M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.
Mme Sylvie Robert. L’article 20 est effectivement assez étonnant, car il peut s’apparenter, là encore, à une forme de dérégulation d’un secteur bien particulier, sans aucune évaluation ni justification précise.
La loi MOP, qui repose sur le triptyque maître d’ouvrage-maître d’œuvre-entrepreneur, prévoit, à son article 18, une exception dite de « conception-réalisation », permettant à un même opérateur de remplir ces deux missions. Pour autant, afin d’éviter tout excès, et surtout de maintenir un équilibre entre les différents acteurs économiques, le recours à ce type de marché est strictement encadré, seules deux raisons pouvant le motiver.
Depuis 2009, le champ de cette dérogation est encore plus vaste pour les bailleurs sociaux, qui sont exemptés de toute justification de recours aux contrats de conception-réalisation. Cette expérimentation a déjà été prolongée et, initialement, le projet de loi prévoyait de l’étendre jusqu’à la fin de 2021.
Or, à l’Assemblée nationale, les députés ont décidé de pérenniser ce dispositif et de l’inscrire dans le droit commun, sans prendre le temps d’en mesurer l’efficacité réelle ni d’effectuer un quelconque bilan de l’expérimentation. À ce titre, rappelons que la dernière analyse du dispositif remonte au rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable, qui date de 2013.
Autrement dit, nous, législateurs, pourrions graver dans la loi une procédure insuffisamment expertisée, aux conséquences incertaines et potentiellement lourdes, que ce soit en termes de qualité de construction, de coût global, de valeur d’usage pour les habitants ou d’équilibre économique pour l’ensemble du secteur.
D’ailleurs, dans son avis, le Conseil d’État soulignait à juste titre que, dans l’éventualité d’une pérennisation de la conception-réalisation, il serait nécessaire « de prendre en compte tant les impératifs auxquels la loi MOP entend répondre que les enjeux auxquels sont confrontés les offices publics de l’habitat ». En l’état actuel du texte, où ces impératifs sont-ils pris en compte ? La réponse est claire : nulle part !
Nous ne sommes absolument pas idéologues sur le sujet, comme nous ne sommes nullement farouchement opposés à la procédure de conception-réalisation. Cependant, il faut agir raisonnablement, en s’appuyant sur une évaluation complète de cette mesure, sur une véritable étude, et tout simplement revenir au projet de loi initial, qui prévoyait la prolongation de la dérogation jusqu’en 2021. « Le temps est le plus sage de tous les conseillers », disait Périclès. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, sur l’article.
Mme Colette Mélot. L’Assemblée nationale a supprimé le caractère transitoire de la dérogation permettant aux organismes d’HLM de bénéficier d’un accès simplifié aux marchés de conception-réalisation. Cette mesure représente une atteinte inacceptable au principe de liberté d’accès à la commande publique, consacré par l’article 1 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics. L’essence même de ce principe est d’assurer non seulement l’efficacité de la commande publique, mais aussi la bonne utilisation des deniers publics.
Pour ces raisons, je soutiendrai l’amendement de mon collègue Alain Fouché visant à maintenir le caractère temporaire de cette dérogation.
M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L’amendement n° 73 rectifié bis est présenté par MM. Houpert et Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi et MM. Cuypers, de Nicolaÿ, Guerriau, Longeot, Morisset, Laménie et Kern.
L’amendement n° 159 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 1 et 2
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 73 rectifié bis.
Mme Jacky Deromedi. L’alinéa 2 de l’article 20 vise à étendre le recours à la conception-réalisation aux constructions neuves, puisqu’il serait désormais possible lorsqu’un engagement contractuel sur un niveau de performance énergétique rend nécessaire d’associer l’entreprise au stade de la conception.
Cette modification ouvre donc la possibilité de recourir à la procédure pour toutes les constructions neuves, au motif du simple respect, par exemple, de la réglementation thermique en vigueur, ce qui ferait de la conception-réalisation à une procédure de droit commun pour la réalisation de tous types de bâtiments publics, quel que soit le maître d’ouvrage.
Cette généralisation, contraire au principe de l’allotissement et aux règles issues des directives européennes visant à favoriser l’accès aux marchés des PME et des artisans, va restreindre de manière significative l’accès à la commande publique des PME, des TPE et des artisans du bâtiment et de la maîtrise d’œuvre.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’alinéa 2 de l’article 20.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 159.
M. Pascal Savoldelli. L’article 20 vise à élargir la possibilité, pour les organismes d’HLM, de recourir à la procédure de conception-réalisation. Il tend en outre à ouvrir cette faculté aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS.
Introduite par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi MOLLE, la dérogation permettant aux organismes d’HLM de conclure des marchés publics de conception-réalisation est temporaire et expire le 31 décembre 2018, ce dont notre groupe se félicite, ayant toujours contesté l’utilisation de cette procédure qui place les architectes sous l’autorité des groupes du BTP et rompt avec un principe fort de la loi MOP : la séparation entre la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage.
Le dispositif prévu par le projet de loi, tel qu’issu des travaux de l’Assemblée nationale, supprime purement et simplement le caractère transitoire de la dérogation. Les organismes d’HLM, mais aussi, désormais, les CROUS, pourront ainsi bénéficier de cet accès simplifié aux marchés de conception-réalisation sans condition de durée.
Le recours facilité à la procédure de conception-réalisation ne nous semble pas justifié. D’aucuns diront que cela pourrait permettre une maîtrise des délais dans certains cas,…
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. C’est sûr !
M. Pascal Savoldelli. … mais ce n’est pas automatique et cette procédure n’est pas forcément la plus adaptée pour maîtriser les coûts.
L’allotissement présente l’avantage de permettre la maîtrise des coûts à chaque étape de la conception et de la réalisation, avec des frais de dossier beaucoup moins importants.
Il importe en outre de tenir compte des conséquences économiques des dispositions envisagées pour les acteurs économiques territoriaux.
M. le président. L’amendement n° 71 rectifié bis, présenté par MM. Houpert et Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi et MM. Cuypers, de Nicolaÿ, Guerriau, Longeot, Morisset, Laménie et Kern, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 1 et 2
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
I. - Au II de l’article 33 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, l’année : « 2018 » est remplacée par l’année : « 2021 ».
II. - Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Une évaluation quantitative et qualitative, effectuée par un organisme indépendant, est remise au Gouvernement six mois avant la fin de l’année 2021. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. La loi MOP rappelle le principe essentiel de la distinction de la fonction du maître d’œuvre de celle de l’entrepreneur chargé de la réalisation de l’ouvrage, une dérogation étant prévue, à l’article 18, pour les contrats globaux de conception-réalisation.
Par ces contrats, le maître d’ouvrage peut confier à un groupement d’opérateurs économiques privés à la fois la conception du projet, l’établissement des études et l’exécution des travaux, soit pour un motif d’ordre technique, soit eu égard à un engagement contractuel d’amélioration de l’efficacité énergétique.
Jusqu’au 31 décembre 2018, le II de l’article 33 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics autorise les bailleurs sociaux à utiliser cette procédure sans avoir à en justifier.
L’alinéa 1 de l’article 20 du présent projet de loi tend à inscrire cette procédure dans le droit commun de la réalisation de logements sociaux, ce qui paraît contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, dont la décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008 précise, au sujet du contrat de partenariat, « que la généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande publique ou de la domanialité publique serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics […] ».
M. le président. L’amendement n° 920 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec et Guérini, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
I. – Au II de l’article 33 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, l’année : « 2018 » est remplacée par l’année : « 2021 ».
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. La pérennisation du recours aux marchés publics de conception-réalisation par les organismes d’HLM sans disposer au préalable d’une évaluation de cette mesure introduite à titre transitoire par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion n’est pas souhaitable.
Si la loi MOP peut faire l’objet d’adaptations, il est peu prudent d’y procéder au travers d’un texte au champ aussi vaste que le projet de loi ÉLAN. Il serait plus pertinent d’élaborer un texte spécifique, ce qui nous permettrait, à nous parlementaires, de décider en connaissance de cause, notamment au regard des conséquences que cette dérogation peut entraîner pour l’accès des TPE et des PME aux marchés publics.
Au travers du présent amendement, il est proposé de s’en tenir à la prorogation du dispositif pour une durée de trois ans, conformément à ce que prévoyait le projet de loi initial. Cela nous permettra, ultérieurement, d’évaluer le rapport risques-avantages de cette mesure et ses effets réels sur l’accélération de la construction de logements sociaux.
Cet amendement prévoit en outre la suppression de l’extension de la dérogation aux CROUS, adoptée en commission.
M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 755 rectifié est présenté par MM. Fouché et Guerriau, Mme Procaccia, M. Reichardt et Mme Lopez.
L’amendement n° 954 rectifié bis est présenté par Mmes Lamure et Morhet-Richaud, MM. Bascher, Cambon, Revet, Kennel, Milon et Pierre, Mme Bonfanti-Dossat, MM. de Nicolaÿ, Pellevat et Lefèvre, Mme Deromedi, M. Chatillon, Mme Garriaud-Maylam, M. Bouchet, Mme Micouleau, MM. Vogel, D. Laurent, B. Fournier et Danesi, Mmes Lassarade et Deroche, M. Paul, Mme Berthet, MM. Vaspart, Laménie et Pointereau et Mme Bories.
L’amendement n° 986 est présenté par M. Courteau.
L’amendement n° 991 rectifié ter est présenté par M. Gremillet, Mme Eustache-Brinio, M. Pillet, Mmes Thomas, Chain-Larché et Imbert, MM. Longuet, Rapin, Cuypers et Charon et Mme Lanfranchi Dorgal.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Après le mot :
applicables
insérer les mots :
, jusqu’au 31 décembre 2021,
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l’amendement n° 755 rectifié.
Mme Catherine Procaccia. Dans un souci d’équité et pour éviter toute atteinte au principe de liberté d’accès à la commande publique, cet amendement vise à maintenir une période dérogatoire jusqu’au 31 décembre 2021.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 954 rectifié bis.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement vise également à maintenir, à titre expérimental, une période dérogatoire jusqu’au 31 décembre 2021.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 986.
M. Roland Courteau. Je suis très préoccupé par toutes les dispositions qui pourraient constituer un frein à l’accès direct des TPE du secteur du bâtiment aux marchés publics. Il ne serait pas satisfaisant que ces entreprises ne soient au mieux que sous-traitantes, de surcroît dans des conditions économiques très souvent en leur défaveur. Il faut donc conforter la liberté d’accès à la commande publique.
Cet amendement vise donc, lui aussi, à maintenir à titre expérimental une période dérogatoire jusqu’au 31 décembre 2021.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour présenter l’amendement n° 991 rectifié ter.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Les quatre amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 262 rectifié bis est présenté par M. Longeot, Mmes Billon, Gatel et Guidez, MM. Henno, Janssens, Perrin et Kern, Mmes Sollogoub et Vullien, M. Bonnecarrère, Mme Vérien et les membres du groupe Union Centriste.
L’amendement n° 558 est présenté par M. Daunis, Mme S. Robert, MM. Sueur et Lurel, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Lubin, Jasmin, M. Filleul et Bonnefoy, MM. Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 686 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Dantec et Guérini, Mme Guillotin, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt et Roux.
L’amendement n° 707 rectifié ter est présenté par Mmes de Cidrac, Micouleau et L. Darcos, MM. Milon, de Nicolaÿ, Houpert et Schmitz, Mmes Perrot, Bories, Lassarade, Lanfranchi Dorgal et F. Gerbaud et M. Gilles.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
1° Après le mot :
conclus
insérer les mots :
, jusqu’au 31 décembre 2021,
2° Après le mot :
susvisée
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
. Une évaluation quantitative et qualitative, effectuée par un organisme indépendant, est remise au Gouvernement 6 mois avant la fin de l’année 2021.
La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 262 rectifié bis.
M. Jean-François Longeot. La loi MOP rappelle le principe essentiel de la distinction de la fonction du maître d’œuvre de celle de l’entrepreneur chargé de la réalisation de l’ouvrage. Cette distinction garantit contre tout risque de situation de conflit d’intérêts pour le maître d’œuvre, puisqu’il ne peut être lié contractuellement avec l’opérateur économique qui réalise les travaux.
Toutefois, l’article 18 de la loi MOP met en place une dérogation qui permet au maître d’ouvrage de confier à un groupement d’opérateurs économiques privés à la fois l’établissement des études – la conception – et l’exécution des travaux – la réalisation. Cette dérogation est encadrée : seuls deux motifs la rendent possible.
Jusqu’au 31 décembre 2018, l’article 33 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics autorise les bailleurs sociaux à utiliser cette procédure sans avoir à en justifier.
Cette généralisation est contraire aux principes posés par le Conseil constitutionnel Elle est également contraire au principe de l’allotissement et aux règles européennes visant à favoriser l’accès aux marchés des PME et des artisans, puisqu’elle va restreindre de manière significative l’accès à la commande publique des PME, des TPE et des artisans, qui ne pourront plus obtenir de commandes directes dans le secteur du logement social.
Une solution de compromis consisterait à maintenir la prolongation de cette dérogation jusqu’au 31 décembre 2021, pour les seuls bailleurs sociaux, en l’assortissant de l’obligation de réaliser une évaluation, quantitative et qualitative, effectuée par un organisme indépendant.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour présenter l’amendement n° 558.
M. Marc Daunis. Le cadre général de la discussion a été excellemment posé par notre collègue Sylvie Robert ; je n’y reviendrai pas.
Je m’interroge sur la méthode. Cet article ne figurait pas dans le projet de loi initial : il procède de l’adoption d’un amendement par les députés. Aucune analyse de l’expérimentation n’a été effectuée : a-t-on réellement constaté une accélération des opérations, un gain financier ? Le tissu des TPE-PME ne s’est-il pas retrouvé écarté de la commande publique ? C’est ce que dit, par exemple, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB.
Une analyse objective aurait permis au législateur de prendre une décision en toute connaissance de cause. Mais, sans que nous disposions d’aucune étude, on nous propose de graver dans le marbre cette dérogation et de la pérenniser.
Cet amendement a simplement pour objet de prévoir la réalisation d’une évaluation par un organisme indépendant et de prolonger la dérogation jusqu’au 31 décembre 2021. Nous pourrons ensuite prendre une décision objective, éclairée. C’est la moindre des choses pour accomplir valablement notre travail de parlementaires.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 686 rectifié bis.
Mme Véronique Guillotin. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Alain Schmitz, pour présenter l’amendement n° 707 rectifié ter.
M. Alain Schmitz. La décision de généraliser le recours à la procédure de conception-réalisation doit être corroborée par une étude. Une solution de compromis consisterait à maintenir la prolongation de la dérogation jusqu’au 31 décembre 2021, pour les seuls bailleurs sociaux, en l’assortissant de l’obligation de réaliser une évaluation, quantitative et qualitative. Cette évaluation devrait être remise au Gouvernement dans les six mois précédant l’expiration de la période. La conception-réalisation doit rester une procédure dérogatoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je voudrais rappeler pourquoi la commission a souhaité pérenniser l’accès aux marchés de conception-réalisation pour les organismes d’HLM, tout l’en ouvrant à titre dérogatoire aux CROUS pour trois ans.
Un certain nombre d’entre vous l’ont rappelé : la conception-réalisation a été mise en place à titre expérimental, en 2009, par la loi MOLLE. L’expérimentation a été prolongée en 2013, et elle doit se terminer à la fin de cette année. Au total, elle aura duré neuf ans : à ce stade, soit on pérennise le dispositif, soit on y met un terme. Pourquoi vouloir encore la prolonger jusqu’en 2021 ?
Les organismes d’HLM recourent donc à la procédure de la conception-réalisation depuis 2009, d’une manière raisonnable et modérée : les opérations réalisées dans ce cadre représentent 15 % des constructions de logements sociaux.
M. Marc Daunis. Exact !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je rappelle également que, dans le cadre d’un projet de conception-réalisation, l’on peut faire appel à un architecte et qu’en aucune façon l’on ne peut considérer qu’il est porté atteinte à la qualité architecturale.
En outre, la procédure de la conception-réalisation permet de conduire le projet avec des maîtres d’œuvre, avec des maîtres d’ouvrage et avec des entreprises de taille diverse –certes, pas nécessairement des TPE, mais celles-ci ne pourraient de toute manière pas forcément soumissionner à ce type de marchés.
M. Alain Richard. Très juste !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. À mon sens, ce dispositif a fait ses preuves. Il n’est pas utilisé de manière disproportionnée au regard de l’ensemble des créations de logements sociaux. Enfin, il permet de gagner du temps, de réduire les coûts et de garantir une gestion contractuelle simplifiée.
Il me semble donc important que nous votions aujourd’hui la pérennisation de l’accès au dispositif de conception-réalisation pour les organismes d’HLM.
En outre, la commission a voulu étendre aux CROUS la possibilité de recourir à ce dispositif. Vous le savez, le Gouvernement a fixé des objectifs particulièrement ambitieux en matière de construction de logements étudiants : il est prévu d’en réaliser 60 000. (M. le secrétaire d’État le confirme.) Si l’on veut véritablement accroître l’offre de logements étudiants, pourquoi priver les CROUS de l’accès au dispositif de conception-réalisation ? Ce sera un outil supplémentaire à leur main pour atteindre, autant que faire se peut, les objectifs ambitieux définis par le Gouvernement.
Pour ce qui concerne les CROUS, nous avons décidé de limiter à trois ans la période pendant laquelle la conception-réalisation pourra être utilisée, en cohérence avec le plan de construction de 60 000 logements sociaux étudiants du Gouvernement.
Ainsi, la commission défend une approche mesurée, pragmatique et cohérente.
Au nom de la commission des affaires économiques, je m’engage à ce qu’une évaluation de ce dispositif soit menée dans les deux années à venir : cela permettra d’apporter des réponses aux questions soulevées notamment par M. Daunis.
Je sollicite le retrait de l’ensemble de ces amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. Alain Richard. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Une fois n’est pas coutume, le Gouvernement et la commission sont en parfait accord !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. C’est tout de même arrivé un certain nombre de fois…
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Je partage complètement les propos de Mme la rapporteur.
Contrairement à ce que certains ont pu laisser entendre, il ne s’agit en aucun cas de généraliser la conception-réalisation : il s’agit de laisser aux bailleurs sociaux la possibilité d’utiliser cette procédure. Nous disposons en fait déjà d’un retour d’expérience,…
M. Philippe Dallier. Oui !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. … puisque cette possibilité existe depuis 2009. Pour les organismes d’HLM, la part des opérations menées selon la procédure de la conception-réalisation est stable, et s’établit à environ 15 %.
Par ailleurs, le recours à la procédure de la conception-réalisation permet de gagner en moyenne six mois dans l’exécution et les gains économiques peuvent atteindre 6 %, comme le montrent notamment les travaux menés avec l’Union sociale pour l’habitat, l’USH. La conception-réalisation peut donc présenter un intérêt pour les maîtres d’ouvrage.
Concernant la méthode, monsieur Daunis, faut-il généraliser ce dispositif aujourd’hui ou prolonger l’expérimentation jusqu’en 2021 ? C’est maintenant la quatrième fois que le législateur se pose cette question…
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Eh oui !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. En 2009, on a décidé une dérogation pour trois ans, puis on a repoussé par deux fois l’échéance de trois ans. Aujourd’hui, rebelote pour trois ans, proposez-vous ! Au regard des éléments objectifs que je viens de donner, on peut peut-être légitimement considérer qu’il est temps de pérenniser le dispositif…
J’émets donc, moi aussi, un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour explication de vote.
M. Marc-Philippe Daubresse. Je soutiens la position de la commission.
En réalité, l’expérimentation date d’avant 2009. En 2005, nous avions lancé, sous l’autorité technique du ministère du logement, l’expérimentation non officielle des procédés « coût, qualité, fiabilité, délai », ou procédés CQFD. Les modalités de cette expérimentation et de son éventuelle pérennisation n’avaient pas été inscrites dans la loi.
Cette expérimentation a été conduite avec le plan urbanisme construction architecture, le PUCA, une instance qui regroupe des ingénieurs. Pendant trois années consécutives, des concours ont été organisés, dont les jurys devaient déterminer qui pouvait participer à la conception-réalisation. Ces jurys n’ont pas sélectionné que des grands groupes : ils ont également retenu des PME.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Voilà !
M. Marc-Philippe Daubresse. Et il n’y avait pas que du béton ! La filière bois pointait le bout du nez, de même que la filière métallique. La question de l’énergie commençait en outre à devenir prégnante.
Après évaluation objective par des ingénieurs et des techniciens, et non en vertu d’une vision dogmatique, en 2009, le ministre du logement a décidé d’engager l’expérimentation qui nous occupe aujourd’hui, les résultats ayant été concluants.
En tant que ministre du logement, j’ai mis en œuvre l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, à la suite du plan Borloo, entre 2004 et 2006. Je peux vous dire que, grâce à la conception-réalisation, on a gagné énormément de temps tout en ayant une exigence de qualité forte pour réaliser toute une série de projets relevant de l’ANRU.
Sur toutes les travées de cet hémicycle, nous partageons la volonté d’aller plus loin pour construire davantage de logements, dans une période de crise. Pourquoi, après une première expérience technique, suivie d’une expérimentation de neuf ans, ne pourrait-on pas pérenniser ce dispositif ? Recourir à la conception-réalisation n’est pas une obligation : c’est une simple faculté, réservée aux organismes d’HLM. (M. le secrétaire d’État opine.)
Mme la rapporteur vient de dire, au nom de la commission, que le Parlement pourrait créer une mission d’évaluation du dispositif. À mon sens, il faut suivre la commission et le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.