M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Nous avons déjà eu des amendements similaires pour le groupe de tête, SNCF. Maintenant, il s’agit de SNCF Réseau. J’imagine que vous en défendrez également s’agissant de SNCF Mobilités. Pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Monsieur le sénateur, je défends également le service public. Nous venons de débattre de l’intérêt de Gares & Connexions, filiale de SNCF Réseau. Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 184 rectifié, présenté par MM. Dantec, Corbisez, Léonhardt, Arnell, A. Bertrand, Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Après les mots :
développement durable,
insérer les mots :
de réduction des émissions de gaz à effet de serre,
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement est complémentaire de l’amendement n° 3 rectifié octies que nous avons adopté. Comme Mme la ministre l’a souligné à juste titre, il ne suffit pas d’inscrire la lutte contre le réchauffement climatique parmi les objectifs de la SNCF ; en effet, l’enjeu porte en particulier sur les péages et le fret.
Cet amendement vise donc à inscrire la réduction des émissions de gaz à effet de serre au rang des objectifs de SNCF Réseau. Cela signifie que le maintien des petites lignes doit aussi s’envisager par rapport à l’ensemble du fret et en tenant compte de son impact à moyen terme sur les émissions de gaz à effet de serre. Cette précision ne concerne pas l’ensemble des filiales, mais uniquement SNCF Réseau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre a été inscrit pour le groupe de tête. À quoi bon l’inscrire de nouveau pour SNCF Réseau ? Cet amendement est satisfait, avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous nous sommes mal compris, monsieur le sénateur. Je n’ai pas suggéré d’inscrire la lutte contre le changement climatique à tous les alinéas. Certes, cet objectif doit être inscrit dans la loi, mais il faut ensuite agir, par exemple en baissant le tarif des péages ou en relançant le fret ferroviaire. Je présenterai à cet égard prochainement un plan. Quoi qu’il en soit, votre demande est satisfaite par l’amendement adopté tout à l’heure. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Dantec, l’amendement n° 184 rectifié est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 184 rectifié est retiré.
M. Pierre Ouzoulias. Je le reprends, monsieur le président !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 184 rectifié bis, présenté par M. Pierre Ouzoulias et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 184 rectifié.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Il y a un problème de méthode par rapport à notre débat. Nous avons proposé qu’il n’y ait qu’une seule entité ; le Gouvernement a refusé et en a imposé trois.
Mme Fabienne Keller. C’était déjà le cas avant !
M. Pierre Ouzoulias. Il est donc tout à fait normal que nous ayons trois fois le même débat par rapport aux enjeux énergétiques et climatiques : c’est ce que veut le Gouvernement ! Avec une seule entité, nous aurions évité les redites…
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 184 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 73, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Remplacer les mots :
d’aménagement du territoire
par les mots :
de solidarité nationale permettant de garantir le droit à la mobilité pour l’ensemble des territoires
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. L’alinéa 22 de cet article porte sur les missions de SNCF Réseau, c’est-à-dire, pour résumer, sur l’EPIC « rails ».
Celles-ci doivent être exercées, indique le Gouvernement, « dans une logique de développement durable, d’aménagement du territoire et d’efficacité économique et sociale ».
Nous estimons que la notion d’aménagement du territoire n’est pas claire, ou du moins qu’elle est trop vaste au regard du début de l’alinéa en question, qui précise que les missions sont exercées de façon « non discriminatoire ».
En effet, promouvoir le transport ferroviaire en France dans une logique aussi peu précise permettrait de préparer les esprits à la fermeture de lignes qui pourraient être jugées insuffisamment rentables. Cela invite à mettre en balance la solidarité territoriale avec d’autres critères, comme celui de la rentabilité.
C’est pourquoi nous préférons une formulation plus claire, pour que ces missions soient exercées dans une logique de solidarité nationale permettant de garantir le droit à la mobilité pour l’ensemble des territoires. Pour notre part, nous portons une vision tout autre de l’aménagement du territoire, fondée sur la solidarité et l’égalité de traitement pour un développement humain soutenable.
La SNCF ne remplit pas n’importe quelle mission : elle concourt d’une manière fondamentale à l’organisation cohérente de notre système de transports, avec l’objectif de répondre aux besoins en matière de transports et d’efficacité économique, sociale et environnementale, au service d’un aménagement du territoire équilibré, facteur de réduction des inégalités territoriales.
En outre, le rôle du service public est de garantir le droit aux transports pour tous, qu’il s’agisse de nos anciens, des familles ou des jeunes, dans un esprit de solidarité nationale.
L’objet de notre amendement est de promouvoir la solidarité nationale plutôt que l’aménagement du territoire. Assurer une mission de service public, cela signifie assurer un service de qualité égale pour toutes et tous !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La notion d’aménagement du territoire est beaucoup plus large que ce que vous dites. Imaginez un instant que la commission de l’aménagement du territoire s’appelle la commission « de la solidarité nationale permettant de garantir le droit à la mobilité pour l’ensemble des territoires » : ce serait bien plus réducteur et cela n’aurait pas de sens !
La notion d’aménagement du territoire, bien sûr, inclut celle de solidarité nationale que vous invoquez et à laquelle notre commission est très attentive.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. La notion d’aménagement du territoire est connue de tous et elle recouvre, sur le fond, le même objectif que celui défendu au travers de cet amendement. Le droit à la mobilité pour l’ensemble des territoires sera au cœur de la loi d’orientation sur les mobilités, que j’aurai le plaisir de présenter prochainement et qui recevra, je n’en doute pas, votre soutien…
En tout état de cause, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le rapporteur, vous avez raison en ce qui concerne l’enjeu de l’aménagement territorial du réseau SNCF, qui crée à la fois un équilibre territorial et un équilibre social. Nous sommes tous d’accord sur ce point.
Il y a néanmoins un petit problème : le mot « solidarité » n’est pas vide de sens et renvoie à la question de l’égalité devant le droit au transport.
Madame la ministre, nous n’avons pas obtenu de réponse sur la dette, nous continuons le débat. Mais, tout à l’heure, vous nous avez répondu : « Ça se fait comme ça partout en Europe, ne perdons pas de temps, tout va bien ! »
En Allemagne, puisque tout va bien, il y avait 41 500 kilomètres de lignes de transport ferroviaire : aujourd’hui, près de 12 000 kilomètres ont disparu !
M. Pascal Savoldelli. Mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir voté ce texte, vous ne pourrez pas simuler l’effroi dans vos départements si des lignes disparaissent : au contraire, vous devrez assumer !
En Allemagne, qui est souvent notre modèle – il y a d’ailleurs de bonnes choses en Allemagne, comme dans d’autres pays –, savez-vous, madame la ministre, combien d’aiguillages ont été déplacés en moins de dix ans pour passer de 41 500 kilomètres à 33 000 kilomètres de desserte et continuer d’assurer un maillage qui relie les gens entre eux ? Près de 50 % !
M. Pascal Savoldelli. Quand Michelle Gréaume insiste sur la notion de solidarité, nous le savons tous ici, c’est parce que tous les territoires ne présentent pas la même attractivité. Certes, ceux qui ont davantage d’attractivité doivent bénéficier de moyens de desserte pour assurer le développement économique et le rayonnement de nos régions, de nos départements et de nos communes. Mais il faut aussi que les territoires les moins attractifs puissent avoir un égal accès au droit à la mobilité.
Voilà pourquoi il est question ici de solidarité nationale et non uniquement d’aménagement du territoire, notion à laquelle nous sommes, vous le savez, nous aussi très attachés. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
d) le dernier alinéa est supprimé ;
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Par cet amendement, nous souhaitons revenir sur une disposition insérée par la loi de 2014 pour réécrire l’article L. 2111-9 du code des transports.
Cet article permet à SNCF Réseau de confier à d’autres personnes la responsabilité des « petites » lignes. Déjà à l’époque, et sans surprise, nous avions voté contre cette disposition qui ouvrait une brèche dans l’unicité du réseau et la voie à son démantèlement.
Nous sentions poindre, alors, l’idée du Gouvernement de se défausser des petites lignes, notamment sur les régions. Les lignes non rentables demandent, comme nous venons de le voir, un fort investissement pour une remise aux normes et une exploitation dans des conditions satisfaisantes, qu’il s’agisse de la régularité des trains ou de leur vitesse de circulation, permettant de rendre attractive l’utilisation du train au quotidien.
Le rapport Spinetta, en promettant l’abandon de 9 000 kilomètres de ligne, précipite ce scénario, puisque le maintien de ces lignes est renvoyé aux futurs contrats de plan.
Nous pouvons vous croire quand vous parlez d’un effort particulier en faveur de ces contrats de plan, mais nous avons un sérieux doute. Et il ne s’agit pas, croyez-moi, d’un a priori ! Nous doutons parce que, depuis des années, de contrat de plan en contrat de plan, nous voyons bien qu’il n’y a pas de moyens pour l’investissement, voire pour la requalification d’un certain nombre de lignes. Or les enjeux en termes de déplacements ne sont pas les mêmes aujourd’hui qu’hier !
Dois-je rappeler que, à l’heure actuelle, 80 % des déplacements sur les réseaux dits « régionaux », à savoir les TER, se font pour des raisons professionnelles ou de formation ? C’est donc un enjeu de société et, comme je l’ai rappelé hier, d’égalité entre tous, quelle que soit la condition sociale ou territoriale de chacun. Il est essentiel que tous nos concitoyens puissent avoir un accès égal et sécurisé aux lignes SNCF et que les temps de transport soient fiables pour tous.
Par cet amendement, nous proposons donc de revenir sur la possibilité ouverte pour l’État de se défausser des petites lignes ferroviaires.
Au-delà d’une question de principe, il s’agit de réellement redonner du souffle à notre réseau de chemin de fer et d’offrir à notre pays la possibilité d’une véritable irrigation territoriale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Madame la sénatrice, vous n’avez certainement pas mesuré les conséquences de cet amendement.
Il vise en effet à supprimer la possibilité, pour SNCF Réseau, de confier à d’autres entreprises, par convention, certaines missions relatives aux lignes à faible trafic. Cette faculté est pourtant intéressante, puisqu’elle permet, par exemple, à SNCF Réseau de confier à d’autres entreprises le soin d’assurer l’entretien ou la maintenance de petites lignes lorsque ses propres équipes sont mobilisées sur d’autres travaux.
Le code des transports encadre cette faculté, puisqu’il précise que cette délégation ne peut concerner les missions de répartition des capacités et de tarification de l’infrastructure.
En clair, l’adoption de cet amendement limiterait les capacités de SNCF Réseau à organiser les travaux de rénovation, contrairement à l’objectif que vous visez.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je partage l’avis de la commission. Le groupe du RDSE pourra vous réponde sur les intentions du Gouvernement dans la réforme de 2014.
Effectivement, cet alinéa que vous voulez supprimer permet d’accélérer la rénovation du réseau ferré national. C’est un levier utilisé, par exemple, par la région Grand-Est pour redynamiser le fret ferroviaire. On ne peut pas tout à la fois vouloir défendre le fret ferroviaire et priver nos entreprises de la capacité de moderniser les réseaux. Avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Évitons les faux débats, puisque nous savons tous quelles seront les conséquences de cet article !
Vous avez pris le bon exemple, madame la ministre : c’est très bien de renvoyer cette possibilité aux régions, mais on peut aussi parler du financement des régions, des conséquences de la fusion des régions ou de l’inégalité criante et sans cesse croissante au fil des années entre les différentes régions, c’est-à-dire de leur capacité à investir dans un futur proche !
Et je ne parle même pas des choix politiques ni des majorités en place, car il existe une donne objective qui rend de toute façon ces choix de plus en plus délicats !
Par ailleurs, oui, monsieur le rapporteur, c’est l’État qui doit avoir la responsabilité d’entretenir et de requalifier les lignes pour qu’elles continuent d’exister demain, faute de quoi ce sera la porte ouverte à des choix qui répondront avant tout à des objectifs de rentabilité. Évidemment, une personnalité politique influente pourra toujours, en arguant de la rentabilité, réussir à faire réorienter les crédits nécessaires à l’entretien d’une ligne sur son territoire.
Quoi qu’il en soit, même si le choix se fait réellement au nom de la rentabilité, en tenant compte du nombre de passagers par jour ou d’autres critères, cela remet en cause l’égalité, au niveau de notre territoire, de l’accès des populations à un réseau ferroviaire entretenu, de qualité et avec des trains.
Il y a une vraie urgence, non pas à supprimer ou à se défausser d’un certain nombre de lignes, mais à faire monter en gamme les lignes encore existantes, toutes ces lignes qui ne sont pas devenues des vélo-rails, et qui répondent à des enjeux de désenclavement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Même si je vote la plupart du temps avec mon groupe, je voterai cet amendement du groupe CRCE, et ce pour deux raisons.
Depuis une trentaine d’années, nous assistons à des suppressions de lignes tant au niveau du trafic de voyageurs qu’au niveau du fret.
Le problème des petites lignes, même si vous l’avez rappelé, madame la ministre, la région Grand Est a pris des initiatives pour sauver le fret capillaire, c’est qu’il n’y a que des trains complets : les wagons isolés, malheureusement, n’existent plus, aussi bien pour le secteur agroalimentaire, pour les céréales par exemple, que pour les carrières. Sur de petites lignes où la vitesse est limitée à 40 kilomètres à l’heure, voire à 20 kilomètres à l’heure pour des raisons de sécurité à cause de l’état du réseau, qui investira ? Les collectivités territoriales ?
Certes, l’État met un peu la main à la poche, avec l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF ; les régions participent également, tout comme les départements quand ils le peuvent et les intercommunalités. Bref, pour un investissement à hauteur de 1 million d’euros, chacun se renvoie la balle, sans parler des chargeurs, qui sont tout de même les clients.
Il faut donc se poser les bonnes questions et savoir qui investira dans le maintien des petites lignes.
Notre collègue a parlé des vélorails. Lorsqu’il n’y a plus de trafic, il est sûr qu’on peut prévoir cette solution… On peut aussi démonter les voies pour faire des pistes cyclables. Est-ce cela, l’avenir du rail ? Je ne le pense pas !
Je voterai donc l’amendement n° 34. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Bories, pour explication de vote.
Mme Pascale Bories. Bien entendu, et je l’avais dit lors de la discussion générale, nous avons tous la volonté de conserver les petites lignes secondaires. Mais, très sincèrement, je ne pense pas que la suppression de cet alinéa soit le moyen d’y parvenir.
L’alinéa que l’amendement tend à supprimer permet, au contraire, de conserver de la souplesse, et peut-être de favoriser l’investissement.
Ne nous trompons pas d’objectif : on ne se battra pas pour conserver les petites lignes en supprimant cette disposition ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Fabienne Keller. Très juste !
M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert, pour explication de vote.
M. Michel Dagbert. Nous constatons à la faveur de cet amendement, madame la ministre, un problème d’ordonnancement pour ce qui concerne le passage des lois devant le Parlement.
Nous discutons depuis hier, et pour quelques jours encore, de la loi ferroviaire, puis appréhenderons à l’automne, me semble-t-il, la question plus large des mobilités.
Au sujet des petites lignes, je partage l’avis de Mme Bories. Dans un passé pas si lointain, des lignes ont fait l’objet de suppression, d’arrêt d’activité. Il m’importe, pour ma part, que celles-ci demeurent dans la domanialité publique, qu’elles restent à la force publique, serais-je tenté de dire.
À l’automne prochain, donc, nous envisagerons d’autres formes de mobilité. À l’allure où vont les progrès techniques, il peut y avoir, ici ou là, des emprises fort utiles. Je pense notamment aux tests de véhicules autonomes. Dans mon territoire est ainsi à l’œuvre le projet d’un bus à haut niveau de service, ou BHNS, doté d’un moteur à hydrogène, lequel empruntera pour tout ou partie d’anciennes voies ferrées qui ne voient plus passer de trains depuis plus de vingt-cinq ans.
Le problème est là : nous constatons, à l’occasion de cet amendement, que nous aurions pu discuter plus largement des mobilités. Or le fait que la loi ferroviaire nous soit présentée aujourd’hui nous empêche d’appréhender un certain nombre d’autres aspects.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Il est en effet important, madame la ministre, de laisser de la souplesse dans le dispositif.
Marc Laménie a parlé de la région Grand Est, dont fait partie mon département, la Marne. J’ai organisé, lorsque j’étais président de cette collectivité, la réfection d’un certain nombre de lignes capillaires, parce que des chargeurs, entre autres de céréales, en avaient besoin, leurs clients exigeant la livraison par chemin de fer et non par camion.
C’est donc grâce à une volonté locale, à la compréhension des intercommunalités, du département, de la région, de l’opérateur et de l’État que l’on parvient à mettre quelque chose sur pied…
Faut-il que ces lignes demeurent nationales ? Cette question de statut nous a préoccupés et nous avons perdu un an à un an et demi de discussions avec SNCF Réseau afin d’envisager comment nous pourrions sortir les petites lignes capillaires du giron national.
Si une liberté est laissée au niveau des territoires, ceux-ci s’organiseront en fonction des besoins. Et, lorsqu’il y a des besoins, les chargeurs s’engagent à utiliser davantage la ligne. Ils paient 2 euros par tonne. Ils seront d’autant mieux servis qu’ils alimenteront cette ligne et que l’on pourra y faire des travaux importants, tout en conservant, ou non, un statut national.
Ce sont ces lignes capillaires qui alimenteront les lignes plus importantes et qui nous permettront de développer le fret ferroviaire. Je demande à mes collègues d’être attentifs à cela. Le modèle ne doit pas être figé. Donnons la responsabilité aux territoires pour qu’ils puissent se prendre en main dans ce domaine ! (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Cécile Cukierman. Venez dans le Massif central !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Au vu des arguments que vient de donner René-Paul Savary, cela paraît formidable.
Pourtant, mon cher collègue, nous avons eu suffisamment de débats sur cette question dans cet hémicycle : les collectivités n’ont pas tellement les moyens de faire ce que vous dites !
M. Bruno Sido. La Marne, si ! (Sourires.)
Mme Laurence Cohen. On aimerait que tel soit le cas, mais ce n’est pas la politique qui est impulsée par ce gouvernement !
Cette réforme s’attaque à notre système ferroviaire public. Nous avons un désaccord, madame la ministre, c’est le débat et nous l’assumons. Pour ma part, je ne trouve pas que l’on y passe trop de temps. C’est fondamental !
Quel service public voulons-nous et pour quelles populations ? Nous disons : pour toutes les populations.
René-Paul Savary a parlé de l’implication des collectivités. Il est vrai qu’elles essaient de faire beaucoup de choses. C’est le cas des régions, comme l’a dit ma collègue. Or elles aussi sont asphyxiées du fait d’un manque de moyens !
À un moment donné, la responsabilité doit revenir à l’État afin d’éviter la ségrégation au niveau des territoires. C’est vrai pour les voyageurs, comme pour le fret.
Que l’on ne nous dise pas que ce débat n’est pas profond ! Sur la question des voyageurs, le précédent gouvernement nous avait fait tout un laïus sur les autocars. Est-ce vraiment cela qui réglera le problème ?
Arrêtons de schématiser et allons jusqu’au bout du débat !
Le dogmatisme, madame la ministre, c’est ne pas avoir d’esprit critique et ne pas avoir de doutes. Pour notre part, nous avons fait bouger nos positions. Mais nous n’avons pas remarqué que le Gouvernement renonçait à des réformes qui, jusqu’à preuve du contraire, n’amélioreront pas la qualité des transports, qu’il s’agisse de voyageurs ou de marchandises. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je n’avais pas prévu d’intervenir, mais l’explication donnée par René-Paul Savary m’y a décidé.
Le débat, c’est lorsque des arguments sont échangés ! Et je trouve que M. Savary explique bien, même si notre vision est opposée.
Je pense cependant, mon cher collègue, que votre langue a fourché. Vous avez dit que ces lignes répondaient à un besoin humain, celui de se déplacer. Certes, mais uniquement, dans votre vision, là où cela sera rentable et là où les collectivités territoriales auront les moyens d’investir. Un certain nombre d’autres, en revanche, n’auront pas de tels moyens.
Je vais vous donner un exemple très précis. Comme nombre de nos collègues, depuis plusieurs semaines, nous organisons des débats avec la population, les usagers, les syndicats de cheminots, y compris avec des élus.
J’étais ainsi en Nouvelle-Aquitaine, à Mont-de-Marsan, aux côtés du vice-président de la région chargé des transports, Renaud Lagrave,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. Fabien Gay. … lequel disait que la région investissait chaque année, pour les petites lignes, 200 millions d’euros. Il ajoutait que si on lui demandait demain de reprendre l’ensemble des lignes TER, elle devrait investir 1,1 milliard d’euros.
Croyez-vous que la région Nouvelle-Aquitaine sera en capacité de le faire ? Cet élu dit que non, elle n’en aura pas les moyens. Il est d’ores et déjà prévu de fermer trois lignes, dont vraisemblablement la ligne Bordeaux-Mont-de-Marsan. Or cette ligne, qui est empruntée, correspond bien à un besoin humain de se déplacer. Elle connaît certes des difficultés du fait d’un sous-investissement et de la nécessité de l’électrifier, mais elle fonctionne.
Demain, il faudra peut-être faire des choix, et donc remettre des bus. Nous avons eu, précédemment, le débat sur la question écologique… Je ne pense pas que ce soit en fermant des lignes, au motif que les régions ou d’autres collectivités n’ont pas les moyens de les entretenir, que nous irons vers un « plus » écologique.
Vous avez raison, madame la ministre, nous aurons ce débat à l’occasion de votre loi sur les mobilités. Mais nous serons très vigilants !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Ce que vous êtes en train de contester, ce n’est pas la réforme que propose aujourd’hui le Gouvernement : ce sont les lois de décentralisation de 1982 (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)…
Mme Éliane Assassi. Non !
Mme Élisabeth Borne, ministre. … et le transfert aux régions en 1997, puis via la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, en 2000, de la responsabilité des services publics régionaux. Voilà ce que vous contestez !
Mme Cécile Cukierman. Non, c’est la loi de 2014 !
Mme Éliane Assassi. Nous parlons des moyens !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Le Gouvernement ne partage pas votre point de vue, parce qu’il croit à l’intelligence des territoires.
Mme Laurence Cohen. Avec des moyens, madame la ministre !