Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 432, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Olivier Paccaud. Monsieur le ministre, l’enseignement est une vocation pour la plupart de ceux qui s’investissent auprès des enfants afin de leur transmettre le savoir, leur offrir ce bien inestimable qui ne s’achète pas et constitue autant d’acquis fondamentaux qu’ils enrichiront tout au long de leur vie.
Ce travail est, certes, un trésor, comme l’écrivait La Fontaine, mais la satisfaction d’encourager et d’élever intellectuellement, au sens propre, les nouvelles générations ne constitue pas une récompense suffisante pour les enseignants. Encore faut-il que ceux-ci soient rémunérés à la juste valeur de leur mission.
Aujourd’hui, l’éducation nationale manque de professeurs. Le recrutement se heurte parfois au faible nombre de candidats, sans oublier le chiffre non négligeable de démissions. La faiblesse de la reconnaissance du métier d’enseignant explique, en partie, cette désaffection, mais pas seulement. L’aspect salarial ne doit ainsi pas être minoré. Il suffit de comparer les grilles salariales des enseignants français avec celles de leurs collègues des pays voisins.
En moyenne, un enseignant français gagne évidemment plus qu’un Croate, un Roumain ou un Italien, mais il perçoit trois fois moins qu’un Luxembourgeois, presque moitié moins qu’un Allemand, 25 % de moins qu’un Finlandais ou un Hollandais, encore moins qu’un Irlandais, un Espagnol ou un Britannique.
Depuis quelques années, des efforts de revalorisation ont été faits, notamment en début de carrière. Votre annonce d’augmenter les nouvelles recrues jusqu’à 1 000 euros par an est une excellente nouvelle. Mais il est certain que les perspectives de progression ne sont guère engageantes pour les futurs enseignants. Quand on sait qu’un professeur des écoles avec vingt ans d’ancienneté et un niveau bac+5 ne touche que 2 200 euros par mois, on comprend mieux la désaffection pour la carrière d’enseignant.
Si des efforts ont été réalisés en début de carrière, comptez-vous, monsieur le ministre, mettre en place un véritable plan, une véritable politique de rattrapage salarial, indispensable pour rendre ce noble métier de nouveau attractif ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Olivier Paccaud, vous posez une question évidemment très importante, au cœur des politiques que j’ai à mener. La revalorisation du métier d’enseignant et son attractivité, qui englobent la question salariale, mais ne s’y résument pas, constituent deux chantiers prioritaires que je me suis fixés.
Cela se traduit par la rénovation et la revalorisation de l’ensemble des grilles indiciaires des professeurs engagées depuis septembre 2017, dans le cadre de la mise en œuvre, d’une part, de ce que l’on appelle le PPCR, parcours professionnels, carrières et rémunérations, ainsi que, d’autre part, de façon plus générale, d’une politique de pouvoir d’achat au service de nos professeurs.
Les stagiaires entrent ainsi dans la carrière avec un salaire progressivement revalorisé. Je vous remercie d’avoir noté l’engagement pris d’une augmentation de plus de 1 000 euros par an de leur rémunération. C’est évidemment un progrès important, parce que ce sont notamment les débuts de carrière qui sont faiblement rémunérés aujourd’hui, comme le montrent les comparaisons internationales.
De même, un professeur des écoles pourra terminer sa carrière hors échelle A, soit avec une rémunération de base comprise entre 50 000 euros et 54 600 euros bruts par an. Sur l’ensemble d’une carrière terminée à ce niveau, un enseignant aura perçu entre 45 000 euros et 60 000 euros bruts de plus qu’auparavant. Il y a donc très clairement une augmentation programmée du pouvoir d’achat.
C’est aussi le sens de nos choix budgétaires. Vous le savez, la hausse de notre budget, non corrélée à une augmentation de postes, nous permet justement de mener une telle politique de pouvoir d’achat.
Renforcer l’attractivité des métiers, c’est aussi offrir de nouvelles perspectives de carrière. La création d’un troisième grade, la classe exceptionnelle, participe de cette évolution.
En outre, s’agissant des professeurs des écoles, le nombre des promotions dans cette hors classe augmente progressivement dans un objectif de convergence avec les professeurs du second degré, alors que la différence est actuellement de 17 %. Ainsi, le taux de promotion est fixé à 13,2 % au titre de l’année 2018 et sera établi à 15,1 % au titre de l’année 2019. Dans le contexte de priorité accordée à l’école primaire, cet effort de convergence entre le premier et le second degré contribue à réduire les écarts de rémunération et à accroître l’attractivité du corps.
En réalité, les premiers effets se mesurent déjà, comme l’indiquent les données du concours de recrutement des professeurs des écoles : le nombre d’inscrits est en effet en augmentation de près de 7 % entre 2016 et 2018. Nous devons nous féliciter de la progression de tels indices d’attractivité.
Renforcer l’attractivité du métier de professeur, c’est également, au-delà de la reconnaissance financière, œuvrer en amont pour susciter de nouvelles vocations. C’est tout le sens du dispositif de préprofessionnalisation en vue de prérecruter, que je présenterai dans le cadre du projet de loi pour une école de la confiance, qui sera examiné au début de l’année prochaine.
Votre question, monsieur le sénateur, est aussi l’occasion pour moi de souligner l’esprit de confiance dans lequel je travaille avec l’ensemble des personnels de l’éducation nationale. C’est ce message qu’il faut leur adresser, dans ces jours où l’actualité soulève d’autres problèmes. Il est important de le répéter, sérénité et confiance sont les deux maîtres mots que je prononce depuis que je suis arrivé au ministère.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour répondre à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. En vingt-deux secondes !
M. Olivier Paccaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. J’ai notamment bien noté que vous étiez conscient de la problématique de la divergence entre les professeurs des écoles et ceux du second degré. Les premiers ne bénéficient pas de la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires. Pour toutes les réunions qu’ils ont en plus, ils n’ont pas les mêmes avantages. Je donnerai un exemple très précis : les évaluations qu’ils ont dû organiser ces derniers jours leur ont pris énormément de temps, particulièrement pour entrer les données dans les logiciels dédiés, mais ne seront pas rémunérées, ce qui est un réel problème.
substances indésirables dans les fournitures scolaires
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la question n° 440, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, quelques semaines après la rentrée scolaire, ma question porte sur les substances indésirables que l’on retrouve dans tout un panel de fournitures scolaires.
Interpellée par plusieurs habitants de mon département et m’appuyant sur l’enquête menée par une association de consommateurs, je tiens à mettre en lumière ces révélations, qui sont alarmantes. En effet, nous notons la présence de perturbateurs endocriniens, de composés cancérogènes, toxiques ou allergisants dans cinquante-deux articles de fournitures scolaires couramment trouvés dans le cartable des écoliers : stylos à bille, cartouches d’encre, crayons de papier et de couleur, marqueurs effaçables, colles en stick et à paillettes, stylos et feutres parfumés. De ce point de vue, monsieur le ministre, le bulletin de notes n’est pas très brillant. Ce test, réalisé en 2016, a été remis en exergue lors de la dernière rentrée scolaire, d’où le dépôt de ma question.
Sur ces cinquante-deux produits testés, dix-neuf, soit plus du tiers de l’échantillon, contiennent des composés inquiétants : des phtalates perturbateurs endocriniens dans des crayons à papier et de couleur, du formaldéhyde irritant dans un stick de colle, des impuretés cancérogènes, des conservateurs ou des parfums allergisants dans des encres. Voilà autant de substances nocives susceptibles de se retrouver dans l’estomac des enfants, qui mordillent, pour utiliser un terme familier, leur matériel, ou de traverser la peau à leur contact.
Monsieur le ministre, les parents sont inquiets. La situation réglementaire relative aux fournitures scolaires est assez vague, en l’absence de textes spécifiques, comme il en existe pour les jouets ou les tétines.
Face à ces constats, l’association de consommateurs susvisée avait demandé au Gouvernement ainsi qu’à la Commission européenne de renforcer la réglementation communautaire, en définissant des obligations applicables aux fournitures scolaires, prenant en compte la sensibilité des jeunes consommateurs.
Je vous demande de bien vouloir me préciser les intentions du Gouvernement dans ce dossier. Existe-t-il, à ce jour, des démarches européennes engagées en la matière ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Françoise Férat, je vous remercie de cette question portant sur un sujet de santé très important. Dans le cadre de la promotion de la santé, le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse a en effet pris en compte la problématique de l’impact de la dégradation de l’environnement sur la santé humaine et applique notamment le plan national santé-environnement, le PNSE, dont la quatrième édition est en cours d’élaboration pour 2019 et pour lequel nous pouvons prendre en considération les éléments figurant dans votre question. Ce plan est articulé avec les autres démarches structurantes des politiques en faveur de la santé et de l’environnement.
En la matière, la réponse publique a pour objectif de réduire les expositions de la population aux substances suspectées d’avoir un effet nocif sur la santé humaine, comme les perturbateurs endocriniens.
Le ministère suit ainsi, avec les différents partenaires institutionnels et associatifs, les expérimentations menées dans les territoires, afin de mettre à la disposition de toute la communauté éducative, des parents en particulier, les informations qui auront été étayées par des expertises scientifiques conduites avec rigueur. À cette fin, une page dédiée a été créée sur le site Éduscol pour tous les professionnels de l’éducation et fait l’objet de mises à jour régulières.
Avec notamment l’appui de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur, l’OQAI, le ministère est particulièrement vigilant au sujet des fournitures scolaires et suit, de façon globale, les actions menées dans les territoires sur ces problématiques.
C’est pour cela que, à cette rentrée, le site internet Éduscol du ministère renvoie vers les informations établies par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, qui travaille avec des associations proposant des conseils pour un achat raisonné et maîtrisé de fournitures scolaires respectueuses de l’environnement et de la santé des élèves.
À titre d’exemple, le site Mon cartable sain et durable est un mécanisme de sensibilisation et d’information proposé par l’ADEME et le conseil départemental de la Gironde. Il permet aux parents, enseignants et collectivités de faire leurs achats de manière éclairée. Il s’inscrit plus largement dans un dispositif que nous animons avec le ministère de la transition écologique et solidaire depuis 2005 : l’inter-réseaux national Commande publique et développement durable, qui appuie les acheteurs publics dans l’intégration des enjeux de développement durable à leurs achats.
Ces conseils complètent la fiche publiée le 3 juillet dernier sur le site du ministère, afin de donner le cadre d’une liste de fournitures scolaires raisonnable, en quantité d’articles et en coût. Je tiens en effet à relier les enjeux de qualité, que vous venez d’indiquer, monsieur le sénateur, avec les préoccupations en termes de pouvoir d’achat relatives à l’achat de telles fournitures.
Le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse participe à différents groupes de travail interministériel, afin d’avoir une vision d’ensemble de ces problématiques multiformes. Ainsi, il contribue à la nouvelle stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, ou SNPE2, qui a défini, comme l’une de ses priorités, d’harmoniser la réglementation européenne s’appliquant aux objets du quotidien, comme les manuels ou les fournitures scolaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, pour répondre à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Vous disposez de vingt-cinq secondes, ma chère collègue !
Mme Françoise Férat. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse. Vous l’avez compris, ce sujet fait partie de ceux qui nous conduisent au quotidien à nous interroger, mais qui sont encore plus sensibles lorsqu’ils touchent aux enfants. S’il convient de ne pas être trop alarmiste, il faut tout de même y apporter des réponses vraies, concrètes et rapides. Or vous ne me communiquez que des éléments d’information, certes intéressants, auxquels de nombreuses familles sont particulièrement sensibilisées, par le biais notamment d’internet. Nous devrons continuer, ensemble, à être vigilants sur les résultats attendus.
mise en place de concertations avec les élus sur la question de l’avenir des classes
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 394, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Henri Cabanel. Ma question porte sur les procédures de décision de fermeture, de maintien ou d’ouverture de classes en milieu rural.
Concernant les fermetures de classes, les informations faites en amont suscitent très souvent une légitime inquiétude. Les conséquences de telles fermetures sont souvent lourdes. En milieu rural en particulier, elles peuvent conduire les parents à envisager des temps de parcours beaucoup plus longs pour leurs enfants.
Les parents, les élus et les personnels sont rarement sans se mobiliser lorsqu’une fermeture est envisagée. Parfois, il s’agit de faire évoluer les critères, quelquefois de contester le fait qu’ils s’appliquent bien à la situation en cause. Dans ce dernier cas, il arrive que la décision finale infirme les informations initiales, pour le plus grand bonheur de tous.
Pour autant, des angoisses ont été vécues. Le soulagement n’efface pas toujours le sentiment d’avoir une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la classe ou de l’école. Ce sentiment alimente également celui de la défiance contre l’État, que les démagogues ne manquent jamais d’attiser.
J’ai donc une proposition à formuler. Il serait beaucoup plus productif que les services de l’État sollicitent les mairies en amont, c’est-à-dire sur une échéance de plusieurs années, pour connaître leur appréciation, circonstanciée, des évolutions démographiques à venir et discuter de la crédibilité de cette appréciation avec elles avant de parler de fermeture de classe. Envisagez-vous d’aller dans ce sens, monsieur le ministre ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Henri Cabanel, je suis en profond accord avec ce que vous venez de dire. La méthode que nous utilisons depuis de nombreuses années, en réalité des décennies, est perfectible, notamment du fait de son annualité et de sa conception même. Elle aboutit à tous les phénomènes que vous avez parfaitement décrits et son processus est parfois totalement inutile, puisque, vous l’avez dit, il arrive que de fausses mauvaises nouvelles soient annoncées avant d’être infirmées, ce qui excite les esprits inutilement.
Pour autant, la méthode actuelle est très sérieuse : elle repose sur les données de l’INSEE, et les inspecteurs d’académie font un travail extrêmement rigoureux, qui aboutit à des décisions à chaque fois très justifiées et rationnelles.
Depuis mon entrée en fonction, j’ai donné comme consigne d’allier esprits de géométrie et de finesse, notamment lorsqu’il s’agit de fermer une école. Je fais d’ailleurs une distinction entre la fermeture d’une classe et celle d’une école : la première obéit à des logiques démographiques assez nettes et transparentes, tandis que la seconde renvoie à des réalités beaucoup plus complexes.
En tout état de cause, nous disposons maintenant d’outils qui nous permettent de faire évoluer les choses.
Je pense notamment aux conventions ruralité, qui ont été enclenchées en deux temps par le sénateur Alain Duran sous le précédent quinquennat. J’ai confirmé sa mission, qui arrive maintenant à son terme et qui va être renouvelée sous une autre forme. Nous avons déjà signé de telles conventions avec cinquante départements et notre objectif est de le faire avec l’ensemble des soixante-six départements ruraux.
Au-delà de cette signature, nous voulons construire une véritable stratégie, en approfondissant les conventions sur le plan qualitatif. C’est dans ce cadre que nous souhaitons développer une vision pluriannuelle, comme vous le réclamez. Il ne s’agit pas seulement de se poser la question de la fermeture ou de l’ouverture de classes ou d’écoles, mais de mettre en marche des méthodes permettant de rendre le territoire attractif. Cela peut passer ou non par des regroupements, mais en tout cas, seules la discussion et l’élaboration d’une vision stratégique partagée peuvent aboutir à ce résultat.
En outre, j’ai lancé, il y a trois semaines, une mission intitulée Inégalités et territoires, qui est placée sous la responsabilité de Mme Azéma et M. Mathiot. Cette mission, qui doit rendre ses conclusions dans quelques mois, nous permettra d’avoir une vision renouvelée de l’éducation prioritaire pour tous les territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux. Elle s’attachera à travailler sur les enjeux liés aux écoles rurales, de façon à prendre en compte, là aussi, les particularités du monde rural et à contribuer au renouveau démographique dont nous avons besoin dans ces territoires.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour répondre à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, en une minute.
M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre, le milieu rural est hétérogène, certaines communes sont très paupérisées – c’est le cas dans mon département, l’Hérault. Dans ces situations, l’école constitue un service public essentiel. Il faudrait donc faire davantage de cas par cas, comme vous l’avez indiqué. Je salue d’ailleurs l’excellent travail réalisé par mon collègue Alain Duran sur ce sujet.
Votre gouvernement a fait voter une loi intitulée pour un État au service d’une société de confiance, qui devait nous permettre de nous appuyer plus sur le dialogue que sur le contrôle. C’est ce que j’avais compris en tout cas… Il faut se servir de cette loi pour discuter davantage avec les maires ruraux et les élus locaux, qui sont parfois démunis face à une population très en colère.
Je discutais récemment avec la maire d’une commune rurale et elle me disait que les élus de ces communes sont un amortisseur social, ce qui est tout à fait juste. Il faut en prendre conscience et, au-delà de critères comptables, il est essentiel de regarder la situation réelle des territoires, afin que l’ensemble des parties prenantes – administration, élus locaux, parents – prenne la bonne décision dans l’intérêt général.
harmonisation de la couverture en fibre optique
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 426, transmise à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Jean-Pierre Vial. Depuis bientôt quinze ans, la couverture numérique du territoire est un enjeu de tous les gouvernements pour mettre la France à la hauteur des infrastructures nécessaires à la société numérique et éviter un décrochage et un handicap de plus en plus fort des territoires ruraux.
Une fois encore, la réalité met à l’épreuve les ambitions affichées ! Alors que la France s’est battue pendant des années à Bruxelles pour faire reconnaître le principe de l’exception française dite du timbre-poste, qui permet de mutualiser le coût d’un service par la contribution de tous, elle a décidé d’y déroger elle-même, sous la sollicitation – il est vrai – des opérateurs.
Ainsi, les opérateurs et fournisseurs de services numériques ont préempté les zones urbaines les plus densément peuplées, constituant les zones dites AMII, qui sont tout simplement les principales agglomérations, soit, pour la Savoie, Chambéry, Aix-les-Bains et Albertville.
Force est de constater que les collectivités, malgré la complexité, la lourdeur et les difficultés politiques et administratives, se réforment plus vite que la prétendue révolution numérique.
Aujourd’hui, des communes rurales ont été contraintes ou se sont vu imposer de se regrouper avec des agglomérations, en perdant de ce fait les avantages consentis aux territoires ruraux.
Depuis, lors de la conférence des territoires, le Gouvernement a annoncé la création du dispositif AMEL, qui vise à accélérer la couverture en fibre optique des territoires ruraux.
La moindre des cohérences est d’éviter, quel que soit l’opérateur ou la zone – AMII ou AMEL –, une fracture supplémentaire au sein d’une même collectivité, en l’espèce pour la Savoie les territoires de Chautagne, de l’Albanais, des Bauges, du Beaufortain et du Val d’Arly, au regard de leur collectivité de rattachement : Grand Lac, Grand Chambéry et Arlysère.
Dans son rôle de garant de l’aménagement du territoire et de gardien de l’égalité de tous devant les services et politiques publics, l’État se doit d’agir pour qu’il y ait une identité dans les services effectivement rendus et dans le calendrier, afin d’assurer une réelle cohésion territoriale en matière d’infrastructure numérique, en imposant aux opérateurs une desserte cohérente des zones AMII, dans le respect des limites territoriales des collectivités.
Je souhaite connaître les engagements du Gouvernement pour mettre en œuvre ces objectifs.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Vial, la couverture numérique de l’ensemble de nos territoires constitue une priorité du Gouvernement. Avoir accès au très haut débit ou à une couverture mobile de qualité est un enjeu majeur pour l’attractivité des territoires et pour la lutte contre les fractures territoriales. C’est pourquoi nous cherchons à accélérer le déploiement du très haut débit, en nous appuyant sur l’initiative privée comme sur l’initiative publique.
Concernant les zones d’initiative privée, les opérateurs Orange et SFR avaient pris des engagements volontaires de déploiement de la fibre optique jusqu’à l’abonné sur environ 3 600 communes, comportant environ treize millions de locaux.
Dans votre département, monsieur le sénateur, ce sont 42 communes qui bénéficieront d’ici à 2020 d’un déploiement par l’opérateur Orange d’un réseau de fibre à l’abonné, entièrement mutualisé, permettant à tous les foyers et entreprises savoyards d’avoir accès au très haut débit.
Concernant les zones d’initiative publique, l’État confirme son soutien aux collectivités territoriales et a sécurisé une enveloppe de 3,3 milliards d’euros. Cette enveloppe a notamment permis de soutenir les projets portés par les collectivités territoriales pour le déploiement de plus de onze millions de prises en fibre optique.
En complément, pour les zones où les projets publics ne couvraient pas l’ensemble des locaux, certaines collectivités ont fait le choix de chercher des investissements privés complémentaires – c’est le dispositif dit AMEL.
Le cas de la Savoie est à cet égard unique, car le département a choisi de résilier sa première délégation de service public pour bénéficier de meilleures conditions de déploiement et de faire appel au secteur privé en dehors des zones d’initiative privée. Les discussions entre les opérateurs et le département sont en cours et concernent notamment 63 communes des trois établissements publics de coopération intercommunale que vous avez mentionnés.
Par souci de cohérence avec la zone d’initiative privée, le Gouvernement n’acceptera pas d’engagements des opérateurs privés en dehors du cadre légal.
Avec le dispositif AMEL, nous avons ainsi enrichi la boîte à outils des collectivités territoriales, afin de leur permettre d’accélérer la couverture numérique de leur territoire, en cherchant la meilleure équation économique entre investissements publics et privés et en veillant à garantir une cohérence entre les territoires en matière d’offres et de technologie.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour répondre à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Vous disposez de trente secondes, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le ministre, je constate que vous êtes quelqu’un de pluridisciplinaire…
En tout cas, je ne peux évidemment pas vous faire le reproche d’une réponse qui ne correspond pas tout à fait à la réalité : le département de la Savoie n’a pas choisi de mettre un terme à la délégation de service public, il y a été contraint.
J’entends bien les grands discours, qui s’appuient sur des considérations très générales, certes louables, mais en pratique, la question est simple : certains territoires ruraux sont pénalisés, quand ils doivent se regrouper avec de grandes agglomérations. Dans ces cas-là, la moindre des choses est d’obtenir la même qualité de service que les autres collectivités. J’espère que le Gouvernement veillera effectivement, dans le cadre de ses relations avec les opérateurs, à ce nécessaire respect de l’égalité des territoires.
situation financière des collectivités territoriales
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, auteur de la question n° 370, transmise à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Alain Marc. La suppression de la taxe d’habitation impose une compensation nécessaire s’élevant à plus de 26 milliards d’euros à l’horizon 2020, dont 10 milliards ne sont pas encore financés à ce jour.
Nombreux sont les élus qui s’inquiètent des conséquences prévisibles de cette mesure sur la capacité des petites communes rurales de continuer à assurer leurs missions de service public de proximité, missions pourtant essentielles à la population – je pense notamment aux écoles. Ces territoires ruraux souffrent déjà d’une baisse importante des dotations de l’État depuis de nombreuses années, ainsi que du déséquilibre des mécanismes de dotations, puisque la dotation globale de fonctionnement, DGF, des communes rurales est, par habitant, deux fois inférieure à celle des communes urbaines.
Face aux contraintes financières et budgétaires qui se renforcent, les petites communes éprouvent sans cesse davantage de difficultés à soutenir le tissu économique local, lui aussi fortement affaibli et durement affecté par la désertification croissante des territoires ruraux. Couvrant les deux tiers de notre territoire et représentant 22 millions d’habitants, les communes rurales ne peuvent pas être abandonnées.
Dans ce contexte, la campagne de stigmatisation lancée contre les maires par des groupes se réclamant du parti majoritaire autour du #BalanceTonMaire est vécue par tous les élus comme une insulte que rien ne peut justifier. En effet, 85 % des communes n’ont pas augmenté leur taux de taxe d’habitation ; celles qui l’ont fait n’ont été motivées que par la recherche des financements nécessaires à l’accomplissement de leurs missions dans un contexte de baisse de leurs moyens. Elles l’ont fait dans le cadre des responsabilités qui leur sont confiées par la loi et qui participent de la libre administration des collectivités locales garantie par la Constitution.
Je regrette que l’État vienne aggraver la crise de confiance avec les territoires et s’isole un peu plus des acteurs publics locaux, dont il a pourtant besoin pour porter les politiques publiques.
Monsieur le ministre, je vous demande donc de m’indiquer les mesures que le Gouvernement envisage de prendre, afin de soutenir les communes rurales et de préserver leurs capacités d’investissement.