M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Je soutiendrai l’amendement du Gouvernement, qui traduit une décision importante. Voilà de nombreuses années que cette dette existe et aucun gouvernement ne l’a jamais prise en compte ni assumée.
Je reviendrai sur les propos du rapporteur, qui a raison. Pour ma part, je n’ai entendu personne dans cet hémicycle dire que la responsabilité de la dette incombait aux cheminots. Non, la dette, ce n’est pas la faute des cheminots ! Ce qui est vrai, c’est qu’elle est aujourd’hui élevée et qu’elle trouve son origine dans les investissements réalisés par le passé.
On peut toujours discuter aujourd’hui de leur opportunité et les critiquer. Mais il faut aussi accepter de nous remettre de temps en temps en cause. Si SNCF Réseau a investi pour construire des lignes et assurer des dessertes, c’est aussi parce que nous, les élus, avons souhaité ces réalisations.
Je veux donc me réjouir que le Gouvernement assure une reprise de la dette à hauteur de 35 milliards d’euros. Ce n’est quand même pas anodin !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. J’ai besoin d’un éclairage. L’amendement du Gouvernement est, il est vrai, important. Je suis d’accord pour considérer qu’il ne faut pas creuser à nouveau la dette. On ne va pas la combler et repartir dans un système susceptible de reproduire demain la même situation. Tout cela me paraît fort logique.
Je relève cependant une difficulté quand je lis que le taux de retour sur l’investissement pour SNCF Réseau doit être « au moins égal au coût moyen pondéré du capital de SNCF Réseau pour ce même investissement après prise en compte des risques spécifiques à l’investissement ». Cela signifie que SNCF Réseau, contrainte à un retour sur investissement calculé sur chaque ligne, ne participera pas à la solidarité nationale. SNCF Réseau a pourtant des recettes qui pourraient être redistribuées sur l’ensemble.
C’est une question qui se pose et, à voir la réaction de Mme la ministre, il semble important de la creuser.
Soit on considère que SNCF Réseau est encadrée pour chaque ligne par le taux de retour prévisible sur l’investissement et le montant de l’investissement consacré à chaque ligne est évidemment calculé sur les recettes attendues sur cette ligne ; soit on admet, tout en restant fidèle au principe de ne pas recreuser la dette, qu’il existe, dans certains endroits, des lignes qui marchent bien, et on autorise SNCF Réseau à réinvestir une partie de cet argent sur des lignes moins rentables.
Dans un cas, SNCF Réseau continue de participer à la solidarité nationale territoriale. Dans l’autre, elle se trouve extrêmement encadrée et seuls l’État et les collectivités territoriales pourront assurer la solidarité nationale. Or la discussion autorisait malgré tout – y compris dans le rapport Spinetta sur la modulation des péages – des outils pour assurer une partie de la solidarité nationale dans le cadre des recettes de SNCF Réseau.
Sur cette question extrêmement importante, nous aimerions, madame la ministre, avoir votre éclairage.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je m’associe tout à fait à ce que vient de dire M. le rapporteur : d’abord, la dette de cette entreprise, c’est celle de la SNCF. Pour lui permettre de repartir d’un bon pied – elle ne pourra jamais rembourser les 46 milliards d’euros –, l’État propose de reprendre 35 milliards d’euros, ce qui est important.
Ensuite, il faut avoir un modèle économique pour assurer un retour à l’équilibre et pour éviter une aggravation des dettes. Il me paraît normal que SNCF Réseau et l’État prennent ensemble des mesures afin de redonner à cette entreprise la possibilité d’assumer son développement.
Je voterai l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. C’est vrai que les deux amendements sont liés. Par souci de cohérence, je soutiendrai celui du Gouvernement. Nous sommes en présence de 46,6 milliards d’euros de dette. Cette dette, elle est le fruit de l’histoire, car c’est au fil des années que les difficultés se sont accumulées.
Nous soutenons toutes et tous ici le monde cheminot, nous saluons l’engagement des cheminots, leur passion, leur savoir-faire. Cela étant, il nous faut aussi penser aux usagers, qui ne savent pas forcément qui fait quoi. Ce qu’ils souhaitent, c’est que les trains soient à l’heure et qu’ils ne soient pas remplacés par des bus qui ne circulent pas forcément ! Il nous revient de défendre toute cette cohérence.
Parlons aussi du tout-TGV. À un moment donné, on demandait beaucoup de lignes TGV. Il est certain qu’elles ne portent pas seules la responsabilité de la dette.
Le Gouvernement s’engage à aider le monde cheminot, le Premier ministre ayant promis de reprendre 35 milliards d’euros de dette.
Certes, des investissements ont été réalisés, mais il reste beaucoup à faire et le chemin à accomplir est quand même long. Là, il faut vraiment se poser les bonnes questions pour essayer d’avoir un débat positif et constructif. Cet amendement va dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la ministre, je me situerai dans la suite logique des questions posées par mon collègue Dantec quant au retour sur investissement et sur certains bénéfices tirés de lignes rentables qui pourraient être mis dans un pot commun. Je ne doute pas que, si l’État demande un investissement, une modernisation ou un renouvellement, la réponse sera très positive.
À l’inverse, si la demande vient d’une collectivité territoriale, pour peu que cette dernière ait les moyens de cofinancer un investissement sur un réseau ferroviaire, quelles seront, en la matière, les marges de négociation entre des régions riches ou des régions pauvres ?
Ne pourrait-on pas imaginer un jour une péréquation quant au retour sur investissement pour des territoires beaucoup plus pauvres que les autres, qui auraient encore plus besoin d’investissements en réseau ferroviaire ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Cela a été dit et je le répète, non, les cheminots ne sont pas responsables de la dette ! Voilà ! Si on prend cela comme acquis, on va cesser les sous-entendus ! Entre 2007 et 2017, 25 000 emplois ont été supprimés, le taux d’endettement lié à la stratégie de l’entreprise SNCF et des politiques publiques n’a cessé de croître. L’endettement est donc passé de 32,5 à 52 milliards d’euros. Les chiffres me paraissent parler d’eux-mêmes.
Je ne reviendrai ni sur les volontés politiques qui ont conduit à accroître l’endettement de la SNCF ni sur la stratégie même de la SNCF par rapport aux lignes à grande vitesse. Je m’arrêterai sur la manière de régler le problème. On le dit depuis le début de la discussion, c’est bien que l’État prenne sa part au désendettement de la SNCF.
Je veux examiner le mécanisme vers lequel nous nous dirigeons. Je me suis intéressé aux différentes levées de fonds sur les marchés faites par l’entreprise SNCF à un euro près. Dans la dernière période, la SNCF s’est notamment lancée dans des partenariats public-privé : sur 100 euros levés ou empruntés, 41 euros ont participé directement au financement des investissements de la SNCF, c’est-à-dire à nos lignes, à notre réseau ferré à tous, à tout ce que nous portons. Vous le voyez, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y a un vrai sujet : ce sont les 59 euros qui ont ruisselé dans toute l’intermédiation financière. Comprenez que cela pose problème dans la stratégie même de la SNCF, y compris au moment où l’État va faire un effort sur le désendettement !
Je voulais vous dire que l’amendement défendu par Éliane Assassi est bien « charpenté » par ces éléments dont il faut débattre.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes attentifs à l’amendement du Gouvernement dont l’adoption fera « tomber » le nôtre. Vous avez annoncé une bonne nouvelle, la reprise de la dette de la SNCF par l’État, qui aura lieu en deux temps.
Ce qui ne va pas là-dedans, ce sont, d’une part, les contreparties et, d’autre part, le caractère incomplet de la reprise.
Vous laissez en effet subsister au bilan d’entrée de SNCF Réseau une dette proche de l’amener à des fonds propres nuls et, surtout, vous ne touchez pas à la dette de SNCF Mobilités, dont on sent confusément qu’elle va être amortie par le dépeçage du réseau secondaire – entre autres – et des équipements roulants y afférents que le présent texte de loi organise.
Nous sommes, pour notre part, partisans d’une association précise entre l’expertise du service financier de SNCF Réseau et l’expérience et les références des cadres, techniciens et agents de la Caisse des dépôts et consignations. Vous le voyez, madame la ministre, nous ne sommes pas seulement dans une attitude d’opposition. Nous vous soumettons des propositions alternatives.
À cette association, donc, de faire en sorte que le financement des opérations d’investissement de SNCF Réseau soit bouclé dans les meilleures conditions et que le refinancement de la dette en découlant puisse notamment être mis en œuvre auprès de la Banque centrale européenne.
Celle-ci, ne l’oublions pas, a mis en œuvre, depuis plusieurs années, un dispositif de création monétaire appelé quantitative easing, qui a pourvu les acteurs bancaires et financiers de rien moins que 2 486 milliards d’euros, soit bien plus, pour ne donner qu’un exemple, que la dette publique de notre pays, tous émetteurs confondus ! Cette opération s’est soldée, entre autres, pour la BCE, par l’acquisition, sur le second marché, de titres de créances publiques et privées.
Il n’est même pas interdit de penser que les opérations de la Banque de Francfort n’aient amené à acquérir des titres de dette publique française, de celle d’EDF ou encore de la SNCF, en la rendant de fait plus « soutenable ». Soyons précis !
La BCE se tient aujourd’hui sur un taux directeur fixé à zéro, prend en charge les disponibilités bancaires avec un taux négatif de trente à quarante points de base, et est en situation de pouvoir travailler avec la Caisse des dépôts et consignations. Elle pourrait d’ailleurs, pour le coup, déployer une action plus large sur l’ensemble des opérateurs du secteur ferroviaire en Europe.
Voici exposées un certain nombre de raisons qui font que nous sommes en désaccord, madame la ministre, avec ce que vous proposez dans votre amendement et, en même temps, nous ne sommes pas seulement contre votre réforme, nous sommes pour une autre construction.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je rejoins mes collègues sur la péréquation dont il a été question. En effet, cette règle d’or est assez perverse. Pour financer les lignes régionales, il va forcément falloir passer par les plans État-région, comme cela vient d’être dit.
M. Guillaume Gontard. Vous m’expliquerez comment on fera après !
En effet, l’État et la région vont intervenir, mais on sait d’ores et déjà que cela ne suffira pas et que l’application de la règle d’or interdira à SNCF Réseau de venir combler le manque. Le résultat, c’est que des régions sont en train de se tourner soit vers les métropoles soit vers les départements, lesquels n’ont plus la compétence « mobilité ». Comment les choses se passeront-elles par la suite ? Comment financera-t-on les lignes qui restent ? C’est vraiment une question que je pose !
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Je tiens à le redire, le désendettement est possible. Il est lié à l’amélioration de la situation du déficit public. Il est important, dans ce moment précis du débat, de le rappeler.
Je tiens aussi à saluer les propos de M. le rapporteur sur l’origine de la dette, car je les partage totalement.
J’ai plusieurs questions à poser. Tout d’abord, vous améliorez la règle d’or mise en place en 2014. Elle paraît tellement stricte – et cela s’impose ! – que je me demande si elle permettra les nouveaux développements prévus sans passer par des cofinancements. Et si cofinancements il y a – je rejoins ici tous les précédents intervenants –, qu’en sera-t-il des régions ou des collectivités qui n’ont pas la possibilité de participer ?
J’en viens à une autre question : 35 milliards d’euros, c’est une somme impressionnante, mais je ne me laisse pas impressionner par les chiffres et je réclame des précisions ! Qu’en est-il de la trajectoire financière de SNCF Mobilités, qui n’est pas allégée ?
Les 35 milliards concernent SNCF Réseau. Qu’en est-il de sa future trajectoire financière ? Nous demandons des engagements précis à ce niveau. Puisqu’on parle de soutenabilité de la dette, j’ai besoin de comprendre la démonstration arithmétique au terme de laquelle cette reprise permettra à SNCF Réseau d’effectuer l’ensemble de ses missions.
Qu’en est-il de ce qu’on a appelé la « dette grise » ? Il existe des capitaux propres négatifs à SNCF Réseau. Pour permettre la création de certaines lignes TGV, on a surestimé leur fréquentation. On sait que les recettes ne suivront pas. D’ailleurs, votre proposition d’amélioration de la règle d’or tient compte de ces risques pour des projets futurs.
Et puis, dernière question, pourquoi ces deux dates de 2020 et de 2022 ? D’ici là, en théorie, la dette de SNCF Réseau va encore augmenter !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Vendredi dernier, le Premier ministre s’est engagé, à l’horizon de 2022, à reprendre 35 milliards d’euros de la dette du système ferroviaire de SNCF Réseau. Or la dette, selon la trajectoire financière établie dans le contrat de performance signée avec l’État, sera à un niveau de près de 10 milliards d’euros supplémentaires. Il restera donc à charge pour l’entreprise non pas 15 milliards d’euros, mais près de 25 milliards d’euros. Cela, si j’ose dire, relève d’un autre débat…
Le pendant de cette annonce, c’est cet amendement qui modifie la fameuse règle d’or décidée en 2014 par un décret paru en mars 2017 qui conditionnait les possibilités d’investissement à un ratio entre l’endettement net de SNCF Réseau et sa marge opérationnelle. Ce nouvel amendement prévoit de limiter davantage les capacités d’investissement en se fondant sur la couverture a minima du coût moyen pondéré du capital – en clair, du taux de profitabilité de l’investissement : un euro investi doit rapporter au moins un euro.
C’est la confirmation de la mise à mort des lignes ferroviaires de proximité de nos territoires : on renvoie leur financement aux seules collectivités territoriales, qui sont déjà, vous le savez, mes chers collègues, financièrement exsangues.
On est donc loin des valeurs de service public, d’aménagement, d’égalité de traitement, et de développement économique ; on est loin aussi de la réponse à apporter aux besoins de transport des citoyens et de la Nation.
Au-delà de ce point essentiel, l’amendement du Gouvernement est particulièrement flou, puisque son dispositif renvoie à des éléments tels que les futurs statuts de SNCF Réseau, statuts qui, madame la ministre, nous sont inconnus aujourd’hui.
Nous proposons, pour notre part, une autre stratégie pour SNCF Réseau. En effet, son désendettement ne créera pas d’appel d’air pour financer la nécessaire rénovation et régénération des lignes. Comme nous ne faisons pas que nous opposer à votre texte, madame la ministre, mais que nous formulons des propositions, nous vous offrons une autre voie, qui est tout simplement la voie du service public !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je veux dire quelques mots sur le sujet de la dette, qui est évidemment majeur. Il a été rapidement abordé tout à l’heure, mais je n’avais pas eu alors l’occasion de m’exprimer.
D’abord, je répondrai à Ronan Dantec et aux autres orateurs qui semblent considérer que c’est à SNCF Réseau de prendre en charge l’aménagement du territoire. Non ! C’est à l’État de le faire. L’existence, pendant des décennies, de ce type de confusion explique en grande partie la dette de SNCF Réseau. Plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, ont souligné que les cheminots ne sont pas responsables de la dette de SNCF Réseau : il est vrai que la principale responsabilité pèse sur les gouvernements successifs qui ont laissé à SNCF Réseau ou, auparavant, à Réseau ferré de France le soin de prendre en charge des missions d’aménagement du territoire, ce qui n’était pas leur rôle.
Sur la question de la dette, je voudrais à mon tour saluer l’effort fait par le Gouvernement : 35 milliards d’euros de dette reprise, ce n’est pas rien ! Je regrette d’ailleurs qu’on ne puisse inscrire cette reprise dans le marbre de ce projet de loi pour que la décision soit bien actée. Si nous n’avions pas encouru le risque de nous voir opposer l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution, nous aurions déposé des amendements en ce sens. Du moins pouvons-nous adopter cet amendement du Gouvernement visant à renforcer la règle d’or.
Je voudrais, avant de dire un mot sur cet amendement, rappeler à nos collègues socialistes qu’on aurait aimé que le précédent gouvernement l’ait fait.
M. Jean-François Husson. Très juste !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. M. Bérit-Débat expliquait tout à l’heure que c’était grâce à la présidence de François Hollande que l’actuel gouvernement pouvait aujourd’hui reprendre la dette. Il y a quand même là de quoi sourire ! En effet, s’il y a un sujet sur lequel les gouvernements du précédent quinquennat ont été particulièrement irresponsables et coupables, c’est bien celui de la SNCF ! (MM. Daniel Chasseing, Jean-François Husson et Jean-François Longeot applaudissent.)
Ils ont obligé la SNCF à enterrer la réforme sociale en lui promettant, en guise de compensation, de reprendre la dette. Or, trois mois plus tard, le Premier ministre Manuel Valls a annoncé que, finalement, elle ne serait pas reprise ! Cette attitude a vraiment été très coupable, pour ne pas dire plus, vis-à-vis de la SNCF.
Dès lors, il serait bon, à tout le moins, de ne pas prétendre que c’est grâce à ces gouvernements qu’on peut aujourd’hui reprendre la dette ; c’est quelqu’un qui ne fait pas partie de la majorité présidentielle qui vous le dit !
M. Patrice Joly. C’est parce que le déficit est passé de 5 % à 3 % du PIB qu’on peut le faire aujourd’hui !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je voudrais à présent revenir à l’objet central de cet amendement.
Il est très bon de renforcer la règle d’or et, encore une fois, j’y souscris pleinement. Simplement, il ne faudrait pas, madame la ministre, qu’on y déroge à peine ce dispositif voté. En effet, je tiens à rappeler certains événements : alors que la règle d’or avait été inscrite dans la loi portant réforme ferroviaire de 2014 et que la loi Macron avait fixé le principe d’un coefficient à respecter, il a néanmoins fallu plus de deux ans pour que le décret d’application soit pris. En outre, avant même qu’il soit pris, on nous faisait déjà voter – Dieu sait que, à ce banc, Louis Nègre et moi en avons été marris – une loi qui, pour financer le Charles-de-Gaulle Express, dérogeait à cette règle avant même qu’elle ne soit appliquée.
C’est pourquoi, oui, il faut une règle d’or, oui, il faut que nous la votions, mais il faut aussi que le Gouvernement mette ensuite tout en œuvre pour qu’elle soit respectée et appliquée pleinement. En effet, c’est très bien de reprendre la dette, mais il faut surtout éviter qu’elle ne se reconstitue, sans quoi, dans dix ans, on en sera au même point. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Personne n’a jamais dit que les cheminots étaient responsables de la dette. Je ne comprends pas d’où vient cette polémique. Personne n’a jamais dit cela !
Mme Éliane Assassi. Personne n’a dit le contraire !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Il ne m’a pas échappé qu’un quart de l’accroissement de la dette est lié aux frais financiers de son service. C’est pourquoi je comprends mal pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, au travers de votre amendement, vous vous opposez à la reprise par l’État de 35 milliards d’euros de cette dette.
Mme Éliane Assassi. Parlez plutôt de votre amendement !
Mme Élisabeth Borne, ministre. J’ai bien entendu vos exposés sur la complexité des produits financiers en Europe. Pour ma part, j’en retiens cela : finalement, vous ne souhaitez pas avoir de débat, et vous êtes incapables d’admettre qu’il y a au moins un point sur lequel nous pouvons être d’accord, à savoir la volonté du Gouvernement de soulager le système ferroviaire d’une partie très substantielle de sa dette pour lui donner la capacité d’investir davantage et de se développer. Même sur ce point-là, vous ne pouvez pas être d’accord avec nous !
M. Fabien Gay. Personne n’a dit cela !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Votre amendement vise à refinancer la dette de SNCF Réseau au sein même de cet établissement et est donc contraire à la volonté du Gouvernement…
Mme Éliane Assassi. Vous ne nous avez pas écoutés !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je lis votre amendement, madame Assassi : vous y proposez des refinancements compliqués de la dette de SNCF Réseau au sein de SNCF Réseau. Vous êtes donc opposée à la reprise de la dette par l’État, reprise qui vise pourtant à donner des capacités financières au secteur ferroviaire. Je m’en étonne. Décidément, même sur ce sujet-là, il vous est impossible d’être d’accord avec le Gouvernement !
S’agissant de la règle d’or et de son application projet par projet, je voudrais répondre à M. Jacquin que le principe qui s’appliquera pour les projets de développement est strictement le même que celui qui a été inscrit dans la réforme de 2014. Vous savez qu’on constate en général que les péages futurs permettent de financer 20 % à 30 % de ces projets. Il n’y a donc pas à redistribuer les recettes ailleurs, et c’est bien à l’État et aux collectivités locales de les financer. Cela peut vous contrarier, vous pouvez toujours continuer d’affirmer que c’est à la dette de financer ces nouveaux projets, et de considérer qu’assurer le service public signifie créer de la dette, mais ce n’est pas la conception que s’en fait le Gouvernement !
Oui, monsieur Jacquin, un nouveau contrat sera conclu entre l’État et SNCF Réseau ; il éclairera une trajectoire financière permettant de confirmer que le système ferroviaire est remis durablement à l’équilibre et qu’il n’aura plus à s’endetter pour financer ses investissements, et ce durablement.
M. Pierre Laurent. Mais qui financera la différence ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Vous voyez que la Nation en prend une part importante. Nous parlons, me semble-t-il, d’un allégement de l’ordre de 1,2 milliard d’euros par an. Cela signifie, comme il n’y a pas de finances magiques, que c’est nous tous qui fournirons chaque année cette somme.
Vous comprendrez donc, mesdames, messieurs les sénateurs, pourquoi nous attendons de la SNCF qu’elle participe elle aussi au redressement de l’équilibre financier du secteur ferroviaire : nous comptons sur une amélioration de la performance et une réduction de l’écart de compétitivité entre la SNCF et ses homologues. Le Premier ministre a mentionné cet écart, qui est aujourd’hui de 30 %, et a fixé comme objectif qu’il soit réduit des deux tiers à l’horizon de 2026.
Selon moi, alors que la Nation tout entière s’engage au bénéfice du secteur ferroviaire, il est normal d’attendre de la SNCF qu’elle participe elle aussi à cet effort de redressement de l’équilibre économique du secteur ferroviaire.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er A, et l’amendement n° 131 rectifié n’a plus d’objet.
Article 1er B (nouveau)
La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités peuvent procéder jusqu’au 31 décembre 2019 à des recrutements de personnels soumis au statut mentionné à l’article L. 2101-2 du code des transports.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. Aujourd’hui, le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel régit les conditions d’embauche, de rémunération et de déroulement des carrières, les sanctions et garanties disciplinaires, la mobilité géographique et fonctionnelle inhérente à l’entreprise nationale, les congés, les conditions de cessation de fonction, l’assurance maladie et le droit syndical.
Le statut donne des droits, mais il confère aussi des devoirs : la période d’essai est d’un an, et même de trois ans pour les cadres ; le travail du dimanche et des jours fériés est rémunéré en dessous du code du travail. Ajoutons le travail de nuit et la mobilité induite. Aujourd’hui, la grille de rémunération place environ 3 000 cheminots à un niveau inférieur au SMIC !
Les partisans de la fin du statut ont maintes fois asséné que les cheminots « coûtent » 30 % de plus que les salariés de la concurrence. Cette affirmation n’est absolument pas démontrée.
Le statut s’inscrit dans la garantie de l’adaptabilité et de la continuité du service public. Les rythmes de travail et les horaires auxquels les cheminots sont soumis sont atypiques ; en outre, ils ont l’obligation de faire fonctionner la SNCF toute l’année.
Si la sécurité ferroviaire et la continuité du service sont les fondements du statut des cheminots de la SNCF, il faut y ajouter un principe de neutralité.
En effet, les cheminots ne travaillent pas, en principe, pour répondre à des exigences patronales ou financières ; ils s’engagent pour placer l’entreprise publique au service de la Nation et des citoyens. Cela suppose que l’agent de la SNCF reste en responsabilité et ne soit pas soumis à des aléas relevant de l’arbitraire technocratique ou financier.
Souhaitez-vous vraiment, madame la ministre, mes chers collègues, mettre un terme à cette logique de fonctionnement et d’investissement professionnel ?
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Cet article, issu d’un amendement déposé en commission par le Gouvernement, constitue une véritable provocation. Il s’agit en effet, comme annoncé par voie de presse, d’en finir avec le statut de cheminot.
Ainsi aura vécu, si l’on peut dire, ce statut, dont l’extinction au fil du temps est attendue comme une contribution de la SNCF à son « effort de redressement » et une contrepartie à la reprise de la dette ferroviaire annoncée par le Premier ministre lui-même.
L’économie réalisable s’établirait entre 10 et 15 millions d’euros par an : sur la durée moyenne de vie de la dette de SNCF Réseau, cela représenterait tout au plus 200 millions d’euros, soit, en treize ans, 0,5 % seulement de l’actuelle dette d’infrastructure, c’est dire !
Le premier statut des cheminots fut mis en place en 1912 sur le réseau de l’État et fut généralisé en 1920 à l’ensemble des compagnies. Il est donc bien antérieur à la création de la SNCF. Il faut le distinguer du régime spécial des retraites des cheminots, dont l’origine remonte à 1909, qui ne lui est pas directement lié, bien qu’il lui soit souvent assimilé.
Le statut s’apparente davantage, dans sa forme, à une convention collective dont la spécificité est de relever d’un acte réglementaire gouvernemental.
Ces règles ont été maintenues lors de la nationalisation de la SNCF. Par la suite, la loi du 30 décembre 1982, dite LOTI, qui a transformé la SNCF en EPIC, a confirmé ces dispositions.
Les cheminots, qui relevaient alors de différentes compagnies privées, se sont mobilisés afin d’établir une solidarité de droits communs exprimée dans de nombreuses luttes de grande ampleur en 1910 et 1920. Cette impulsion a rendu nécessaire un statut national, qui répondait également au besoin d’établir des règles unifiées dans un secteur essentiel à la marche globale de l’économie du pays et à son aménagement territorial. Cela a conduit l’État à légiférer pour créer un statut unique à l’ensemble des travailleurs du ferroviaire.
Il a ainsi imposé aux différentes compagnies d’employer un nombre d’agents suffisant et de les fidéliser pour permettre la transmission des savoirs et savoir-faire professionnels. Chaque cheminot doit ainsi avoir un haut niveau de formation, au regard des spécificités fortes des différents métiers, et l’organisation du travail doit être encadrée afin de garantir la sécurité des circulations, et donc des passagers, pour une durée de travail équivalente à celle des autres salariés.
La réglementation obéit à des règles spécifiques qui permettent d’assurer la continuité du service public 365 jours par an et 24 heures sur 24.