Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Les traitements autour des habitations sont déjà très encadrés. Les autorisations de mise sur le marché délivrées par l’ANSES sont le plus souvent conditionnées au respect d’une distance avec les propriétés voisines et de diverses modalités. Si le risque pour les riverains apparaît, le produit n’est d’ailleurs pas autorisé.
De plus, les maires, à défaut les préfets, disposent d’un pouvoir de police générale sur leur territoire en cas de risque pour la salubrité publique. Ils peuvent déjà prendre ces dispositions et les adapter le plus finement à la réalité du terrain. Nous mesurons à quel point cette adaptation est importante. Dans les communes viticoles, les agriculteurs dialoguent avec les autorités et les riverains pour trouver des solutions adaptées et règlent très fréquemment le problème sans même qu’un tel arrêté ait besoin d’être pris, notamment grâce à des chartes qui existent en grand nombre dans ces territoires.
Les outils existent déjà. Or les amendements présentés aujourd’hui ouvrent la porte à une interdiction automatique par arrêté ministériel ou par arrêté préfectoral. C’est une remise en cause du pouvoir d’appréciation du maire et une véritable restriction de la libre administration des collectivités territoriales. Le maire est l’autorité la plus à même de réaliser des médiations entre les riverains et les agriculteurs sur ces sujets et d’identifier le plus précisément possible à la fois les parcelles concernées et le dispositif à mettre en place.
Prévoir de telles possibilités dans la loi reviendrait à limiter ces marges de manœuvre, d’autant que ces sujets sont susceptibles de trouver des solutions dans le cadre des plans locaux d’urbanisme. D’ailleurs, sur ce sujet, la question de l’urbanisme se pose de façon prégnante, monsieur le ministre.
C’est la raison pour laquelle la commission appelle à la sagesse : ces amendements ne font l’objet d’aucune mesure d’impact sérieuse. Je mentionne juste un chiffre évoqué en 2016, alors qu’un débat avait déjà lieu sur le sujet : l’enjeu était la réduction de près de 4 millions d’hectares de surface agricole utile, soit 14 % de la surface agricole dite utile.
La commission insiste sur le mécanisme des chartes entre riverains et producteurs sous l’égide du maire. Ces initiatives locales ont fait d’ores et déjà la preuve de leur efficacité et elles sont aujourd’hui nécessaires pour prendre des mesures réellement adaptées aux réalités du terrain.
Compte tenu de tous ces éléments et du droit en vigueur, qui permet déjà des mesures de restriction, l’avis est défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Remettons les choses à leur place. Aujourd’hui, il est uniquement possible de prendre des mesures administratives pour protéger les personnes vulnérables, c’est-à-dire les élèves dans les écoles. Pour les autres, rien n’est prévu. On ne peut pas laisser croire que le préfet peut prendre toutes les dispositions pour procéder à des interdictions comme il l’entend.
Nous devons donc étendre ces dispositions. Il ne s’agit ni de diminuer les zones de culture, parce qu’elles seraient trop proches des maisons, ni de réduire les traitements qui pourraient y être décidés. Nous souhaitons pouvoir nous appuyer sur des chartes qui seront élaborées et mises en application après accord des riverains, des professionnels et des autorités administratives. C’est ce que j’appelle faire fonctionner notre intelligence collective.
Nous avons pris un certain nombre de mesures pour les agriculteurs, notamment pour les protéger, nous l’avons vu tout à l’heure : l’amendement de Mme Bonnefoy a été adopté à l’unanimité, et j’en comprends parfaitement la raison. Reste que nous avons besoin aussi de faire un geste fort en direction des riverains. C’est pourquoi je demande au Sénat d’adopter ces amendements, qui ne remettent pas en cause la capacité à traiter des zones proches d’habitations, dès lors que ces traitements auront fait l’objet d’une concertation entre les différents acteurs.
Ce n’est pas l’administration qui impose, c’est l’intelligence collective qui entre en action pour que chacun donne son avis, que certaines pratiques puissent être encadrées et que, ainsi, le bon sens l’emporte dans le respect de tous. Il ne faudrait pas pour autant penser que l’on empêche les agriculteurs et les producteurs de travailler dans de bonnes conditions et de valoriser leur terre et leur territoire.
M. le président. Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser l’avis du Gouvernement sur les amendements ? (Sourires.)
M. Didier Guillaume. On l’a compris ! (Nouveaux sourires.)
M. Stéphane Travert, ministre. Sur l’amendement n° 90, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat ; il émet un avis défavorable sur l’ensemble des autres amendements, au profit de l’amendement n° 789, qu’il a présenté.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre, je suis assez surpris des propos que vous venez de tenir en prenant l’exemple de l’amendement n° 560 rectifié bis. Je rappelle que vous avez été le seul à y être défavorable.
M. Henri Cabanel. Vous voulez donner un signe avec votre amendement, mais, sur l’amendement en question, vous n’en avez donné aucun !
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Henri Cabanel. Il ne faut pas se méprendre : si votre amendement était adopté, les décisions qui seraient prises seraient toujours contre ceux qui utilisent les produits, c’est-à-dire les agriculteurs.
M. Laurent Duplomb. Exactement !
M. Henri Cabanel. J’insiste sur le fait que ce ne sont pas les agriculteurs qui vont vers l’urbanisation, c’est l’urbanisation qui vient vers les terres agricoles par l’artificialisation des sols.
De fait, monsieur le ministre, les préconisations que vous formulez existent déjà sur les territoires. Personnellement, j’ai coconstruit avec des riverains, des citoyens, des maires, la chambre d’agriculture et des promoteurs une charte définissant les règles à respecter pour chacun. Cela se passe très bien.
Vous allez penser que je suis entêté, mais ce qui est en cause, c’est la technique de pulvérisation. Il en existe trois sortes : par pneumatiques, par jets projetés, par jets portés. De nombreux appareils de traitement, notamment en viticulture, sont des pneumatiques dont les gouttes mesurent quelques dizaines de microns et qui dérivent pas mal. On peut très bien traiter à des dizaines ou à des centaines de mètres des habitations et ressentir les produits qui sont utilisés. Il est donc important de creuser la piste des appareils de traitement.
Vous voulez empêcher les agriculteurs d’utiliser des produits prétendument dangereux à proximité des habitations. Monsieur le ministre, prenez-vous-en à ceux qui fabriquent ces produits-là ! Prenez-vous-en à ceux qui autorisent la commercialisation de ces produits ! Arrêtez de taper sur les agriculteurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour explication de vote.
M. Pierre Cuypers. Depuis que nos débats ont débuté, je suis atterré que chacun parle sans arrêt de « pesticide ». Cela renvoie à cette maladie contagieuse qu’est la peste. C’est hors sujet ! Il faut savoir que, à notre époque, nos instituts sont capables, plus que quiconque, grâce à la recherche financée notamment par les agriculteurs, de travailler à des produits pour la protection, le développement, l’entretien et la santé des plantes. C’est comme cela qu’il faut voir les choses : il est évident que les produits sanitaires protègent la santé des plantes et celle de l’humain qui va les utiliser.
Nous devons conserver ce cadre si nous voulons être utiles à notre société. Or l’adoption de cette mesure rendrait impossible l’exercice de la profession, que ce soit la viticulture ou l’agriculture en général. Dans mon département, pour ne prendre que cet exemple, si cette mesure était adoptée, 15 % des zones ne pourraient plus être cultivées.
M. Pierre Cuypers. Cela représenterait entre 50 000 et 60 000 hectares de perte de production, rien que pour mon département !
En outre, comme l’a dit tout à fait excellemment M. Cabanel, nos méthodes de travail et les outils que nous utilisons permettent de projeter des molécules sur les plantes à raison de 2 462 points d’impact recto verso sur une feuille grâce à des buses de pulvérisation, grâce à des adjuvants et à des buses anti-dérives, qui permettent de localiser le produit là où il faut, quand il faut.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Ces amendements nous donnent l’occasion d’être au plus près des utilisateurs comme des riverains.
Dans un contexte d’idéal absolu ou de pureté législative, nous aurions pu nous opposer à ces amendements, nous demandant s’il revenait véritablement à la loi de prévoir des chartes qui s’appliqueront localement. Cela serait revenu à nier le débat d’aujourd’hui et à nier les inquiétudes des riverains.
Je suis bien évidemment d’accord avec la remarque qui a été formulée : c’est l’urbanisation qui, depuis de nombreuses années, a conquis les terres agricoles. Mais l’inverse est aussi vrai : l’exploitation des terres agricoles à proximité de zones urbaines n’a plus rien à voir avec ce qui se passait voilà plusieurs décennies.
Nous avons besoin de continuer à travailler pour trouver la meilleure solution.
Certes, on peut jouer sur les mots et appeler ces produits pesticides, produits phytosanitaires ou produits youpi-tralala, peu importe. On peut se faire peur en utilisant de grands mots, on peut au contraire chercher à relativiser les pires risques, la problématique demeure. La question qui se pose est bien celle de la préservation de l’être humain, celui qui a recours à ce produit, le riverain, le consommateur.
Nous voterons par conséquent ces quatre amendements.
Monsieur le ministre, je profite du temps qui me reste pour saluer votre volonté de construire du dialogue territorial et de faire confiance aux acteurs du territoire. Pour ma part, je pense qu’en ce 2 juillet, alors que nous étions tous hier sur nos routes départementales et que ce matin nous avons tous mis à jour nos applications GPS, vous faites preuve de bon sens. Je vous invite à en parler à l’ensemble de vos collègues du Gouvernement : l’intelligence territoriale est primordiale, surtout dans notre pays.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le ministre, ce sont des zones de non-traitement ou des zones de non-agriculture ou de non-vigne que vous voulez mettre en place !
D’un côté, quand vous parlez à la profession, vous lui proposez des espaces de négociations et de discussions dans le plan de filière. La profession, notamment viticole, a pris des engagements très forts qu’elle va mettre ou qu’elle met déjà en œuvre : plantations de haies, remembrements de parcelles, essais de cépages résistants.
D’un autre côté, une fois dans l’hémicycle – loin des yeux, loin du cœur –, vous proposez un amendement customisé…
Mme Nathalie Delattre. … pour obtenir le sésame du Sénat. Pourtant, son adoption ne résoudra rien, car cette disposition est bien trop lourde à mettre en œuvre.
En outre, les préfets sont déjà à la manœuvre dans les départements, en lien avec la profession et les maires.
Avec cet amendement, vous allez même englober l’agriculture bio. C’est désespérant ! L’État ne doit pas faire dans le cosmétique : il doit prendre ses responsabilités. Vous devez demander à l’ANSES de définir au cas par cas les précautions à prendre pour les riverains, dans le cadre des autorisations de mise sur le marché, ainsi que l’Europe l’impose. Si l’ANSES ne veut pas le faire, car elle estime que le produit présente un risque, alors elle doit retirer l’homologation du produit. (Oui ! sur diverses travées.)
Monsieur le ministre, respectez vos engagements et votre promesse de discussions dans le plan de filière. Cessez de faire peur à la population !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, pas de vignes sans traitement, même dans le bio, où l’on utilise notamment du cuivre, avec les difficultés que l’on commence seulement à appréhender. Les difficultés surgissent au fur et à mesure des années, une fois que l’on connaît un peu mieux les produits. Il faudra donc être attentif.
Par ailleurs, toute parcelle de vigne qui n’est pas traitée est susceptible de développer des maladies qui se propageront aux parcelles voisines. Il faudra donc utiliser encore plus de produits pour enrayer les épidémies. Et il y en a ! Parfois, c’est l’oïdium, parfois c’est le mildiou. Si l’on ne traite pas tout de suite les endroits où se déclare la maladie, c’est l’ensemble du vignoble qui est touché.
Je suis élu de la Marne, laquelle, avec d’autres départements, forme la Champagne : 30 000 hectares y sont contingentés avec des pentes, puisque, par définition, par caractéristiques géologiques, la vigne appellation champagne pousse sur ces pentes-là. Les habitations se sont développées au cœur de ces cultures : la vigne est ancestrale et ceux qui viennent y habiter maintenant ont construit leur maison en toute connaissance de cause. C’est la raison pour laquelle il faut être attentif aux dispositions que l’on va prendre.
Les contraintes que vous êtes en train de mettre sur pied réduiront un certain nombre de parcelles : 35 % du vignoble pourrait être touché, parce que c’est un vignoble périurbain. La vie est ainsi faite : les villages sont au cœur du vignoble. En Bourgogne, par exemple,…
M. François Patriat. Ah !
M. René-Paul Savary. … le paysage est identique. C’est la raison pour laquelle il faut fermement s’opposer à votre proposition, qui est très réductrice et qui ne fait absolument pas appel à l’intelligence collective. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je n’étais pas convaincu de la qualité de ce projet de loi avant qu’on commence son examen ; j’étais même extrêmement sceptique. Plus le temps passe, plus je me rends compte que j’avais raison d’être sceptique, et je suis d’ailleurs de moins en moins convaincu.
Monsieur le ministre, je vous rappelle que les États généraux de l’alimentation souhaitaient redonner une perspective à l’agriculture, améliorer le revenu des agriculteurs et corriger les difficultés des relations commerciales entre – faut-il le rappeler ? – trois centrales d’achat et 13 000 fournisseurs. Je pensais qu’on allait enfin, dans un nouveau monde, redonner une certaine fierté à l’agriculture française. Or à quoi assiste-t-on depuis le début de cet après-midi, sinon à une succession de contraintes supplémentaires pour des agriculteurs qui en sont déjà accablés ?
Ainsi, les agriculteurs sont obligés de se tenir à cinq mètres des ruisseaux, alors qu’en Allemagne le maïs est semé jusqu’au bord. Ils sont obligés de remplir un cahier d’épandage, alors que rien de tel n’existe au Brésil. Ils sont obligés d’identifier la totalité de leurs animaux dans les sept jours, sous peine de pénalités sur les primes PAC, alors qu’au Brésil les bêtes sont identifiées à l’abattoir. À cela vont maintenant s’ajouter des périmètres concernant les produits phytosanitaires !
Comment fait-on dans un département où l’habitat est diffus – Henri Cabanel l’a bien souligné –, parce qu’on n’a jamais eu le courage d’avoir une politique de l’urbanisation plus stricte,…
Mme Cécile Cukierman. Avec des normes supplémentaires pour l’urbanisation !
M. Laurent Duplomb. … pour annoncer aux agriculteurs qu’ils ont le droit de continuer de traiter au milieu du champ, mais plus au bord, parce qu’ils sont à côté d’une habitation ? A-t-on véritablement ici le sens de la réalité du terrain et de ce que cela va entraîner ? Non, pas du tout !
Plus on ajoute de contraintes, en particulier celles que visent à introduire ces quatre amendements, plus on tue l’agriculture française. J’en suis maintenant de plus en plus convaincu ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le ministre, avec cet amendement, vous voulez appréhender ce qui se passe dans l’environnement des habitations.
Vous affirmez que rien ne sera obligatoire. Pourtant, il est bien prévu que « des chartes de bonne conduite […] sont mises en œuvre ».
M. Gérard Longuet. Ce n’est pas du conditionnel !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. C’est donc qu’elles sont obligatoires, quand bien même elles sont issues de la concertation. C’est tellement vrai qu’il est précisé que cette disposition « entre en vigueur le 1er janvier 2020 ».
Vous affirmez également qu’une concertation aura lieu entre les différentes parties et que ce n’est pas l’autorité administrative qui décidera. Mais alors, qui pilotera : le maire, le préfet, la chambre d’agriculture, la direction départementale des territoires, les associations ?
Qui sera responsable si les chartes de bonne conduite ne sont pas mises à jour ? Qui aura la charge de les mettre en place et de lancer la concertation ? Que se passera-t-il si cette charte n’est pas élaborée ? Rien n’est indiqué dans cet amendement.
Je comprends votre volonté de faire adopter cet amendement, comme je comprends celle de Pierre Médevielle au nom de la commission du développement durable. Reste que ces amendements sont assez imprécis. Or je ne doute pas qu’ils seront précisés à l’Assemblée nationale, et, compte tenu du contexte, je me méfie.
Si nous rejetons ces amendements, nous saurons ce qu’il en est de cet article additionnel après l’article 14 sexies, alors que, si nous les adoptons, nous ignorons ce qu’il adviendra.
M. Laurent Duplomb. Exactement !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le ministre, pardonnez-moi, mais je préfère m’en tenir à ce que je sais. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Travert, ministre. Nous parlons bien de zones vulnérables. Je répète à ceux qui ont soutenu le contraire que les préfets ne peuvent intervenir aujourd’hui que pour les personnes vulnérables, c’est-à-dire les populations scolaires ; rien n’est fait pour les autres personnes.
J’en viens à la question de la responsabilité. Il s’agit d’une charte qui peut être établie entre un maire et des producteurs sur un territoire, une association de riverains, un conseil municipal, des représentants. C’est au cas par cas selon les territoires.
Chacun sait qu’une charte est un engagement mutuel consenti entre plusieurs personnes ou groupes de personnes, en l’occurrence entre des agriculteurs et des riverains. C’est ce qui est proposé de sorte que ce problème ne se pose plus.
Régulièrement, en France, on assiste à des attaques contre les agriculteurs pour les empêcher de faire leur travail. L’idée, c’est d’encadrer un peu les choses.
Je rappelle que l’amendement n° 789 est un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 752 rectifié et à la version qui est proposée par la commission du développement durable pour répondre aux inquiétudes des agriculteurs et à celles des riverains.
Les chartes sont adoptées localement, de manière à fixer les conditions de traitement les plus favorables au cas par cas. Il faut prendre en compte un certain nombre de principes, par exemple les haies ou la performance du matériel utilisé. Contrairement à ce que j’ai entendu, il s’agit non pas de réduire la surface de traitement,… (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Ça servira à quoi, alors ?
M. Stéphane Travert, ministre. … la surface de culture de vignes ou de céréales, mais d’encadrer les conditions dans lesquelles on appliquera ou non un traitement sur des surfaces à proximité de zones vulnérables. Voilà ce que nous proposons, dans la concertation entre les différents acteurs, les agriculteurs et ceux qui vivent sur le terrain au quotidien.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.
M. Franck Menonville. Je trouve qu’il y a beaucoup de flou dans ces amendements, en termes d’objectifs ou de mise en place. Je ne suis donc favorable ni à l’amendement de la commission du développement durable ni à celui du Gouvernement.
J’appuie la proposition de Nathalie Delattre : les préconisations en matière d’utilisation de produits phytosanitaires et les restrictions doivent figurer dans les homologations des produits, et non dans des chartes locales.
Qui plus est, cela risque de créer des tensions importantes sur le terrain. Si certaines matières actives présentent des risques, il faut les identifier et les faire figurer dans les préconisations d’utilisation. Je suis contre une application à la carte.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Depuis que nous avons entamé l’examen de ce texte, au-delà des charges – et nous avons été un certain nombre à répéter que le revenu d’un agriculteur était composé d’une colonne recettes et d’une colonne dépenses –, nous n’avons cessé d’additionner les contraintes, allant au-delà de la réglementation européenne, au-delà des règles fixées pour les produits importés dans notre pays et consommés par les Français, et ce, comme nous l’avons répété en permanence, pour répondre à des attentes sociétales.
Monsieur le ministre, certains produits sont mis sur le marché après autorisation. Ils sont accompagnés, comme les médicaments, de notices d’utilisation. Il en est ainsi pour les produits utilisés en agriculture : les agriculteurs se les approprient après tout un travail de formation.
Je voudrais insister, à la suite de notre collègue Savary, sur le fait que nous sommes en pleine contradiction. Le parcellaire n’est pas cloisonné et, de ce fait, une parcelle non traitée peut contaminer une parcelle traitée. Les conséquences sont énormes. Monsieur le ministre, vous le savez, si nous avons pu combattre avec succès les épizooties, c’est parce que l’on a instauré des obligations. De même, en matière de vaccinations, toute lacune affaiblit la protection de l’ensemble de la population.
Il est impossible pour les membres de notre groupe de voter ces amendements, qui marquent une régression par rapport à la politique antérieure et, surtout, par rapport à toutes les dispositions adoptées au Sénat, voire à l’Assemblée nationale.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 495 rectifié bis et 562 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. L’amendement présenté par Pierre Médevielle au nom de la commission que je préside prévoit, contrairement aux autres amendements faisant l’objet de la discussion commune, une concertation avec les riverains, les exploitants et les collectivités locales. Il constitue donc un appel à l’intelligence collective : le préfet décidera au terme de cette concertation, et non pas seul. C’est un point important.
De plus, contrairement à ce que j’ai pu entendre, cet amendement ne vise pas à ouvrir au préfet la latitude de décréter une interdiction pure et simple. Il s’agit de lui reconnaître la possibilité de prendre des mesures adaptées, ce qui veut dire, dans certains cas, réglementer les horaires, les matériels ou les produits utilisés. Cet amendement est beaucoup plus souple, beaucoup moins technocratique que celui du Gouvernement, puisqu’il ne prévoit pas d’obligation d’élaborer des chartes.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Sur cet amendement, mon avis est exactement le même que sur le précédent : s’il est adopté, on en rajoutera en commission mixte paritaire, et l’on aboutira finalement à un texte encore plus restrictif ! Ne nous engageons pas dans cette voie !
M. le président. Mes chers collègues, pour votre information, je vous indique que nous avons examiné un peu plus de 50 amendements en quatre heures ; il en reste 88. L’idéal serait de terminer l’examen de ce texte avant minuit et demi, puisque la séance sera ouverte demain matin à neuf heures trente, pour des questions orales. Au rythme actuel, il semble assez peu probable que nous y parvenions !
L’amendement n° 406 rectifié ter, présenté par Mme Rossignol, M. Vallini, Mmes Conway-Mouret, Jasmin, Lienemann et Meunier, MM. Devinaz et Kerrouche, Mme Lepage, M. Manable et Mme Préville, est ainsi libellé :
Après l’article 14 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’épandage et le traitement par des produits mentionnés à l’article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime sont temporairement interdits dans tout lieu, autres que ceux mentionnés au 1° du même article, fréquenté occasionnellement par un groupe d’enfants ou d’élèves de l’enseignement scolaire ou supérieur dans le cadre d’activités pédagogiques, physiques ou sportives. L’autorité administrative détermine le périmètre et la durée, avant et pendant l’évènement, de la zone non traitée.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Le 5 avril dernier, 217 élèves des écoles de plusieurs communes des Deux-Sèvres ont été incommodés par l’épandage de produits phytosanitaires sur le site même où ils étaient rassemblés à l’occasion d’une course d’orientation organisée dans le cadre d’une sortie scolaire.
Apparemment, d’après ce que vous nous avez dit, monsieur le ministre, cela n’aurait pas dû arriver, mais c’est un fait. Manifestement, le système de protection des enfants n’est pas suffisamment efficace. Pouvons-nous supporter que cela continue ? Il convient que la législation prenne en considération la nécessaire protection des enfants, non seulement dans les crèches et dans les écoles, mais aussi dans tout lieu où ils peuvent être amenés à se trouver rassemblés. Dans ce cas, l’autorité administrative doit pouvoir déterminer un périmètre de zone de non-traitement temporaire.
Vous l’aurez remarqué, j’ai employé les mots « produits phytosanitaires ». On trouve dans cette catégorie de produits les pesticides, les herbicides, les fongicides : ce qui tue, ce qui détruit. L’appellation « produits phytosanitaires » est ambiguë, elle masque certains effets de ces agents, qui certes soignent les plantes, mais ont aussi une incidence sur notre santé et, surtout, sur la biodiversité. Il s’agit non pas d’une attente sociétale, mais de notre santé, de notre avenir à tous.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?