M. Philippe Dallier. Eh oui !
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. Il est inenvisageable que le Gouvernement revienne sur les engagements pris concernant la ressource DETR. Ce que les territoires attendent, ce sont des moyens supplémentaires pour les accompagner, et non des tours de passe-passe à périmètre budgétaire constant. Lorsque l’on donne d’une main et que l’on reprend de l’autre, cela finit toujours par se voir. (MM. Philippe Dallier et Roger Karoutchi le confirment.) Les élus ne sont pas dupes, vous en savez quelque chose !
Ces remarques formulées, je souhaite vous présenter la logique du texte adopté par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui s’organise autour de quatre objectifs principaux.
Premièrement, la commission a souhaité renforcer le rôle des élus locaux et nationaux, en améliorant la gouvernance nationale et locale de l’agence. La composition du conseil d’administration a été revue et un comité local de la cohésion territoriale institué.
Deuxièmement, la commission a souligné la nécessité, pour l’agence, de s’intéresser aux territoires les plus en difficulté. L’agence ne doit pas s’adresser aux grandes métropoles disposant de capacités techniques importantes. Elle doit servir en priorité les territoires ruraux et périurbains, qui souffrent d’un abandon reconnu.
Troisièmement, la commission a souhaité assurer dans les meilleures conditions l’intégration de l’Agence du numérique, en sécurisant la période de transition. Sur ce sujet, qui a suscité de nombreuses inquiétudes, dans des délais très contraints, la commission a proposé une première solution, qui pourra encore faire l’objet d’ajustements quand nous l’aborderons, à l’article 2. Au-delà, la commission a également ouvert la voie à un regroupement futur d’autres établissements publics au sein de l’agence.
S’agissant des questions de structure, gardons-nous des postures et ayons en tête l’intérêt, pour les territoires, de s’adresser à un interlocuteur unique, dans un souci de bonne utilisation des deniers publics et d’efficacité de l’action publique.
Enfin, sans dénaturer le travail effectué par notre collègue Jean-Claude Requier, que je salue, la commission a souhaité procéder à la codification des dispositions relatives à l’agence au sein du code général des collectivités territoriales, pour des motifs de clarté et d’intelligibilité du droit.
Avant de conclure, je veux apporter une précision sur le rôle de l’agence : l’ANCT ne sera pas un passage obligé pour les collectivités, pour ne pas affaiblir leur autonomie. Il s’agit d’un outil à la disposition des territoires. Son succès dépendra de l’efficacité de son action, de la rapidité de traitement des dossiers portés par les collectivités territoriales et de l’association des élus et des citoyens à ses interventions.
Le déploiement de la fibre optique, l’amélioration de la couverture mobile, la restructuration commerciale et artisanale de nos bourgs, la transition écologique, le renforcement territorial de l’accès aux soins sont aujourd’hui au cœur des préoccupations de nos concitoyens, tout comme la rénovation de l’habitat.
Voilà, en substance, ce que je souhaitais vous dire, mes chers collègues, préalablement aux discussions de fond.
Le vote des deux textes que nous examinons ne doit pas être conçu comme un blanc-seing donné au Gouvernement : il s’agit d’une première étape. Pour la suite, nous devrons, évidemment, rester très vigilants. Les territoires les plus fragiles doivent être entendus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur, monsieur l’auteur de la proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, trois semaines après ma prise de fonctions au ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, je suis particulièrement heureuse d’être présente devant la Haute Assemblée pour examiner la proposition de loi portant création d’une agence nationale de la cohésion des territoires, déposée par le groupe du RDSE. Je tiens dès à présent à saluer le président de ce groupe, le sénateur Jean-Claude Requier, pour cette initiative naturellement bienvenue.
Comme vous le savez, ce texte a, par la suite, été utilement complété, sur son initiative et sur celle du président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, M. Hervé Maurey, par une proposition de loi organique disposant que le directeur général de l’ANCT est nommé par décret après avis des commissions parlementaires compétentes, ce à quoi le Gouvernement ne peut être que favorable.
La proposition de loi portant création de l’ANCT est un texte essentiel pour les territoires, leurs élus et, bien sûr, pour l’État. C’est la raison pour laquelle j’ai évidemment souhaité répondre, la semaine dernière, à l’invitation de la commission et je me réjouis d’être présente parmi vous aujourd’hui. Je tiens toutefois à vous préciser dès à présent que je devrai m’absenter durant une heure en fin de matinée, en raison d’une obligation. Sébastien Lecornu me remplacera pendant ce court intervalle et je serai naturellement de retour à la reprise des travaux cet après-midi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai eu l’occasion d’expliquer en commission, la semaine dernière, et je tiens à le rappeler devant vous aujourd'hui, que la création d’une agence nationale de la cohésion des territoires, annoncée par le Président de la République en juillet 2017, constitue une réponse à une demande formulée par les représentants d’élus, en particulier par François Baroin, président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, l’AMF, qui souhaitaient une simplification dans le paysage des opérateurs de l’État intervenant au profit des territoires.
Des initiatives législatives, d’origine parlementaire – souvent sénatoriale, d'ailleurs – et gouvernementale – M. le rapporteur les a rappelés –, ont démontré la volonté, partagée par les parlementaires de toutes les sensibilités, de concrétiser cette annonce.
À cet égard, la présente proposition de loi constitue un nouveau vecteur. Le Gouvernement lui apporte son entier soutien.
Des améliorations ont d’ores et déjà été apportées, tout en préservant les équilibres fondamentaux du texte, que vous avez notamment enrichi à la lumière de l’avis du Conseil d’État, sollicité fort opportunément par le président Gérard Larcher.
Toutefois, je suis consciente que la création de l’ANCT peut encore susciter un certain nombre d’interrogations – les interventions s’en sont fait l’écho – et parfois même des craintes ou des erreurs de compréhension.
C’est pourquoi je tiens dès à présent à dissiper certains malentendus et à vous apporter des précisions sur la méthode, car la création de cette agence traduit avant tout un profond changement de méthodologie de l’État au profit des territoires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez que, pendant très longtemps, le Gouvernement lançait des appels à projets, auxquels les territoires répondaient. Bien évidemment, je n’ai pas besoin de vous rappeler que, de manière générale, c’étaient toujours les mêmes territoires qui répondaient à ces appels, à savoir ceux qui disposaient de moyens techniques et financiers.
Aujourd’hui, nous voulons changer de méthode. Nous voulons créer une agence nationale de la cohésion des territoires pour répondre aux besoins des territoires et accompagner ceux-ci dans leurs projets, qu’il s’agisse de la redynamisation d’un centre-ville, de rénovation urbaine, ou encore de couverture mobile et numérique. On le sait, un certain nombre de collectivités ou de territoires ne disposent pas, en interne, des capacités techniques et financières pour monter et réaliser leurs projets.
Autre problème, lorsque les collectivités et parfois même les préfets sollicitent l’appui des services et opérateurs de l’État, que vous connaissez tous – l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU ; l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH ; l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l’EPARECA ; l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME ; l’Agence du numérique ; le Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET… –, ils sont confrontés à un certain maquis administratif, qui les contraint à « faire la tournée » de ces opérateurs, qui, nous le savons, interviennent aujourd’hui de manière insuffisamment coordonnée, selon une approche individuelle et insuffisamment adaptée à chaque territoire. De fait, les élus nous font savoir qu’ils perdent beaucoup de temps et dépensent beaucoup d’énergie, parfois inutilement, quand une meilleure lisibilité et une réelle coordination – je vais revenir sur cette dernière – permettraient d’avancer plus sereinement et plus rapidement pour concrétiser les projets portés par les territoires.
C’est pourquoi nous avons besoin aujourd’hui, et ce sont les élus de terrain qui le disent, d’un outil de coordination des opérateurs de l’État qui soit, en réalité, un guichet unique – l’expression a été utilisée par M. le rapporteur – vers lequel les élus puissent se tourner pour réaliser leurs projets.
L’agence nationale de la cohésion des territoires aura donc pour mission de coordonner les divers opérateurs existants, qu’il s’agisse, d'ailleurs, des opérateurs de l’État, de ceux des collectivités territoriales, ou encore des opérateurs privés. Il faut bien sûr aussi, pour cela, que l’État lui-même fonctionne comme un opérateur.
L’un d’entre vous a déclaré ce matin que l’État voulait être un « assemblier ». Le terme me paraît exact.
Je tiens à apporter une précision : au plan local, c’est le préfet qui sera le délégué territorial de l’agence. Il s’agit là d’un point essentiel, sur lequel je souhaite m’arrêter quelques instants.
Concrètement, cela signifie qu’un élu portant un projet se tournera vers le préfet, lequel mobilisera les services de l’État au service de ce projet. Il n'y aura donc pas, dans les territoires, de nouvelles officines, d’antennes déconcentrées ou que sais-je encore, contrairement à ce que j’ai pu entendre. Il n'y aura pas de bâtiment portant l’enseigne de l’agence nationale de la cohésion des territoires. Le préfet sera le représentant unique de l’agence pour les élus locaux porteurs de projets et aura pour mission de fédérer les actions de l’État autour de ces projets.
Cela me semble assez simple et me permet de faire le lien avec une autre question récurrente : qui sont ces élus locaux porteurs de projets au profit desquels l’agence interviendra ? Tout simplement ceux qui le voudront.
Pour répondre à une autre question qui m’a été posée en commission la semaine dernière, je précise qu’il n’y a aucune obligation de demander l’appui de l’agence nationale de la cohésion des territoires. Pour les collectivités territoriales pouvant mobiliser une agence privée ou une agence créée par leur département à même de mettre à leur disposition l’ingénierie nécessaire, les opérateurs dépendant de l’État ne seront tout simplement pas mobilisés – ou le seront moins.
L’ANCT s’adresse à tous, aux communes, aux intercommunalités, aux départements, aux régions et même à des territoires s’étendant sur des collectivités différentes – on peut penser à plusieurs communes, à plusieurs intercommunalités, ou encore aux pôles d'équilibre territoriaux et ruraux, les PETR. Quoi qu’il en soit, ce sont les élus qui décideront de demander ou non l’appui de l’ANCT.
J’y insiste, nous souhaitons bien évidemment que l’ANCT puisse intervenir auprès aussi bien des collectivités locales que de structures territoriales comme les PETR ou les pays.
Cependant, si toutes les collectivités et tous les élus peuvent solliciter l’ANCT, il est évident que celle-ci, comme l’a déclaré Jean-Claude Requier, déploiera son action prioritairement dans les territoires les plus fragiles, parce que c’est naturellement là qu’on a le plus besoin de son apport, là que les moyens manquent le plus pour réaliser des projets – urbains ou ruraux –, là que les besoins en matière d’ingénierie ou de copilotage de projets sont les plus forts. Il s’agit de faire en sorte que l’agence puisse apporter une aide sur mesure.
D'ailleurs, cette politique différenciée, qui tient compte des spécificités de chaque territoire pour assurer son développement, sera au cœur de l’action que je mènerai à la tête de mon ministère. En la matière, nous savons tous ici que tous les territoires ne sont pas égaux sur le plan des ressources, et je ne parle pas uniquement d’argent ! Ce n’est pas au Sénat que l’on me dira le contraire.
Alors, oui, je veux que l’État soit en priorité aux côtés des territoires les plus fragiles, pour résorber les fractures territoriales de notre pays.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous interrogez également sur la nature de cette aide sur mesure qui sera apportée par l’ANCT. Je tiens là aussi à éclairer un certain nombre de points.
L’ANCT pourra à la fois apporter un appui technique, au travers de l’ingénierie, et, naturellement, mobiliser les financements. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Bonne nouvelle !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je veux, sur ce point, clarifier les choses.
Vous savez que des commissions DETR, réunissant les élus ruraux, financent des projets locaux. Les projets soutenus par l’ANCT à la demande des élus locaux pourront faire l’objet de financements accordés par le préfet dans le cadre de la DETR, dès lors qu’ils satisfont aux critères de cette dotation. Ai-je été claire ? (Sourires.)
M. Philippe Dallier. Si un plus un égale deux, nous sommes d’accord !
M. Roger Karoutchi. Oui, si le soutien de l’ANCT vient en plus !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Naturellement, les financements par les régions, les départements, ou encore les intercommunalités sur les projets soutenus par l’ANCT seront les bienvenus.
J’ai oublié de citer la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, qui est aussi une subvention d’État.
M. Pierre-Yves Collombat. Quelle simplification !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Comme je l’ai dit précédemment, l’agence interviendra donc en complémentarité, et non en concurrence avec les ressources techniques et financières dont disposent les collectivités territoriales et, bien sûr, leurs agences locales.
Ainsi, l’intervention de l’ANCT ne sera pas uniforme. Là où il n’y a pas de besoin, là où les élus locaux ne souhaitent pas que l’agence intervienne, celle-ci n’interviendra pas. Dans le cas contraire, nous serons présents. En résumé, chacun est libre de demander ou non l’appui technique de l’État. C’est aussi simple que cela ! Autrement dit, l’ANCT fera du « cousu main », pour employer une expression que j’affectionne, en partant des volontés et des besoins locaux.
D’ailleurs, le préfet Serge Morvan m’expliquait ce matin qu’il allait mettre en place une plateforme recensant l’ensemble des outils existants sur le territoire, à destination des élus locaux. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre-Yves Collombat. Heureuse initiative !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cette plateforme sera consultable sur internet. Elle pourra sans doute paraître d’apparence compliquée à certains, mais elle ne sera pas inutile.
Je pense, par exemple, à l’EPARECA, structure installée à Lille, que j’ai visitée récemment. Si tous les sénateurs connaissent cet établissement, parce qu’il rassemble des élus des territoires, il n’en va pas de même de tous les maires ni de tous les présidents d’intercommunalité.
La plateforme permettra d’informer les élus. Je ne parle pas des parlementaires, qui, par principe, connaissent tout ! (Sourires.)
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Vous voulez parler des sénateurs ! (Nouveaux sourires.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les élus locaux, eux, ont parfois besoin d’informations. Certains, d'ailleurs, sont à l’aise avec l’utilisation d’internet.
M. Antoine Lefèvre. Pour cela, il faut du réseau dans les campagnes ! (M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable approuve.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’est tout à fait juste, monsieur le sénateur de l’Aisne !
Nous pouvons d'ailleurs féliciter la région Hauts-de-France, qui a lancé un programme tout à fait remarquable pour installer la fibre sur tout son territoire, à l’instar, d'ailleurs, de la région Grand Est.
Comme je l’ai indiqué, la création de l’ANCT marque avant tout un changement de méthode. Elle permet de sortir d’une logique verticale, celle de l’État prescripteur lançant des appels à projets. S’y substituera une logique consistant à apporter des capacités techniques pour répondre aux projets des collectivités territoriales et des territoires, surtout de ceux qui ne disposent pas de moyens techniques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des interrogations méthodologiques, auxquelles j’espère avoir répondu, je sais que les enjeux relatifs au périmètre de l’agence, à sa gouvernance, mais aussi aux outils financiers ont fait l’objet de discussions lors de l’examen du texte en commission et ne manqueront pas d’être largement débattus dans cet hémicycle.
En la matière, le Gouvernement est favorable à l’équilibre qui figurait dans le texte initial de la proposition de loi, à savoir l’intégration, dès la promulgation de la loi, d’une partie du Commissariat général à l’égalité des territoires, de l’EPARECA, dont je salue la directrice, et de l’Agence du numérique. L’intégration de ces organismes est un choix pragmatique et stratégique, qui permettra à l’ANCT d’être rapidement opérationnelle pour soutenir les projets des collectivités territoriales.
J’ai bien entendu combien le développement numérique, surtout dans les zones rurales, était une priorité pour les membres de la Haute Assemblée.
L’option d’une intégration plus vaste, avec l’ANRU, l’ANAH, l’ADEME et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA, a longuement été discutée.
M. Philippe Dallier. C’est une très mauvaise idée !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ce choix aurait alimenté de longs débats organiques pour fusionner des organismes au statut très divers, ce qui n’aurait pas manqué de compliquer l’action de l’agence.
M. Philippe Dallier. Oui !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Et, parce que le Gouvernement sait à quel point la couverture numérique du territoire est un élément fondamental de la cohésion et du développement du territoire, il ne peut pas partager la proposition de votre commission consistant à reporter d’une année l’intégration de l’Agence du numérique. C’est pourquoi il défendra un amendement visant à cette intégration dès la création de l’ANCT.
En matière de gouvernance, le Gouvernement salue la préservation des équilibres tels que figurant dans le texte initial, à travers un conseil d’administration et un comité d’action territoriale. Toutefois, s’agissant de la création d’une agence de l’État, il ne peut pas être favorable à un partage égal des sièges entre les représentants de l’État et les autres membres du conseil d’administration. Cependant, la représentation des collectivités territoriales et des personnels y sera évidemment assurée.
Pour répondre à la question qui m’a été posée concernant la procédure parlementaire, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur la proposition de loi et sur la proposition de loi organique relatives à l’ANCT inscrites à l’ordre du jour du Sénat, en gage du soutien qu’il apporte à ces initiatives sénatoriales et de son souhait de les voir prospérer dans les meilleurs délais. Il ne vous aura pas échappé, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’examen de ces textes a d’ailleurs été inscrit à l’ordre du jour d’une semaine réservée au Gouvernement.
Le ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, a rappelé, lors de la conférence des présidents qui s’est tenue hier soir, que, en cas d’engagement de la procédure accélérée, la convocation de la commission mixte paritaire constituait une simple faculté laissée à l’appréciation du Premier ministre. Sous réserve de cette décision, qui appartient au chef du Gouvernement et à lui seul, il a par ailleurs indiqué qu’il examinerait, avec le président du Sénat, les conditions de la poursuite de l’examen de ces textes après la première lecture à l’Assemblée nationale, afin que toutes les conditions d’une convergence des deux assemblées vers une rédaction commune soient réunies.
Au-delà, le Gouvernement a déposé plusieurs amendements tendant à compléter et à enrichir le texte initial et celui qui est issu des travaux de votre commission. Je ne doute pas qu’un certain nombre d’entre eux feront l’objet d’un large consensus.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les mouvements de décentralisation et de déconcentration ont naturellement modifié le rôle de l’État, passé de prescripteur à facilitateur.
M. Pierre-Yves Collombat. L’État a disparu ! Il s’est vaporisé.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’est dans cette optique que l’État se tient aux côtés des collectivités pour faire réussir les projets des territoires.
Nous avons identifié, bien sûr, un certain nombre d’« irritants », pour reprendre le terme de mon collègue Sébastien Lecornu, mais, avec l’ANCT, nous avons l’opportunité de créer un nouvel outil lisible et fonctionnel au profit des territoires et des élus et au service de leurs projets, qui, je le répète, apportera des réponses sur mesure aux besoins.
Cette agence est un gage de rationalité, permettant que ceux qui agissent pour et dans les territoires soient plus efficaces et parviennent à réaliser leurs projets. Autrement dit, les fonctionnaires de l’État, dans leur diversité et leurs spécialités, seront mobilisés et fédérés pour aider les projets des collectivités territoriales ou des territoires. Bien évidemment, nous pensons que ce sont les territoires les plus démunis qui seront les plus demandeurs.
Je ne doute pas que la richesse du débat qui s’ouvre au sein de votre assemblée nous permettra de construire ensemble ce nouvel outil pour nos territoires, leurs élus et les habitants.
Pour terminer, je me suis rendue, hier après-midi, dans le département des Ardennes, puis, hier soir, dans le département du Nord.
À Sedan, le maire m’a dit que la commune avait subi quatre outrages. Au-delà de l’outrage des guerres successives – Sedan est un symbole qui parle à tout le monde –, la ville a souffert de la fermeture de nombreuses usines de métallurgie qui, comme vous le savez, a frappé toutes les régions de l’Est, du départ des régiments et de la baisse très importante de la démographie dans le département des Ardennes. Je peux vous dire que le maire de Sedan m’a parlé de la création de l’agence nationale de la cohésion des territoires.
Hier soir – M. Antoine Lefèvre pourra en témoigner –, nous avons signé, en présence du Président de la République, le pacte Sambre-Avesnois-Thiérache, qui concerne des territoires rencontrant de grandes difficultés et qui a ceci d’original qu’il vise, en plus des territoires cités, deux départements, le Nord et l’Aisne. Les deux présidents de ces départements étaient présents, ainsi que le président de la région Hauts-de-France, qui a été le principal interlocuteur de cette négociation avec le préfet de région.
Cet accord est très important pour ces territoires, qui connaissent un taux de chômage et un nombre de problèmes que je n’ose pas citer devant vous. Tous ceux qui étaient présents à nos côtés hier soir n’ont pas manqué de nous dire leur attente que soit créée l’agence nationale de la cohésion des territoires, afin de fédérer les moyens de l’État en faveur de ces territoires en grande difficulté. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. François Bonhomme. C’est le ravissement !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le présent texte était attendu, et l’histoire mouvementée de sa genèse révèle l’œcuménisme politique de cette attente.
Dès 2017, le président de la Haute Assemblée appelait de ses vœux la création d’une agence de la cohésion des territoires, vœux que le Président de la République fit ensuite siens, avant qu’ils ne soient repris par Philippe Vigier et ses collègues députés à l’Assemblée nationale, puis ici même, coup sur coup, par nos collègues du groupe Les Républicains dans la proposition de loi relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale, et, enfin, par le Gouvernement au cours de l’examen du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dit projet de loi ÉLAN.
Aujourd’hui, l’agence nationale de la cohésion des territoires nous revient par le truchement d’une proposition de loi du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Tout le monde veut donc sa création, mais pour quoi faire ? C’est là que les choses se corsent quelque peu parce qu’à la lecture du texte qui nous est soumis, la réponse n’est pas des plus évidentes.
En effet, ce qu’attendent les collectivités, c’est de pouvoir disposer d’un interlocuteur unique les aidant à mettre en œuvre leurs projets d’aménagement et de développement territoriaux. Cette attente est particulièrement forte du côté des territoires ruraux, qui réclament à cor et à cri des moyens financiers et humains équitables par rapport aux territoires urbains, la simplification des normes, la possibilité d’expérimenter ; ils demandent aussi que l’on fasse enfin confiance aux élus.
La présente proposition de loi regroupe, certes, mais a minima. La question du périmètre de l’agence est au cœur du débat.
C’est la formule 3 + 4 qui a été retenue. Trois établissements sont intégrés à l’agence, à savoir l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l’EPARECA, l’Agence du numérique et le Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET. Quatre établissements sont associés à l’agence par voie conventionnelle : l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME ; l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU ; l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH ; le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA.
Le choix de ce périmètre soulève de nombreuses questions. Pourquoi intégrer uniquement les trois premiers établissements et seulement associer les quatre autres ? Par exemple, pourquoi ne pas également intégrer le CEREMA à l’agence ? Un indice : tandis que l’Agence du numérique ne représente que 30 emplois et l’EPARECA 40, le CEREMA emploie près de 3 000 personnes. Il aurait en conséquence été plus compliqué d’intégrer ce dernier à l’agence dès le départ.
Le choix du périmètre actuel semble donc purement pragmatique. Il faut se demander : tel établissement, combien de divisions ? Cela, nous pouvons le comprendre.
Mais, puisqu’il est décidé de créer l’agence autour du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, pourquoi faire subsister un petit bout de celui-ci à côté de l’agence ? Pourquoi ne pas le mettre en extinction, comme l’EPARECA ? Est-il pertinent d’intégrer l’Agence du numérique ?
La question est si délicate qu’elle a conduit la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable à différer de deux ans le transfert des personnels de l’Agence du numérique à l’agence visée.
Autrement dit, en l’état actuel du texte, la création de cette agence revient seulement à transférer 40 emplois, ceux de l’EPARECA, dans le CGET. Le texte permettra sans aucun doute une meilleure coordination entre les opérateurs étatiques, ce qui est déjà un progrès.
Il y a d’autres raisons de soutenir cette proposition de loi. L’une des principales concerne l’ingénierie. Madame la ministre, vous nous avez expliqué que l’agence servirait à combler les lacunes en ingénierie sur le territoire, ce dont ont vraiment besoin les petites collectivités. De plus, le texte a été amélioré en commission pour intégrer la préoccupation environnementale et pour affirmer que l’aide aux territoires ruraux serait au cœur de l’action de l’agence. Enfin, la proposition de loi organique d’Hervé Maurey garantit que le Parlement conserve un droit de regard sur la gouvernance de l’agence.
Même si de nombreuses questions restent en suspens, comme celle de la déclinaison de l’action de l’agence sur le territoire – Jean-Claude Luche y reviendra –, nous soutiendrons la proposition de loi moins pour ce qu’elle comporte aujourd’hui que pour la dynamique qu’elle impulse.
Quant à moi, madame, monsieur les ministres, je vous fais entièrement confiance pour mener à bien ce nouveau dispositif qui doit permettre de simplifier les contraintes administratives, afin de faire de l’agence un outil ayant un maximum d’efficacité au service de nos territoires et de nos communes. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)