M. Pascal Savoldelli. Par cet amendement, nous posons concrètement la question de l’avenir de la politique de la ville, qui n’est absolument pas traitée par cette proposition de loi.
Pourtant, l’on nous dit que le commissariat général à l’égalité des territoires sera demain, sauf son pôle régalien, totalement absorbé par l’Agence. Or, parmi les missions principales de ce commissariat général à l’égalité des territoires, aujourd’hui, figure bien la définition et la mise en œuvre de la politique de la ville.
Nous nous permettons à cette occasion de faire un bref retour en arrière. Il faut savoir que le commissariat général à l’égalité des territoires résulte de la fusion de trois entités : la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, mais également le secrétariat général du comité interministériel des villes et l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances. Un pan très important des missions de cette structure correspond donc à l’élaboration de la politique de la ville. Or, à aucun moment, il n’est fait mention de ces compétences pour l’ANCT. La question est donc la suivante, madame la ministre : est-ce à dire que celles-ci disparaissent ? Et je ne doute pas de la véracité de votre réponse.
Mes chers collègues, j’ai été interpellé par de nombreux élus de ces quartiers. Ils sont très inquiets de ces évolutions, et ce d’autant plus que le plan Borloo, tant attendu, est tombé dans un grand trou noir.
Nous proposons donc de reprendre pour la définition des missions de l’agence le contenu du décret qui définit les compétences du commissariat général à l’égalité des territoires en matière de politique de la ville. Nous demandons que l’agence nationale de la cohésion des territoires mette en œuvre la politique nationale d’égalité des territoires et qu’elle soit chargée, en particulier, de la mise en œuvre de la politique de la ville. Il ne s’agit pas de définir cette politique, puisque c’est une prérogative qui appartient à l’État, mais bien de s’assurer que l’ANCT soit la cheville ouvrière de sa mise en œuvre aux côtés de l’ANRU, qui sera liée également à cette agence.
Enfin, de manière pratique, nous estimons que cette définition complétée des missions de l’agence permettrait de sécuriser celle-ci juridiquement. En effet, une telle définition permettrait de respecter le principe de spécialité qui ordonne une définition précise et complète des missions du nouvel établissement public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 2 rectifié ter, monsieur Darnaud, je partage naturellement votre préoccupation s’agissant du respect des compétences des collectivités. Il n’est pas question que l’agence empiète sur les compétences des collectivités, ou pire exerce une forme de maîtrise sur leurs actions. La commission avait émis un avis défavorable, mais compte tenu de la rectification de cet amendement, je donne, à titre personnel, un avis favorable.
L’amendement n° 33 de précision est satisfait ou sans objet, monsieur Gontard. À défaut de préciser les régions, les départements, les communes et tout autre niveau d’administration décentralisée, le texte actuel de la proposition de loi fait référence aux collectivités territoriales dans leur ensemble. Comme nous l’avons dit à l’article 1er, les communes font donc naturellement partie du public cible de l’agence. La commission a émis un avis défavorable.
L’amendement n° 50 rectifié bis inclut dans les missions de l’agence la fourniture d’un soutien aux entreprises et développeurs dans plusieurs domaines. Néanmoins, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable souhaite que l’agence s’adresse en priorité aux territoires, c’est-à-dire aux collectivités territoriales et à leurs groupements. La commission émet donc un avis défavorable.
Les amendements identiques nos 42, 54 rectifié, 59 rectifié bis et 60 méritent une clarification importante. D’abord, je tiens à dire que nous partageons tous l’objectif de la lutte contre la pollution des sols. Je pourrais à mon tour citer l’exemple de friches industrielles, dans la commune dont j’étais le maire, qui nécessitaient d’être dépolluées avant de construire.
Le fait de spécifier la pollution des sols me dérange pour plusieurs raisons. Premièrement, la lutte contre la pollution des sols fait-elle partie de la transition écologique ? Mme la ministre nous le précisera. Deuxièmement, si l’on mentionne la pollution des sols, d’autres types de pollution pourraient se trouver exclus, comme la pollution des eaux, de l’air.
La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat, en attendant que le Gouvernement nous précise si la pollution des sols est bien comprise dans la transition écologique.
L’amendement n° 12 rectifié ter de M. Bérit-Débat renvoie à une préoccupation essentielle de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, dans la perspective de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités au sein de notre assemblée. Les transports sont un facteur essentiel de la cohésion des territoires. La commission émet donc un avis favorable.
Concernant l’amendement n° 61 de M. Dantec, la diffusion des bonnes pratiques et le partage d’expériences concernant des projets réussis dans les territoires sont des mesures d’ordre administratif. Comme je vous le disais, il est important que les projets soient ascendants et non descendants. La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 13 de M. Bérit-Débat tend à apporter plusieurs précisions sur les missions de l’Agence. La mention d’une intervention renforcée dans les territoires les plus en difficulté est satisfaite par l’amendement de notre collègue Loïc Hervé à l’article 1er. En outre, plusieurs éléments ne relèvent pas du domaine de la loi : il en va ainsi de la plateforme de contenus mentionnée au premier alinéa de son dispositif, ainsi que de la mission de veille et d’alerte territoriale, qui constituent des activités purement opérationnelles et administratives. La commission émet donc un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 48, je suggère à son auteur de le retirer au profit de l’amendement n° 45 rectifié très similaire de M. Cornu, qui vise à clarifier le fait que l’ingénierie proposée par l’agence n’aura pas pour effet d’évincer la concurrence des acteurs privés.
Au-delà, un rappel me semble important : les personnes publiques ont bien le droit d’intervenir sur un marché économique, à condition de justifier d’un intérêt public. Il résulte d’une jurisprudence administrative constante que, lorsqu’une personne publique intervient sur un marché, elle doit le faire dans le respect de la liberté du commerce et de l’industrie et présenter un motif d’intérêt général justifiant cette intervention. Au nombre de ces motifs figurent, par exemple, l’insuffisance, la carence ou l’inexistence de l’initiative privée, de même que l’économie réalisée grâce à cette intervention. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter sur ce point et cet amendement procède à une clarification utile. La commission émet un avis favorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 64 rectifié bis de M. Chasseing, je rappelle que l’agence n’a pas pour ambition ni pour mission de faire concurrence aux acteurs privés de l’ingénierie. Au-delà, votre amendement est satisfait par l’amendement n° 45 rectifié de Gérard Cornu. La commission demande donc le retrait de cet amendement : à défaut, son avis serait défavorable.
Les amendements identiques nos 44 et 47 traitent d’un point auquel je suis également extrêmement attentif. Néanmoins, j’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que l’ordonnance relative aux marchés publics s’appliquera même dans le silence de la loi. En précisant l’applicabilité de cette ordonnance en particulier, il conviendrait a contrario de préciser l’ensemble des lois qui seraient également applicables à l’agence. La commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 32 rectifié de M. Gontard, votre rapporteur vous propose de vous en tenir à la rédaction adoptée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour des motifs de clarté du droit. Par ailleurs, il convient de bien faire apparaître la mission de coordination des interventions de l’État et de ses établissements publics, qui serait supprimée en cas d’adoption du présent amendement, alors qu’elle est essentielle pour permettre à l’agence d’être pleinement efficace dans les territoires. La commission émet donc un avis défavorable.
Concernant l’amendement n° 65 du Gouvernement, je partage une partie, mais une partie seulement, de la lecture du Gouvernement. Certes, le préfet a un rôle pivot en matière de coordination des interventions de l’État, ainsi que le précise le décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, mais la spécificité de l’ANCT est précisément sa vocation à incarner un guichet unique au bénéfice des collectivités territoriales, pour les actions entreprises par l’État et ses établissements publics, au premier rang desquels, en l’espèce, l’ADEME, l’ANRU, le CEREMA et l’ANAH. La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 6 rectifié ter est intéressant, car il vise à inciter à une plus grande prudence dans la conception des lois et règlements au regard de leurs éventuelles et réelles conséquences pour l’aménagement des territoires. Néanmoins, il pose une difficulté : on imagine mal un établissement public rattaché à l’État et sur lequel un ministre, quel qu’il soit, exerce une tutelle se prononcer sur l’opportunité et le contenu des politiques publiques en matière d’aménagement du territoire. Dès lors, il conviendrait plutôt d’inclure un volet dédié à l’aménagement du territoire dans les études d’impact assorties aux projets de loi. Cette idée se rapproche d’ailleurs de celle exprimée dans le remarquable rapport Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité. (Sourires.) Pour toutes ces raisons, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Enfin, l’amendement n° 31 rectifié est satisfait au regard de la rédaction actuelle de l’article 2, qui identifie bien des éléments de la politique de la ville dans le champ d’action de l’agence. La mention du développement de la participation citoyenne est peu précise. Le fait que l’agence assure l’évaluation des politiques publiques en matière d’égalité des territoires ressort de la compétence d’une direction d’administration centrale, à l’image du CGET. Ce n’est en revanche pas le rôle d’un établissement public, qui doit assurer la mise en œuvre d’une politique publique. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. La précision apportée par l’amendement n° 2 rectifié bis de M. Darnaud tombe sous le sens, je l’ai réaffirmé ce matin. Néanmoins, si elle vous semble utile, le Gouvernement émet un avis favorable.
Sur l’amendement n° 33 de M. Gontard visant à préciser que les communes seront des interlocuteurs naturels de l’agence, je ferai la même remarque. C’est évident, puisque les collectivités territoriales comprennent les communes. Je vous demande donc de le retirer ; à défaut, l’avis serait défavorable.
L’amendement n° 50 rectifié bis de M. Joly tend à préciser que l’ANCT intervient en soutien des collectivités locales et de leurs groupements. Cette précision est positive et le Gouvernement serait prêt à émettre un avis favorable, sous réserve d’une rectification supprimant le 3° de cet amendement.
M. Patrice Joly. C’est le point essentiel !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Et c’est vous qui gérerez les conséquences techniques ?
L’amendement n° 76 du rapporteur vise le même objet. Le Gouvernement émet donc un avis favorable, bien évidemment.
J’en viens aux amendements identiques nos 42, 54 rectifié, 59 rectifié bis et 60, ainsi qu’à l’amendement n° 62 rectifié bis, visant à élargir les champs des missions de l’ANCT au soutien aux collectivités locales dans le domaine de la dépollution des sols. Naturellement, cela fait partie des compétences de l’ANCT au titre de la transition écologique. Ensuite, si l’on spécifie la dépollution des sols, il va falloir ajouter tous les cas de figure qui peuvent se présenter dans de nombreux domaines. Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer, sinon le Gouvernement y serait défavorable.
Sur l’amendement n° 12 rectifié ter, qui vise à préciser que l’ANCT intervient en soutien des collectivités territoriales pour favoriser l’accès aux transports, le Gouvernement est favorable.
L’amendement n° 61 de M. Dantec fait l’objet d’une demande de retrait. Il a pour vocation de préciser que l’ANCT aura un rôle de diffusion des bonnes pratiques, ce qui sera satisfait sans qu’il soit besoin d’inscrire une telle disposition dans la loi, car cela relève de la mission de tout opérateur.
Concernant l’amendement n° 13 de M. Bérit-Débat, le Gouvernement y est défavorable. Il vise à prévoir tout d’abord que l’ANCT assure une mission de recensement et de publication des dispositifs locaux, nationaux et européens susceptibles d’être mobilisés en faveur de l’aménagement du territoire. En la matière, il s’agit d’une mission naturelle de l’agence, dont l’objet sera satisfait sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans la loi. On dit souvent qu’il faut éviter les lois trop bavardes. Essayons de respecter ce principe. Par ailleurs, le Gouvernement est défavorable, par principe, à l’alinéa qui fait référence à une « stratégie de cohésion des territoires ». Nous ne sommes pas opposés à une telle stratégie, mais celle-ci relève du travail gouvernemental et non pas de la loi.
L’amendement n° 48 de M. Bonhomme, ainsi que les amendements suivants, porte sur les ressources d’ingénierie publiques et privées existant localement sur les territoires. J’ai déjà eu l’occasion de bien préciser le dispositif prévu dans mon intervention liminaire ; comme quoi, l’expérience le prouve, la parole des ministres ne se suffit pas toujours à elle-même… Monsieur Bonhomme, je vous demanderai de bien vouloir vous rallier à l’amendement n° 45 rectifié de M. Cornu, comme je souhaiterais que M. Chasseing puisse retirer son amendement n° 64 rectifié bis, qui a le même objet. En effet, l’amendement de M. Cornu nous semble le mieux rédigé.
Sur les amendements identiques nos 44 et 47, qui visent à préciser que l’ANCT intervient dans le respect de l’ordonnance de 2015 relative aux marchés publics, le Gouvernement formule une demande de retrait, dans la mesure où leur objet est satisfait. Il serait donc inutile, sur le plan législatif, d’insérer une telle disposition.
L’amendement n° 32 rectifié de M. Gontard tend à prévoir que l’État conserve la compétence principale en matière d’aménagement du territoire. Naturellement, le Gouvernement partage l’objectif visé. Toutefois, l’adoption de l’amendement, tel qu’il est rédigé, aurait pour effet d’étendre les compétences de l’ANCT à des domaines relevant de la seule compétence des collectivités – cela fait écho à la question posée précédemment par M. Darnaud –, notamment des régions, comme dans le cas des SRADDET, par exemple.
Parce que l’agence nationale de la cohésion des territoires ne saurait empiéter sur le rôle des régions, l’avis sur cet amendement est défavorable.
Le Gouvernement n’est pas du tout favorable à l’amendement n° 6 rectifié ter de M. Marseille. Je tiens à rappeler que la préparation des projets de loi et des décrets est une compétence de l’État, qu’il exerce au travers de ses services d’administration centrale. De son côté, l’agence est un opérateur de l’État, et il ne relève pas de la mission d’un opérateur, quel qu’il soit, d’apprécier les projets de loi ou les décrets portés par le Gouvernement, quel qu’il soit lui aussi.
Enfin, concernant l’amendement n° 31 rectifié de M. Gontard, je souligne que la politique de la ville, bien évidemment, continuera d’exister au travers du CGET, intégré au sein de l’ANCT. Il est certain qu’une telle fusion ne pourra réduire le champ de la politique de la ville, dont s’occupe particulièrement, au sein du ministère, Julien Denormandie.
Cela étant, il n’est pas envisageable d’ajouter pareille précision dans la loi, car l’ANCT a pour objet de profiter autant aux territoires ruraux qu’aux territoires de montagne, industriels et ultramarins. Toutes les politiques d’aménagement du territoire sont donc concernées. En la matière, il me semble essentiel de ne pas chercher à circonscrire le périmètre géographique d’intervention de l’agence, car cette dernière, pour être véritablement au service de tous les territoires et de toutes les collectivités, doit pouvoir intervenir dans tous les domaines. C’est la raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Si j’ai bien suivi, l’amendement n° 2 rectifié bis tend à modifier l’alinéa 2 de l’article 2. Or, en commission du développement durable, nous avions complété la définition des missions de l’ANCT. Si cet amendement proposé par Jacques Genest et Mathieu Darnaud était adopté, n’apparaîtrait notamment plus toute la dimension liée à la fragilité spécifique de certains territoires. Il n’y aurait plus non plus de référence au changement climatique, à l’aménagement durable. Par rapport au travail fait en commission, ce serait un vrai retour en arrière.
Par exemple, en matière de lutte contre le changement climatique, il y aura des enjeux en termes d’adaptation sur nombre de territoires, notamment des territoires fragiles. Je veux bien entendre, madame la ministre, qu’une loi peut vite devenir bavarde. Mais le travail consensuel mené en commission ne mérite pas un tel retour en arrière, et il serait dommage d’enlever ces mentions du texte de l’article.
M. le président. Monsieur Dantec, je précise que, depuis le travail mené en commission, l’amendement a été rectifié et est devenu l’amendement n° 2 rectifié ter.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. Monsieur le président, vous avez dit l’essentiel. En effet, la rectification apportée permet de maintenir ce qui a été voté par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de tenir compte de tout le travail effectué, notamment au sujet des centres-bourgs. M. Dantec peut donc être rassuré.
M. Ronan Dantec. Merci !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote sur l’amendement n° 33.
M. Guillaume Gontard. Vous m’avez dit, madame la ministre, qu’en faisant référence aux collectivités il était évident qu’on parlait aussi des communes. Mais cela irait mieux en l’écrivant. Cela a été dit, c’est une grosse attente que suscite cette agence de la cohésion des territoires, justement dans les territoires ruraux et les communes les plus modestes. L’adoption de cet amendement serait un signal favorable à leur adresser.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 13 n’a plus d’objet.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 42, 54 rectifié, 59 rectifié bis et 60.
M. Pascal Savoldelli. Plusieurs amendements du même type que le nôtre, présenté en premier, ont été défendus par nos collègues Patrice Joly, Philippe Dallier, Laurent Lafon et Daniel Gremillet, représentant quasiment toutes les sensibilités de notre assemblée.
Madame la ministre, je m’efforce d’être le plus responsable possible après vous avoir écoutée. Mais vous me voyez aller dire à des maires et présidents de département que le Gouvernement, pour seule réponse, s’est étonné qu’on puisse songer à ajouter la pollution des sols aux missions de l’agence ? Franchement, vous me voyez dire ça ? Ce n’est pas une question de majorité ou d’opposition. Vous me voyez dire ça quand il s’agit de construire une école, un foyer, d’aménager le territoire ?
Pourquoi, sur toutes ces travées, proposons-nous un amendement similaire sur un tel enjeu ? Parce que nous avons étudié attentivement le texte de loi. Aucun de nous ne l’a détourné de son objet, et il est bien question d’aménagement du territoire. Eh bien, pour aménager le territoire, il faut réparer ! Une partie du territoire français a un passé industriel lourd, avec des traces de pollution du sol qui empêchent son aménagement, en termes de services publics, de commerces et d’autres types d’activités.
La proposition de loi met en avant un aménagement durable. Comment promouvoir un aménagement durable quand on balaie d’un revers de main la question de la dépollution des sols ? Il y a là un contresens.
Par ailleurs, je m’interroge sur le signe de confiance qu’est censé envoyer le Gouvernement aux collectivités territoriales. Comment pouvez-vous leur refuser le bénéfice de l’ingénierie de l’État et de son action territoriale en matière de dépollution des sols quand, dans le discours, vous parlez de « vitalité de la démocratie locale » ? Mais ne nous braquons pas, n’interprétons pas trop vite les propos.
J’invite véritablement toute notre assemblée, comme l’ont expliqué mes collègues, chacun avec ses mots, parce que nous avons débouché sur les mêmes conclusions, à faire en sorte que cette agence consacre l’ingénierie de l’État et l’action territoriale de l’État en faveur de la dépollution des sols. Nous maintenons donc notre amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Savoldelli, je veux bien tout entendre, sauf quand on déforme les propos. J’ai dit que cette question était comprise dans la politique globale de l’agence, laquelle sera compétente, je relis l’article 2, « notamment en faveur du maintien des services publics, de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, de la transition écologique ». Tout cela est écrit !
M. Pascal Savoldelli. Il n’y a pas de transition écologique sans dépollution des sols !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis au regret de vous le répéter, cette question est comprise dans les missions de l’agence, et vous ne pouvez pas dire que le Gouvernement refuse que celle-ci soit concernée.
M. Pascal Savoldelli. Eh bien, donnez un avis favorable aux amendements !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Non, parce qu’il faudrait alors aussi ajouter la lutte contre la pollution de la mer et un tas d’autres activités.
Je comprends bien qu’il y a eu plusieurs exemples à cet égard, mais chacun doit prendre ses responsabilités, y compris les collectivités, que ce soient les départements, les régions. L’agence nationale de la cohésion des territoires sera là pour les aider, c’est prévu dans ses compétences. Ne dites pas le contraire de ce que je vous ai expliqué.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Notre collègue Savoldelli y est certainement allé un peu fort. Toute la question est effectivement de savoir si la dépollution des sols, dans les exemples que nous avons donnés en termes d’aménagement, peut être comprise dans la transition écologique. Nous avons un doute. Donc, nous préférerions que cela soit inscrit dans la loi.
Madame la ministre, sur des amendements quelque peu identiques de précision, vous avez soit reconnu leur utilité, soit estimé que la question était déjà prise en compte dans le texte, soit émis un avis de sagesse, au motif, en quelque sorte, que cela ne mange pas de pain.
Nous serions effectivement rassurés si nous ajoutions dans le texte cette mention, qui ne porte préjudice à personne. C’est un sujet important dans nombre de territoires, évidemment en première couronne parisienne, mais aussi dans les territoires au passé industriel important, qui connaissent ce type de difficultés. Les élus locaux que nous avons été ou que nous sommes encore, mais avec des responsabilités autres, savent que la question est extrêmement difficile à traiter et que, sans soutien de l’État, on n’y arrive pas.
Dans le passé, le soutien de l’État, dans ces cas-là, a, si ce n’est toujours, du moins souvent manqué. Certains en ont fait l’expérience ici. Apportons donc cette précision ; elle est utile.
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de la Provôté. Pour abonder dans le sens de mes collègues, je dirai que la question de la pollution et de la dépollution des sols est probablement ce qu’il y a de plus vertueux en termes d’écologie, puisqu’il s’agit de reconstruire la ville sur elle-même et sur des secteurs qui, jusqu’à présent, avaient été déconsidérés, faute de pouvoir les rendre acceptables pour accueillir des habitants. Ces secteurs n’étaient pas construits, car non constructibles.
C’est une question extrêmement technique, complexe, qui demande beaucoup de savoir-faire et de compétences. Il est souhaitable que l’ingénierie de l’État puisse nous accompagner dans des situations où, parfois, nous sommes assez démunis, compte tenu de la spécificité de la pollution et du coût potentiel que la dépollution représente, car cela renchérit énormément les projets de construction.
Il est donc essentiel d’adjoindre cette mention aux autres, ne serait-ce que pour nous rassurer sur un sujet qui plombe souvent bon nombre de nos projets.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je peux comprendre les préoccupations qui s’expriment au travers de ces amendements, partagées sur un peu toutes les travées de notre hémicycle. Le problème de la nature du sol, dans tout projet porté par une collectivité territoriale, quelle qu’elle soit, est posé. Les études systématiquement menées alourdissent naturellement le coût de l’opération.
Si les auteurs des amendements insistent sur cette question de la dépollution des sols, c’est que, malheureusement, on compte de nombreux sites ayant connu une activité économique historique, et ce dans tous les départements. Madame la ministre, vous connaissez bien le département des Ardennes. Il y a, certes, moins de sites concernés, car des efforts ont été faits pour la résorption des friches industrielles. Malheureusement, il reste aussi beaucoup à faire.
Ces amendements, cosignés par de nombreux collègues, vont dans le bon sens, au regard d’une problématique particulièrement sérieuse, qu’il convient de prendre en compte. Il y a le sol en surface, mais il y a surtout le sous-sol, et c’est là qu’on peut découvrir de nombreux problèmes. Sans oublier le volet lié aux fouilles archéologiques à prévoir, présent lui aussi dans tout projet. Se pose la question du coût financier.
Je peux comprendre l’intérêt de cette agence nationale, appelée à mutualiser un certain nombre de missions. Mais n’oublions pas cet aspect fondamental que représente le coût très élevé des études préalables. Comme on dit, tout repose sur l’argent public. Je soutiendrai donc ces amendements.