compte rendu intégral
Présidence de Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
Mme Jacky Deromedi.
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Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 17 octobre 2018 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Questions orales
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
accueil des mineurs non accompagnés en haute-savoie
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, auteur de la question n° 472, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Loïc Hervé. Madame la ministre, j’appelle votre attention sur l’accueil des mineurs non accompagnés, les MNA, ou « mineurs étrangers isolés » selon l’ancien vocable, en particulier en Haute-Savoie. Le nombre de mineurs non accompagnés confiés à ce département a augmenté de plus de 240 % entre 2015 et 2018. Ils représentent désormais plus de 25 % des mineurs placés sous sa responsabilité. Sur 305 mineurs placés, plus de la moitié sont de grands adolescents et 90 %, des garçons.
Au regard de ces chiffres inégalés, en constante progression, le département de la Haute-Savoie a développé des offres d’hébergement, fait appel au réseau hôtelier et, ponctuellement, aux familles de parrainage. Malgré cela, les hébergements sont saturés par l’afflux continu de mineurs isolés – je rappelle que la Haute-Savoie est un département frontalier. Le personnel, majoritairement féminin, est épuisé et demeure en difficulté face à un public ayant parfois atteint la majorité depuis longtemps.
Aussi, je souhaite savoir si le Gouvernement envisage un véritable plan d’urgence pour répondre à l’arrivée massive de migrants mineurs.
Malgré l’inscription d’un budget de 10 millions d’euros en 2018, le département de la Haute-Savoie n’a plus les moyens suffisants pour assumer sa responsabilité dans des conditions dignes. Quelle compensation financière le Gouvernement envisage-t-il pour faire face aux surcoûts entraînés par cet accueil ?
Cette problématique demande une action forte et efficace du Gouvernement, tant sur les plans social, économique et judiciaire que dans le domaine de l’éducation nationale, pour répondre aux failles de notre dispositif actuel. L’avenir de ces enfants mérite une politique migratoire juste et réalisable.
Madame la ministre, je vous interroge au nom des élus du département, notamment du président du conseil départemental, qui a récemment interpellé M. le Premier ministre sur cette même question.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, vous abordez un sujet extrêmement difficile, tant pour les départements qui doivent assumer la prise en charge de ces mineurs non accompagnés que pour l’État, qui est très sensible aux problèmes que vous soulevez.
Le nombre de MNA est aujourd’hui plus important et plus élevé que l’an dernier à la même époque. Pour vous donner quelques chiffres, entre le 1er janvier et le 5 octobre 2018, 12 200 MNA ont été confiés aux conseils départementaux sur l’ensemble du territoire métropolitain, contre 10 162 en 2017.
Évidemment, l’État est conscient des difficultés financières que cela entraîne. C’est pourquoi il a souhaité se mobiliser.
Par communiqué de presse en date du 17 mai 2018, l’Assemblée des départements de France a accepté les propositions du Gouvernement, lesquelles confirment une aide financière accrue, concentrée sur la phase d’accueil et d’évaluation de la minorité et de l’isolement, à compter du 1er janvier 2019. Chaque évaluation sera financée à hauteur de 500 euros et chaque mise à l’abri à hauteur de 90 euros par jour pendant quatorze jours, puis de 20 euros du quinzième au vingt-troisième jour. C’est donc un financement accru pour la phase d’évaluation.
Par ailleurs, le Gouvernement a accordé un financement exceptionnel aux départements à hauteur de 30 % du coût des frais de prise en charge du nombre de MNA supplémentaires accueillis au 31 décembre 2017 par rapport au 31 décembre 2016. Le montant de ce financement exceptionnel de l’État a été fixé par un arrêté du 23 juillet 2018, qui prévoit que le département de la Haute-Savoie sera indemnisé à hauteur de 900 000 euros. L’ensemble représente un financement à hauteur de 132 millions d’euros.
Pour renforcer les outils à disposition des départements dans la phase d’évaluation de la minorité et de l’isolement, et afin de limiter les situations de réévaluation, qui sont coûteuses pour les départements et qui sont nocives pour les mineurs, l’article 51 de la loi du 10 décembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie prévoit la possibilité d’un relevé d’empreintes digitales qui feront l’objet d’un traitement automatisé.
Enfin, un travail interministériel sur un référentiel d’évaluation est en cours afin de permettre une harmonisation des pratiques et de consolider, à l’égard de tous, la légitimité des évaluations.
Voilà ce qui est proposé actuellement.
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour répondre à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, en trente-six secondes.
M. Loïc Hervé. Madame la ministre, je vous remercie de vos réponses ; je sais l’attention que vous portez à la question des mineurs non accompagnés et, particulièrement, à la situation de la Haute-Savoie. Je salue les décisions ponctuelles qui ont été prises et qui sont importantes. Je les transmettrai aux élus de la Haute-Savoie.
Je profite de cette intervention pour attirer votre attention sur la coopération avec la Police aux frontières. Je rappelle que la Haute-Savoie est un département frontalier : lorsque des jeunes arrivent à des postes-frontières, notamment le poste-frontière du tunnel du Mont-Blanc, des contrôles de majorité, mais aussi des contrôles liés aux visas biométriques sont réalisés. Je n’irai pas plus loin ce matin, mais je vous transmettrai les éléments, madame la garde des sceaux, car il faut une harmonisation à l’échelon national afin d’améliorer la situation et la coopération entre la Police aux frontières et le conseil départemental.
mineurs non accompagnés
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, auteur de la question n° 475, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Corinne Imbert. Madame la ministre, l’arrivée massive de jeunes étrangers cherchant à être reconnus comme mineurs non accompagnés est devenue une problématique importante dans nos départements. Dans le département de la Charente-Maritime, on note une multiplication par 25 du nombre de demandeurs en quatre ans. Nous assistons à des phénomènes de changement d’identité et de nomadisme, le seul but étant pour ces jeunes de trouver un département qui leur accordera le statut de mineur non accompagné.
Une initiative sénatoriale a permis, dans le cadre du projet de loi Asile et immigration, de répondre aux attentes des services départementaux chargés de l’évaluation des jeunes, en autorisant la création d’un fichier biométrique qui permettra de lutter contre le nomadisme et évitera à d’autres services départementaux de nouvelles évaluations. Vous venez de l’évoquer dans votre réponse à Loïc Hervé.
Madame la ministre, je souhaite connaître le calendrier de la mise en place de ce fichier biométrique, en particulier la date d’élaboration du décret en Conseil d’État visant à définir les modalités d’application de l’article 51 de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Mme la présidente. La parole est à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Corinne Imbert, vous le soulignez à juste titre, la question de l’évaluation de la minorité est essentielle. Les services de l’État sont aujourd’hui confrontés à deux types de phénomènes s’agissant du nomadisme des mineurs non accompagnés, les MNA.
D’une part, il y a le cas de MNA qui ont déjà été évalués comme tels par un département d’arrivée et qui sont orientés vers un autre département, en application de la clef de répartition que nous avons mise en place. Il peut alors arriver que le département d’accueil souhaite procéder à une nouvelle évaluation, parce qu’il estime la première incomplète ou bien parce qu’il prend en compte de nouveaux éléments qui sont portés à sa connaissance et qui peuvent remettre en cause la première évaluation – par exemple, si le MNA accueilli est plus précis sur sa propre situation en révélant des éléments qu’il n’avait pas communiqués préalablement.
D’autre part, il y a le cas de personnes qui ont été évaluées majeures dans un département et qui se présentent dans d’autres départements, voire dans le même, en modifiant leur identité, espérant passer cette fois pour des mineurs.
Ces deux situations, qui nécessitent une nouvelle évaluation, entraînent des coûts financiers extrêmement importants – des coûts humains, aussi - et saturent les services d’accueil, comme vous l’avez relevé. Par ailleurs, cela peut créer pour les jeunes, mineurs dans un premier temps puis majeurs, de faux espoirs de mise à l’abri et une remise en cause des prises en charge déjà accordées.
C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité créer un fichier biométrique, qui permettra de fiabiliser les évaluations et d’orienter de façon définitive les personnes qui se présenteront. Ce fichier sera consultable par les préfectures, à la demande des conseils départementaux. Sa mise en place est prévue pour le 2 janvier 2019.
Le calendrier que je viens d’indiquer sera tenu, bien sûr sous réserve des délais d’élaboration technique de l’outil biométrique. Ce fichier devra par ailleurs être précédé d’un décret en Conseil d’État portant application de l’article 51 de la loi du 10 septembre 2018 déjà citée ; ce décret est lui-même en cours de finalisation.
C’est en tout cas l’une de nos priorités, puisque nous savons que cet outil conditionnera à la fois le temps et les efforts financiers consentis par l’État et par les départements sur ce dossier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour répondre à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Corinne Imbert. Madame la ministre, je sais bien que vous avez pleinement conscience des difficultés auxquelles sont confrontés les départements.
Aujourd’hui, dans le département de la Charente-Maritime, nous voyons arriver ces jeunes d’Espagne – ce n’était pas le cas l’année dernière – avec une facilité déconcertante. Je me permets d’insister sur l’urgence de la situation et je vous remercie de votre réponse très précise, puisque le fichier biométrique pourra être utilisé dès le début de l’année prochaine. Les services d’évaluation des conseils départementaux sont surchargés, ils n’en peuvent plus !
Et que dire quand la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par une cour d’appel aux motifs que celle-ci ne pouvait fonder sa décision sur l’évaluation sociale des services du département pour fonder sa décision ? Les services départementaux sont désabusés !
En Charente-Maritime, je dois dire que nous travaillons très bien avec les services de l’État : un protocole sur les MNA a été signé hier entre le président du conseil départemental et le préfet. C’est une excellente chose.
Madame la ministre, nous prenons acte de ce calendrier. Nous savons tous que le sujet est sensible, car il touche à l’humain, mais il faut en même temps réaliser un véritable travail de fond sur les filières qui, elles, sont loin d’avoir une approche humanitaire ! J’espère que le Gouvernement en a bien conscience.
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’aimerais vous rappeler que, comme le Gouvernement pour répondre, vous disposez désormais de deux minutes trente pour poser votre question. Vous pouvez répondre au Gouvernement s’il vous reste du temps, mais pas au-delà.
vente aux enchères publiques judiciaires par voie électronique
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart, auteur de la question n° 420, transmise à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Michel Vaspart. Madame la garde des sceaux, ma question s’adresse à vous, en l’absence de M. le ministre de l’économie, et porte sur la possibilité de réaliser des ventes aux enchères publiques judiciaires par voie électronique.
Les ventes aux enchères publiques volontaires peuvent, aux termes des articles L. 321-3 et suivants du code de commerce, être réalisées uniquement par voie électronique. Pour les ventes aux enchères publiques judiciaires, les lieux dans lesquels les commissaires-priseurs ou huissiers de justice sont habilités à les organiser sont limitativement énumérés, pour chaque type de vente, par la loi ou le règlement, et la voie électronique n’en fait pas partie. Cela bloque totalement les ventes aux enchères des navires et bateaux de plaisance abandonnés chez des professionnels.
En effet, depuis la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l’économie bleue, aux termes de l’article 54, une vente aux enchères publiques peut être ordonnée par un juge, à l’issue d’un délai d’un an d’abandon.
Ce dispositif n’est malheureusement pas mis en œuvre à ce jour, car la logistique et les coûts d’organisation de ventes publiques physiques sont beaucoup trop importants par rapport à la valeur des navires concernés. Seules des ventes en ligne sont possibles pour ces biens à la taille exceptionnelle. Une ordonnance du tribunal d’instance de Saint-Nazaire du 3 mai 2017 avait ainsi habilité un commissaire-priseur à réaliser par voie électronique la vente aux enchères d’un bateau abandonné, mais celui-ci a refusé d’y procéder, estimant qu’il n’y était pas autorisé par la loi.
Madame la ministre, vous voyez que le flou juridique régnant est préjudiciable, car il paralyse les transactions. Je souhaite que vous puissiez m’indiquer de façon claire et non contestable si les ventes aux enchères judiciaires peuvent être réalisées par voie électronique, ce qui permettrait aux dispositifs d’entrer en vigueur immédiatement. Si tel n’est pas le cas, il me semble urgent d’envisager une évolution législative. Le Gouvernement en a-t-il l’intention ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Michel Vaspart, je ne vous réponds pas en l’absence de M. le ministre de l’économie, car la profession de commissaire-priseur est placée sous ma responsabilité. Cela relève donc pleinement de ma compétence, et c’est à ce titre que je vous réponds.
Vous appelez mon attention sur la vente d’objets mobiliers et de véhicules abandonnés et sur son application aux navires et bateaux de plaisance.
La vente judiciaire aux enchères publiques des engins flottants a été rendue possible par l’article 54 de la loi du 20 juin 2016 pour l’économie bleue, qui vise notamment, vous le rappeliez, à renforcer l’attractivité des ports de commerce et des ports de plaisance.
Vous indiquez que le transport de navires ou de bateaux de plaisance abandonnés, en vue de les vendre aux enchères publiques, est coûteux et dissuade de l’organisation de leurs ventes. Les transactions seraient dès lors facilitées par la possibilité de mettre en vente ces biens via des enchères judiciaires électroniques.
L’article 2 de la loi du 31 décembre 1903 relative à la vente de certains objets abandonnés – cela date évidemment un peu ! – dispose que l’ordonnance du juge qui autorise la vente fixe le jour, l’heure et le lieu de la vente et désigne l’officier public qui procédera à cette vente.
Les ventes judiciaires de meubles aux enchères publiques ne peuvent en l’état aujourd’hui être pratiquées de manière totalement dématérialisée. Ma réponse est claire : ce n’est pas possible aujourd’hui.
Toutefois, j’apporterai deux inflexions à cette réflexion.
D’une part, les officiers publics et ministériels qui sont autorisés à pratiquer ces ventes peuvent avoir recours à des plateformes dématérialisées, soit pour faire la publicité de leurs ventes, soit pour procéder à des ventes filmées, qui seront diffusées en direct via ces plateformes.
D’autre part, une réflexion sur la dématérialisation totale des ventes de meubles aux enchères judiciaires est actuellement engagée au sein de mon ministère, avec l’ensemble des parties prenantes. J’ai en effet confié à Henriette Chaubon et à Édouard de Lamaze un rapport qu’ils doivent me remettre dans une quinzaine de jours sur le sujet des ventes volontaires ; la question que vous posez y sera notamment traitée. J’espère pouvoir être ensuite en mesure de prendre les décisions qui s’imposeront, car la question que vous posez me semble particulièrement judicieuse.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart, pour répondre à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, en vingt-six secondes.
M. Michel Vaspart. Ce sera bien suffisant, madame la présidente ! (Sourires.)
Madame la ministre, je souhaite vous remercier de votre réponse. Je suis satisfait de constater que, sur ce sujet, un travail est en cours au ministère.
funérailles des personnes décédées à l’étranger
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, auteur de la question n° 444, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Éric Bocquet. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur le problème de la crémation des citoyens français décédés à l’étranger, laquelle crée une situation très particulière.
Le rapatriement des corps des ressortissants français décédés à l’étranger se fait en effet dans un cercueil en zinc hermétiquement clos, pour des raisons d’hygiène, de santé publique et de prévention des trafics illicites. Cela découle de l’application de l’arrangement de Berlin et de l’accord de Strasbourg sur le rapatriement des corps.
Or ces cercueils en zinc ne peuvent pas être incinérés, car ils risqueraient d’endommager les équipements des crématoriums. Une incinération impliquerait un changement de cercueil, donc l’ouverture du premier cercueil en zinc. Or, selon le code général des collectivités territoriales, la fermeture du cercueil est définitive, le code pénal prévoyant de lourdes sanctions en cas de changement de cercueil, ce qui constituerait une violation de sépulture.
Les familles se voient ainsi contraintes d’inhumer leur proche décédé, ne pouvant respecter les dernières volontés du défunt, ce qui va à l’encontre d’un droit fondamental, celui du libre choix pour chacun d’organiser ses funérailles.
Seul le procureur de la République peut autoriser une dérogation à cette règle, à titre exceptionnel, en permettant l’ouverture du cercueil.
Cette difficulté juridique a été étudiée par la doctrine, qui préconise de donner la compétence au juge d’instance, qui pourra rendre une décision rapide sur le changement de cercueil et ainsi permettre de procéder aux funérailles du défunt dans les six jours suivant le retour du corps sur le sol français.
Dans le département du Nord, frontalier sur toute sa longueur avec la Belgique, comme pour tous les départements frontaliers, cette situation a d’autant plus de probabilités de se présenter que le flux de travailleurs transfrontaliers est important.
Toutefois, outre les accords bilatéraux qui pourraient être conclus avec les pays frontaliers, la question concerne l’ensemble des Français résidant à l’étranger, dont le nombre, on le sait, est en constante augmentation, sans compter les déplacements touristiques et professionnels de nos concitoyens.
Parallèlement, le développement de la crémation, que les Français sont de plus en plus nombreux à choisir pour leurs obsèques, mériterait qu’une réponse légale soit apportée à cette problématique.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur les solutions législatives qui pourraient être apportées pour faire évoluer la réglementation en la matière et, plus précisément, sur l’attribution de la compétence pour le changement de cercueil.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Éric Bocquet, comme vous l’avez rappelé, les prescriptions techniques applicables aux cercueils utilisés pour le rapatriement des corps des ressortissants français décédés à l’étranger sont issues de l’article 3 de l’arrangement de Berlin de 1937 et de l’article 6 de l’accord de Strasbourg de 1973. Ces deux conventions internationales prévoient l’utilisation d’un cercueil hermétique métallique, plus spécifiquement en zinc.
Vous l’avez souligné, de tels cercueils sont incompatibles avec la plupart des appareils de crémation utilisés en France, alors que l’article R. 2213-20 du code général des collectivités territoriales considère la fermeture d’un cercueil comme définitive après que les formalités légales et réglementaires ont été accomplies. Ainsi, une fois sur le territoire français, la translation d’un cercueil en zinc à un cercueil en bois qui permettrait la crémation n’est pas autorisée, sauf à constituer une violation de sépulture, infraction lourdement sanctionnée par le code pénal.
Si l’attention des services du ministère de l’intérieur est régulièrement appelée sur cette difficulté relative aux cercueils en provenance de l’étranger, ni la compétence du préfet ni celle du maire n’est fondée pour autoriser la réouverture d’un cercueil. Seul le procureur de la République, dans le cadre d’une procédure judiciaire, voire, dans certains cas exceptionnels, le juge d’instance, peut autoriser la réouverture d’un cercueil.
Dans le cas de transports transfrontaliers, les pays signataires de conventions sont libres d’accorder des facilités plus grandes par application d’accords bilatéraux. C’est sur ce fondement que la France et l’Espagne ont, en 2017, signé une convention relative au transport de corps par voie terrestre n’obligeant plus à recourir à un cercueil hermétique métallique.
En collaboration avec le ministère des affaires étrangères et le ministère de la santé, une convention bilatérale est également en cours de finalisation avec la Belgique. L’enjeu principal de la signature de l’accord franco-belge est également le transport de corps par voie terrestre n’obligeant plus à recourir à un cercueil hermétique métallique.
Cela représente une grande avancée, puisque ces accords permettront de satisfaire les dernières volontés des défunts et, pour les familles, de réduire les coûts associés aux funérailles.
Par ailleurs, le Conseil national des opérations funéraires a été saisi de ce sujet et des études juridiques ont été engagées quant à l’évolution possible des textes en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour répondre à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, en dix secondes !
M. Éric Bocquet. Monsieur le secrétaire d’État, je prends acte des éléments de réponse que vous m’avez apportés et vous en remercie.
avenir des sapeurs-pompiers volontaires
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin, auteur de la question n° 449, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Cédric Perrin. Ma question s’adresse effectivement au ministre de l’intérieur…
Monsieur le secrétaire d’État, le 29 septembre dernier, à Bourg-en-Bresse, un engagement de Gérard Collomb était salué par les applaudissements nourris des sapeurs-pompiers réunis pour leur congrès annuel. Le ministre de l’intérieur d’alors venait de confirmer le changement urgent de la directive de 2003, dite DETT. Il voulait « assurer la pérennité du statut de sapeur-pompier volontaire ».
Quelques jours plus tôt, mes collègues Catherine Troendlé et Olivier Cigolotti adressaient au président de la Commission européenne une motion appelant à préserver l’engagement volontaire des sapeurs-pompiers et à rejeter par conséquent la reconnaissance des volontaires en tant que « travailleurs » au sens de cette fameuse directive.
Nous sommes 252 sénateurs à avoir cosigné cette motion. L’ampleur de la mobilisation témoigne de la gravité des risques courus. Assimiler le sapeur-pompier volontaire à un travailleur, c’est remettre en cause la pérennité de notre système de secours dans son ensemble.
C’est pourquoi je vous demande quelles solutions concrètes le Gouvernement entend mettre en œuvre pour traduire la promesse du précédent ministre de l’intérieur et préserver ainsi le volontariat du sapeur-pompier.
Conformément à la demande formulée par notre assemblée, le nouveau ministre de l’intérieur plaidera-t-il auprès des instances européennes en faveur d’une directive spécifique aux forces de sécurité et de secours d’urgence ? Où en êtes-vous des négociations ? Quel calendrier est prévu ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Cédric Perrin, la sécurité civile française repose sur un modèle qui montre chaque jour sa pertinence et sa robustesse, je vous remercie de l’avoir rappelé. Par son organisation et son implantation territoriale cohérente, notre modèle permet aussi bien de faire face aux accidents du quotidien que d’affronter les crises exceptionnelles. Ce modèle, garant de la pérennité de la mission des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, doit être conforté.
Dans son arrêt du 21 février 2018, la Cour de justice de l’Union européenne souligne que les États membres ne peuvent déroger, à l’égard de certaines catégories de sapeurs-pompiers recrutés par les services publics d’incendie, aux obligations découlant de la directive du 4 novembre 2003. Pour rappel, cette dernière concerne certains aspects de l’aménagement du temps de travail et des périodes de repos.
La CJUE ajoute que le temps de garde qu’un travailleur est contraint de passer à domicile avec l’obligation de répondre aux appels de son employeur dans un délai de huit minutes doit être considéré comme du temps de travail. Elle rappelle que le facteur déterminant pour la qualification de temps de travail, au sens de la directive, est le fait que le travailleur est contraint d’être physiquement présent sur le lieu déterminé par l’employeur et de s’y tenir à la disposition de ce dernier.
Je suis très attentif aux conséquences potentielles de l’application en France de cette jurisprudence, s’agissant notamment du risque de désorganisation et du surcoût potentiel induit pour les services d’incendie et de secours. C’est pourquoi l’étude des impacts réels pour les services d’incendie et de secours est en cours par les services compétents du ministère de l’intérieur, en lien avec le secrétariat général aux affaires européennes.
Le rapport de la mission Volontariat, remis le 23 mai dernier, suggère d’exempter le volontariat de toute application de la directive du 4 novembre 2003.
En effet, je ne peux accepter une remise en cause de notre modèle, qui repose sur l’engagement de femmes et d’hommes, sapeurs-pompiers volontaires. Afin de pérenniser et de sécuriser juridiquement les principes à la base de l’organisation nationale du volontariat, nous allons dans les prochaines semaines proposer une initiative européenne de nature à garantir que les volontaires puissent continuer à concilier librement leur engagement et leur activité professionnelle.
C’est avec détermination que le Président de la République et le Gouvernement continueront à valoriser notre modèle de sécurité civile et, avec lui, le volontariat, et à en faire une vitrine et une référence dans les coopérations européenne et internationale conduites par la France.