Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Pascal Savoldelli. Les amendements et les débats qui permettront au Parlement d’exercer un contrôle et une forme de vigilance à l’égard de nos opérations extérieures sont donc extrêmement importants.

Mme la présidente. L’amendement n° 132, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Après le mot :

nets,

insérer les mots :

hors titre 5,

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Cet amendement concerne l’exclusion des dépenses du titre 5, fléché sur les opérations extérieures et intérieures. Tel est le droit actuel. Votre assemblée a souhaité ajouter au périmètre des opérations extérieures et intérieures couvert par la provision non seulement les dépenses du titre 3, mais également les dépenses d’équipement du titre 5.

Bien sûr, cela participe d’une très louable intention et résulte du constat que le remplacement des matériels utilisés en opérations extérieures doit être plus rapide que lorsque ce matériel n’est pas déployé en OPEX.

Néanmoins, je veux indiquer que, d’une part, nous avons intégré ces éléments dans notre propre prévision budgétaire et que, d’autre part, si l’on voulait aller dans le sens que le Sénat préconise – c’est-à-dire intégrer les dépenses d’équipement à la provision –, alors il faudrait procéder à une réévaluation de cette provision, qui aujourd’hui ne tient pas compte des crédits du titre 5.

Cela irait, à mon avis, quelque peu à l’encontre de votre souhait, mesdames, messieurs les sénateurs. En effet, certains d’entre vous ont exprimé pendant la discussion générale la nécessité de ne pas pénaliser le budget des armées par une provision qui serait trop importante par rapport au reste du budget.

Pour ces raisons, l’amendement n° 132 vise à revenir à la rédaction initiale du texte, afin de ne pas rendre la provision de 1,1 milliard d’euros, qui est l’objectif que nous souhaitons atteindre en 2020, insuffisante par rapport à ce que nous voulions faire, et recréer ainsi un écart que vous jugeriez vous-mêmes peu souhaitable entre la provision et le montant futur des dépenses ainsi appréhendées.

Mme la présidente. L’amendement n° 133, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3, deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. L’amendement n° 133 prolonge évidemment le débat qui vient de s’ouvrir, puisqu’il tend à rétablir une rédaction antérieure à l’examen par la commission du projet de loi de programmation militaire.

En effet, cet amendement vise à ne pas prendre en compte une disposition qui fixerait, pour le financement interministériel des opérations extérieures et des missions intérieures, une limite maximale égale à la quote-part du budget du ministère des armées dans le total du budget de l’État.

Pourquoi le Gouvernement n’est-il pas favorable à l’inscription de cette disposition dans la loi, comme le Sénat se propose de le faire ? Tout simplement parce que, comme je l’ai dit précédemment, nous ne sommes plus là dans un débat de programmation : nous franchissons insidieusement la frontière vers un débat sur la gestion des crédits.

Or il est d’ores et déjà prévu que cette gestion soit encadrée par un certain nombre de règles. Vous les connaissez, elles figurent à l’article 4. Si la provision est inférieure au montant total des dépenses des OPEX et des missions intérieures, alors un financement interministériel sera mobilisé. À l’inverse, si cette provision s’avère supérieure au montant total de ces opérations, le bénéfice en sera maintenu au ministère des armées.

Je veux également dire que, au-delà du débat de principe sur le fait que nous passons de la programmation à la gestion, il ne faudrait pas rigidifier par avance la gestion des crédits de l’État, et ce d’autant moins que, dans la période récente – en 2017, pour ne citer que cette année –, la part du ministère des armées se trouvait de facto être égale dans le cadre du financement interministériel à sa part dans le budget de l’État.

C’est la Cour des comptes qui l’indique, puisqu’elle estime que la contribution du budget du ministère à la couverture de 1 milliard d’euros de surcoût au-delà de la provision a été égale à 200 millions d’euros. Or 200 millions d’euros sur 1 milliard, c’est à peu près la part du budget du ministère des armées sur le total du budget de l’État.

Je comprends parfaitement votre intention extrêmement bienveillante, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je ne voudrais pas que nous anticipions sur une gestion qui n’a pas encore eu lieu et que nous la rigidifiions par principe, car, après tout, une bonne nouvelle n’est pas non plus à exclure.

Je souhaite revenir à la disposition initiale de l’article 4 et ne pas ajouter cette précision, dont je ne peux pas dire qu’elle ne part pas d’une intention très louable, mais qui ne me paraît pas trouver sa place dans une loi de programmation.

Mme la présidente. L’amendement n° 32, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3, troisième phrase

Remplacer les mots :

maintenu au profit du budget des armées

par les mots :

provisionné au bénéfice du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » de la mission « Crédits non répartis »

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Monsieur Savoldelli, nous faisons une analyse diamétralement opposée de l’importance des OPEX et des missions intérieures !

Si votre amendement était adopté, nous constaterions la suppression pure et simple de la provision pour les OPEX et les missions intérieures. Par conséquent, privés de cette provision, nous serions obligés d’aller puiser dans les autres crédits des armées, ce qui affaiblirait les programmes d’équipement, puisque ces sommes seraient prélevées aux dépens de ces programmes. Cela compromettrait la sécurité de nos soldats et maintiendrait des matériels vieillissants.

J’ajoute que, sur le plan constitutionnel, les choses sont tout à fait clairement définies : le Président de la République est le chef des armées, et c’est du reste à ce titre qu’il a engagé les armées dans les opérations Serval et Barkhane – l’intervention était une nécessité absolue –, avec le succès que l’on sait.

Par ailleurs, ce dispositif relève de l’application de l’article 35 de la Constitution. Vous dites, mon cher collègue, que ces provisions ne font pas l’objet d’une validation. Bien au contraire, dans les trois jours suivant la décision d’envoyer des soldats dans le cadre d’une OPEX, le Parlement est informé. La prolongation de l’opération au-delà d’une durée de quatre mois fait l’objet dans cette enceinte d’un débat qui a toujours eu lieu. Je dois dire que, à chaque fois, l’assentiment fut très large. On peut donc considérer que le Parlement est totalement consulté sur ce sujet.

La commission émet par conséquent un avis défavorable sur l’amendement n° 64 rectifié.

En ce qui concerne l’amendement n° 132 et l’usure du matériel dans le calcul du coût des OPEX, nous entrons dans la promesse que je vous avais faite, madame la ministre : vous rendre service, vous conforter et vous aider, parfois au-delà de votre propre volonté, voire de celle d’un ministère qui est proche de mon département, situé sur la rive nord de la Seine…

Il faut que la future loi de programmation militaire soit sincère. Le signal que nous proposons d’envoyer est qu’il faut prendre en compte l’usure des matériels. Il ne s’agit pas d’entrer immédiatement dans la régulation budgétaire, les projets de loi de finances successifs le démontreront. En revanche, il n’est pas nécessaire d’être ingénieur de l’armement pour comprendre qu’il y a une usure des matériels utilisés au Sahel. Mes collègues Ladislas Poniatowski et Olivier Cigolotti et moi-même, lors d’une mission récente, avons eu l’occasion de constater de visu la quantité de pneus éclatés et de véhicules hors service. Les visites d’un certain nombre d’ateliers de nos armées, dans lesquels sont rapatriés ces véhicules, montrent, s’il en était besoin, le fondement de nos amendements.

Nous souhaitons que, dans le calcul du coût des OPEX, il puisse être tenu compte de cette usure prématurée des matériels. C’est un signal que nous souhaitons donner, je le répète. Il conviendra ensuite, au travers des exercices budgétaires, de conjuguer cette obligation. Aussi, à mon grand regret, car je ne désire absolument pas vous faire de peine tout au long de notre discussion, je suis obligé, pour respecter ma promesse de vous aider, de maintenir le texte de la commission et d’émettre un avis défavorable sur votre amendement.

L’amendement n° 133, visant à prendre en compte le financement des surcoûts OPEX, relève de la même logique. Le Gouvernement reconnaît en quelque sorte qu’il envisage de faire supporter aux armées l’essentiel du financement interministériel de ces surcoûts. Vous vous êtes livrée, madame la ministre, à un exercice de vérité que nous saluons, c’est-à-dire prévoir une somme beaucoup plus conforme à la réalité. Avec 1,1 milliard d’euros, on va dans le bon sens.

Mais on ne peut pas exclure, et mon collègue Ladislas Poniatowski aura l’occasion d’y revenir, que l’on aille au-delà de cette somme, compte tenu de l’intensité des opérations qui sont liées.

Le principe que nous défendons est simple : à partir du moment où il y a un surcoût, l’interministériel doit prendre en compte le financement à due proportion de ce que représente le budget du ministère des armées dans l’ensemble du budget. Sinon, le procédé consiste à rattraper d’une main ce qu’on a donné de l’autre.

Voilà pourquoi j’émets également un avis défavorable sur votre amendement, encore une fois pour aller dans le sens de la volonté du Sénat, singulièrement de la commission saisie au fond, d’une vérité non pas des prix, mais des coûts, particulièrement pour les OPEX. Car il est impossible de savoir comment évolueront demain les coûts de ces opérations – ils pourraient durablement et durement grever votre budget.

Quant à l’amendement n° 32, il vise à supprimer la clause de maintien aux armées du reste de la provision pour les OPEX éventuellement non consommée.

C’est un cas de figure peu probable. Comme je viens de le dire, nous nous situons plutôt dans la perspective d’un dépassement des crédits alloués. Si par bonheur la provision n’était pas entièrement consommée, nous serions très désireux de voir ce montant non utilisé revenir au renforcement de nos infrastructures. J’ai relevé les insuffisances de crédits alloués au service de santé des armées, au commissariat… Voilà de bons endroits où l’on pourrait mettre un petit peu d’argent pour améliorer la situation.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. L’amendement n° 64 rectifié est, me semble-t-il, un amendement d’appel, puisque le sujet, si j’ai bien compris l’argumentaire, est moins la suppression de la provision pour financer les OPEX et les missions intérieures que les pouvoirs respectifs du Parlement et du Gouvernement dans le cadre du déclenchement des interventions extérieures. Il s’agit donc d’un autre débat, institutionnel, qui concerne l’article 35 de la Constitution. Je ne peux par conséquent être favorable à un amendement tendant à supprimer cette provision, laquelle a vocation à rendre le budget plus sincère et à permettre l’accomplissement de ces opérations extérieures.

L’esprit de l’amendement n° 32 est quelque peu différent. Cet amendement vise à faire bénéficier le budget général du surplus dans le cas où le montant définitif des opérations extérieures et missions intérieures s’avérerait inférieur au niveau de la provision, au lieu de le reverser au budget des armées. Comme vient de l’indiquer M. le président de la commission, cela revient à priver les armées d’une possibilité d’améliorer la fin de gestion. Je ne peux pas y être favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 64 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.

M. Ladislas Poniatowski. Madame la ministre, les deux dernières fois où vous êtes venue en commission, j’ai évoqué le même sujet : même si nous sommes favorables au texte – vous savez que mon groupe votera votre projet de loi de programmation militaire –, il existe un « maillon faible ».

Le maillon faible, ce sont les OPEX. Même si vous faites mieux, même si vous aviez déjà prévu 650 millions d’euros dans le budget pour 2018, même si, pour la première année de programmation militaire, vous affectez 850 millions d’euros, puis 1,1 milliard d’euros – jamais plus –, vous êtes déjà dépassée, et votre budget est en déficit.

En effet, les OPEX ont déjà coûté 1,1 milliard d’euros en 2017. Interrogez « vos » militaires – le terme est affectueux, madame la ministre : ils vous diront que, en 2018, on est déjà parti pour dépasser la somme de 1,1 milliard d’euros et atteindre probablement 1,2 milliard. Vous n’avez donc pas l’argent !

Ce que propose la commission, et c’est pour cela que le vote y fut presque unanime, c’est de vous aider. Je vous ai sentie bien mal à l’aise en défendant votre amendement n° 132.

Vous êtes mal à l’aise parce que, en réalité, nous venons vous aider, que ce soit au sujet du remplacement du matériel usé ou détruit et surtout pour ce qui concerne le problème visé par l’amendement n° 133 – mon explication de vote vaut pour les deux amendements du Gouvernement. Laissez-vous faire ! Laissez-nous rejeter l’amendement n° 133 et défendez ensuite notre position lorsque la question sera de nouveau discutée à l’Assemblée nationale ou en commission mixte paritaire. C’est votre intérêt !

Le fait de prévoir que ce soit uniquement la quote-part de votre budget qui prenne en charge les dépassements, pardonnez-moi l’expression, mais c’est cadeau pour vous ! Vous savez très bien que, sinon, vous vous bagarrerez contre tous les autres ministères.

La disposition sur la quote-part est une mesure de bon sens, qui est importante pour vous.

Bien sûr, je voterai contre ces amendements, mais mon intervention vise à vous dire, madame la ministre, non seulement de vous laisser faire, parce que sur ces amendements nous allons vous battre, mais de défendre ensuite cette mesure à l’Assemblée nationale. Vous serez gagnante !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Madame la ministre, je vous ai entendue, me semble-t-il au moment où vous preniez vos fonctions, alors qu’on évoquait les OPEX, nous dire – vous aviez parfaitement raison – que la décision d’engager nos forces relevait non pas du ministre ou du ministère de la défense, mais du Gouvernement, c’est-à-dire de la France. Vous en aviez conclu que les armées n’avaient pas à faire les frais des surcoûts liés aux OPEX.

Je m’inscris tout à fait dans la ligne des propos du président Cambon, en m’étonnant des deux amendements que vous nous présentez.

Dans l’objet de l’amendement n° 132, il est écrit : « Les surcoûts OPEX excluent en revanche les dépenses liées à l’attrition, c’est-à-dire le remplacement des matériels détruits en opération. » Dois-je en conclure que les matériels détruits en opération n’ont pas vocation à être remplacés et que le financement du remplacement n’est pas assuré ? Là, on touche, dans la rédaction tout au moins, aux limites de l’absurdité !

Par ailleurs, s’agissant de l’amendement n° 133, vous avez raison, le surcoût a été payé à peu près au prorata par le ministère en 2017. J’ai envie de dire : puisque tel fut le cas en 2017, cela ne devrait pas beaucoup vous gêner d’inscrire une telle disposition dans la loi pour l’avenir. Vous semblez indiquer que c’est une pratique, mais – je fais partie de ceux qui ont un peu de mémoire – je peux vous dire qu’en 2015 et en 2016 la situation était tout autre ! Le ministère a payé deux fois sa part.

Ce sont les raisons pour lesquelles je rejoins totalement les propos de mes collègues Ladislas Poniatowski et Christian Cambon : ces deux amendements ne sont pas bienvenus pour votre ministère.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la ministre, une fois n’est pas coutume, je partage tout à fait les propos de mon collègue Ladislas Poniatowski. Vous avez parlé de loi de réparation, mais une loi de réparation sert à améliorer les choses !

Si les matériels détruits ou endommagés ne sont pas remplacés, il y va de la sécurité de nos soldats. Vos deux amendements sont difficiles à comprendre, même si j’entends ce que vous dites – il existe une contrainte.

Là encore, le Sénat est en train de vous aider vis-à-vis des autres ministères et du chef du Gouvernement.

Nous sommes, je le crois, dans notre rôle quand nous attirons votre attention sur le fait que ces deux amendements sont malvenus. Je le répète, il y va de la sécurité de nos armées. On ne peut pas accepter de tirer ainsi un trait sur des matériels, sauf à croire que ces derniers ne sont pas nécessaires.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 132.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 133.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 32.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 33, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

Les opérations extérieures et les missions intérieures en cours font chaque année, au plus tard le 30 septembre, l’objet d’un débat suivi d’un vote du Parlement. Il en est de même à l’issue de la fin décidée par le Gouvernement d’une opération extérieure. Pour ce faire, le Gouvernement communique en amont aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un bilan opérationnel et financier relatif à ces opérations extérieures et ces missions intérieures.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Il s’agit toujours de la question des OPEX et d’instaurer un débat avec vote annuel. À ce titre, la réforme constitutionnelle à venir devra nous permettre de préciser le cadre d’intervention des troupes françaises et le contrôle du Parlement.

Nous l’avons vu avec l’opération menée en Syrie en avril, le cadre constitutionnel en matière d’intervention est suffisamment permissif pour pouvoir se passer du Parlement.

Ainsi, si en pratique une déclaration de guerre, une opération extérieure ou une intervention extérieure ponctuelle sont extrêmement proches, les dispositions constitutionnelles y afférentes sont bien différentes.

Autre écueil majeur, qui n’est pas l’objet de l’amendement, mais qui doit nourrir le débat, l’intervention extérieure peut commencer sans même une information préalable du Parlement, comme si les récents exemples correspondaient à une prise de décision immédiate du Président de la République, sans préparation.

Enfin, j’en viens au fond de l’amendement, le Parlement ne dispose que d’un contrôle tout relatif sur le lancement des OPEX et leur prolongation. Ainsi, le Gouvernement n’est tenu de soumettre au vote du Parlement que la prolongation d’une OPEX, une seule fois, quatre mois après le début de cette dernière. Cela veut donc dire que le Parlement ne prend position qu’une seule fois, et qu’il est ensuite considéré que l’aval parlementaire est donné sine die.

Or, c’est une évidence, la situation sur les terrains militaire et diplomatique évolue avec le temps, et une OPEX validée à la date A peut ne plus avoir de cohérence à la date B. C’est pourquoi nous proposons par le biais de cet amendement un mécanisme de contrôle annuel sur la poursuite des OPEX, afin d’avoir une visibilité budgétaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. La commission partage bien évidemment le souhait exprimé par notre collègue au travers de l’amendement n° 33 de voir le Parlement jouer pleinement son rôle dans l’engagement de troupes françaises sur des théâtres d’opérations extérieures.

Néanmoins, il y a pour cela un cadre, la révision constitutionnelle qui va intervenir, et pour laquelle, ma chère collègue, votre groupe politique a été, comme les autres, sollicité par le président du Sénat, afin de faire des suggestions.

En l’occurrence, votre amendement bute sur l’actuel article 35 de la Constitution, d’où un risque d’inconstitutionnalité. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir le retirer, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Madame Cukierman, l’amendement n° 33 est-il maintenu ?

Mme Cécile Cukierman. Je précise tout de même, pour que cela figure au compte rendu, que, mon groupe ayant été, comme tous les autres, sollicité, il a fait des propositions.

Il serait dommageable que la disposition que nous proposons, si elle était conservée par l’Assemblée nationale, conduise à un problème d’inconstitutionnalité. Donc nous retirons notre amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 33 est retiré.

Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 5

Article 4 bis (nouveau)

En cas de hausse du prix constaté des carburants opérationnels, la mission « Défense » bénéficiera de mesures financières de gestion et, si la hausse est durable, des crédits supplémentaires seront ouverts en construction budgétaire, pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation et à l’activité opérationnelle des forces.

Mme la présidente. L’amendement n° 137, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil de nos échanges sur la sécurisation des moyens de la loi de programmation militaire.

Il s’agit des cours du pétrole, dont la volatilité est un phénomène connu et documenté. Le prix du baril oscille en fonction des lois du marché ; ainsi, en 2016, il a varié entre 27 dollars et 57 dollars, et, en 2017, entre 44 dollars et 64 dollars. C’est pourquoi, quand on construit une loi de programmation militaire, on élabore des hypothèses, et celle que nous avons retenue pour le cours du baril est celle qui est conforme au programme de stabilité, c’est-à-dire, un cours à 60 dollars, avec une parité euro-dollar de 1,1.

Les carburants représentent bien évidemment un poste important pour le budget du ministère des armées, puisqu’il s’agit d’une dépense d’environ un demi-milliard d’euros par an ; c’est tout à fait considérable.

J’ai parfaitement compris l’esprit dans lequel la commission avait travaillé en adoptant un amendement tendant à mettre en place un dispositif de neutralisation de la variation des cours du pétrole.

Je veux néanmoins appeler l’attention du Sénat sur le fait que le ministère des armées prend déjà en compte la volatilité des cours du pétrole en prévoyant des mécanismes de couverture contre le risque de fluctuation des cours et en procédant à des achats à terme, c’est-à-dire à un prix convenu à l’avance, ce qui permet de se prémunir contre une éventuelle hausse des cours. C’est donc un sujet que nous suivons avec beaucoup d’attention en gestion.

En outre, l’actualisation de 2020 dont nous parlions précédemment permettra de vérifier si les enveloppes financières consacrées au financement des carburants en 2019 et en 2020 auront été correctement évaluées et calibrées.

Dans ces conditions, l’amendement n° 137 vise à supprimer la disposition adoptée par la commission, afin de revenir au texte initial et de renvoyer cette discussion à notre rendez-vous de 2021 sur la correcte évaluation des dotations de financement de carburant.

M. Michel Savin. C’est dur, n’est-ce pas ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Une nouvelle fois, dans la logique des amendements précédents, nous allons tenter de vous aider, madame la ministre. On peut tout à fait comprendre le raisonnement que vous tenez, sauf pour ce qui concerne le renvoi à la discussion de 2021.

En effet, considérons ce qui vient de se passer ; en l’espace d’un mois, le prix du baril est passé de 62 à 72 dollars – il a pris 10 dollars ! Or vous nous parlez d’un poids budgétaire annuel de l’ordre du demi-milliard d’euros. Imaginez donc ce qu’une variation de quelques dizaines de dollars peut entraîner sur le budget de la défense…

Et la situation internationale dans la région du monde concernée par les décisions récentes du président Trump qui risquent de fâcher l’Iran – lequel a une influence sur la production de brut – peut porter à conséquence. En outre, on le voit bien, la tendance est actuellement plutôt à la hausse des cours. Nous souhaitons donc, là encore, vous protéger.

Je veux juste rappeler un petit événement : en 2014 ou en 2015, nous avons assisté au phénomène inverse ; la baisse du prix du baril a rendu disponible une somme importante. Je crois savoir que l’excellent ministère des finances a alors prélevé d’autorité sur le vôtre un peu plus de 1 milliard d’euros pour remettre les balances à niveau. Nous ne voudrions pas que cela se passe dans le sens contraire, que vous perdiez plusieurs centaines de millions, voire 1 milliard d’euros, car, je le répète, une crise internationale en matière énergétique n’est pas à exclure. Là encore, la vérité des coûts aidant, nous souhaitons que la mesure adoptée par la commission demeure.

Pour toutes ces raisons, j’émets, à mon grand regret, un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la ministre, dans la LPM précédente, la clause de sauvegarde des carburants existait.

M. Christian Cambon, rapporteur. Exact !

Mme Hélène Conway-Mouret. Nous ne voyons donc pas très bien ce qui, dans le contexte actuel, pourrait amener à considérer qu’il y a moins de risque de hausse de prix du pétrole que voilà cinq ans. Le président Cambon vient de le rappeler, la situation politique plutôt instable de certaines régions productrices de pétrole, avec les fluctuations du cours que cela entraîne, incite plutôt à prévoir une instabilité de ce cours.

Nous voulons ne pas attendre 2021 pour réaliser qu’il y a eu une forte ponction, à un moment crucial, sur le budget du ministère, au travers du remboursement de sommes qui peuvent être importantes. Cette disposition participait donc de la volonté des sénateurs de la commission de sanctuariser les crédits de la défense qui constituent pour Bercy, nous le savons bien, une proie privilégiée. Nous espérions rencontrer un écho favorable du Gouvernement à ce sujet, et nous regrettons que ce ne soit pas le cas.