M. le président. La parole est à Mme Christine Lanfranchi Dorgal.
Mme Christine Lanfranchi Dorgal. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse très détaillée.
Permettez-moi d’ajouter que ce mode de fonctionnement peut aussi avoir des répercussions sur les finances des collectivités locales, qui sont maîtres d’ouvrage pour les marchés de fouilles. Celles-ci ont en effet l’obligation, conformément aux règles de la commande publique, de soumettre le choix du candidat retenu comme le mieux-disant selon les critères du prix et de la valeur technique à la direction des affaires culturelles dont elles dépendent. La validation du marché par cette DAC conditionne son exécution.
Or il arrive que le candidat pressenti par une collectivité locale et celui que la DAC propose ne soient pas les mêmes, et que l’écart de prix entre les deux projets – parfois très important, j’en ai eu la preuve – menace de fragiliser le financement de l’opération dans son ensemble.
Dans ces conditions, ne pourrait-on pas imaginer un autre mode de fonctionnement, afin notamment que l’INRAP, qui détient le monopole des diagnostics, ne soumissionne pas aux marchés publics ouverts aux entreprises agréées par le ministère de la culture ? Ce n’est qu’un vœu pieux…
difficultés des entrepreneurs de spectacles historiques
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, auteur de la question n° 325, adressée à Mme la ministre de la culture.
Mme Laurence Harribey. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur les modalités d’application de l’article 32 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
Ces modalités ont été fixées par le décret du 10 mai 2017 relatif à la participation d’amateurs à des représentations d’une œuvre de l’esprit dans un cadre lucratif, lui-même précisé par un arrêté du 25 janvier 2018.
Premièrement, l’article 2 du décret susvisé limite le nombre de participations à cinq spectacles par an pour les amateurs participant à titre individuel, et à huit spectacles par an pour les groupements d’artistes amateurs constitués. De plus, un amateur ne peut participer, à titre individuel, à plus de dix représentations par an. Le ministre chargé de la culture peut toutefois accorder une dérogation à ces plafonds, après avis du Conseil national des professions du spectacle, si le spectacle comporte un intérêt artistique et culturel particulier.
Deuxièmement, aux termes de l’article 4 du décret, deux mois avant la première représentation, les spectacles doivent faire l’objet d’une télédéclaration auprès du ministère de la culture précisant les noms de tous les amateurs et les jours de représentation.
En pratique, même s’il est nécessaire de protéger le statut des amateurs participant à un spectacle lucratif, il est clair que cette réglementation peut aboutir à l’abandon de toutes les manifestations proposant une reconstitution historique ou une mise en valeur du patrimoine.
À titre d’exemple, en Gironde, le spectacle La Bataille de Castillon nécessite 450 bénévoles pour chacune de ses quinze représentations. Une solution semble avoir été trouvée pour cette année. Cela étant, ma question porte plus largement sur la définition de l’« intérêt artistique et culturel particulier » qui justifie les dérogations.
Par ailleurs, est-il possible de revoir à la baisse le délai de la télédéclaration, ou de concevoir une procédure moins figée dans le temps, afin d’éviter le découragement des entrepreneurs de spectacles vivants ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice Harribey, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture, qui m’a chargé de vous répondre.
Jusqu’à la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, la pratique artistique amateur n’était pas encadrée juridiquement. Ainsi, la participation d’amateurs à des spectacles courait le risque d’être assimilée à du travail dissimulé du seul fait qu’elle avait impliqué le recours à une billetterie payante, justifié l’utilisation d’équipements professionnels ou été précédée d’actions de publicité.
Il était donc nécessaire de doter cette pratique d’un cadre juridique protecteur et incitatif à son développement, ce qu’a fait la loi de 2016.
Cette dernière a tout d’abord créé une dérogation à la présomption de salariat afin de sécuriser le recours à des amateurs non rémunérés lorsqu’ils interviennent dans un spectacle lucratif s’inscrivant dans le cadre d’actions d’accompagnement de la pratique artistique amateur ou d’actions pédagogiques culturelles.
Le décret du 10 mai 2017 a ensuite précisé le périmètre du recours aux amateurs dans un cadre lucratif, prévoyant en particulier les plafonds de représentations que vous avez rappelés.
Enfin, l’arrêté du 25 janvier 2018 a finalisé le dispositif en déterminant le contenu de la convention passée avec une collectivité par les structures mobilisant des amateurs dans un spectacle professionnel et les modalités de la télédéclaration des spectacles.
Ces dispositions réglementaires encadrent donc la possibilité donnée par la loi à une entreprise de spectacle de faire appel à des amateurs sans avoir à les rémunérer ; elles ne s’appliquent que lorsqu’il s’agit de spectacles lucratifs. En revanche, la pratique amateur exercée dans un cadre non lucratif ne fait l’objet d’aucune limitation, en particulier quant au nombre de représentations.
La loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine protège ainsi la pratique amateur individuelle ou en groupement constitué intervenant dans un cadre non lucratif en lui ouvrant l’accès à la publicité, à la billetterie et aux moyens techniques professionnels.
Les spectacles nocturnes de la Cinéscénie du Puy du Fou, ainsi que la reconstitution de la bataille de Castillon, que vous avez évoquée, font intervenir exclusivement des amateurs comme figurants. Comme il s’agit de reconstitutions historiques organisées par des associations à but non lucratif, elles sont sécurisées par la loi et ne sont en rien plafonnées. Aucune menace ne pèse donc de ce point de vue sur ces spectacles.
Quant à vos propositions concernant, notamment, les délais de télédéclaration et l’ajustement de certaines procédures, Mme la ministre de la culture se tient à votre disposition pour continuer à débattre des améliorations possibles.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour ces éléments de réponse, même si la première partie de votre réponse ne faisait que répéter les faits que j’avais rappelés dans ma question.
Comme vous l’avez indiqué, le problème essentiel est lié à la notion de « spectacle lucratif ». Une solution a été trouvée cette année pour La Bataille de Castillon, le spectacle n’étant pas considéré comme ayant un but lucratif. C’est une bonne chose, mais il convient de préciser la distinction entre activités lucratives et non lucratives. En effet, il est évident que nombre de spectacles de reconstitution historique ou de valorisation du patrimoine ne peuvent se réaliser sans un système ouvert à l’économie, aux entrées payantes et aux partenariats financiers. Il faut donc préciser la notion de « spectacle lucratif », qui va de pair avec la présomption de salariat, d’autant que cette dernière peut mettre en danger d’autres volets de l’action culturelle, en particulier les chantiers de bénévoles pour le patrimoine.
Considérant que vous recevez mes propositions de manière positive, monsieur le secrétaire d’État, je reprendrai contact avec le ministère de la culture pour essayer d’aller plus loin dans cette discussion. Cela m’importe d’autant plus que je reste d’accord, sur le fond, avec la démarche de la loi de 2016 : il était nécessaire de réglementer le recours aux bénévoles dans ce secteur.
organisation des concours « meilleurs ouvriers de france »
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Janssens, auteur de la question n° 293, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Marie Janssens. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur l’organisation des concours « Meilleurs ouvriers de France ».
En effet, à l’occasion du Salon des fromagers qui se tenait parallèlement au Salon international de l’agriculture, j’ai été interpellé par des représentants de la profession, dont le président de la Fédération française des fromagers, qui m’ont fait part de leur inquiétude concernant l’organisation des concours « Meilleurs ouvriers de France ».
Une nouvelle organisation est actuellement mise en place pour ces concours.
En effet, un partenaire privé – en l’occurrence, une maison d’édition – prend désormais une place importante dans l’organisation des concours ainsi que dans leur financement. Les critères de sélection et de notation ont ainsi été modifiés.
Ces concours, organisés sous l’égide du ministère de l’éducation nationale, ont pour objet la reconnaissance et la valorisation de l’excellence professionnelle. Or le rôle prépondérant joué par un partenaire privé dans leur organisation est difficilement compréhensible pour les professionnels du secteur, qui craignent que l’indépendance et la dimension académique de ces concours ne soient remises en question.
Cette inquiétude est d’ailleurs partagée par tous les professionnels des secteurs, alimentaires ou non alimentaires, pour lesquels est organisé un concours « Meilleurs ouvriers de France ».
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous me garantir que ces concours auront toujours pour finalité de récompenser l’excellence en toute indépendance et en toute objectivité ?
Par ailleurs, pouvez-vous m’indiquer les différents acteurs du financement de ces concours et le rôle que vous entendez laisser jouer aux nouveaux partenaires privés ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Janssens, je vous prie de bien vouloir excuser M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, qui m’a demandé de bien vouloir vous répondre.
L’organisation du concours pour l’obtention du diplôme d’État « Un des meilleurs ouvriers de France » repose sur un modèle original – vous l’avez rappelé – de coopération entre partenaires publics et privés, qui réunit le ministère de l’éducation nationale et ses partenaires ministériels, le comité d’organisation du concours et des expositions du travail, ou COET, les professionnels et leurs représentants.
Le COET met en œuvre les modalités d’attribution du diplôme « Un des meilleurs ouvriers de France ». Il organise les expositions du travail et la remise des diplômes. Il est financé par des subventions publiques, le ministère de l’éducation nationale étant le plus gros contributeur. Il est, dans le cadre actuel, éligible à la taxe d’apprentissage. Il peut également recevoir des dons, et perçoit des droits d’inscription des candidats.
Afin de pallier une fragilité financière récurrente, le comité d’organisation a passé une convention avec le groupe Uni-éditions, société filiale du Crédit Agricole. Ce partenariat financier ne présente aucun risque d’ingérence, dans la mesure où les métiers de la banque sont totalement absents des métiers ouverts au concours.
Par ailleurs, la modification des critères de notation n’est pas liée à cette convention ; elle traduit la volonté du COET de procéder à une vaste remise en ordre de l’organisation même de l’examen.
Dans le cadre de la réglementation fixée par le ministère de l’éducation nationale, le comité a ainsi rénové ses statuts et engagé une politique de transparence sur les conditions d’organisation des épreuves relevant de sa propre responsabilité.
Le COET a aussi chargé l’inspecteur général, président du jury général, de revoir l’ensemble des sujets, des référentiels et des critères d’évaluation des épreuves.
L’intervention des professionnels et de leurs fédérations est essentielle pour définir les exigences professionnelles attendues et, de la sorte, le niveau et la qualité du concours. Toutefois – il faut le préciser –, les fédérations professionnelles sont des partenaires, et non pas les organisateurs des épreuves, ce rôle étant dévolu au COET par le ministère de l’éducation nationale.
Le comité d’organisation, en accord avec sa tutelle ministérielle, a souhaité reprendre avec les fédérations professionnelles une coopération plus rationnelle dans le cadre organisationnel et juridique imparti. Une telle coopération permet d’assurer l’équilibre entre, d’une part, le respect des règles applicables aux candidats aux diplômes de l’éducation nationale et, de l’autre, la recherche permanente d’une définition de l’excellence professionnelle dans plus de deux cents métiers.
Monsieur le sénateur, j’espère avoir répondu à vos inquiétudes, notamment quant à l’absence d’interférence des acteurs privés dans le processus d’évaluation.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants pour permettre à Mme la secrétaire d’État auprès de M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, de rejoindre l’hémicycle.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures dix, est reprise à dix heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
interlocuteur en matière d’environnement des porteurs de projets d’aménagement
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, auteur de la question n° 328, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Dany Wattebled. Madame la secrétaire d’État, dans le cadre de la réforme de l’autorité environnementale, le préfet de région était désigné comme autorité compétente de l’État en matière d’environnement.
Le Conseil d’État, statuant au contentieux, a annulé cette disposition par sa décision n° 400559 en date du 6 décembre dernier. En conséquence, la seule possibilité réglementaire laissée aux porteurs de projet réside dans le pouvoir d’évocation du ministre, dont l’opportunité de mise en œuvre est laissée au libre choix de ce dernier.
Une instruction ministérielle non parue au Journal officiel préconise que les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement fassent prononcer les avis nécessaires par la mission régionale d’autorité environnementale, en lieu et place du préfet de région, sans toutefois qu’un texte législatif ou réglementaire le permette. À ce jour, nous sommes toujours dans l’attente d’un décret désignant la nouvelle autorité environnementale.
Madame la secrétaire d’État, j’en viens à mes questions.
Tout d’abord, comment sécuriser les projets avancés, qui ont été engagés sous la responsabilité du préfet de région antérieurement à la décision du Conseil d’État, et éviter les dérapages de calendrier, sachant que l’obtention des avis nécessaires demande entre six et douze mois ? Afin de ne pas bloquer les porteurs de projets, peut-on envisager de leur accorder un régime dérogatoire ?
Ensuite, concernant les procédures futures, les porteurs de projets sont invités à saisir la mission régionale d’autorité environnementale. Néanmoins, comme aucun texte ne lui donne compétence, ne faut-il pas craindre une éventuelle remise en cause de la légalité des procédures nécessaires à la réalisation des projets d’aménagement ? Dès lors, afin de permettre aux porteurs de projets de programmer au mieux chaque projet, pouvez-vous nous indiquer l’échéance à laquelle paraîtra le décret désignant l’autorité environnementale compétente ?
Enfin, ne faut-il pas craindre un engorgement des missions régionales d’autorité environnementale, non dimensionnées à ce jour pour traiter un tel volume de sollicitations ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Wattebled, l’évaluation environnementale permet à l’autorité compétente en la matière d’autoriser ou non un projet. Cette décision est éclairée par les conséquences envisagées dudit projet sur la santé humaine et sur l’environnement.
Le droit français prévoit qu’une autorité environnementale rend un avis sur le dossier en amont de l’ouverture de l’enquête publique, en indiquant comment le demandeur intègre les enjeux environnementaux dans la conception de son projet.
Le 6 décembre 2017, le Conseil d’État a annulé les dispositions du code de l’environnement qui instituaient le préfet de région comme autorité compétente pour rendre l’avis d’autorité environnementale et autoriser ou non un projet. Le Conseil d’État a en effet jugé que le préfet de région ne pouvait cumuler les deux fonctions.
Cette décision a inauguré une période d’incertitude pesante pour tous les acteurs. Très conscient de l’urgence que représente la sécurisation de ces procédures et soucieux d’éviter les blocages, le Gouvernement a transmis des instructions aux préfets et aux services chargés de l’évaluation environnementale dès le 20 décembre 2017. Cela a permis que les projets engagés pâtissent le moins possible de la situation actuelle.
La période transitoire est exploitée par les services de l’État et par les missions régionales d’autorité environnementale pour rechercher la meilleure solution.
En parallèle, le Gouvernement travaille activement à l’élaboration d’un nouveau décret. Plusieurs pistes ont été explorées pour mettre en place un dispositif à la fois conforme au droit européen et opérationnel sur le terrain. Le Gouvernement envisage une parution du décret dans le courant de l’été.
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Il y a quand même urgence ! De nombreux dossiers vont être en panne. Vous savez bien comment cela se passe sur le terrain : une fois qu’un dossier a pris du retard, même si le décret paraît en juillet, les travaux ne pourront être engagés que l’année prochaine, alors que les entreprises ont besoin de travail !
demandes d’autorisation de mise sur le marché des produits biocides
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, auteur de la question n° 330, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Stéphane Piednoir. Ma question porte sur le coût de l’instruction des demandes d’autorisation de mise sur le marché des produits biocides.
Cette autorisation s’obtient au terme d’une procédure en deux temps régie par le règlement européen n° 528/2012 du 22 mai 2012.
Dans un premier temps, les substances actives sont évaluées et approuvées à l’échelon européen par une agence dédiée, l’Agence européenne des produits chimiques, puis, dans un second temps, les produits contenant ces substances actives ayant vocation à être commercialisés en France doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché auprès de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES.
L’instruction de cette demande par l’ANSES a un coût, qui est à la charge des entreprises souhaitant commercialiser des produits biocides. Son montant est fixé, par arrêté, de manière forfaitaire et par produit contenant des substances actives.
Je m’interroge sur le bien-fondé de ce mode de calcul forfaitaire et par produit, indépendant de la quantité produite.
En effet, le coût d’instruction pour la commercialisation d’un produit est le même que ce dernier soit commercialisé par un grand groupe et à l’échelle nationale, ou bien par une petite entreprise dont le réseau de diffusion n’est que régional, voire départemental.
En vertu du principe du pollueur-payeur, il semblerait plus juste qu’une entreprise produisant des centaines de milliers de tonnes de produits polluants paye une redevance plus importante qu’une PME qui en produit moins de dix tonnes par an. C’est le cas d’une entreprise de mon département : elle ne peut assumer la charge que représentent ces coûts d’instructions.
Madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour corriger cette disposition qui entrave la libre concurrence ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Stéphane Piednoir, qu’ils soient utilisés par le grand public ou les professionnels, les produits biocides font partie intégrante de notre quotidien. Ils peuvent porter préjudice à notre santé comme à l’environnement, et c’est pourquoi ils font l’objet d’un encadrement réglementaire très strict aussi bien au niveau européen qu’au niveau national visant à évaluer leur impact de manière précise.
Je n’entrerai pas dans le détail des différentes dispositions, mais il me semble essentiel de rappeler l’importance de cet encadrement en raison des conséquences potentielles de ces produits sur la santé des Français.
En France, c’est l’ANSES qui procède à l’évaluation des produits biocides et délivre, ou non, l’autorisation de mise sur le marché. Son attention est centrée en priorité sur les PME. Environ 20 % d’entre elles, soit près d’un million d’entreprises, sont concernées par la réglementation relative aux produits biocides en France.
Les demandes d’autorisation soumises à l’ANSES par les entreprises sont soumises à une redevance fixée par l’arrêté du 22 novembre 2017. Ce texte a été élaboré en concertation avec les organisations professionnelles œuvrant dans le domaine des produits biocides. Il n’a pas été jugé pertinent de moduler le montant de la redevance en fonction de la taille de l’entreprise, car les frais engagés par les pétitionnaires servent à couvrir les coûts de l’instruction des dossiers par l’ANSES.
Je tiens par ailleurs à rappeler que la France dispose d’outils fiscaux compensatoires qui n’existent pas dans d’autres pays européens ; je pense par exemple au crédit d’impôt recherche ou au crédit d’impôt innovation. Ce dernier, consacré spécifiquement aux TPE et PME, leur permet de bénéficier d’un crédit d’impôt de 20 % des dépenses liées à la conception ou à la réalisation du prototype d’un produit nouveau. Les TPE et PME produisant des produits biocides peuvent donc en bénéficier directement. Bien que plafonnée à 400 000 euros par an et par entreprise, cette aide compense les désavantages de ces petites structures face aux grands groupes.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Je vous remercie pour votre réponse, madame la secrétaire d’État. Je prends bonne note des mesures compensatoires propres à la fiscalité française.
Néanmoins, quant à la phase d’autorisation des substances actives, des réductions de redevance sont envisagées à l’échelon européen pour les microentreprises et les petites entreprises qui ne peuvent en supporter le coût.
Plus globalement, il relève de notre responsabilité collective de maintenir des PME dans nos territoires. C’est pourquoi je vous invite à considérer la disproportion qui existe entre les coûts que cette redevance représente pour une petite entreprise et pour une multinationale, qui peut les assumer bien plus aisément.
dotation à l’électrification rurale dans le calvados en 2018
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, auteur de la question n° 347, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Corinne Féret. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur la diminution des aides publiques destinées à l’électrification rurale et, plus précisément, sur la situation du syndicat départemental d’énergie du Calvados, le SDEC Énergie.
Alors que, pour 2017, la dotation octroyée par le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, ou FACÉ, à ce syndicat s’élevait à 6 425 000 euros, elle n’est plus que de 5 138 000 euros cette année. Cette baisse brutale de près de 1,3 million d’euros lui a été notifiée en mars dernier sans raison claire et objective.
La priorité du SDEC Énergie est naturellement le renouvellement des installations électriques obsolètes et le renforcement du réseau. Or, avec une dotation du FACÉ amputée de 20 %, notre syndicat départemental ne pourra plus continuer à investir et, à court terme, la qualité du réseau d’électricité en secteur rural en sera affectée.
Cette situation est d’autant plus mal vécue que l’inventaire de l’état du réseau apparaît tronqué. En effet, depuis plusieurs années, le SDEC Énergie réalise à sa charge des campagnes de mesure de tension qui, sur la base de plusieurs centaines d’enregistrements, démontrent une différence notable – de plus de 20 %, tout de même – entre la mesure réalisée chez l’habitant et l’étude statistique GDO d’Enedis.
On peut déplorer qu’il ne soit pas davantage tenu compte, non seulement de ces différences de données, mais aussi des efforts récurrents du syndicat pour limiter au juste minimum les reports de crédits. Dans le Calvados, les dotations du FACÉ sont consommées, car les nécessités d’investissement sur les réseaux sont réelles et les réponses ne peuvent pas être ajournées.
Mes questions sont donc les suivantes, madame la secrétaire d’État.
Au-delà du coup de rabot général, de l’ordre de 5 %, voté dans la loi de finances pour 2018, pourriez-vous m’indiquer les raisons – et les données – qui ont motivé la baisse de 20 % des dotations du FACÉ cette année dans le Calvados ?
J’attire particulièrement votre attention sur la problématique des écarts de mesure de tension que je viens d’évoquer, et souhaite également connaître votre position sur cette question.
Enfin, plus globalement, pourriez-vous préciser les intentions du Gouvernement quant à l’avenir du FACÉ ? Une augmentation de cette aide publique à l’électrification rurale est-elle envisagée pour 2019 ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Féret, comme vous le soulignez, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ, doté de 360 millions d’euros en 2018, permet de réaliser les investissements nécessaires pour la qualité du réseau de distribution d’électricité en milieu rural.
Cet outil essentiel de la solidarité entre les territoires assure la péréquation entre milieu rural et milieu urbain. Le Gouvernement y est donc particulièrement attaché.
L’année dernière, nous avons réalisé un inventaire de l’état de nos réseaux électriques qui nous a permis de démontrer l’efficacité du FACÉ et l’amélioration continue de la qualité de la redistribution d’électricité en milieu rural.
Ainsi, pour l’année 2018, la dotation du syndicat départemental d’énergie du Calvados s’élève à plus de 5 millions d’euros. Elle était de 6,4 millions d’euros en 2017. Cette diminution est le produit de deux effets, l’un contextuel et l’autre factuel.
Premièrement, la politique d’électrification rurale participe, comme l’ensemble des politiques publiques, à l’effort de redressement des finances publiques. Dans ce cadre, le montant total du FACÉ, voté dans la loi de finances pour 2018, est en baisse de 5 %, passant à 360 millions d’euros.
Deuxièmement, en ce qui concerne les zones rurales du Calvados, le dernier inventaire a établi l’évolution favorable de la qualité du réseau électrique basse tension. À l’inverse, les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ont subi l’année dernière un cyclone qui a été – vous en conviendrez, madame la sénatrice – d’une gravité exceptionnelle. Le conseil du FACÉ a donc décidé d’accorder une subvention elle aussi exceptionnelle à ces deux collectivités.
Ces critères de répartition, tout comme les dotations du FACÉ pour 2018, ont par ailleurs été approuvés à l’unanimité par le comité compétent. La diminution de 20 % des dotations octroyées au Calvados résulte donc d’un arbitrage que nous jugeons juste, équitable et transparent.