Mme Élisabeth Borne, ministre. Personne ne l’accepte, ni vous ni le Gouvernement. Je partage ce constat avec mon collègue Jacques Mézard : la situation doit être redressée rapidement. (Exclamations sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
Je recevrai la semaine prochaine les dirigeants de Hop ! afin qu’ils me fassent part de solutions concrètes à mettre en œuvre rapidement. Dans le même temps, j’ai demandé à mes services d’étudier toutes les mesures offertes par les contrats, qui vont des sanctions jusqu’à la relance de nouvelles obligations de service public.
Je puis vous assurer que je suis pleinement mobilisée et que je ne me satisferai pas du statu quo. (M. Claude Haut et quelques sénateurs du groupe Union Centriste applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.
M. Jean-Claude Requier. Merci, madame la ministre. J’espère simplement que la compagnie Hop ! gardera son nom et ne deviendra pas la compagnie Flop ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
état du partage des richesses en france
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le porte-parole du Gouvernement, « Si l’on veut partager le gâteau », a rappelé hier le Président de la République à un Congrès avide de l’entendre (Rires sur des travées du groupe Les Républicains), la première condition est qu’il y ait un gâteau. »
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Pierre-Yves Collombat. Si j’en crois le dernier numéro de Challenges, ce gâteau existe. Il augmente même, puisque, ces dix dernières années, la fortune des cinq cents Français les plus riches – 650 milliards d’euros – a doublé, celle des dix plus riches quadruplant !
Monsieur le porte-parole du Gouvernement, à quand un nouveau plan Pauvreté pour ces malheureux ? (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains sourient également. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Mme Éliane Assassi. Le gâteau !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Pierre-Yves Collombat, la question du partage des richesses n’est pas infondée dans notre pays.
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Nous en avons deux conceptions très différentes. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.) Vous considérez que le gâteau, une fois produit, doit être entièrement mangé, pour que les meilleurs boulangers et pâtissiers du pays aillent ensuite produire des gâteaux à l’extérieur de nos frontières nationales (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)…
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas la question !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. … et que nous nous retrouvions affamés. Notre conception, c’est au contraire de faire en sorte que les boulangers, pâtissiers et apprentis de ce pays aient envie d’entreprendre, de cuisiner, de se dépasser (Mme Cécile Cukierman s’exclame) et puissent produire plus de gâteaux dans notre pays, afin que nous puissions les redistribuer. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Ce travail-là a été engagé par la majorité, par exemple dans le cadre de la suppression des cotisations sur le travail, pour faire en sorte que le travail des boulangers et pâtissiers de ce pays paie mieux.
M. David Assouline. Vous gardez le beurre pour Paris ?
M. Fabien Gay. Et la brioche à Versailles !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Vous m’interrogez sur le plan Pauvreté : je n’ai aucun doute que, par souci vis-à-vis de ceux qui travaillent dans ce pays, vous soutiendrez la proposition du Gouvernement qui sera étudiée dans le cadre du projet de loi PACTE de supprimer le forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés afin de leur permettre de bénéficier du partage de la richesse. (Mme Cécile Cukierman et M. Fabien Gay s’exclament.)
Là, vous seriez en pleine cohérence avec ce que vous dénoncez habilement. (Mme Cécile Cukierman s’exclame de nouveau.) D’ailleurs, vous avez gardé une minute vingt de temps de parole pour pouvoir réagir à la réponse que je vous donne.
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Je ne doute pas, monsieur le sénateur, que vous ferez une bonne recette des éléments que je vous ai livrés à l’instant.
Mme Cécile Cukierman. Votre gâteau est indigeste !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Trêve de plaisanterie, monsieur le sénateur : la richesse dans ce pays a été inégalement répartie depuis un demi-siècle. Nous travaillons à sa meilleure répartition. Nous y avons consacré un projet de loi qui sera débattu ici même. Il mérite que, loin des caricatures, nous le traitions avec intérêt et avec acuité afin que le maximum des salariés de ce pays puissent bénéficier du fruit de la croissance. (MM. François Patriat, Claude Haut et Jean-Marc Gabouty applaudissent.)
M. François Patriat. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski. Non ! Ce n’est pas vrai !
M. Roger Karoutchi. C’est Top Chef ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. On vous a parlé du gratin ?
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la réplique.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le porte-parole du Gouvernement, votre rhétorique ne change rien à l’affaire : la politique que vous menez n’est que la poursuite de celle qui est menée depuis vingt ans dans ce pays. Sa seule modernité, c’est son dogmatisme.
Ses conséquences sociales et politiques sont inscrites dans les résultats électoraux, scrutin après scrutin. Les consultations sont devenues de véritables « émeutes électorales ». Si vous avez des doutes sur leur signification et sur leur issue, je vous invite à regarder ce qui se passe partout en Europe. Les institutions de la Ve République, les mesures à la marge comme celles que vous nous préparez, comme toutes les autres, ne feront que reculer l’heure de vérité. Elles ne la feront pas disparaître. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Patrice Joly. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé et porte sur les intentions du Gouvernement concernant les pensions de réversion.
Dans le cadre de la réforme des retraites à venir, le Gouvernement, par la voix de plusieurs ministres, a annoncé dans un premier temps que les pensions de réversion pourraient « baisser pour certains retraités » ou encore être repensées pour être « plus justes et plus efficaces » pour d’autres, sans en détailler le contenu.
Face à la vague d’interrogations et d’inquiétudes qui s’est élevée parmi nos concitoyens concernés, le Président de la République a fait volte-face et s’est offusqué hier, à l’occasion de son discours à Versailles, de cette « rumeur malsaine », et d’ajouter que rien ne changera pour les retraités d’aujourd’hui.
Seuls les pensionnés actuels se voient donc garantir la poursuite de leurs droits. Qu’en est-il pour les retraités de demain ? Quelles assurances avons-nous qu’ils ne seront pas lésés ? Face à cette série de dénégations qui n’en finit pas, nous sommes dans un flou aussi artistique qu’inquiétant, dont, malheureusement, la seule logique semble financière. Cependant, les économies possibles ne peuvent faire oublier qui elles frapperaient.
Les pensions de réversion concernent 4,4 millions de bénéficiaires, parmi lesquels 89 % de femmes qui ont parfois dû s’arrêter de travailler ou travailler moins pour élever leurs enfants et dont le pouvoir d’achat a par conséquent été diminué. Pour plus de 1 million d’entre elles, c’est leur seule source de revenu ! Et pour celles qui ont elles-mêmes une retraite, la pension de réversion compense à 40 % seulement l’écart de niveau de retraite entre hommes et femmes.
Aussi, plutôt que de pointer du doigt le caractère prétendument malsain d’une rumeur dont vous êtes vous-même à l’origine, pourriez-vous conclure définitivement ce débat en nous assurant que, pour maintenant et surtout pour l’avenir, les pensions de réversion seront bien maintenues, aux mêmes conditions d’âge et de revenus ? (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Patrice Joly, je suis ravie de pouvoir vous répondre de nouveau sur cette question. Le Président de la République a été clair hier dans son discours. (Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Pas pour tout le monde !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Faire croire que nous voudrions supprimer les pensions de réversion est une rumeur malsaine visant à faire peur. Le Président de la République a dit de façon explicite que rien ne changera pour les retraités d’aujourd’hui. (Exclamations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. David Assouline. Et pour ceux de demain ?
Mme Cécile Cukierman. Oui, pour ceux de demain ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je vais y venir !
Cessons d’alimenter les angoisses et les craintes de nos concitoyens.
M. Pierre-Yves Collombat. Voilà qui est beau !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Oui, nous maintenons le système des pensions de réversion, car c’est une forme de solidarité évidente à laquelle le Gouvernement est très attaché. Pour 100 % des femmes et des hommes qui, aujourd’hui, touchent une pension de réversion, nous n’y touchons pas.
Et oui, nous maintiendrons les pensions de réversion dans le futur système pour les futurs retraités qui bénéficieront des mêmes prestations, pour chaque euro cotisé. (Mme Christine Prunaud s’exclame.) Le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, reçoit toute la semaine les partenaires sociaux pour discuter des droits familiaux et des pensions de réversion. Nous sommes en pleine concertation. Il s’agit d’une nouvelle étape dans le cycle de discussions, dont l’objectif est de recueillir les points de vue des syndicats et des organisations patronales.
Ainsi, toute l’année 2018 sera consacrée aux travaux de réflexion et à la concertation sur la nouvelle formule de retraite. Ce sujet est évidemment très complexe, parce qu’il touche non seulement les personnes mariées, mais peut-être aussi les personnes pacsées. Tout cela est en cours de discussion.
C’est au cœur de notre pacte républicain. Nous sommes convaincus que cette réforme ne se fera pas en agitant des peurs et en alimentant des polémiques. J’espère avoir été claire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.
M. Patrice Joly. Madame la ministre, je suis désolé de vous dire que vous ne nous avez pas rassurés, pas plus que les bénéficiaires. La notion d’« euro cotisé » sème le doute sur le niveau des pensions qui seront reversées.
Je rappelle que le montant moyen d’une pension de réversion est de l’ordre de 600 euros par mois. Madame la ministre, croyez-vous que ce soit encore trop pour permettre à des hommes et des femmes de vivre dignement ? (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
heures supplémentaires non récupérées dans la police
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Alain Marc. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
La semaine dernière, le Sénat a rendu publiques les conclusions de la commission d’enquête relative à l’état des forces de sécurité intérieure – excellent rapport, faut-il le préciser. Les policiers et les gendarmes sont mis à très rude épreuve pour contrer la menace terroriste qui plane sur notre pays : locaux indignes, équipements insuffisants, parc automobile vieillissant et dégradé, parc immobilier dans une situation critique, etc.
Aux rythmes de travail pénibles et déstructurants s’ajoutent des millions d’heures supplémentaires effectuées mais non payées ni récupérées. Les membres des personnels de la police nationale totalisent ainsi 21 millions d’heures supplémentaires à la fin de l’année 2017, soit un niveau jamais atteint à ce jour.
La situation est donc urgente.
Bien entendu, les difficultés et le malaise rencontrés dans la police ne remontent pas à une année, mais, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes aux responsabilités. La réponse que nous attendons ici, ce n’est pas ce que la droite ou la gauche a fait ou n’a pas fait avant vous. Non, ce que nous voulons entendre aujourd’hui, c’est ce que vous envisagez de faire très précisément en matière d’indemnisation de ce stock d’heures supplémentaires.
Nos personnels de police attendent une juste contrepartie. Ils donnent beaucoup. Nous leur devons beaucoup ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, vous avez raison : 21 820 000 heures supplémentaires en retard. Elles sont en progression de 3,1 % par rapport à 2016.
Chacune et chacun le sait ici, c’est d’abord le signe de l’engagement total, de la disponibilité, de la conscience professionnelle des effectifs de la police : jamais, jamais, ils ne rechignent à accomplir leur mission au service des Français.
Évidemment, le Gouvernement, en particulier le ministre de l’intérieur, a parfaitement conscience de cette problématique qui représente un enjeu majeur en termes de disponibilité des personnels, de préservation des capacités opérationnelles des services, de santé pour celles et ceux qui s’engagent, mais aussi de finances publiques.
Il est vrai que la transposition des règles européennes sur la santé et la sécurité du travail, en imposant ces durées maximales du travail et des périodes de repos obligatoire, a engendré aussi ces flux, au-delà des sollicitations particulières que nous avons connues, par rapport aux habitudes existantes.
Aujourd’hui, seules les compagnies républicaines de sécurité bénéficient d’une indemnisation des heures supplémentaires, ce qui représente un coût annuel d’à peu près 23 millions d’euros. Pour les autres fonctionnaires de la police nationale, cela représente une dette d’environ 250 millions d’euros ou d’indemnisation du flux d’heures supplémentaires. Aujourd’hui, à l’instant présent, cela n’est pas compatible avec le contexte budgétaire que connaît notre pays.
M. François Grosdidier. Il faut les payer !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Un travail est actuellement conduit pour ajuster l’organisation et développer des pratiques qui limitent au strict nécessaire la production des heures supplémentaires,…
M. François Grosdidier. Il faut les payer !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. … notamment en accentuant le recours aux compensations horaires.
M. François Grosdidier. C’est impossible !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Sachez que le ministère de l’intérieur se mobilise aujourd’hui pour que les gendarmes, les policiers, qui exercent leur métier dans ces conditions difficiles, puissent trouver très vite le paiement ou la compensation de ces heures qui sont nécessaires.
M. François Grosdidier. Il faut les payer !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Je ne doute pas que, à ce moment-là, celles et ceux qui, de ce côté de l’hémicycle (M. le secrétaire d’État se tourne vers la droite de l’hémicycle), ne cessent de réclamer des baisses de dépenses publiques…
M. François Grosdidier. Pas pour la police !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. … pourront nous aider à trouver des solutions. (M. François Patriat applaudit. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Il faut les payer ! Ces heures ne sont pas récupérables !
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour la réplique.
M. Alain Marc. Monsieur le secrétaire d’État, les déclarations d’amour comptent et nous faisons des déclarations d’amour à nos gendarmes et à nos policiers. Mais, plus que des déclarations d’amour, on attend souvent des preuves d’amour. En l’occurrence, les preuves d’amour, ce sont le paiement des heures supplémentaires et, nous l’espérons tous, l’amélioration des conditions de travail. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Les Républicains.)
rôle du premier ministre
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Chain-Larché. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Le Président de la République vient de souffler sa première bougie à la tête de la France. Illusion, communication et contradictions sont notre quotidien depuis un an.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Très bien !
Mme Anne Chain-Larché. Son discours-fleuve devant le Congrès hier, dont la cohérence aura échappé à beaucoup, ressemblait à s’y méprendre au discours d’un chef de parti. Il ressemblait aussi à un discours de politique générale, c’est-à-dire à un discours de chef de Gouvernement,…
M. Charles Revet. Eh oui !
Mme Anne Chain-Larché. … un discours de Premier ministre.
Nous avons entendu, éberlués, sa proposition de modifier la Constitution pour lui permettre, à lui, Président, de participer au débat parlementaire devant le Congrès.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Très bien !
Mme Anne Chain-Larché. Nous connaissions déjà la volonté d’omniprésence du Président. Plus grave encore, nous découvrons le peu de considération qu’il porte à l’esprit de la Ve République.
Dans la Ve République fondée sur le bicamérisme, il revient au Premier ministre, c’est-à-dire au chef du Gouvernement, de défendre son action et d’en débattre avec le Parlement.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme Anne Chain-Larché. Le Président dit répondre aux injonctions de M. Mélenchon. Voudrait-il la Vle République de M. Mélenchon (Rires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste), celle d’un régime présidentiel où le Premier ministre s’efface doucement pour finir par disparaître ?
Ma question est simple : le Premier ministre souhaite-t-il, tout comme le Président de la République, la disparition de la Ve République et de la fonction qu’il exerce ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Nadia Sollogoub et Sylvie Vermeillet, ainsi que M. Jean-François Longeot applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Anne Chain-Larché, l’on fait beaucoup dire à la Constitution, qui, souvent, en réalité, ne dépend que de l’Histoire.
Chacun devrait se souvenir que, au moment de l’écriture de la Ve République, sous la plume de René Capitant, de Michel Debré ou du général de Gaulle, le rapport au Parlement n’allait pas tout à fait dans le sens du contrôle ou du soutien, mais plutôt dans une forme d’hostilité,…
M. Pierre-Yves Collombat. Cela a changé ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. … qui a contribué à l’élaboration de cette nouvelle Constitution.
D’ailleurs, cette interdiction posée au Président de la République de venir devant les deux assemblées résulte de l’Histoire. Dans les premières années de la IIIe République (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains),…
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’était pas un régime parlementaire !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. … le talent oratoire d’Adolphe Thiers, alors président de l’exécutif et partisan du régime républicain, était tellement redouté que l’assemblée, majoritairement monarchiste, a pris la décision d’interdire au Président de la République de venir siéger dans les deux hémicycles de notre Parlement. (M. Alain Richard opine.) Ce sont ces raisons circonstancielles qui ont produit ce que nous connaissons aujourd’hui.
M. David Assouline. Enfin, c’est la séparation entre les pouvoirs !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Ainsi, quand, en 1975, le Président Valéry Giscard d’Estaing s’est rendu au Sénat pour le centième anniversaire de cette institution, la tribune a été démontée pour « déparlementariser » l’hémicycle afin qu’il puisse s’exprimer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, on ne peut pas exiger régulièrement, comme vous le faites dans vos interventions, que le Président de la République descende – et vous convoquez de nombreux termes pour qualifier l’endroit où il serait –, et s’exprime dans le cadre de la modification constitutionnelle, sans pour autant lui donner la faculté de pouvoir écouter et de pouvoir répondre. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. David Assouline. C’est la fin de la Ve République !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. La proposition qu’a faite le Président de la République, dont vous aurez à débattre et sur laquelle vous aurez à vous prononcer,…
M. Marc-Philippe Daubresse. On ne la votera pas, vous pouvez courir !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. … c’est tout simplement le fait de pouvoir vous répondre et vous écouter.
Sachez que, en aucun cas, cela ne menace la responsabilité du Premier ministre et du Gouvernement devant vous, eux qui, trois fois par semaine, à l’Assemblée nationale ou au Sénat, ont l’occasion de vous répondre.
M. le président. Il faut conclure.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. En aucun cas, cela ne menace l’équilibre des institutions de la Ve République. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour la réplique.
Mme Anne Chain-Larché. Nous ne savions pas que le nouveau monde aurait la prétention de réécrire l’Histoire. (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Faut-il vous le rappeler, il y a quelques jours seulement, à l’Assemblée nationale, un amendement exactement du même ordre a été repoussé au motif qu’adopter « une telle proposition serait remettre en cause le fait que le Président de la République n’est pas responsable devant le Parlement ».
M. Pierre-Yves Collombat. Voilà !
Mme Anne Chain-Larché. Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes fiers de notre Ve République. Nous sommes fiers d’une République qui fait preuve d’une incroyable stabilité à un moment où les autres pays européens ne peuvent se vanter du même phénomène.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Anne Chain-Larché. Je dois vous le rappeler : le Premier ministre est responsable devant le Parlement ;…
M. François Grosdidier. Exactement !
Mme Anne Chain-Larché. … le Président de la République est responsable devant le peuple. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.)
M. Marc-Philippe Daubresse. On ne votera pas votre projet !
suppression de la taxe sur les pylônes électriques
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Président de la République nous annonçait hier avoir chargé le Premier ministre de faire des choix forts et courageux pour une meilleure maîtrise de la dépense publique. Dans cet esprit, ce dernier a demandé aux membres du Gouvernement de proposer, chacun dans son périmètre, des suppressions de petites taxes en vue du projet de loi de finances pour 2019.
En effet, on dénombrerait, en France, environ 200 taxes rapportant chacune moins de 150 millions d’euros. Cet effort de simplification est louable. Cependant, l’impact d’une telle mesure doit être soigneusement étudié, ailleurs que dans les seuls bureaux de Bercy.
Combien coûtera cette simplification et, surtout, à qui ?
J’entends que 200 millions d’euros pourraient être réservés dans le prochain projet de loi de finances pour la mise en œuvre de cette mesure. Cela me laisse perplexe. Est-ce vraiment une dépense prioritaire, à l’heure où l’on n’a pas su trouver 400 millions d’euros pour les distribuer aux agriculteurs retraités ?
Un sénateur du groupe Les Républicains. C’est vrai !
Mme Nadia Sollogoub. Se pose surtout la question du manque à gagner pour ceux qui percevaient jusqu’alors ces fameuses « petites taxes ». Il est déjà annoncé qu’« il n’y aura pas toujours de compensation à 100 % ». Nous n’en doutions pas !
Quel sera donc le champ de cette mesure ? La taxe sur les pylônes en particulier est-elle concernée ?
Les élus des communes nous font part de leur vive inquiétude. Que leur répondre alors que cette recette représente parfois une part considérable de leur budget ? Que vous allez leur couper les vivres et faire un cadeau à RTE ?
Paradoxalement, le Président de la République nous faisait part hier de sa volonté de donner aux collectivités territoriales la liberté de mieux exploiter leurs atouts et leurs spécificités. À l’heure où s’ouvre la Conférence nationale des territoires, les élus y perdent leur latin !
Pouvons-nous, monsieur le secrétaire d’État, oui ou non, rassurer nos collègues et leur dire que vous ne porterez pas un nouveau coup au budget des collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)