Mme la présidente. Il faut conclure.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Je pense au Fonds social européen, au Fonds européen d’aide aux plus démunis. Ne caricaturons pas ce qu’est l’Union européenne. (M. André Gattolin applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.
M. Pierre Ouzoulias. J’étais hier soir avec des jeunes à Sceaux – ils étaient nombreux, deux cent cinquante – et nous avons parlé de l’Europe. Ils vivent dramatiquement ce qui se passe et nous demandent, à nous, politiques, de soutenir un projet dans lequel ils puissent se reconnaître.
Ce projet, il le décline très simplement : les droits de l’homme, une plus grande démocratie de l’Europe et la défense de l’environnement. Vous me permettrez, madame, de me faire leur porte-parole cet après- midi devant vous.
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat examinera au début du mois de novembre le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Nous aurons sans doute alors l’occasion de discuter, en détail, des conséquences de ce retrait pour notre pays et, bien entendu, pour l’ensemble de l’Union européenne.
En attendant, je souhaite évoquer l’une d’entre elles dès aujourd’hui : la perte budgétaire que va représenter le départ du Royaume-Uni, laquelle pourrait s’élever à plusieurs dizaines de milliards d’euros, selon les contours du futur accord. (Mme la ministre fait un signe de dénégation.) Je vois que vous n’avez pas l’air d’accord avec moi, madame la ministre. Vous nous donnerez sans doute des précisions à cet égard.
Je m’interroge sur les négociations en cours à l’échelon européen s’agissant du prochain budget de l’Union européenne. Dans son relevé de conclusions, le Conseil européen du mois de juin avait pris note de l’ensemble des propositions sur le cadre financier pluriannuel pour la période 2021–2027 présenté par la Commission le 2 mai 2018, ainsi que des propositions législatives sectorielles pour les programmes soutenant les politiques européennes. À cet égard, je m’inquiète des moyens alloués à une politique sectorielle en particulier, la politique agricole commune.
Mon groupe avait approuvé le 6 juin dernier la proposition de résolution du Sénat en faveur de la préservation d’une PAC forte, conjuguée au maintien de ses moyens budgétaires. Depuis, dans une déclaration commune, dont on peut se féliciter, Berlin et Paris ont demandé « la stabilisation du budget de la PAC ». L’Allemagne est un allié de poids pour défendre les moyens de la PAC, qui, on le sait, pourraient baisser d’au moins 5 % si l’on s’en tient aux propositions de la Commission.
Madame la ministre, je ne méconnais pas les besoins croissants de l’Europe en matière de défense et dans le domaine du numérique, mais l’indépendance agricole et alimentaire représente également un enjeu très stratégique. La France, grande nation agricole au sein de l’Union européenne, contribue très fortement au maintien de cette indépendance.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Yvon Collin. J’en termine. C’est pourquoi j’aimerais connaître l’évolution des négociations financières sur la PAC, qui seront également décisives pour répondre au grand défi environnemental.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Collin, vous avez raison, le départ du Royaume-Uni se traduit aussi sur le plan budgétaire. Le budget européen perdra de 10 milliards à 12 milliards d’euros par an avec le départ du contributeur net qu’est le Royaume-Uni.
La négociation du prochain cadre financier pluriannuel est évidemment compliquée par ce départ, ainsi que par l’émergence de nouvelles priorités, sur lesquelles tout le monde s’accorde, qu’il s’agisse de la défense, de la réponse au défi migratoire ou d’une meilleure réponse aux besoins d’innovation de l’Union européenne.
Pour autant, comme vous, je considère que la politique agricole commune est plus moderne que jamais et qu’elle fait partie de ces politiques ayant une véritable valeur ajoutée européenne. Nous la défendons ardemment depuis le début, depuis la présentation du projet de budget par la Commission.
Nous avons dit que le budget de la PAC n’était pas acceptable et qu’il ne serait donc pas accepté. L’ex-ministre de l’agriculture Stéphane Travert a fédéré vingt et un États membres de l’Union européenne en faveur du maintien des crédits alloués à la PAC à vingt-sept par rapport aux crédits du cadre financier pluriannuel actuel.
Les négociations commencent à peine. La présidence autrichienne a émis certaines hypothèses, que nous avons immédiatement combattues. J’ai eu l’occasion de le faire hier lors du conseil Affaires générales. Au mois de décembre, le Conseil européen se saisira de la question du prochain budget européen. Nous souhaitons évidemment avancer vite mais pas à n’importe quel prix. Nous voulons un bon budget, et pas un budget à tout prix avant les élections européennes. D’autant qu’il nous paraît essentiel que les électeurs puissent s’exprimer sur leurs priorités. Nous devons décliner ces priorités dans un budget, et non l’inverse.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Madame le ministre, deux conceptions de l’Europe s’opposent : d’un côté, une Europe des nations respectant la souveraineté des états membres et les choix de chaque gouvernement ; de l’autre, une Europe à tendance fédéraliste, qui piétine la souveraineté des États membres pour imposer la pensée unique des pseudo-élites.
Plusieurs référendums ont déjà été contournés par les tenants de cette pensée unique, qui n’hésitent pas à bafouer la volonté des électeurs dès qu’elle ne va pas dans leur sens. Aujourd’hui, le Président Macron est à la pointe de la coalition qui essaie de saboter le Brexit en pourrissant la négociation.
Là encore, il s’agit de désavouer le suffrage universel en poussant les Britanniques à organiser un nouveau référendum. À la veille des élections européennes, le but est de faire croire à nos concitoyens que l’évolution vers une Europe fédérale est la seule solution possible pour l’avenir.
Les responsables ne sont pas de bonne foi lorsqu’ils prétendent négocier des conditions honnêtes de sortie, alors que, dans le même temps, ils exigent la création d’une frontière douanière à l’intérieur du Royaume-Uni pour en disjoindre l’Irlande du Nord. C’est aussi tordu que si, demain, l’Europe demandait à la France de créer une frontière douanière à l’intérieur de notre territoire, par exemple en séparant l’Alsace-Lorraine.
Au lieu de chercher à torpiller le Brexit, la France devrait réclamer sa juste part dans la répartition des sièges au sein du Parlement européen. Actuellement, les six députés maltais représentent chacun seulement 69 000 habitants alors que chacun des soixante-quatorze députés français représente 884 000 habitants. Pire encore, en totale violation du traité de Lisbonne, la France a un ratio d’habitants par siège plus défavorable que l’Allemagne. (Mme Fabienne Keller s’exclame.)
Si ceux qui essaient de torpiller le Brexit parvenaient à leurs fins, cette injustice subsisterait. En effet, lors du Conseil européen du 19 juin 2018, la France a accepté que, en cas d’abandon du Brexit, la répartition actuelle des sièges soit maintenue à notre détriment, et ce en violation du traité de Lisbonne.
Madame le ministre, pensez-vous qu’il soit acceptable d’organiser les prochaines élections européennes dans ces conditions ? (Marques d’ironie sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Carrément !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Masson, heureusement – heureusement ! – que Michel Barnier défend les intérêts des Européens et non ceux des Britanniques, comme vous êtes apparemment tenté de le faire !
Heureusement que, pour défendre les intérêts des citoyens et des entreprises européennes, nous veillons à ce que le départ du Royaume-Uni ne se fasse pas au détriment de l’Union européenne.
Heureusement que, s’agissant de la frontière irlandaise, nous préconisons une solution visant à préserver le marché intérieur, c’est-à-dire nos entreprises, c’est-à-dire nos emplois.
Les Britanniques quittent le Parlement européen. Pour ma part, je considère qu’il est temps de ne plus y voir M. Farage. Lui qui avait pour projet non seulement de faire sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne, mais aussi de détruire cette dernière n’a pour autant jamais renoncé à son salaire de député européen ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
À l’occasion de ce départ, nous avons pensé à réaffecter les sièges britanniques. Nous avons obtenu, contrairement aux informations qui vous ont été communiquées et qui sont inexactes, de rattraper ce qu’un mandat précédent n’avait pas su défendre, c’est-à-dire le nombre de députés européens auquel la France a droit. Grâce à cette nouvelle répartition, nous passons à soixante-dix-neuf députés européens français. C’est peut-être l’une des très rares conséquences positives du Brexit.
Je rappelle toutefois que notre objectif est d’essayer de limiter les dégâts de la sortie du Royaume-Uni, qui ne fera de toute façon que des perdants, et de limiter les dommages collatéraux. Il n’est certainement pas de punir les Britanniques. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. le président de la commission des affaires européenne applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Olivier Cadic. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, on répète en boucle que les Britanniques ont fait le choix de sortir de l’Union européenne. Mais de quelle sortie parle-t-on ? À J-162 de l’échéance, nous ne savons toujours pas ce que le mot « Brexit » signifie, ou pourrait signifier. À l’évidence, il n’existe pas de consensus au Royaume-Uni en faveur de quelque sortie que ce soit !
Dans un tel contexte, le mot « Brexit » résonne péniblement pour 5 millions de citoyens européens. Je parle de 3 millions d’Européens qui résident au Royaume-Uni et de 2 millions de Britanniques qui sont installés en Europe. La plupart d’entre eux n’ont pas été appelés à se prononcer sur cette décision. Pourtant, le Brexit les concerne individuellement, intimement. Je parle là non pas de tomates, de casseroles ou de véhicules automobiles, mais d’enfants, de femmes et d’hommes. Ils nous interpellent.
Les associations qui les représentent font un travail formidable. Je pense à the3million, à ln Limbo ou British in Europe. J’en profite pour saluer l’empathie de notre ambassadeur Jean-Pierre Jouyet à Londres, qui sait les entendre.
Le Gouvernement nous a demandé de nous préparer à l’éventualité d’une sortie sans accord. Or les droits des citoyens européens établis au Royaume-Uni, ainsi que ceux des Britanniques vivant en Europe, ont été traités au chapitre 2 du pré-accord de retrait de l’Union européenne, signé en mars dernier.
Dans l’hypothèse d’une sortie du Royaume-Uni sans accord, avez-vous prévu, madame la ministre, de préserver cette partie du pré-accord et ainsi de dissocier la question du statut de 5 millions de citoyens européens de celle d’un accord global sur le Brexit ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Cadic, vous avez parfaitement raison : le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne a des conséquences sur le sort de nos concitoyens présents sur le sol britannique et sur celui des Britanniques présents sur le sol européen. Pour cette raison, je me suis donc récemment rendue à Londres, à la fois pour rencontrer la communauté française et ses représentants et pour attirer l’attention des autorités britanniques sur l’attention qu’il convenait de porter à cette communauté, y compris en cas d’absence d’accord. J’ai reçu des engagements de la part des Britanniques sur le sort de notre communauté et, plus largement, des communautés européennes au cas où nous ne parviendrions pas à un accord.
Vous l’avez très bien dit, la moins mauvaise des solutions se trouve dans l’accord de retrait tel qu’il a été négocié. Nous nous sommes mis d’accord avec les Britanniques sur des mesures protectrices qui permettent à nos concitoyens de vivre, d’étudier, de travailler au Royaume-Uni, dans des conditions comparables à celles qu’ils connaissent aujourd’hui.
En cas d’absence d’accord, nous sommes évidemment déterminés à faire en sorte que la période de vie que nos concitoyens auraient passée au Royaume-Uni soit pleinement prise en compte au moment de leur retour en France. Je pense à leurs diplômes, à leurs qualifications professionnelles, à leurs années de cotisations maladie ou retraite. Nous ferons également en sorte que le sort des Britanniques présents sur notre sol soit comparable à celui auquel nous avons pensé dans l’accord de retrait, à une condition, c’est que les mesures prises par les Britanniques, pour nos ressortissants, soient du même niveau. Ma première préoccupation, c’est le sort de nos concitoyens présents au Royaume-Uni.
Je tiens à le répéter, la moins mauvaise des solutions figure dans l’accord de retrait. Nous nous efforçons d’obtenir un bon accord.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour la réplique.
M. Olivier Cadic. Je vous remercie, madame la ministre, de cette réponse, et vous souhaite bon courage. Je vous assure que nous sommes tous derrière vous, contrairement à ce que l’intervention précédente pourrait donner à penser. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Fabienne Keller applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Allizard.
M. Pascal Allizard. Madame la ministre, dans le cadre des négociations sur le Brexit, la pêche est un sujet de préoccupation depuis des mois. Cette question est importante pour notre économie locale, en particulier pour les régions littorales comme la Normandie, où les pêcheurs font vivre les territoires tout en respectant les nombreuses réglementations européennes.
Attachés à une pêche durable, les pêcheurs s’imposent même des règles de gestion raisonnée, comme pour la coquille Saint-Jacques, afin de préserver la ressource et de garantir des revenus réguliers, règles que les Britanniques ne reconnaissent pas. Vous le savez, le ratissage intense, mais, hélas ! pas illégal, de certaines zones de coquilles, en dehors du cadre défini par la profession, a donné lieu à des affrontements en mer ces dernières semaines.
Environ 20 % de la pêche française se pratique dans la zone économique exclusive britannique, sur la base de droits historiques et de la politique commune de la pêche. Ce pourcentage masque des disparités régionales très importantes. À Port-en-Bessin dans le Calvados, la moitié du poisson débarqué à la criée vient des côtes anglaises.
Les tenants du Brexit ont expliqué aux pêcheurs d’outre-Manche que, du fait de l’interdiction pour les flottilles européennes d’accéder aux eaux britanniques, cette richesse leur reviendrait. « We want our fish back ! » – que mon collègue Masson me pardonne –, nous disent-ils. Dans certains ports, jusqu’à 70 % d’entre eux ont voté pour la sortie de l’Union, tout en souhaitant néanmoins continuer à exporter leur pêche vers les pays de l’Union. Aujourd’hui 75 % de la pêche britannique est vendue dans l’Union.
Madame la ministre, ma question est simple : quelles initiatives prendrez-vous avec vos partenaires pour préserver les intérêts de la pêche française et européenne, après la période transitoire ou en cas de « no deal » ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Charles Revet. Très bonne question !
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Allizard, j’y ai fait allusion dans mon propos introductif, la question de la pêche et des intérêts des pêcheurs français, mais aussi des pêcheurs irlandais, néerlandais, danois et belges, qui sont également concernés par la pêche dans les eaux territoriales britanniques, est au cœur de nos priorités dans la négociation du Brexit, quel que soit le scénario de la relation future. Nous ne nous sommes pas encore accordés sur ce point avec les Britanniques.
Je l’ai dit très clairement, la solution du maintien du Royaume-Uni dans l’union douanière, en tout cas pour une période donnée, solution explorée par les négociateurs, ne pourrait être véritablement envisagée qu’à condition que les droits de pêche des pêcheurs européens dans les eaux britanniques soient préservés.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Il est hors de question de laisser les produits de la pêche britannique entrer sur notre marché sans limitation – à cet égard, les chiffres que vous avez donnés sont très éclairants – alors même que nos pêcheurs n’auraient plus accès aux eaux britanniques.
C’est dans cet esprit que nous négocions. Michel Barnier en est parfaitement conscient, je lui en ai reparlé hier, de la même manière que j’en ai reparlé au vice-premier ministre irlandais. L’Irlande, qui est le premier pays à être touché par l’ensemble du Brexit et qui, de ce fait, a énormément de sujets brûlants, est sur la même ligne que nous. Je tiens à vous rassurer : cette ligne sera défendue.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.
M. Pascal Allizard. Madame la ministre, merci. Vous le savez, un marin en mer, c’est quatre emplois à terre. Si les Britanniques devaient fermer leurs eaux, la perte de revenus pour les professionnels de la flottille européenne serait de l’ordre de 50 %. Le Brexit aura donc un fort impact économique et social, y compris dans ce secteur.
D’un point de vue politique, cette crise ajouterait encore à la défiance vis-à-vis de l’Europe. En l’état actuel de l’Union européenne, nous ne pouvons nous offrir ce luxe. Tous mes encouragements vous accompagnent aussi, madame.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Madame la ministre, voilà maintenant une année que le CETA, l’accord économique et commercial global, est entré en vigueur. Les premiers résultats économiques ont été publiés et semblent satisfaisants. On constate ainsi un accroissement significatif des échanges commerciaux et une augmentation des exportations de l’Union européenne vers le Canada de 7 %. Les exportations françaises à destination du Canada ont, elles, augmenté de 5,5 %.
Il semble toutefois beaucoup plus compliqué de convaincre l’Union européenne et le Canada d’intégrer au CETA les dispositifs nécessaires afin de garantir que cet accord soit aussi bon pour l’environnement et le climat.
En septembre 2017, la commission Schubert, installée par le Gouvernement, soulignait le manque d’ambition du CETA en matière de protection de l’environnement et surtout l’absence de mesures visant à lutter contre le réchauffement climatique.
Le Gouvernement avait à la suite de cette commission élaboré un premier plan d’action. Un an plus tard, force est de constater qu’aucune mesure n’a été retenue par la Commission européenne. Le Président de la République vient donc d’annoncer qu’un second plan serait prochainement proposé. Espérons qu’il aura plus de succès !
Madame la ministre, si nous comprenons que le calendrier de l’accord de Paris sur le climat explique que ses conclusions ne se retrouvent pas dans le CETA, nous attendons aujourd’hui l’introduction de dispositifs complémentaires dans le CETA ou un accord bilatéral entre l’Union européenne et le Canada prévoyant la neutralité du CETA en matière de gaz à effet de serre, l’interconnexion des marchés du carbone et une taxation spécifique du transport maritime.
De la même façon, nous attendons, avec toute la société civile, une déclaration interprétative précisant le sens à donner aux dispositions sanitaires et environnementales insuffisamment claires, ainsi que des précisions sur l’application du principe de précaution.
L’accord avec le Canada est un accord vivant. Il doit, avant que le Gouvernement nous propose de le ratifier, être amélioré. L’Europe doit exporter ses marchandises, mais aussi ses standards sociaux et environnementaux. Elle doit conclure des accords qui respectent les droits humains et qui préservent la santé, la biodiversité et les équilibres écologiques.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire où en sont les discussions avec l’Union européenne et comment la France entend promouvoir ses standards et faire du respect de l’accord de Paris une condition sine qua non à la ratification du CETA ? (Mmes Laurence Rossignol, Nelly Tocqueville et Laurence Harribey applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Marie, vous l’avez dit, et je vous en remercie, depuis un an, l’accord avec le Canada est entré en vigueur de manière provisoire et la Commission a pu faire un premier bilan. Il est très différent de celui que craignaient un certain nombre d’opposants au CETA. Cet accord de libre-échange est favorable à nos intérêts, à nos intérêts économiques et commerciaux en général, à nos intérêts agricoles en particulier, contrairement à certaines craintes qui avaient été exprimées. Je note par exemple que les exportations canadiennes de viande bovine à destination de l’Union européenne, loin d’avoir explosé, ont diminué en un an, depuis la mise en œuvre provisoire du CETA.
Cela étant dit, comme vous le relevez à raison, le CETA a été négocié avant la conclusion de l’accord de Paris sur le climat. On ne peut donc pas lui reprocher son anachronisme. Il convient toutefois de l’accompagner par des mesures eurocanadiennes pour la préservation de l’environnement et contre le changement climatique, mais aussi par des mesures bilatérales.
Vous l’avez dit, convaincre nos partenaires européens n’est pas chose aisée. Nous œuvrons fortement pour que l’accord de Paris soit mis en œuvre et pour que son respect soit une clause essentielle des nouveaux accords de libre-échange que nous serions amenés à signer à l’avenir. D’ailleurs, si nous nous opposons à la reprise des négociations d’un accord commercial avec les États-Unis, c’est parce que ce pays est sorti de l’accord de Paris.
Nous travaillons à titre bilatéral avec le Canada, qui est engagé dans la mise en œuvre de l’accord de Paris, et nous continuons à négocier avec nos partenaires européens afin que les accords de libre-échange prennent mieux en compte la dimension environnementale, dès à présent et à l’avenir.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Madame la ministre, le 28 juin dernier, le Conseil européen, qui s’était tenu, on s’en souvient, dans un contexte difficile, avait prévu de dresser un état des progrès réalisés sur les questions migratoires lors de sa prochaine réunion. Nous y sommes.
Pour surmonter les divisions européennes apparues notamment avec l’affaire de l’Aquarius et ses conséquences humanitaires, les chefs d’État et de gouvernement s’étaient mis d’accord sur deux concepts au mois de juin dernier : celui, d’une part, de plateformes régionales de débarquement, pour le débarquement des personnes secourues dans le cadre d’opérations de recherche et de sauvetage en mer, en coopération étroite avec les pays tiers concernés, ainsi que le Haut-Commissariat aux réfugiés et l’Organisation internationale pour les migrations ; celui, d’autre part, de centres contrôlés établis dans des États membres, uniquement sur une base volontaire, vers lesquels seraient transférées les personnes secourues, conformément au droit international. Ces centres devaient permettre de distinguer les migrants en situation irrégulière, qui feraient l’objet d’un retour, des personnes ayant besoin d’une protection internationale.
Près de quatre mois plus tard, madame la ministre, où en sont les négociations pour donner un contenu opérationnel à ces plateformes régionales de débarquement ? Où en sont les négociations sur les centres contrôlés ? Plus précisément, la mise en place des plateformes de débarquement requiert la coopération d’États tiers. On a beaucoup parlé de l’Égypte. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce point ?
Enfin, la réforme du règlement de Dublin se trouve aujourd’hui dans l’impasse. La présidence autrichienne souhaiterait éviter de lier solidarité et obligation d’accueil. Quelle est la position française sur ce lien ? Certains pays, on le sait, ne souhaiteraient pas nécessairement avancer sur ce dossier pour des raisons de politique intérieure. Pouvez-vous nous rassurer sur la détermination politique de la France à conclure cette réforme dans les meilleurs délais ?
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Reichardt, nous ferons effectivement le point demain sur la mise en œuvre des conclusions du Conseil européen de juin. Les trois volets dont j’ai parlé dans mon propos introductif sont indissociables les uns des autres et sont le seul moyen d’avoir une politique migratoire européenne équilibrée, efficace et humaine.
S’agissant de la question que vous posez sur les plateformes de débarquement, à ce stade, aucun pays du sud de la Méditerranée n’a accepté que de telles plateformes soient installées sur son sol. La présidence autrichienne a formé de grands espoirs s’agissant de l’Égypte et s’est rendue dans ce pays à ce sujet. Il est possible que nous recevions en Europe le Président égyptien pour évoquer plus largement la manière dont les pays du sud de la Méditerranée peuvent nous aider à lutter contre les migrations illégales et comment nous pouvons soutenir leurs efforts, notamment en appuyant leurs gardes-côtes avec du matériel et de la formation. C’est ce qui me paraît le plus prometteur de ce point de vue.
S’agissant des centres contrôlés, je le disais aussi dans mon propos introductif, ils sont, selon nous, le seul moyen de traiter de manière pérenne des arrivées, des débarquements, même si ceux-ci ont diminué de 80 % depuis l’année dernière en Méditerranée centrale. Les difficultés tiennent uniquement au fait que l’Italie a fermé ses ports depuis le mois de juin.
Ces centres contrôlés sont là pour être la démonstration de la solidarité de l’Union européenne dès le débarquement sur le sol européen des personnes sauvées en mer. Cette solidarité nous paraît devoir être obligatoire. Les modalités de cette solidarité, elles, peuvent être variables. Mais le principe d’une solidarité obligatoire va de pair avec le maintien d’une responsabilité des pays de premier accueil. Nous avons besoin d’une responsabilité de ces pays de première entrée. Cependant, nous ne pouvons pas les condamner, par leur géographie, à porter seuls l’effort d’accueillir de vrais demandeurs d’asile ayant toute leur place dans l’Union européenne, mais aussi de raccompagner dans leur pays d’origine ceux qui détournent le droit d’asile par souci de migration économique illégale. Ces retours aussi doivent faire l’objet de davantage d’accompagnement européen.