaine de retraités agricoles pour leur annoncer votre intention d’utiliser le vote bloqué, et ce que seraient les conséquences de la non-application de cette proposition de loi. J’ai vu dans leurs yeux des larmes, mais aussi de l’incompréhension, alors que ce texte, je le rappelle, avait fait l’unanimité lors de son passage à l’Assemblée nationale.
En reportant à 2020 la revalorisation des retraites, en arguant de l’équité entre les assurés sociaux, vous ne prenez pas en compte la situation inégalitaire qui perdure depuis des décennies pour des femmes et des hommes dont les pensions de retraite sont parfois de 350 euros.
Si cette disposition devait être reportée à 2020, ces femmes et ces hommes, présents encore ce soir dans les tribunes, n’auraient pas la certitude de voir leur pension de retraite revalorisée à la date que vous proposez.
Enfin, en utilisant la procédure du vote bloqué, vous donnez une bien piètre image du débat public et de l’outil parlementaire. À l’heure où la défiance de nos concitoyens envers le politique atteint son paroxysme, ces agissements ne font que conforter les Français dans ce sentiment.
Vous devez aujourd’hui prendre vos responsabilités quant à vos agissements.
Nous prenons acte de votre décision, ce soir, de maintenir cette procédure antidémocratique, mais il appartient dès lors au Gouvernement d’expliquer pourquoi il laisse mourir de faim des femmes et des hommes qui ont travaillé tant d’années pour nourrir les femmes et les hommes de notre pays.
Je le dis ici avec la plus grande solennité, ce que vous faites ce soir, finalement, c’est utiliser cette proposition de loi sur les retraites agricoles pour faire la démonstration que vous ne céderez sur rien. Mais en ne cédant sur rien, vous ne ferez pas avancer la démocratie. En ne cédant sur rien, vous ne créerez certainement pas le « nouveau monde ». Vous ne donnerez pas, en tout cas, l’envie aux femmes et aux hommes de notre pays de croire en la politique pour les années et les décennies qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi et M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, sur l’article.
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la ministre, en janvier dernier, nous avons voté ici au Sénat une proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes des pesticides, aux premiers rangs desquels se trouvent les agriculteurs. Vous aviez exprimé votre opposition à la création de ce fonds, qui était pourtant attendue par les victimes.
Le motif que vous avez invoqué était qu’il fallait attendre, car nous avions encore besoin de preuves, et ce malgré toutes les alertes émises depuis nos nombreuses années. La dernière provenait d’un rapport interministériel émanant de votre propre administration – le ministère de la santé –, du ministère des finances et du ministère de l’agriculture, des services qui trouvent parfaitement pertinente la création de ce fonds pour venir en aide aux personnes victimes des produits phytosanitaires.
Madame la ministre, vous refusez aujourd’hui également l’augmentation des retraites les plus modestes aux agriculteurs, qui en ont pourtant bien évidemment besoin.
La conclusion est donc simple : il nous semble que vous n’aimez pas les agriculteurs et, surtout, les plus faibles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Remplacer l’année :
2018
par l’année :
2020
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’article 1er de la proposition de loi vise à relever le niveau minimal de pension perçue par un chef d’exploitation pour une carrière complète. Le présent amendement tend à reporter de 2018 à 2020 l’entrée en vigueur de cette disposition. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Comme vous le savez, un débat va s’engager sur la réforme systémique de nos régimes de retraite. Il s’agit d’une réforme de grande ampleur (Huées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.) qui vise à mettre en œuvre un système plus équitable.